Battements d`ELLE - Editions Luigi Castelli
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Battements d`ELLE - Editions Luigi Castelli
« Entre sol natal et ciel d'accueil Ton royaume unique : Ton propre cri » François Cheng Battements d'ELLE ou La Croisée des chemins Texte de Brigitte Deruy Parole de Sotigui Kouyaté Battements d’ELLE a été créé le samedi 22 janvier 2005 au Théâtre Montansier de Versailles Musique : Mathilde Sternat Mise en scène et éclairage : Jean Grison Régie lumière : Noëlle Burr Avec Brigitte Deruy Mathilde Sternat (violoncelle) 1 Battements d'ELLE Ou La traversée d'émois qui disent JE Nourrie par la Parole de celui qui sait qu’il ne sait pas. ELLE chemine dans le labyrinthe Des ténèbres vers la lumière Des larmes ou sourire Du désespoir à l'espoir De la possession au lâcher prise De la naissance à la mort répétée de chaque instant De l'avoir à l'être Jeux de la vie D'échecs en métamorphoses... À la croisée des chemins… Le Sage parle, il est un guide. ELLE témoigne. Le Sage parle. La parole ne lui appartient pas. Elle vient de la pensée des hommes. Du début du commencement à la fin des temps. Elle se nourrit pour grandir. Le silence pour entendre. Le violoncelle, musique d’une âme qui se cherche. Le rythme pour la vie qui bat. Pour le corps qui se cabre et résiste et lâche. Les aphorismes entre parenthèses sont les paroles de Sotigui Kouyaté 2 ELLE Ange déchu Malgré ces bouts et ces bouts d'existence décalée Ces heures ces minutes d'audace de renoncements de frustration De mots délivrés retenus fouillés Malgré des heures longues et des minutes longues Heures sauvages et pesantes Et le flot des mots dans la tête En tous sens batifolant Malgré des trous et des trous A reboucher pour pouvoir avancer Malgré ces fissures Lézardes dans le mur de la vie Poignées saillantes pour l'escalade du vide Malgré cette tristesse longtemps rejetée Hydre aux mille têtes Lovée dans la mémoire des souvenirs Malgré malgré malgré Avec Toi et ces êtres rencontrés sur le chemin Pour des coïts de pensées et de chair Avec cette immensité de mer humaine Dont la tempête déchaînée Secoue secoue secoue Secoue de mille sanglots Trempe trempe trempe Trempe la bulle du refuge De paquets d'embruns vomis Avec un amour différant et toujours le même Qui active le désir Étouffe les cris Épuise la fusion stérile Décuple la rage Ravive la douleur des limites charnelles Avec cette fleur d'Hibiscus Apparue ce matin Dans la bavure du soleil Qui raconte la perfection du rouge Et la sensualité du velours d'un cœur vierge Avec cet enfant fragile Abandonné sur son pouce Tétant des rêves pour l'humanité à venir 3 Avec ce mendiant ulcéreux, aviné Recroquevillé dans son duvet Sous la pluie de boue Des regards indifférents Avec ces immeubles qui s'écroulent ébranlés De la haine des pouvoirs et des humiliations répétées Avec Toi cette main tendue Qu'ELLE n'arrive pas à accrocher Avant de dévisser dans le vide Avec ce bourreau Qui vrille ta chair tuméfiée Rouvre ta plaie Excité par ton sang Remplissant les caniveaux de la haine ordinaire des temps de guerre Avec avec avec Avec et malgré Toi Debout ELLE Ange déchu Titube et avance L'éclat de soleil dans l'œil Impose la cécité des vérités Et l'égarement des croyances. « Quand tu sais que tu ne sais pas, Alors tu sauras. » « Nous sommes tous des apprentis. Le maître présente son disciple en disant : « Je vous présente mon maître ». 4 Battements d'ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE frissonne fragile murmure la tendresse hurle sa révolte désire désespérément désire rugit des tempêtes de colère abrite la vie tombe se relève, les yeux mouillés crée l'instant, avidement écoute l'invisible doute et avance aime accueille et console lutte naturellement vieillit évidemment donne simplement compatit reçoit sourit renaît tant de fois « Moi, je ne suis rien. Je ne suis qu’un vent qui passe. Je ne suis que l’enveloppe de la sagesse. Je parle à tout le monde dans le cœur. » 5 Psyché Toi Psyché Froid et doux reflet de cette écorce charnelle Qui la tient prisonnière À ton regard voyeur ELLE se soumet Ses seins se gonflent Ses reins se cabrent Sa taille s'affine Ses lèvres s'engourmandisent ELLE se plait de te plaire ELLE s'aime de t'aimer ELLE se déteste de s'aimer ELLE ne peut cesser de te plaire Ses yeux cherchent en se perdant Dans l'infinie profondeur de cette amante Aimante de glace Une réponse À ses angoisses perpétuelles Ces vies qu'ELLE a vécues N'amoncellent que détresse et douleur ELLE n'existe pas ELLE résulte Attendra-t-elle le moment Où tu choisiras de lui tendre la main Pour se noyer dans tes eaux glacées du repos sans fin ? Où lasse d'espérer de ses semblables l'insaisissable lueur Réduira-t-elle en éclats ta frontière de raison Et de ce puzzle refaçonnera-t-elle le monde ? ELLE est femme Amour lui donne des ailes Psyché âme double Fertilise-la de tes charmes divins. 6 Pourquoi Pourquoi a-t-ELLE attendu tout ce temps Petite voix de l'intérieur Pour percevoir toutes ces mélopées aux fragments encore inaudibles Pour écouter tous ces maux sortis en mots balbutiés chuchotés Dont l'intensité résonne Et secoue l'édifice Et fissure les échafaudages nécessaires aux constructions Fussent-elles faussées ? Parole du dedans sourd en cascades. Laisse le temps faire l'inventaire des dégâts salutaires Laisse le temps détruire ce qui doit périr Paroles du dehors Féconde les germes du désir Réchauffe les promesses de la terre ELLE ne veut plus d'espaces encombrés ELLE veut une maison sans murs, Remplie des murmures de l'éphémère Une maison volante tapissée de rêves Une maison en partance vers l'infini pour se poser au-delà. « Chacun invente son original et trouve son chemin. Ce que l’on imite est une copie. Personne n’a rien à prouver, ni à justifier. Libérez-vous. Osez. Prenez des risques. Proposez. Chacun est unique. C’est ta fierté. Personne ne peut être toi. » « Retrouve la naïveté de l’enfant qui est en toi. » 7 La danse ELLE danse La musique s'est emparée de son corps Trépigne dans ses pieds et ses mains Le rythme la possède ELLE possède le rythme ELLE s'allège L'air la sculpte Ses bras dessinent dans le vide Ses gestes caressent l'espace Arabesque de silence ELLE se cambre Se rétracte s'élance se retient se donne Aux regards complices qui accrochent sa peau ELLE se saoule de notes Ivre de ce désir qui la secoue ELLE s'offre à chacun ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE parle avec son corps le langage des sens voit le mouvement respire la cadence entend l'invisible palpe l'air goûte les notes. est la danse « L’aspiration à la liberté est en nous. Elle vient quand on élimine la peur. » « Le bien suprême ? Aller chaque jour vers le meilleur de soi-même. » 8 ELLE a peur ELLE a peur Du chant des sirènes qui l'attire vers les tréfonds marins Du volcan de révolte accumulée en son ventre dont la lave jaillira De la chaise blanche, dans la chambre blanche où elle s'enfermera habillée de blanc De la gravité qui terrasse au sol et fait baisser la tête Des vers qui dévorent lentement les entrailles Des ailes qui ne connaissent plus le chemin de la liberté le jour où... De ton regard qui la voit flou De son cœur trop petit pour contenir tous les amours Des bébés aux dents de fer qui guettent l'heure de la conquête De ta peur quand tu sens sa différence Des masques qui tombent laissant place au squelette de la mort De l'immense rideau de la vie qui s'ouvre au dernier acte sur le néant. De la brûlure des solitudes qui recroqueville De ton visage baigné de larmes qu'elle n'a pas vu ELLE a peur « La peur nous empêche de laisser venir L’inconnu qui est en nous. » 9 Certitude et doute Dans l’odeur de la nuit Près de la piscine allongée ELLE regarde les oliviers la lune pleine Toute la réalité que ELLE perçoit effleure la surface de l’eau. La lune si ronde si ferme dans le ciel Devient dans son reflet si fragile si mouvante et dansante et légère Caprice du petit vent moqueur brouilleur d’image Il en est de même de toute vérité si ferme si ronde Qu’une émotion indicible vient troubler La certitude d’un jour bascule dans le doute du lendemain. 10 Écrire Écrire à l'encre des tripes des mots un sens autre que le sens des sens des maux Mots décousus à rapiécer des Mots lanternes tombaux à éclairer Mots pétales d'artichaut à arracher Mots gigognes à compléter Mots valises à traîner Mots chocs entrechocs à exploser Mots fléchés à suivre... des mots gloutons et voraces irrespectueux et mal embouchés Mots câlins mots démaillotés, mots d'ordre mots de passe gros mots mi-mots bas mots fin mot mot à mot Dernier mot 11 Écoute Les flots de mots Écorchés oppressés En cascades de sa bouche Projetés vers l'extérieur Construisent une muraille protectrice Tombe de son enfermement ELLE erre Erre sans fin Dans ce labyrinthe de hauts murs Cherchant les portes cousues de fer barbelé Observant terrifiée les ombres de sa folie Les signaux de sa détresse Comprimés dans les oreillers de la nuit Hurlent ses cris muets aux vautours moqueurs Dans la prison de ta chair Écoute l'enfant Que tu fus Il connaît le chemin « Ton devoir est d’aller chaque jour à la découverte des personnes qui sont en toi. Au lieu de te perdre dans les yeux de l’autre. regarde bien et tu pourras t’y voir. L’autre est un miroir qui t’aide à définir tes manques. » 12 Rêve pour un autre temps ELLE aurait voulu lui dire « Depuis un temps et des temps et la moitié d'un temps Je t'ai attendu Et tu es venu » ELLE savait qu'elle ne prononcerait jamais ces mots Celui auquel elle aurait pu les chuchoter Vivaient dans les rêves de sa tête Des rêves venus du livre des livres Des mémoires de la mémoire. Cet homme-là s'il avait connu son désir Aurait compris sans mots son amour Il aurait emboîté ses pas Comme l'ombre de son cœur Comme la force tapie dans son ventre Comme le soleil caressant sa peau Ils auraient pétri l'argile Pour créer à l'image du bonheur Ils auraient dessiné un monde d'harmonie En mélangeant des hommes la couleur Ils auraient caché l'utopie dans le parfum des fleurs Pour que les effluves pénètrent à leur insu les cœurs Ils auraient mélangé à la pluie Des filtres qui dilatent des pensées l'étroitesse. Leurs caresses à résonance cristalline Auraient propagé dans les ondes l'équilibre des choses ELLE savait que ce n'était qu'un rêve Le rêve qui prend corps un instant Avant d'être violé par la réalité ELLE se réfugiait dans un coin de sa tête Lovée dans un berceau d'enfance ELLE pensait que cet homme existait ailleurs ELLE et LUI s'étaient trompés de temps Ils se cherchaient par-delà les vies Dans l'existence prochaine ELLE pourrait lui dire : « Par de-là un temps et des temps et la moitié d’un temps Je t'ai attendu et tu es venu » Et ne pas se réveiller. 13 « Être soi est une chose difficile qui se réalise dans la complémentarité. » Interrogation Que faire de toutes ces pensées qui s’entrechoquent ? Cette journée qui s’achève A déposé en sa mémoire Quelques fruits tombés de l’arbre de vie Émotions pensées qu’ELLE aimerait partager Pour retenir ? Pour dire ? À quoi ? à qui ? Au vent ? à l’oreille ? à l’oreiller ? À cette page qui se remplit De signes et des ratures Signes de vie Ratures de vie Vie en ratures Vie raturée Qui continue à s’écrire Pour quoi ? Pour qui ? Pour cueillir ? Pour L’accueillir ? 14 « Agir sans penser aux fruits de son action. Fais ce que tu as à faire. Une chose qui n’est pas faite n’est ni bonne, ni mauvaise. Elle n’existe pas. » ELLE ne veut pas ELLE ne veut pas Que les orgues de la barbarie crèvent la panse des étoiles Que les fils de fer barbelés entourent les palais de l'imaginaire ELLE ne veut pas Que les bourreaux t'arrachent la peau Que tu crèves sur un trottoir de solitude glacée ELLE ne veut pas Que tu l'emprisonnes dans le cachot de ton cœur De ton sourire qui habille un visage en décomposition ELLE ne veut pas T'enfermer dans sa tête En te coupant les ailes ELLE ne veut pas Et s'en veut de fermer les yeux « Quand le mal est fait, on évite le pire. » 15 Recette de poussière d'étoile Pour empêcher de se noyer dans le trou noir des regards indifférents vide de nos ténèbres ? Se souvenir de quelques sourires épars de l'enfant qui ne savait pas encore Pour éviter de sombrer dans l'appât compulsif d'avoirs illusoires et insatisfaisants ? Retrouver la trace de l'émotion partagée d'un instant de bien-être pour encore croire en son possible Pour surseoir à cette interrogation lancinante de la vanité d'être à jamais cette coquille de noix sur l'océan des doutes ? Éprouver la sensation qu'à un moment précis deux paquebots de solitude ont ouvert les écoutilles Pour croire que nous sommes autre que cet amoncellement des lâchetés quotidiennes de notre finitude ? Évoquer ces quelques nuits où deux corps éperdus de désir ont cru que l'éternité leur appartenait Dénicher Cette certitude au cœur de l'iceberg Que tu entends la détresse Qu'impuissant tu l'écoutes Bouleversé tu écoutes Tu écoutes Certitude alors Que les poussières d'étoile d'un amour éparpillé en chacun Sourient « Confronte-toi à l’autre pour établir ton manque. L’autre te permet de discerner ce que tu sais ou ne sais pas sur toi et prendre ce que tu n’as pas. Alors tu trouves ta voie. » 16 Le Cœur Éclaté Longtemps Dans la forêt séculaire Son cœur enchaîné Battit à l'unisson D'un grand chêne solitaire Nulle vibration intempestive Ne troublait ce rythme Qui peu à peu se ralentissait Devenant un condensé de cœur Enkysté Le jour des grandes tempêtes Arriva L'éclair illumina le ciel Son trait strident Visa le cœur tétanisé Qui explosa en mille éclats Un instant sidéré ELLE considéra ce cœur éparpillé Qui reflétait la lueur D'une aube endeuillée Depuis Assise sur le grand chêne déraciné ELLE distribue Aux passants anonymes et énigmatiques Les morceaux de son cœur rafraîchis Par la rosée des matins renaissants Les nuits noires de solitude profonde Lorsque le silence se transforme En CRI. Son cœur éclaté En chacun propage La plainte des blessures lucides et nécessaires Un grondement sourd se transmet Une colère révoltée couve ELLE ne renonce pas 17 « Tant que dans la vie on sait que l’on ne sait pas alors on avance. Le bien faire n’est pas un oreiller pour se reposer. » ELLE continue... ELLE continue de marcher Sur les routes encombrées de son cœur incertain Battue à mort par les vents de la tempête Remontant les sens interdits des émotions enfouies Pour se sentir solidaire en solitude ELLE continue de marcher Les yeux embrumés des orages intérieurs Vers cet horizon qui sans fin recule Pour agrandir le temps et l'espace de la déraison Pour visiter ces terres inconnues Te trouver au détour du chemin Et arriver un soir chez ELLE ELLE continue de marcher Vers cette étoile qui s'allume dans la nuit profonde Maudissant les poings serrés l'indifférence ordinaire de la haine. Pour sentir la pesanteur appuyer sur ses épaules Etre debout rapproche du ciel ELLE continue de marcher Arrêter c'est mourir 18 Nostalgie ELLE a la nostalgie des vêtements du passé Écorces délaissées Pelures négligées Dépouilles d’un autre moi Temps d’un autre temps Délester pour s’alléger Tailler pour grandir Cicatriser pour continuer Se souvenir pour ne pas recommencer Se détourner pour ne pas revenir Avancer pour ne pas s’engourdir Mourir pour renaître Mourir pour vivre « Si tu apprends à nager il faut accepter de plonger dans l’eau. …Lâcher prise pour aller là où l’on ne sait pas. » 19 Tenter le partage... Promenade matutinale dans la rosée Entre terre et ciel Mouvement de la vie intérieur Larmes le trop plein Caresse du soleil sur la peau Cigales stridentes trop stridentes Bourdonnement des abeilles dans la lavande Clapotis de l'eau ELLE aspire les odeurs Douleur dans le dos Pieds nus dans l'herbe Faire le vide VIDE ELLE écoute cette voix Murmurermurmurermumurer À l'intérieur Émoi En moi Cette voix Quelque chose d'un bien être Peut-être ça le bonheur Rien avant Rien après Pourtant... ces mots pour prolonger retenir Un instant de présent à lâcher Pour se remplir des autres moments 20 Moment désarmé ELLE est toujours avec toi dans le trouble de la nuit Dans la chaleur de ta voix à son oreille dans la saccade de ton souffle en apnée dans la convulsion de l'orgasme à ton visage dans les battements de ton cœur en désordre Dans l'infinie volupté de ce réveil tendresse Moment désarmé Oubli Oubli Des corps Trop petits pour contenir le désir, la révolte, la souffrance Trop petits pour habiter des rêves trop grands Et ce décalage à combler À désespérément combler Et cette lucidité lancinante Qui regarde féroce et amusée Et cet espoir d'être différent Décalé nécessairement décalé Et cette souffrance d'être différent Dissemblable résolument dissemblable Vivre vivre avec vivre sans Vivre pour recommencer Avec intensité Cette émotion du ventre Qui s'achève en détonations éructantes 21 dans le trouble de la nuit dans la chaleur moite des peaux accolées. Des corps présents trop présents Absolu absolument palpable Quelques secondes Retenues Fuyantes Puis la trace Quelques heures durant D'une fragrance Et se retrouver Un Un infirme Mendiant de la part absente Du bout du puzzle manquant Un instant emboîté Le temps d'un moment d'infini Perdu À retrouver La prochaine fois Si elle sera Vivre Le présent des secondes qui s'égrènent Inexorablement « Il n’y a pas de problème sans solution Ou alors il n’y a pas de problème. » 22 Dubitative sur les significations cachées Incertaine sur les effets inhalés ELLE laissa les mots Prendre leur envol Sur les flots des ondes invisibles Fausses notes Dans la fusion des corps repus Dans l'instant suspendu des cris qui s'apaisent Dans le cognement violent des battements du sang en tous sens bouleversés Dans ces secondes désorientées où les peaux redécouvrent les limites des chairs encastrées Dans ce regard encore perdu dans la tension de l'émotion à retenir Dans ce moment où l'abandon offert se réassure en une recherche complice Dans ce temps de trouble infini et fragile des accords résonnant d'une symphonie qui s'achève À cet instant d'intensité inscrit indélébile dans la nuit de nos mémoires ELLE a pleuré Sanglots rauques jaillis d'un ventre secoué décharge d'un indicible succédant à celle d'un corps ELLE a dit Je t'aime Puis a voulu Gommer assourdir ces quelques notes non prévues dans les accords derniers de la partition. Quelques notes échappées Fausses notes Fugue solitaire libérée par effraction d'un piano désaccordé Fugue solitaire Elle enfle effrayée dans les grands vents de la tempête 23 « Bien sûr Aimez-vous les uns les autres Mais aussi Acceptez-vous les uns les autres » « Celui qui se respecte, respecte l’autre » Énamourée de vous Énamourée de vous, ELLE est Ces quelques mots abandonnés aux harmonies les plus tendres aux images d'Épinal aux colportages de fantasmes en bouton Ces quelques mots fredonnent l'épanchement à la rêverie à la moiteur des troubles Ces quelques mots cachent un détonateur de bombe à retardement En amour de vous ELLE est En amour de vous ELLE existe ELLE prend chair corps En amour de vous ELLE justifie son ETRE Amour délicieux qui l'emprisonne Lien impérieux tyrannique de dépendance ELLE te hait 24 « D’une balance juste on dit qu’elle est sensible. Quand on est sensible à l’autre la justesse vient. » Échec ELLE ELLE ELLE ELLE ELLE a a a a a cogné de son amour les remparts de sa solitude entouré de duvet son cœur gelé soufflé tous les vents pour ouvrir les volets murmuré toute la folie des mots pour ébranler la peur convoqué toutes les mers pour noyer la culpabilité ELLE a échoué IL n’entend pas IL ne voit pas IL ne croit pas IL s’est échoué Que faire pour celui qui choisit la souffrance ? Où va l’amour qui déborde d’un cœur ? Où va l’amour qui s’effiloche au gré du temps ? 25 « L’inévitable, c’est la peur, il faut l’éloigner. Elle vient souvent parce que l’on pense pour l’autre. La peur est une protection. Elle ne doit servir ni de refuge, ni du repli. Refuge et repli empêchent d’avancer. » Femme Femme Autre moi-même Son Écho Ce sein qu'ELLE devine Sous ton pull moulant et transparent La bouleverse Ce téton qui se dessine Et pointe vers elle son désir L'émeut Petite femme semblable à ELLE Ton sein réveille le sien Le provoque Il gonfle à son tour Son envie de toucher le tien. Ses lèvres volontiers s'entrouvriront Pour moduler ton plaisir Femme ELLE t'a prise par la taille Et a senti ton abandon. 26 Aimer ELLE dit : Je t'aime Je t’aime C'est découvrir que le mot le plus usité À encore et encore des parfums inconnus méconnus C'est un soleil à l'horizon qui dit : Viens C'est un brasier attisé par un souffle de vie C'est une violette posée dans un écrin de feuilles d'automne C'est la révolution qui hurle sa liberté C'est son image dans tes yeux qui dessinent ses limites C'est un goéland dans la tourmente des grands vents C'est un trouble qui cherche des mots pour te surprendre C'est la tendresse tricotée pour un manteau de survie C'est un refrain qui tourne manège dans sa tête enfiévrée C'est son sexe qui se mouille quand ton corps approche C'est ton sexe qui la fouille pour la décalquer C'est les cris mélangés qui n'épuisent pas les « je t'aime » des corps 27 Le jour se lève Cette nuit-là ce fut la nuit Une nuit profonde épaisse Habitée de doutes d'abandons et de noyades Une nuit de spirales descendantes dans un boyau gluant Une nuit peuplée de spectres grimaçants et déliquescents Une nuit en hurlements de silence Une nuit autiste sans nom Le jour se lève Sois sereine Des mots trou blanc avaleur de nuit Ont lézardé l'obscurité Des troublants mots venus d'ailleurs D'une autre nuit peuplée de lueur Le jour se lève Sois sereine De quelle source êtes-vous porteurs Mots mangeurs de nuit ? De quel espoir êtes-vous prometteurs Mots effaceurs de peurs ? Le jour se lève Sois sereine De quelle naïveté est ELLE aveuglée ? De quelle illusion est ELLE bercée ? Pour que ce refrain gonfle de désir ses rêves déballonnés ? Le jour se lève Sois sereine Sur une autre planète un autre monde s'enfantait 28 « Si tu as confiance en toi ton entreprise sera à l’image de ton désir et de ta volonté donc de ton amour » « Un échec n’est pas une fin. C’est le commencement d’autre chose » Réponse ELLE avait dit : NON Non à cet enfant qui germait dans son ventre NON Non petit d’homme NON Il Il Il Il est est est est des des des des ventres ventres ventres ventres sans fenêtres où le soleil ne pénètre pas de nuit où l’herbe ne pousse pas bunker où la tendresse se glace sauvages où la peur se terre ELLE a murmuré Pardon petit d’homme Tu es l’Absent Tu es le rendez-vous avorté Ton ombre a germé dans ma mémoire Elle grandit prend sa place toute sa place Comme un grand vide IL lui répondit : OUI ELLE avait dit OUI à la vie Oui aux désirs quels qu’ils soient OUI à l’ouverture de son cœur Cette lointaine blessure comme une brèche laissait passer L’Amour et le distillait comme cette aura qui l’accompagnait partout ELLE sut alors que l’ombre son ombre était amour Et qu’elle enrobait celui qui s’approchait… 29 Laisser le temps au temps... Laisser le temps au temps D'éroder les sentiments De ternir les cœurs De délaver les couleurs Tu es là présent absent Laisser le temps au temps De ressentir l'éternité En dispersant le sable Dans le vent de l'oubli Tu es là présent fuyant Laisser le temps au temps D'user les idées De lasser les ardeurs D'ensevelir la vie Tu es là présent lointain Laisser le temps au temps De fabriquer le diamant De construire l'utopie De féconder la nuit Tu es là avenir du présent Laisser le temps au temps De trouver Le sens du chemin Dans le vécu de l'instant Es-tu là présent à venir ? « Dieu nous a fait deux cadeaux : le sommeil et l’oubli Développons deux qualités : la patience et l’humilité. » 30 Là en elle. Ce fut Sur le quai d’une gare dans un petit matin blafard Par un après-midi d’été dans une forêt en feu Sur cette bretelle de routes en points d’interrogations sans destination Au bord d’un gouffre où hurle un torrent qui se noie Au carrefour des treize vents aux confins des quatre mondes. ELLE a été abandonnée ELLE a été perdue ELLE éperdue erre Dans un labyrinthe de corridors aux murs troués de vide glacé Enfermée dans une bouteille jetée au gré des flots ELLE éperdue erre ELLE abandonnée cherche Dans le ciel derrière les nuages cherche Vers l’horizon au-delà le soleil couchant cherche Dans le trou noir du temps de la nuit cherche ELLE abandonnée qui erre À l’aube du début d’un nouveau jour ELLE s’est levée. Abandonnant son abandon ELLE lentement s’est retournée Un silence déchira l’espace Une lumière brisa la nuit Dans un ralenti de temps sans horloge ELLE a ouvert les yeux pour la première fois ELLE connut ce qu’elle cherchait Dans un labyrinthe de corridors aux murs troués de vide glacé Enfermée dans une bouteille jetée au gré des flots Dans le ciel derrière les nuages Vers l’horizon au-delà le soleil couchant Dans le trou noir du temps de la nuit ELLE connut ce qu’elle cherchait ELLE sut que cela s’appelait Amour Que depuis le début du commencement Il était là Là en elle 31 « La vérité Ça rougit les yeux Ça ne les détruit pas. » « Ce n’est pas parce que l’on ne connaît pas quelque chose que cette chose n’existe pas » 32 Mon amant Ô mon amant Égrène autour de mon cou Un collier de mots du désir Qui électrise ma peau Murmure à mon oreille Tous ces gestes délicieux Qu'accompliront tes mains Distille dans mes veines Ce breuvage de sons Qui enfle mon sexe Pénètre à mon insu La mémoire des sens Qui ravive mes envies Exorcise en jouissance Ce désir longtemps en jachère Qui bout dans mon ventre Aime en mon corps Ce temps fuyant Qui paralyse nos vies J'aspire dans ta verge Cette part de moi Qui échappe au destin Ô mon amant Laisse-moi anéantie Sur le bord de la plage Qui recueille ma dérive 33 Si ELLE meurt ce jour Si ELLE meurt ce jour Dans un accident, dans un attentat Ne pleurez pas Ne la pleurez pas ELLE est venue, a vu, a vécu ELLE a essayé de comprendre De prendre sa part ELLE a aimé, été aimée pas assez pas assez ELLE s’est efforcée de trouver le sens du non-sens De remonter le cours de son désir ELLE a bu quelques gouttes à la source Et s’est sentie un temps apaisée Dans l’extase des paradis oubliés Si ELLE meurt ce jour Ne pleurez pas Ne la pleurez pas ELLE meurt contente de quitter la vie ELLE vous a aimés Pas assez pas assez ELLE vous a retenus Pas assez pas assez La mort l’appelle Ne pleurez pas Ne la pleurez pas ELLE l’a apprivoisée Morte tant de fois Tant de fois tombée dans les ornières et les trous noirs Alors ne pleurez pas Ne la pleurez pas L’absurde a le sens de l’humour D’ailleurs pourquoi cette pensée Que vous la pleuriez ? Ah ! c’est votre mort prochaine que vous pleurez ! Merci ELLE meurt rassurée 34 Par être Dans paraître ELLE se pare de l’Etre Vêtue de sa nudité ELLE avance paisible Invisible à ceux qui ne savent pas voir Fragile et assurée à ceux qui voient ELLE chemine lentement ELLE déleste peu à peu les fardeaux inutiles Légère à elle-même ELLE affleure et rebondit sur le sol ELLE se désaltère aux sourires des Etres qu'elle croise Les mots partagés alimentent son esprit Leurs caresses sculptent son corps Le désir appelle ses pas ELLE marche sereine « Il y a ta vérité ma vérité la vérité. » 35 Arrêt sur image ELLE avait relu toutes ces crachoteries Décapsulées par le tire-douleur ELLE les considérait posées devant elle Bien ordonnées sobrement habillées d’une police Times Chic, BCBG C’était une étape un domptage réussi pour un temps Les doutes, les douleurs, les espoirs étaient Mis en mots comme en conserves Rangés sur l’étagère des lignes Une échelle pour la pensée Qui monte qui monte Grimpe et se hisse en haut de la page sur la pointe des pieds Et découvre aussi loin que portent ses yeux de pensée D’autres bouts de néant à explorer De terres vierges inexploitées Comme une suite ELLE qui regardait sa pensée en équilibre instable sur le haut de la dernière page Sourit et écrivit Fin momentanée Arrêt sur image. Brigitte Deruy 24, rue Jouffroy d'Abbans 75017 - PARIS [email protected] 36