La course carte postale
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La course carte postale
54 DÉCOUVERTE Pas le temps d’admirer le pain de sucre qui surplombe la baie. Les chaussettes usées par les kilomètres, Augustin Harilala file vers Diego. La course carte postale MARATHON DE DIEGO - Plongée au cœur d’une course qui fait ses premiers pas. En toile de fond : les paysages extraordinaires de la pointe nord de Madagascar. Ça commence par un long briefing à l’ancienne à quelques minutes du départ. Mégaphone à la main, Jean-Marie Daval s’époumone. “La sono n’est pas encore arrivée”, sourit-il. Connu sous nos cieux pour être notamment le “papa” de la Cimasalazienne, il avait rêvé de ce jour où Diego Suarez, son port d’attache, accueillerait son premier marathon international. International ? Le terme n’est pas tout à fait usurpé. Au départ, des Malgaches bien sûr, quelques Français, un Américain, un ou deux militaires venus de Mayotte et un coureur originaire de Turquie. Venue de Tana, la ministre du Tourisme, Irène Andréas, a l’honneur de donner le départ. Elle dit : “C’est un honneur pour Diego d’accueillir un tel événement”. Pour le reste du discours, on verra plus tard. La meute est lâchée. Le mot “tactique” n’a, ici, pas sa place dans les dictionnaires d’athlétisme. Le départ est ultra-rapide. Trop. Et après un petit tour dans les rues du centre-ville, les coureurs gagnent la route de Ramena. Vue imprenable sur la baie de Diego et son pain de sucre. C’est l’atout numéro un de la course : son dé- cor. Cette baie, avec 156 kilomètres de côte, est la deuxième plus grande du monde après celle de Rio de Janeiro. Le tracé ne quitte jamais vraiment la mer. Courir au milieu d’une carte postale, c’est donc possible. Le prix à payer : des rafales de vent et une route aux allures de montagnes russes. AUGUSTIN, VAINQUEUR AUX PIEDS NUS Devant, le Malgache Fabien Randrianarison, sur le semi-marathon, mène le bal. Il est venu de la capitale. Pas loin de deux jours de route pour un petit moment de gloire et la prime accordée aux vainqueurs. 100 000 ariarys, soit une cinquantaine d’euros, c’est pas l’Amérique, mais ça permet voir venir. Le médaillé d’or du 10 000 m des Jeux des Îles décroche son compagnon d’échappée et s’impose à Ramena. Le charmant petit village de pêcheurs est en fête, aussi et surtout parce que la plage accueille également l’arrivée d’une régate à la voile entre les meilleurs marins du coin. Les marathoniens, eux, doivent remettre Mercredi 30 septembre 2009 Le Journal de l’Île le cap au sud pour le long chemin du retour vers Diego. Il fait chaud, très chaud sur la baie. Les moins prudents dépérissent. En tête depuis le début du marathon, Christian Mosa voit son avance fondre à quelques kilomètres du but. Le jeune vainqueur de l’utra trail de l’Isalo, en juillet dernier, flanche. Déshydraté, les yeux blancs, il refuse d’abord d’abandonner. Quelques spectateurs le portent. En vain. Il s’écroule sur la chaussée et c’est la voiture chargée de transporter les journalistes qui se transforme en ambulance. “Ils ne boivent presque pas pendant la course. Et certains n’ont rien mangé avant le départ”, nous dira plus tard une bénévole de la Croix Rouge. Originaire de Diego, Augustin Harilala en profite pour passer en tête. Il court en chaussettes usées, sa foulée n’a rien de très académique mais il est le seul à ne pas avoir marché sur les longues portions montantes. Son temps : 3h06’. C’est une heure de plus que le record du monde mais ça lui donne le sourire à Augustin. “Gagner ici, chez moi, c’est bien. C’était très dur...”, résume til après un passage express par les tentes des secouristes. peau de l’athlétisme réunionnais. Il raconte : “Là, j’ai beaucoup souffert. Mais franchement, je ne regrette pas d’avoir tenté l’aventure. Ça restera une super-expérience. Courir ici, c’est fantastique”. L’objectif des organisateurs et des autorités de la ville est clair : attirer de plus en plus de Réunionnais lors des prochaines éditions. À l’initiative de l’office du tourisme local, les hôteliers de la place ont joué le jeu en proposant des tarifs préférentiels. La crise politique qui a touché la capitale a fait des ravages ces derniers mois et ces nouveaux vacanciers pas comme les autres sont les bienvenus. “Pour l’année prochaine, j’ai déjà des pistes avec certains clubs de la Réunion pour faire venir des groupes”, dit JeanMarie Daval à l’heure de la remise des récompenses. La fanfare militaire donne le LA des festivités. Folklorique, dépaysant et bon enfant à souhait. “J’espère que cette belle fête va créer une émulation. Pour nos jeunes, à Diego comme ailleurs, c’est valorisant de découvrir qu’il y a autre chose dans la vie que de traîner dans les discothèques et les bars. Le sport peutêtre un moyen de s’en sortir. Et si en plus, dans les années qui viennent, ce marathon permet de resserrer nos liens avec la Réunion, le pari sera entièrement gagné”, sourit madame la ministre. Cette course est bien née. Souhaitonslui de garder longtemps ce parfum enivrant de l’aventure. Ce marathon-là ne sera jamais celui de New-York, Paris ou Berlin. C’est certain, et c’est tant mieux. Textes et photos Lukas Garcia COCKTAIL GAGNANT Derrière, loin derrière, les “touristes” profitent plus tranquillement de la “promenade”. Pour mêler vacances et rendez-vous sportif, impossible de rêver meilleur cocktail. Quatrième du semi, Judex Dhurone, licencié à l’AJA Cambuston, est le seul porte-dra- Y aller... Située sur la pointe nord de Madagascar, Diego Suarez est accessible par des vols directs depuis la Réunion le vendredi et le lundi via Air Madagascar. Comptez environ 400 euros en cette période. Charmante ville animée et agréable, elle fait figure de destination idéale pour un séjour de quelques jours. Ses lagons aux eaux turquoises, son célèbre parc national de l’Ankanara, ses tsingys rouges ou encore ses merveilleux paysages de brousse... Diego et sa région sont riches d’atouts touristiques. La deuxième édition du marathon est déjà programmée pour le 25 septembre 2010. Possibilités de tarifs préférentiels sur l’avion et l’hébergement. Renseignements : www.randorun.fr Un départ très solennel, de folles enjambées au bord de la baie, une foule curieuse, une superbe moto ouvreuse, des rebondissements, des défaillances et un beau vainqueur... Diego tient là son épreuve de référence.