Le jeu vidéo, un métier comme les autres

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Le jeu vidéo, un métier comme les autres
25/08/2015
Le jeu vidéo, un métier comme les autres ­ La Liberté
Le jeu vidéo, un métier
comme les autres
Sous l’œil des experts, les participants ont eu droit à un riche programme, complété
par des ateliers et des conférences. © V. Murith
21.08.2015
Fribourg • Une centaine de passionnés de jeux vidéo, de 14 à 38
ans, ont passé la semaine à concevoir des jeux, tout en profitant
des conseils de professionnels de la branche et de l’association
Swiss Game Center.
OLIVIER WYSER
Concevoir un jeu vidéo n’est pas une partie de plaisir. C’est même un
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Concevoir un jeu vidéo n’est pas une partie de plaisir. C’est même un
métier très exigeant qui demande de la rigueur mais aussi de la
créativité. Afin d’initier la jeune génération aux métiers pluridisciplinaires
de la création de jeux vidéo, l’association fribourgeoise Swiss Game
Center a mis sur pied cette semaine la première Swiss Game Academy,
un camp de formation dont le but est de susciter des vocations.
«Nous pensions peut­être compter sur une vingtaine d’inscriptions mais
nous en avons eu une centaine. Nous avons même dû refuser du
monde», s’étonne Jean Hennebert, responsable de la filière informatique
de la Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg (HEIA­FR).
Derrière le nom de l’association Swiss Game Center se cachent des
membres de la HEIA, mais également de l’Université de Fribourg ainsi
que de l’Eikon, l’école professionnelle en arts appliqués de Fribourg.
«Notre objectif est d’inspirer des vocations professionnelles parmi les
débutants et de pousser les créateurs déjà expérimentés à accélérer
l’industrialisation de leurs projets», résume Qui Cung, étudiant à la HEIA
et coordinateur de la Swiss Game Academy.
A partir de zéro
Rien de tel que la pratique pour promouvoir les métiers du jeu vidéo. Par
petits groupes, les participants au camp ­ de 14 à 38 ans, dont une
quinzaine de filles ­ ont eu quelques jours seulement pour concevoir à
partir de zéro un jeu vidéo. Afin de les guider dans cette tâche, les
organisateurs leur ont concocté un riche programme fait de conférences,
de séances de coaching ou encore d’ateliers. De nombreux acteurs
romands du secteur ont répondu présent à l’appel et sont venus
distribuer leurs conseils avisés.
Les domaines de compétences abordés lors de la Swiss Game Academy
sont nombreux: le «game design», ou l’art de concevoir un jeu, le
développement, à savoir la programmation et l’utilisation des outils
informatiques professionnels, le «game art», soit la conception graphique
et l’animation ou encore le «sound design», l’art de concevoir une
musique et des bruitages. Le public pourra se faire une idée des
productions dès cet après­midi, à partir de 15 heures, à l’Eikon. Les jeux
vidéo réalisés durant la semaine ainsi que ceux réalisés par les différents
studios suisses partenaires du camp pourront être testés.
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Comme Super Mario
Dans une salle de la HEIA, désertée durant l’été par les étudiants
classiques, les équipes de la Swiss Game Academy ont la tête dans le
guidon pour terminer leurs jeux à la veille de la clôture du camp. Un
groupe de jeunes adolescents s’affaire à concevoir les différents niveaux
de leur jeu de plateforme, qui s’inspire de la série phare du géant nippon
Nintendo, «Super Mario Bros».
«Nous avons détourné le logo du Swiss Game Center (une vache
pixélisée, ndlr) pour imaginer l’histoire d’une herbe qui doit éviter de se
faire manger par elle. Une fois avalée par le ruminant, l’herbe enchaîne
les niveaux pour s’en sortir», raconte Vincent, 14 ans et élève au CO de
la Tour­de­Trême. «A la base, on n’y connaît rien aux jeux vidéo, même
si nous y jouons souvent. Pour nous c’est l’occasion de découvrir les
coulisses de la fabrication d’un jeu», explique quant à lui Diego, 14 ans
également.
Autre équipe, plus chevronnée celle­ci puisqu’elle est composée de
jeunes qui s’adonnent déjà à la conception de jeux. Joao Ventura, 21
ans, de Salvenach, étudiant en Bachelor à la HEIA décrit son parcours:
«Je fais déjà du son, du graphisme, du code. C’est vraiment la voie
professionnelle que j’ai choisie. Je participe à ce camp pour acquérir de
l’expérience.» Le concept du jeu conçu par son équipe se rapproche de
jeux qui cartonnent sur les téléphones portables comme «Temple Run»
ou «Subway Surfers». Un personnage se réveille, forcément en retard, et
doit courir pour attraper son métro matinal. En chemin, il doit collecter du
café pour avoir de l’énergie et éviter les voitures qui lui foncent dessus.
«Les cours et les rencontres avec les professionnels sont une vraie plus­
value par rapport à de simples «game jams» où les participants ont deux
jours pour concevoir un jeu», estime le jeune homme, friand des astuces
et des conseils des gens de l’industrie: «Je pense qu’il y a un bel avenir
en Suisse pour le jeu vidéo.»
Technique et créatif
«La Suisse commence seulement à se rendre compte du potentiel de
l’industrie du jeu vidéo et de son marché énorme, qui pèse bien plus que
celle du cinéma par exemple. C’est un secteur qui commence à offrir de
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vrais débouchés», explique Qui Cung. Selon lui, les écoles de graphisme
et de multimédia sous­estiment la filière du jeu vidéo. «C’est pourquoi
l’Eikon est associée au projet. Notre but est de faire le lien entre les
différentes écoles afin de créer une émulation et de fédérer une vraie
communauté dans notre pays.» L’association Swiss Game Center
s’engage en effet sur plusieurs fronts comme la formation, la recherche
et la promotion du jeu vidéo. «Il faut sensibiliser les écoles à ces filières
et montrer aux jeunes que ce sont de vrais métiers, à la fois techniques
et créatifs.»
Parmi les intervenants de la semaine, Alexandre Renevey, game
designer au sein du studio neuchâtelois Witchlake, apporte un regard
avisé puisqu’il exerce ce métier depuis une dizaine d’années. «Même si
ce n’est pas facile de créer des jeux vidéo en Suisse, la situation
s’améliore. On voit de nombreux studios fleurir et c’est une bonne
chose.» Selon lui, les jeux vidéos qui sont devenus de vrais «films
interactifs» vont encore pousser le réalisme plus loin. Son conseil pour
les jeunes qui voudraient se lancer dans le métier: «avoir du temps libre
pour s’exercer et montrer de l’enthousiasme».
L’équipe du Swiss Game Center entend bien reconduire l’expérience
l’année prochaine. Elle n’a d’ailleurs eu aucun mal à motiver les
sponsors, parmi lesquels on retrouve de grands noms comme Nintendo,
Ubisoft ou Microsoft.
*****
L’âge d’or des studios
indépendants
Avec l’explosion du marché des jeux sur téléphones portables (lire ci­
contre) les petits studios indépendants ont désormais la possibilité de se
faire une place au soleil. Le plus illustre développeur indépendant est
peut­être le suédois Markus Persson, papa du jeu immensément
populaire Minecraft, créé en 2009. La saga de ce jeu de construction a
de quoi faire rêver: plus de 16 millions d’exemplaires vendus sur PC et
Mac, sans compter les multiples déclinaisons sur consoles et portables,
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qui totaliseraient plus de 100 millions de téléchargements. Le studio
indépendant suédois Mojang, qui édite Minecraft, a du coup été racheté
par Microsoft pour la bagatelle de 2,5 milliards de dollars.
«On peut parler d’un âge d’or pour les développeurs indépendants»,
explique Gabriel Sonderegger, du studio lausannois Sunnyside Games.
Sans atteindre les sommets de Minecraft, la société vaudoise, qui existe
depuis deux ans seulement, a récemment réussi un très joli coup avec
son jeu «The Firm», qui avoisine à ce jour les 400'000 téléchargements.
Le principe du jeu est simple, le joueur est un trader qui doit gérer son
stress afin de devenir un roi de la finance. «Nous pensions en vendre
5000. C’est un succès assez exceptionnel et inattendu», poursuit Gabriel
Sonderegger, qui rappelle que le jeu sur téléphones portables est une
jungle ultracompétitive, avec des milliers de nouveaux titres qui sortent
chaque mois: «la compétition est féroce.»
Selon l’illustrateur de Sunnyside Games, la Suisse vit une période faste
en matière de jeux vidéo. «Il y a vraiment une place à se faire dans notre
pays. C’est un marché émergent qui commence à prendre de l’ampleur.»
La Suisse est notamment un vivier de développeurs formés dans les
excellentes écoles du pays. En revanche, le côté artistique demeure
encore sous­développé. «C’est le seul hic en Suisse. Les écoles de
graphisme ou de cinéma ne mettent pas assez l’accent sur les
débouchés professionnels qu’offre le secteur des jeux vidéo», analyse
pour sa part Romane Donnet, cofondateur du studio de développement
neuchâtelois Witchlake Studio.
Loin du cliché du développeur de jeux vidéo qui reste collé devant son
écran en mangeant des chips au fond d’une cave, la profession se
façonne une nouvelle image. «Un événement comme la Swiss Game
Academy contribue à montrer que pour créer un jeu vidéo il faut de
nombreuses compétences très diverses, de la rigueur, etc. C’est comme
pour construire une maison, il faut de l’organisation et un planning»,
décrit Romane Donnet.
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Autre avantage pour les petits studios helvètes: le marché est mondial.
«La personne qui va acheter un jeu vidéo se fiche de savoir s’il a été
développé par des Japonais, des Américains ou des Suisses. C’est
d’abord la qualité du jeu qui est importante. La moitié des joueurs de
Minecraft ignorent probablement que ce jeu est suédois», explique le
cofondateur de Witchlake Studio.
«Le métier est en voie de crédibilisation dans notre pays. L’industrie du
jeu vidéo a dépassé celle du cinéma ou de la musique. Il y a un réel
potentiel, notamment en ce qui concerne l’emploi», indique Gabriel
Sonderegger, qui estime que le vent est en train de tourner et que les
pouvoirs publics se rendent compte du potentiel de ce secteur. OW
*****
Plus fort qu’Hollywood
Alors qu’il n’était encore qu’une curiosité dans les années 1970, le jeu
vidéo est devenu aujourd’hui une gigantesque industrie qui génère des
revenus de plus de 115 milliards de dollars par année. C’est deux fois
plus que l’industrie du cinéma. Les consoles de jeux se taillent la part du
lion avec un peu moins de 50% du marché mais les appareils portables ­
consoles ou téléphones ­ les talonnent. Selon le dernier rapport de l’ESA
(Entertainment software association), plus de 150 millions d’Américains
jouent aux jeux vidéo, soit 59% de la population.
Les clichés qui collent souvent aux basques des joueurs sont également
en passe de disparaître. Non, le joueur de jeux vidéo n’est pas forcément
un mâle adolescent et asocial. L’âge moyen du joueur est de 31 ans et
seulement 29% des joueurs ont moins de 18 ans. Les femmes
représentent en outre une force croissante, puisque leur proportion ne
cesse d’augmenter chez les aficionados des jeux vidéo avec 48% en
2015. En revanche, les développeurs de jeux restent en grande majorité
des hommes (76%).
Le marché du jeu sur les téléphones portables est en passe de détrôner
son grand frère sur consoles de salon. Avec 25 milliards de chiffre
d’affaires en 2014 (42% de plus qu’en 2013), le jeu sur mobiles n’en finit
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plus de rattraper son retard. La tranche d’âge des 35­44 ans est celle qui
dépense le plus d’argent pour des jeux mobiles, soit en moyenne
6 francs par personne et par mois. OW
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