La communication non verbale dans la maladie d`Alzheimer

Transcription

La communication non verbale dans la maladie d`Alzheimer
Synthèse
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2008 ; 6 (3) : 183-8
La communication non verbale
dans la maladie d’Alzheimer
Non-verbal communication in Alzheimer’s disease
Résumé. L’objectif de cette revue est de montrer l’intérêt de l’étude psychosociale de la
communication non verbale dans la maladie d’Alzheimer. Les comportements non verbaux,
qui apparaissent dans des zones corporelles aussi variées que la tête, les yeux, les bras ou
Laboratoire PSITEC,
le tronc, peuvent être considérés comme des véhicules de communication avec le milieu
Université Charles de Gaulle,
social. L’échange d’informations non verbales permet de réguler les échanges en renseiLille3
<[email protected]> gnant les partenaires de l’interaction sur leurs attitudes respectives, leurs intentions et états
émotionnels. Dans la maladie d’Alzheimer, le maintien d’une certaine communication non
verbale est observé même à un stade avancé de la maladie. Les malades continuent à
Tirés à part :
émettre des comportements non verbaux et à réagir à ceux d’autrui. La dynamique de
L.T. Schiaratura
l’échange non verbal et des facteurs sociaux qui peuvent l’influencer sont pourtant rarement étudiés. Or, des malentendus dans la communication peuvent avoir des conséquences néfastes à la santé du malade. Comprendre les comportements non verbaux du malade
et y répondre de manière appropriée est essentiel pour améliorer la qualité de la relation
sociale et le bien-être des patients et des soignants. Des pistes de recherche sont proposées
dans le cadre d’une approche intégrative et fonctionnelle des comportements non verbaux
en situation d’interaction sociale.
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LORIS TAMARA SCHIARATURA
Mots clés : communication non verbale, maladie d’Alzheimer, régulation interpersonnelle
Abstract. This review underlines the importance of non-verbal communication in Alzheimer’s disease. A social psychological perspective of communication is privileged. Nonverbal behaviors such as looks, head nods, hand gestures, body posture or facial expression provide a lot of information about interpersonal attitudes, behavioral intentions, and
emotional experiences. Therefore they play an important role in the regulation of interaction between individuals. Non-verbal communication is effective in Alzheimer’s disease
even in the late stages. Patients still produce non-verbal signals and are responsive to
others. Nevertheless, few studies have been devoted to the social factors influencing the
non-verbal exchange. Misidentification and misinterpretation of behaviors may have negative consequences for the patients. Thus, improving the comprehension of and the response to non-verbal behavior would increase first the quality of the interaction, then the
physical and psychological well-being of patients and that of caregivers. The role of
non-verbal behavior in social interactions should be approached from an integrative and
functional point of view.
Key words: non-verbal communication, Alzheimer’s disease, interaction regulation
doi: 10.1684/pnv.2008.0140
L
a maladie d’Alzheimer se caractérise par une
détérioration progressive des capacités intellectuelles, des pertes de mémoire, des difficultés de l’attention et des troubles du langage. La personnalité est modifiée, s’accompagnant de perturbations
du comportement et de l’humeur. Ces changements
altèrent les capacités de communication et perturbent
non seulement la vie du malade, mais également ses
relations sociales.
La communication est un échange dynamique de
pensées et de sentiments qui se fait avec les mots,
mais aussi avec le regard, les expressions faciales, les
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gestes, la posture, le ton de la voix et la gestion
de l’espace interpersonnel. La communication non
verbale s’acquiert très tôt, elle est en général spontanée et se manifeste souvent en dehors de la conscience. On peut ainsi penser qu’elle resterait présente
même à des stades avancés de la maladie d’Alzheimer.
Or, les recherches sur les malades atteints de la
maladie d’Alzheimer prennent rarement en compte le
langage non verbal ou, quand elles le font, se limitent
souvent à l’étude des expressions faciales émotionnelles considérées en dehors de tout contexte de communication.
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L’objectif de cet article est de montrer l’intérêt, multiple, de prendre en compte dans la maladie d’Alzheimer l’ensemble des comportements non verbaux qui
apparaissent dans les situations de communication. En
effet, ces comportements sont à la fois des reflets des
activités cognitives et émotionnelles et des véhicules
de communication avec le milieu social. Ils peuvent
renseigner sur l’évolution de la maladie, l’adaptation
émotionnelle du malade et le maintien de ses capacités
communicatives. Les implications sont importantes car
des malentendus dans la communication peuvent avoir
des conséquences néfastes sur la santé du malade et
celle de son entourage. Pour mesurer la pertinence de
cette prise en compte, il convient d’abord de situer
l’étude des comportements non verbaux dans l’approche psychosociale de la communication non verbale.
L’importance
des comportements non verbaux
dans la communication
Lorsqu’une personne communique avec autrui, elle
accompagne son discours de mouvements corporels
autres que les mouvements phonatoires directement
impliqués dans la production du langage. Ces mouvements peuvent apparaître dans des zones corporelles
aussi variées que la tête, les sourcils, les mains, le tronc
ou les jambes. L’étude scientifique de ces comportements, appelés non verbaux, a débuté dans les années
soixante et est relativement récente. D’emblée, les travaux ont été centrés sur leur apport communicatif. Ces
travaux réalisés ont été regroupés sous l’étiquette
générale de « communication non verbale » [1]. Dans
cette perspective, l’impact de la perception des gestes,
des mimiques faciales ou du regard est au centre des
recherches. Parallèlement, l’idée est apparue que les
comportements non verbaux pouvaient être également
importants pour le locuteur lui-même en participant à
son effort de verbalisation [2, 3]. Ainsi, les gestes iconiques qui représentent figurativement le contenu verbal
sont en relation étroite avec le niveau d’imagerie du
discours [4]. Dans l’étude des changements observés
avec l’avancée en âge dans le comportement conversationnel, ce type de gestes peut être relié aux déficits
dans la génération des images visuelles. Il pourrait
même y avoir, dans certaines situations de communication, une compensation entre le registre verbal et le
registre non verbal [5].
En fait, ces deux aspects sont toujours co-présents
dans la relation sociale où chaque partenaire émet des
comportements non verbaux et réagit à ceux de l’autre.
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Il s’agit d’un véritable échange qui renseigne les partenaires sur leurs attitudes et intentions et sur leurs états
cognitifs et émotionnels. Ainsi, si les expressions faciales sont liées à une expérience émotionnelle intime,
elles peuvent également avoir des fonctions sociales.
Un sourire informe sur l’émotion ressentie par la personne [6], mais également sur ses intentions à l’égard
de l’autre en traduisant une attitude interpersonnelle
positive [7, 8]. Cet échange non verbal favorise la compréhension interpersonnelle et participe à la régulation
de la relation sociale. Il apparaît de manière spontanée,
se déroule en général en dehors de la conscience et
utilise peu de ressources cognitives [9]. Il peut néanmoins devenir conscient et être contrôlé lorsque l’objectif est de transmettre une information précise. C’est le
cas du geste symbolique qui indique, le doigt posé sur
la tempe, qu’une personne est folle ou de l’expression
de dégoût qui peut être accentuée pour signaler au
partenaire que la nourriture est mauvaise [10].
Cet échange subtil d’indices non verbaux se met en
place très tôt. Rapidement après la naissance, les
bébés répondent de manière différenciée et significative aux différentes expressions faciales [11]. Ils imitent
les mouvements faciaux et synchronisent leurs mouvements précisément et sélectivement avec les sons du
discours humain [12]. Cette synchronisation non verbale favoriserait le développement de la coordination
des actions indispensable à l’interaction sociale. La
configuration du contact visuel permet par exemple la
distribution des tours de parole qui caractérisent une
conversation. Ainsi, lorsqu’une personne désire prendre la parole, elle le signale par un détournement du
regard. Lorsqu’elle est disposée à la rendre, elle pose
son regard sur l’auditeur [13]. Cette coordination non
verbale est par ailleurs liée à l’attraction interpersonnelle. Cappella [14] a montré que le taux global de
sourires devient similaire au cours d’une interaction et
que les sourires d’une personne sont précisément
coordonnés, à une fraction de seconde près, avec les
sourires de l’autre. Plus la convergence non verbale est
importante, plus le partenaire est perçu comme sympathique [15] et plus l’interaction est perçue comme satisfaisante [16].
Dans une perspective néo-darwinienne, l’homme
serait biologiquement préparé pour interagir avec
autrui et ses comportements non verbaux fonctionneraient comme des signaux innés adaptatifs [17]. Néanmoins, ils n’apparaissent pas indépendamment des
conventions sociales et peuvent être influencés par des
facteurs interpersonnels, intergroupes et culturels. Le
degré d’intimité entre les personnes détermine la dis-
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La communication non verbale
tance interpersonnelle, les contacts visuels et physiques permis ainsi que l’expression émotionnelle [7]. La
culture, le statut social et les rôles sociaux modulent
également les comportements non verbaux. Pour se
conformer à certaines normes sociales et culturelles,
les personnes apprennent à supprimer, minimiser,
accentuer ou même masquer certaines manifestations
non verbales et émotionnelles. Les femmes sont en
général émotionnellement plus expressives que les
hommes. Elles manifestent plus souvent la joie et sourient plus [18]. Leur rôle social maternant nécessiterait
l’acquisition de fortes compétences de relations interpersonnelles et d’une grande habilité à communiquer
non verbalement. Le statut social affecte également les
manifestations non verbales. Une personne socialement dominante se tient droite, ce qui donne une apparence plus grande, parle fort, manipule plus d’objets et
contrôle l’échange verbal en interrompant fréquemment le partenaire [19]. Les personnes appartenant à
un groupe socialement stigmatisé tendent, au
contraire, à être plus inhibées dans leurs expressions
non verbales [20]. Il existe également des différences
culturelles dans la communication non verbale : les
Italiens, par exemple, font plus de gestes et ont des
expressions faciales plus marquées que les Anglais. La
culture détermine aussi les contacts visuels et physiques autorisés ainsi que la distance interpersonnelle
adoptée [21]. Par ailleurs, il est intéressant de noter que
les relations intergroupes et les règles culturelles
influencent la reconnaissance des expressions non verbales. Celle-ci est facilitée lorsque les personnes appartiennent au même groupe social et culturel [22]. Enfin,
les règles culturelles de décodage peuvent différer et il
peut être perçu comme impoli, dans certaines cultures
asiatiques, de percevoir chez autrui des émotions
négatives [23].
On peut retenir que l’échange non verbal, en raison
de son ancrage biologique et de son caractère souvent
non conscient, pourrait être préservé, au moins à un
certain degré, dans la maladie d’Alzheimer. L’existence
d’un lien direct et adaptatif entre l’expérience émotionnelle subjective et sa manifestation expressive visible
[24] permettrait le maintien d’un langage émotionnel et
la régulation des relations sociales. De plus, le partage
social des règles d’expression et de décodage des comportements non verbaux permet de coordonner les
échanges au niveau interpersonnel. Ainsi, l’analyse de
la communication non verbale devrait-elle intégrer non
seulement l’émetteur et le récepteur mais aussi leur
interaction.
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La communication non verbale
dans la maladie d’Alzheimer
Dans la maladie d’Alzheimer, le déclin des fonctions
cognitives est irrévocable. Avec l’évolution de la maladie, les troubles du langage s’installent et conduisent à
l’impossibilité de s’exprimer verbalement. Si cette évolution est influencée par l’histoire personnelle et
sociale du malade, elle a toujours pour conséquence de
perturber la communication avec l’entourage. Ceci a
pour effet de rendre difficile, pour le malade, l’expression de ses besoins et, pour l’entourage, l’assurance
d’y répondre de manière appropriée. Souvent la famille
et le personnel soignant sont réduits à interpréter la
situation en s’appuyant sur les comportements non
verbaux du malade.
Capacités d’expression
Si le langage se désintègre au fil de la maladie, les
gestes, les postures, les expressions faciales et le
contact visuel demeurent [25]. On observe même que
les déficits langagiers s’accompagnent d’une augmentation des actes non verbaux [26]. Cependant, selon
d’autres auteurs, les manifestations non verbales qui
accompagnent habituellement le discours se détériorent également. Plus le déficit verbal est sévère, plus
les gestes des mains deviennent ambigus et plus ils se
réfèrent à des contenus concrets [27]. De même, les
expressions faciales spontanées en réaction à des stimuli olfactifs ou gustatifs sont moins intenses. Elles
restent néanmoins présentes et permettent de différencier les réactions de plaisir ou d’aversion [28]. A un
stade avancé de la maladie, certains malades ont des
expressions de tristesse au départ des proches qui leur
rendent visite [29] et on continue à observer des
expressions faciales distinctes de colère, de dégoût et
de joie [30]. Des patients, totalement dépendants
depuis de nombreuses années et muets, peuvent présenter des réactions faciales à l’écoute d’une conversation, même s’il s’agit plutôt de fragments d’expressions
faciales que de mimiques complexes [31]. Il est intéressant de noter que l’entourage dit observer plus d’indices non verbaux - postures, gestes, expressions faciales ou ton de la voix – pour les émotions négatives que
pour les émotions positives [32]. On peut se demander
si ce constat est à relier à l’évolution de la maladie ou si
l’entourage, en raison de la négativité de la situation et
de son investissement affectif, décode mieux les indices non verbaux négatifs et ne détecte pas les indices
positifs. Ceci pourrait à nouveau affecter les comportements de soins et les relations sociales.
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L.T. Schiaratura
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Capacités de reconnaissance
Pour que l’échange non verbal puisse être préservé,
la sensibilité aux comportements non verbaux émis
par l’entourage doit être maintenue chez le malade
Alzheimer. Il y a peu d’études sur cet aspect de la
communication non verbale, mais elles suggèrent
qu’en situation d’interaction, les personnes atteintes de
la maladie d’Alzheimer sont sensibles aux comportements non verbaux d’autrui et y répondent de manière
appropriée [33]. D’autres recherches, plus nombreuses, portent sur la reconnaissance et la discrimination
des expressions faciales en dehors de tout contexte
d’interaction sociale. Leurs résultats sont souvent
contradictoires. Certains travaux observent une détérioration de la reconnaissance des expressions faciales
[34] et de manière plus importante pour la tristesse et la
colère que pour la joie [35]. Il peut y avoir également
une moins bonne différenciation entre les expressions
de joie et de tristesse [36]. D’autres études n’observent
pas de différences dans la reconnaissance des expressions faciales lorsque les déficits cognitifs sont contrôlés et lorsque les stimuli émotionnels sont des enregistrements vocaux plutôt que des dessins de situations
émotionnelles [37, 38]. Cette moins bonne reconnaissance et discrimination des expressions faciales est à
mettre en relation avec le type de dysfonctionnement
hémisphérique qui peut affecter la perception statique
ou la compréhension des consignes verbales [39]. Les
déficits parfois observés dans l’identification des
expressions émotionnelles seraient surtout dus aux
opérations linguistiques requises dans la dénomination des expressions faciales [40].
On peut conclure que la communication non verbale demeure souvent effective dans la maladie
d’Alzheimer. Les malades continuent à émettre des
comportements non verbaux et réagissent à ceux
d’autrui, au moins en ce qui concerne les expressions
faciales. La compréhension de la dynamique de
l’échange non verbal acquiert toute son importance
dans les situations de soins. Le personnel soignant
peut être confronté, lors des soins, à des comportements du patient perçus comme agressifs : agitation,
manque de coopération et résistance physique. On
observe que les soignants négligent souvent les indices non verbaux qui préviennent de l’imminence d’un
comportement agressif et continuent leur tâche de
soins. Ceci met en danger le soignant, mais nuit également au patient qui recevra une médication et/ou sera
restreint physiquement [41]. Dans ces situations de
soins, détecter et comprendre les comportements non
verbaux du malade et y répondre de manière appro-
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priée est essentiel pour améliorer la qualité de la relation sociale mais aussi pour le bien-être des patients et
des soignants.
Vers une communication
empathique ?
Pour améliorer la communication avec les malades
Alzheimer, certaines recherches visent à développer
l’empathie émotionnelle et motrice des soignants.
L’empathie, ou convergence émotionnelle qui permet
de comprendre les émotions de l’autre, peut se faire
par le biais de l’imitation motrice et par l’adoption
d’une attitude non verbale positive. Les études consistent à sensibiliser les soignants aux comportements
non verbaux du malade [42] et à stimuler la communication empathique lors d’activités multisensorielles
[43]. Les résultats sont plutôt encourageants. Ils montrent un effet sur le bien-être des malades, leurs expressions faciales devenant plus positives. Les effets sur les
comportements d’agitation et d’agression sont moindres, ceux-ci ayant seulement tendance à diminuer.
Pour optimiser les effets de la communication empathique, il conviendrait de tenir compte de l’ensemble de la
situation sociale. En effet, l’empathie est liée à la coordination interpersonnelle et peut être influencée par
des facteurs situationnels et sociaux. Ainsi, on imite
plus une personne qui se trouve dans une situation
semblable et on ressent à son égard plus d’empathie.
Par contre, on observe moins d’empathie vis-à-vis
d’une personne qui appartient à un groupe social stigmatisé [44].
En raison de leurs appartenances sexuelle, sociale
et culturelle, les patients ont internalisé des codes spécifiques d’interaction non verbale. Ne pas en tenir
compte risque de provoquer des malentendus. Par
exemple, des signaux non verbaux liés à une attitude
positive, comme s’approcher très près du malade, le
toucher ou le regarder longuement peuvent provoquer
des réactions agressives lorsque la personne qui le fait
n’est pas familière ou ne partage pas avec le malade
une certaine intimité. Par ailleurs, s’il est important de
développer la sensibilité des soignants à la communication non verbale, cela ne peut se faire indépendamment de leurs croyances et de leurs représentations
envers les malades Alzheimer. Ainsi, il existe une tendance à ne pas prêter les mêmes émotions aux personnes appartenant à des groupes stigmatisés qu’à son
propre groupe d’appartenance [45]. Une même expression faciale est plus fréquemment attribuée à la colère
lorsque la personne appartient à un groupe social
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La communication non verbale
perçu comme violent et agressif plutôt qu’à un groupe
non classé comme violent. Pour développer la sensibilité de l’entourage aux comportements non verbaux
des malades Alzheimer et favoriser la communication
empathique, on ne peut omettre les facteurs sociaux
qui peuvent les déterminer.
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Conclusion
La communication non verbale demeure souvent
effective dans la maladie d’Alzheimer. Les malades
continuent à émettre des comportements non verbaux
et à réagir à ceux d’autrui. Ces comportements prennent donc leur signification dans la dynamique de
l’interaction sociale. L’étude de la communication dans
la maladie d’Alzheimer doit intégrer à la fois les comportements non verbaux du malade et ceux de son
entourage, familier ou non familier. Elle doit tenir
compte de la situation spécifique d’interaction - soins,
repas, échange amical, activité – et des différentes
fonctions que peuvent remplir les comportements non
verbaux dans la relation sociale. Les comportements
non verbaux émergent souvent implicitement dans
l’interaction et sont liés à l’état cognitif et émotionnel
de l’émetteur. Ils renseignent sur les attitudes interpersonnelles et permettent la régulation de l’interaction en
favorisant la coordination sociale.
Dans ce cadre d’une approche intégrative et fonctionnelle des comportements non verbaux, différentes
perspectives de recherche peuvent être proposées.
Ainsi, les gestes des mains entretiennent une relation
privilégiée avec l’expression verbale, en accentuant la
prosodie du discours, en ajoutant des informations au
message verbal ou en reflétant son niveau d’imagerie
[46]. Dans la maladie d’Alzheimer, les gestes pourraient
renseigner sur l’évolution du déficit verbal et sur le
maintien de capacités de communication. De plus,
avec les expressions faciales, la posture et le contact
visuel, ils pourraient être des indicateurs de l’état émotionnel [47].
L’aspect social de la communication non verbale
devrait également être pris en compte en se posant les
questions suivantes : comment se passent les communications non verbales entre le patient Alzheimer et les
personnes familières ou non familières, en particulier
l’entourage médical ou paramédical ? La synchronisation et l’imitation non verbale qui accompagne la coordination sociale persiste-t-elle dans la maladie
d’Alzheimer ? Comment la développer ? Les attentes,
les attitudes et les croyances de l’entourage
influencent-elles la détection et l’interprétation des
signaux non verbaux émis par le malade ?
Les implications sont importantes pour le bien-être
du malade Alzheimer et pour son entourage.
Remerciements. J’aimerais remercier particulièrement Françoise Askevis-Leherpeux pour sa lecture attentive du texte et
ses précieux conseils.
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