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KHAOS
Luxuriatome3
FrédériquedeKeyser
LESÉDITIONSSHARONKENA
Tousdroitsréservés,ycomprisdroitdereproductiontotaleoupartielle,soustoutesformes.
©2012LesÉditionsSharonKena
www.leseditionssharonkena.com
ISBN:978-2-36540-207-1
Linda,mercipourtonaide.
Sandrine,ungrandmercipourtonsoutien,tesconseilsavisésettonbrindefolie.
Ambre…Jeteremerciedetoutmoncœur.
Corinne,Marie,mescomplicesdelapremièreheure:qu’aurais-jefaitsansvous?Jevousadoremes
chéries!!!
Prologue
Télim’avaitfaitcomprendrecequ’ilressentaitpourmoi,maisjen’avaispasencoretrouvéle
couragedel’avoueràSioetVoan.Parpeurdetitillerinutilementlajalousienaturelledesdeux
démonsquipartageaientmavieetsurtoutquej’aimaisaussiférocementl’unquel’autre.
Sitousdeuxétaientdéjàaucourantdemonaffectionpourl’entité,j’estimaistoutdemêmepréférable
denepasaborderlesujetdansl’immédiat.Nonpasquejecraigneréellementleurréactionsijele
faisais;j’étaisàpeuprèscertainequedanscecasilsauraientsaisicetteoccasionpourselivreràune
petitevengeancedeleurcru,commeparexempleetauhasardmefairemourirdeplaisir.Quoiqueà
bienyréfléchir…Non!Lajalousiepeutrapidementsetransformerenignoblepetitmonstrecruelet
samauvaiseinfluenceengendrerdessituationstrèsdésagréables.J’ensavaisquelquechose.J’avais
doncprismonpartidegarderlesilence.EtsiTélim’avaitréellementtenurigueurdemonmutisme,
ilseseraitdetoutemanièredébrouillépourmelefairecomprendre.
Pourcequej’ensavais,Télin’étaitpasàproprementparlermâleoufemellebienqu’ilsemanifesteà
moi–etàmoiseule–sousl’aspectd’unbeaugosse.Nepossédantaucuncorpsendehorsdumien,il
étaituneforce,uneentité,celle-làmêmerésidantentrelesmondesterrestresetspirituels,autorisant
ounonlepassagedel’unàl’autre.Maissurtout,ilsetrouvaitêtreunrempartcontrelesPrincipes,
huitsuperpuissancesàl’étatbrut–supermonstrueusesaussisivousvoulezmonavis–quiquelque
partau-delàdenotredimensionsontàl’originedel’existencedespursespritsquesontlesangeset
lesdémons.Inutiledepréciser,jepense,quej’étaisplusqueraviequeTéliexisteetaitlepouvoirde
lesempêcherdedébarquercheznouspourselivreràd’indiciblesexactionssurnospetitespersonnes.
Seulement,unincidentsurvenudansmajeunesseavaitcontribuéàchangerladonne.Pourme
protégerdel’attaquedel’undesPrincipesjustement,uneparcelledecequ’étaitTélis’étaitdétachée,
créantainsiunebrècheentrelesdeuxunivers.Fatalement,cettefaillesetrouvaitêtreunmoyenpour
euxdes’insinuercheznous.Cettefissuren’étaitpasbéante,maisreprésentaittoutdemêmeunrisque
àsurveillerdeprès.Parcequ’entreTélietmoi,etpourreprendresespropresmots,c’étaitàlavieà
lamort.Littéralementetlesmiennesdanslesdeuxcaspuisquetantquejevivraiilseraitcaptifde
moncorpsetmonesprit,alorsquesijevenaisàmourir,ilseraitlibéré.
N’étantquantàluipasvivantausenshumainduterme,ilnepouvaitdoncdisparaître.J’avais
vraimentdelachancequelaviehumaineaituneréellevaleurauxyeuxdesrésidantsdel’autre
dimensionparcequ’ilsauraienttrèsbienpustatuersurmoncasetdécréterquejedevaisdisparaître.
MaisfinalementunplanBavaitétémisenplace.Mêmesiàl’époquejen’avaisaucuneidéedeceque
celaimpliqueraitàlongterme,jedoisbienavouerqueçameconvenaitparfaitement.
Donc,pours’assurerqu’encasdepépinriendefunestepourtoutlemondeneseproduisej’avaisdû
suivreunenseignementparticulierdestinéàrenforcerautantmonespritquemoncorpsetainsi
permettreàTélidefairesonofficeencasd’attaquesournoise.Jenepouvaisquemeféliciterdecette
formationparcequelepireavaitbienfaillisurvenirjustement.Àcaused’unesectedetar...
d’illuminésfanatiquesn’ayantrientrouvédemieuxques’acoquineravecdesdémonsrenégats
oeuvrantpourinviterunouplusieursPrincipesànousrendreunepetitevisite.Cestraîtresn’avaient
pasétéstupides,loindelà.IlssavaientquesiunPrincipeenvahissaitnotredimensionmêmeeux
n’auraientjamaiseuaucunmoyendeledompter.Alors,ilss’étaientditqueseservirdemoncorps
commed’un«régulateur»depuissanceseraitl’idéal.Cefutàcetteoccasionquemonentraînement
psychiqueetphysiques’étaitavérédesplusutilespuisqu’ilavaitpermisàTélideprendrelecontrôle
demoncorpsetdelesenempêcher.
Traîtres,fanatiquesetPrincipesavaientdoncéchoué.Etmoi,j’étaistoujourslà.Pourl’instant.Aux
dernièresnouvelles,toutétaitcalme.Maiscelapouvaitnepasdurer.Malheureusement,laperception
del’avenirnefaisaitpaspartiedescapacitésquej’avaisacquisesgrâceàmoninstructionpeu
orthodoxe.Parcequesij’avaispuneserait-cequ’entrapercevoircequim’étaitréservé,je…
j’aurais…J’auraispu…
—Fairequoi,madouce?medemandaTéli,toutbas,sesbeauxyeuxvertsétincelantdetendresse.
Qu’aurais-tufaitsituavaissu?Qu’aurais-tupufaire?
SláineseperditunmomentdansleregarddeTéli,enfouissantleprofondsentimentderévolteet
d’injusticequelesépreuvesqu’elleavaitdûaffronteravaitgravéenelle.Notammentdufaitdeleur
cohabitation.Heureusement,elleneluienvoulaitpas.EtTéliavaitraison.
—Tusaiscommemoiquelefuturn’estpasfigé,reprit-il.Certaineschosessontimmuables,d’autres
nonetd’autresencoresontcequel'onenfait.
Chapitre1
Sláinen’avaitdoncaucuneidéedelanouvellemenacepesantsurelle,etnotammentcelleque
représentaitceluiàquiellevenaitd’ouvrirsaporte.Celle-ciétaitbienréellepourtant,mêmesi
l’hommeluifaisantfacen’étaitqu’unémissaire.L’importancedupérilquilaguettaitdépendrait
beaucoupdelafaçondontelleréagiraitetagirait,maisquoiqu’iladviennecelaauraitdes
conséquencessursaviephysiqueaussibienquepersonnelle,psychiqueetspirituelle.
Enrésumé,cecharmantboutdefemmerisquaitdeperdretoutcequ’ellepossédait:elle,ettoutcequi
comptaitpourelle:SioetVoan.
Pourquoi?Àcausedecequ’elleétaitetdeviendraitsionleluipermettait.
Sláinenesavaittropquepenserdel’individusetenantimmobiledevantelle.Unsimplecoupd’œillui
avaitpermisd’enapprendreunpeusurcethomme.Iln’étaitpasdémon,maispashumainnonplus;
l’énergiequ’ildégageait,etneprenaitmêmepaslapeinededissimuler,étaitbientroppuissante,
vibraitaupointdebrouillerl’airtoutautourdelui,leparantd’unetroubleaura.Lajeunefemmeen
conclutqu’ellesetrouvaitdoncenprésenced’unange.Etuncostaudencore!
N’ayantjamaisfréquentédetelsêtres,ellen’ytenaitdetoutefaçonpasparticulièrement.Ilsn’avaient
pastrèsbonneréputationauseindelacommunautédesdémonsetétaientnotoirementconnuspourla
trèshauteopinionqu’ilssefaisaientd’eux-mêmes;orgueillesconduisantàconsidérerl’humanité
commeautantdesouscréaturesquasimentindignesdeleurattention.
LeregardoutremerdeSláinerencontraceluicouleurd’orliquide,maisparadoxalementréfrigérant,
qu’Ylsiplongeadanslesien.Unvéritablechocthermique.Elleneputmanquerd’ydécouvrir
l’étendueduméprisqu’ilvouaitauxêtreshumains.Ouàelleplusparticulièrement?
MêmeleregardbleuglacierdeSiatris,ledémonpourunegrandepartàl’originedel’enseignement
théoriquequ’avaitreçulajeunefemme,neluiavaitjamaisfaitaussifroiddansledos.
LesyeuxdeSláineabandonnèrentlesterriblesirisdoréspourétudierlevisagetotalementfixe,mais
indéniablementbeaudel’homme;desescheveuxchâtainclairpresquerasésluidonnantfranchement
l’aird’unsoldatàsaboucheauxlèvresciselées,sonmentonvolontaireetsamâchoirecarrée
assombrieparunebarbenaissante.Lerestenel’intéressaitpas,maissitelavaitétélecaslelong
manteauqu’ilportaitleluidissimulait,et,nota-t-elleincidemment,devaitcoûterunefortune.
Lajeunefemmeregrettaitdéjàd’avoirouvertlaporte,d’autantqu’ellesetrouvaitseuleàlamaison,
SioetVoantravaillantauLuxuriacetaprès-midi-là.
Sláineneputréprimerunfrissonlorsquel’angecommençaàluiparler.
Savoixétaitaussidureetglacialequesonregard,sonintonationneluidisaitrienquivaille.
—Êtes-vousladénomméeSláine?CellequiretientTélienotage,laprotégéedeVoan,lap…
partenairedeSioaussi.Enotage?
Sláinen’apprécianil’hésitation,quin’avaitrienàvoiravecunquelconquebégaiement,ni
l’accentuationsurl’adverbemaisnerelevapas.Enrevanche,quecetindividuensachebeaucouptrop
surquipouvaitêtreSláineetsoitparfaitementconscientqu’ils’adressaitprécisémentàellela
dérangeaitpassablement.
Celaétant,lajeunefemmenesecachaitpasparticulièrement;ilétaitdenotoriétépubliquechezles
démonsqu’ellevivaitavecSioetVoan,etpourquoi.Ellelesaimait.C’étaitaussisimplequecela.
Supposantdoncquesilesdémonsétaientaucourantilyavaitpeudechancepourquelesangeseux
l’ignorent,celan’expliquaitcependantpaspourquoiellesetrouvaitfaceàl’und’eux.
—Àquiai-jel’honneur?préféra-t-elledemanderaulieudeconfirmer,histoiredegagnerunpeude
tempsetdevérifiersiellecourraitunquelconquedanger.
—Est-cevous?éludal’Ange.
—Qu’est-cequevousluivoulezàSláine?
—Répondez.Est-cevous?
—Non,certifia-t-elleenfinavectoutl’aplombdontelleétaitcapable,secontraignantàsoutenir
l’impitoyableregard.
—Jedoisvousdemanderdemesuivre,ordonnal’angequinaturellementn’étaitpasdupeetfitun
pasverselle.
Sláinereculapoursemettrehorsdeportéeets’apprêtaàrefermerlaportesurlaquellesamainétait
restéeagrippée.
—Jen’irainullepartavecv…
L’ondepsychiquequ’YlsilançaneutralisaTéliaussisûrementqu’ilfitperdreconscienceàSláine.Il
observalecorpsdelajeunefemmeglisseràterresanssongerunesecondeàamortirsachute.
Ylsinenourrissaitaucungriefparticulieràl’encontredeSláine;ilexécutaitseulementlesordres
reçus:latrouver,larameneretfairesonboulot.
Ilpritnéanmoinsquelquessecondespourl’observeravantdefranchirleseuildelademeure,
s’accroupirensuitedevantlajeunefemmeinconscienteetlaissersonregarderrersursoncorps
d’humaine.
Fragiles,faibles,faitsdechairgrossièreetstupides.Voilàcequ’étaientlesmortelsàsesyeux
orgueilleux!Pourtant,cesêtresfaisaientpartiedelacréationetl’ondevaitcomposeravec.
Interdictionétaitfaited’attenteràleurvieavecousansbonneraison.Maisrienn’avaitétéditsur
l’aidequel’onpouvaitleurapporterpourlesinciteràs’enchargereux-mêmes.
Etcelle-cienparticulierpouvaits’avérerdangereuse.D’oùsamission.
PrenantgardeànepastoucherlapeaudeSláine,peut-êtreautantparprécautionqueparrépugnance,
Ylsisesaisitdel’ourletdesapetiterobelégèreetfitremonterletissusurlescuissesdelajeune
femme.
Simplecuriosité.
Peutroubléparcequ’ildécouvrit,ilrabattitl’étoffesursesjambesavantdes’attaquerauxboutonsdu
corsagepourensuiteenécarterlespans.Sonvisagereflétaitàpeuprèsautantd’émotionques’ilavait
étéoccupéàobserverunblocdepierre.Ylsijugeanéanmoins,entouteobjectivité,quecettemortelle
n’étaitpastropdésagréableàregarder.Pasuniquementsesjambesousesseins;quelquesminutes
plustôt,ilavaitpudécouvrirlateinteinhabituelleetintensedesesiris,sonvisageassezjoliselonses
proprescritères.Rienàvoircependantaveclesbeautésquel’onpouvaittrouverparmisespropres
congénères.
Lesangesn’étaientpasdénuésdesentiments,debesoinsoud’envie,maisilneviendraitàl’idée
d’aucund’entreeuxdes’abaisseràlesexprimeravecunêtrehumain.Ylsiendossaitactuellement
cettechairquilerebutaitafind’obéirauxordresdesessupérieursets’acquitterdesamission,mais
avilirsonessencedelumièreenl’emprisonnantdanscetteenveloppeimparfaiteétaitamplement
suffisantpourrevoiràlabaissesonopinionpersonnelledeshumainsdéjàpeuflatteuse.
Arrêtantlàsonobservation,l’angeseredressa,enjambalecorpsdeSláinesansplusdecérémonieet
l’abandonnapoursedirigeràl’étagedelademeure.
Siatrisobservaitsonvis-à-visdepuisunmomentsansparveniràsedéfairedesonenviedesemoquer
delui.Sion'aspiraitaucunementàsetrouverlà,assisdel’autrecôtédesonbureaudansleslocaux
duLuxuriaqu’ilsadministraientensemble.Celadevaitfairedixbonnesminutesqueledémonavait
décroché;Siatrisn’étaitmêmepascertainquesonamiaitentendulaquestionqu’ilvenaitdelui
poser.Iln’avaitpasbesoindeluidemanderàquoiouàquiilpensait.Àcequ'ildésiraitfaireetavec
quiplusexactement.
Siatrisavaitbeaucoupd’affectionpourSláineetpeut-êtremêmeuntoutpetitpeuplus.Illarespectait,
sesentaitattirésexuellementaussi.Pasaupointdeluiimposersondésirdèsqu’illavoyait,maissila
jeunefemmevenaitàluifairedespropositions,ilnelarepousseraitcertainementpas.D’autantplus
qu’elleavaitdéjàeuquelquesexpériencesSMavecSioetquetousdeuxentretenaientunerelation
dominant/dominéidéaleencesensquel’unaimaitsesoumettreàl’autreetinversement.Sioavaitune
chanceincroyabled’avoirenfintrouvécellequ’ilcherchaitdepuislongtempsdéjà.Siatrisseprenait
parfoisàespérerquedanslecadredel’undeleursjeux,Sioenviendraitàluiconfierlajeune
femme.
Ilétaitsûrquel’expérienceserévéleraitjouissive.Pourtoutlemonde.
SláineneressemblaitenrienàLéa,sonex-compagneetgéranteduLuxuria;elleluiétaitcertes
apparuedansunpremiertempscommeuneravissantejeunefemme,maisdépourvuecettepetite
étincellequiauraitpuletoucher,mêmesisoncaractèrel’amusaitbeaucoup.
Lorsqu’avecSio,ill’avaitramenéeauclub,Sláinerenvoyaitl’imaged’unechieusemodèlegéant.
MaiselleavaitfiniparsedévoileretSiatrisavaitapprisàlaconnaître,l’apprécier,l’avaitvue
s’épanouiretlaconnaissaitdésormaispresqueaussibienqueSioouVoan.Loindegâcherl’image
qu’ilavaitd’elle,Sláines’étaitrévéléecourageuse,attachanteetbeaucoupplusattirantequ’ilne
l’avaitestiméàpremièrevue.Maiselleétaitaussichassegardée.
Siatrisnecomprenaitpastropcommentlajeunefemmes’yétaitprise,sitantestqu’elleaitfaitautre
chosequ’êtreelle-mêmepouryparvenir,maisSláineavaitréussiàsefaireaimerdedeuxdémons.
EncorequeleverbesoitunpeufaibleselonluipourqualifierlessentimentsqueVoanetSioportaient
àlajeunefemme.
—Sio,tum’écoutes?s’enquitfinalementSiatrissansdissimulerlesourireironiquequiluivenait
auxlèvres.
Lesyeuxaussinoirsquedel’obsidiennedudémonplongèrentdanslessiens.
—Tonsilencesignifie-t-ilquetuacceptes?demandaencoreSiatrisjubilantparanticipationdece
qu’ilallaitdireensuite.
—Quej’acceptequoi?articulaavecunriend’irritationlavoixgravedeSion’appréciantpasoutre
mesurequesonassociél’aitsortidesonrêveéveillé,quandbienmêmeétait-ilauLuxuriapourbosser
etnonpasfantasmersurSláine.
Ledémonétaittellementdinguedecettefemmequec’étaitpourtantcequ’iladvenait
systématiquementdèsqu’iln’étaitpasavecelle.Lorsqu’ilssetrouvaientensemble,Sionepouvaitse
retenirbienlongtempsdelacontempler,latoucher…s’iln’étaitpasdéjàoccupéàluifairel’amour.
Etmêmedanscecas-là,sonespritaspiraitenplusàrejoindrelesien.Cebesoindefusionner
totalementavecelle,d’unemanièreoud’uneautre,tenaitdel’addiction.
SanaturefaisaitdeSiounêtreavidedeplaisir,endonner,enprendre,encorequ’encequiconcernait
Sláineluienprocurerlesatisfaisaitcommejamaisilnel’avaitétéauparavant,avecaucunedeses
partenaires.Peutêtreparcequ’elleétaitcellequ’ilavaitlongtempscherchéeouparcequ’ilavaitdéceléuneégalechez
elle.
—MelaisserbaiseravecSláine,répétaSiatris,guettantattentivementlaréactiondudémon.
LajalousiedeSiosemanifestaparunmiroitementécarlatedansl’obscuritédesesiris.Moinsvisible
maisbeaucoupplusrévélatricefutlapointeacéréedesadaguepiquantlecœurdudémon;cependant
cettedouleur-làluifutexquise.
UnlégersourireétiraleslèvresdeSioàmesurequedesimagesdudélicieuxcorpsdeSláinelivréà
laconvoitisedeSiatrisnaissaientdanssonesprit.
—Seulementsielleestd’accord,précisaSio.MaisjedoutequeVoantelaissefaire.
—Lelaisserfairequoi?voulutsavoirlegéantquijustementfaisaitsonentréedanslapièce.
Voanrefermalaportedubureauetletraversaenquelquesenjambéespourrejoindresescondisciples.
—Rien,préféraéluderSiatris;VoanneréagiraitpasaussicalmementqueSioetrisquaitmêmede
détruiretoutlemobilier.JefaisaisjustemarcherSioen…
—IlveutcoucheravecSláine,lecoupacedernierenluiadressantunsouriremalveillant.
Voans’étaitlaissétomberdansl’undesfauteuilsmaissereleva,lentement.Lecuirdesonpantalon
crissadanslesilencedubureau.Sesdeuxpoingsserefermèrent.Nonpaspourselanceràl’assautdu
beauvisagedudémonblond,maispourseposersurleplandetravaildubureauetluipermettredese
pencherverslui.
Lesirisdugéant,violetsentempsnormal,viraientaubleuélectriquesouslecoupdelacolèreoude
lajalousie.DeuxprunellesindigoserivèrentauregarddeSiatris.
—Tupeuxfaireunecroixsurcetteidée,articulaVoand’unevoixsourdeetaveclenteurpour
soulignersesmots.Etpendantquenousysommes,j’aimeraisquedorénavanttut’abstiennesdela
tripoteràchaquefoisquetuvienscheznous.
—C’estmoioutuesencoreplusjalouxqu’avant?leraillaSiatris.
Voanseredressamaisneréponditpas.Iln’étaitpassimplementexclusif,maiscarrémentmaladede
jalousiedèsqu’unautremâlefaisaitminedes’intéresseràSláine.AlorsimaginerSiatris,ouunautre,
posersesmainssurelle,sursapeauquilerendaitdingue,sabouchesurlasienne,sesseinsouentre
sescuissesluidonnaittoutbonnementdesenviesdemeurtre.S’ilavaitpufaireuneexceptionpour
Sio,c’étaituniquementparcequeVoanavaitcomprisquel’amourqueSláineportaitàSion’enlevait
rienàceluiqu’elleéprouvaitpourlui.Sansleténébreuxdémonetcequetousdeuxs’apportaient
mutuellement,ellen’auraitpasétéaussiheureuseetsansdoutepastotalement«complète»nonplus.
EtVoann’aspiraitqu’àlacombleretlarendreheureuse.Parcequ’elleétaitmerveilleuse,belleet
forte,qu’ellel’avaitacceptételqu’ilétait.Mieux,elleluipermettaitd’êtrelui-même.
Sajalousierefluaunpeulorsquesespenséesdérivèrentsurcequ’ilsavaientfaitlaveille,tousles
trois.Voanavaitadorésurprendrel’extraordinaireregarddeSláinesurluialorsqu’illaissaitsa
bouchesepromenersurlecorpsdudémon,lorsqu’elles’étaitpresséesurcelledeSio,quesalangue
avaitpercélebarragedeseslèvrespourapprofondirsonbaiser;commehypnotiséeSláineavait
suivilelenttrajetdesesmainssurlapeaudeleuramant,celuidesabouchejusqu’àcequ’ellese
refermesursonsexe.
Loindesesentirexclueellel’avaitrejoint,regardéunmomentdonnerduplaisiraudémonpuis
s’étaitfaitsacomplice,ets’étaitréjouiequ’ensembleilsaientarrachédenombreusessupplicationsà
Sio.VoanétaitpresquecertainquesiSláinevenaitàyrepenser,ellesemettraitàrougirjoliment.Ou
peut-êtreleferait-elleàcausedecequ’illuiavaitfaitjusteaprès.Incapablederésister,ils’était
ensuiteruésurelle,l’avaittrouvéetrempée,auseuildel’orgasme,etavaitprisunmalinplaisiràla
fairejouirplusieursfoisdesuite.
LesouvenirdescrisdeSláine,desongoûtcoulantdanssagorgearrachaungrondementsatisfaitau
géant,sonérectionemprisonnéeparlecuirdesonpantalon,ungrognement.
SicesonétaitpourSiatrisunemanifestationdumécontentementdugéantàcequifinalementn’avait
étéqu’uneinnocenteplaisanterie,Sioenrevanchesavaitdequoiilretournait,parcequesespensées
avaientsuivilemêmecheminetqu’ilétaitdanslemêmeétatquesonvoisin.
Plusqu’impatientsderentreretretrouverSláine,lesdeuxdémonsréglèrentlesaffairesdujouren
quatrièmevitesse,Voanneseprivantpaspourautantd’informerSiatrisqueLéafaisaitdel’œilau
nouveauserveur,quipoursapartsemblaitn’avoird’yeuxquepourlasœurd’icelletravaillantavec
lui,etl’invitantàsurveillertoutcecharmantpetitmondeavantquecelanetourneenguerrecivile.
FatiguéparlesincessantsproblèmesqueLéaluiposaitdepuisleurséparation,peut-êtreavecl’espoir
qu’illaremettedanssonlitalorsquec’étaitellequienétaitpartie,oujustepourl’emmerder,Siatris
poussaunprofondsoupiretsepromitdesetrouverunejoliepetitehumaineàsemettresousladent
cettenuit-là.
Unebrunetteauxyeuxbleusaphirdepréférence.
Chapitre2
AprèsavoirrassemblélaplupartdesvêtementsdeSláineetsonsacàmain,omettantcependant
délibérémentderécupérerobjets,bijouxoutenuesqu’ilsupposaitêtredescadeaux,Ylsi,lesbras
chargésd’uncarton,repoussadupiedlecorpsdelajeunefemmegisanttoujoursinconscientesurle
carrelagedel’entréepouréviterdeluimarcherdessus.
Làoùill’emmenait,ellen’auraitbesoinderiendutout,maisl’angesouhaitaitfalsifierlamotivation
desondépart.
Ildescenditlesquelquesmarchesdelaterrassepuissedirigeaverssonvéhiculedontilouvritle
coffre.DeuxvoyagesluisuffirentpourchargerlesquelquespossessionsdeSláine,letroisième
visantàl’étendresurlessiègesarrièredesavoiture.Avantdelaprendredanssesbras,ill’avait
préalablementenveloppéedansunecouverturepourévitertoutcontactavecsapeau.Néanmoins,il
n’avaitpasmanquédepercevoirlachaleurémanantdesoncorpslorsquecelui-cis’étaitretrouvé
colléausien.Lecontentementqu’ilenretiraétaitcontrenature;sonmécontentementsemanifesta
paruninfimefroncementdesourcils.
Ylsihésitaunmomentquantàsavoirs’ildevaitlaisserunmotàl’intentiondesdeuxamantsdela
fille,enimitantsonécriture,pourleursignifierqu’ellelesquittaitetpourquelleraison.
L’angeregrettaalorsdel’avoirneutraliséeaussistrictement,sonespritétaitcomplètementfigéet
l’empêchaitdoncdesavoircommentelleauraitagidansuntelcas.Estimantfinalementplus
perturbantdelaissercroirequ’elles’étaitenfuiesansmêmesesoucierdeleurfournirune
explication,ils’enabstint,maisseservitdesespouvoirsangéliquespourmodifierl’empreinte
psychiquelaisséeparlajeunefemmedanslademeure.Cepuissantmarqueursensitifaltérerait
égalementlaperceptiondesdeuxdémons,produisantsureux,surleurespritplusprécisément,les
mêmeseffetsqu’unpoison.Qu’ilagissetelunveninfulgurantouaucontrairecommeunelenteet
sournoisetoxine,lerésultatfinalseraitlemême.
Parceques’ilvoulaitquesonplanBsoitefficace,ildevaitfaireensortequecesdeux-làluivouent
undésintérêtouunerancuneàlamesuredel’amourqu’ilspensaientluiporter.SiYlsiconnaissaitle
goûtdesdémonspourlesplaisirsdelachairavecleshumains,ilnepouvaitconcevoirqu’ilspuissent
êtresincèresdanslessentimentsqu’ilsdisaientparfoisnourrirpourcertainsd’entreeux.
Cettephasedesonprojetn’étaitdestinéequ’àassurersesarrièrespourlecasoùlepremiertraitement
qu’ilréservaitàSláinenefonctionnaitpascommeill’espérait.Maiss’ilavaitdelachance,d’ici
quelquesheures,joursaupire,ilauraitobtenulerésultatquesessupérieursattendaient.
Alorsenfin,ilpourraitréintégrersonunivers.
SioetVoanperçurentquequelquechosen’allaitpasàlasecondeoùilspénétrèrentdanslagrande
demeuredestylecolonial.Sláinen’étaitpaslà.
Dansl’absolucen’étaitpasinquiétant,ellepouvaitêtresortiefaireunecourseoupartiesepromener.
Maisellen’avaitpasmêmelaisséunmotàleurintention.Peut-êtreavait-elleoubliéouagisurun
coupdetête?
Maisl’uncommel’autresentaitqu’ilyavaitbienplusqu’unesimpleabsence,plusqu’unvidede
présence.Ilrégnaitdanslamaisoncetteimpressionqu’ellen’yétaitjamaisvenue,n’yavaitjamais
vécuquoiquecesoitaveceux;pire:commesiSláinen’avaitjamaisexisté.Lesmurssemblaientne
passesouvenird’elle.Dansl’airflottaituneinfinietristesse,toutparaissaitgris,recouvertde
poussièreoudecendre,commesiladisparitiondelajeunefemmeternissaitjusqu’auxcouleurs.
TellefutentoutcaslaperceptiondeSioetVoandel’absencedeSláine,celleconféréeparleur
sensibilitéd’êtressurnaturels,celleàlaquellelesconfrontaientleurssentiments,maissurtoutlesort
laisséparl’angequilesavaitcontaminésàlasecondeoùilsavaientfranchileseuildelamaison.
Immobilesdanslehalld’entrée,lesdeuxdémonssemblaients’êtrefigéspourl’éternité.Ilsécoutèrent
lesilenceencoreunmoment;celui-cifutfinalementrompuparunhurlementderagejaillissantdela
gorgedeSio,justeavantqu’ilnesedématérialisepourréapparaîtreàl’étage,danslachambrede
Sláine.L’espoirinsenséqu’avecunpeudechanceildormaitetfaisaituncauchemarnetardapasà
êtreanéanti,aprèsqu’ilsesoitruédanstouteslespiècesdupremierenespérantl’ytrouver.Plusles
secondesdéfilaient,plussonespérances’étiolait;Siosentaitsoncœursedéchirer.Pasuneécorchure
franche.Non,c’étaitcommesil’ons’amusaitàendécouperdeslambeaux,lentement,avecméthode,
précisionetapplication,parcequec’étaitplusdouloureux.C’étaitégalementl’assurancequecette
souffranceresteraitàjamaisgravéeenlui.
Puiscefutledéni.
Jevaismeréveiller.Plusjamaisjenedormirai.Ellem’aime.Ellen’auraitjamaisfaitça.
Non!Ellenepeutpasêtrepartie!Ilnefautpas!Ils’estforcémentpasséquelquechose.
SioserenditànouveaudanslachambredeSláine.Paralysé,n’osantrientoucherdepeurdesouiller
lesanctuairequ’étaitdevenuelapièce,sonregardlaparcourut.Sessouvenirsd’ellecréèrentdes
fantômesdelajeunefemmeyévoluant:Sláinequidormait,Sláinesortantdeladouche,lisant,riant
ouétenduesouslui,sonbeauregardvoiléparleplaisirqu’illuidonnait.
Ledémonchassacesimagespartropinsupportables,fermantlesyeuxetserrantlesdents.
Lasouffranceétaitpartoutdanssoncorps,sedéversantdanssesveinestelunacide,meurtrissantses
muscles;soncœursaignait,sonespritn’étaitplusqu’undésertbalayéparunventglacial.
Levidenédelanon-présencedelajeunefemmedanslamaisonserépercutaégalementchezSiosous
laformed’untrounoiraufonddesonesprit,unnéantsidéraloùilselaisseraittomberavec
soulagementlorsqu’ilseraitabsolumentcertainqueSláineétaitvraimentpartieparcequ’ellene
l’aimaitplus,étaitmorteoupourquelqueautreraison,qu’ilauraitl’assurancequ’ellenereviendrait
pas.
Siorefermadoucementlaporte,remontalecouloiretdescenditlesescaliers,lesyeuxrivéssurVoan
quin’avaitpasbougéd’uniota.Levisagedugéantnereflétaitstrictementrien.Rienentoutcasdece
queSios’étaitattenduàyvoir.
—Elle…
—N’ajamaisexisté,lecoupalavoixdénuéedeviedeVoanquiplongeasonregarddevenusi
sombrequ’ilenparaissaitnoirdansceluideSio.
C’étaitcedontiltentaitdésespérémentdeseconvaincredepuisqueSiol’avaitquittépourselivrerà
sesrecherchesinutiles.
Pournepassombrer.
Dèsqu’ilavaitfranchileseuildelamaison,Voanavaitétécontaminéparlesortilège,toutautantque
Sio.Cependantsaréceptivitéétaitsensiblementdifférentedecelledel’autredémon.Parcequeleurs
naturesl’étaientaussi.Peudepersonneslesavaient.
Sidansunpremiertempsl’espritdeVoans’étaittoutd’abordpétrifié,bloquésurcettecatastrophequi
yfaisaittournoyerpuiss’entremêlerrage,passion,souffranceetdésespoir,cecocktailaugoûtamer
dessillaunpeusaraison.Maisàsonentendementétaitliésondevoir.
Parveniràcroirequ’ilavaitrêvélesmerveilleuxmomentsvécusavecSláineétaits’assurerde
pouvoirsupporterqu’ellenesoitpluslà.N’avait-ilpasditqu’ellenepouvaitexisterquedansses
fantasmes?Cesmotsn’avaientétéqu’unefaçondeparler,unmoyendeluifairecomprendreàquel
pointellelecomblait.Maiss’ilavaiteuraison?Ouplutôtiln’auraitjamaisdûpermettrequ’ilensoit
autrement.Ainsiilauraitpulagarderaveclui,toujours,sansmettresapropreexistenceenpéril.
Parcequesilajeunefemmeluipermettaiteffectivementd’êtrelui-mêmedanscettedimension,ce
qu’ilétaitpar-delàlemondeterrestreétaitvouéàuneconstanceinflexibleneluiautorisant
pratiquementaucunealternative.
L’absencesoudainedelajeunefemmevenaitdeluiouvrirlesyeux;ilneluiétaitmalheureusement
pluspossibledelalaisserrevenirdanssaviedésormais.Nidanssesrêves.
Voanauraitpourtantdûsesouvenird’autresmots,ceuxqu’ilavaitlui-mêmeprononcés,quiauraient
puluioffriruneautreoption.Silasouffrancequ’iléprouvaitn’avaitpasoccultétoutlereste,sile
sortdontilétaitvictimen’avaitpasaltérésonesprit.
Ladouleuroccasionnéeparlacertitudededevoirseplieràsesresponsabilitésplutôtqu’àtoutfaire
pourretrouverl’êtrequ’ilaimaitpar-dessustoutétaitintolérable.
—Nousallonslachercheretlatrouver,secontraignitàarticulerSioquil’espéraitmaisétaitloin
d’enêtrecertain.
—Retrouverqui?murmuraVoanenfronçantlégèrementlessourcilsalorsqu’ilsortaitdeses
réflexions.
—MaisSláine,bonsang!s’énervaSio.
Sláine…Plusjamais.Elleaquittémesrêves.
Lesuppliceinsupportablequ’entendreleprénomdelajeunefemmeinfligeaaugéantlesortit
totalementdesonhébétude.VoansejetasurSio,sesdeuxmainsreferméesautourdesoncou,sesiris
sombresplongésdansceuxdudémon.Ilsétaientsiprochesqueleurslèvressetouchaientpresque.
—Net’aviseplusjamaisdeprononcercenomdevantmoi,gronda-t-il.Nimêmedeparlerde…Elle
adisparuouestpartie,peuimporte.Cequicomptec’estqu’ellenesoitpluslàetqu’ellenepeutplus
exister.
Pourmoi.
—Ellenepeutpasêtrepartie,argumentaSiosanssesoucierdelapriseseresserrantencoresursa
gorge.Onnousl’aenlevée!
Voanétaitenétatdechoc;Siosedevaitdelerameneràlaraison.
Pourtantledémoncraignaitqu’ilnesoitdéjàtroptardtantilavaitl’impressionquelegéantavait
basculédanslafolie,commeça,enuneseconde.Était-ceseulementlamanifestationdesadouleuret
desonpropredéniouétait-ceplusgrave?
C’étaitdramatique;maintenantqu’ilsesouvenaitdesesobligations,Voansetrouvaitcontraintde
justifierparn’importequelmoyencequ’ilallaitdevoiraccomplir:légitimersadécisionàses
propresyeux,àsapropreconscience,ens’enprenantàunhypothétiqueordonnateurdesaperte
notamment.
Ilavaitdoncétémanipuléetn’avaitrienvuvenir.Sláinen’avaitpeutêtreétéqu’uninstrument,maisl’avaitensorceléaupointdeluifaireoubliersanature,avaitdissimulé
ledangerquecelareprésentaitderrièresoncharme.Cettefemme,sortiedenullepartetbeaucoup
tropmerveilleusepournepasêtreunpiège,avaitmanquédepeuderéussirsamission:leperdre.
Ilnedevaitdoncplustenircomptedecequ’iléprouvaitpourelle,oublierleformidablesentiment,
merveilleusementdouloureux,denepouvoirexisterqueparelle,sifortqu’ilavaitoccultélaréalité.
Saréalité.
Lasouffranceterriblequil’étreignaitavaitaumoinseuleméritedel’yramener.
Toutallaitdoncrentrerdansl’ordre,cetordredontilfaisaitpartieetquivenaitdel’avertir,dele
sauverinextremis.
Puisantenluilaforcedeprononcerdesmotsqu’ilnepensaitpasencore,Voanarticulaalorsd’unton
duretfroid:
—Siellenousaétéenlevée,nousnepouvonsrienyfaireparcequ’ils’agitnécessairementd’une
décisiontrèshautplacée.Danslecascontraire,Télin’auraitjamaislaisséfaireunechosepareille
puisqu’illaprotège.Siteln’estpaslecas,celasignifiequec’estsonchoix.Nousn’avonspasànous
enmêler,ellefaitcequ’elleveut.
—Nonmaistut’entends?!explosaSioenselibérantdelapoignedeVoand’unmouvementbrusque,
réalisantavechorreurquelegéantsemblaitavoirtoutesatête.Tul’abandonnes,tuneluilaissespas
lamoindrechancealorsquetul’aimesetquetutedoisdeveillersurelle?
—Tutetrompes,grondaVoan.Oudumoins,ceseralecasd’icitrèspeudetemps.Libreàtoidela
cherchermaisceserasansmoi.
—Quoi?Maistunepeuxpasfaireça!s’exclamaSioulcéréparcequ’ilestimaitêtredelalâcheté.
Ettun’enaspasledroit!Sionlaretrouve,siellel’apprendçalatuera.
Sicelaadvenaitjepourraisalorslarevoir,unefois,ettoitul’auraispourl’éternité,Téliseraà
nouveaului-même,etmoiaussi,donc…
—C’estcequejedoisfaire.Enattendant,jefaisleserment,situparviensàlarattraperetqu’il
arrivaitqu’elleseretrouveenmaprésence,denejamaisplus...Non,j’aiunemeilleuresolution,je
vaiseffacertouslessouvenirsquej’aid’elle.
Abasourdiparl’indiciblerageetladouleurprodigieusequi,malgrélesmots,avaientfiltrédansla
voixdugéant,SiofixaVoanavecperplexité.
Pourquoidisait-ildetelleschosesalorsquevisiblementilsouffraitautantquelui?
—Pourquoifais-tuça?Jenecomprendspas.
—ParcequemonamourpourSl…pourellemeconsumeetquejenepeuxpasmelepermettre.
—Pardon?Tunepeuxpastelepermettre?Çasignifiequoiexactement?
Sionecomprenaitplusrienàrien.Ilavaitmêmel’impressiondeneplusreconnaîtrelegéant.À
nouveau,ildoutadesasantémentale.
—Quetoutçan’auraitjamaisdûcommencer.Etqueçadoitseterminer.Maintenant.
—Tuvoulaisdéjàlaplaquer?!s’exclamaSio,atterré.
—Non!grondaVoan.Je…Jenepouvaispas,avoua-t-ilendétournantleregard.Maintenantsi.
—Commentça,tunepouvaispas?Tuveuxdirequetulevoulaismaisque…
—J’auraisdûpouvoirlefaire,rectifiaVoan.
—Maispourquoi,bonsang?
—Parcequeçamedévore,çameconsumedel’intérieuretje…Etquesijedisparais…
Voann’allapasplusloin.Sioinsista.
—Continue.Situdisparais?
MaisVoans’étaitdéjàvolatilisé.
Pourtantilluisemblaentendre,toutaufonddesonesprit,unevoix,ungravemurmure,quelques
mots.
Tunesaispasquijesuis.
Maiscedevaitêtreladouleurquil’égarait.Ouuneprisedeconscience.
Cela,Ylsinel’avaitpasentendu,pasplusqueSláinenaturellement;toujoursparalysée,elleétait
désormaisétenduenuesurunetabled’examen,entravéepardessanglesdecontention.
—Unsurdeux,c’estdéjàpasmal,sesatisfitl’Angequis’étaitservidesespouvoirspourêtretémoin
del’arrivéedesdeuxdémonsets’assurerquetoutfonctionnaitcommeprévu.
Ylsiserapprochadelatableetpritànouveauquelquessecondespourobserverlecorpsfragileet
pourtantsipuissantdecettefemme.
L’intégralitédesapeauparfaiteétaithérisséeenraisondufroidrégnantdanslapièceaseptisée
puissammentéclairéeetsurtoutdotéed’uneporteinter-dimensionnelle.Ylsisavaityêtretranquille
pourfairecequel’onattendaitdelui;lasallesetrouvaitaucœurdelocauxprêtésparle
gouvernementetpersonnen’oseraitvenirl’ydéranger.
LadécisiondeceàquoiilallaitselivrersurSláineavaitétéprised’uncommunaccordentreles
autoritéshumainesetnon-humaines,àl’issueduprocèsayantsuivilatentativedestraîtres.Les
responsablesdémoniaquesayantpéri,lejugementn’avaitconcernéquelacentainedepersonnes
ayantparticipéauritueldestinéàfairevenirl’undesPrincipessurTerre.
Officiellementmortsdanslefâcheuxincendiedelapropriétéabritantleursecte,ilsavaientenréalité
étéemprisonnésetmisausecretquelquepartaucœurdupaysdansuncomplexegouvernemental.
Néanmoins,sansqueSláineousesalliésn’aientétémisaucourantetpassantoutrelepouvoirde
décisiondesonangegardien,ilavaitégalementétédécidéqueTélidevaitretrouversonintégrité.
Aucundémonn’ayantparticipéàlaréunionofficieuse,nimêmeétéinformésdesatenueoudela
décisionfinale,celle-ciavaitétéprésidéepardesangesquiavaientlourdementinsistésurla
dangerositédelajeunefemmeetl’épéedeDamoclèsquelafaillereprésentait.
Dansunpremiertemps,leshumainsn’avaientpasétédisposésàsacrifierSláine.Ilavaitpourtant
suffiauxangesdeselivreràunpetitchantagetoutsimple,maisd’uneefficacitéredoutable:mettre
danslabalancequelesaccordspassésavecleshumainspouvaientfacilementêtredénoncés,quetoute
aidesurnaturelleseraitsupprimée;cequi,tôtoutard,conduiraitlemondehumainàretomberdansle
marasmeayantprécédél’entente.SanscompterquesiunPrincipevenaitàpointerleboutdesonnez
dansl’uneoutrel’autredimension,leshumainsenseraienttenuspourresponsableetdoncdevraient
enassumerlesconséquences.Touteslesconséquences.
Unetelleextrémitén’avaitpaseul’airderavirlesofficielshumainsignorantquelesangesn’avaient
enl’occurrenceaucuneinfluenceparticulièresurlesagissementsdesdémonsetquelesleurs,s’ils
étaientconnus,pouvaientêtreàl’origined’ungraveconflit.
Décisiondes’enprendreàSláineavaitdoncétéprise.Ilétaitbienentendupréférabledesupprimerun
êtrehumainplutôtquerisquerunchaostotaldanslesdeuxdimensions.Quandbienmêmelajeune
femmeavait-ellepermisdepréservercesdeuxunivers.
Telleétaitdoncsarécompense.
SioavaitditàSláinequelesangesfaisaientpasserleurdevoirenpriorité,acontrariodesdémonsqui
euxavaienttendanceàprivilégierleursenvies.Maisenl’occurrence,s’agissait-ilbiend’une
obligation?
YlsitenditsamaingantéedelatexversSláinepuis,enungestequiauraitpuparaîtretendre,écarta
unemèchenoireetrougedesonvisage.
Ellefrémit.
—Non,impossible,murmura-t-il.Tunepeuxpasetnedoispaspouvoirfaireça.
Laforcepsychiquedelajeunefemmen’avaitaucunecommunemesureaveccelledel’ange.
Neutraliséecommeellel’était,Sláinen’étaitpassupposéepouvoirréagir,surtoutàuncontactaussi
infimequeceteffleurement.Qu’elleluttecontrecetteempriseétaitsommetoutenormal.
Qu’elleensoitcapablel’étaitenrevanchebeaucoupmoins.
Commençantàentrevoircequesescommanditairesredoutaient,Ylsiestimapréférabled’agir
rapidement.S’emparantd’uneseringuechargéed’unpuissantsédatifdéposéesurunplateauenacier,
l’angeengageal’aiguilledansl’undesdispositifsdeperfusionposéssurchacundesavant-brasde
Sláine.Sisonespritpouvaitessayerdecombattrelesien,lecerveaudelajeunefemmenepourrait
luttercontrelenarcotique.
Sonintentionétait,aprèsl’avoirdélivréedesonemprise,delaplongerdansunprofondsommeil,à
lalimiteducomaartificielpourpouvoiratteindreTéli,l’inciteràabandonnercecorpsetcetesprit
ou,s’illepouvait,l’enextirperetlerenvoyeràsaplaces’ilnelefaisaitpaslui-même.Unefois
Sláinevidedel’entité,illalibèrerait.
Etsitoutcecis’avéraitégalementimpossible,cedontildoutaitfortement,alorsillarendraitàce
qu’ilresteraitdesonexistence.Parcequ’ellenelesavaitpasencore,maiscelle-ciétaitdéjà
pratiquementenruine.Lebutdesmanigancesd’Ylsivisaitnaturellementàpousserlajeunefemmeau
suicide,tablantsurlefaitqu’ellenetrouvepassuffisammentdeforceenellepouraffrontercequi
l’attendaitdehors.Etencasdebesoin,Ylsidisposaitdequelquesatoutssupplémentaires.
L’angeavaitnaturellementsaisiqueladestructiondeSláineétaitlebutultimedetoutcecietsila
délivrancedeTéliétaituneévidentenécessité,enrevancheilétaitplusnuancéquantàcetimpératifen
cequiconcernaitlajeunefemmeàtitrepluspersonnel.
Maiscen’étaitpasluiquidécidait;iln’étaitqu’unintervenantetsurtoutnedevaitpasselaisseraller
àunquelconquesentimentalisme.
Pasuneoncedeculpabiliténeletourmentaitvis-à-visdecequ’ils’apprêtaitàfaireendureràlajeune
femme.Ilnefaisaitquesontravail.
Unboulotd’utilitépublique.
LibérantSláinedesonpouvoir,Ylsifitsimultanémentpressionsurlepistondelaseringue.Guettant
lamoindredesesréactions,scrutantsonvisage,ilvitsespaupièress’entrouvrir,pasplusdetrois
secondes,maiscefutsuffisantpourquesonregardsenoiedanslesien.Sibleu,égaréetpourtantsi
dur.
Sil’angeputseretenirdejurertantenpenséequ’enparole,ilfutimpuissantàretenirlebruitqui
s’échappadeseslèvres.Unsoupir?
Sanss’appesantirsurcecurieuxphénomènequidevaitêtredûàsonorganismepresquehumain,Ylsi
s’adressaàTéli.
—Jesaisquevousm’entendez.Vousdevezretrouvervotreplace.
L’angenes’attendaitbienévidemmentàaucuneréponseverbale,maisunsignequ’ilétaitentendu.Et
unrésultatsurtout.QueTéliluirépondedanscettedimensionetceseraitlacatastropheassurée.
Rienneseproduisitpourtant,pasmêmeunfrémissementducorpsdelajeunefemme.
—Ilssontentrésenfindecycle,insista-t-il.Vousdevezabsolumentsortirdelàetreprendrevotre
place.
Illaissauneminutes’écouler.Aucuneréaction.
Deuxminutes.Toujoursrien.
Merde!
—Alors?Commentcelasepasse-t-il?demandaunevoixdanssondos.
Ylsiserralesdents.Ilavaithorreurd’êtredérangélorsqu’ilétaitoccupé.Etnepritpaslapeinedese
tournerverssoninterlocuteurpuisquecelui-cin’étaitpaslà,pasincarné,lui.
—Jevienstoutjustedecommencer,chuchota-t-ild’untonneutre.
Maisças’annoncemal.Télineréagitpasdutout.
—Insistezetn’hésitezpasàlefairejusqu’àcequevousobteniezlerésultatvoulu.
—Çapeutlatuer,précisal’ange.
Lesilencequiluiréponditétaitlourddesens.
—Etjen’aipasledroitdefaireça,insistaYlsi.
—Tenteztoutcequ’ilvousserapossibledefaire,réponditlavoix.Sielledécède,nousinvoquerons
undommagecollatéral.
Unmeurtre.
—Autantlatuertoutdesuite,réponditYlsi,conscientderisquergrosàfaireunetellesuggestion,et
surtoutcraignantquel’injonctionluiensoiteffectivementfaite.Vousm’endonnezl’ordre?
—Voussavezbienquenousnepouvonspas.
Ylsiretintunsoupirdesoulagement.
Unefoisseul,l’angesedétenditetputseconcentrersursavictime.
Ilœuvrapendantdesheures,jusquetarddanslanuit,sanslemoindrerésultat.Àcroirequelafilleet
Télis’étaientliguéscontreluipourluifairepayercequ’illeurfaisait.Deguerrelasse,ils’octroya
unepause,hésitantsurlaconduiteàtenir.Ilavaitprévudenourrirl’humaineparintraveineusesi
l’opérationvenaitàdurer,maisestimadevoirattendreencoreunpeu.Pluselles’affaiblirait,plusles
chancesd’atteindreunrésultat,quelqu’ilsoit,augmenteraient.
Atterréparcequ’ilvenaitd’apprendre,SiatrisconsidéraitSioaffalédansunfauteuil,anéanti.Les
yeuxdudémonavaientviréaurouge,sesmâchoiresétaientsiserréesqu’ellessemblaientsurlepoint
decéder.Soncorpsvibraitd’unefureuràpeinecontenue,d’impuissanceetdedouleuraussi
probablement.Siatrisn’avaitpastentédeleréconforter,pasmêmeenseproposantdeluiservirde
punching-ball.Cen’étaitpasdeceladontSioavaitbesoinmaisdeSláine.Néanmoins,dèsqu’il
estimeraitpouvoirlelaisserseul,SiatriscontacteraittoussessemblablessurTerre.Ettousla
chercheraient.Quellesqu’aientétélesraisonsoulescausesdesadisparition,illaretrouverait.Pour
Sio.Etpeut-êtreaussiunpeupourlui.
Maiscertainementpaspourceputaind’enfoirédeVoan.
Siatrisn’avaitpascrucequeSioluiavaitrapporté,n’avaitpaspucroirelegéantcapabled’unetelle
réaction.Surlemoment,ilavaitpenséqueSiodéraillaitcomplètement,qu’égaréparsadouleuril
avaitmalcompris.
Maisàvoirl’airsereindugéant,plusbeauquejamais,alorsqu’ilpénétraitchezSiatris,ledémonne
putfaireautrementqued’admettrelatristeréalité.Cequinel’empêchanullementd’êtreenvahipar
uneviolenteenviedeluicasserlagueule.
Lesalaudn’avaitpasperdudetempspourrayerSláinedesamémoire.
LesouriredeVoansefigealorsqu’ils’avisadestêtesd’enterrementarboréesparsesdeux
comparses.
—Unsouci?s’enquit-ildesachaudevoixgrave.
SiatrisseruasurSioquibondissaitdesonfauteuilpoursejetersurlegéantavecunrugissement
animal.Ileuttouteslespeinesdumondeàlemaîtrisermaissesbrasscellésautourdelui,sesjambes
commeplantéesdanslesol,ilparvintàl’empêcherdeluisauteràlagorge.
—Qu’est-cequ’illuiarrive?voulutsavoirVoan,vaguementsurprisetprêtàendécoudreencasde
besoin.
—Fous-luilapaix,ilaperdu…quelqu’un.
—Ah,désolé.Quiétait-ce?voulutsavoirVoan.
—S…unefemme,réponditSiatris.
Ledémonfutstupéfaitdevoirunegrimaceassezparlantetordreleslèvresdugéant.
Plusriennetournaitronddanscemonde,songeaSiatris.DepuisquandVoanétait-ildégoûtéparles
femmes?
—J’étaisvenuvousprévenirquejem’absentaisquelquesjours,lesinformaensuitelegéantsansplus
sepréoccuperdelacurieuseattitudedeSioquimanifestementauraitvoulupouvoirletuerrien
qu’avecsonregardhaineux.Jedoisretrouverquelqu’unetj’aiunepiste.
Àcesmots,lesdeuxdémonslefixèrent,pleinsd’unsotespoirquifutd’ailleursanéantilaseconde
suivante.
—Hadrien,précisaVoanjusteavantdes’éclipser,unsourirerienmoinsquetendresurleslèvres.
Destupéfaction,SiatrisrelâchaSioquitombaàgenouxetsepritlatêteentrelesmains.
—Bordel!Maisc’estquoicefoutoir?hurlaSiatrisenlevantlesbrasauciel.
Iltenditensuitesondoigtendirectiondelaplacequ’avaitoccupéeVoanl’instantd’avant.
—Etdepuisquandil…Commentsefait-ilqu’ilaitlesyeuxnoirslui?
—Quelleimportance,chuchotaSio.Onsefoutdelacouleurdesesyeuxoudequiilpréfèrebaiser.
—Tuasraison,convintSiatrisdansunsoupir.MaisSláine…Ellenes’enremettrapas.
—Sionlaretrouve,murmuraencoreSiosombrement.
Ilserelevaetsetournaverssonamiquiserapprochaitdelui.
—Onyarrivera,luiassuraSiatris.Jetelepromets.
—J’aibesoind’elle,je…jesuisenmanque.
—Jesais.
—Non,serévoltaSiodansungrondementsourdenrivantsonregardrougesombredanslesien.Tu
nepeuxpassavoir.
—Si.Je…Contente-toidesavoirquejecomprendscequeturessens.
Sioregardalonguementsonami,ensilence.
Ilsentaitsafureurenflerdefaçonexponentielleetsemêleràl’indiciblepeurdenejamaisplusrevoir
Sláine,del’avoirperdue,qu’ellesoiteffectivementpartieparcequ’ellenevoulaitplusdelui.Ce
douteétaitindignedelui.D’elle.
—Siatris?murmuraSio,sefaisantpresqueimplorant.
Leregardazurdudémonscrutauninstantlevisagedévastédesonami.Puisilhochalatête.
—Déshabille-toi,lesomma-t-ilavantdesedirigerverslaportedesonappartementpourla
verrouiller.
Chapitre3
Installéderrièrelevolantdesavoiture,Voanattendait.Quoi?
Lajoiedepeut-êtreretrouver,revoirquisait,celuiquijadisluiavaitbrisélecœurmaisqu’ilaimait
toujours,ainsiquel’apaisementàlaperspectivedeconnaîtreenfinlaraisondesongestesemblaient
tousdeuxamoindrisparautrechose,uneémotionqu’ilneparvenaitpasàdéfinir.
Celaressemblaitàunesensationdepertepersistanttoutaufonddelui.
Paslevidedel’absenced’Hadrien,quelquechosedesourd,d’insidieux.
Uneombreplanantsursonâmedontilnecomprenaitpasl’origine.
Levisagedujeunehommes’imposantàl’espritdeVoanetlesouvenirdesesincroyablesyeux
turquoisesemblèrenteffacerunpeucemalaise.
Celuideseslèvres,sapeau,soncorpsqu’ilconnaissaitparcœurachevadechassercettemystérieuse
langueur.Ungrondementd’envierésonnadansl’habitacle.Justeavantqu’uneautreimagene
s’imposeàVoan,celled’unregard,bleu,quiluiparutàlafoisinfinimenttriste,égaréetimpitoyable.
Épuisé,ensueur,quelquesmèchesblondescollantàsonfrontetsestempes,Siatrislâchalefouet
qu’ilavaittenusifortdanssonpoingqueletressageducuirdelapoignéeenétaitincrustédanssa
paume.Ilatterritsurlamoquetteavecunbruitmatetsourd.Massantmachinalementsonbicepsun
peudouloureuxdesamaingauche,ledémons’approchalentementetsilencieusementdeSioqui
venaitdeselaisserchoiràgenoux,sesbrastoujoursentravésparleslargesbraceletsdecuirsfixés
parunechaîneauxcolonnesdesonlittendusàl’extrême.Àsaconnaissance,c’étaitlapremièrefois
queSiodemandaitàêtreattaché,jamaisjusqu’iciiln’avaitressentilebesoindedéculpabiliserainsi.
Sioétaitrestétrèslongtempsencelieumystérieuxsituéentredouleuretplaisiravantdelâcherprise.
Ilenavaitvoulubeaucoupplusaussicesoir-là,plusqueSiatrisneluiavaitjamaisdonné;soncorps
marquépouvaitentémoigner.
L’avait-ilsouhaitépoursepunirden’avoirsuprotégerSláine?Pourhonorerlajeunefemmeoula
retrouverlàoùilsetrouvaitencetinstant?
UnbrasentraversdutorsebrûlantdeSiopourl’aideràsereleveretlesoutenir,Siatrislelibérapuis
l’aidaàs’étendreàplatventresursonlitavantdel’abandonnerletempsdetamiserl’éclairagedela
pièce.Ledémonenavaitpourunmomentencoreavantdereveniràlaréalité.Maisseulements’ille
voulait.Siatrisl’espérait.
Patiemmentilattenditassisprèsdelui,adosséàlatêtedelit,brasetjambescroisés.
LapremièrechosequeSiovitenouvrantlesyeuxfutquelquescentimètrescarrésducuirnoirdu
pantalondeSiatris.L’espoirqu’ils’agissaitdeceluiportéparSláines’évanouitlorsquelavoixde
sonamiarticulatoutbas:
—Commenttesens-tu?
—J’ensaisrien,murmuraledémon.J’ail’impressionqu’onm’aarrachélecœur,qu’untroubéant
engloutittout,ycomprisladouleur.
Siatrisneréponditrien.
—Çat’ennuiesijeresteici,luidemandaencoreSio.Tun’aspasde…
—Non,jen’aipasde,l’interrompitSiatris.Etjen’aipasprécisémentlatêteàça.Tupeuxresteraussi
longtempsquetuenasbesoin,luiassura-t-ilencoreenselevantavecl’intentiond’allersedoucher.
Siol’interpellajusteavantqu’ilnefranchisseleseuildelasalledebains.Ledémons’arrêtamaisne
seretournapaspourleregarder.
—Tul’aimes,n’est-cepas?
Siatrisneréponditpas,pénétradanslasalled’eau,refermadoucementlaporteets’yadossa.
—Etmerde,murmura-t-ilalors.
Siatrisnepouvaitnierl’évidence.
Quandétait-iltombéamoureuxdelajeunefemme?Iln’enavaitaucuneidée.Àquelmomentl’avait-
ilréalisé?Peut-êtredèsqueSioluiavaitannoncésadisparition.
Maisilenavaitétécertainlorsqueledémonluiavaitposélaquestion,parcequ’unouiavaitfusédans
satête,naturel,viscéral,presqueunerévélation.
Téli,profondémentenfouiaucœurdel’âmedeSláine,avaitpourtantconsciencedetoutcequise
passait,étaitrévoltéets’envoulait.Nonpasd’êtredansl’incapacitélaplustotaledesedétacher
d’elle,maisd’êtreenpartieresponsableducalvairequ’elleallaitendurer.Ilavaitespéréqueles
chosesn’enarriveraientjamaislà.
Desonpointdevue,alorsqu’ilsétaienttousdeuxasservis,Sláineluiétaitapparueligotée,bâillonnée
etsourdeàcequil’entourait;ilavaitétéchoquéparsesyeuxécarquillés,figésdansuneexpression
depeur,derévolteetdetristessemêlées.Iln’avaitrienpufairepourlarassurer.
Encetinstant,elleressemblaitàlaBelleauboisdormant.Enbeaucoupplusjolie.Etmaintenantque
lepouvoirdel’angeneleparalysaitplus,qu’ilétaitrassurésurlasantédesadouceamie,ilpouvait
réfléchir.
Unefoisn’étantpascoutume,Télipritladécisiondefairequelquechosepourelle,paramourplus
quepardevoir.
Saprioritéétaitdedémontreràcetidiotd’ange-mercenairequ’ildevaitrévisersonjugementsurles
humainsetsurSláineplusparticulièrement,sedébarrasserdesespréjugés.TéliespéraitquesiYlsi
réussissaitàvoirlajeunefemmecommelapersonneextraordinairequ’elleétait,belle,désirable,et
nonpasunsimpleassemblagedetissusaniméparuneâmesansintérêt,alorsl’angeabandonnerait
peut-êtresesprojets.EtlecorpsdeSláineseraitsonarme.
Téliétaitàpeuprèscertainqu’elleluienvoudraitpourcequ’ilallaitfaire…sielles’ensouvenait,
bienentendu.
Ensuite,ilferaitcomprendreàl’angequelleétaitleursituation,quejamaisilnepourraitséparer
Sláinedelui,saufàlatuer.Ets’ilparvenaitàlafairelibérer,ill’aideraitàrafistolersoncœuretce
quipourraitl’êtredesavie.
Téliavaitattenduqu’Ylsirentredanslacabinededouchedontlapièceétaitpourvuepourdésentraver
lecorpsdelajeunefemme.
Mueparlespouvoirsetlaconsciencedel’entité,Sláineouvritàdemilespaupièresetattendit
quelquessecondespourpermettreàsesyeuxdes’accoutumeràlaluminositéambiante.Puisellese
débarrassaavecprécautiondesdeuxaiguillesqu’ellereposaensuitedepartetd’autred’ellesurla
tablemétallique.
Pourtantellerestaimmobilejusqu’àcequel’angeressortedeladoucheetsesoitdirigéverslatable
oùsonordinateurétaitrestéallumé.
Avecuneextrêmeprudence,Sláinetournalatêteverslui.
—Voilàunevuequemajoliepetitedémoneauraitpuapprécier,sepritàpenserTéli.
Ylsin’étaitcouvertentoutetpourtoutqued’uneserviettenoirenouéeautourdesreins,sapeautrès
légèrementhâléesouslaquelleroulaientsesmusclespuissantsluisaitd’unemultitudedepetites
gouttesrenduesdoréesparlafaibleclartédelapetiteveilleusejauneéclairantàpeinelapièce.
Sláine-Téliattenditpatiemmentquel’angeaitprisplacedansunfauteuilpourseredresser;puiselle
s’assitauborddelatableetenfinselaissaglisserjusqu’ausol,sansbruit.Troppeudetempss’était
écoulédepuissonimmobilisationforcéepourquecelaaitaffectésesmusclesaupointdel’empêcher
d’êtresûredesesjambes.
Lesyeuxrivéssursaproiepresqueaussinuequ’elle,Sláines’enrapprochaprudemment.
—BonDieudemerde!s’exclamaYlsienbondissantdesonsiègelorsqueSláinesestoppadevantlui.
Commentt’es-tudétachée?
Lalogiqueauraitvouluqu’illareconduiseimmédiatementverslatablepourl’yattacherplus
solidementencore.MaislapossibilitéqueTélisoitlacausedesaprésencedevantluil’endissuada.
Peut-êtreétait-celàlerésultat,aussisurprenantfût-il,qu’ilavaitescomptéobtenirdurantlesheures
quivenaientdes’écouler.
Dansungestegracieux,lamaindeSláines’élevaverslevisagedel’ange,sonindexseposasurses
lèvres.Ylsifrémitàcecontactavantd’avoirunmouvementdereculdontnaturellementpersonnene
s’offusqua.
Tropintriguépourresterraisonnable,ilattenditdoncdevoiràquoitoutceciallaitmener.Vaguement
conscientqu’ilfaisaituneerreur,ilneputcependantempêchersonregarddeparcourirlecorpsdela
jeunefemme,sesyeuxrevenantrégulièrementsurceuxdeSláine,grandsouverts,quil’observaient
attentivementetdanslesquelssemblaitflotteruneétincelledecuriositémâtinéedemalice.
Lafillefitunpasverslui.S’iln’avaitesquivéensereculant,leurspeauxseseraientfrôlées.
—Qu’est-cequetufous?articulalavoixgravedel’ange.Àquoitujouesexactement?Jen’ai
aucuneenviedetetoucherouquetoitulefasses.C’est…répugnant.
Elleneparutpass’offenserdecesmots,nimêmes’ensoucier.À
nouveau,l’indexdeSláinesepressasurseslèvres,maisaulieud’yresterimmobile,lescaressa.Ylsi
avaitl’impressionqu’elleaussidécouvraitlasensationdetouchercettedouceurcharnue.Etyprenait
plaisir.Siças’arrêtaitlà,cen’étaitpasencoretropgrave.
LeregarddeSláineabandonnasabouchepourluijeteruncoupd’œil,commepourguettersa
réaction.Iln’eneutaucune.Aucunedevisibleentoutcas.S’ilrestaitaussiimmobilequ’unestatue,
quelquechoseenluisemodifiait.
Ledoigtquittaseslèvrespourglissersursonmenton,suivrel’angledesamâchoireavantde
descendrejusqu’àsoncou,sonépauleetenfinsonpectoraloùilexerçaunepression.
Cetinfimegestesuffitàlefaires’asseoir.Parcequ’ilavaiteul’impressiond’avoirétébrûlélàoù
ellel’avaittouchéoupourqu’ellenerecommencepas?
Toujoursperplexeetdésorientédetrouvercescontactsmoinsdégoûtantsqu’ilnel’auraitdû,
extrêmementcurieuxaussi,illalaissaserapprocherencoredelui.Maislorsqu’elles’emparadesa
main,iltentadelaluiretirer.Etfutsurprisdenepasyparvenir.Nonpasqu’ellesoitplusforteque
lui,maisquelquechosesemblaitl’enempêcher.Ylsientrouvritleslèvrespourprotesterlorsqu’elle
lecontraignitàlaposersursataille.
Ellel’endissuadad’unregard.
Bonsang,maisquiestcettefemme?
Commeparalysé,soumisdésormaisàsonpouvoiràelle,celuidesoncorpsdontilpercevaitla
chaleur,l’angeneréagitpaspluslorsquelajeunefemmes’installaàchevalsurlui,glissantses
genouxentrelecuirdufauteuiletsescuisses.
Non!Jerefusequ’elle…
Sláineposasesmainsàplatsursespectoraux.
Bonsang,c’est…chaud.Etsidoux.
Tousdeuxrestèrentimmobilespendantdelonguessecondesqu’ilspassèrentàseregarder,s’étudier.
Ylsin’osaitpasbouger,maiscommençaitàtrouverletempslong.Lasubiteetfâcheuseraideurde
sonsexesouslaserviette,dontlafillenesemblaitavoircure,letourmentait.Lesmainsdel’humaine
étaientbrûlantes,lessiennesledémangeaient.Outresachaleur,ilémanaitd’elleundélicatparfum,
unefragranceévoquantuneharmonieusealliancedefleurépanouieetdefruit.Ilavaitenviedela
caresser,lagoûter,larespirer.
Elleattendquoi?gronda-t-ilintérieurement.
Téliauraitjubiléetfrappédesmainstelunenfantsilasituationavaitétéautre.
Unefièvres’emparaducorpsd’YlsidèsqueleslèvresdeSláinetrouvèrentlessiennes,carbonisant
sespensées,luifaisantperdretoutcontrôle,reléguantausecondplanlesréticencesqu’ilaurait
encorepunourrir.
Sonbrass’enroulapresquetropdurementautourdelataillefinedeSláine,sonautremainplongea
danssachevelure,l’empoignapourqu’ellen’aitpasl’idéed’arrêtercequ’ellefaisait,netentepasde
lepriverdelacaressedesalangue,dugoûtdesabouche.
Leslèvresdel’angeabandonnèrentpourtantcellesdeSláinepourluimordillerlementon,presque
dévorersoncouaprèsqu’ilaittirésursescheveuxetexposésagorgeàsagourmandise.
Sláinelaissaitdetempsàautreéchapperdepetitssoupirs,pourdonnerlechangeparcequeTéli
n’avaitaucuneintentiondelaissercetangeabuserdesabellealorsqu’ellen’étaitpasréellement
présenteetparconséquentnonconsentante.Ilavaitobtenulerésultatsouhaitéetnecomptaitpas
laisserleschosesallerplusloinquecetteétreinte.
Celle-ciluiavaitenoutrepermisd’obtenirdeprécieuxrenseignementssurYlsi,d’éprouveret
reconnaîtrelaforceémanantdelui,aussiimportantequecelledesdémonsquefréquentait
habituellementSláine.
Cequiétaitdesplusregrettables,carcelasignifiaitqu’Ylsiétaitcapabledes’acquitterdesamission
quoiqu’iladvienne.Maiscelasignifiaitégalementqu’ilbénéficiaitd’unegrandelatituded’action,
quesonpointdevuecomptait.SidésormaisilrefusaitdefairedumalàSláine,personnenel’y
contraindrait.C’étaitdéjàçadegagné.
Sláines’arrachaàl’exigeantenlacementd’Ylsiquilaissaéchapperungrondementsourd.
—Non,majolie!protesta-t-ilensesaisissantdupoignetdeSláinequicommençaitàs’éloignerde
lui.Tucontinuescequetuascommencé.
Sanssesoucierdesdoigtsquimaltraitaientsapeau,lajeunefemmesecontentaderegarderl’ange,
luirappelantinstantanémentqu’ilétaitlàpourobtenirunrésultat,maispascelui-ci.
C’estpourquoiillalâchaetlalaissasedirigerversl’ordinateurdevantlequelelles’installaavant
d’ouvrirletraitementdetexte.
Ylsiserapprocha,s’arrêtantdanssondospourlirecequ’elleécrivait.
JAMAISVOUSNEPOURREZL’EXTRAIRE,NIENDOUCEUR,NIDE
FORCE.LAISSEZ-MOIPARTIR.
—Jenepeuxpastelibérermaintenant,répondit-ilenposantsesmainssurlesépaulesdelajeune
femme.
POURQUOI?
—Jedoisfairecequ’onm’aordonné.
ÇANESERVIRAÀRIEN.
—Peut-être,maisjedoisessayer.
ÇAPEUTMETUER.
—Jesais.
Ylsigardasaprisonnièreunmoisentierdurantlequelils’évertuaàtenterd’obtenircequel’on
attendaitdelui,sansautrerésultatquedevoirsoncorpsmaigrirmalgrélesdispositionsprisespour
lapréserver.L’angeavaittoutessayé,mêmes’insinuerdanssonespritpourtenterd’ydénicherTéliet
trouverlemoyendel’expulserdelà.Ilavaitainsipuconstaterquel’essencedecedernier
s’enchevêtraittellementaveccelledeSláinequ’ilnepouvaitquelacroire.Jamaisilnepourrait
extrairel’entitésansnuiregravementàlajeunefemmeetàTéli.Ilsétaientdevenuspratiquement
indissociables.
Pours’êtreégalementpermisd’allerfouinerdansquelques-unsdessouvenirspersonnelsdeSláine,il
laconnaissaitmieuxdésormaisetincidemmentavaitététémoind’uncertainnombredechosesassez
croustillantes.Iln’avaitdèslorscesséd’yrepenser.Outrelefaitqu’ilavaitappréciélespectacle,il
savaitdésormaisquesonplandesecoursdonneraitdesrésultats.
Pasunefoislajeunefemmeneluirefitlecoupdeselibérerdesesentravespourvenirl’exciter.Ylsi
s’enfélicitaautantqu’illeregretta.
Parceques’iln’appréciaitpasspécialementseremémorerenpermanencecequ’ilavaitressenti
lorsqu’ellel’avaittouchéouembrassé,ilseréjouissaitden’avoirpaseuàseconfronterànouveauau
pouvoirdecettefillecapabled’altérersamotivationgrâceàsapeaudouceetsoyeuse.
Decela,iln’avaitbienentenduditmotàceuxvenantrégulièrementauxnouvelles,chaquefoisplus
irritésdeconstaterl’absencederésultatetdeplusenplustentésdedonnerl’ordredel’éliminer
purementetsimplement.Avecluxeprécaution,pournepasêtreaccusédetraîtrise,Ylsiavaitlaissé
entendrequ’ilrestaitunechancedesuccèsavecsasolutionderechange,avaitexposésonidéeet
venaitd’obtenirl’autorisationdelamettreàexécution.
IlallaitdoncrendreSláineàsaviedèsqu’elleseraitcapabledeseprendreenchargeseule,salongue
immobilisationayantgrandementamoindrisesforces.
L’angen’avaitpasl’intentiondelaménagerparticulièrement,maisjugeaitpréférabledenepasse
trouverdanslecomplexegouvernementallorsqu’ilcesseraitdeluiinjecterlesédatifetsechargerait
desaconvalescence.
Ylsis’installadoncavecelledansunechambred’hôtel.
Dansd’autrescirconstances,sesgoûtspersonnelsl’auraientportéàs'établirdansunpalace,mais,par
soucidediscrétion,iljetasondévolusurunétablissementbeaucoupplusmodeste,faisantpasser
Sláinepoursacompagnetombéemaladependantleurvoyageàtraverslepays.
Legérantavaitjetéunœilsceptiqueàlajeunefemmeendormiequ’Ylsiportaitdanssesbrasaussi
tendrementqu’ilétaitcapabledelefairecroire,maisnes’étaitpermisaucuncommentaire.Sans
douteenraisonduregarddel’angeinvitantl’hommeàsurtoutnesemêlerquedesesaffaires.
Sláinemitpresquedeuxjoursàsedébarrasserdesdernierseffetsdunarcotiqueetàreveniràla
réalité;avecunemigraineatroceluirendantlemoindrebruitinsupportable,lapluspetitesourcede
lumièreintolérable.
Ellemourraitdesoifetdefaim.Endépitdesafaiblesseintenseetsurtoutdesadésorientationnéede
sonignorancetotalequantàcequiluiétaitarrivé,lajeunefemmeavaitconscienced’uneprésence,
presquefamilière,quiapparemments’occupaitbiend’elle.Ellepressentaitpourtantqu’ilnes’agissait
nideSio,nideVoanouSiatris.Maissonmaldetêteluiinterdisaitd’yréfléchiroumêmed’ouvrirles
paupièrespourdécouvrirdequiils’agissait.Elleenconclutqu’elledevaitavoireuunaccident,se
trouvaitdansunhôpitaletdevaitêtrepresquerétabliepuisqu’elleneressentaitaucunedouleur
particulière.
Sonespritmalmenéneluipermettaitpasnonplusdesesouvenirqu’encasd’incidentgravel’unou
l’autredesdémonsl’auraitguériesansavoirrecoursàlamédecine.
Letroisièmejour,Sláinefutcapabledesupporterquelquesmurmures,ceuxd’unevoixmasculine
qu’elleneconnaissaitpasets’enquérantd’elle.
—Soif,articula-t-ellepéniblement.
Ellesentitqu’onlaredressait,unemainchaudeplaquéesursanuque,puisunepailleperçantle
barragedeseslèvresdesséchées.
Commentavait-ellefaitjusqu’icipournepasserendrecompteàquelpointunegorgéed’eaupouvait
êtreaussidélicieuse?
Ellesombraànouveau.
Naviguantentresommeiletphasederéveil,Sláinen’avaitpasconsciencedutempsquipassait.Tout
cequ’ellesavaitétaitqu’ellevoulaitSioetVoanauprèsd’elle.Aupointdelesappelerdurantson
sommeil.
Lorsquelajeunefemmeouvritlesyeuxlequatrièmejouretqu’ilsrencontrèrentlessiens,Ylsisut
qu’elleavaitcompris,quelessouvenirsduraptauquelils’étaitlivréluiétaientrevenus.D’égaréà
terrifié,sonregardétaitrapidementpasséàuneduretéextrême.
—Espècedesaleenfoiré,coassa-t-elleenseredressantpéniblementsansquitterlesirisdorés
plongésdanslessiens.
Ellefutprised’unvertigedontelleessayadenepastenircompte.
—Vousm’avezkidnappée,rajouta-t-ellesanssesoucierdesontonhargneuxetdesonimprudence.
Ylsineniapas,secontentantdelafixerduhautdesonmètrequatre-vingt-quinze,brascroiséssur
sontorsepuissant.Bienqu’affaiblie,lajeunefemmenetarderaitpasàreprendredupoildelabête.
—Pourquoi?aboya-t-elleencore.Qu’est-cequevousm’avezfait?
Vousm’avezviolée?Quoid’autreencore?
—Jenevousaipastouchée,jen’airienfait,mentitYlsi.
—Si,séquestrée,répliqua-t-elle.Pourquoi?
Lafureurqu’elleressentaitluidonnaitl’impressiond’êtreenpleineformeetsuffisammentforte
pours’enprendreàcetange.Cen’étaitqu’illusionbienentendu.
—Endehorsdeça,jenevousairienfait,réponditYlsiplatement.
—Combiendet…
—Trèsexactementquatresemaines,sixjoursetdix-septheures,lacoupa-t-il.Maintenant,taisezvous,mangezetdèsquevouspourreztenirdeboutjevouslibèrerai,articulalavoixgravedel’ange.
Sláineleregardaeffarée.Puissuspicieuse.
—Vraiment?Pourquoimekidnappersic’étaitpournerienfaire?
C’estcomplètementidiot.
Sláinenesavaitpasgrand-choseàproposdesongeôlier,sicen’estqu’ilétaittrèsloind’êtrestupide.
—Vouscroyez?
—Est-cequeSioetVoansaventquec’estvousquimedétenez?
Non,bienentendu,ilsnesavaientpas,sinonelleseraitaveceux.Lesdeuxdémonsl’auraient
retrouvéeetauraientréglésoncompteàcetimbéc…
—Ilssaventquevousavezdisparu,maisnicommentnipourquoi.
Disparu…nipourquoi,nicomment…
Sláinecrutrecevoirunegifleenpleinvisage,uncoupdepoingdansleventreetsentirunelame
glacéeseplanterdanssoncœur.
—Ilsnevousontpascherchéenonplus,mentitYlsienguettantlaréactiondelajeunefemme.
Elledevintencoreplusblêmequ’ellenel’étaitdéjà.Puisrougederage.
—Vousmentez!hurla-t-elleenportantsamainàsatempequ’unéclairfulgurantdedouleur
traversait,résurgencedesamigraine.
Ylsinementaitqu’àmoitié.ParcequesiVoann’avaiteffectivementpaslevélepetitdoigtpouraider
SiatrisetSioàretrouverlajeunefemme,lesdeuxdémons,eux,avaientremuécieletterrepourlui
remettrelamaindessus.Envainpuisquel’angeavaitœuvrépourmasquerleurprésenceàtousêtres
surnaturelsquiauraientpus’approcherd’eux.
Chapitre4
SiatrisavaitvuSiosebattreetespérerdurantdeuxsemaines,puisaccepteretcommenceràsombrer
trèspeudetempsaprès.Ilavaitpenséluiapportersonsoutien,maisenréalité,n’avaitrienfaitd’autre
qu’êtresoncomplice.Toutd’abordenacceptantdelefrapper,plusieursfoisparjour.Pasavecartet
discernementcommeill’avaitfaitjusqu’ici,maisavecuneréellebrutalitéetlavolontédeledémolir.
Parcequec’étaitcequeSiosouhaitait.Siatrisl’avaitfaitmaisenvoulaitàsonamidel’yavoir
contraint,culpabilisaitégalementden’avoirpaspuleluirefuserparcequequelquepartcelale
soulageaitluiaussi.
SioneluiavaitpasreposédequestionausujetdesessentimentspourSláine.Iln’enavaitpaseu
besoin,lesimplefaitdecéderàsescapricesparcequ’ilcomprenaitluiavaitservideréponse.
Parlasuite,lorsqueSioavaitmanifestélebesoindefairepartiedelaclientèled’Amanda,Siatris
n’avaitsucommentréagir.S’ils’étaitsentisoulagéd’êtrebientôtdispensédessordidesséances
imposéesparSio,ilconsidéraitnéanmoinscettenouvelleaspirationcommeunetrahisonenvers
Sláine.Pourtantunefoisdeplusilavaitcédé,maisàlaconditiondel’yaccompagner.
Amanda,anciennebarmaidduLuxuria,commeSláine,avaitservideprétexteàSiopouratteindrela
jeunefemmeaudébut,chaotique,deleurrelation.Pourlarendrejalousedansunpremiertemps.Son
planavaitfonctionnéau-delàdesesespérances.
Déçuqu’ellen’aitpastrouvéenellelaforcedesurmonterl’écartqu’ils’étaitoctroyéavecAmanda,
quis’étaitd’ailleursavérébienmoinssatisfaisantqueSláinenel’avaitcru,Sioluiavaitcependant
accordéledélaiqu’elleavaitensuitesollicité.Parcequemêmeàl’époque,s’ilvoulaitSláineplusque
tout,ilsouhaitaitsurtoutqu’ellesoitforte,deviennesonégaleafind’êtrecapabledesemesureràlui.
Heureusementpourlui,Sláineavaitcompris.
Bienévidemment,àl’époque,Amandanes’étaitpasaperçuequ’ellen’avaitétéqu’unobjetentreles
mainsdeSio,unechosedontilavaituséets’étaitdéfaitsansregretsniremords.
Ellen’avaitjamaiseulamoindreimportancepourledémonetn’avaitpasnonplusétécapabledelui
donnerlapluspetitesatisfaction.Rien.
Seulement,samédiocritéentantquedominatricesemblaitêtredevenuecedontSioavaitbesoin.Çaet
lefaitqu’iln’avaitaucunlienaffectifavecelle.
Iln’enallaitpastoutàfaitdemêmepourlajeunefemmequiavaitprobablementétéamoureusede
lui.Peut-êtresincèrementd’ailleurs.
Lorsquelesdeuxdémonss’étaientprésentéschezelle,Amandaavaittoutd’abordétésurprise,puis
alarméeparlateinterougesombreetlafixitéduregarddeSio.
Jamaisellenel’avaitvuaussimalenpoint.Sonvisageétaittotalementfermé,froid,dénuédetoute
émotion.Sabouchesemblaits’êtredéfinitivementdéforméepourconserverunpliamer.
Avecunecertainemalveillance,motivéeparsajalousie,elleenaccusaSláinedanslesecretdeses
pensées.
—Quepuis-jepourvous?leurdemanda-t-elleencroisantsesbrassursapoitrine.
Siatrisdéduisitdesatenuesobre,pullnoirmoulantetjeandelamêmecouleur,qu’ellenedevaitpas
travaillercejour-là.Celaluiimportaitpeupuisqu’elleleferaittoutdemême,dût-ilsemontrer
particulièrementconvaincant.
—Sioabesoindetesservices,réponditsèchementSiatris.
—Ilestdevenumuet?voulutsavoirAmandaendétournantsonregardgrisacierdudémonpourle
poser,presqueméprisant,sursoninterlocuteurpourquiellen’avaitjamaisressentilamoindre
sympathie.
—Ouiounon?insistaSiatris.
—Jerefused’êtrepayée,précisa-t-elle,tablantsurlefaitquesagénérositéseraitappréciée,d’eux
deux.Jeleferaipourlu…
—Nonseulementtuserasrémunéréepourcesséances,lacoupa-t-ilfroidement,maisencore
j’assisteraiàchacuned’entreelles.Iln’estpaspourtoi.Suis-jebienclair?
Amandasaisitparfaitementlemessageetpestaintérieurement,maishochalatêteenguise
d’assentiment.Elles’effaçapourlaisserentrersesdeuxvisiteurschezelle.
—Queluiest-ilarrivé?murmura-t-elleencoreàSiatrissansquitterSiodésormaisfigéaumilieude
sonsalondesyeux.
Siatrisneluijetapasmêmeuncoupd’œil.
—Elleadisparu,réponditSiatrisencoreplusbas;iln’avaitpasbesoindepréciserdequiilparlait.
Personnenesaitoùelleestpasséeoucequiapuluiarriver.Ilnes’enremetpas.
—Ill’aimedoncàcepoint,compritenfinAmanda,songeantenoutrequ’ellen’avaitjamaiseula
moindrechanceavecSio.
Siatrisnepritpaslapeinederépondreetsuivitlajeunefemmequi,affichantsursonvisagele
masquequ’ellepensaitêtreceluid’unedominatrice,ordonnasèchementàSiodelasuivredansla
piècedévolueàsesactivités.
LachambrepeinteengrisanthraciteregorgeaitdetouslesobjetsdontlesadeptesduBDSM
pouvaientrêvermaisauraientdûcraindreentrelesmainsdecetteincompétente.
Amandacommitsapremièreerreurentamisantl’éclairagedelapièce,lasecondeenabandonnant
SiodevantunecroixdeSaintAndréaulieudel’yattacherpréalablement.Parcequ’ellenecomprenait
toujourspasqu’ensesoumettant,unepersonneattendaitenretourquel’onprennesoind’elle,
devenaitl’objetdetouteslesattentionsetcertainementpasunechoseàlaquelleledominantpouvait
fairetoutcequebonluisemblait.
Celaétantdit,Sion’attendaitriend’autred’Amandaquedescoups.
Vicieuxdepréférence.
Siatrisnel’expliquapasàlajeunefemme,croisalesbrasets’adossaàlaporte,àdemidissimulé
dansuncoind’ombre,lesyeuxrivéssurSiodontlalonguechevelurenoireavaitétérassembléesur
l’unedesesépaules.
Sesbras,sesflancsetsondosgardaientencorelesstigmatesdecequ’illuiavaitfaitsubirlematin
même.UnemouetristeetconsternéedéformaleslèvresdeSiatris.Ilauraitvouluquesonami
n’abîmepassoncorpspourlefaireressembleràsonâmemeurtrie,qu’illepréservepourSláine,
pourque,lorsqu’ellereviendrait,ellen’aitpasàdevoirposerlesyeuxsurçaets’envouloirdece
qu’ilavaitsubiàcaused’elle.
Maisc’étaitcequeSiovoulait.
Ilallaitdéguster.
Siatrisneressentitaucunesatisfaction,paslemoindreapaisementàentendreAmandainsulterSio,la
voirl’humilierpuislefrappern’importecommentavectoutcequiluitombaitsouslamain.C’en
étaitgrotesque.
Àtelpointqueplusieursfois,ilfuttentédemettrefinàcetteignobleparodie.D’ailleurs,Sione
semblaitpasréagiràcetraitement.Aucunson,pasmêmepourtémoignerqu’ilsouffraitouressentait
quelquechose,nefranchitseslèvres.SauflorsqueAmandas’arrêta.Parcequ’ilenvoulaitencore.La
jeunefemme,elle,n’enpouvaitplus;auborddeslarmes,ellesuppliaSiatrisduregardd’accourirà
sonsecours.
Levisagefermé,ledémonintervintenfinets’approchadesonami.
—Çasuffit,articula-t-ildistinctement.
Iln’avaitpasbesoindehurlerpoursefaireobéir,sontonnesouffraitaucuneréplique.C’est
pourquoiSioneprotestapaslorsqu’illelibéraetlelaissaprendresoindelui.
Totalementindifférentàladétressedelajeunefemme,Siatrisjetauneliassedebilletsàsespieds.
Bienplusquenelejustifiaientsescompétencesouletempsqu’elleavaitpasséàs’acharnersurSio.
Néanmoins,ilespéraitquecelaluiserviraitdeleçon,qu’elleréfléchiraitetferaitmontredeplus
d’intelligencedanssonmétierdorénavant.
Unefoisencore,Siatrisaidasonamiàsedévêtir,s’étendresursonlitpuiss’installaprèsdelui.Sio
avaitfermélesyeuxmaisledémonsavaitqu’ilétaitconscient,mêmesil’étatdesoncorpsauraitpu
laisseràpenserqu’ilavaitperduconnaissancetantilavaitétérouédecoups.
Siatrisenétaitmalade.Lesmarquesdesesproprestraitementsavaientviréàunrougepresquenoir,
cellesqu’Amandavenaitdeluiinfliger,écarlates,parachevaientletableau.Latoilenacréequ’étaitla
peaudeSios’étaitmuéeenuneœuvrepouvants’intituler«souffrance».
—C’estladernièrefoisquej’autoriseunetellechose,grondaSiatrisdécidéàsortirsonamidu
gouffredanslequelils’enfonçaittouslesjoursunpeuplus.
Ungrognementinintelligibleluirépondit.
—Jesaiscequetucherchesàfaireetjenesuispasd’accord.
—Jeveuxoublier,soufflaSio.
—Tun’aspasledroitd’oublier.Justeceluidetereprendreetdetoutfairepourlaretrouver.Imagine
qu’ellereviennelàdanslasecondeettevoiedanscetétat!Tucroisvraimentqu’elleapprécierait?
—Siellearrivaitdanslesminutesquiviennent,jelaprendraisdansmesbrasetensuitejeluiferais
l’amourpendantdesjoursentiers.
Siatrisesquissaundemi-sourire;ilavaitl’impressionquelaseuleévocationduretourdeSláine
faisaitrenaîtrel’espoirchezsonami.
—Turêves,monpote!Tuesàmoitiémortetasautantdecharismequ’unzombiàl’instantoùnous
parlons.
—C’esttoujoursmieuxqu’êtreblond,plaisantaSiotoutbas,surprenanttotalementSiatrisquise
permitunautresourire.
—Cetteconned’Amandat’aurait-ellefinalementremislesidéesenplace?s’étonna-t-il.
Siatrisn’obtintjamaissaréponse,Sios’étaitendormi.
Grâceauxrenseignementsobtenus,Voanretrouvalatraced’Hadrienassezfacilement.Cependant,
leursretrouvaillesnesepassèrentpasexactementtellesqu’illesavaitespérées.Presquechoquédele
revoir,lejeunehommeluiavaittournéledosdèsqu’ill’avaitaperçu.
Profondémentblessé,Voann’avaitpasinsisté.Ilnes’étaitpasattenduàcequ’Hadrienluitombedans
lesbrasenlevoyant,d’autantques’ilétaitparti,ildevaitnécessairementexisteruneraisonàson
départ.Maistoutdemême.
AlorsVoanavaitpassélesquarante-huitheuressuivantesassisdanssavoituregaréejustedevantla
boutiquedujeunehomme,àregarderlescandidatsauxpiercingsettatouagesentreretsortir,ou
encorestationnéenbasdesonimmeubleenespérantqu’Hadrienfiniraitpartrouverlecouragede
l’affronter.
Letroisièmejour,justeaprèssapausedéjeuner,Hadrienfinitparcéderunpeudeterrainetconsentit
àl’approcher.Voansepenchapourouvrirlaportièredroitedesavoiture,espérantquelejeune
hommeviennes’asseoirprèsdelui.Maiscederniersecontentadesecourberunpeu,unavant-bras
enappuisurlacarrosserie.
—Qu’est-cequetuveux?luidemandaHadriendansunsoupirplusmorosequ’exaspéré,sans
paraîtres’apercevoir,sansdouteenraisondelapénombrerégnantdansl’habitacle,quelesyeuxde
sonancienamantn’arboraientplusleurcouleurhabituelle.
—Savoirpourquoituespartisansunmotd’explication,luiréponditVoan.Savoirsij’avaisfait
quelquechose,essayerdecomprendre.
Uneombrepassasurlevisagedujeunehomme.
—Pourquoimaintenant?Pourquoiest-cequetuasattendutoutcetemps?
—Parcequesij’étaisvenuplustôt,jet’auraisfaitdumal.
Hadrienhochalentementlatêtepourmontrerqu’ilcomprenait.Etpeut-êtreaussipourleremercier
deluiavoirévitéça.
—Jesuispartiparcequejenet’aimaispas,luiavoua-t-ilfinalement.
Legéantsentitsoncœurseserrerdouloureusement.Voandétournapudiquementlesyeuxpourles
fixerdroitdevantlui.
Pourquoiavait-ilvoulusavoir?Detouteslesthèsespouvantexpliquersondépart,Voann’avaitpas
vouluimaginercelle-là.
—Moijet’aimais,murmura-t-il.
Hadrienfitminedenepasréagir.Laproximitédudémonlemettaitàlatorture.Parcequ’ilsavaitque
s’illelaissaitl’approcherànouveauilnepourraitrésisteràlatentationetquel’histoirefiniraitpar
serépéter.
HadrienrespectaitVoan,avaitdel’affectionpourluietsavaitqu’ilconnaîtraitd’indiciblesinstantsde
plaisirgrâceàlui.SeulementlegéantattendaitautrechosedeluimaisHadriennepouvaitlelui
donner.Ilnel’aimaitpasetnel’aimeraitjamais.EtVoanneméritaitpasça.
Lejeunehommenenourrissaitaucungriefparticuliercontreledémon,pasmêmeceluid’appartenir
àuneautreespèceoud’êtrebeaucouptropbeauetparfait.C’étaittellementplussimplequecela.
L’alchimienefonctionnaitpasdesoncôté.Ilappréciaitêtreprèsdelui,maisseportaittoutaussibien
ensonabsence,semoquaitdecequeVoanpouvaitfairelorsqu’iln’étaitpasaveclui.
Siseulementledémonpouvaitlecomprendreetsecontenterdenevoirenluiqu’unamant,alors
peut-êtreque…
—C’esttoujourslecas,rajoutaVoan.Tum’asmanquéet…
—Est-cequetuseraiscapabledemereprendresansrienattendred’autrequebaiseravecmoi?le
coupaHadrien.
Voansefigea,aussiincrédulequ’animéd’unespoirrenaissant.Ilauraitpurépondreoui
instantanémentparcequ’ilespéraitques’illefaisait,Hadrienplaqueraitpeut-êtretoutpourrepartir
aveclui.Opposerunrefuscatégoriqueétaitimpensable.Lemieuxétaitdoncdeluiavouerqu’iln’en
avaitstrictementaucuneidée.Pourl’instant.
L’avoirprèsdeluiseraitplussupportablequ’êtreseul.Maissavoirqu’Hadriennel’aimeraitsans
doutejamaisétaitsecondamnersoi-mêmeàunpetitenferpersonnel.
—Jenesaispas,réponditdoncVoanhonnêtemententournantànouveaulesyeuxverslejeune
homme.
—Tuyréfléchisettumerappelles?proposaHadrienenluitendantunecarteàl’enseignedesa
boutiquequ’ilvenaitdesortirdelapochearrièredesonjean.
Voanacceptad’unhochementdetête,tenditsamainetsaisitlecartonentredeuxdoigts,provoquant
délibérémentuncontactavecceuxd’Hadrienquiréprimaunfrisson.
L’étincelledesatisfactionquibrilladansleregarddeVoann’échappanullementaujeunehommequi
neréagitpourtantpas.
—Ya-t-ileuquelqu’unaprèsmoi?luidemanda-t-ilensuite,parcuriosité.
—Pasvraiment,réponditlegéantensedemandantpourquoisoncœursepinçaitsifortalorsqu’il
prononçaitcesmots.Ettoi?
—Quelques-uns.
Souslecoupd’uneflambéedejalousie,Voanmanquadepeudefroisserlacartedevisitedansson
poing.Ilsepritàespérerquelejeunehommel’avaitdélibérémentprovoquéetapprécieraitcompter
autantpourlui.Cequisignifieraitque,peut-être,toutesseschancesn’étaientpasperdues.
Sansrajouterunmot,Hadrienseredressaetrefermalaportière.
Pensif,ilobservadistraitementVoanmanœuvrerpuissuivitlavoituredesyeuxjusqu’àcequ’elle
disparaissetoutauboutdel’avenue.
Voanavaitlonguementréfléchiàlapropositiondesonamant,essayantdeseprojeterdanscetavenir
avecluimaissansamour.Troissemainesauboutdesquellesilavaitfiniparluitéléphonerpourlui
direqu’ilacceptait.
Hadrien,peut-êtreavecl’intentiondetestersasincérité,luiavaitproposédepassersessemainesde
congésaveclui,précisantpourtantqu’ilnepouvaitabandonnersaboutiquecommeça,qu’aumoins
quelquesjoursluiétaientnécessairespourprendresesdispositionsetensuitelerejoindre.Aucomble
del’impatience,Voanavaitintérieurementgrondédefrustrationetd'agacement.Maisqu’étaient
quelquesjourssupplémentairessiaufinalilretrouvaitceluiqu’ilaimait.
Legéantavaitégalementsollicitéauprèsdujeunehommequ’ilrapportesonmatérieldepiercing
ainsiquesondermographeetsesencres.
CeàquoiHadrienn’avaitvuaucuninconvénient;pourêtrehonnête,ilavaitsentinaîtreunechaleur
aucreuxdesesreinsensongeantausublimecorpsdeVoansurlequelilpourraitexercersonart.
Maispasseulementcela.
Voans’étaitdoncrésigné,exhortéàlapatienceetaucalme,évitantdélibérémentdecôtoyerSiatriset
Sioplusquenécessaire.L’attitudedesdeuxdémonsenversluicommençaitàluitapersurlesystème.
Ilnesepassaitpasuninstantsansqu’illiselarancunedansleursyeux.
Parcequ’ilnecompatissaitpasassezàlapertedeSio?Parcequ’ilnelesavaitpasaidésdansses
recherches?CettefillequeSioavaitperduedevaitavoireuunebonneraisondepartiretlequitter.
Peut-êtrel’avait-ellefaitparcequ’ellen’aimaitpasledémon,commeHadrienl’avaitfaitaveclui?
Voann’avaitpasprislapeined’endiscuteraveceux,n’avaitpascherchéàensavoirplus,pasmême
lorsqueSiatrisluiavaitlaisséentendrequ’elleétaitl’unedesesprotégés.Sitelétaitbienlecas,cela
nechangeraitpasgrand-choseàl’affaireparcequ’êtreunangegardiennefaisaitpasdeluiune
nounou,maisseulementunguide.Seulesluiimportaitlasauvegardeetl’évolutiondel’âmedeses
protégés,iln’avaitpasàinfluersurleurvieoucequ’ilsenfaisaient.Donc,n’ayantressentiaucun
dangerplanerau-dessusd’aucund’entreeux,ilenavaitconcluquecettefillenerisquaitrien.Ou
qu’iln’étaitplusenchargedesonâme.Ouencorequ’ellen’avaitpasbesoindesonsoutien.
Siatrisavaitsemblévouloirrajouterquelquechose,avaithésitépuiss’étaitfinalementabstenu.Voan
n’avaitpasinsisté.
QuantàSio,legéantestimaitqu’ilfilaitunmauvaiscoton.Toutçapourunefemme!S’ilsavaitque
laforcedessentimentsquel’onéprouvaitpourunêtren’avaitpasgrand-choseàvoiravecsonsexe,
enrevanche,sapropreexpériencel’empêchaitdeconcevoirquelecorpsd’unefemmepuisseéveiller
autantdedésiretdepassion.Voanavaittentédeseremémorerlesoccasionsaucoursdesquellesil
s’étaitlui-mêmetrouvéavecl’undecesêtresentrelesbras.Cequil’avaitfaitsourire.Paslongtemps.
Ànouveau,soncœurs’étaitdouloureusementserrésansqu’ilcomprennecequipouvaitprovoquer
cephénomène.Puisunmanquedontilneconnaissaitpasplusl’originel’avaitenvahi.
Exactementcommel’avaitcomprisVoan,Sioétaitsurunepentesavonneuse.Malgrél’aide,les
conseilspuislesordresdeSiatris,ilavaitétéincapabledesedésintoxiquerdelamédiocrité
d’Amanda.LaseulechosequeSiatrisétaitparvenuàobtenirdeluiétaitdelimiterlesséancesàune
parjour.S’ill’avaitlaisséfaire,ledémonseseraitdéfinitivementfixélà-bas.PourtantSioconnaissait
desphasesgouvernéesparl’espoir,semblaitvouloirreprendreledessus,maisimmanquablement
chaqueaméliorationétaitsuivied’unepérioded’abattementencoreplusprofondequelaprécédente.
ÀtelpointqueSiatrissedemandaitsiAmandan’œuvraitpasendoucepoursapersesefforts.Ou
alors,celasignifiaitqueSios’inventaitcetteexcusepourjustifiersesvisiteschezelle.Cequivoulait
direqu’ilavaitdûprendregoûtàsesmaltraitances,ouquelapatiencedelajeunefemmevis-à-visde
luil’avaittouchéd’unemanièreoud’uneautre.Sitelleétaitdésormaissamotivationàluirendre
quotidiennementvisite,Siatrisdevaitmettrefinàcetépisodesordide.
AmandaneméritaitpasSio,etluiméritaitmieuxqu’elle.Beaucoupmieuxquecettefilledontla
profondeurdessentimentsn’allaitpasbeaucoupplusloinquesimpleprestiged’avoirunamanttel
queluietdepouvoirsepavanerensacompagnie.
Ivrederage,Téliseretenaitdehurler.Laprésencepermanented’YlsiauprèsdeSláineluiavait
interditdecommuniqueravecelle,mêmedurantsonsommeilqui,avait-ilremarqué,étaitagitéet
loind’êtreréparateur.Lajeunefemmen’allaitpasbiendutout,tantphysiquement
qu’émotionnellement.Cequin’allaitpasmanquerdeseproduire,bientôt,lalaisseraitsurlecarreau
etluinepourraitrienfairepourl’empêcher,seulementessayerdel’aideràrecollerlesmorceaux.
Bienentendu,telétaitlebutdecesalaudd’angequin’avaitoctroyéàSláinequ’unejournéepour«se
refaireunesanté».Etsonidéedelachoseserésumaitàluifournirunrepasetl’envoyersousla
douche.
TélicraignaitfortquelepullqueSláinevenaitdepassernesuffisepasàcontrerlefroidqui
s’empareraitd’ellelorsqu’YlsilaconduiraitauLuxuria,d’iciquelquesheures.Ilnefallaitpasêtre
grandclercpourcomprendreques’iln’avaitpasrefusédel’yemmenerc’étaitqu’ilallaits’ypasser
quelquechosededramatiquepourSláineetquel’angecomptaitdessuspourqualifiersamissionde
réussite.
S’ilavaitpulefaire,Téliauraitfortementconseilléàlajeunefemmedeneserendre
auLuxuriaqu’aprèss’êtremanifestée,parexempleentéléphonant.Maisilnepouvaitquelaregarder
sedépêcherdesepréparer.
Elleavaittellementhâtederevoirceuxqu’elleaimaitdetoutsoncœur.
Sláineétaitloind’êtresatisfaitedel’imagequelemiroirluirenvoyait.
Pasuniquementparcequ’elleyvoyaitlerefletdel’angequilasurveillait,maisàcausedusien
propre.Deuxshampoingsn’avaientrienpufairecontrel’étatlamentabledesescheveux,pasplusque
lesavonpoursapeaudéshydratéeouladouchechaudepoursoncorpsetsonmoral.Sesyeuxétaient
tropbrillantscommesielleavaiteudelafièvre,sonteinttrèspâle,devilainscernesluimangeaient
levisage.Etsestentativespourmasquercesstigmatessousdumaquillages’étaientrévéléespiresque
lemallui-même.Alorselles’étaitfaituneraisonetavaitôtétoutetracedefardsdesonvisage.
Enplusd’avoirofficiellementdécrétéqu’elleétaitmoche,Sláinesesentaitexténuée,maispuisait
l’énergiequiluifaisaitdéfautdanssacertitudedebientôtrevoirSioetVoan.Endépitdeceque
l’angeluiavaitdit,elleespéraitquetousdeuxnes’étaientpasmisdanslatêtequ’elleétaitpartie
parcequ’ellenelesaimaitplusouavaitdécidédelesquitter.
Ellelesaimaitplusquetout;ilslesavaient.Simalgrétoutilsavaientosésongeràunetelleineptie,
elleprévoyaitunediscussionhouleuseetquelquesmomentspasfacilesàvivre.Maisaprès…
Sláineavaitcessédebrossersachevelurelorsquesonesprits’étaitmisàvagabonder.Letourplus
qu’érotiqueprisparsespenséeslafitsourireetfrissonnerdedésir.Jamaisellen’auraitpensé
ressentircequeSioappelaitlui-mêmeêtreenmanquedel’autre.Maisunmoissanseuxl’avait
effectivementplongéedanscetétat.Leseulfaitdepenseràleursmainsouleursbouchessurelle,de
pouvoirlireleuramourouledésirdansleursyeux,luidonnaittrèstrèschaud;ellecrevaitd’envie,à
enavoirmal,delesembrasser,lessentirenelle,lesregarder,leurlaisserfaired’elleabsolumenttout
cequ’ilsauraientpusouhaiter,qu’ellesoitactricedansleursjeuxousimplespectatrice.Unsoupir
d’impatienceluiéchappa,maisunmouvementdesontortionnairedanssondoslaramenaillicoàdes
réflexionsbeaucoupmoinsplaisantes.Ellerepritsonbrossage,toutsourireayantdésertésonvisage.
Siellel’avaitpu,Sláineauraitfaussécompagnieàcethommequ’ellehaïssaitpourcequ’illuiavait
faitetpourluiavoirtusesraisons.Ceciditlajeunefemmen’étaitpascomplètementidioteetse
doutaitquesonraptavaitnécessairementunliendirectavecTéliparcequedesavie,ellen’avaitrien
faitjustifiantquelesangess’enprennentàelle.
L’entitéluimanquaitaffreusement,maisSláineavaitcomprisquelaprésenceperpétuelledel’ange
prèsd’elleleurinterdisaittoutcontact.Ellenepouvaitcependants’empêcherdes’inquiéter.Ilaurait
puvenirlavisiterpendantsonsommeil,cedontilnes’étaitjamaisprivéjusqu’iciquandcelas’était
avérénécessaire.Ousiuneenvieledémangeait.Encorequedanscecasprécis,etsilavoieétaitlibre,
ilpréféraitnettementluiapparaître.CequinesignifiaitpasnonplusqueSláinecédaitàtousses
caprices,aussisexyetattirantsoit-il.
Environcinqminutesavantqu’YlsinedéposeSláinesurleparkingencoredésertduLuxuria,Voan
sortitdumonte-chargeetpénétradanslehallduclub.Impatient,ilpritnéanmoinsletempsdesaluer
Léaetlesemployésdel’établissementvaquantàleursoccupations.
Voans’étaitproposépourvenirchercherHadrienlui-mêmemaiscedernieravaitinsistépourarriver
parsespropresmoyens.Legéantn’avaitpasinsistémaissongéqu’ainsi,sil’envieluiprenaitde
l’abandonnerànouveau,Hadrienn’auraitqu’àsauterdanssavoitureetfiler.
SioetSiatrisn’étantpasencorerevenusdeleurvisitequotidiennechezAmanda,c’estàVoanqueLéa
demandadel’aideràvérifierquetoutétaitenordredanslasalleetdesechargerdel’ambiance
sonore.
UndénomméDavidremplaçaitTomcesoir-là.L’habituelouvreurduclubsouffrantétaitencongé
maladie.
Lenouvelemployéouvritlagrandeportejustecequ’ilfallaitpourluipermettredesortirprendre
sonposteàl’entréeduLuxuria.Sanssedouterdudramequiallaitsejoueretdontilseraitacteurd’ici
trèspeudetemps.
Chapitre5
Dèsqu’YlsieûtgarésavoituresurleparkingduLuxuria,àunedizainedemètresdel’entréeduclub,
maisàl’écartdesflaquesdelumièredispenséesparlesquelqueslampadaires,Sláineavaitvoulu
sortirduvéhicule.L’Angel’enavaitempêchéeentendantsonbrasdevantelle.Deslarmesde
frustrationétaientmontéesauxyeuxdelajeunefemme.Parcequ’ellen’avaitpaslaforcephysique
pourluttercontrelui,parcequesoncorpsetsonâmesetendaientdouloureusementverscettefoutue
portequinereprésenteraitbientôtplusqueledernierobstacleàfranchiravantdepouvoirretrouver
deuxdesêtresquicomptaientlepluspourelle.
Sanssavoirpourquoi,SláineavaitlogiquementpenséqueSioetVoanseraientauclubplutôtquedans
lamaisonqu’onleuravaitprêtéepourabriterleuridylle.Ellenedoutaitpasquetoutaitétémisen
œuvrepourlaretrouver,quenombrededémonss’yétaientréunispoursecreuserlesméningeset
découvrirenfinoùelleavaitbienpudisparaître.L’idéequ’ilsauraienttrèsbienpuledemanderà
Téli,del’autrecôté,dansleurdimensionàeux,l’effleuraetl’angoissaunpeu.Parceques’ils
l’avaientfait,ellen’auraitpeut-êtrepaspassétoutescessemainesavecunsalopard.
Maispeut-êtreque,perturbésparl’inquiétude,ilsn’yavaienttoutsimplementpaspensé;queTéli
n’avaitpasétéenmesuredelesrenseigner,ouquequelquechosenetournaitplusrond.
—Ilsnedevraientplustardermaintenant,murmuralavoixgraved’Ylsi,brisantlesilencequeSláine
secontraignaitàrespectermalgrésonimpatienceettouteslesinsultesqu’elleavaitenviedeluilancer
àlafigure.
Cequ’elleauraitfaitsiellen’avaitpasétécertainedeseprendreuncoup.
Lajeunefemmenecomprenaitpaspourquoiilnelalaissaitpastoutsimplementpartirpuisque
visiblementilenavaitterminéavecelle.Sláineserralesdents,neréponditrienmaisluijetauncoup
d’œil.S’iln’avaitpasétéaussifroid,inflexible,etsurtouts’iln’avaitpasétéceluil’ayantséparéedes
siens,elleauraitputrouveruncharmecertainàcetangeetappréciersacompagnie.Maislesrares
foisoùelleavaitaffrontésonregardd’or,ellen’yavaitvuquerigueuretinhumanité.
Lesyeuxrivéssurlaporte,lecœurbattantàtoutrompre,Sláinetordaitnerveusementsesdoigts
entremêlésenattendantdevoirapparaîtreSioouVoansortantpourattendrel’ouvertureduclubet
discuteraveclenouveaudontlasilhouetteétaitnimbéedurougedesnéonsdel’enseigne.C’est
pourquoielleneprêtapasattentionàl’autrevéhiculequis’arrêtasurleparkingàquelquesplaces
d’eux.
Sláineretintsonsoufflelorsquelagrandeportes’ouvritenfin.
Voan.
Lajeunefemmefutimpuissanteàempêcherseslarmesderoulersursesjouesalorsqu’unhoquet
d’émotionsebloquaitdanssagorge.Maiselleneputriennonpluscontrelapressiondubrasde
l’Angeserenforçantsurellepourl’empêcherdebouger.
Sláinenepouvaitplusattendre,déjàsamains’étaitposéesurleloquetdesaportière.Soncœurétait
surlepointd’exploser.
—Attendezencore,ordonnal’ange,lesyeuxfixéssurlegéant.
—Non!hurlalajeunefemmeenessayantdesedébarrasserdubrasd’Ylsi.Laissez-moipartir,ilfaut
que…
—Regardez.
AlorsSláineregarda.Voan,levisagerayonnantd’unsourireàdamnertouslesSaintsduParadis,
avançaitdansleurdirection,lentement,desadémarchesouple.LesyeuxdeSláineglissèrentsursa
longueetsurnaturellechevelurerouge,sonT-shirtsansmanchesencuirnoirmettantenvaleurses
merveilleuxbicepsautantquelaperfectiondesontorse,sonpantalonenserrantseslonguesjambes.
SilecœurdeSláinesegonfladetoutsonamourpourlegéant,soncorpsvibraitdésormaisde
nervosité,d’impatience,dejoie,de…
Voandéviadesaroutepours’arrêterprèsdel’autrevéhiculed’oùvenaitdesortirunhommedontla
silhouetterappelavaguementàSláinecelledesonamiTerry,n’eûtétésescourtscheveuxblonds
coiffésunpeuàlaBillyIdoletsatenuetrèséloignéedecellesqueportaienthabituellementlejeune
homme.Elleauraitaiméquesamémoireluifassedéfautàcetinstant,pournepassavoiravec
certitudequiétaitcethomme.
Voanluiavaitparlédecegarçonquisetrouvaitniplusnimoinsêtreceluil’ayantquittéavant
qu’elle-mêmenefassesaconnaissance,celuidontlesouvenirl’avaitpousséversTerry,enraisonde
leurressemblance.
—Non,souffla-t-elle.
SoncœursebrisaenvoyantleregardqueVoanposasurlegarçon,s’arrêtalorsqu’ellelevitse
rapprocherencorepourlerepoussercontrelavoiture,luifutarrachédelapoitrinelorsqu’ensuiteil
sepenchasurluipourl’embrasser.
Sláinesavaitquecetteimageresteraitàjamaisgravéedanssamémoire.Parcequecebaisern’était
passeulementunemanifestationdedésir.C’étaitlapreuveflagranted’unamourprofondetsincère,
longtempsrépriméetenfouimaispouvantenfins’exprimerànouveau.Iln’yavaitqu’àvoirles
mainsdeVoanposéessurlevisagedujeunehomme,sesyeuxdésormaisferméspourmieux
apprécierlasaveurdeseslèvres,sedélecterdubonheurdepouvoirserrerl’êtreaimécontrelui.
Lecerveauanesthésiéparladouleur,Sláinenecomprenaitplusrien.
PourquoiVoans’étaitdirigéverslui,l’embrassaitluietpaselle?
Pourquoiilavaiteul’airde…l’attendre.Pourquoi…Pourquoi…
Cettefois-ci,Ylsin’empêchapaslajeunefemmedesortirdelavoiture,cequ’ellefitlentement,
maladroitementpourfinalementresterdeboutàcôtédelaportièreouverteluiservantdebéquille,les
yeuxrivéssurlecoupleetcethorriblebaiserquin’enfinissaitpasmaisqu’elleétaitincapabledene
pasregarder.L’idéedes’avancerverseuxneluivintpasàl’espritparcequetoutaufondd’elle
Sláinesavaitquecelaneserviraitàrien.Àriendutout.Cequ’elleétaitdevenueégalement.Auxyeux
deVoan.
Commeelleauraitaimépouvoirseperdredanslaréconfortanteétreintedudéni.Celaneluifutpas
accordé.Pasmêmel’idéequel’angel’avaitconduiteaumauvaisendroit,dansunedimension
parallèleouunmondequin’étaitpaslesien.Ellesavaitqu’ellesetrouvaitbeletbiendansson
univers,unlieuoùelleavaitsipeud’importancequ’unpetitmoisavaitsuffiàVoanpourpasserà
autrechose,aupointdenepasmêmes’apercevoirdesaprésenceàquelquesmètresdelui.
Sláineavaitdûêtrevictimed’unepetiteabsence;lebaiseravaitprisfin.Elleauraitnettementpréféré
qu’ilsensoientencoreàs’embrasserparcequ’ensuiteellesesentitmourir.
Avantdesemettreenrouteavecl’hommeendirectionduclub,lesbraschargésdesacsdevoyage,le
regarddeVoanavaitfurtivementcroisélesien.Etcequ’ellen’yavaitpasvuvenaitdelatueraussi
sûrementqu’unplongeondansunlacgeléavecunepierreautourducououtouteautreméthode
idoinepourdétruireunevie.Ilnel’avaitpasvraimentregardée,neluiavaitqu’àpeinejetéuncoup
d’œiltotalementdésintéresséetnel’avaitpasreconnue.Peut-êtremêmenel’avait-ilpasréellement
vue,pasmêmecommeunfantômedesonanciennevie.
Elledevaitdoncavoirététransforméeenunesortedemortepresquevivante,parcequemême
déconnectéedecetteréalitédontellenevoulaitpascommesienne,ellepritladirectiondel’entrée
duLuxuriaoùlecouplevenaitdedisparaître.
Sio.Lavienepouvaitpasêtrecruelleaupointqueluiaussil’aitoubliée.Terroriséemalgrétoutpar
cetteéventualitédevenueplausiblepuisquedanssonmondemêmel’impossibleseréalisait,elle
trouvasuffisammentdeforceenellepourresterdeboutetmarcher.Ellen’osapasentrerdansleclub,
maislaportedel’établissementrestéeentrouverteluipermitd’entendrelabellevoixgravedeVoan
informerquelqu’unqu’iln’étaitlàpourpersonnedurantlesjoursàvenir,pasmêmepourSiatris,ou
Siolorsqu’ilreviendrait.Ceàquoisoninterlocuteur,unefemme,Léa,répondit:
—Siatris,jem’enoccupe,etSionereviendrapasdesitôt.Jecroisqu’ilavaitl’intentionderester
chezAmanda.Entoutcasilavaitl’airpresséd’yaller.Peut-êtrequ’ilaenfintournélapagegrâceà
elle.
—Bien.Ilétaittemps.
Amanda…Tournélapage.Grâceàelle.
—C’estfaux,madouce,tentad’intervenirTéli,profitantcommeilputdel’absencedetoutdémonou
angeàproximitéimmédiate.Siot’aime,ilnet’apasoubliée.Ilvaarriveretprendresoindetoi.
MaissesmotsrassurantsseperdirentdanslechaosdespenséesdeSláine,engloutisdansleseaux
troublesdesonesprit.
Davidrepritsaplaceàl’entréeduclubetfutsurprisdetombernezànezavecSláinequi,tétanisée,
étaitrestéelà,plantéesurleseuil,tremblanteetlivide,auborddumalaise.
D’instinct,ilavaitcroisélesbrasetbombéletorsefaceàcettepiteusedemi-portion.Laforceou
l’intimidationsemblaitpourtantinutile.Ilauraitaussibienpusecontenterdeluisoufflerdessuspour
qu’elledisparaisseoutombetantellesemblaitpeuvaillante.
Prenantsontravailàcœur,ilallaitobéirauxdirectivesreçuesetn’autoriseraucunpasse-droità
aucunhumainnonaccompagnéd’undémon,saufbienentenduàceuxmunisd’unecartedemembre.
Leclubavaituneréputationàteniretcettefille,avecsamineaffreuseetsatenue,nepouvaitespérer
entrer.Néanmoins,ilattenditdesavoircequ’ellevoulaitexactement.
—Bonsoir.Jepeuxvousaider?articula-t-ild’untonneutre.
Lafillesemblasortirdesonétatetparutsurprisedelevoir.
—Voan…Sio…furentlesseulsmotsquipurentfranchirleslèvresdeSláine,àpeineportésparson
souffle.
—Ilsnesontpaslà.
—Iln’yapluspersonnealors?murmurapensivementSláineensedemandantoùellesetrouvaitet
pourquoielleavaitsifroid.
Elleestcomplètementstone.Encoreunedroguée!
—Nonetvousnepouvezpasresterici,allez-vous-en,luiintimaencoreDavidquis’impatientait
parcequedevraisclientscommençaientàarriver.
—Oui,jevaispartir.Loin.TrèsloindeVoanet…
Davidobservalajeunefemmeluitournerledosets’éloigner.Puisn’ypensaplus.Démonset
humainsseprésentaientàl’entrée.
CommehypnotiséeoudresséeàrevenirverssonMaître,Sláines’étaitnaturellementdirigéevers
l’emplacementqu’avaitoccupélavoitured’Ylsiilyavaitencorequelquesminutesdecela.Àsaplace
setrouvaienttroisgrandssacsenplastiquecontenantsespossessions‒cequidevaitêtrela
conceptiondel’angedesacsdevoyage‒déposéssurlemacadam.
Personnesurleparkingneserenditcomptequelaréalité,l’évidencequesavien’étaitplusque
ruines,s’abattitd’unseulcoupsurlesépaulesdeSláine,silourdementqu’elless’affaissèrentplus
encore.Puissefurentsoncorpsetsonespritquidéclarèrentforfaitsouslafulgurancedeladouleur.
Terrassée,elles’évanouit.
Uneépauleenappuicontrelaporte,VoanobservaitHadrienévoluerlentementdanssonloft,fairele
tourdulitmonumentalquiytrônait,puisjeteruncoupd’œilauxphotosdenusartistiquesdécorant
lesmurstapissésderouge,unautreaucoûteuxsofaencuirdelamêmecouleurplacétoutaufondde
lapièceavantderevenirlentementverslui.
Lejeunehommen’avaitpastellementchangéendeuxansmaisarboraitquelquesnouveauxpiercings
:sixhélixsurchaqueoreilleenplusdesesdeuxlobeschacundeuxfoispiercés:unrook,unà
l’arcadedanslequelétaitpasséunpetitbarbellrougeetunlabretdécaléagrémentéd’unpetitanneau
noir.
Voansedemandas’ilenavaitd’autres,dissimuléssoussest-shirtetjeanparexemple.Ilavaithâtede
ledécouvrir.
HadrienserapprochalentementdeVoanquis’adossaàlaporte,sesyeuxrivéssurceuxdujeune
homme,étincelants,preuvequemêmes’ilnel’aimaitpasilledésiraittoujours.
Encoreunpasetleursbassinssefrôleraient.Hadriennemanqueraitpasalorsdeserendrecompte
dansquelétatinvraisemblableillemettait.
Lachaleurémanantdesoncorps,sonparfum,leurssouvenirscommunslerendaitfou.
Lejeunehommefitcepas;uninfimesourireaffleurasursabouchelorsqu’effectivementsapropre
érectionseretrouvapresséecontrecelledeVoan.Cedernierémitunesortederonronnementquand
Hadrien,pourleprovoquer,fitbougerseshanchesdemanièreàoccasionnerquelquesfrottements
entreeux.IllevasonvisageversceluideVoan.
Incapabled’attendrepluslongtemps,legéantsepenchasurlejeunehommeetl’embrassa;un
grondementdeprofondesatisfactionrésonnadansleloft.
SanschercheràinterromprelebaiseràlafoistendreetfougueuxqueVoanluioffrait,Hadrienfit
dériversesmainsjusqu’iciposéessurleshanchesdugéantverssonventre.Puissesdoigts
s’activèrentuninstantsurlesboutonsdesonpantalonetlelibérèrent.
LesoupirrauquedeVoanfutétoufféparlabouched’Hadriensepressantplusencoresurlasienne
lorsqu’illepritdanssamain.
Voanétaitdéjàexcitédepuisqu’ils’étaitretrouvéseulavecluidanssonloftetlescaressesdeson
amant,doucesetlentes,leconduisaientinexorablementversunplaisirdéjàproche.
MaisHadrienl’abandonna,leprivantdetoutpourselaissertomberàgenoux.Voanfermalesyeuxet
tentadesecontrôler,maisdutlesrouvrirpourchasserlavisionmalvenuequis’imposaàlui.Encore
cesyeuxbleus,désormaisdénuésdesentiment,devieetd’uneincroyableduretéquiluifirentpresque
maltantileutl’impressionquecettefroideurétaitdirigéecontrelui.C’étaitstupide,ceregard
n’appartenaitàpersonne.
Voanl’oubliadèsquelesiens’abaissasursonamant.Tantpissicelaimpliquaitdejouirbeaucoup
troptôtàsongoût.Contemplerlesdélicieuxtourmentsqu’Hadriendécideraitdeluiinfligerluiavait
toujoursfaituneffetincroyable;iladoraitpar-dessustoutregardersalanguesepromener
paresseusementsurlui,ousevoirdisparaîtretotalementdanslachaleurhumidedesabouchealors
quel’étroitessedesagorgel’emprisonnait.
LesmainsdeVoanserefermèrentsurlesépaulesdujeunehomme,leboutdesesdoigtss’enfonçant
presquecruellementdanssapeaulorsqueceuxd’Hadrienserefermèrentsursonsexe,justeunpeu
tropfortpournepastrahirsavolontédeluifaireperdrelatête.Sesmouvementsd’unelenteur
délicieusementexaspérante,sonregardlevéversluilemirentausupplice.Voanneputs’empêcherde
donneruncoupdereins,mouvementinstinctifunpeubrusquedéclenchantuneprodigieuseondede
plaisiretluiarrachantunrâleprofond.
Lamaingauched’Hadrienseplaquasursahanche,luiordonnantsilencieusementdeneplus
recommencer.PuissonregardquittaVoanpourseposersursonérection.
Bonsang,ilétaitdéjàsurlepointd’exploser!Larespirationdujeunehomme,sonsoufflebrûlant
surlui,seslèvressiproches,entrouvertes,leboutdesalangueleshumectant…
Expressionduformidablefrissonquisecouasoncorpstoutentier,unelongueplainterauquelui
échappalorsquelalangued’Hadrienrampalangoureusementsurlui,montantetdescendanttandis
quelepouceetl’indexdujeunehommeformaientunanneauserefermantimpitoyablementàlabase
desonsexe.
Voanperditlanotiondetoutlorsquel’humiditébrûlantedelabouched’Hadrienl’engloutittoutentier
autermed’unelonguecaressemesurée.Ilnepouvaitriencontrelesvaguesdeplaisirincandescentes
auxquelleschaqueva-et-vient,chaqueaspiration,chaquecaressedesalanguedonnèrentnaissanceau
plusprofonddesonêtre.Déjàtenduàl’extrême,soncorpsseraiditplusencore,s’arquapour
plongerplusloindanslabouched’Hadrienlorsquelajouissancemontaenlui,inéluctablement.Le
grondementterriblementgravequijaillitdelagorgedeVoanreçutenréponseungémissement
satisfaitd’Hadrienquinelelibéraqu’aprèsquesesspasmesincontrôlablessesoientapaisés.
Voanavaitdenouveaufermélesyeuxlorsqu’Hadriensereleva.
—Toujoursaussisensible,murmuralejeunehomme,unsouriremalicieuxflottantsursonvisage.
Ledémonsecontentadeluirendresonsourire,sansrouvrirlespaupières.Ilsesentaittropbienet
tropheureuxpourlaisseréchappercettesensationsitôt.
Malheureusementpourlui,descoupspressantsàlaportesurlaquelleilétaittoujoursenappuise
firententendre.Ungrognementmontadanssapoitrine.
—Quoi?aboya-t-ilàl’adressedesonvisiteurindésirable.J’aiditquejenevoulaispasêtredérangé
!
—Justeunequestion,luiréponditlavoixdeSiatris.
Celle-ciayantlaisséfiltrerautantd’urgencequedecolère,Voansoupiraprofondément,serajusta
rapidementetjetauncoupd’œilàHadrienquin’avaitpasbougépourluiintimerl’ordresilencieux
denesurtoutpassongeràs’éloignerdelui.
—Est-cequetuasvuunejeunefemmetoutàl’heuresurleparking?
luidemandaSiatrisdontleregardlançaitdeséclairscapablesdesurgelern’importequid’autreàla
seconde.
—Mesouvienspas,grommelaVoanirritéqu’onledérangepourça.
—C’estimportant,grondaSiatris.Réfléchis!
Laseulechoseayanteudel’importancepourVoanlorsqu’ilétaitsortiavaitétél’arrivéed’Hadrien.Il
fouillanéanmoinssamémoire,espérantqu’unefoisrenseigné,Siatrisluifoutraitlapaix.
—Oui.Jecroismesouvenirqu’ilyavaitunevoituregaréeetqu’unejeunefemmesetenaitàcôté.
—Bordeldemerde!Etquefaisait-elle?
—Aucuneidée.
—Essayedetesouvenir,bordel!Jetepréviens,jenesuispasprêtdetelâcher,ajoutaSiatrisenjetant
uncoupd’œiléloquentendirectiond’Hadrienquisuivaitlaconversation.
—Jecroisqu’ellem’observait,finitpardireVoanensedemandanttoutàcouppourquoicettefille
qu’ilneconnaissaitpassemblaiteffectivementavoireulesyeuxrivéssurlui,ousurluietHadrien.
—Merde!Etellet’asuivi?
Perplexe,Voanlevaunsourcil.
—Pourquoil’aurait-ellefait?
—Réponds,bonDieu!
—Jen’ensaisrien.Jen’aipasfaitattention.Maisqu’est-cequeça…
—Cettefemmeesttrèscertainementcellequiavaitdisparuetquenousrecherchions!explosaSiatris.
—Ellenedoitpasêtrebienloin,énonçaVoanententantdenepastenircomptedel’agressivitéde
sontonquidevaitsansdoutetoutausouciqu’ilsefaisaitpourcettefille.
—Ellepeutêtren’importeoù!rétorqualedémondansungrondement.Etilyafortàparierqu’elle
n’aitpasappréciétevoiravectonmecetsesoitsauvée.
—Pardon?!s’exclamaVoanstupéfait,sedemandantsiSiatrisn’avaitpasluiaussiperdulesens
commun.Pourquoiseserait-ellesauvéeàcausedeça?
Siatriss’envoulaitd’avoirlaissééchapperça,aussiéluda-t-illaquestion.
—Peuimporte,soupira-t-il.CettefilleestimportantepourSioetparcequ’elledétientuneparcellede
Téli,qu’elleacontribuéàsoncorpsdéfendantàlasauvegardedenosdeuxuniversilyapeude
tempsetqu’elleestendanger.
—Ah.
—Tunet’ensouvienspas?
—Sibiensûr,maiscen’étaitpasellequisetrouvaitsurleparking.
Cellequinousaaidésétait…blondeourousse,jecrois.Celle-làavaitlescheveuxnoirs.
—Tun’esvraimentqu’unpauvreabruti,lâchaSiatrisens’éloignantrapidementpourretournerdans
sonpropreappartementetsurtoutnepascéderàlatentationdecollersonpoingsurlebeauvisagedu
géant.
Chosequilesoulageraitmaisn’arrangeraitrien.
MaisVoannel’entendaitpasainsi,rattrapaSiatrisetseplantadevantluipourluibarrerlaroute.
—Répètecequetuviensdedire?!
—J’aiditquetuétaisunabruti,articulalentementSiatrisenleregardantdroitdanslesyeux.Etje
rajoutequetuesunlâchedoubléd’unsalauddepremièrecatégorie.
LaréponsedeVoannesefitpasattendre,sematérialisantparuncoupdepoingqueSiatrisencaissa
sansbronchernisesoucierdesalèvrequivenaitd’éclatersouslechoc.
Essuyantsabouchedudosdelamain,Siatrisobservalegéantremonterlecouloiraupasdecharge.
—Tuaimaiscettefemmeplusquetout,murmura-t-ilpourlui-même.
Etc’estcetimparfaitquivalatuer.
LedémonvitlahautesilhouettedeVoans’immobiliserunquartdeseconde,commes’ilavaitentendu
cesmotsetqueceux-cil’avaienttouché.
Puisildisparutdanssonloft;laporteclaquasiviolemmentquelesmursducouloirtremblèrent.
SiatrisrepritsaroutepourrejoindreDavidetSioquil’attendaientchezlui,tousdeuxanxieuxmais
pourdesraisonsdifférentes.
LeregarddeSio,emplid’unréelespoir,sefixasurSiatris.
—Alors?souffla-t-il.
—Jecroisquec’étaitbienelle,murmuraSiatrisseplaçantimmédiatemententreluietDavid.
Richeidées’ilenétait;Sioavaitbondisurlejeunehommeetauraitétécapabledeletueràmains
nues.Iln’enseraittenuqu’àSiatris,ilauraitlaisséledémoncasserlagueuleàcetimbécilesansen
éprouverlemoindreremords.
Iln’eutaucunmalàlemaîtriser,heureusementpourDavidquis’écartanéanmoinsdesdeuxdémons.
—Jesuisdésolé,imploracedernier.Jenesavaispas.
—Cen’estpasuneexcuse,grondaSioenlefusillantduregard.
Qu’est-cequeVoanadit?demanda-t-ilensuiteàSiatris.
—QueSláineétaitbiensurleparkingetjecrainsqu’ellenel’aitvuavecsonmec.
—C’estpossible,confirmaDavidvoulantsemontrerserviablemêmes’iln’enmenaitpaslarge,se
reculantencorepourplusdesûreté.J’aieffectivementaperçuuneautrevoiturelorsqueVoanestsorti.
Aprèsjesuisrentréetlorsquejesuisressortielleétaitlà.Dansuntelétatdeconfusionquej’aicru
quec’étaitunedroguée.
—Est-cequ’elleademandéàmevoir?voulutsavoirSio.
—Non,elle…
—Non?fulmina-t-il.
—Enfinpasexactement,elleaparlédevousdeuxetavantdes’éloigner,elleaditqu’elleallaitpartir
trèsloindeVoan.Mais…
—Mais?lepressaSiatris.
Davidsedemandaitsilathéorieluitrottantdanslatêtenepouvaitpasexpliquerledépartdelafilleau
mêmetitrequelespectacledeVoanavecsoncopain.Oserait-ilenfairepartaudémonfurieuxquile
fixaitdesesyeuxrouges,àceluiauregardréfrigérantquiparaissaitunpeuplusraisonnablemais
restaitnéanmoinsunebêteféroce?
—Quandjesuisressorti,elleattendaitdéjàsurlepasdelaporterestéeouverte,reprit-il
prudemment.Etilestpossibleque…enfin,qu’elleaitentendu…deschosesqu’ellen’auraitpasdû.
—Explique-moiça?intervintalorsSiod’unevoixsimielleusequeDavidfrissonnadeterreur.
Lejeunehommepritencoredeladistance,soninstinctdesurvieréglésurmaximummêmesiSiatris
retenaittoujoursSiod’unemainplaquéesursontorse.
—Ehbien…VoanvenaitdedireàLéaqu’ilnevoulaitêtredérangésousaucunprétexte,mêmepar
vousdeux;alorselleluiaréponduquedetoutefaçonvousaviezprévuderesterchezunefillequi
vousavaitaidéàtournerlapage.
—Etest-cequeLéaamentionnélenomdecettefillechezlaquellej’étaissupposérester?articula
Siotoujoursaussidangereusementpaisible.
Davidréponditparunhochementdetête.
Lesilenceetlecalmepresquesurnaturelsquirégnèrentensuitedanslapièceressemblaientbeaucoup
àceuxquiprécèdentuncataclysme,untremblementdeterrepeut-être,oul’éruptiond’unvolcan.
CequeDavidvenaitdepréciseravaitfaitl’effetd’unebombesurSio,unechargeexplosantdansson
cœuretsonâmedontlesoufflebalayatoutsursonpassage.Tenduàl’extrême,ilavaitlasensation
d’étouffer,quesoncœurvenaitd’êtreunefoisdeplusréduitencharpie.
LuiquiaimaitSláineaupointdenepassupporterresterplusd’uneheureloind’elle,quiavaitsimal
quesonabsencel’avaitcontraintàfairemartyrisersoncorpsparuneidiotepourannihilerououblier
ladouleur,étaitresponsable,enpartiedumoins,desafuite?
Maispourquoin’avait-ellepasinsistéetdemandéàlevoir,nel’avaitpasattendu,illuiaurait
expliqué.Avait-ellesipeuconfianceenluiqu’elles’imaginequ’ilaitpulatromperaveccettefille?
Qu’ilaitpuressentirautrechosequedelasouffrance?
Sioétaitconscientquel’étatdeSláine,physiqueet/oupsychologique,neluiavaitpasforcément
permisd’analyserlasituationcorrectementetsereinement.Ilignoraittotalementcequ’ellepouvait
avoirsubi,maissavaitqu’ellen’étaitpaspartie,qu’onl’avaitenlevée.Etconcevaitparfaitement
qu’avoirététémoindelatrahisondeVoanl’avaitchoquée.
Maisfuirneluiressemblaitpas.
Àmoinsque…
—Elleestpeut-êtrepartiechezAmanda!s’écriaSiotoutàcoup,espérantqueSláineaittrouvéla
forcedes’yrendrepourletrouverlui,mêmesic’étaitpourluifaireunescèneetluidiresesquatre
vérités.
SaSláineferaitça.
Siorefusaitdecroirequ’ellel’avaitabandonnépourquelquesmotsquin’étaientpaslavérité.Léa
n’avaitfaitqu’interprétercequ’elleavaitcruvoiroucomprendre.
Chapitre6
LemalaisedeSláine,quis’étaitproduitunpeuavantleretourdeSio,eutcinqtémoins:Madimietles
quatrepersonnesl’accompagnant.
N’ayantaucuneenviedepassersasoiréeetunepartiedelanuitauLuxuria,Madimi,serviable
commeàsonhabitude,s’étaitnéanmoinsproposéepourlesydéposeravantd’alleraucinémaou
peut-êtresimplementboireunverreetsepromenerenville.
Sláines’étaitévanouiepresquesoussesroues,soncorpss’affaissantjustedanslefaisceaudesphares
desavoiture.Silescinqoccupantsduvéhiculeétaientaccouruspourluiportersecours,seule
Madimis’étaitaccroupieprèsdelajeunefemme.
Sapaumesepressasursonfront,puisledosdesesdoigtseffleurasajoue.
—Elleestseulementtombéedanslespommes,diagnostiqua-t-elledesavoixclaireensetournant
verssescompagnons.Allez-y,jevaisresteravecelle.
—Tuessûre?avaitdemandél’und’eux.Tuneveuxpasqu’onlatransporteàl’intérieur?
—Certaine.Jevaisattendrequ’ellerevienneàelle.J’aviseraiensuite.
—Commetuveux.
ReportantsonregardsurSláinequisemblaiteffectivementvouloirreprendreconscience,ladémone
pritquelquesinstantspourobserverlajeunefemme.D’unepâleurdemauvaisaloi,elleétaitenoutre
beaucouptropmaigre,maisindéniablementjolie;elleleseraitencoreplusaprèss’êtrereposéeet
convenablementnourriependantquelquetemps.
Madimisavaitn’avoirpasaffaireàuneSDFouunedroguée,maisàunepersonneayantfaitun
malaiseàcausedesonétatdefaiblesseousuiteàunchoc.Oulesdeuxpeut-être,maisaprioririende
plussérieux.
Leregardunpeuégaré,maissurtoutvoilédetristesse,querencontraceluidudémonlorsqueSláine
ouvritlesyeuxluiconfirmasonintuition.
—Non,non,non,monpetitchat,turestesallongéepourlemoment,conseillaMadimienposantsa
mainsurl’épauledeSláinequitentaitdeseredresser.
Sláinen’insistapasetobéit,sedemandanttoutdemêmecequ’ellefichaitparterresurunesurface
horriblementdureetglacée.
—Où…
—SurleparkingduLuxuria,luirappelaladémoneàquilagrimacedouloureusedelajeunefemme
n’échappanullement.
QuelqueslarmesdébordèrentdesyeuxdeSláine,dévalèrentsestempespourallerseperdredanssa
chevelure.
OK,chocémotionnel.Violent.
—Tuasmalquelquepart?s’inquiétaencoreMadimi.
—Aucœur,soufflaSláine.
Ausensproprecommeaufiguré;ellesesentaitnauséeuse,l’épuisementluidonnaitl’impressionque
sonmusclecardiaqueallaitlalâcherousortirdesapoitrineetsonchagrin,cellequ’unemainglacée
l’écrasaitdetoutessesforces.
Sláinerefermasespaupièresuninstant,incapabledesavoircequ’elledevaitoupouvaitfairepourse
déroberàcettedouleurlancinante.Peutêtreenessayantdepenseràautrechose?Commesielleenavaitétécapable!Sonespritétaitenvahi
d’imagesaffreusesetdemotshorribles,sasolitudeluiparaissaitaussiirrévocablequesasouffrance.
Endésespoirdecause,elletentadeseconcentrersurlajeunefillepenchéesurelle.Ayantaperçule
petittatouageornantsoncou,justesousl’oreille,Sláineavaitdéjàcomprisêtreenprésenced’un
démon.Ledessinreprésentaitunpetitpentacle;lajeunefemmesongeaqueleschosesétaientbien
faites,lacouleurdudessinétaitrigoureusementidentiqueàcelle,vertémeraude,desonregardvif,
intelligentetespiègle.Sachevelureblondfoncés’égayaitdenombreusesmèchesplusclaires,sa
coupeébourifféeluidonnantl’aird’uneadolescenteeffrontée.Elleétaitenoutretrèsjolie,dansle
genrenaturel.
TandisqueMadimisesoumettaitvolontiersàl’examendeSláine,ellemêmeneseprivapasd’enfaire
autant.Depuisqu’elleavaitvusesyeux,etfaitabstractiondelasourdedouleuryflottant,ellen’avait
cessédelescontempler.Ellenesavaittropsicelatenaitàleurcouleurouàlaprofondeurduregard
decettefille,maisellelestrouvamagnifiques,troublantsmême.Etpotentiellementdangereux,deux
armespuissantes,capablesdechavirerlescœurs,oudelesbriser.
Sláinetentaànouveaudeseredresser;cettefois-ciladémonenel’enempêchapasmaisresta
accroupiesanscesserdesurveillersaprotégéequi,siellen’avaitpasvraimentreprisdecouleurs,
semblaitunpeuremise.
Sláinerestaassisequelquesinstants,passaunemaintremblantedanssescheveuxettirasonpullsur
seshanches.PuisellesoupiraprofondémentavantdesaisirlesmainsqueMadimiluitendaitpour
l’aideràserelever;ellesluiparurentbouillantes.
—Çavaaller?s’inquiétaànouveauledémon.
—Oui,mentitSláinedansunsouffle.
Elleavaitlasensationdeportertoutlepoidsdumondesursesépaules,étaitglacée,ressentaitle
besoindepleurerethurler.Ellesouhaitaitqu’onlalaissetranquilleaussimaisquequelqu’unprenne
soind’elle.
Siellel’avaitpu,elleseseraitlaisséglisserdansuneinconsciencemaîtriséecommeelleavaitdéjà
étécontraintedelefaire,pourretrouverTélietresteràjamaisavecluiloindetout.Loind’euxetde
lavie.
Sláinenesouhaitaitrientantqu’oublier,oupeut-êtreretournerdanscemondeoniriqueoùTélil’avait
déjàconduiteunefois,cetendroitoùelleétaitsibien,aiméeetimportantepourlessiens,aulieude
devoiraffrontercettevie,réelle,oùellen’étaitplusrien.
Cen’étaitquepartieremise,ellenepouvaitdécemmentabandonnersoncorpssurceparking,devant
cedémonquiavaiteulaprévenancedesepréoccuperd’elle.
Sláinerevintàsamisérableréalitélorsquelavoixdudémonrésonnaànouveau.
—Jesupposequ’iln’estpasquestiondeteproposerd’entrerauLuxurialetempsqueçaaillemieux?
—Non.
LetondeSláines’étaitterriblementdurci,s’étaitfaitaussicoupantqu’unelame.
Cetterudessen’étaitpasdestinéeàMadimiquin’entintdoncpascompte.
—Tuasquelquepartoùaller?
Sláinedéniasilencieusement.
Ellenepouvaitretournerdanslagrandedemeureoùelleavaitvécuquelquesmoismerveilleux,avait
donnésoncongéàsonbailleurdepuisbelleluretteetilétaittoutàfaithorsdequestiondedemander
l’hospitalitéàSiatrisouLéa.Detoutefaçon,ellen’auraitpaseulaforcedefranchirleseuilde
l’établissement.Elleyavaittropdesouvenirsetlerisqued’yfairedemauvaisesrencontresétaitbien
tropgrand.
—Trèsbien,jeconnaisunendroitoùtu…
—Jeneveuxpasallerdansunfoyerouàl’hôtel.
—Jet’emmènechezmoiletempsquetuaillesmieux,çateva?
Làouailleurs…
Lajeunefemmehochalatête.
—Maisilyaunecondition.J’exigequetumedisescommenttut’appelles!
—Sláine.
Saperlipopette!
DeuxsyllabesvalantCV.
Ceprénométaitsuffisammentpeucourantpourqu’ils’agissebiendecelleàquiMadimipensait
avoiraffaire.Etmêmesiladémonen’avaitpasvouluprendresoindelajeunefemme,ellel’aurait
toutdemêmefait,pardevoiretreconnaissance.
Sláinequantàellebaissalesyeuxlorsqu’ellecompritqueladémonel’avaitidentifiée,aussiconfuse
quesielleavaitfaitunebêtiseimpardonnableensauvantdeuxunivers.
—Moi,c’estMadimi,jesuisuneOxyala.Del’air.Undémonélémentalquoi.Riend’aussi…heu…
spécialoupuissantqu’unVovim,rajouta-t-elleavecunclind’œilcomplice.
Sláinehochalatêtepourindiquerqu’elleavaitentenduetenregistrél’informationmaisnefitpasde
commentairesurcetteprécision.
—Cesonttesaffaires?demandaMadimienjetantuncoupd’œilauxtroissacs.
—Oui.
—Tum’expliqueraispourquoituasdessacsplastiquesetpasdesvalises?
Sláinepinçaleslèvres.
—OK,plustard.Onyva?
TélisentaitSláinesurlepointdecraquermêmesilabienveillancedeladémoneluiavaitoctroyéun
petitsursis.
Luicommençaitsérieusementàs’impatienter.Sevoirempêchédesemanifesterparcesdémonsou
angesquinecessaientdegraviterautourd’ellelerendaitdingue.Parcequ’ildevaitprotégerlajeune
femme;elleavaitbesoindelui,desesconseils,desonsoutienetdesonaffection.Plusquejamais.
Illaconnaissaitbien,savaitque,terrasséeparsonchagrin,elleneverraitpascequ’elledevaitfaire
poursesortirdelà,selaisseraitalleràdéprimeraprèspeut-êtreunsursautd’espoir,puis
abandonneraitlorsqu’elleaccepteraitlasituation.
Ylsiavaitbienmanœuvré,Télidevaitlereconnaître.S’attaqueràSláineaussitraîtreusement,en
visantsontalond’Achille,jouantsursapeurpresqueviscéraledeneplusêtreaiméeouabandonnée
alorsqu’ellevenaittoutjustedeparveniràfaireconfianceétaitextrêmementvicieux.
Maistrèsrévélateurégalementpuisquecelasignifiaitqueceuxayantourdiladestructiondelajeune
femmelaconnaissaientbieneuxaussi.
Dansl’immédiat,TélidevraitaiderSláineàretrouversacombativité,l’espoir,luidonnerunbutetles
moyensdel’atteindre.
Ceseraitsansdoutedouloureuxetdifficilepourlajeunefemmeparcequ’elleallaitdevoirsebattre
contreelle,contreceuxqu’elleaimaitetnepasseperdreencoursderoute.
Maiselleyparviendrait.Sláineétaitforte.Beaucoupplusqu’ellenelepensaitoupouvaitmêmele
rêver.Etleseraitplusencoreaprès.
Maischaquechoseensontemps.
S’iln’avaitpasaussibienconnuVoan,Hadrienauraitcommisl’erreurdeluiadresserlaparole
lorsqu’ill’avaitrejointdansleloft.
Sanssepréoccuperdelui,peut-êtremêmesanssesouvenirdesaprésence,levisagefermé,Voan
s’étaitdirigéverssonsofasurlequelils’étaitlaissétomberlourdementcommeaccabléparune
immenselassitude.Ils’étaitprislatêteentrelesmainsetavaitfermélesyeux.
Disposéàluilaisserletempsdontilavaitbesoinpoursecalmeretsereprendre,Hadrienrécupéra
l’undesessacsdevoyageets’isoladanslasalledebains.Iln’avaitaucuneidéedelanaturedu
problèmeetnetenaitpasnonplusàs’enmêler.Leshistoiresdesdémonsneleconcernaientenrien,
mieux,nel’intéressaientpas.SaprésenceauprèsdeVoann’étaitmotivéequeparledésiretsavolonté
deprofiterdecequelegéantavaitenviedeluidonner.S'immiscerdanssesaffairesaurait
probablementconduitledémonàtirerdesconclusionserronéesqu’Hadrienauraitensuitedû
démentir.
Voanrouvritlesyeuxenentendantledéclicdelaportedelasalled’eauquiserefermait.
Ils’envoulait.Qu’Hadrienaitététémoindetoutceciautantquedesongestequinel’avaitsoulagéen
rien.
SiSiatrisnel’avaitpasdérangéaumomentdeleursretrouvaillestantattendues,sansdouten’aurait-il
pasréagiainsi.Iln’enrestaitpasmoinsqu’ilnecomprenaittoujourspaspourquoiSiatrisluien
voulaitaupointdel’insulterdelasorte.Plusquelesmots,c’étaitleméprissouverainqu’ilavaitlu
danssonregardglacéquil’avaitmishorsdelui.
Sansretirerquoiquecesoitàl’aideprécieusedelafillepourfairefaceàl’intrusiondesPrincipes
danscemonde,Voanestimaitlesujetdésormaisclos.Elleavaitétérécompensée,menaitsavie
commeellel’entendaitetluin’étaitcertainementpasresponsabledesadisparition.
Bienentenduelleneméritaitpasnonplusqu’ons’enprenneàellesitelleétaitbienlacausedesa
récenteabsence.Maiscelanesignifiaitpaspourautantquelui,luidoivequelquechoseàtitre
personnelauprétextequ’ellelesavaittousaidés.
Voann’avaitpasgardéunsouvenirimpérissabledecettejeunefemmequ’ilserappelaitseulement
commeassezsympathiqueetcourageuse.
Néanmoins,lesmotsdeSiatrisavaientlaisséentendrequelafilleétaitendangercequisommetoute
étaitlogique:elleleseraittantqu’ellegarderaitunepartdeTélienelle.Celasignifiaitdoncqu’il,lui
autantquelesautresdémons,seraitamenéàassurersaprotectionànouveau.Ilallaitsansdirequesi
l’onfaisaitappelàlui,ilrempliraitsondevoiretapporteraitsonaide.
Seulement,ilyavaitunsouci.Lafemmeàpeineentraperçuesurleparkingnecorrespondait
aucunementausouvenirqu’ilgardaitdecellesetrouvantpotentiellementendanger.Alorsquiétaitelleexactement?Lamêmeayantsimplementchangéphysiquementcequiexpliqueraitpourquoiilne
l’avaitpasreconnue?EtpourquoiSiatrisavait-ilsous-entenduqu’elleseseraitenfuieaprèsl’avoir
vuavecHadrien?
Unetellehypothèseimpliquait…qu’ilyauraiteuquelquechoseentreeux.Cequiétaitaussi
inconcevablequefarfelu.Déjàparcequesitelavaitétélecas,illuisemblaitqu’ils’ensouviendrait.
Pourtantildevaitbienreconnaîtreenyrepensantquecetteinconnueavaitbieneulesyeuxrivéssur
lui.
Voanfouillaconsciencieusementsamémoirepourconclurequ’ellen’étaitpasnonplusl’unede
cellesqu’ilavaitéconduitesparlepassé.Pasplusqu’ellenesemblaitêtrecetteautrefillehébergeant
Télidanssoncorps.
Lasdetoutescesquestionssansréponse,Voansecontraignitàneplusypenser;ilseraitbientemps
des’enpréoccuperplustard,certaineschosesbeaucoupplusintéressantesetagréablesquese
préoccuperdetoutcecil’attendaient.
Voanabandonnalesofapoursedirigerverslasalledebainsdontilouvritlaporte.
Lavued’Hadrien,deboutdevantlelavabo,àpeinecouvertd’uneserviettenouéeautourdesreins,fit
naîtreunfrissondedésirquileparcourutlangoureusement.Sansunmot,sansnonplusquitterle
refletdujeunehommedanslemiroir,ils’approchadelui,lentement,pours’arrêterjustedansson
dos.
—Çavamieux?lequestionnaHadrien;inquiétudetoutàfaitinutile,lalueurbrillantdansleregard
dugéantindiquaitclairementqu’ilétaitpasséàautrechose,etplusprécisémentsetrouvaitdansde
trèsbonnesdispositionsàsonégard.
Voannepritpaslapeinederépondreautrementqueparunlégersourire.Inspirantprofondément,il
fermaàdemilespaupièrespourlaisserleparfumdujeunehommel’enivrer.Lachaleurémanantde
soncorpsl’atteignitdepleinfouetpuiss’insinuaenlui,jusqu’àsoncœurqu’elleréconforta.
Leshumainsnecessaientd’émerveillerVoan,delefasciner.Leurscorpssurtout,véritablescreusets
oùnaissaientd’incroyablesémotions,sensationsqu’ilsétaientégalementcapablesdefaireéclore
chezautrui,justeavecunregard,uneodeur,unecaresse.
Ledémonposasesmainssurleslargesépaulesd’Hadrienquifrissonnaàsoncontact,puisle
contempla,épianttouscespetitssignestémoignantdelasubtilemodificationdesoncorpsetdeson
espritquilerendraitaussisensibleàcequeVoanluidonneraitqu’àcequ’illuiprendrait:sespupilles
sedilatantpournelaisserdanssesyeuxqu’unelumineusecouronneturquoise,seslèvres
s’entrouvrant,unenouvellevaguedechaleurirradiantsoussesdoigts,salargepoitrine
s’immobilisantaprèsuneprofondeinspirationlorsquesesmainsdescendirentlelongdesesbras
puisdévièrentverssonventreplat.
SioavaitrefuséqueSiatrisl’accompagnechezAmanda.Savisiten’avaitd’autrebutquevérifiersi
Sláines’ytrouvaitouyétaitpasséedansl’espoirdel’ytrouverlui.
Ilsemoquaitcommed’uneguignedecequepouvaitressentirAmanda,qu’elleaitappréciéounonce
qu’illuiavaitdemandédefairepourlui.Elleavaitétégrassementpayéepourça.
Ilcomptaitnéanmoinssursarelativehonnêtetéenversluipourobtenirdesréponses.
Sion’avaitprisletempsnidedemanderàSiatrisdel’aideràguérirdeseslésionslesplusrécentes,
nimêmedesechanger.L’espoirdebientôtretrouverlafemmequ’ilaimaitluifaisantoubliertoutle
reste.
SiAmandafutsurprisedevoirSioreveniraussitôtaprèsleurdernièreséance,ellen’enmontrarien.
Toutcommeelledissimulasonpropreespoirdelevoirresteravecellepourautrechosequecequ’il
sollicitaitd’ordinairederrièreunsouriredebienvenue.
—Est-cequeSláineestvenueici?luidemandaSiod’emblée.
Amandaserembrunitinstantanément.Àcausedelaquestion,maiségalementdevoirquelesyeuxdu
démonavaientreprisleurcouleurd’onyx.Cequisignifiaitqu’ilallaitmieux.Etquedonciln’aurait
bientôtplusbesoind’elleetqu’ellenelereverraitplus.SurtoutsiSláinerevenaitdanssavie.
—Non.Elleétaitsupposéelefaire?
Lajeunefemmefitunpasverslui,Sioreculapouréchapperàsoncontact.
—Siellepassetevoir,jeveuxquetum’appellesimmédiatementetquetularetiennesjusqu’àmon
arrivée,répondit-ilfroidement.
—Trèsbien,acceptaAmanda.Maisàunecondition.
L’expressiondudémonsedurcit.
—Tutecroisvraimentenpositiondedemanderquelquechose?
gronda-t-il.
—Ettoi?répliqua-t-elle.Tutecroisréellementenmesuredemerefusercequejeveuxaprèsceque
tum’ascontrainteàtefaire?
—Tuasétépayéepourça.
—C’estvrai,concédaAmanda.Maisjeveuxunerétributionpourceservice-làaussi.
—Laquelle?
—Quelquechosedespécial.Unenuitavectoi.Unenuitentièretouslesdeux,passeulementuncoup
vitefait.
—Horsdequestion,réponditSiosèchement.
—Cen’estpascommesitunel’avaisjamaistrompéeavecmoi,luirappelalajeunefemmeavec
malveillance.
—Jen’aipasenviedetoietcequiapusepasserentrenousn’étaitdestinéqu’àlarendrejalouseou
passerletemps.
Amandaencaissacommeelleputetserralesdents.Maiscecoupbasnefitquelaconforterdanssa
volontédeluifairepayersonmanqued’intérêtpourelleetsamuflerie.
—C’estbienpossible,convint-elle.Maisc’estmonprix.Etlefaitquetun’aiespasenviedemoi
importepeu.Çafaittrèslongtempsquetun’ascouchéavecpersonne,jelesaispuisquetupassaiston
tempsicietjesaisaussiquetuensouffres.Çanedevraitdoncpast’êtresidifficiledemedonnerce
quejetedemande.
—Jen’aiaucuneintentiondetromperSláine.
—Commetuveux,soupiraAmanda.Siturefusesetqu’ellepasse,alorsjeluiferaispartd’uncertain
nombredechosesqu’ellen’aaucuneenvied’entendre,quecesoitvraioufaux.Jetelaissejusqu’à
demainsoirpourprendretadécision.
Siosefélicitaquecettesalopeluiaitclaquélaporteaunez,sansquoiilauraittoutàfaitétécapable
delatuerdanslaminute.
Ilnecèderaitpasàcechantage,maisnevoulaitpasnonplusprendrelerisquedelaisserAmanda
raconterdesmensongesàSláine.Neluirestaitqu’unesolution.Fairelepieddegruedanslarue,en
basdel’immeubledecetteinsupportablepunaiseetintercepterSláinedèsqu’ellepointeraitleboutde
sonnez.
Chapitre7
Immobilesurlepasdelaportedel’appartementdeMadimi,brascroiséscontresapoitrine,Sláinese
demandaitcequiluiavaitprisdesuivrecettefemme,cedémon,etaussicommentellepouvaitse
montrerd’untelsans-gêne.Ellenepouvaitpasentrerchezunepersonnequ’elleneconnaissaitque
depuisunetrentainedeminutesquandbienmêmes’était-ellemontréeprévenante,nevoulaitpas
dérangernonplusetsesentaithorriblementconfuse.Sentimentquelesilencequ’elleavait
obstinémentconservédurantletrajetalorsquelajoliedémoneavaittentédeluifairelaconversation
nefaisaitqu’exacerber.Elleétaitdetrèsmauvaisecompagnieetsesentaitplongerdansladéprimela
plusnoire.
MaisMadimiavaitdéjàdisparuàl’intérieur,emportantsesaffairesqu’elleavaitinsistépourporter.
Sláineétaitsurlepointdefairevolte-faceetsesauver,quitteàabandonnersespossessions,lorsquele
démonfitsaréapparition.
—Tucomptesrestersurlepasdelaporteéternellement?luidemandaMadimi.Lachambred’ami
estbeaucoupplusconfortable,tusais.
Ça,Sláinen’endoutaitpasuneseconde.Lepetitimmeubledanslequelellel’avaitsuivieétaitde
grandstandingetsituédanslequartierleplushuppédelaville.Etàencroirecequ’ellepouvaitvoir
del’appartementdepuisleseuil,Madimin’avaiteffectivementaucunsoucid’ordrefinancier.
Féminineetrecherchée,ladécorationdusalonalliaitavecbeaucoupdegoûtlegrissourisdesmursà
diversesnuancestaupeouprune.
—Jenesaispassi…Jeneveuxpasvousdéranger,murmuraSláineenreportantsonregardsurcelui
grandouvertdeladémonequiladévisageait.
—Siçamedérangeait,jenetel’auraispasproposé,luifit-elleremarqueravecunsourirepatient.Et
detoutemanièreilyatoujoursuntasdemondeici.Bonlàiln’yapersonneparcequ’onestsamedi
mais…
—Samedi?répétaSláine.
—Oui,confirmatoutbasMadimi,fronçantlégèrementlessourcils,perplexedevoirquelajeune
femmeneparaissaitpastrèsaucourantdeladate.
Ellen’insistapourtantpasetsemitendevoird’essayerdemettreSláineàl’aisepuisquevisiblement
elleétaitencoredésorientéeenplusd’êtreembarrassée.Etsurtoutelledevaitêtreépuiséeet
probablementaffaméeaussi.
Sesaisissantdelamaindelajeunefemme,Madimil’invitaàlasuivre.
Leregarddelajeunefemmes’écarquillaenentrantdansunecuisineenmesuredefairepâlird’envie
n’importequi.Elle,entoutcas.
Outrelesmeublesenvieuxchêneagrémentésdemarbrejauneclairsurlesdifférentsplansdetravail
etrappelantceluidusol,unealcôveconçuepourressembleràunecheminéeflanquéededeux
colonnesenboisdestyledoriqueetabritantunpianodecuissongrandluxe,unélémentaucentrede
lapiècepouvantserviràlafoisdebar,detableoudeplandetravailetcernédetabouretsàl’assiseen
cuirrouge,desplacardsavecdepetitsvitrauxcarrésdetouteslescouleurs,lacuisinedevaitavoisiner
àelleseulelatotalitédelasurfacedesonancienstudio,salledebainetplacardscompris.
—Jesuistrèsgourmande,luiavouaMadimicommesicelaconstituaituneraisonpourposséderune
tellecuisine.Etj’adorecuisiner.
—Jesuisunenullitéencuisine,luiconfiaSláinetoutbas.
—Pasgrave,jecuisine,tumanges.OK?
Madimieutleplaisirdevoiruntoutpetitsourireétirerleslèvresdelajeunefemme.
Sansdouteincapablederésisteràlatentationdeluidémontrerqu’elleétaiteffectivementtrèsdouée
danssonart,ladémoneluiproposadeluipréparerunepetitebricoleaprèsl’avoirinvitéeàs’asseoir
surl’undeshautstabourets.
Sláinen’avaitpasenviedemanger,maisseforçaparcequesonestomacn’étaitpasd’accordavec
elleetcommençaitàsemanifester.
Labricoleenquestions’avéraêtrelameilleurechosequeSláineaitdégustéedepuislongtemps:une
omelettegarniedepetitslégumes,presqueaériennetantelleétaitlégère.Merveilleuxégalementle
caféparfuméqu’elleluiservitavecunentremetmaisonauchocolatnoir.
Sláineauraitpudirequ’ellevenaitd’approcherleparadisaprèsavoirséjournéenenfer;gouffre
auquelelleseraitd’ailleursrenvoyéedèsqu’elleseretrouveraitseuledanssachambre.
Lesyeuxintensémentvertsdeladémonen’avaientpasuninstantquittélajeunefemmequise
contraignitàlesaffronterunefoissondélicieuxen-casavalé.Nonpasqu’ilssesoientfaitsvraiment
inquisiteursmaisl’applicationdudémonàlafixerlamettaitunpeumalàl’aise.
—Merci,finit-elleparmurmurer.Jepeuxvousdemanderpourquoivousfaitestoutça?Pourmoi?
Sláineattenditlaréponsequelajeunefemmenesemblaitpasdisposéeàluidonnerimmédiatement.
—J’aibesoind’uneraisonselontoi?luirépondit-elleenfin.
—Ilmesembleoui.
—Peut-êtrequejen’enaiaucune.Oupeut-êtrequej’enaibeaucoup.
—C’estàcausedecequej’aifait?
—Honnêtement?Oui.Maispasseulement.Ondiscuteradetoutcecidemain,tuasbesoindete
reposer,décrétaMadimi.
IlétaitencoretôtmaisSláineétaiteffectivementépuisée,detouteslesmanièrespossibles;c’est
pourquoiellen’opposaaucunerésistancelorsquesonhôtel’invitaàlasuivrejusqu’àsachambre.
Adorableetdouillettedansunstyleunpeucampagnard,ellecomportaitsurtoutunlitdoubleavecun
énormeédredonécrubrodétonsurtonquicontrastaitavecleboissombredumeublequeSláinefixa
avecconvoitise.Peut-êtrepourrait-elleyresterpourl’éternité,plongéedansunsommeillui
procurantoublietapaisement?
—Àdemain,chuchotaMadimidanssondos.
Sláineseretournaetluioffritunautrepâlesourireenguisederéponse.
Aprèsunrapidebrindetoilette,lajeunefemmetroquasatenuepourunvieuxt-shirtrepêchédans
l’undesessacsetseglissaentrelesdraps.
Télin’attenditpasunesecondedepluspoursematérialiserauprèsd’elle.
Sielleétaitparvenueàtenirlecoupjusqu’ici,Sláinecraquadèsqu’illapritdanssesbraspourla
serrertoutcontrelui.Elleavaittellementbesoindelui,desaprésencedouceetapaisante.Deson
silence,desavoirqu’illacomprenait.Etêtrecertainequ’ilnepouvaitlaquitter,quequoiqu’ilarrive
luiseraittoujourslà,feraittoutpourelle,passeulementparobligationouparcequ’ilyavaitintérêt,
larassuraégoïstement.
Téliattenditpatiemmentquelegrosdelacrisesoitpassépourmurmurerdansl’espritdeSláine,tout
enluicaressantlescheveux.
—Çavas’arranger,madouce.
—Commentçapourraits’arranger?seplaignitlajeunefemmequisentaitseslarmesreveniren
force.Jen’existepluspoureuxet…
—Arrêtedediredesâneries.
—Cenesontpasdesbêtises,protestaSláinequipensaitdevoirserattacheràcettehorriblecertitude
pouressayerdesavoirquoifairepuisquesurmontersadouleuretsonchagrinsemblait
impossible.Voan…
ilnem’amêmepasreconnueetSioil…
—Jesais.Maisjesuisaussiaucourantdecertaineschosesquetuignores.
—Qu’est-cequeçachangeàlasitua…
—Tout,mabelle.Maisavantdet’expliquer,jeveuxquetumefassesunepromesse.
Est-cequesavoiroucomprendrel’aideraittantqueça?
—Laquelle?demanda-t-elletoutefois.
—Promets-moiquequoiqu’ilarrive,tunetenterasnidemelibérernid’attenteràtavie.
—…
—Sláine!s’écriaTéliinterprétantcorrectementlesilencedelajeunefemme.
Illarepoussapourlaregarderdroitdanslesyeux,maiselledétournaleregard.
—Jet’interdisd’ysonger!
—Pourquoi?serebiffa-t-elle.
—Parcequecen’estpasunesolution.
—Si,elleestjusteplusdéfinitiveetenvautbienuneautre,argualajeunefemme.
—Lamienneestmeilleure,opposaTéli,obligeantSláineàleversonvisageverslui.Parcequ’ellete
permettradetevengerdecequit’aétéfaitetderécupérerceuxquetuaimes.
Téliespéraitnéanmoinsquecettesecondeassertionsoitréalisable.
ParcequesilecasdeSion’étaitpeut-êtrepasdésespéré,enrevancheilnourrissaitquelquesdoutes
concernantl’autredémon.Ilsavait,etpourcause,queVoanétaitretournédel’autrecôté,maisavait
étéincapabledesavoircequ’ilavaitétéyfaireexactement.Cefaitenlui-mêmeletracassait,parce
qu’ilsignifiaitqueVoanluidissimulaitquelquechosedélibérément.Sansparlerdufaitquelorsquele
géantétaitrevenu,uninfimechangements’étaitproduit.Infimemaisbienréel.
—Quiteditquejeveuxmevengeroulesrécupérer?luidemandaSláine.
—Ohvoyons,tuoubliesàquituparles,machérie,semoquagentimentTéli.Bon,enplusdecette
promesse,j’exigeque...
—Àquoibon!Jepeuxaussibienpartirloinetessayerderefairemavie.
Sláineexpiraprofondément,douloureusement.
—Jecrainsquetunetetrompes,madouce.Parcequesitonkidnappeurt’alaissépartir,dis-toibien
qu’ilestloind’avoirabandonné.
Pourlemoment,ilesttellementsûrquetuvastesuiciderqu’iltefoutlapaixmaiss’ils’aperçoitque
tuvisencoreetquetutebats,ilrisquedepasseràlavitessesupérieure.
—Est-cevraimentlecas?demandaSláine.J’ail’impressiond’êtremorte.
—Raisondepluspouroubliertesidéessuicidaires,rétorquaTéliavecbonsens.
Sláinesoupiraànouveau,semaudissantdeconserveraufonddesoncœurunespoirtoutàfait
incongru.
—Jetelepromets,finit-elleparrépondre.
—Trèsbien.Maintenanttudors.
Aussitôtdit,aussitôtfait,Télisechargeantdelafaireglisserdansunsommeildontilseferaitle
gardien.
Lasituationétaitsuffisammentdélicatepourqu’ils’abstienned’intervenirdansl’inconscientdela
jeunefemme.Pointdemurailleprotectricecettefois-ci,pointdepetitséjourauxconfinsdeses
désirs.
Sláineavaitbesoind’oublier,momentanément,maistotalementletempsd’unenuitpourensuiteêtreà
mêmedepuiserenellelaforcenécessaireàcequeTélisavaitdevoirluiimposer.Poursonbien.
Àmesurequelesheuresdéfilaient,Siosentaitsonespérancesefaner.
Sláinenevenaitpas.Etledémoncommençaitàdouter.D’elle,desaconfianceenlui,de…sonamour
pourlui.
Elleétaitvenueauclub,maisétaitrepartieparcequ’elleavaitpriscequ’elleavaitentendupour
argentcomptantoualorslavuedeVoanavecsonmecavaitsuffiàlafairefuir.Cequiendisaitlong.
Pourunefois,lajalousiequeSioressentitneluifutpasagréable.Loindelà,même.Ilserralesdents
pourcontrercettedouleurqu’ilétaitincapabledetransmuterensatisfaction,aussiinfimefût-elle.
Pourtant,avecunultimeregaind’espoir,Siorejetal’idéequeSláinenel’aimaitpastantqueça,
moinsquelegéantentoutcas,pasautantqueluiquesonabsenceminait,passuffisammentpour
n’avoirpastouttentéavantdeseconvaincrequ’ilnel’avaitpastrompée,pourn’avoirpastrouvéla
forceenelle,eneux.
Bonsang,ill’aimaitplusquetout!Commentavait-ellepu?
L’absenceprolongéedeSláinealliéeauprofondmanquedontSiosouffrait,sonincertitude
grandissantevis-à-visdecequ’elleressentaitréellementpourlui,ledésistementdelajeunefemme
autantquesonmanquedeconfianceenluisecoagulèrentpourformerunesortedebouenoirâtre,
infâmeetglacéequis’insinuaenlui,enrobanttoutcequ’ilressentaitetdésiraitavantdesefigerpour
emprisonnersentiments,émotionsetdésirssousunegangueimperméable.
Pourlesprotégeroupourqu’ilsnepuissents’exprimersijamaiselleréapparaissait?
Cefutainsiqu’agitfinalementsurSiolepoisonvirtuelinoculéparYlsi,cemarqueursensitifauquel
ilavaitétéexposédepuisledébutmaisqui,enraisondesasensibilitépersonnelleetdesaviolente
réaction,avaitmisplusdetempsàfairesoneffet.
Etqueleffet!Noncontentdetravestiràsonpropreespritlaconnaissancequeledémonavaitdela
jeunefemme,commes’ilnesuffisaitpasqueSiocroiedésormaisn’avoirétéqu’unobjet,oupire,un
vulgairejouetentresesmains,levenindénaturaitsesémotions.
Lessentiments,l’amournotamment,d’undémonétaientparnatureassezdifférentsdeceuxque
pouvaientressentirleshumains.Pourunmortel,leurintensitépouvaitatteindrelesmêmesextrêmes,
danslepositifcommedanslenégatif,maislesdémons,eux,nedisposaientpasdecettefacultéàs’en
remettreaussifacilement,àlesfaires’atténueravecletemps.Etluimoinsquelesautresencore.Un
sentimentné,installé,nes’effaçaitplus.Ilétaitetrestait,qu’ilsoitpartagéounon.Etc’étaitencela
qu’ilsétaientvrais,commeSiol’avaitunjourpréciséàSláine.
Mais,corrompuscommec’étaitlecasenl’occurrence,ilsnepourraientqu’êtreàl’origineduplus
détestablecomportementqu’undémonpouvaitadopteretdupirequ’ilpouvaitressentirvis-à-visd’un
être.Etluiplusquetoutautre.
LecœurdeSiosepinçadouloureusementàl’idéededevoirdireadieuàcettefemmequ’ilavait
souventrêvédetrouver,connaîtreetaimer.
Réaliserqu’ellen’avaitprobablementjamaiscomprisàquelpointill’adoraitluifitunmaldechien.
Moinspourtantquecettecertitudequ’ilnepourraitjamaistotalementannihilercequ’elleavaitgravé
enlui,quandbienmêmel’eût-ilsouhaitédetoutessesforces.Ildevraitvivreetcomposeravec.Il
espéraitcependant,poureuxdeux,qu’ilnereverraitpasSláine.Parcequesaréactionseraitàla
mesuredesadéceptionetdesonamertume.Desahainepeut-êtremême.
Sioseredressasurlesiègedesavoiture,poussaunprofondsoupirdelassitudeavantdejeterun
derniercoupd’œilàl’entréedel’immeubled’Amanda.
Jamaisplusilnefranchiraitsaportepourquelqueraisonquecesoit.Ilnevoulaitpluslavoir.Elle
aussifaisaitpartiedesonanciennevie.Ilnegarderaitdecettefillequedemauvaissouvenirs,tous
rattachésdeprèsoudeloinà…Elle.
DeretourauLuxuria,Sioserenditdirectementdanssonloftsanssepréoccuperdelaclientèle
présentedanslehalloudeLéaquitentadel’intercepter.
Ilavaitbesoindequelquesjourspourserefaireunesantécommeonditetenfinsejeteràcorpsperdu
danslaluxure.Sonabstinenceprolongéerongeaitsoncorpsautantquesonesprit.Etilétaitgrand
tempsd’ymettreunterme.
Sioremontaitlecouloirlorsqu’ilentenditSiatrisl’interpeler.Sansdouteavait-ilguettésonretouret
venaitauxnouvelles.Celles-cinemanqueraientpasdelesatisfairesilessentimentsquesonamiavait
développéspourSl…pourElles’avéraientsincères.Néanmoins,peut-êtreétait-ildesondevoirdele
mettreengardecontrecettefemme?Ilpouvait,silecœurluiendisait,useretabuserducorpsde
celle-ci;siellefaisaitunjoursaréapparition,celaneposaitaucunsouciàSio.Enrevanche,il
devraitrestersursesgardessijamaislademoisellelaissaitentendrequ’elleétaitsensibleàses
sentiments.
—Alors?lepressad’embléeSiatrisaprèss’êtrearrêtédevantSioquil’avaitobservéavec
détachementtandisqu’illerejoignait.
—Alorsrien.
—Commentçarien?s’étonnaledémonàquilevisagepresquesereindeSionedisaitrienquivaille.
—Ellen’estpasalléechezAmanda.Maiscen’estpasgrave.
—Pasgrave?
—Effectivement.Ennelefaisantpas,ellem’afaitcomprendreuncertainnombredechoses.
J’abandonne.
—Maisnon!s’écriaencoreSiatris.Tunevaspast’ymettretoiaussi?
—Maissi,lesingeaSio.Maintenantsituveuxbienm’excuser,j’aideschosesàfaire,rajouta-t-ilen
faisantvolte-face,laissantunSiatrisaussiinterditquerévoltéplantéaubeaumilieuducorridor.
Ledémonrestaunlongmomentimmobiledanslecouloirfaiblementéclairé,àécouterlesilence.
Était-ilréellementleseulàavoirprisconsciencequeplusriennetournaitrond?Àêtreterriblement
inquietpourSláinequidevaitêtreterrifiéeetsesentirabandonnée?VoanouSioavaient-ils
seulementpenséàautrechosequ’àeux-mêmes,s’étaient-ilssouciésd’elleautrementquepour
réaliserquesonabsencelesfaisaitsouffrir?Ilétaitgrandtempsquequelqu’uns’enpréoccupe.Etlui
feraitaussibienl’affairequ’unautre.
Sortantdesafixité,ledémonremontalecouloirjusqu’aumonte-charge,sonpoings’abattitsurle
boutond’appel.
SiatristraversalehallduLuxuriapourrejoindreDavidàquiLéatenaitcompagnie.Unsimplecoup
d’œildesapartsuffitàfairecomprendreàsonexqu’elleavaitintérêtàalleroccupersontempslibre
unpeuplusloin.
Leportier,danssespetitssouliersdepuisl’incidentauquelilavaitinvolontairementparticipé,semit
presqueaugardeàvouslorsquelesirispâlesseplantèrentdanslessiens.Ilneputréprimerlefrisson
depeurquiluiparcourutl’échine.
—Viensavecmoi,ordonnaSiatrissurletondecalmeautoritédontilusaitpourêtreobéientoutes
circonstances.
Davidnesongeapasunesecondeàprétexterunetâcheplusurgenteouimportanteetsuivitledémon
jusqu’àl’entréedelagrandesalle.
—Dis-moisitureconnaisdesclientsquiseraientarrivéspeudetempsaprèsSláine,exigea-t-il
encoresansleregarder.
Leregarddujeunehommebalayalentementlasalle,observaattentivementlesclientsencore
nombreuxmalgrél’heureavancéetoutenfaisantfonctionnersamémoireàpleinrégimepour
satisfairesonexigeantetdangereuxpatron.
D’unsignedetête,Daviddésignauncoupled’humainsassisaubaretdeuxcouplesmixtesinstallés
dansl’undesboxdontlerideaudeveloursrougeétaitouvert.
Abandonnantlegarçonquis’entrouvagrandementsoulagé,Siatrissedirigeaenprioritéversles
quatreclientsdontdeuxétaientdémons,unmâleetunefemellequ’ilreconnaissaitvaguementcomme
étantdesclientsréguliers.
Sonarrivée,commesonarrêtàl’entréedel’alcôveinterrompitlaconversationencours.
Lafemme,unesplendideAnanaelauvisagerespirantl’intelligenceetlasagesses’arrachaàl’étreinte
desonamiepourseleverets’approcherdeSiatris.
—Bonsoir,navrédevousdérangers’excusapolimentcedernier.
Auriez-vous,plustôtdanslasoirée,aperçuunejeunefemmeseulesurleparking?Unehumaine,elle
devaitnepasallertrèsbienet…
—Oui,lecoupaladémoneàquil’inquiétudesincèreduVovimn’avaitpaséchappé.Elleafaitun
malaisejustedevantnotrevoiture,uneamieestrestéeavecelle.
Unsouffledesoulagement,mesurémaisbienréel,balayalecœurdeSiatris.
Enfinunenouvelle,unepiste.Quelquechoseàquoiseraccrocher.
—Votreamie,enchaîna-t-il,oùpuis-jelatrouver?
—Probablementchezelle.Etlaconnaissantlafilledoityêtreaussi.
Quiest-ce?
—Sláine,réponditlaconiquementSiatris,fournissantainsiàsesdeuxcondisciplesbeaucoupplus
d’informationsquenel’auraitd’ordinairefaitunsimpleprénom.
Lebeauregardgrisdeladémones’agranditlégèrement,manifestationdesasurprisepourtantvive.
Cefutsansaucuneréticencequ’ellefournitàSiatrisl’adressedeMadimi.
Soncœurbattantfortcontresescôtes,Siatrispréférafrapperdoucementàlaportedulogementde
Madimiplutôtquedeseservirdelasonnette.
DèsqueleregarddeladémonecroisaceluideSiatris,elleeutlacertitudequ’ilvenaitpoursa
protégée.Quantàsavoirs’ilétaitceluiluiayantbrisélecœuroucequ’illuivoulaitexactement,elle
avaitbienl’intentiondeledécouvriravantdeluidonnerlemoindrerenseignementsurlajeune
femmequ’ellenelivreraitàquiconque,pasmêmeàceVovimsexyendiable.
—Bonsoir,jesuisunamideSláineet…
—Unami?lecoupa-t-elleunpeusèchement.Vraiment?
Siatrispassaoutrel’insinuationpeut-êtrelogiqueetfittairesonenviedeluirépondresurlemême
ton.
—Elleestlà?
Madimiréponditparuneautrequestion.
—Pourquoienavez-vousaprèselle?Elleétaitdansunsaleétatquandjel’airécupéréeetsivous
êtesresponsablede…
—Jenesuisresponsablederien!s’énervaSiatris.Çafaitdessemainesquejelacherche.Elleavait
disparuet…
—Ous’étaitenfuie,rectifiaMadimi.Àcausedevouspeut-être?
insinua-t-elleencore.
Siatrissecontraignitàinspirerprofondément,expirerensuitetoutaussipleinementpourconserverle
peudemaîtrisequiluirestait.Ilétaitprisd’uneformidableenviedepousserlafillepourseruerchez
elleetdécouvrirsiouioumerdeSláineétaitbienlà.
—Non,Sláinen’estpas…n’étaitpasmacompagne,maiscellededeuxdemesamis.
Cederniermotluibrûlapresqueleslèvres,iln’étaitpluscertaindepouvoirl’utiliserpourqualifier
SioetVoan.
Deux?Lavache,quellesanté!
CedémonétantunVovim,nuldoutequesesdeuxcomparsesl’étaientégalement.Sansleséviter
délibérément,lesautrescastesdedémonsn’avaientpasnonpluspourhabitudedelesfréquenter
assidument.Cesdémons-làétaientréellementtrèstrèsspéciaux.Etparticuliers.Beauxetsexy.Et…
—Dites-moisielleestici,insistaSiatris.Jesuisextrêmementinquietpourelle.
Madimilescrutaittrèsattentivement,pasuniquementparcequ’ilétaitdivinàregarder;elleneput
quecroiresesderniersmots,l’accentdesincéritéquiyavaitfiltréfaisaitéchoàlalueurflottantdans
sonregardetnelaissaitaucundoutepersister.
—Oui,soufflaMadimi.
Enfin!
—Puis-jelavoir?
—Elledort.
—Jevousprometsdenepaslaréveiller.
Madimicédaethochalatête.
Chapitre8
DeboutsurleseuildelachambreoùSláineétaitprofondémentendormie,Siatrisfutsaisid’une
incontrôlableenviedehurlerdesoulagement.
Leslongscheveuxnoirsméchésderougedelajeunefemmes’étalaientsurl’oreillerpâle,samain
droiteyreposaitaussi,paumetournéeverslehaut,seslongsdoigtsfinslégèrementrepliés.Ce
tableauluiévoquaceluid’uneenfantendormie.
BonDieu,s’iln’avaitpasétélui,ilenauraiteuleslarmesauxyeux!
Siatriss’avançasilencieusementdanslapiècepuiss’assitauborddulit.Peut-êtrepours’assurerqu’il
nerêvaitpas,qu’ilétaitbienauprèsd’elle,ileffleuralajouedelajeunefemmedudosdelamain.
Soninfimefrémissementàcettecaressefitécloreunlégersouriresurleslèvresdudémon,etnaître
unbesoin.Ilsavaitnepasenavoirledroit,surtoutsanssonconsentementmaisneputrésisteràla
tentation.
Prenantappuisurlelit,sonpoings’enfonçantdanslematelasauniveaudel’épauledeSláine,Siatris
sepenchasurellepourl’embrassertrèsdélicatement.
Sicebaisern’étaitpaslepremierentreeux,ilrestaitlepluschaste.
Celuiquelajeunefemmeluiavaitspontanémentdonné,emportéeparsajoied’êtreparvenuelàoùon
l’attendait,avaitétépourluiunedélicieuserécompenseacceptéeavecjoie.
Celuiquelui-mêmeluiavaitpresquevoléquelquetempsplustardavaitétéempreintd’unesombre
passion,lasienne,celledesondésird’approchercetêtre,sesentireffleuréparlepouvoirémanant
d’elle.Pasceluiqu’auraientpudétenirunesorcièreouunmage,maisceluidelafemmesi
particulièrequ’étaitdevenueSláine.
Cependant,ceteffleurement-làtémoignaitdetoutautrechose,queSiatrisnepouvaitplusignorerou
rejeterdésormais.Satendressepourelle,sonprofondattachement,sonenvieetsonbesoind’être
auprèsd’elle,mêmesic’étaittoutcequ’ellel’autoriseraitàfaire.
Madimi,restéesurleseuildelachambre,n’avaitpasétéleseultémoindecettescène.Téliavait
attentivementobservéSiatrisetvenaitdedéciderqueledémonallaitparticiperàlarenaissancede
Sláine.Àconditionquelamissacceptelerôlequ’ilavaitprévudefaireteniraudémonnaturellement.
L’entitéjetaégalementuncoupd’œilàlapetitedémonequisemblaitfascinée.Nonparlesmusclesdu
démontrèsmaldissimulésparsont-shirtajusté,sesbicepsouencoresonbeauprofilviril,maispar
levisagepaisibledeSláineémergeantdelacouette.
Blanche-Neigenes’étaitpasréveilléeaubaiserduprincecharmant;Madimienconçutunecertaine
satisfaction.
SonregardquittainstantanémentlajeunefemmelorsqueSiatrisserelevapourlarejoindre.
—Jepasserailavoirdemain,murmura-t-il.
Cettephrase,quin’étaitpasunerequêtemaisclairementunordre,fittiquerMadimi.Ellenepouvait
bienentendupasl’enempêcher,maisdoutaitqu’unélémentdelaviedeSláinesurgissantsitôtaprès
ledramenesoitbénéfiquepoursonrétablissementetsonéquilibre.
—Pourquoifaire?luidemanda-t-elleenlesuivantalorsqu’ilprenaitladirectiondelasortie.
—J’aiuncertainnombredechosesàluidireetjeveuxqu’ellem’expliquecequiluiestarrivé.
—C’estpeut-êtreunpeutôt,non?Elleétaitvraimenttrèschoquée.
—Jem’endoute,répliquaSiatris.Maisellevaavoirbesoindemoi.Etdetoutlesoutienpossible,
rajouta-t-ilenréalisantquesiSláineavaitconsentiàsuivreladémonechezelle,cen’étaitpas
innocent;elleavaiteuassezconfianceenellepourlefaire.
Madimin’étaitpasdangereuse,sacastenefaisaitpasd’elleunêtrebelliqueuxouagressif.En
revanche,sonélémentlarendaitextrêmementsensitiveetintuitive.Siatrispressentaitqu’elleserait
d’uneaideprécieuse.
UneamieétaitsansdouteexactementcedontSláinemanquait.
—Jevouslaconfie.Prenezsoind’elle.
Àsonréveil,Sláineétaitencolère.Trèsencolère.
LaprésencedeTéliàsescôtésn’yétaitpourrien,nimêmelefaitqu’ilsoitnucommeunvercequi,
comptetenudesonétatd’espritdumoment,neluifaisaitnichaud,nifroid.Sonireprenaitbien
entendusesracinesdanscequ’elleavaitdûsupporter,maisellenesavaittropversquiellesetournait
enpriorité.Versceconnardd’angequil’avaitenlevée,SioetVoanquil’avaientoubliéeet
abandonnée,ouellepoursabêtise,sanaïveté,sonexcédentdeconfianceenelle(cequiétaitun
comblequandonypensait),outoutsimplementpourcequeledestinavaitdécidépourelle.
Malgrésarévolte,saprofondetristesseétaittoujoursprésentebienentendu,maismiseencage
quelqueparttoutaufonddesoncœur.
Dèsqu’elleavaitouvertlesyeux,autermedepresquequatorzeheuresdesommeil,Mémoire,puis
ChagrinetDouleurluiavaientsautédessustelstroisgaminscruelss’acharnantàtorturerunpetit
animal.Oppresséeaupointd’avoireudumalàrespirernormalement,presqueterrasséeparlechoc,
elleavaitdûlutterdetoutessesforcespourlesfairereculerdanslecachotoùilsétaientdésormais
retenusprisonniers.Elleslesentendaientvociférerderrièrelaporte,lamenacerdespirestourments
sielleneleslibéraitpaspourleurpermettredepoursuivreleurœuvre.MaisSláinen’étaitpas
disposéeàlesécouter,peut-êtreplustard,etàconditionqu’elleneretrouvepastroismomies
desséchéesàleurplace.
Enréalité,ellenepensaitpaspouvoiroublierçaunjouretlebutimmédiatdeleurrejetn’étaitpas
tantl’oubliouledéniquesonbesoinderéfléchir.
SláineavaitpromisàTélidenepasfairedebêtise,maiscelasignifiait-ilpourautantqu’elleauraitle
courageoumêmelavolontéderécupérerSioetVoancommeluisemblaitlecroire?L’idéed’une
bellepetitevengeancesanglantelaséduisaitenrevancheénormément,fairepayeràcetteordurede
foutuangeàlanoixl’auraitpresquefaitfrémirdeplaisirparanticipation.
—Toutdoux,mabelle,intervintTélilorsquelevisagedeSláinesedurcitetqueseslèvresprirentun
pliféroce.Netetransformepasenfurieouendéessevengeresse.Nousallonstoutfairepourqu’ilste
laissentenpaixetleurdémontrerqu’ilssetrompent.Maisàmafaçon.
Sláines’écartabrusquementdeluipourledévisager.
—Quoi?s’écria-t-elle.C’est…
—Chuuut,parlemoinsfort.
—C’estçatonidéedelavengeance?grondaSláinetoutbasenlefusillantduregard.Fairelamorale
àunangeetluiretirersesbonspoints?
—S’attaqueràeuxestinenvisageable,arguaTéli.Ettrèsdangereux.
Nitoi,nimoi,nipersonnenepouvonsnousvenger«physiquement»sureux.Pasplusqu’euxn’ont
ledroitdesupprimerunêtrehumain.
—C’estpourtantcequ’ilsonttentédefaire,luirappelalajeunefemme.
—Techniquementparlant,non.Etleurobjectifdebasen’étaitpas
«mauvais»dansl’absolu.
—Peut-êtrepasmaisleursméthodes,elles,lesont,crachaSláineécœuréeparlesagissementsdeces
êtresdénuésdecompassion,etpeutêtreaussiunpeuparcequeTélisemblaitlesdéfendre.
—Tuasraison,madouce.Mauvaisesetvicieusesmaisdictéesparledevoiretlapeur.
—Lapeurdequoi?s’exclamalajeunefemmeenseredressantpours’asseoir.Qu’ons’amusetous
lesdeuxàinviterlesPrincipesicipourunepetiteravepartyapocalyptique?
Téliréprimasonenviedesourireàcetteimagequin’avaitpourtantriendedrôlecarbientrop
prochedelaréalitésilesPrincipesdéboulaientsurTerre,ets’assitavantdeprendrel’unedesmains
deSláinedanslessiennes.
—Non,ilnes’agitpasvraimentd’unequestiondeconfianceentoi.
Ylsi,l’angequit’aenlevée,avaitpourmissiondemefairesortirdeforceparcequesessupérieurs
estimentquemaplacen’estpasentoi.C’estpourquoiilautilisétouslesmoyensàsadisposition
pours’assurerlesuccèsdesamission.
—Ça,j’imaginequejepeuxpresquecomprendre,soupiraSláinequitentaittoujoursdemaîtriserla
révoltegrondantenelle.Maispourquoimaintenant?Pourquoicommeça?Pourquoinepass’enêtre
occupéavant,quand…pendantlatentativedesPurificateursparexemple.
Téliparutréfléchir;Sláinen’étaitpascertained’apprécierdelevoirfaireletrientrecequ’ilallait
luicacheroupas,nidesaréponsed’ailleurs,qu’ellesoitcirconstanciéeouincomplète.
—Parcequ’ilspensaientvraimentquetunet’ensortiraispas,parcequelesPrincipessontentrésen
findecycle,quelafailleesttoujourslàetqueceux-cilesaventdésormais.Enplus,dupointdevue
desanges,tuvaspasserdedangereuseàextrêmementdangereuse.
Celafaisaitbeaucouptropderaisons…engendrantbeaucoupdequestionsaussi.Sláineprocédaavec
ordreetméthode.Lepired’abord.
—ÇasignifiequoiexactementquelesPrincipesentrentenfindecycle?
—Qu’ilsvontbientôtacheverleurphasedecréation.Cequiimpliqueques’ilsleveulent,ilsvont
pouvoirs’occuperd’autrechosequecepourquoiilsexistent.Commetenterunebaladeici.
—Bientôtcomment?s’inquiétaSláine.
Laterreurqueluiinspiraientceshuitmonstresfitremonterdelabiledanssagorge.
—Onnepeutpasledireavecexactitude.
Noncontentdel’avoirmomentanémentdétournéedesesenviesdevengeance,Téliluiservaitdetrès
mauvaisesnouvellesenguisedepetitdéjeuner.Sonhumeurdéjàenbernen’enfutpasdutout
améliorée.
AbandonnantTélidanslelit,Sláinerabattitlacouetteetselevapoursedirigerverslapetitesallede
bainsattenanteàsachambreaprèsavoirrécupérédequoisevêtir.
Bienentendu,Télil’ysuivit;portantdésormaisunjeantaillebassepresquedécent.
Sláineétalaitdudentifricesursabrosseàdentslorsqu’ilrompitlesilence.
—SioetVoanvontavoirbesoindetonaide,celle-làmêmequivafairequelesangeste
considèrerontcommeplusdangereuseencore,articula-t-ilextrêmementsérieusement.
DesaisissementSláinelâchasabrosseàdentsquitombadanslelavabo.Ellen’avaitpascomprisni
mêmeréellemententendulaphraseabsconsedeTéli,seulementlesdeuxprénomsquirésonnaient
danssatête.
LamainauxdoigtscrochusetglacésdeDouleurserefermasursoncœur.Lajeunefemmeagrippale
borddelavasquepours’empêcherdehurlerderage.
—Monaide?Pourserappelerdemonexistence?cracha-t-elle.
Lecorpsraidiparlacolère,Sláinelâchalelavabo,seretournalentementetypritappuiavantde
plongersonregarddansceluideTéli.
—Exactement.
L’étonnementfits’éleverlessourcilsdeSláinetrèshautsursonfront,puisceux-ciredescendirent
poursefroncer.
Télitentait-ildeluifairecomprendrequesiSioetVoanl’avaientoubliéeetremplacéec’étaitpour
uneautreraisonqu’undésamoursoudain,uneprisedeconscienceoun’importequoid’autre?
Sitelétaitlecas,ceserait…
Non,ellenedevaitpascommenceràespérer.C’étaitdangereuxenplusd’êtreinutile.
SláinelicenciadoncEspoirpourfautegraveetl’envoyaraccompagnerDouleurdanssageôle,le
priantdes’enfermeraveclesautresprisonniersparlamêmeoccasion.
—Pourquoidis-tuquelesangesmeconsidérerontcommesuperdangereuse?reprit-elle.
—Tul’esdéjààleursyeuxparcequetuconstituestoujoursunpassagepossiblepourlesPrincipes.
Endehorsdecela,situfaiscequ’ilfauttupeuxl’êtreaupointqu’ensuite,quoiqu’ilspensent,disent
oufassent,ilsnepourrontplusrienfairecontretoi.
—Pasmêmem’empêcherdemevengerd’unemanièreoud’uneautre?
—Devenircequ’ilsredoutentseraitunesplendidevengeanceensoi.
Sláinenelevaqu’unsourcilcettefois-ci,dévisageantTélidontleregardétaitbientropinnocentpour
nepasl’informerqu’illuitaisaitsesintentionsréelles.Quelquesmoisàlefréquenter,àcôtoyerles
démonsaussi,l’avaiententraînéeàsavoirlorsqu’onluicachaitdesinformations.
Lajeunefemmeneréponditrien,luitournaledosetrepritsatoilettelàoùellel’avaitinterrompue.
—Jesupposequetuasdéjàtoutprévu,toutplanifié,murmura-t-elleenévitantdecroiserleregardde
Télidanslemiroir.
—Sláine…Fais-moiconfiance,s’ilteplaît.Jeneveuxqueteprotégerett’aider.
Lespaupièresmi-closesdelajeunefemmedissimulèrentleslarmesquiluimontaientauxyeux.
—Jesais,chuchota-t-elleauboutd’unmoment.
Abandonnantlelavabopourlacabinededouche,Sláineôtasont-shirtqu’ellelaissatomberàses
pieds.
—Est-cequeçanousaideraitaussipourluttercontreuneéventuelleinvasion?s’enquit-elleauprès
deTéliquilasuivitmaisrestasagementàl’extérieurdeladouchetoutenfaisantsemblantdenepas
s’intéresseràsanudité.
—Sansaucundoute.
—Etquefaudrait-ilquejefasseexactementpourdeveniraussipuissante?voulut-ellesavoir.
—Heu…onenparleraplustardsituveuxbien,luirépondit-ilendétournantleregard,allantmême
jusqu’àreculerdequelquespas,commesilajeunefemmeluifaisaitpeurtoutàcoup.
IlnefallutpasplusquecetteétrangeattitudedesapartpourinquiéterSláine.
—Téli,insista-t-ellesurletondel’avertissement,maisteintéd’appréhension,scrutantsonvisage
pourytrouversaréponse.
Lelâchedisparutsoussesyeux.Sansluirépondrebienentendu.
Aussiperplexequesoucieusedésormais,Sláinerefermalepanneaucoulissantdelacabineetrégla
l’eausur«presquevolcanique».
Qu’avait-ilencoremijoté?Pourquoiavait-ilfuiainsi?Craignait-ilsaréactionàcepoint?Maisà
proposdequoi,bonsang!!??
SláineespéraitqueleplandeTéliserésumeraitàluifaireingérerunenseignementthéoriquepour
compléterceluidéjàreçu,aussiindigestefût-il.Celaneluiposeraitaucunsouciparticulier,detoute
manière,ellen’auraitpasgrand-choseàfaired’autredanslesprochainsjours…
prochainessemainesoumoisàvenirnonplusd’ailleurs.Laterrifianteidéequecesleçonsdoiventlui
êtredispenséesparSioouVoanl’assaillitbrusquementetexpliqueraitlafuitedeTéli.Parcequ’il
savaitqu’ellerefuserait.Saufques’ilenavaitdécidéainsi,ilmettraittoutenœuvrepourlafaire
céder.Maisellerésisteraitparcequ’ilétaittoutàfaithorsdequestionqu’elleleurdoivequelque
chose.Néanmoins,eteuégardàsaragedumoment,sonenviederéparerl’injusticedontelleétait
victime,l’idéed’êtreconfrontéeauxdeuxdémons,lorsqu’elleseraitàmêmedelefairebienentendu,
s’avéraitplusséduisantequ’ellenel’auraitpensé.
Sisadouchebrûlanteneputriencontrelefroidrégnantdanssoncœurdepuislaveille,elleluipermit
enrevanchederéfléchirunpeuàcequ’elledevaitfaireetmitenretraitsesvelléitésdevengeance.
Sapriorité,aprèsavoirdéjeunépourfairetairelesfurieusesprotestationsdesonestomac,seraitde
téléphoneràAmanda.Autantparacquitdeconsciencevis-à-visdeSioqueparbesoind’entendresa
versiondesfaitssortirdelavilainebouchedecettefemme.Ellen’avaitpaslaforcedeseconfronter
àellephysiquement.Pasencore.Sláineseconnaissaitbienetsavaitnepasréussiràgardersoncalme
faceàcettemégère,quoiqu’elleluiraconte.Seulementellen’étaitpasnonplussuffisammenten
formepourluiréglersoncomptedanscetétat.Peut-êtremêmeétait-ilencoretroptôtpours’entendre
direqueSioétaiteffectivementsoncompagnondésormais.Maisl’espoirsenourrissaitd’ignorance.
Mieuxvalaitsavoiràquois’enteniretagirenconséquence.
SláineenvintpresqueàespérerqueSiol’avaiteffectivementtrahie;s’accrocheràcelaluidonnerait
laforcedesebattrecontrecequ’elleressentaittoujoursquoiqu’elleenpense,contrecettefilleet
contrelui.
CefutavecungrandsourirequeMadimiaccueillitSláinelorsqu’ellepénétradanssacuisine.Compte
tenudescirconstances,ladémonetrouvaquelajeunefemmeavaitretiréungrandbénéficedesatrès
longuenuit.
Sansêtreradieuse,elleétaitnéanmoinsenbienmeilleurétatquelaveille.
Lescernesnemangeaientplussonvisage,sonregardétaitplusbrillant,sonteintmoinsbrouillé.Elle
latrouvasplendide.
Possédantlesarmesnécessairesàcela,Madimisepromitensuitedeveillerpersonnellementàce
qu’ellereprennerapidementleskilosquiluimanquaientpourl’êtreplusencore.
Cefutdoncdevantuntrèscopieuxpetit-déjeunerqueSláineseretrouvaattabléequelquesminutesà
peineaprèssonarrivée.Lorsqueladémoneluiavaitdemandécequ’elledésiraitmanger,Sláineavait
réponduqu’uncaféluisuffirait,cequiluiavaitvaluunregardmécontentdesonhôtesseetdesefaire
gronder.
—Benvoyons!s’étaitexclaméeMadimi.Fais-moipenseràneplusteposercettequestionàpartirde
maintenant!avait-elleensuiteplaisanté.
Cedonttuasbesoindansl’immédiat,c’estunrégimeàtroismillecinqcentscaloriesparjour,unpeu
desportetdurepos.
—Dusport?répétaSláine;sontonpresquehorrifiéfitéclaterladémonederire.
—Ilyaunepiscineprivéeausous-soldel’immeublesiçatedit,luiprécisaMadimi,omettant
délibérémentdepréciserquel’onyfaisaitparfoisdesrencontresintéressantesaveccertains
locatairesdel’immeubleouleursinvités.
—Jen’aipasdemaillotdebain,réponditdistraitementSláineenenfournantunebouchéed’un
délicieuxetmoelleuxpainaulait,probablementfaitmaison.
Encoreplusintéressantessansmaillotsituveuxmonavis.
—Pasgrave,onirat’enacheterun.Toutàl’heuresituveux.Tuasprévuquelquechoseaujourd’hui
?
—J’aiuncoupdetéléphoneàpasseret…jevaisdevoirchercherunappartement.
—Pourquoifaire?s’étonnaMadimi.
—Etbien,jenepeuxpasrestericiindéfiniment.
—Pourquoinon?J’aipleindeplaceicialorspourquoinepasenprofiter.
—Parcequejerisquedenepasêtredetrèsbonnecompagnie.Etonneseconnaitpas…
—Ça,çapeuts’arranger.Maisseulementsiturestes.
—Ouiévidemment,marmonnaSláinedevantcettelogiqueimplacable.Etpuisjesuisune
emmerdeuseaussi.
—Chouette!J’adorelesfillesquiontducaractère.Onnes’ennuiejamaisavecelles.
Querépondreàça?Sláineavaitl’intuitionqu’inventertoutuntasd’autresraisonspourjustifier
qu’ellenepouvaitrestern’auraitserviàrien,ladémonesemblaitteniràcequ’elleséjourneavecelle.
Àdirevrai,lajeunefemmeserendaitcomptequ’ellen’avaitpasréellementenvied’allerailleurs.
Ellesesentaitàl’aiseaveccettedémone,oupeus’enfallait,parcequedécidémentsonregardétait
vraimenttrèsintense.Elleavaitl’impressiond’êtretoutenueàchaquefoisqueMadimilaregardait,
mêmependantunediscussionaussianodinequecellequ’ellesavaientàcemoment-là.Maiselle
semblaitvéritablementtrèsdouéepourl’artculinaire,cequi,pourunegourmandeimpénitente,étaità
prendreenconsidération.
—Bonalors,turestes?insistaMadimienlaregardantsiattentivementqueSláinen’étaitpasloinde
penserqu’elleessayaitdel’influenceràsoninsu.
—Jereste.
Unefoissonrepasterminé,Sláinedébarrassalatable,fitsavaissellepuis,grâceauxindicationsdela
démone,trouvaletéléphonedanslesalon,abandonnéfortàpropossurunbottin.
L’imaginationdébordanted’Amanda,apparaissantdanslespagesjaunescommeDominatrice
professionnelle,étaitstupéfianteetarrachaunegrimaceàSláinealorsqu’ellecomposaitlenuméro
de«LeDonjond’Amanda».
Un«Allo»inutilementagressifretentitàsonoreilleauboutdequatresonneries.
—C’estSláine,réponditfroidementlajeunefemmesansprendrelapeinededirebonjour,nide
préciserpourquoielletéléphonait.
—Sioestsortifaireunecoursepourmoi,l’informad’ailleursladominatricedepacotille.Maisje
peuxluiordonnerdeterappeleràsonretour,rajouta-t-elled’unevoixsisuaveetdégoulinante
d’exultationqueSláineeneutunhaut-le-cœur.
Salepute!
—Ceneserapasnécessaire,articulaSláineentresesdentsserrées.
Inutileégalementdeluidirequej’aiappelé.
—Alorspourquoitéléphones-tu?ricanaAmanda.Pourvérifierquelquechosepeut-être?Tusais
qu’ilestrevenuversmoiseulementunesemaineaprèstondépart?Situsavaisàquelpointçapeut
êtreintenseentren…
—Aurevoir,Amanda,lacoupaSláined’unevoixaussiglacialequelarafalequisoufflaitsurson
cœuravantderaccrocher.
—Mauvaisenouvelle?s’inquiétaMadimirestéeàl’entréeduséjour.
Sláineeutunmalfouàdécrispersesmâchoirespourluirépondre.
—Uneconfirmation,rectifialajeunefemme.
ConfirmationmensongèrebienentendupuisqueAmandas’étaitseulementoctroyéleplaisirdefaire
souffrircettefillequ’elleexécraitetdelaremettreàsaplace,c'est-à-direloindeSio.Siellene
pouvaitl’avoir,iln’yavaitpasderaisonpourqueSláinel’ait,surtoutaprèscequeledémonavait
endurépourelle.
Pourtantellen’avaitpasmentisurtout,sarelationavecSioavaitbeletbienétéintense.Enfrustration.
Amandaavaitespérélevoirrappliquer,certainequ’ilnevoudraitpasprendrelerisquequ’elle
racontedesbobardsàlajeunefemme,cequ’ellevenaitnéanmoinsdefairepourleplaisird’être
mauvaise.Etaussiparcequ’elleavaittentéplusieursfoisdejoindreSioauLuxuriaets’étaitvue
répondrequ’iln’étaitpasdisponible,cequ’elleavaittraduitpar«pasdisponiblepourelle».
Ill’avaitbiencherché.
Chapitre9
Sion’étaitdisponiblepourquiconque,paspluspourAmandaquepourSiatrisvenufrapperàsaporte
dèssonretourpourluiannoncerqu’ilavaitretrouvéSláine.Ledémonl’avaitenjointàdégager,mais
Siatrisavaitmalgrétoutdélivrésonmessage,del’autrecôtédelaporteclose.Sion’avaitpasvoulu
écoutermaisavaitentendu.
AprèsledépartdeSiatris,Sioétaitrestélongtempsfigédansl’obscuritédesonloft.S’iln’avaitpas
hurléderageoutentédetoutsaccagerchezlui,malgrésesdécisionsiln’avaitpuempêcherses
penséesdesefixersurElle,satendressederesurgirsanscriergare,sessouvenirsl’envahir.La
ganguesouslaquellesesémotionsétaientprisonnièressemblaits’êtremodifiéeetagissaitcommeun
filtre;maiscequ’ellelaissaitpassers’entrouvaitempoisonné,dénaturéetdouloureux.
Bonsang!Ilavaittellementbesoindelavoir,sentirsapeaucontrelasienne,sonodeur,songoût.
Envied’elle.
SioavaitrésistéàlatentationderattraperSiatrispourluidemanderoùellesetrouvait.S’ill’avait
fait,ils’yseraitprécipitépourlakidnapperàsontour,l’auraitramenéechezlui,solidementattachée
pourensuiteselivrersurelleàtoutcequiluipasseraitparlatête,l’auraitpossédéedetoutesles
manièrespossibles,luiauraitextorquétoutcequ’ellenevoulaitplusluidonner.Etpourfinir,il
auraitplongésonregarddanslesienafinqu’elleyvoiecequ’elleavaitfaitendoutantdelui.Luin’y
auraitsansdouteriendéceléd’autrequeméprisoupeur.
Siosedéshabillapresquedistraitementpuisseglissaentresesdrapsdesatinnoirpourselivreràun
exorcisme,nécessaire,usantpourceladudésirinsenséquelasimpleévocationdeSláineavait
éveillé.
Sonpremieressais’avérabientropsatisfaisantpourserévélerutileetn’êtreautrechosequele
résultatdeplusieurssemainesdeprivationsalliéàl’enviebienréellequ’ilavaitdelajeunefemme.
Siopersévéra,samainrepartantàl’assautdesonexigeanteérectionimmédiatementaprèsson
premierorgasme.Illuifalluts’yreprendreàtroisfoispourquesescaressesnedéclenchentrien
d’autrequ’unprocessusquasimécanique,videdesensetdénuéderéellesatisfaction…reflétanten
celal’impressionquesessentimentspourelleluiprocuraient.Alorsseulement,ilsombradansun
sommeilréparateur.
Duplaisir,VoanenavaitdonnéàHadrien,autantqu’ilenavaitreçu.
Enfinnon,pourêtreexactluienprenaitencoresimplementàregarderlejeunehommeendormiàses
côtés,occupationàlaquellelegéants’étaitlivrédepuisquesonamants’étaitassoupi,trèstarddansla
nuit.
Voanl’avaitcontemplé,tantôtavectendresse,tantôtaveccettecuriositéémerveilléequileprenait
souventlorsqu’ilobservaitleshumains.Ilsétaientsidifférentsdecequeluipouvaitêtre,même
incarné.
Aussidifférentsquelesangesoudémonsl’étaientdeluiaussid’ailleurs,mêmesicesderniersne
pouvaientlepercevoir.
Cependant,Voann’étaitpasaussisereinqu’ill’auraitsouhaitéouquesonvisagepouvaitlelaisser
croire.Ilétaitconscientqu’Hadriennel’aimaitpas,maissurtoutsavaitquecequ’ilressentaitpourlui
étaitloindecequ’ilauraitvoulupouvoirdonner.Bienquetoutàfaitsincères,sessentimentsn’étaient
pasàmêmedepallierlebesoinquil’habitait,maisauquelilnepourraitprobablementjamaiscéder.
JamaisparcequepersonnesurcetteTerreoudanssonpropremondeneseraitassezpuissantpourle
recevoiretvaincrelasolitudeàlaquellelevouaitsanature.Làoùilrésidaitdel’autrecôtédumur,
personneneséjournaitnines’arrêtait.
Seulesdesâmesypassaientparfois,unefois,jamaisplus,ettoujoursdanslemêmesens.Jamais
quiconquen’étaitrevenupourlui.Aucunêtre,humainousurnaturel,neseraitnonpluscapablede
prendreetaccueillircequ’ilavaitàoffriroubesoindedonner.Voansecontentaitdoncdecequ’il
pouvaitavoir,cegarçonenl’occurrence,quidevaitêtreleseulhumainàleconnaîtreunpeu.
Néanmoins,legéantselaissaalleràimaginercommentauraitpuêtrecetêtrequ’ilnerencontrerait
jamais.
Serait-ilblond,oubrun?Etsonregard?
Voanselaissaretombersurledos,croisasesmainsderrièresatêteetfermalesyeux,songeantque
peut-êtreHadriennel’aimaitpasprécisémentparcequ’ilavaitpressentiquedanslecascontraire,il
seperdraitlui-même,quetousdeuxenpâtiraient.N’était-cepaslàlavraieraisonpourlaquelleVoan
n’avaitpastentédeleretrouverjusteaprèssondépart?
Glissantpeuàpeudanslesommeil,Voanrouvritbrusquementlesyeuxalorsqu’uneimage
s’imposaitàlui.Celled’unesilhouetteféminineindistinctedontilnevitpaslevisagenonplus,vision
qu’ilrejetaaussiférocementques’ils’étaitagid’unemenace.
Inconscientdecequesonregardavaitreprissasplendidecouleurviolettedurantunefractionde
seconde,Voanrefermasespaupières,roulasurlecôté,tournantledosàHadrien,ets’endormitpour
debon.
Siatrisétaitdoncleseulànepassommeillerencetoutdébutd’après-midi,leseulaussidontles
lèvresarboraientunlégersourire.Quis’effaçapourtantdèsqu’ilsortitdesasalledebains,une
serviettenouéeautourdelataille,endécouvrantLéadanssachambre.
Lajeunefemmen’étaitpasvenuepourlesurveillerousedisputeruneénièmefoisaveclui,mais
parcequ’elleavaitbesoindesaprésence.Elledevinaqu’ils’apprêtaitàsortir.Pourunefemmeou
plusieurs?Sonregardparcourutlentementlecorpssplendidedesonancienamant.
—Jepeuxsavoiroùtuvas?luidemanda-t-ellesuruntondouxdissimulantpourtantmallajalousie
quilatenaillait.
—Qu’est-cequetuveux?grommelaSiatrisenretour,ensedirigeantverslefauteuiloùilavait
déposéunpantalonencuiretunt-shirtpropre.
—J’aibesoindeteparler.
—Pasletemps,marmonna-t-ilenluijetantuncoupd’œilglacépourladécouragerlorsqu’elle
esquissaunmouvementverslui.
—Siatris,je…tumemanques,soupira-t-elleenbaissantlesyeux,attitudedesoumissionqu’elleavait
conservéedeleurrelation,maisn’utilisaitqu’avecluidansl’espoirqu’ilveuilleànouveaud’elle,ou
celuideletoucher.
—Non,réfuta-t-ilsansaucunecolèredanslavoix,lalassitudes’ysubstituant.Cequitemanquec’est
cequenotrerelationapportaitàtonincommensurableegodesoumise.
—Salaud!explosaLéa,profondémentblessée.Espècede…
—Écoute,lacoupa-t-il.Jet’apprécieetteconsidèrecommeuneamiemaisças’arrêtelà.Essayede…
—C’estelle,n’est-cepas?cracha-t-elle,haineuse.C’estSláine?Tul’asretrouvéeettuvasprofiter
de…
—Tagueule!Trouve-toiunmecetarrêtedemefairechier,s’emportaSiatrisquinesupportaitpas
queLéamentionnelajeunefemmedansleurdispute.
Contrairementàcequesonexpensait,iln’allaitpasprofiterdelasituation,delaconfusionoudela
tristessedeSláinepourlamanipuleràsonprofit,cequisignifieraitabuserd’elle.Ilsouhaitait
seulementêtreavecelle,l’aideretlasoutenir,êtresonami.
Honnêtementilrêvaitdepouvoirluifairel’amour,maisdoutaitquecelaneseproduisejamais.
Cependant,s’ilavaitlamoindrechancequ’elleluioffreunjourmêmeseulementunautrebaiser,ilne
tenaitpasàlagâcher.
—Trèsbien,commetuveux,articulasèchementLéa.Sioferal’affairealors,rajouta-t-elleenlui
tournantledos.
Siatrisnerelevapas,nines’abaissaàl’insulter.Sonenviedelefaireetdelagiflerétaitpourtant
grandemaismoinsquecelledelaremettreàsaplace.
—Tun’asdoncaucunrespectpourSláine?fit-iltotalementécœurédésormaisenluiopposantun
regardemplidemépris.Aprèstoutcequ’elleaenduréetfaitpournoustous?Tumedégoûtes.Jene
tesavaispasaussilaideetmesquine.
—Jemefichedecequetupensesdemoi,répliquaLéadontleslarmesmontèrentauxyeux
lorsqu’elleréalisaqu’elleétaitalléetroploinetvenaitdeleperdredéfinitivement.
Lajeunefemmes’arrêtasurleseuildelapièce,samaincrispéesurlapoignéedelaportequ’elle
venaitd’ouvrir.
—Chercheunnouveaugérantpourleclub,jedémissionne,laissa-telletombersansseretourner
avantdedisparaîtredanslecouloir.
Pourlacinquièmefoisdepuisqu’ilavaitpénétrédansl’immeubledeMadimi,Siatrispassasesdoigts
danssescheveux.
BonDieu,ilétaitaussinerveuxqu’uncollégienàsonpremierrendez-vous!
Immobiledevantlaportedeladémone,ilessayadedevinerquelaccueilSláineluiréserverait.Iln’y
avaitpassongéjusqu’ici,maissiellemettaittouslesdémonsdanslemêmepanieràcausedeceque
deuxd’entreeuxluiavaientfait,elleneselaisseraitpasapprocher.Peut-êtremêmenepourrait-ilni
entrer,nimêmeluiparler.
Laportes’ouvritalorsqu’illevaitsonpoingpours’annoncer.
—Bonjour,lesaluaMadimipolimentmaissanschaleurparticulièreavantdes’effacerpourlelaisser
entrer.
Siatrisfitquelquespaspoursestopperdanslehalld’entrée,permettantainsiàladémonederefermer
laporte,maissurtoutdeprendrequelquessecondespourreluquerlecôtépiledesoninvité.
Toutsoncorps,audemeurantsplendide,étaittenducommeunarc,attitudequifitnaîtreunsourireen
coinsurleslèvresdeMadimi.VoirunVovimstresséàl’idéederencontrerunepetitehumaine,aussi
particulièrefût-elle,étaitunegrandepremière…particulièrementréjouissante.
Plaisantaussi,l’entendresoupirerdesoulagementlorsqu’elleluiannonçaqueSláinel’attendait.
Lajeunefemmen’étaitpasbeaucoupplusdétenduequeledémon.
Immobiledansl’élégantséjourdeMadimi,deboutderrièreunechaisesurledossierdelaquelleses
mainss’agrippaientconvulsivement,ellesentaitsoncœurbattrefurieusementsursescôtes.Parce
qu’ellen’avaitaucuneidéedecequeSiatrisluivoulaitexactement,ninesavaitcommentelle
réagiraitlorsqu’ilseraitdevantelle.Sláineavaitdel’affectionpourlui,maisd’unautrecôtéilétait
amiavecSioetVoan,cequisignifiaitqu’ilpouvaitparfaitementluiordonnerdequitterlavilleau
plustôtouquelquechosedugenre.Saloyautéenverseuxdevaitprimersurtoutlereste.
Personnen’auraitpudirequideSláineouSiatrisfutleplussurprisdecequiseproduisitensuite.Elle
devoirlevisagedudémons’éclairerd’unsourireréalisantlemiracled’adoucirmêmesonregard,
ouluilorsqu’elleabandonnasachaisepourlerejoindreetréclamerlaprotectiondesonétreinte?
Unbrasretenantlajeunefemmecontresalargepoitrine,unemainglisséedanssachevelure,Siatris
profitadecemomentaussilongtempsqu’elleleluipermit,selaissantgriserparledélicatparfum
émanantdesapeau,soncorpssveltecontrelesien,saforceaussi,malgrésavulnérabilitédu
moment.
Cependant,ilauraitpréféréavoirpuluiéviterlesépreuvesqu’ellevenaitd’endureretlasoustraireà
cellesqu’elleallaitdevoirencoreaffronter.
Sláinedevaitavoirsuivilecheminementdesespensées,elles’écartaunpeupourleversonvisage
verslesienetleregarder.
Siatrisfutrassurédeconstaterqu’ellesemblaitaussienformequepossiblecomptetenudes
circonstances,n’eûtétécettelueurinflexibleflottantaucœurdesesirisquil’affligea.
—Çavaaller?articula-t-iltoutbasdesavoixgrave.
Ilposasesmainssurlesépaulesdelajeunefemmecommepourlalibéreretl’éloignerdeluialors
qu’aucontraireilvoulaitlaretenir,laserrerencorecontrelui,l’embrasser.
Sláinehochalatête.
—Raconte-moicequis’estpassé,lapria-t-ilensuite.
Sláineprofitadulapsdetempsqu’illuifallutpours’installeràlatableduséjouretceluiqueSiatris
mitàlarejoindrepourorganiserunpeusespensées.
Restéejusqu’icidanslesparages,Madimifitminedeleslaisserseuls,maisSláinel’interpellapour
l’enempêcher.Ellen’avaitrienàcacheretestimaitladémoneendroitdesavoirdequoiilretournait
puisqu’ellesavaitquielleétait,l’avaitaidéeetrecueillie.Ladémonejetauncoupd’œilàSiatrisqui
nequittaitpaslajeunefemmedesyeuxpuishochalatêteets’assitdel’autrecôtédelatable,enface
dudémon.
Pournepaslaisserlarageousesautresémotionsl’envahir,Sláineleurdébitapresque
mécaniquementlessouvenirsqu’ellegardaitdesonenlèvement,c'est-à-direpasgrandechose:ceux
desonréveilàl’hôtelencompagniedel’angedontelleleurfitégalementladescription,ses
déductionsainsiquelesinformationsfourniesparTéli,sansréellementprendregardeauxréactions
desdeuxdémonsàcertainesd’entreelles.
Sonregard,jusqu’icifixésursesmainscroiséesetposéessurlatable,remontasurceluideSiatris.
—Est-cequeTélit’aditcomments’appelaitcetange?luidemanda-t-il.
—Ylsi,jecrois.Tuleconnais?
Siatrisfitnondelatêtesansquitterlajeunefemmedesyeux.
—Etsais-tupourquoiTélim’aditquecesangesmeconsidéraientcommedangereuse?reprit-elle.
Endehorsdufaitqu’unepartiedeluisoitbloquéeenmoi?
—Cequ’ilfaudraitsavoirsurtoutc’ests’ilsteconsidèrentcommemenaçantepoureuxoupourune
autreraison.T’a-t-ilindiquécommentprocéder?
—Non,ilarefusédemerépondre.
Ets’estenfuicommeunlâche,rajouta-t-ellementalementàl’adresseexclusivedeTéliquifitminede
nepasentendre.
—Oh,s’exclamaSiatrisdétournantvivementsonregarddeceluidelajeunefemme.
—Quoioh?s’inquiétaSláineaprèsl’avoirattentivementdévisagé.
—Rien,je…j’enaiunevagueidée,maisjecroisvraimentqu’ilvaudraitmieuxqu’iltel’explique
lui-même.
—Pourquoi?
—C’estdélicat.
—Délicat?répéta-t-elleenfronçantlessourcils.
LebeauregarddeSláines’écarquillalorsqu’ellesaisitcequeSiatrisessayaitdeluifairecomprendre.
Puissesjouesprirentunejoliecouleurpivoinetraduisantsaconfusionquesacolère.
Siatrissavaitaussibienqu’ellequepourêtresuffisammentforteencasd’invasiondesPrincipes,
outrel’enseignementquelui-mêmeavaitpersonnellementdélivréàlajeunefemme,elleenavaitreçu
unautre‒àconditiondepouvoirqualifiercettepratiqued’éducation‒etqu’enl’occurrencec’était
TélietVoanenpersonnequis’enétaientchargés.
Aussimerveilleuxquecelaaitpuêtre,malheureusement,poursuivrecetentraînement-làs’avérait
désormaiscompromis.AvecVoan,parcequeSláinesavaitqueTéliseporteraitgracieusement
volontairepourça.
Seulement,évoquerlegéantluimitlecœurenlambeauxetannihilatoutepenséesensuelleliéeàson
souvenir.LesimagesdeSiodéfilantensuitedanssatêtesechargèrentderéveillerDouleurquilevale
museautelunchiensiffléparsonmaître.
Saviesentimentaleétaitsansdoutedétruite,maisSláinen’allaitpasmenerpourautantunechaste
existence.Êtredechairetdesang,elleressentaitavecacuitélestransformationsopéréessurson
corps‒etsalibido‒parlamagieérotiquequ’elleavaitdûpratiquer.
Quelleironiequelemanquequ’elleéprouvaitaprèsunmoisd’abstinenceforcéenepuisseêtre
combléavecceuxqu’elleaimaitpar-dessustout!Ellequiavaiteusipeurd’aimeretd’êtreaimée,
étaitenfinparvenueàfaireconfianceetavoirfoienelle,devraitretourneràsonancienneviepeu
satisfaisante.
—Tuavaisaussideschosesàmedire,reprit-elled’untonplusfroidqueprécédemmentdontSiatris
neluitintpasrigueur.
—Tuescertainedevouloirenparlermaintenant?
—Oui.Autantenfinirtoutdesuite.
—Commetuveux,soupiraledémon.
Siatrisn’avaitaucuneenvied’êtrecemessager-làmaissecontraignitàdélivrersesinformations.
—Lejourdetonenlèvement,commença-t-ilgravement,Voanestrepartidel’autrecôté.Lorsqu’ilest
revenu,iln’étaitpluslemême.
—Commentçapluslemême?s’inquiétaSláined’unevoixétranglée.
—Jenesaispascequ’ilatrafiquéexactementmaisiln’avaitplusaucunsouvenirdetoiet…
—Tuveuxdirequ’ils’estdélibérémentdébarrassédemoi?
—C’estcequej’aipenséoui,maisjenesaispaspourquoiilafaitça,nicommentilafait.Jen’y
comprendsrien.Etilaaussitotalementoubliéqu’ilaimaitlesfemmes.
Siatriss’envoulaitdenepastrouverlesmotspourménagerSláinedontlesyeuxbrillaientdeslarmes
qu’elleretenait.
—EtSio?
—Tadisparitionafailliledétruire.
SláinedétournalesyeuxdeceuxdeSiatris,letempsderajouterunecouchedeblindageàlacellule
desesprisonniers.
—Nousavonsremuécieletterrepourteretrouver;ilagardéespoirpendantquelquetemps,mais
ensuiteilacommencéàplonger.Ilm’ademandédelefrappermaisc’estrapidementdevenu
insuffisant,ilavaitbesoind’autrechosealors…
—…ilavouluallerchezAmanda,complétaSláineàsaplace.
Siatrisneniapas.
—Combiendefois?Pendantcombiendetemps?
—Écoute,Sláine,ilavaitbesoindeçapour…
—Combien?insistaSláine.
—Touslesjoursdepuispresquetroissemaines,avouaSiatrisàcontrecœur.J’aiessayédele
raisonnerquandilavoulus’installerdéfinitivementchezellemais…
—Illapaye?
—Oui.Sláine…Ilfautquetusachesautrechose.Hiersoir,lorsquenousavonsapprisquetuétais
revenueetcomprisquetuavaissansdouteentenducertaineschosesquetuaspeut-êtreégalementmal
interprétées,Sios’estprécipitéchezAmandaparcequ’ilétaitpersuadéquetuiraisvérifierquetout
étaitfaux.
—Etçal’estvraiment?
—Oui,enpartie.Sion’aétévoircetteconnequepoursubstituerunesouffranceàuneautreplus
facileàgérerpourlui.
J’auraisdûcomprendre…
—Lorsqu’ilestrevenu,poursuivitSiatris,ilm’aditquetun’yétaispasallée.
Non…
—Ilenadoncdéduitque…
—Jen’aipaspuypasserhier,lecoupalajeunefemme.
Sláinen’avaitpasenvied’entendreSiatrisluidirecequeSioavaitconcludesaprétenduedéfection,
ellel’avaitcompristouteseuleetravaladeslarmesamères.
Sanégligenceetsafaiblesseétaientlacausedecedésastre.Sionel’avaitpasréellementtrompée
alorsqu’elle,si.Endoutantdelui,elleavaittrahisaconfiance.UnautrequeSioseseraitmontré
compréhensif.
Luineleluipardonneraitpas.Parcequ’iln’étaitpointquestionicidecoucheriesoudetromperies,
maisdelaconfiancesansfaillequesonamourexigeantréclamait.Sion’étaitpashumain,leuramour
etleurrelationparticulièrenel’étaientsansdoutepasnonplus.
Néanmoins,lajeunefemmeéprouvalebesoinincongrudesejustifiermêmesicelaneservaitplusà
rienetquelevéritabledestinatairedesesmotsnelesentendraitjamais.
—J’aitéléphonéàAmandacematin,reprit-elle.Ellem’amentimaisjel’aicrue.J’aidoutédeSio,
je…j’aicomplètementmerdé.
—Non,Sláine,tuétaischoquée.
—Cen’estpasuneexcuse,rétorqua-t-elle.
—Si,tuestropdureavectoi,murmuraSiatris.Etluiaussi.
Abandonnantsamainglacéeàcelles,chaudesetréconfortantes,dudémon,Sláinel’observaunlong
momentensilence.Ellesetrouvaitpoursapartencorebientropindulgentevis-à-visdeseserreurs.
—Mercid’avoirveillésurlui,finit-elleparmurmurer.
—J’auraisvoulufaireplus.J’auraisdûpouvoirlefaire.
—Maisnon,réfuta-t-elleimmédiatement.Àmoinsd’avoirsuàl’avancecequisetramait,tune
pouvaisrienfaire.Nimoi,nieuxnonplus.Maisçavachanger,rajouta-t-elleensentantsacolère
refairesurface.
Jenesaispasencorecomment,maisjejuredefairepayeràcesangescequ’ilsm’ontfait.
Siatrisnefutpasleseulàêtreimpressionnéparlavigueurémanantbrusquementdelajeunefemme.
Madimi,quisielleétaitrestéemuettetoutletempsn’avaitpasloupéunemiettedelaconversation,
avaitapprisaumoinsdeuxchoses:sapetiteprotégéeenavaitbavémaisétaitincroyablementsolide.
Etdécidémenttrèstrèsséduisante.
—Est-cequequelqu’unveutuncafé?proposa-t-ellejoyeusementpourallégerunpeul’atmosphère.
—Avecdespetitsgâteaux?demandaspontanémentSláinedontlagourmandiseseréveillaense
remémorantlesmerveillesculinairesdontladémoneétaitcapable.
—Auchocolatetfaitsmaison,luirépondit-elleavecunclind’œil.
Chapitre10
—Vousavezl’airdebienvousentendre,fitremarquerSiatrisavecunlégersourirelorsqueson
regardrevintseposersurSláineaprèsavoirsuivilasilhouettedeMadimiquis’éclipsaitendirection
delacuisine.
—Oui,elleestgentille.Heureusementqu’elleétaitlàparceque…
Sláinechassadesespenséescequiauraitpuadvenirsansl’interventiondeladémone.Siellevoulait
tenirlapromessequ’elles’étaitfaite,ilétaitimpératifqu’elleailledel’avantetcessedeconstamment
ressassertoussesmalheurs.
—Tun’auraispasunebonnenouvelleàm’annoncer?demanda-t-elleàSiatris,pleined’espoir.
—Jet’airetrouvée,répondit-ilsérieusement.
Sláineeutunpetitsourireencoin.
—Quelquechosed’autre.
—Si.Léas’enva.
—C’esttaconceptiond’unebonnenouvelle?fit-elleremarquerenfronçantlessourcils.
—Sansaucundoute.
—Jesuisdésolée.
—Pasmoi.
Leregarddudémonredevenuglacialdepuisquelaconversationavaitdéviésursonexprouvaà
Sláinequ’illepensaitvraiment.MieuxvalaiteffectivementqueLéas’éloigne.
—Ellen’acessédecréerdesproblèmesauclubdepuisquenoussommesséparés,poursuivit-il.Etce
soirelleafranchilalimite.
—Quivalaremplaceralors?
—Jenesaisp…Pourquoipastoi?s’exclamaSiatrisprisd’uneinspirationsubite.
—Moi?s’écria-t-ellestupéfaite.Maisjen’aijamaisfaitçaet…etjesuisnulleengestion,encompta,
en…
—ParcequetucroisqueLéas’enchargeait?s’esclaffaSiatris.Non,c’estmoiquim’occupedetout
ça,rajouta-t-il.Toi,tun’auraisqu’àaccueillirlesclients,lesconduiredanslessallesdusous-solet
surveillerlepersonnel.
—Jenecroispasquecesoitunebonneidée,detoutefaçonSiovarefuseret…
—J’aiplusdepartsqueluidanslasociétéetj’engagequijeveux,arguasérieusementSiatris.
—Jenesuispascertainedesupporterdelesvoirmaintenant,touslesjours,c’est…C’esttroptôt.
—Ouibiensûr,jecomprends,murmuraSiatris,unpeudéçu.Tuveuxbienyréfléchirtoutdemême?
Nouspourrionspeut-êtrepenseràunesolutionpourquetun’aiespasàlesvoir.
Sláineétaittentéeparcetteproposition.Uneoccupationseraitplusquebienvenue.D’unautrecôté,
commeellevenaitd’enfairepartaudémon,ellen’étaitpasconvaincued’êtresuffisammentsolide
poursupporterl’indifférenceabsoluedeVoan,leméprisdeSio,nimêmetoutsimplementdeposer
lesyeuxsureuxsanssouffrirhorriblement.Leplusfacileauraitététrèscertainementdeleséviterà
toutprixvoiredefuircarrément.
Alorsdedeuxchosesl’une,soitelleétaitdéfinitivementmasochiste,soitellepossédaitune
combativitéqu’elleneseconnaissaitpas,parcequ’elleavaittrèsenvied’accepterceposte.
—OK,jevaisyréfléchir,répondit-ellefinalement,seménageantunpetittempsderéflexion
supplémentaire.Maisjeneteprometsrienetsij’accepte,jeneveuxpashabiterlà-bas.
Madimirevintàcemomentaveclecaféetuneassiettedecookiestoutchocolatqu’elledéposaprès
ducouple.
—Jevousabandonneunmoment,j’aiunepetitecourseàfaire,lesinforma-t-elleenneregardantque
Sláinequifronçalessourcils.Maillotdebain,luiprécisa-t-elleencoreavecunclind’œil.
—Maisondevaityallerensemble,luirappelalajeunefemme.
—Nousauronsbienletempsd’allerfairedushoppingdemainouunautrejour.Pourl’instant,tu
mangesetjeveuxqu’àmonretour,ilneresteplusunseulbiscuit.C’estbiencompris?
—Oui,Madame,pouffaSláine,traitantmentalementladémonedegentiltyran,puisrougissant
immédiatementaprèsparcequ’elleeutl’impressionquecelle-ciavaitentendusespensées.
Cequiétaitpartiellementvrai,parcequesiMadiminelesavaitpasréellemententendues,elleles
avaitdevinées.
—Unmaillotdebain?s’étonnaSiatrisdèsqu’ilsfurentseuls.
—Oui,l’immeubledisposed’unepiscineprivéeetMadimiadécrétéquejedevraismemettreàla
natationpourmeremettreenforme,luiapprit-elleavecunsourireindulgentpourladémone.
Siatrisacquiesçagravement,commesiimaginerlajeunefemmeenbikinineluifaisaitnichaudni
froid,ninefaisaitnaîtreaucuneidéedanssatête.Cecidit,nagern’étaitpasselonluilaplusagréable
desactivitésphysiquespourseremettreenforme,mêmedansunepiscine.
L’espritdésormaisenvahid’imagesplusappétissanteslesunesquelesautres,Siatrisnequittaplus
unesecondeSláinedesyeuxtandisqu’elleremplissaitleurstasses,puisfutpositivementtroublépar
leregarddelajeunefemmelorsqu’ellemorditdansl’undesbiscuits.Parcequeleplaisirtoutsimple
procuréparlecontentementdesagourmandiselefitbrillerd’unelueurpresqueérotique.Etaussi
parcequesonimaginationluifournitquelquesimagessupplémentaires,diablementexcitantes,
d’occasionsaucoursdesquellesilpourraitétincelerplusencore.Etgrâceàluisipossible.
—Quelquechosenevapas?s’inquiétaSláineunpeudéstabiliséeparl’intensitédeceregardsurelle.
Ellerécupéraunemiettedecookiesursalèvre,duboutdelalangue.
SiatrisretintungrondementpuiscontraignitsesyeuxàquitterlabouchedeSláinepourlesfaire
remontersurceuxdelajeunefemmequiledévisageaient.
—Toutvabien,murmura-t-ilavantd’avalerunegorgéedecafé.
Ledémonsedemandaoùétaitpasséelatempérancequ’ils’étaitjurédeconserver.Rassurésurla
santédeSláine,ilétaitdésormaisprisd’uneviolenteenviedel’embrasser.Paspourlaréconforter
maiségoïstement,pourgoûterànouveauseslèvres,lasentircontrelui.Pluspeut-être.
Cecidit,sanatureétaitprobablementmoinsencausequeleregarddelajeunefemme.Comment
pouvait-ellenepasserendrecomptedel’effetqu’ilavaitsurlui?Leplaisirprocuréparlechocolat
avaitlégèrementdilatésespupilles,assombrisesiris,conférantàsonregardunesensualitédontelle
n’avaitsansdoutepasconsciencemaisàlaquelleluiétaittrèsréceptif.
Cetêteàtêteavaitdoncdefortechancedesemuerenpetitentraînementdeself-control,voireen
séancedetorturesiellenecessaitpasimmédiatementdelefixerdecettemanière.
—Prendsungâteau,luiconseilla-t-elle,seresservantelle-même,incapablederésisteràl’appeldu
chocolat.
Arrêtedemeregardercommeça,imploramentalementledémon.
—Ilssontfabuleux,murmuraencoreSláine.
Pourquoiavait-ilfalluquesavoixprennecetteinflexionpresquecharnelle?
Ellemorditdanslesecondbiscuit.
—Jen’aipasfaim,réponditSiatris,serrantsatassedanssamainpourseretenirdelatendreversla
jeunefemme.
J’aienviedetoi…
—Jeneteparlepasdefaimmaisdegourmandise,argumentalajeunefemme.
Tabouche…
Ledémonavalauneautregorgéedecafé.
—Tuneveuxpasmefaireplaisiretgoûteraumoins?insista-t-elle.
Bonsang,Sláine!
Inconscientedoncdecequ’elleprovoquaitchezledémon,aveugleégalementàsamainquibroyait
presquelatassedésormais,Sláineprélevaunbiscuitsurl’assiette,lecoupaenquatre,n’enconserva
qu’unquartentresonpouceetsonindexpourleprésenterauxlèvresdeSiatrisquis’entrouvrirent
pouraccepterlecadeau.LesyeuxdeSláines’écarquillèrentlégèrement,maislajeunefemmenefit
rienpouréchapperàlacaressedelabouchedudémonsursesdoigts.
Unfrissonremontalelongdesondos;lachaleurquis’ensuivitneconcernapasuniquementses
joues.Sonregardremontajusqu’àceluidudémonquibrillaitd’unegourmandisen’ayanta
prioririenàvoiraveclechocolat.
Sláineavaitagisansarrière-penséeetétaitàmillelieuesd’imaginerquepartagerunmorceaude
biscuitavecunamiproduiraitceteffet-là.Sureuxdeux.
Calme-toi,mafille.Céderàlatentationseraitunetrèsmauvaiseidée.
Ignorantsapetitevoixintérieure,sansquitterSiatrisdesyeux,lajeunefemmeécartaunemèchede
cheveuxsurlefrontdudémon.Letempsparaissaitcommesuspendu.Sláinen’entendaitplusqueles
battementsdesoncœur,nevoyaitplusquelesyeuxbleusrivésauxsiens,neressentaitplusqueson
désircourantdanssesveines.
Loin,trèslointoutaufonddesonesprit,ellediscernaitencorelesmisesengardedesaconscience:
elleallaitfaireunebêtise,qu’elleregretterait,n’avaitpasledroitdefaireça,étaitdénuéedemoralité,
etc.,etc.Maissoncorpsluichantaituneautrechanson.
Alorsquicroire?Àquifaireconfiance?Quiécouter?
SláineesquissaunmouvementpoureffleurerlajouedeSiatrisdudosdelamain.Unbruitde
porcelainebriséesuivid’un«Merde»retentissantlaramenabrusquementàlaréalité.
Latasseavaitperdulaguerre,nonsansavoirblessél’adversaireencapitulant.
Sesaisissantdeplusieursserviettesenpapier,Sláineépongearapidementlecaférépandusurlatable
avantqu’iln’atteignelepantalondeSiatriset/oulamoquettepuiss’emparadelamaindudémonpour
l’examiner.
—Laisse,cen’estrien,marmonnaSiatrisententantdelaluiretirer.
—Maisnon,regarde,tuasdesboutsdeporcelaineplantésdanslamain.Ilfautlesenlever.Viens.
SláineconcentraitsonattentionsurlamaindeSiatrisplacéesouslejetd’eautiède.Unehancheen
appuisurlereborddel’évierdanslacuisine,elleavaitpourtantterriblementconsciencedela
proximitéducorpsdudémonqui,exactementdanslamêmepositionqu’elle,luifaisaitface.Deson
regardsurelleégalement.
Lajeunefemmen’avaitoubliénilesdeuxbaisersqu’ilsavaientéchangés,nilecomportement
habituellementcanailledudémonavecelle.
Seulement,jusqu’ici,ellel’avaittoujoursconsidérécommeunepropensionàprovoquerSioou
Voan,jamaiscommeunréeldésirqu’ilauraitpunourriràsonendroit.Maisétait-cevraimentlecas?
Nes’agissait-ilpastoutsimplementd’unemanifestationdesesappétits,lescirconstancesayant
seulementfaitqu’elleétaitprésenteàcetinstant?
Maisaprèstoutpeut-êtrequecelavenaituniquementd’elle,desespropresenviesetbesoinsqu’elle
projetaitsurSiatrisparcequ’ilétaitlà.Iln’enrestaitpasmoinsquesonétatnes’étaitpasamélioréet
quelachaleurémanantdesoncorpstoutprochenefaisaitrienpourl’aider.
Sláinesoupiramentalement,coupal’eaupuissepenchasurlamaindeSiatrispourl’examiner.Les
débrislespluspetitsétaientpartisavecl’eau,maisunéclatressemblantàunelongueéchardeblanche
demeuraitplantédanslemuscledesapaume,souslepouce.
Lajeunefemmen’eutaucunmalàl’extraire.
—Etvoilà!s’exclama-t-elleenjetantuncoupd’œilàsonpatientaussiimmobilequesilencieux.
Etsourdaussiapparemment.Ilsemblaitcomplètementailleurségalement,sonvisagearboraitunair
rêveur.
SiSiatriss’étaitsentisoulagéparladiversionoctroyéeparlepetitincident,quienoutreluiavait
permisdesereprendreunpeu,laproximitédelajeunefemmepenchéesursamainl’avaitde
nouveausoumisàlatentation.Sláineavaitramenétoutesacheveluresursonépaulegauchepourne
pasêtregênée,etdefaitavaitexposéàsesyeuxunezonedepeauquil’attiraittoutparticulièrement.Il
avaiteubeaucoupdemalàretenirdesepenchersurellepourfairecourirseslèvreslelongdeson
cou,l’embrasser,lemordiller,laissersabouches’attarderjustesoussonoreilleetensuite…
—Ehoh,tum’écoutes?
LesyeuxdeSiatris,sortidesessongesparlavoixdelajeunefemme,rencontrèrentceuxdeSláine,
grandsouverts,lefixantavecunsoupçondemoquerieluisemblait-il.
—Pardon.Tudisais?
—Riend’important,murmura-t-elle,captivéeparlalueurflottantaucœurdesesirisbleus,mais
surtouttroubléeparl’attirancequasidéplacéequ’elleressentaitpourledémon.
Elleavaitenvied’unbaiser,n’endéplaiseàsaconscience,maissurtoutbesoindecequeledémon
pouvaitoffriràsoncorps.
C’étaitprobablementtrèségoïste,etpasforcémenttrèssympapourSiatrisquipourraitendéduire
que…Oui,endéduirequoi?Ilétaitdémonaprèstout,doncdotéd’appétitsassortisàsanatureetqui
plusestpatrond’unclublibertin.Ilconcluraittoutsimplementqu’elleavaitenviedeluicommeelle
auraitpuavoirenvieden’importequelhommeluiplaisant.
Oùétaitlemal?
Restaitàsavoirsiouiounon,ilaccepteraitcequ’elleavaitàluiproposer.
Undemi-passuffitàSláinepourserapprocherdeluisanstoutefoisqueleurscorpsnesetouchent.Se
hissantsurlapointedespieds,elleapprochaseslèvresdecellesdeSiatris.
Laréactiondecedernierlasurpritplusqu’ellenelapeina.Sielles’étaitattendueàdelasurprise,elle
n’avaitenrevanchepasimaginéqu’ils’écarteraitd’elleaussivivement.Elles’étaittrompée,iln’avait
pasenvied’elle.Cen’étaitpasgrave.
—Tantpis,chuchota-t-elleavecunhaussementd’épaulesdésinvolte.
Ellesedétournadeluietrécupéracedontelleavaitbesoinpournettoyerlatabledusalonavantde
quitterlapièce.
Sombrecrétin!Triplebuse!Grandbenêt!sevilipendaSiatrisenregardantlajeunefemmesortirde
lacuisine.
Ilnepouvaitpascroirequ’ilavaitréagiainsialorsqu’elleluioffraitprécisémentcedontilrêvait.
Sláinel’avaittotalementprisaudépourvu,saproximitésemblaitavoirégalementanéantitoutesses
facultés.Ilétaitincapabledesavoircequ’ildevaitfaire:attendresonretourdanslacuisinepour
l’embrasseroularejoindrepour…l’embrasser?
Malheureusementpourlui,lorsqu’ilfutenmesuredesortirdesoninertie,ilentenditlaported’entrée
s’ouvrirpuisserefermer.
—C’eeestmooiii!s’annonçaMadimihautetfort.
Merde!Faischier!
Soupirantprofondément,Siatrissecomposaunvisageneutreavantderejoindrelesdeuxjeunes
femmesdanslesalon.Mieuxvalaitpasserpourunêtrefroidquepourl’idiotqu’ilétait.
Sláinen’étaitpasenmesurederépondreàlaquestionqueMadimivenaitdeluiposer,d’unton
guilleretmaisdissimulantmall’insinuationqu’ellecontenaitetvisantàsavoirsitoutc’étaitbien
passé,pourlabonneraisonqu’elleavaitlabouchepleinedecookie.Aussisecontenta-t-ellede
hocherlatêteavantdejeterundiscretpetitcoupd’œilàSiatrisquilesrejoignait.
—Bien,sefélicitaMadimi.Tiens,jet’aiprisdeuxtrucs,unnageuretunautreplussexy,l’informa-telleensuiteenluitendantunpetitsacenplastique.
—Merci,luiréponditSláineavecunsourireenlerécupérant.
Elleensortitd’abordlemaillotdenatationquin’avaitriend’original,maisadressaundrôlede
regardàladémoneaprèsenavoirextraitlebikini.
—Plussexy?répéta-t-elle.Jediraisquec’estcarrément…heu…minimaliste,fit-elleremarqueren
lorgnantànouveaul’assemblagedetrianglesdetissusnoirsridiculementpetits.
—Jesais,c’estfaitexprès!s’esclaffaMadimiensetournantversSiatris.Vousenpensezquoi?lui
demanda-t-elle.
—Quejepaieraischerpourlavoiravecça!réponditcedernier,enfixantSláinequisemitàrougir.
—Trèsmalin,bougonna-t-elle.
—Etjedonneraisencorepluspourleluienlever,rajouta-t-ilhistoiredevoirjusqu’oùlacoloration
desesjouespouvaitaller.
Sláinenerougitpasplus,maisdétournaleregardetrangealesdeuxmaillotsdanslepetitsac.
Siatrisétaitonnepeutplussincère,maissonbutétaitmoinsdelamettremalàl’aisequedefaire
comprendreàlajeunefemmequ’ellen’avaitpaseutortdecroirequ’illadésiraitvraiment.
Deuxchosesétaientcertainescependant:luiavaitmatièreàfantasmerpourlesiècleàveniretSláine
n’avaitpascruàunseuldesmotsqu’ilvenaitd’articuler.Celaétant,elleneparaissaitpasvexéepar
sonprétendurefus,unpeucommesielleenavaitprisbonnenoteetnecomptaitpasinsister.
Enconclusion,ilavaitvraimentmerdéetvenaitdelaisserpasserlachancequis’étaitofferteàlui.
Toutefoislemomentétaitmalchoisipourtenterdeluiexpliquerquoiquecesoit,d’autantqu’il
n’avaitaucuneintentiondeluifairesavoirqu’àsondésir,s’alliaientdessentiments.Dansl’immédiat,
lemieuxqu’ilavaitàfaireétaitderentrerauLuxuriaoùuntravailmonstrel’attendait.
—Sláine,jevaisdevoirpartir,annonça-t-ildoncàlajeunefemme.
—Déjà?
Ladéceptionsincèredelajeunefemmelefitluisourire.
—Ouais,j’aiduboulotquim’attendmaisjepeuxrepasserdemain.
—Oui,biensûr,situveux.Etjevaisessayerderéfléchiràtapropositiond’icilà.
Siatrissecontentad’unsignedetêtepourprendrecongédesdeuxjeunesfemmes.
—Quelnigaud,celui-là!s’esclaffaMadimidèsqu’ellesfurentseules.
—Pourquoitudisça?s’étonnaSláine.
—Parcequec’estvrai!Ilcrèved’enviedetemettredanssonlit,maisilnes’estrienpassépendant
monabsence.
—Commentpeux-tusavoirqu’ilnes’estr…
—Parcequesinonàl’heurequ’ilestvousserieztouslesdeuxdanstachambreetquevousnevous
seriezmêmepasaperçusdemonretour.
Alorsmoijedisquecetypeestuneandouille.
—Maispeut-êtrequetutetrompesetqu’iln’apasdutoutenviedefairequoiquecesoitavecmoi.
—Ça,j’ycroiraiquandj’aurailetemps,matoutebelle!rétorquaMadimiavecunregardentendu.
—Ilatoutdemêmerefusédem’embrasser,luifitremarquerSláine.
Madimiouvritdesyeuxgrandscommedessoucoupes.
—Désespérant,selamenta-t-elledansunsoupir.Bonalorsdemaintudoismettrelepaquet,décréta-telleensuite.
—Maispourquoitiens-tuabsolumentàceque…
—Parcequetuenasbesoin.Pasvrai?
—Si,concédaSláinesanshonteaucuneensoutenantleregardvertdeladémone.Maisçane
m’expliquepascommenttoitulesais.
—Disonsquejesuisréceptiveàcegenredechose.Celaétant,lorsqu’onmetenprésenceunmecqui
faitexploserletauxdetestostéroned’unepièceetunefemmequidégageuntrucdedinguecen’est
pastrèsdifficileàpercevoir.
—C’estvraiqu’ilestsexy,convintSláineavecunsouriresansaccorderlemoindrecréditauxmots
laconcernantenpropre.
Selonelle,iln’émanaitriend’autred’ellequelassitude,colèreettristesse;riendefranchement
excitant!
—Ahah!semoquaMadimidontlesyeuxsemirentàpétiller.Ettul’asdéjàvuàpoil?
—Non,s'esclaffaSláine.
—Etlui?
—Presque.
—Voyez-vousça!Raconte-moitout.
—Jetetrouvebiencurieuse,luifitgentimentremarquerSláine.
—Jesaismaiscen’estpasmonplusgranddéfaut.
—Ahnon?Etc’estquoi?voulutsavoirlajeunefemme.
—Alors,raconte,éludaladémoneenentraînantSláineverslecanapépourunediscussionlégère
entrefilles.
Elleenavaitenvie.EtSláinebesoin.Toutétaitdoncpourlemieux.
Chapitre11
Assisderrièresonbureau,jambescroiséesauniveaudeschevilles,sesbottesreposantsurleborddu
plandetravail,Siatrisn’avaitrienfichudepuissonretourauLuxuria.
Seuleunelampedispensaitunpeudelumièredanslapièce,n’éclairantquesonvisaged’unhaloqui
auraitpulefairepasserpouruneapparitiondivine,n’eutétésonairlugubre.Iln’avaitcessédese
repasserenbouclecequeSláineluiavaitracontéetsedemandaitcommentilpourraitmettrelamain
surl’ordurequiavaitosés’enprendreàelle.Quel’angeaiteudesordresnechangeaitpasgrandchoseàl’affaire,niluinipersonnen’avaitledroitdes’attaqueràunhumain.Etàelleencoremoins.
C’étaittellementinjusteenplusd’êtreinadmissible.
SláineetTéliavaientprouvéqueleurassociationétaitsuffisammentpuissantepourcontrertoute
attaqueéventuelledesPrincipes.Mêmesilesangesvouaientquasimentunculteàl’ordreetàla
rigueur,ledémonnepouvaitsedépartirdesonidéequeleurbutavaitétéd’anéantir,avantqu’ilne
devienneimpossibleàgérer,ledangerque,seloneux,Sláinereprésentait.L’extractiondeTélin’avait
doncétéqu’unprétexteàleursréelsdesseins.
SeulementSiatrisnepouvaitpasprendrelerisquederetournerdel’autrecôtépourcrieraucomplot
etdénoncerleursagissements.S’illefaisait,celaattireraitpartropl’attentionsurlajeunefemme.Les
démons,lui,Sio,Voan,ainsiquetousceuxquisesouciaientdeSláine,allaientdevoirprocéderpar
ruse.Commelajeunefemmel’avaitsibiendit,lesangesdevraientpayer.Tous.D’unemanièreou
d’uneautre.ÀcommencerparcetYlsiqu’illeurfallaitretrouver.
Commentfaire?Connaîtresonnomnepermettaitqued’apprendred’oùilsortaitou,aumieux,
quelleétaitsanature,maispasoùilsetrouvait.Surtouts’ilétaittoujoursdececôté-ci.Pourle
découvrir,illuiauraitfalluavoirsonempreintepsychique,àconditionqu’ilnesecachepasderrière
unbouclierpourdissimulersaprésence.
L’impossibilitéd’agirdansl’immédiatn’étaitpaspouraméliorerl’humeurdeSiatrisdéjàdégradée
parlefaitd’avoirdûlaisserlajeunefemmepratiquementsansprotection.Sansparlerdeson
affligeanteattitude.
SiatrisvouluttéléphoneràSláinepourdiscuterde...decequines’étaitpaspasséjustement,hésita
pourfinalementsecontenterdefixersonmobiled’unairmauvais.
Soupirantprofondément,illançaletéléphonesurlebureauetseredressa.Paspoursemettreau
boulot,maispourpasserquelquescommandesenligneavecl’espoirqueSláineporteraitunjourles
tenues
«detravail»qu’ilallaitluichoisir.
Évoquerlecorpsdelajeunefemme,lesoccasionsqu’ilavaiteuesdelevoiroulesentircontrele
sien,dansleconsciencieuxobjectifdenepassetromperdetaillebienentendu,ouensuitel’imaginer
danslesrobesquidéfilaientdevantsesyeux,eutquelquesconséquences,inévitables,plaisantesvoire
unpeudouloureuses.Sileplaisirqu’ilretiradel’exercices’étaitconcentrésursoncœuretson
esprit,ladouleurconcernaplusprécisémentsonbas-ventre,lecuirdesonpantaloncomprimant
l’érectionquesesfantasmesavaientfaitnaître.
Etdireques’iln’avaitpasréagicommeunidiot,àcetteheure-ci,ilseseraitpeut-êtretrouvédansses
bras,oudanssonlit.Avecelleentoutcas.
Lesyeuxrivéssurunerobequ’ilnevoyaitplusvraiment,Siatrissongeaquelelendemain
n’arriveraitpasavantuneéternité.
ConcentrésursatâchepournepascéderàsonenviedetoutplaqueretpartirretrouverSláine,ilne
détournalesyeuxdesonécranqu’unesecondelorsqueSiopénétradanslebureau.Tempsamplement
suffisantpourconstaterqueledémonétaitderetourparmilesvivants,splendide,habillédanslebut
avéréderéduiretoutefemmeàsamerci,ettouthommeaussid’ailleurs.SiSláineavaitpulevoir
ainsi,sonregardseseraitilluminédesessentimentsetdesondésirpourlui.Maiscen’étaitpaspour
ellequ’ill’avaitfait,c’étaitpourlatrahir.L’humeurdeSiatrisenfutànouveausensiblementaltérée.
—IlparaitqueLéas’enva,luidemandaSiosanssesoucierdesonaccueil,enprenantplacedansl’un
desfauteuilsdel’autrecôtédubureau.
C’estvrai?
—Ouais.Elleadémissionné.
—Ettucherchesquelqu’unpourlaremplacer,enconclutSiologiquement.
—J’aidéjàtrouvé.
—Vraiment?Déjà?s’étonnaSio.Ettucomptaism’enparlerquandexactement?rajouta-t-il,d’un
tonsefaisantunrienagressif.
—Jen’avaispasl’intentiondetedemandertonavissurcepoint.
—Parceque?
—Parcequ’ils’agitdeSláine.
—Putaintufaisvraimentchier!explosaSioenbondissantlittéralementdesonsiège.Ilafalluquetu
lachoisisses?Elle?!hurla-t-ilencore,abattantsonpoingsurlebureausifortquel’écranduPC
vacillasursonsocle.
Peuimpressionnéparlafureurdudémon,maispeut-êtreaussivicieusementsatisfaitdesaréaction,
Siatriscontinuaàfairedéfilerlespagesdusitecommesiderienn’était.
—Exactement,jel’aichoisie,elle,confirma-t-ild’untonvolontairementimperturbableenluijetant
unnouveaucoupd’œil.
—Sitonbutétaitdelamettredanstonpieu,tun’étaispasobligédel’engagerpourl’obtenir,le
cherchaSio.
—Cen’estpaspourcetteraisonquejeveuxquecesoitelle.Nipourtefairechiernonplus.
—Ohnon?s’étonnaSiosansycroireuneseconde.Etpourquoidanscecas?
—Parcequ’elleabesoind’êtreprotégée.Jetediraisbienpourquoi,maisj’aicommel’impression
quetun’enasrienàfoutre.Jemetrompe?
Sioneréponditpas.
Silaviedelajeunefemmeétaitmenacée,iln’avaitpasledroitdes’endésintéressertotalement.
Comptetenudecequ’elleétait,sondevoirétaitmêmedeparticiperàsaprotection.Maisilaurait
préférénepasavoiràlefaire.Vraimentpréféré.Parcequ’iln’avaitaucuneenviedelavoiretne
savaitpasdequoiilseraitcapabledanscecas-là.Ouplutôt,illesavaittropbien.Ilseraitcapabled’à
peuprèstout.
—Quandarrive-t-elle?finit-ilpardemander.
—Jen’ensaisrien.Ellen’apasencoreaccepté.
Siopriapourqu’ellenelefassepas.
—Siellesigne,préviens-moiquejeprennemesdispositions.
Lesquellesvisaientàl’éviterautantqu’illuiseraitpossible.
—C’étaitprévu,l’informaSiatrisd’untonneutre.C’estl’unedesconditionsdontnousavonsdiscuté.
Àsademande.
Aumoins,elleestintelligente,sefélicitaSioenselaissantretomberdanssonfauteuil.
Ledémon,loind’êtreaussicalmequ’illemontrait,avaitdécidéderéserversonagressivitépoursa
soirée,qu’ilavaitprévueintenseensensations.Aprèslesprivationsqu’ilavaitsupportées,cene
pourraitqu’êtrelecas.Maisc’étaitavecunejoiemauvaisequ’ilattendaitlanuitdedébauchequi
l’attendait.Parcequ’iln’avaitpasseulementbesoind’apaiserlesexigencesdesoncorps,ilavaitaussi
l’intentiondetromperSláineettrahirlaconfiancequ’ellen’avaitdetoutemanièrepasdaignélui
accorder.
—Bien.Commentva-t-ellesinon?Tuasdûlasoignerou…
—C’estmaintenantquetut’ensoucies?luifitaigrementremarquerSiatris.
—Réponds,grondaSiodontlapatiencen’avaitpasintérêtàêtremiseàl’épreuvemalgréla
tempérancequ’ils’imposait.
LeregarddeSiatrisabandonnaenfinlemoniteurpourseposersurceluiqu’ilavaitjusqu’ici
considérécommeunami.Croisantlesbrascontresontorse,selaissantallersurledossierdeson
siège,ilpritquelquesinstantspourl’observer.Ilsoupçonnaitquecetintérêtsoudainpourlasantéde
lajeunefemmerecélaitquelquechosedeplusmalsainquesaquestionnepouvaitlelaissersupposer,
commeunesortedevoyeurismedéplacévisantàsavoirsielleavaitsouffertphysiquement.Ouautant
quelui.
Fortheureusement,lajeunefemmen’avaitsubiaucuneréelleviolencephysiqueendehorsde
quelquesprivationsn’ayantpasmissavieenpéril.
MaisSiatrisn’étaitpasdisposéàenfairepartàSio.Peut-êtreavecl’espoirinsenséqu’ils’eninquiète
d’ailleurs.
—Psychologiquement,elleestpresqueanéantie.Maiselles’ensortira,elleestforte,c’estune
battante.Elleaurabesoindetemps.Etd’autrechoseaussi,maisnitoiniVoann’êtesplusdisposésàle
luidonner.
—Méfie-toi,Siatris,leprévintSioquiavaitsaisilemessagemaisrefusaitd’entenircompte.Nelui
accordepastaconfiance,net’attachepasàelle,d’unemanièreoud’uneautretufinirasparêtredéçu.
Tentépendantuneseconded’avoueràSioqu’ilauraitdûgarderfoienSláine,Siatriss’yrefusa
finalement.C’étaitàlajeunefemmededéciderdeluiparleroupas.EtàSiodelacroireounon.
Ilpréféramêmenerienrépondredutoutpours’éviterunediscussionquinemèneraitàrien,tous
deuxcamperaientsurleurspositions.
Unsilences’étaitinstalléentreeuxdepuisuneminuteoudeuxlorsqueVoanpénétraàsontourdansle
bureau.
Legéantn’avaitaucuneintentiondes’attarderplusquenel’exigeaitsondevoiretavaitprévudes
occupationsbeaucoupplusintéressantesquesupporterlesdeuxdémons.Encetinstant,Hadrien
préparaitsonmatérielenvuedunouveautatouagequeVoanvoulaits’offrirenplusd’unoudeux
nouveauxpiercings.
—Léas’enva,parait-il?articulalegéantaprèss’êtrearrêtéderrièrelefauteuildeSio.
Siatrislevalesyeuxauciel.
—Oui,soupira-t-il.Elledémissionne.
—Maisilluiadéjàtrouvéuneremplaçante,intervintSio.
—Ahoui?Quiest-ce?
—Sláine,lajeunefemmequiabriteTéli.
—Ya-t-iluneraisonparticulièreàcechoix?voulutsavoirVoan.Tuescertainquec’estunebonne
idée?
—Ilveutlasauter,précisaSiotoutbas.
—J’aiunetrèsbonneraisoneffectivement,réponditSiatrissanstenircomptedelaremarque.Elleva
avoirbesoindenotreaide.
—Explique,sollicitaVoanprenantfinalementplacedanslesecondfauteuil.
L’ambiancedemerdedesdernièressemainessemblaitvouloirsedissiperetlesujetétaitimportant.
Ceciexpliquantpeut-êtrecelad’ailleurs.
—Ellem’aracontécequ’ellesavaitdescirconstancesetcausesdesonenlèvement.Ceseraitun
certainYlsiquiauraitagisurordred’angesdécidésàextraireTélideforce.
—Saleengeance,grommelaSioàquilesfaçonsdefairedesangesfaisaientvoirrouged’une
manièregénéraleetplusparticulièrementlorsquecelaconcernaitleshumains.
—Maisceneseraitpasl’uniqueraisondesonrapt,poursuivitSiatris.
Ilsembleraitqu’ilslaconsidèrentégalement,elleentantquepersonne,commeunemenaceetontfait
leurpossiblepourqu’elledisparaisse.
—Ilsn’ontaucundroitd’attenteràsavieouàcelleden’importequelhumain!s’insurgeaVoan.
—C’estpourquoiilsnel’ontpasfaitetontpréférétenterdelapousserausuicide,précisa-t-ilencore
enévitantdejeteruncoupd’œilàSioquidesoncôtésemblaitfascinéparunpointfictifdelapièce.
Siatris,grâceàsonentretienaveclajeunefemmeetcedontilavaitététémoindesoncôté,avaitune
idéeassezprécisedeceàquoil’anges’étaitlivrépouryparvenir.Malheureusementenl’étatactuel
deschoses,niSio,niVoann’étaientprêtsàentendreoumêmeacceptersathéorie.Etpourcause.
—Visiblementçan’apasfonctionné,conclutlegéant.
—Non,heureusement,etelleestbiendécidéeànepasselaisserfaire.
Seulementpourça,ellevaavoirbesoindenotreaide.Ilnousfautdécouvrirsilesangesl’estiment
dangereusepoureux,sinonquellemenaceelleestsupposéereprésenteretfaireensortequ’elleaitles
moyensdesedéfendre,maissansqu’ilss’enaperçoivent.
Voanémitunsifflement.
—C’estrisqué.Tuenasdéjàparléàsonangegardien?
—Jeviensdelefaireàl’instant,insinuaSiatrisenregardantVoandroitdanslesyeux.
—Tunevaspasrecommenceravecça!s’irritalegéant.Jecroyaist’avoirdéjàditque…
—Auxdernièresnouvelles,tuétaissonguide,lecoupaSiatris.Alorssitumedisquecen’estplustoi
OK,maistrouvequic’estetvoisçaaveclui.
—Trèsbien,cédaVoanquin’avaitpasenviedepolémiquersurlesujet.Jemechargeraidetrouver
unesolutionpourdissimulersarémission,maisj’auraisbesoindelavoirpourça.Amène-laici.
Ellenevoudrapas.
—Quand?
—Dèsquepossible.Cesoir,oudemain.
C’esttroptôt!
—Jem’occupedecetYlsi,intervintSioenserelevant,arborantunsourireempreintd’autantde
malveillancequed’impatienceàl’idéedevolerdanslesplumesdecetange.
EtnotantsursonagendamentaldedisparaîtreduclublorsqueSláineyserait.
—Ettoi?demandaVoanàSiatris.Quevas-tufaire?
LesouriresedessinantsurleslèvresdudémonindiquatrèsclairementàSiocequeSiatrisavaiten
tête.
Ledémon,dontlessombresirisétincelèrentunefractiondeseconded’unéclatrougesang,eutla
sensationqu’unemainglacéeserefermaitautourdesoncœur.
SessentimentspourSláinen’étaientplusquesouvenirsenfouistoutaufonddesamémoiresousune
tonned’amertume,cen’étaitdoncpaslajalousiequil’étreignait.Qu’était-cedoncalors?
Celaressemblaitàdelapeur.
—Jevaisreprendresaformationlàoùelleaétéinterrompue,réponditfinalementSiatrisàVoan.
Tandisquelestroisdémonss’occupaientdesonsort,SláinediscutaitplaisammentavecMadimiqui
n’avaitcesséaufildelaconversationdeluiposerdesquestionsplusoumoinsindiscrètes.
Auxquelleselleavaitrépondu.Selivrerluiavaitfaitunbienfouetpermisdefairesortirpresquetout
cequilaminait.Sesdoutes,sespeurs.Sesespoirségalementmalgréleseffortsqu’elleavaitdéployés
pourn’enavoirplusd’aussiinsensésqu’êtreaiméeànouveaudeSioetVoan.
PeuluiimportaitfinalementqueMadimiconnaissedésormaissessecretsetpresquetouslesdétailsde
savieintimeoupersonnelle,sesdéfauts,nombreuxauregarddesesqualités.Ladémonel’avait
écoutée,s’intéressaitàcequ’elleétait,sanslajuger;Sláinen’avaitplusl’impressionden’être
personne.C’étaitcelaquiimportait.
Labonnehumeuràtouteépreuvedeladémone,sonhumourluiplaisaitégalementbeaucoup.Madimi
étaitprobablementl’êtrelepluspositif,joyeux,gentiletmêmeunpeucingléqu’elleaitjamais
rencontré.
Sibienqu’aufinal,etmêmesiSláinen’avaitapprisquepeudechosessurladémone,elleavaitla
sensationd’êtreauprèsd’uneamiedelonguedate.
—J’aienviedechanger,murmuraSláineauboutd’unecourtepausedansleurpapotage.
—Ahnon!s’exclamaMadimisoucieuseàl’idéequ’elleveuilleréellementsetransformerenautre
chosequ’elle.
—Decoiffure,destyle,précisalajeunefemmeavecunsourire.
—Ouf,tumerassures.J’aiunecopinecoiffeusequifaitdesmerveilles.
—Pourquoiçanem’étonnepas?s’esclaffaSláine.
—Ohmaisjeconnaisaussiuneesthéticienne,unpierceur,lapatronned’uneboutiquedefringues
démentesetdedéguisements,celled’unmagasindemaquillagesgéniaux,unavocat,unebanquière,
unprofdeMathshypersexy,toutuntasdemecsbeauxcommedesdieux‒etonsefoutduboulot
qu’ilsfont‒,uneexquitientunechocolaterie…
—Pardon?!
—Quoi?s’inquiétaMadimidontleregards’assombritlégèrement.
Çatechoquequej’aieeuune…
—Maisnon!Tuviensdeprononcerunmotmagique:chocolaterie.
—NomdeZeus!s’exclamaMadimidansunéclatderire.T’esaussidinguequemoi.
—Aumoinstuesconscientedetafolie,plaisantaencorelajeunefemme.
Lesouriredeladémones’accompagnad’unregardsoudainplusdoux.
Unpeuplussérieuxaussi.
—Sláine,jecroisquejevaistomberamoureusedetoi,chuchota-telle.
—Maisnon,murmuralajeunefemmeinterprétantcesmotscommeunegentillesseplutôtqu’une
réalité.
Maissi.
—Alors?J’appellemacopineoupas?luidemandaensuiteladémonequimalgrétoutespéraitque
celapuisseattendrelelendemain.Tuasuneidéeprécisedecequetuveux?
—Changerdecouleuretdecoupeaussi.
—OK.Etunpiercing?Çatedirait?
—Jen’ensaisrien.Pourquoipas.Tuenastoi?
—Ouais.
—Montre.
Madimis’exécutasanssouci,remontantlebasdesont-shirtetbaissantsimultanémentlaceinturede
sonpantalonpourdévoilersonnombrilquin’étaitpasornéd’unseulpiercingcommeonlevoitle
plussouventmaisdeplusieurs.Entoutsixpetitesbillesnoiresformaientunarcdecercleau-dessuset
au-dessousdecelui-ci,lespetitessphèresàl’autreextrémitédestigessenichantaucreuxdeson
nombril.
—C’estsuperjoli,murmuraSláineentendantlamainpourleseffleurerduboutdesdoigts.
Ladémonefrissonna.
—Sláine,souffla-t-elle.
—Quoi?réponditdistraitementlajeunefemmequitentaitdedéterminersiunpiercingàcetendroit
luiplairait.
—Quandtumetouches,j’aidespapillonsdansleventre.
SláineéloignasamainetlevalesyeuxversMadimiquis’empressadesenoyerdansceregard.
—J’aienviedet’embrasser,avouaencoreladémone,toutbas,commesiunmurmurepouvait
allégercequesesmotsimpliquaient.
L’accentqu’elleleuravaitinsuffléindiquapourtantàSláinequ’elleneparlaitpasd’unbisousurla
joue.
Allonsbon!
—Ah.
—Tun’asjamais…touchéunefemme?chuchota-t-elleencore,interprétantcorrectement
l’interjection.
—Non.
—Ettu…
—Jen’ensaisriendutout,répondit-elletoutàfaitsincèrement.
Sláinen’avaitsurtoutjamaiseul’occasiondeseposerlaquestionjusqu’ici,cecasdefigurene
s’étantjamaisprésenté.Ellen’étaitcependantpaslemoinsdumondechoquée.Leplaisirrestaitle
plaisir,quelquesoitlesexedeceluiquil’offraitoulerecevait;elleenavaitététémoinsuffisamment
defoisavec…
Ellerejetadetoutessesforceslessouvenirsdecequin’étaitplusetsurgissantfortmalàpropos.
Maissurtoutlançantleursdaguesacéréesàl’assautdesoncœurdéjàmalenpoint.
Madiminel’embrassapas,maissouritetluitenditsamainaprèss’êtreelle-mêmeextirpéedusofa.
Ladémoneavaitludansceregardsoudainvoilédetristessequ’ellel’auraitprobablementlaisséfaire.
Ilétaitcependanthorsdequestiondeprofiterdelasituationetdelavulnérabilitédelajeunefemme,
pasmêmepourlaprendredanssesbrasetlaréconforter.
MaisBonDieu,qu’elleenavaitenvie!
Sláinen’enavaitprobablementpasconscience,maisilémanaitd’ellequelquechosed’indéfinissable,
àlafoissensuel,sombreetlumineux,douxetviolent,irrésistiblementattirantetpresque
impressionnant,mêmepourundémon.
—Tuenasd’autres?luidemandaSláinepournepaslaisserunsilences’installerentreelles.Son
coupdebluessedissipait;ellesesentaitpresqueflattéeparcequ’elleinspiraitàsonamie.
Madimiavaitperduuntoutpetitpeudesoninsouciancecoutumièredepuisqu’elles’étaitlivrée;elle
lafixaattentivementmaisneréponditpas.
—C’estàmoidedeviner?insistaSláineavecunpetitsourire.
Madimileluirenditetacquiesçasilencieusement.
—OK.Bon,cen’estpaslalanguesinonjel’auraisvu,lesoreillesçanecomptepasdonc…Lesseins
?C’estça?
NouveauhochementdetêtedeladémonequeleregarddeSláinesepromenantsurelleavaittroublée.
Elleenvintàprierpourqu’elledemandeàvoiretainsiressentircettecaressesursapeau.
Sonvœufutexaucé.
—Jepeuxvoir?
Sansgêneaucune,lesyeuxdeSláineseposèrentsurlesseins,magnifiques,parfaitsdeMadimi.Ses
deuxtétonsétaientpercés,ornéschacund’unpetitanneautoutsimple.
—Çafaitmal?voulut-ellesavoir.
—Ouiassez.
—J’aimebeaucoup.Tucroisque…
—Biensûr.Etsituveuxjepeuxfaireensortequetunesouffrespasetmêmequeçacicatrise
immédiatement.
—Ças’appelledelatriche,plaisantaSláine.
—Unpeu,effectivement.Maisc’esttoiquivoissitucomptestepasserdecertaineschosespendant
uncertaintemps.
Sláineavaitexpérimenténombrededouleursdiversesetvariées,certainesqu’elleavaitpuconvertir
enplaisirendescirconstancesparticulières,d’autresterribleseteffrayantesqu’ellen’avait
certainementpasrecherchéesnidésirées.
Pourcecasprécis,celatenaitunpeudesdeux.Ellevoulaitcespiercingsmaisenredoutaitunpeula
souffrance.EtcequeMadimivenaitdesouleverneluiplaisaitqu’àmoitié.
—Alorsonvacouperlapoireendeux.Tut’occupesseulementdelacicatrisation.
Chapitre12
SláinesoupçonnaMadimides’êtremalgrétoutmêléed’atténuerladouleuroccasionnéeparles
piercings,cequ’elleressentitrestaitdudomainedusupportable,justecequ’ilfallaitpoursesouvenir
decemomentmarquantdanssonespritunnouveaudépart.Lajeunefemmen’enfitpaslaremarqueà
ladémone,pasplusqu’ellenes’offusquaduregardrésolumentgourmandposésurelledèsqu’elle
s’étaitretrouvéeàmoitiénuedanslelabo.William,pierceuretamideMadimidesonétatdonc,se
montracourtoisetextrêmementprofessionnel;Sláineneressentitaucunegêneàl’occasiondecette
opérationtoutdemêmeassezintimeetressortitdesaboutiqueavecsacarte‒ellecomptaitbienne
pass’arrêterlàmaintenantqu’elleétaitatteinteduvirus‒etdequelquesbijouxenplusdesdeuxpetits
anneauxentitaneiriséagrémentésd’unepetitebilleornantdésormaissesseins.
Plusqueraviedurésultat,Sláines’étaitmêmeoctroyéunagréablepetitmomentdenarcissisme,
passantcinqbonnesminutesàs’admirerdanslemiroirqueluitenaitMadimiquienprofitapourla
lorgnersansaucunevergogne.DèsqueSláinesefutrhabillée,ladémones’occupadela«soigner»,
seconcentrantsurelle,yeuxclos,gardantl’unedesesmainsentrelessiennes.
ProfitantdeleursortieetdufaitquelacopinecoiffeusedeMadiminepouvaitvenirchezcette
dernièrequ’endébutdesoiréepourcoifferSláine,toutesdeuxflânèrentenvillepourpetiteséancede
shoppingdurantlaquelleSláineselivraplusoumoinsraisonnablementàsafièvreacheteuse.
Puisqu’elleavaitdécidédechanger,autantenprofiteretlefairejusqu’aubout.C’estpourquoi,en
plusdesquelquesjeans,pulls,chemisiersout-shirts,elles’offritégalementquelquesensemblesplus
sexy.Suivantlesconseilsavisésdesonamieautantquesesgoûtspersonnels,Sláineseretrouvadonc
propriétairedequelquesrobescorsetlonguesouaucontrairetrèscourtes,corsetspiratesou
gothiques,leggingsencuir,topsendentellesoutullebrodés.Tenues,songea-t-ellequ’ellepourrait
aussibienporterensoiréequelorsqu’elleprendraitsonposteauLuxuria.
Comprendrequ’ilyavaitquelquechosedequasiinéluctabledanssonacceptationàlapropositionde
Siatrisluiprocuraunedrôledesensation,commesielleprenaittoutàcoupconsciencequ’unlien
existaitentreelleetcelieuoùelleavaitdécouvertquielleétait.
Peut-êtreaussiparcequemalgrétoutcequ’ellepouvaitpenser,vouloiroumêmeressentir,ellesavait
qu’ellenepourraitvivre,survivre,sansavoiraumoinsessayéderécupérercequiluiavaitété
injustementravi.
Etdirequetoutçaétaitarrivéparcequ’elleétaitcequ’elleétaitjustement.Toutçaparcequ’elle
dérangeaitdescréaturessupposéesbienveillantes.C’étaituncombletoutdemême!
SláinesepromitdediscuterdecepointprécisavecTélidèsqu’ellelepourrait.Elleétaitplusdécidée
quejamaisàfaireensortequecesangeslacraignentpourquelquechose,plusquemotivéeàdevenir
lamenacequ’ilsvoyaientenelle,mêmesielleignoraitsanatureexacte.
GrâceàSiatris,Sláineavaituneidéeassezprécisedecequil’attendaitpouryparveniretespéraitêtre
enmesured’assumercequ’ellefiniraittôtoutardparconsidérercommeuneinfidélité.
Maisellepressentaitquemêmecelaresteraitinsuffisant.Pourelle,entoutcas.Sláinecomptaitdonc
demanderaudémondesechargerdecompléterl’enseignementthéoriquequ’illuiavaitdéjà
prodiguépuisqu’iln’avaitpasl’airdevouloirsechargerdel’aspectpluscharneldesaformation.
Plusqu’unevéritablesoifdeconnaissance,lajeunefemmevoulaittoutapprendresurceuxqu’elle
allaitdevoiraffronter,lesconnaîtreàdéfautdecomprendrecommentSioetVoanavaientpu
l’abandonnerainsi.
—Tuesbienpensive,luifitremarquerMadimi,luijetantuncoupd’œiltoutenconduisant.
—JecroisquejevaisaccepterleposteauLuxuria,luirépondit-elle.
—Biensûr.Tunepeuxpasfaireautrement.Maistun’aspaspeurquecenesoitunpeutôt?
—Si,çamefaitflipper.Lesrevoirmefaitpeur,rectifia-t-ellepourêtretotalementhonnête.Maisj’en
aibesoin,mêmesiçafaitmal…Tucroisqueçasignifiequejesuiscomplètementmalade?
—Non,çaveutdirequetuesvivante.Etquetulesaimes.
—Commentfais-tupourtoujourstoutcomprendre?luidemandaSláineenregardantattentivement
Madimi.
Ladémoneeutunsourire,nesetournapasverselleetneluiréponditpasnonplus.
Oui,ellelesaimait!Plusquetout.Aupointde…aupointd’êtreprêteàaffronterlamalveillanceque
Sionemanqueraitpasdemanifesteràsonégard.Maisilluifaudraitalorsêtreplusperversequelui
etça…ceneseraitpasdugâteau!Deplus,enperdantsaconfianceetendoutant,ellen’avaitplus
aucuneespècedepouvoirsurluidésormais.Essayerdelerendrejalouxétaits’exposeràcequ’illui
rendelapareille.Saufquesurelle,çafonctionnerait.LaseuleévocationdecequeSioétaitcapablede
luifaireressentiravecsesmains,seslèvres,salangue,sesyeuxousoncorpslamettaitdansunétat
impossible.Alorssimulerunquelconquedétachementavecluin’étaitpashumainementenvisageable.
Siolesavaitaussibienqu’elle.Etilétaitvicieux,suffisammententoutcaspoursedébrouillerdela
rendretémoindetoutcequ’iljugeraitbondeluimontrer.
Ilpourraitmême,suprêmesupplice,luiavouerqu’illadésiraittoujoursetvouloircoucheravecelle.
Sláinesedoutaitqu’ellen’avaitlàencorequepeudechancederésister.Elletomberaitprobablement
dansleséduisantpiègequ’ilétaitpour,aufinal,s’entendredire«Salut,àlaprochaine»ouquelque
chosedecestyle.
Quantàl’indifférenceabsoluedeVoan,Sláinesedemandaitsiellenepourraitpaslacombattrepar
uneindifférenceencorepluspoussée.
Ah!ricanaunepetitevoixdanssatête.Plusfacileàdirequ’àfaire!
Commentpouvait-elleimagineruneseulesecondeêtrecapabledenepasfondrelittéralementenle
voyant,parveniràluicacherl’effetqu’illuifaisaitousupporterdelevoiravecsonmec.
Cettedernièrepenséeluidonnaenviedehurler,lepoisondelajalousiesechargeantdefaireressortir
lesplusvilsaspectsdesoncaractère.
Commedéciderdehaïrcordialementetsansleconnaîtrecefoutublondinetparexemple.Oude
fomenterdesplanspoursedébarrasserdelui.
Avecunemoueamère,Sláineréalisaquecelaseraitvain.Voannel’avaitpasseulementoubliée,il
avaitégalementéradiquélesfemmesdesaviepersonnelle.Pireencore,ilaimaitcetype.
PlusquejamaisSláinesesentaitaubordd’ungouffre,enfacedupontquil’enjambaitmaisquilui
paraissaitcurieusementpeurassurant.Ellen’avaitaucuneassurancequ’iln’allaitpascédersousson
poidsdèsqu’ellesetrouveraitàmi-chemin.
—J’aimeraisêtreassezforte,certainedepouvoirlesaffrontersansêtreanéantie,murmuralajeune
femme,pluspourelle-mêmequepoursonamie.
—Tuesforte,luiassuraMadimitoujourssanslaregarder.Ettupossèdesunearmepuissante:tes
sentiments.Maisquoiquetufassesoudécidesdefaire,restetoi-même.
—Uneemmerdeuse?proposaSláineavecautodérisionpourtenterdedissiperlapeurquiluinouait
leventre.
—Aubesoin,luiconfirmasérieusementladémone.
Cenefutqu’endébutdesoiréequeVoanpénétraànouveaudanslebureaudeSiatrispourlemettreau
courantdesinformationsqu’ilavaitrecueillies.Etcelles-cil’avaientsuffisammentdécontenancépour
quecelasevoiesursonvisage.
—Quoi?s’inquiétaimmédiatementSiatris,observantlegéantpendantqu’iltraversaitlapièce.
—Ilyaquelquechosequicloche,marmonnaVoanaprèsavoirprisplaceenfacedelui.
—Tunem’apprendsrien,soupiraSiatris.Çafaitdessemainesquetoutsebarreenc…
—Cettefillen’aplusd’angegardien,lecoupaVoanpourl’empêcherdel’accuserànouveaud’être
responsabledelasituation.
—Pardon?s’exclamaledémon;sessourcilssefroncèrent.C’estimpossible,tousleshumainsen
ontun.
—Toussaufelle.
—Tuescertaindecequetudis?
—Oui.
—Sais-tusic’estrécent?demandaSiatrisquis’interrogeaitsurlapartderesponsabilitédugéant
danscetétatdefait.
—Ilsembleraitquecesoitarrivéenmêmetempsquesonenlèvement.
J’aiétédéchudemamissionenverselleàpeuprèsaumêmemoment,précisaenoutrelegéant.
Sansexcusersapresqueindifférencepourlajeunefemme,celapouvaitenpartiel’expliquer.
Iln’enrestaitpasmoinsqueVoann’avaitjamaisappréciéquel’onprennesesdécisionsàsaplace,
quellesqu’ensoientlesraisons.
—C’estdoncuncomplot,conclutsombrementSiatris.
—Manifestement,acquiesçalegéant.Unhumainsansguideseretrouveàlamercide…d’àpeuprès
tout.
—Unhumainclassiqueoui,maisSláinehébergeuneparcelledecequ’estTéli,etça,çachange
totalementladonne.
—C’estindéniable.PourtantTélin’apasvocationàtenirlieud’angegardien;iln’adoncaucune
espèced’autoritésursonexistence.Alorsjemedemandesicettefemmeestréellementhumaine.
Siatrisn’enrevenaitpasqueVoanseposecettequestion.
—Biensûrqu’ellel’est!s’exclama-t-il.
—Tuenesabsolumentcertain?
—Maisoui,bonsang!
—Alorsexplique-moicommentelleestparvenueàsurvivreàcequiluiaétéimposé?Jeparledece
qu’Ylsiluiafait.Tuconnaisbeaucoupd’humainquiseraitrestésaind’espritaprèsdessemaines
d’acharnement?
—Non,biensûr,maisTéli…
—…nepouvaitsepermettred’agirlui-même,lecoupaVoan.Cettefilleétaitdoncpratiquementsans
protectionmaiss’enesttrèsbiensortie.
Siatrisneputs’empêcherdegrimacer;entendreVoanutiliserdesexpressionsaussiimpersonnelles
que«cettefemme»ou«cettefille»
pourparlerdeSláinel’agaçaitprodigieusement.Deplus,cequ’elleavaitendurén’avaitpasétésans
dommage…
—Tutetrompes,murmura-t-il.Elleestterriblementéprouvéepar…
Ledémons’interrompitdelui-même.Saséquestrationavaitsurtoutrévoltélajeunefemme,cequi
l’avaitréellementmeurtrieétaitl’abandondontelleétaitvictime.Enparleraugéantn’auraitservià
rien.C’étaitcelaquiécœuraitSiatris.Peut-êtreégalementlefaitqu’unepartdeluivoulaitprofiterde
lasituation.Maiscela,iln’étaitpasprêtàl’accepter.
—Illuifautunguide,enchaîna-t-il.
—Effectivement.J’avaissongéàAxir.
Non!
LeregardbleudeSiatriss’assombritprodigieusement.ConfierSláineàcedémonrevenaitàlalivrer
aupluslibertind’entreeux.Maisilétaitaussipuissant.
Voancroisalesbrassursonlargetorse,selaissaallercontreledossierdesonsiègeetpritquelques
instantspourobserversonvis-à-vispendantqu’ilsedébattaitaveccequesapropositionluiinspirait.
—Ondiraitqueçaneteplaîtquemoyennement,fit-ilinnocemmentremarquer.
—Cequejepensen’entrepasenlignedecompte,marmonnaSiatris.
Seulementcequiestlemieuxpourelle.
—Maistun’asaucuneenviequ’ils’intéresseàelle,insistamalicieusementVoan.
—Çaarrivera.Fatalement,elleest…
—Jolie?
—Jolie?Non,c’estau-delàd’unequelconquejoliesse,précisaSiatrisavecuneferveurnéedece
qu’iléprouvaitpourlajeunefemme.Belleseraitplusapproprié.Elleestspéciale.
—Jevois,articulatoutbaslegéantquiavaitsurtoutsaisiqueSiatrisétaitamoureuxouàtoutle
moinsdésiraitcettefille.Tuveuxquejeteremplacecesoir?Tupourraisallerlaretrouveret…
—Tuferaisça?lecoupaSiatrissidéré.Pourquoi?demanda-t-ilimmédiatementaprès,unrien
soupçonneuxtoutàcoup.
Leursrapportsn’avaientpasétédesplusamicauxcesdernierstemps.
Voanavaitbeaun’êtrepasparticulièrementrancunierenverssessemblables,iln’étaitpaspourautant
unparangondemiséricorde.
—Parcequetuasdeschosesàluidire,qu’ilfautquequelqu’unlasurveilledeprèsetsurtoutparce
quetuenmeursd’envie.
Silestroisraisonsinvoquéesétaientvraies,cefutbienentenduladernièrequiincitaSiatrisà
acceptercettegénéreuse,inattendue‒etcurieuse–proposition.Quelleméchanteironiequecesoit
précisémentVoanquilepousseversSláine!
—Tuasunserviceàmedemanderenéchange?neput-ils’empêcherdeluidemanderensuite.
—Disonsquec’estàchargederevanche.
LesheuresqueSioavaitpasséesfigédansl’obscuritédesonloftpourtenterdelocaliserYlsi
s’étaientsoldéesparunéchec.Desrecherchesaussiinfructueusesnepouvaientsignifierqu’unechose
:l’angeavaittoutmisenœuvrepourdissimulersaprésence.Ilrestaitnéanmoinsdeuxautresoptions
pourretrouversatrace.
YlsietSláineétaientrestésprèsd’unmoisensemble,cettepromiscuitélesavaitnécessairement
marquéstouslesdeuxd’unemanièreoud’uneautre.Alors,soitSioseconcentraitsurl’empreinte
psychiquedeSláinepourremonterlapistejusqu’àl’angeenutilisantsespropressouvenirsd’elle,
soitilallaitlatrouverellepourdétectercelled’Ylsietleretrouverainsi.
Lasecondealternativeétaitprobablementpirequelapremièreparcequ’ellecontraindraitSioàune
entrevuedontiln’avaitaucuneenvieetquiavaitdeforteschancesdedégénérer.
Celaétantditentredeuxmauxautantchoisirlemoindre,cequi,pourramenercetadageàlasituation
pouvaitsetraduirepar:mieuxvalaitqu’ilssoientdeuxàsouffrirplutôtqueluiseul.
Etsapropensionàsavourercegenredeconfrontation,lasatisfactionqu’ilretireraitàlameurtrirpar
sesmotsméritaitbienunpetitsacrifice.
Elleméritaitsansaucundouteunepetitepunitionpouravoirosédouterdelui.
LacopinedeMadimiavaitfaitdesmerveilles.SiSláineavaitressentiunpetitpincementaucœurà
l’idéed’abandonnersesmèchesrouges,sacoiffureetsanouvellecouleurluiplaisaienttoutefois
énormément.Lacoupeavaitpréservéseslongueursquis’entrouvaientcependantunpeupluseffilées
;lacouleurchoisieparlajeunefemmerestaittrèsprochedesanuancenaturelle,unchocolatprofond
désormaisréchauffépardediscretsrefletscuivrés.Toutel’opérationavaitduréuncertaintemps,la
cheveluredeSláinesupportantdesannéesdeteinturesnoiresqu’ilavaitfallueffacer.
Lestroisjeunesfemmesavaienttransformécesquelquesheuresenunagréablemomentdepapotage
toutàfaitfutile.
Lourepartie,Madimin’avaitcesséderépéteràSláinecombienellelatrouvaitséduisante,l’informant
enoutrequelebleusingulierdesesirisétaitmisenvaleurparsanouvellecouleur.Flattéeparles
compliments,lajeunefemmeavaitnéanmoinscachésaconfusionenplongeantsonregarddansle
potdecrèmeglacéeauchocolatqu’elleétaitdéterminéeàengloutir.Sláinenesesentaitpasjolie,ni
forte,plutôtfadeetinutileendépitdeseffortsdéployésparsanouvelleamiepourremettresonmoral
surlesrails.Amiequisemuaquelquessecondesenmamanpourluipresqueordonnerd’allerse
coucheraprèsl’avoirsurpriseàréprimerplusieursbâillements.Engentillefilleobéissante,Sláine
n’avaitpassongéàréclamerquelquesminutesderab.Lajournéeavaitétéchargée.
TélisemanifestaàpeinelaportedelachambredeSláinereferméesurelle,neluilaissantquele
tempsdes’apercevoirdesamatérialisationavantdelaprendredanssesbras.Lajeunefemme
s’abandonnabienvolontiersàcetteétreinterassurante.Etsilencieuse.
Curieux!Cen’étaitpasvraimentdansleshabitudesdeTélidesetaire.
Sláines’écartaunpeudeluipourleregarder.Lebeauregardvertdel’entitéluiparutunpeu
mélancolique.
—Çanevapas?s’inquiéta-t-elletoutbas.
—Tun’asplusbesoindemoi,bougonna-t-ildansunmurmure.
Stupéfaite,lajeunefemmelefixa,lesyeuxronds.
—Biensûrquej’aibesoindetoi,rétorqua-t-elle.
—Tun’aspaspenséàmoidetoutelajournée.Maintenantquetuastacopine,jecomptepourdu
beurre.
Réprimantletoutpetitsourirequecettemignonnemanifestationdejalousiefaisaitéclore,Sláine
reposasatêtesurletorsedeTélidontlamainremontajusqu’àlanuquedelajeunefemme,sesdoigts
seperdantdanssachevelure.
—C’estfaux,chuchota-t-elle.
—Lesseulesfoisoùtut’essouvenuedemoi,c’étaitpourmetraiterdelâcheouparcequetuvoulais
medemanderuntruc,luireprocha-t-ilpourtantamèrement.
Sláinefermalesyeux.
—Jesuisjusteunpeudémolie,ironisa-t-elle.Maisçavapasser,hein?rajouta-t-elle,sefaisanttoutà
coupcaustique;sacolèreseréveillait,bouillonnanttellelalaved’unvolcanprêtàentrerenéruption.
JevaisprendreunpeudevitamineCettoutvas’arranger?!
—Sláine…
—Quoi?
—Jesuisdésolé,murmuraTélienlalibérantdesesbraspours’évaporer.
Sabrusquedisparition,intervenueàpeineunesecondeavantlesquelquescoupsfrappésàlaportede
sachambre,fitcourirunfrissonparticulièrementdésagréabledansledosdeSláine.Puislaphrase
d’excusedeTéliprituntoutautresensqueceluiqu’elleluiavaitdonnéenpremierlieu.Une
significationsupplémentaireplusexactement,directementliéeàcequisetrouvaitau-delàdecette
porte.Sláinesongeaqu’elledevaitavoirdéfinitivementperdutoutoptimisme.Pourquoiétait-elle
incapabledes’imaginerqueMadimivoulaitsimplementlavoirouluidirequelquechose,une
gentillessesupplémentaireparexemple?Sansdouteparcequ’elledéveloppaitunephobiedesvisites
imprévues,ladernièreendateneluiayantpasparticulièreréussie.
Sláinesoupiraprofondémentpuissetournapourfairefaceàl’huis,samainmarquantunepause
avantd’endéclencherl’ouverture.Levisageunpeutristedeladémonenefitqu’amplifierson
angoisse.
—Siatrisestlà,luiannonça-t-elle.
Ouf.LatristessedeMadiminedevaittenirqu’àunsoupçondedépit.
—Encore?soufflaSláinepresquesoulagée.
Ceciditlaprésencedudémonnepouvaitguères’expliquerautrementquepardenouvelles
informationsimportantes.Etcatastrophiquesaussiprobablement.
—Sioestaveclui,rajoutaladémonelugubrement.
Non!!
Sláinesesentitblêmir,sesgenouxlalâchèrentperfidement.Madimilarattrapaauvol,maisneput
venirenaideàsoncœurquimanquadeflancherluiaussi.Unmusclecardiaquenepouvait
décemmentcontinuerdefonctionnerenbattantsivite,sifortetsiirrégulièrement.D’ailleurs,un
voilenoirobscurcissaitdéjàsavision.
LajeunefemmeentenditvaguementMadimiluimurmurerdes’étendre.Serrantdentsetpoings,la
jeunefemmeluttacontrelemalaise,refusantdeselaisserconduirejusqu’àsonlitcommeunefaible
créatureincapabledesurvivreàunerupturedontelleétaitresponsableauxyeuxdeSiomaisqu’elle
n’avaitaugrandjamaissouhaitée.Elleavaitcommisunegrossièreerreuretsedevaitd’enassumer
lesconséquences,aussidouloureusessoient-elles.
—Çavaaller,soupiraSláine.
—Tuvoisbienquenon,insistaMadimi.Tudevraist’allonger,jevaisluidiredepartir.
—Non,s’entêtalajeunefemme.Sais-tupourquoiilestlà?voulut-elleencoresavoir,seraccrochant
commeellelepouvaitàlaréalité,pournepassombrer.
—IlditavoirbesoindetoipourretrouverYlsi.
Pourquoin’avait-ellepasterminésaphrasejusteaprèsledeuxièmepronompersonnel?Sioétaitlà
pouruneraisonn’ayantpratiquementrienàvoiravecelle.Retrouvercettesaletéd’angen’était
qu’unequestiondejustice,d’ordredeschosesoudediplomatieintra-espèce.
C’étaittellementlogiquequ’elleenauraitpleuré,cequeSláines’interditcatégoriquementdefaire.
Selaissantfinalementconduirejusqu’àsonlitaubordduquelellesecontentades’asseoir,lajeune
femmeregardaMadimidontleregardnereflétaitheureusementaucunepitié,seulementdela
tendresseetunpeudetristesse.
—JevoudraisdiredeuxmotsàSiatrisavant,murmuraSláine.
Chapitre13
SiatrisauraitvoulupouvoirétranglerSio.Pourl’avoirprispourunimbécile,maissurtoutdecequ’il
comptaitnécessairementinfligeràSláinesouscouvertdesondevoir.Lorsqu’ill’avaitcroisédansle
couloiralorsqu’ils’apprêtaitlui-mêmeàpartirpourrendreunesecondevisiteàlajeunefemme,
Siatrisavaitsincèrementcruquelarequêtedudémonavaitpouruniquebutderetrouvercette
pourritured’ange.Sansdoutes’était-ilmontrénaïf.Non,cen’étaitpaslecomportementqu’ilavait
eu,ilavaitétémomentanémentaveugléparsajoieàl’idéederejoindreSláine.Cenefutquependant
letrajet,alorsqu’illuiavaitjetéuncoupd’œil,queSiatrisavaitsurprisl’infimesourireétirantles
lèvresdeSio.Ilconnaissaitsuffisammentledémonpoursavoirexactementcequ’ilsignifiait.Ilse
réjouissaitouvertementdepouvoirmeurtrirlajeunefemmeàl’occasiondecetteentrevue.
Malheureusement,celle-ciétaitnécessaire.
Siatrisjetaunderniercoupd’œilàSioavantdesuivreMadimirevenuel’informerquelajeune
femmedésiraitlevoir.Imperturbable,brascroiséssursapoitrine,ilsemblaitplusintéresséparles
formesdeladémonequeparautrechose.
Immobilesurleseuildelachambre,Siatrisavaitdumalàencroiresesyeux.Sláineétait
époustouflante.Lacolèreaffichéesursonvisage,lechagrinluisantdanssonregardneparvenaient
pasàaltérersoncharme;lasimplicitédesaposture,samisesages’avéranttoutautantimpuissantesà
amoindrirlasensualitéémanantd’elle.
Écoutantsondésirplutôtquesaraison,Siatrisfranchitladistancequilesséparaitenquelques
grandesenjambées.
Sláines’étaitlevéeenentendantsespasmaisn’eutpasletempsd’articulerlemoindreson,labouche
deSiatrisscelléeàlasiennel’enempêcha,aussisûrementquesoncorpspuissantcontrelesien,son
étreinteunrienpossessive,sonparfumenivrant,ouencorelacaressedequelquesmèchessurses
joues.Subitementprivéedetoutefacultéderéflexion,lajeunefemmes’abandonnacomplètement
entresesbras,entrouvritleslèvresetfermalesyeux.
SiatriscalalanuquedeSláineaucreuxdesamain,savourantlecontactsoyeuxdesacheveluresursa
peau.
Unson,grave,àmi-cheminentreronronnementdecontentementetgrondementaffaméfitvibrerla
poitrinedudémon.Lecorpsdélicieusementféminin,douxetsoupledelajeunefemmetoutcontrele
sienluidonnaitpourtantenviederugir.L’universtoutentierauraitpudisparaîtrequ’ilnes’enserait
pasrenducompte.Niportéplusmald’ailleurssicelapouvaitluipermettredel’embrasser
éternellement;cebaiserétaitparfait.
Alanguieentrelesbraspuissantsdudémon,terriblementconscientedesoncorpsmâleréagissantau
sien,Sláines’accrochaàluiautantqu’àcemerveilleuxenlacement,presquedésespérément;ellese
sentaitvivanteànouveau.UngémissementmarquasadésapprobationlorsqueSiatrisesquissaun
mouvementpourlesséparer.
TirailléentresondésirdeconnaîtrepleinementlecorpsdeSláine,sadouceur,songoûtetsachaleur,
Siatrissavaitdevoirmettrefinàcetteétreinte.Maisilenfutincapable.
Cefutlajeunefemmequi,àboutdesouffle,sevitfinalementcontraintedelefaire,sanspourautant
s’écarterdelui.Lebleusaphirdesesirissefonditdansceluipâlemaisbrûlantdessiens.
—Jesuisdésolé,murmura-t-il.
—Dem’avoirembrassée?haleta-t-elle.
Unfugacesourireéclairaleregarddudémon.
—Den’avoirpul’empêcherdevenir,chuchota-t-ilaprèss’êtreànouveaupenchésurSláine,ses
lèvresnefaisantqu’effleurerlessiennes.
—Queveut-ilexactement?voulutsavoirlajeunefemmequiauraitpourtantpréférécontinuer
d’oublierlaprésencedeSiodansl’appartement.
Elleseforçaàs’écarterdeSiatris.
—Capterlatracequ’Ylsiadûlaissersurtoipouressayerdeledénicher.
—Satrace?répétaSláineenfronçantlessourcils.
—Ilestrestéavectoiplusd’unmois,çaanécessairementlaisséuneempreintesurtonessence.
—Oh,OKsoupiralajeunefemme.Çatedérangeraitderesteravecm…
—Commec’esttouchant,lacoupalavoixtrèsgravedeSio.
Ledémonavaitététémoindetout,dubaiser,del’attachementpresqueécœurantsemblantexister,ou
naître,entrecesdeux-là.Maissurtout,ilavaitvuSláine.Lorsquesesyeuxs’étaientposéssurlajeune
femme,ilavaitvoulubattreenretraite.
Elleavaitchangé.
Ellen’étaitpasseulementencoreplusbelle,elleétaitplustout.Ettoutàlafois.Désirableetsensuelle,
triste,encolère,vulnérablemaisendurcie,douceetviolente.Tellementparfaite.Maisaussiperdue
pourlui.Ilnereviendraitpassursadécision,neluipardonneraitpas.Ilnepourraitpas.
Siovenaitdeprendreconsciencequ’ilauraitdumalàsedominer,s’empêcherdeladésirer.Enfin
non,paslui,soncorpsseulement.Lui,ilvoulaitseulementoublieretnepluslavoir.Aprèscette
entrevuemoinsréjouissantequedanssesprévisions,ilsepromitdetoutfairepouryparvenir
puisquecequ’ilavaitdéjàtenténesemblaitpassuffisant.
Sláines’étaitraidielorsquelavoixterriblementgravedeSioavaitrésonnédanslachambre.Celle-ci
l’avaitatteinteenpleincœur,sefaisantàlafoisténébreusecaresseetdagueacéréeparsamodulation
méprisante.
LeregardbrusquementglacédelajeunefemmequittaceluideSiatris.
LasombreprésencedeSioluisemblaitenvahirlapiècetoutentière;Sláineavaitpeurdeposerles
yeuxsurlui,craignaitqu’ellen’atteignesapropreessenceégalement.
Àcontrecœur,ellelibérasesmainsdecellesdeSiatrisquisedécalaunpeu,dévoilantainsiàson
regardlasilhouettedeSios’encadrantàl’entréedelapièce.
Leslarmesquiluimontèrentauxyeuxnedurentrienàlapeurouàlatristessemaistoutàla
puissancedesessentimentspourlui,àl’indiciblebeautédudémon,fût-elleténébreuse,quilafaisait
fondreaulieudelafairefuir.Pire,Sláinefutprised’undésir,forcémentsuicidaire,desejeterdans
sesbras.Aulieudequoielleserralespoings,aussifortqu’elleleputets’obligeabaisserlesyeux.
Siorejoignitlecouple,récupérantaupassageunfauteuilqu’ildéposanonloindulit.
—Assieds-toi,ordonna-t-ilsèchementàlajeunefemme.
Toujourssansleregarder,Sláineobéit.
Siorécupérauneautrechaisepourluietlaplaçaenfacedelajeunefemmeavantdes’yasseoir.Sa
taille,sacarrure,sonêtre,toutluipermettaitdeladominertrèsfacilementquoiqu’ilfasse,maislà,
Sláinesesentaitpresqueécraséeparcequisedégageaitdelui,unepuissancefroidequilasoumettait
etlarepoussaitenmêmetemps.
LamaindeSioapparutdanssonchampdevision,prêteàs’emparerdelasienne;Sláineesquivadans
unmouvementpresqueviscéral.
—Sionpouvaitéviter…
—Çanemeplaîtpasplusqu’àtoi,murmuraâprementSion’ayantpasdutoutappréciél’attitudede
Sláine.Tun’asqu’àimaginerquec’estlamaindeVoansitupréfères.
Ulcéréeetanéantieparcettecruautéarticuléesidoucereusement,Sláinerelevabrusquementlesyeux,
lesrivantauregardnoirdudémon.
—Vatefairefoutre,cracha-t-ellejusteavantquenerésonneungrondementfurieuxdeSiatris.
Sourdàl’insulteautantqu’àlamenacedesoncondisciple,Sio,bienmalgrélui,neputempêcherson
cœurdeseserrer.Derrièreleslarmesembuantlesbeauxirisdelajeunefemme,ilavaitperçu
l’insupportabledouleurquilatourmentait,décelésonépouvantablesolitude,saterriblelucidité
d’avoirétérejetéeetabandonnée.MaistoutescesémotionsneconcernaientsansdoutequeVoan,pas
lui.
L’aveuglementartificieldontledémonétaitvictimeluiinterditd’apercevoirlapetiteflammequi
résistaitvaillammenttoutaufonddeceregard,alimentéeparlaprofondeuretlasincéritédes
sentimentsdelajeunefemmepourlui,devoirqu’ellenevacillaitpassouslesouffled’undoute
quelconque,deremarquerqu’elles’envoulaitàmortdel’avoirdéçu.
SiofitsiennelasouffrancedeSláine,lalaissants’insinuerenluipours’enrepaîtreensuite.Ettantpis
sicelaavaitdefâcheusesconséquences.
Lesyeuxluisantdésormaisdemalveillanceetd’excitation,dansungestevif,Siosesaisitbrutalement
delamaindelajeunefemme,laserrantdanslasienneaupointdelafairegrimacerdedouleur.Pas
unsondeprotestationnefranchitpourtantleslèvresdeSláine,paslepluspetitgémissementde
douleuralorsqu’ellesoutenaitbravementsonregardagressif.Lajeunefemmen’avaitaucune
intentiondejeterl’épongeetlutteraitautantqu’ellelepourrait.
—Arrêteçaimmédiatement,grondaSiatrisrévoltédevoirSiomaltraiterSláine.
—Net’enmêlepas,leprévint-ilenréponse.
—Çavaaller,murmuralajeunefemmepourSiatrisalorsqueladouleurfaisaitmonterdenouvelles
larmesàsesyeux.Magne-toi,rajouta-t-ellepourSiocettefois-ci.Fouinedansmatêtequ’onen
finisse.
LapressiondesdoigtsdeSiosursamainserelâchaunesecondepoursedurcirlasuivante,deuxfois
plusvigoureusement.
—Net’avisesurtoutpasdemedirecequej’aiàfaire,murmura-t-ildemanièreàcequ’ellesoitseule
àl’entendre.
SláinenefutpascertainequeSioaitréellementprononcécesmots.
Elleétaithypnotiséeparsesyeuxqui,iln’yavaitpassilongtemps,dansuneautrevie,avaientétincelé
del’amourqu’iléprouvaitpourelle.
—Ouvretonesprit,ordonna-t-ilensuite,libérantenfinsamainqu’ellenesongeapasàmasserpour
lasoulager.
Sláinefitdesonmieuxpourquecetteséancedetortureprennefinauplusvite.Maiscelanefutpas
suffisant,plusSioessayaitd’entrerdanssatêteplusellesebraquaitetluttaitcontrelui.Lestentatives
d’intrusiondudémonressemblaientàdepuissantscoupsdebéliersuruneépaisseporteblindée,la
déformantmaissansparveniràlafairecéder.
—BonDieu,faisuneffort!s’énervaSioayantépuisésesréservesd’équanimité.
—J’essaye,secabraSláine.Arrêtede…
Sanscomprendrecequiarrivait,elleseretrouval’instantd’aprèscoincéeentresonfauteuil,lecorps
deSiopesantsurelleetseslèvresdurementplaquéessurlessiennes.L’impactavaitmanquédeles
fairetouslesdeuxbasculerenarrière.
Cebaiserquin’enétaitpasréellementun,auquelelleneréponditpasmêmesiledésirmalsaind’y
céderbrûlaitenelle,n’avaitétéqu’uneruse.
Sioétaitparvenuàsefaufilerparlabrèchenéedesasurprise.Sláinenepouvaitpluslutter,saufà
vouloirsebousillerlesneurones.Ellesentaitl’énergiedel’essencedeSiosinuerenelleàla
recherchederenseignements.Cettesensationfitsurgirdanssonespritl’imaged’unmambanoir,
dangereuxreptileprêtàsejetersurelleaumoindremouvementinconsidéré,lamordre,luiinoculer
sonveninlétal.
Néanmoins,lorsqu’elleréalisaqueSioserapprochaitbientropprèsdelacachettequ’elleavait
dévolueàsespeurs,sesdoutesoutoutcequ’elleavaitvécudedouloureux,audétourd’uncouloirdu
labyrinthedesonesprit,nonloindecelleoùelleconservaitaussisessouvenirslesplusprécieux,elle
serévoltaetmonopolisatoutessesressourcespourl’endétourner.MaisSioétaitdiablementfort.
Déterminéégalement.
AlorsqueSláineluttaittantphysiquementententantderepousserSioavecsesmainsque
psychiquementpourpréserversonsanctuaire,ledémonforçasesmaigreslignesdedéfenseet
pénétradanslenaosdesonâme.Pourenêtreexpulsépresqueimmédiatementavecuneforcetelle
quesoncorpsfutprojetéenarrière.
SanssepréoccuperdeSioquiserelevaitdéjà,Siatrisseprécipitaverslajeunefemme.S’emparantde
samain,ill’aidaàseleveretl’attiraàlui.
—Çava?s’inquiéta-t-ilenscrutantsonregardunpeuégaré,ledosdesamaineffleurantlajouede
lajeunefemme.
—Oui,murmura-t-elleavanttournerlatêteversSiodontl’airluifuttotalementindéchiffrable.
Sláinesefoutaitroyalementdecequ’ilpouvaitbienpenser,qu’ilsesentehumiliéouaucontraire
qu’ilsoitravidecequ’ilvenaitdeluifaire.
Elleétaitfollederage.Pourtantellegardalesilence,secontentadelefixerd’unairmauvais,
soutenantmêmesonregardimpénétrablelorsqu’illerivaausien.
—J’ensaissuffisamment,articulaSiod’untonneutreavantdesedématérialisersoussesyeux.
Sláineeutuninfimefroncementdesourcilsparcequ’elleavaiteul’impressiondevoirsonregard
briller,commes’ilavaitététouchéparquelquechose.
N’importequoi!segourmanda-t-elle.
—Qu’est-cequ’ilafaitexactement?s’enquitSiatrisqui,s’ilavaitétéauxpremièresloges,n’en
ignoraitpasmoinslanatureexactedel’incident.
—Ilatentédeforcermonespritetjel’airepoussé.Ouc’estTéliquis’enestchargé,plus
probablement.
—Merde,ilest…
—Parti,lecoupa-t-elleàlafoissoulagéeetmeurtrie.
S’excusantauprèsdudémon,Sláines’isolaquelquesinstantsdanslasalledebains.Unpeud’eausur
sonvisageétaitloind’êtresuffisantpourlafairesesentirmieux.Elleétaittendue,épuisée
physiquementetmoralement,maisbientropnerveusepourespérerpouvoirseréfugierdansle
sommeil.
S’efforçantdenepenseràrien,Sláineexaminaitsonvisagequ’elletrouvachiffonnélorsqueTélifit
sonapparition,justederrièreelle.
—Tuneboudesplus?luilança-t-ellepournepasluilaisserletempsdedireencoreunefoisqu’il
étaitdésolé.
Télineluiréponditpasmaisserapprochaencore,siprèsquesoncorpstouchaitlesien.Délicatement
ilécartalacheveluredelajeunefemme,sepenchasurellepourlaissercourirseslèvreslelongde
soncou.Sláinefrissonna.
—VaretrouverSiatris,susurraTélicontresapeau.Etprendscequ’ilaàt’offrir.
Sláinedevaitbienavouerqu’oubliersessoucisdanslesbrasdudémonétaituneidéeséduisantemais
doutaitqu’ellesoitbonne.Pourtoutuntasderaison.
—Ceneserapaslestrahir,murmuraencoreTélidécidémentbientropfinpsychologueaugoûtdela
jeunefemme.Toncorpst’appartient,enabesoinettuenasenvie,alorsoùestleproblème?
Ilnedevaityenavoiraucunvusouscetanglemais…
—Quandjedisquetuenasbesoin,cenesontpasdesparolesenl’air,chérie,insistaTéli.Tu
asréellementbesoind’oublierunpeutessoucisettudoisrechargertesbatteries.Sansparlerdufait
queluin’attendqueça.
Alorsarrêtedecogiteretfonce.
—Tucroisque…
—Jenecroisrien,j’ensuiscertain,lacoupa-t-il.Allez!Zou!
DeuxmotsqueTéliponctuaparuneclaquesurlesfessesdelajeunefemmeaprèss’êtreécartéd'elle.
Sios’étaittéléportédansl’oppressanteobscuritédesonloft.
Dédaignantlitetfauteuil,ils’étaitassisàmêmelesol,doscontrelemurprèsdelaporte,seslongues
jambesétenduesetcroiséesdevantlui.Puisilavaitfermélesyeux.
S’ilavaitpudevinercequ’ilallaitdécouvrirdansl’espritdeSláine,ilseseraitabstenudes’y
introduire.Oul’auraitfaitbeaucoupplustôt.
Dénicherl’empreintelaisséeparl’angeavaitétéunjeud’enfant,ill’avaitcaptéepresque
immédiatement.Maisilavaitfalluqu’ilinsiste.
Sion’auraitsudiresisamotivationluiavaitétédictéeparsadismeouaucontrairemasochisme,
voyeurisme,parcequelajeunefemmeavaitrésistéàsonintrusionetqu’ilnel’avaitpassupportéou
toutsimplementparcequ’ilavaiteudésespérémentbesoindeserapprocherd’elled’unemanièreou
d’uneautre.
Toujoursest-ilquecetteingérencel’avaitprofondémentperturbé.
Aucœurdel’âmedeSláine,lumineuse,flottaituneombrequil’avaitattirécommeunaimant.
Supposantquecephénomènedevaittoutautraumatismequ’elleavaitsubi,Sioavaitsunes’êtrepas
trompélorsqu’ilavaitdécouvertcequecettetachesombredissimulait:unsouvenirunpeuflouoùil
avaitpuvoirlajeunefemmenueentrelesbrasd’unhommequ’ilneconnaissaitpas.Endéduireson
identitéavaitétéonnepeutplussimple.Gérerlabrusqueflambéedepossessivitéquecetableauavait
généréeavaitétéenrevancheplusardu.
Ensuite,lorsqu’ilavaitpousséplusavantsonintrusion,Sioavaitétéheurtédepleinfouetparla
sincéritépresqueinsupportabledessentimentsdelajeunefemme.Lechocavaitétételqu’ilavait
failliêtreemportéparcequiressemblaitàuneviverafaledevent.
Sion’étaitpasencoreàmêmedeserendrecomptequeSláinen’avaitpasétélaseuleàêtreblessée
danscettehistoire.
Cependant,silajeunefemmenel’avaitétéqueparlecomportementdeSio,ledémon,lui,avaitété
meurtridanssonessence.
CeseraitparcetteblessurequeseraitfinalementdrainélepoisoninoculéparYlsihorsdelui.
Aprèsunderniercoupd’œilàsonreflet,assortid’ungrossoupir,Sláinesedécidaenfinàrejoindre
Siatris;elleletrouvalàoùellel’avaitlaissé,aubeaumilieudelachambre.Leregarddudémonqui
s’éclairadèsqu’elleapparutluifitluisourire.
—Tuveuxquejetelaisse?demanda-t-ilparcequ’ilsupposaitquelajeunefemmeépuiséeavait
besoin–ouenvie–d’êtreseule.
Ellen’étaitpasnonplusenétatd’entendrecequ’ilavaitàluidire.
—Non,répondit-elleavecassuranceenleregardantdroitdanslesyeux.
Dissimulantsaprofondesatisfactionderrièreunpetitsourire,Siatrislacontemplapendantqu’ellele
rejoignait,puislasuivitlorsqu’ellesedirigeaverslelit.
—J’aibesoind’uncâlin,luidit-ellesérieusementavantdes’asseoirauborddumatelas.
Uncâlin.Ilavaitenviedetellementplus.
Sansunmot,sansnonpluslaisservoircequ’ilressentait,Siatrissedébarrassadesonlourdblouson
encuirqu’ilabandonnasurlefauteuilpuisseretournaverslajeunefemme.Leregardqu’elleposa
surluil’embrasaetfitbouillirsonsangdanssesveines.Toutesouffranceavaitdésertésesiris,
dévoilantpresquetropbrutalementledésirqu’elleavaitjusque-làdissimulé.
—Ungroscâlin,précisa-t-elleenluitendantlamain.
Siatrislaprit,puis,chosequ’ilnefaisaitquetrèsrarement,quellesquesoientlescirconstances,
s’agenouilladevantelle.
—Jenesuispascertaindepouvoirm’enteniràcela,chuchotaSiatrishonnêtement.
—C’estsupposémefairepeur?leprovoqua-t-ellesansciller.
Lespupillesdudémons’étrécirent.
—Seulementteprévenir,répondit-iltoutbas,acceptantl’invitationdelajeunefemmequiécartaitles
jambespourluipermettredeserapprocherd’elle.
—Mevoilàdoncavertie,plaisanta-t-elle.
Malgrél’impétuositédudésirquil’animait,ilpensaitdevoirluilaisserunedernièrechancedele
repousser,mêmesicelaluicoûtait.
—Sláine,grondaSiatris.
—Quoi?fit-elleenpenchantunpeulatêtesurlecôté,uninfimesourireétirantseslèvresadorables
quilerendaientaussidinguequesesyeux.
Friponne,lajeunefemmes’humectaleslèvres.
Troptard...
—Rien,marmonna-t-ilavantdetirerbrusquementsurlamaindeSláinepourl’attireràlui.
Sonbrasserefermaautourdesataillepourlamaintenircontreluitandisqu’ils’asseyaitsurses
talons.
Désormaisàchevalsurlescuissesdudémon,Sláinenepouvaitrienignorerdesesdispositionsàson
égard.Etcelaluiconvenaitparfaitement.
Ellenouasesbrasautourdesoncouetsecambracontrelui.
Depuiscombiendetempsn’avait-ilpasfaitl’amouràunefemme?
L’avait-ilseulementfaitunjour?MêmeavecLéa?Presquetoutesseshistoiresnes’étaient-ellespas
finalementrésuméesàdesrelationsexclusivementbaséessurlesexe,mêmes’ilavaitressentiune
affectionpourcertainesdesescompagnes?
Siatrisvoulaitfairel’amouravecSláine,pasajoutersonprénomàlalistedéjàlonguedeses
conquêtes.
Seulementiln’étaitpasdutoutcertaind’yparvenir.Lesimplecontactdelajeunefemmel’avaitdéjà
amenépresquetroploin.Iladoraitsentirsesseinspresséscontresontorse,sachaleurluiapportant
sonparfumenivrant.
Siatrisneputattendrepluslongtempsets’emparadesaboucheofferte.
Sláinebrûlaitdelamêmeimpatiencequelui;elleavaitempoignésescheveuxetrépondaitàson
baiseravecferveur.
Commepourleluiconfirmerencore,sesmainsabandonnèrentlacheveluredeSiatris,descendirent
jusqu’àseslargesépaules,puissespectoraux,etenfindévièrentverssesflancspourtirersursontshirt.
Undouxgémissementluiéchappalorsqu’enfinelleputéprouverladouceurdesapeautenduesurles
musclesdesondos.Alternantcaressesetdoucesgriffures,Sláinesentaitlachaleurinondantson
ventremenacerd’exploser.Elleaimaitlecontactaffolantdesapeau;lesgrondementsdudémon
l’excitaientterriblement.
Elleauraitaiméavoirenviededouceurmaiscen’étaitpaslecas.
Sláineéprouvaitlebesoinimpérieuxdeseperdretotalementdansuneétreintecapabledetoutbalayer
sursonpassage,ladélivrerdecequilarongeait.Aprèspeut-être.S’ilavaitencoreenvied’elle.
Sansquel’unoul’autren’aitbesoindeprononcerlemoindremot,SiatrisetSláines’arrachèrentàce
baiser.
Haletante,lajeunefemmeobservaledémonsedébarrasserdesont-shirt.
BonDieu!
Lesyeuxrivéssurcetorsepuissantmagnifiquementmusclé,cespectorauxdéveloppés,ces
abdominauxsublimes,sesmainsladémangèrentplusencore.Maissoncorps,lui,hurlaitdubesoin
desentirceluidudémonpesersurlesien.
AcceptantlamainqueSiatrisluitendaitpourl’aideràserelever,ellejetaunrapidecoupd’œilàson
visageavantdereprendresonfestinvisuel.
Quipromettaitdeseconcluresouspeuparunmerveilleuxdessert.
Fascinéeparlesdoigtsdudémonoccupésàdéfairelespremiersboutonsdesonpantalon,Sláine
retintsonsoufflelorsqu’ilralentitsesgestesens’attaquantàl’avant-dernier.
Pourménagerlesuspens,songeamalicieusementlajeunefemme.
Unnouveauregardauvisagedudémonluiappritqu’illafixaitavecattention.Sesyeux
redescendirentbienviteendirectiondesonventre.Ledernierboutonétaitdégrafé.
Bordeldemerde!
Siatrisétaitsplendideet…
Wow!
Ettrèsenformeaussi.Très,très,très.
Alorsqu’elles’extirpaitdifficilementdesonjean,Sláinesefitlapromessedeporterdesjupesplus
souvent.
Siatrislaregardafairepresquepatiemment,sanssongeràl’aider,sonregardirrésistiblementattiré
parlesjambesdelajeunefemmequ’iltrouvaexquisesetrêvaitdesentirserefermerautourdelui.
Plustard,s’illepouvaitilsepromitdelaissersesmainsetsabouchelesparcourir,musarderpour
découvrirleszonessensiblesqu’ellesrecélaient.
Ledémonfranchitlacourtedistancequileséparaitdelajeunefemme,lafitreculerjusqu’aulitsans
seservird’autrechosequesoncorpsavantdesepenchersurellepourl’inviteràs’étendre.
S’autorisantencorequelquessecondesdecontemplationdecettepeaulaiteuselivréeàsonregard,ses
yeuxs’attardantsurlepetittrianglededentellesiajouréequ’ilnedissimulaitpasgrand-chose.Siatris
semorditlalèvreinférieure.
Divine…
Trèsdélicatement,ledémonfitglisserleminusculestringlelongdesjambesdeSláinedontlapeau
sehérissa.Sonregardrevintuninstantseposersursonventredévoiléparsontopunpeuremonté
sursonbuste,puissursataillesifinequ’ilauraitjurépouvoirl’enserrertotalementavecsesmains.
LecorpssveltedeSláineacceptasonpoidssansprotesterlorsqu’ils’étenditsurelle.Reprenantles
lèvresdelajeunefemmeavecdouceur,ilguidasonsexedouloureuxverslesien.Lalongueplainte
deplaisirdelajeunefemmealorsqu’ils’immisçaitlentement,maisinexorablementenelle,résonna
demanièreincroyablementérotiqueàsesoreillesetmanquadepeudeleperdre.
Seigneur!Soncorpsl’accueillaitsitotalement,siparfaitementqu’ilenauraithurlédebonheur.
Craignantdesemontrertropbrusqueeuégardàlafrénésiedesondésir,Siatriss’obligeaàbouger
lentementenelle,seretirantpresquecomplètementàchaquefois,pourressentirencoreetencore
l’indiciblecaressedesoncorpssursonérection,puiscemerveilleuxemprisonnementsoyeuxet
brûlant.
Sláine,certained’êtredéjàentraindemourirdeplaisir,écartaunpeuplussesjambes,permettant
ainsiàSiatrisdes’enfouirencoreplusprofondémentenelleetsecambrapourmieuxlerecevoir.Le
baisertendreetsensuelquin’enfinissaitpasqueluioffraitledémon,sesbraslaretenantfermement
contrelui,sonpoidssurelle,toutautantquelalenteurdesva-et-vientluifaisaitperdrelatête.
LesgémissementsdeplaisirdelajeunefemmerendaientSiatrisfou,l’excitaientaupointqu’ilaurait
pujouirrienqu’enlesécoutant.Sescoupsdereinssefirentplusvigoureux.Sarécompensefut
d’entendrelajeunefemmeémettred’autresplaintespresquedésespéréesqu’ils’appropriacommeil
l’avaitfaitaveclesprécédentes.LorsqueSláinesemitàluigrifferledos,sesgrondementsgraveset
profondsvibrèrentégalementdanslecorpsdelajeunefemmequicontinuadeplusbelle,lesfaisant
tousdeuxentrerdansuncerclevicieuxdestinéàlesdélivrer.
Siatrisnelibéraleslèvresdelajeunefemmequepouravoirleprivilèged’apercevoirsonregard
s’illuminerlorsquelajouissancel’emporta.Soncrideplaisir,sesspasmessursonsexeeurentraison
delui.
Serrantpuissammentlajeunefemmecontrelui,soncorpss’arc-boutacontrelesien;unrugissement
dignedeceluid’unfauves’échappadesapoitrinelorsqu’ilserépanditenelle,dansunprodigieuxet
sublimeorgasmequin’enfinissaitpas.
Chapitre14
Voanobservaitl’admirablevisaged’Axiràpeinealtéréparl’intenseréflexionàlaquelleilselivrait.
LegéantavaitinterceptéledémondanslehallduLuxuriadèssonarrivéeetdemandéàs’entretenir
quelquesminutesaveclui.Aprèsl’avoirinvitéàseplaceràl’écartdesclientsarrivantetdetoute
oreilleindiscrète,Voanluiexpliqualasituation.
Rassurésurlesortdelajeunehumainepourlaquelleilavaituncertainrespecteuégardàcequ’elle
avaitenduréetaccomplipoureux,aufaitdesdernièresnouvelles,Axirnesaisissaittoutefoispas
pourquoiVoann’avaitpastoutbonnementprotestécontresonévictionetréclaméqu’onluirestituesa
missionenverselle.Surtoutconnaissantlessentimentsdugéantpourlademoiselle.
—S’est-ilproduitquelquechoseentrevouspourquevousnesouhaitiezpasfairevaloirvosdroits
surelle?demandaAxirenplongeantsonregardvertclairdansceluideVoan.Ladernièrefoisque
nousnoussommesvus,voussembliezpourtantenbonstermestouslesdeux,rajouta-t-ilen
choisissantsoigneusementsesmots.
—Mesdroits?s’étonnalegéant.Ils’agitplusd’undevoirqued’uneprérogative,luifit-ilremarquer.
Axirdissimulasoigneusementcequ’ilpensadelaréponsedeVoan,commeilpritsurluidenepas
l’interrogersurlanouvellecouleurarboréeparsesiris.Celapouvaittoutsimplementteniraufait
quecetteteinteplaisaitàunepersonneenparticulier.Celaétant,ellen’altéraitenrienlabeautédeson
interlocuteur,toutauplusrendait-ellesesregardsplusdifficilesàinterpréter.
—Ilnes’estrienpassédespécial,rajoutalegéant.Cettefilleaseulementreprislecoursdesavie.
Cettefille?relevamentalementAxir.
CommentVoanpouvait-ilparlerdelajeunefemmeencestermes?
AxirconnaissaitVoanmêmesicedernierluiétaittoujoursapparucommeunêtreàpartneselivrant
quepeuetrarement.Cependant,ilsavaitquejamaislegéantn’auraitétéaussisereinaprèsune
rupture,voulueousubie.
SesobligationsavaientcontraintAxiràs’absenteruncertaintemps,bienavantleraptdeSláinedont
iln’avaitétémisaucourantqu’assezrécemment,enmêmetempsquelalibérationdelamaisonqu’il
avaitlui-mêmeprêtéeautriopourabriterleursamours.Supposantqu’ilsavaientsimplementtrouvé
unautrenidplusenrapportavecleursgoûts,iln’avaitlàencoreposéaucunequestion.Pasmême
concernantl’implicationdeSiatrisdanstoutcecipuisquec’étaitcedernierquis’étaitchargédelui
restituersesclés.
—Quandvousêtes-vousrenducomptequevousn’aviezplusaucundevoirvis-à-visdeSláine?lui
demandaencoreAxir.Aumomentdesonenlèvement?
—Non,jeviensdel’apprendre.
—Vraiment?Doncelles’esttrouvéesansaucuneprotectionduranttoutcetemps?
—Ellen’étaitpasàproprementparlersansdéfense,rétorquaVoanquin’appréciaquepeula
remarque.SiTélinepeutassurerlacharged’angegardien,ilresteunatoutnonnégligeable.
—Certes,convintledémon.Etvoussouhaiteriezdoncquejemecharged’elleàpartirdemaintenant
?Vousêtesabsolumentcertaindedésirerquecesoitmoi?
—Vouslaconnaissezdéjàetêtesmieuxàmêmedelaprotégersidesangesenontaprèselle.
—Sansdoute,maispourquoinepasdemanderàSio?Illaconnaîtmieuxquemoiet…
—J’aicrucomprendrequeleursrelationsétaienttenduescesdernierstemps,fitévasivementVoan.
Décidément.
—Jevois.Maisnecraignez-vouspaslesconséquenceséventuellesd’unetelleassociation?insinua
Axirdesavoixlapluscharnellecettefois-ci.
Voann’avaitpasbesoind’undessinpourcomprendrelesintentionsdudémon.Enrevanche,ilaurait
aimésaisirpourquoilesvuesqu’Axirpouvaitavoirsurlajeunefemmeétaientsupposées
l'indisposer.QuantàsavoirsilasituationdérangeaitSio,ledémondevraitleluidemander
directement.
—Vouspouvezfairetoutcequebonvoussemble,répondit-ild’untonneutre.
Lesourirerienmoinsquesatisfaitquiétiraensuiteleslèvresd’AxirinformaVoanqu’iln’allaitpas
sepriverdetentersachance.Cequiluifitalorssedemandercequepouvaitbienavoircettefemme
desiinhabituelpours’attirerlaconvoitisedetousceuxquilaconnaissait,ycomprisundémon
commeAxirdontl’intérêtneseportaitpasenprioritésurlesfemmespourcequ’ilensavait.
—Parfait.Sláineesttoutàfaitcaptivante,luiprécisaAxirl’airderien,commes’ilavaitperçules
penséesdesoninterlocuteur.Etjecomptebiendécouvrirsielleestaussidélicieusequ’elleenal’air,
rajouta-t-ilens’éloignantendirectiondelasalleaprèsavoirsaluéVoand’unsignedetête.
Lesderniersmotsdudémondonnèrentnaissanceàquelquesimagesdansl’espritdeVoan.Siellesne
lelaissèrentpastotalementindifférent,l’apparitiond’Hadriensortantdumonte-chargepourle
rejoindresechargeadesesubstitueràlavisionducouplequesonimaginationavaitcréée,celledu
duoqueluiformaitaveclejeunehomme,réveillantlestorridessouvenirsdeleursrécentes
retrouvailles.
LorsqueSiatrisseséparad’elle,Sláineeutpeurqu’iln’aitl’intentiondepartirimmédiatement,
craintesuscitéeparsafroussed’êtrerenvoyéeàsasolitude.Fortheureusement,ledémonsecontenta
des’étendreauprèsd’elle.Sláineseblottitcontreluietsesentitrassuréelorsqu’ilrefermasesbras
autourd’elle.Elleavaittellementbesoindesesentirprotégée.NonpasqueSláineoubliâtMadimi,sa
gentillesse,sagénérositéousondévouement,maiselleconnaissaitSiatrisdepuispluslongtempset,
serendit-ellecompte,ledémonavaitpratiquementététoujourslàpourelle.
Mêmesiellen’avaitpaspourhabitudedecoucheravecsesamis,c’estainsiqu’ellecontinueraitde
considérerledémon,ladimensioncharnellepriseparleurrelationnesetrouvantqu’être
l’expressiond’unbesoinressentipareuxdeuxàunmomentdonné.D’ailleursSláinesedemandaitsi
tellen’étaitpaslarelationidéaleentredeuxêtres,oupourelleplusspécifiquement:uneaffection
sincèrejalonnéedemomentsdepassion.
Aumoinsaurait-ellebeaucoupmoinssouffertsiellenes’étaitpasjetéeàcorpsperdudanscelle
qu’elleavaitconnueavecSioetVoan.
Sláines’écartadeSiatrislorsquequelquescoupsdiscretsfurentfrappésàlaporte.
—Laissej’yvais,murmura-t-il.
Sláineseredressapuiss’assitpendantqu’ilsedirigeaitverslaporte,certained’apprécierle
spectacle.Ellenefutpasdéçue.Sonregards’agrandit.N’ayantpasétéenmesuredeledécouvrirplus
tôt,elleignoraitqu’untatouageornaitledosdudémon.Courantlelongdesacolonnevertébrale,le
motifencréennoir,untribalunpeuagressif,toutenpicsetpointesapportaitunetouchedevirilité
supplémentaireàcecorpsquin’enavaitpasréellementbesoinselonelle.
SiatrisouvritlaporteàMadimiqui,supposa-t-il,faisaitpreuvedecuriositéplutôtqued’uneréelle
inquiétudepoursapetiteprotégée.À
moinsd’êtretotalementsourde,ellenepouvaitignorercequeluietSláinevenaientdefaire.
—Commentva-t-elle?
—Mieux,luiassuraledémonsanss’offusquerlemoinsdumondeduregardgourmandquela
démonefitcourirsurluiavantdeleverlesyeuxverslessiens.
—Grâceàvousj’imagine?ironisaMadimi.
—Exactement,réponditSiatrisavecunemâleassurancequifitsourireSláinederrièrelui.
—Mouais,bougonnaladémone.
Ellesavaitpertinemmentquec’étaitlecas.MaiselleauraitappréciéêtreseuleavecSláine,s’estimant
aussicapablequecesplendideanimald’offrirréconfortetplaisiràlajeunefemme.Etsurtoutelleen
avaitenvie.
—Vousa-t-elleracontécequenousavonsfaitaujourd’hui,touteslesdeux?insinuaensuiteMadimi,
toutbas,pourn’êtreentenduequedeluiseuletpourleplaisirdelerendreunpetitpeujalouxlui
aussi.
Ledémonenpinçaitpourlajeunefemme,autantsinonplusqu’elle.
—Bonnenuit,grommelaSiatrisenrefermantlaporte.
Letempsqu’ilmitàrejoindreSláinepermitàl’étincelleverteluisantaucœurdesesirisde
disparaître.
Cettepetitechipied’Oxyalaétaitparvenueàfairesemanifestersapossessivité.
Siatrisn’étaittoujourspasdisposéàfairepartdesessentimentsàSláineetsemaîtrisaitcommeil
pouvaitpourlesluicacher.Enrevanche,ildevaitluirévélerlesdécisionspriseslaconcernant.Cela
neluiplaisaitpas;elleensouffriraitetluis’envoulaitd’enrajouteràtoutcequ’elleavaitdéjà
enduré.
—J’aicertaineschosesàtedire,murmuraSiatrisenfixantlajeunefemmedroitdanslesyeuxavant
des’asseoirauborddulit,unejamberepliéesouslui.
Sláineplissalesyeuxetl’observaattentivement.
—Deschosespasrigolotes,jesuppose.
—Pasvraiment,non.
Leregarddelajeunefemmes’assombrit.
—Aupointoùj’ensuis…Jet’écoute,soupira-t-elle.
Siatrispritquelquessecondespourchoisirsesmots.Inutiledelapeinerplusquenécessaireenlui
annonçanttoutdegoqueVoann’étaitplussonangegardienenplusdureste.D’autant
qu’honnêtement,Siatrisn’avaitaucunecertitudenipreuvequelegéantn’étaitpasresponsabledecette
situation.Voanpouvaitavoirracontédesbobardspourjustifiersadémission.
—Ilsemblerait,commença-t-il,quelesangessesoientdémerdéspourévincerVoan;iln’estpluston
angegardien.
—Pardon?fit-ellealorsquesoncœurseserrait;mêmeçaluiavaitétéretiré.Quiest-cealors?
—Personne.
—Hein?
—Tun’asplusdeguidepourlemoment.
—Ilssemblentvraimentdéterminésàmedétruire,n’est-cepas?
répliquaamèrementSláine.
Sahaineàl’égarddecesêtresaugmentadefaçonexponentielle.
Voanl’avaiteneffetinforméequeriennepouvaitêtredécidéconcernantunhumainsansl’avalde
sonangegardien,cedernierrestantleseulàpouvoirdéciderdusortdel’undesesprotégés.
—EtVoan,qu’est-cequ’ilendit?seforça-t-elleàdemanderensuite.
—Ilnecomprendpasplusquenoussicen’estqueçapuelecomplot.
—Cen’estpascequejetedemandais,répliqualajeunefemme.Jevoulaissavoircequ’il…
—Jen’ensaisrien,iln’ariendit.
—Qu’est-cequ’onpeutfairealors?
—T’entrouverunautre.
—Etqu’est-cequinousditqu’ilsnerecommencerontpas?
—Riendutout,malheureusement.NousavionssongéàAxirpourleremplacer.Tul’asdéjàvu,ila
detrèslongscheveuxblondset…
—Pourquoilui?l’interrompitSláinequisesouvenaitparfaitementdecedémonaucharmemortel.
—Parcequ’ilestpuissant,teconnaitetestàmêmedeteprotéger.
Sláineeutl’impressionqueSiatrisavaitvoulurajouterquelquechosemaiss’enétaitabstenu.Etcela
nedisaitriendebonàlajeunefemme.Ouplusexactementconfirmaitsessoupçons.Laseulefoisoù
elles’étaitretrouvéeensaprésence,iln’avaitpastentédedissimulerl’intérêtqu’ellesuscitaitchez
lui.Maiscelaavaitaussipun’êtrequ’unjeu.
—Mais,repritfinalementSiatris,c’estaussileplus…
—Pervers?proposaSláinespontanément.
—Libertin.
—Lafonctiond’angegardieninclutdoncdesetapersesprotégés?
—Non,souritSiatris.Maissoiscertainequ’ilessaiera.
Lajeunefemmehochalatêtesansmontrercequelaréponsedudémonprovoquaitenelle.UneSláine
avertieenvalaitdeux.Elleessayaégalementd’éviterdepenseràsonprécédentprotecteuretàcequi
c’étaitpasséentreeux.
—Moiaussi,j’aideschosesàtedire,confia-t-elleensuiteàsonami.
J’aidécidéd’accepterdebosseravectoietj’auraisunserviceàtedemander.
—Biensûr,luiassuraSiatrisposémentavecunsourirebienloindetémoignerfidèlementdeson
intensecontentement.
—Jevoudraisquetucontinuesmonenseignement.Jeveuxtoutsavoirsurlesanges,survotre
dimension,précisaSláine.Enfintoutcequetuesautoriséàmedirebiensûr.
—C’estcequejecomptaisfaire.Ilfaudraitégalementquetuchoisissesquelqu’unpour…
—Toi?proposaSláine,devinantàquoiSiatrisfaisaitréférenceetespérantqu’ilnerefusepas.
Ellen’avaitpasspécialementenviedetomberentrelespattesdesonnouvelangegardienpources
exerciceslà,aussibeausoit-il,etcroyaitsesouvenirquepourlamagieérotique,ilconvenaitde
connaîtreaumoinsunpeusonpartenaireetl’apprécier.CequiétaitlecasavecSiatris.
—Enfinsiçanetedérangepas?s’entendit-ellerajouter.
Ledéranger?BonDieu!Rienqued’ypenser,ilétaitdansunétatimpossibleetn’avaitqu’uneenvie:
commencerimmédiatement.
—Jeteferaisremarquerquejen’aipassimulétoutàl’heure,plaisantaSiatris,cequifitsourirela
jeunefemme.
—Merci.
—Attendsavantdemeremercier,reprit-ilplussérieusement.Ilmeresteunechoseàt’annoncer.
—JepariequeVoanademandéàmevoirluiaussi,soupira-t-elleavecfatalismeensentantses
épauless’affaisser.
Ilnerestaitqu’uneépreuveàsubiretcelle-cinepouvaitêtreautre.
C’étaittellementlogique.Etsidésolantquesondevoirsoitlaseulemotivationàcetterequête.
—Effectivement.Pourquelesangestefichentlapaixunmoment,ilveutessayerdecacherquetuvas
bien.
Bien?Non,pasencore.
—Est-cequ’ilvadevoirfouinerdansmatêteluiaussi?s’inquiétaSláine.
—Sincèrement,jen’ensaisriendutout.Jenesaismêmepassiunetellechoseestpossible.
—J’aipeurde…J’aipeur.
—Jesais,compatitsincèrementSiatrisentendantlamainpoureffleurerlajouedelajeunefemme.
—Quandveut-ilmevoir?
—Demain.
UnemoueamèredéformalabouchedeSláinequis’isolaunmomentdanssespensées.
Voanl’avaitoubliéemaisallaitl’aider.Aumoins,lui,neluivoulait-ilpasdemal;contrairementà
Sio.Illuienferaitpourtant.Quipouvaitsavoircommentelleréagiraitalors?
—Situveux,jepeuxluidemanderd’attendreencoreunjouroudeux,proposaSiatris.
—Àquoibon?!S’ildoitcacherlefaitquejevaism…quejesuistoujourslà,autantlefaire
rapidement.Detoutefaçonjenevaispaspouvoirl’éviteréternellementets’ilestheureuxcomme
ça…
Sláines’interrompitd’elle-même,détournantsonregarddeceluideSiatris.Ellen’étaitpashonnête.
SiellesouhaitaiteffectivementqueVoansoitheureuxellevoulaitquecesoitavecelle,pasavecce
foutubeaugosse!
Voanluimanquaittellement,sesmots,saprésence,sonamour,sesbaisers.
LeregarddeSláineremontaànouveauversceluideSiatris.
—Comments’appelle-t-il?
—Qu’est-cequeçat’apporteradelesavoir?Tutefaisdumalpourrien.
—C’estseulementdelacuriosité,argua-t-elle,honnêteàquatre-vingt-dix-neufpourcent.
—Hadrien.
—Ilfaitquoidanslavie?
—Tatoueur.
—Etilestsympa?
Siatrisserenditcomptequ’illuifallaitréfléchirunpeupourrépondreàlajeunefemme.
—Jen’ensaisrien,enréalité.Ilrestesilencieuxlaplupartdutemps,n’estpastrèsliant,et…c’est
bizarre,ildonnel’impressiond’êtreatteintd’uneespècede…d’ataraxie.
Sláinefutchoquéeparcequ’impliquaientcesmots.CommentVoanpouvait-ilsupporterunetelle
situation?Elleleconnaissaitsuffisammentpoursavoiràquelpointilétaitsensible;nuldoutequ’il
devaitmalvivreunequelconquedistanceentreeux.Àmoins,seprit-elleàespérer,quelarelation
qu’ilentretenaitaveclejeunehommenesoitbaséequesurlesexe.Non!Impossible!Elleavaitvule
baiserquelegéantavaitoffertàcegarçon;celui-citémoignaitd’unattachementaussiprofondque
sincère.Malheureusement.
Enoutre,l’insensibilitéaffichéeparcetHadrienpouvaittoutaussibienêtrefeinte.Personnene
pouvaitsavoircommentilsecomportaitavecVoandansl’intimité.EtSláinenevoulaitsurtoutpas
savoir,niselaisseralleràl’imaginer.Heureusement,lavoixdeSiatrislasortitdesespensées
prenantuntourdangereux.
—Maisassezparlédelui,enchaîna-t-il.Maintenant,dis-moicequetuasfaitaujourd’hui?
Sláinesedéplaçapours’adosseràlatêtedelitets’installaconfortablement,unoreillercaléaucreux
desreins.
—Dushopping.
—C’esttout?s’exclamaledémon,visiblementdéçu.Tacopinealaisséentendrequevousauriezfait
deschosesintéressantes.Touteslesdeux,insinua-t-il.
—C’estvrai,confirmaSláineenréprimantunsourire,maispasceàquoitupenses.
—Commentpeux-tusavoiràquoijepense?
—Jelevoisdanstesyeux,letaquina-t-elle.Etjeteconnais.Noussommesseulementalléesvoirun
desesamis.
—Et?insista-t-ilenserapprochantdelajeunefemmepuiss’agenouillantprèsd’elle.Qu’avez-vous
fait,touslestrois?
Incorrigible!
DuboutdesdoigtsledémoncaressalachevilledeSláine,sanspourautantlaquitterdesyeux.
—Rien,s’esclaffalajeunefemme.Enfinpresque.Ilsetrouvequecetamiestpierceuret…
—Montre-moi,lapria-t-ild’unevoixrauque.
SiatrissuivitavecattentionlesmouvementsdeSláinesedéfaisantdesonvêtement,leremontant
lentementsursonbuste,manifestementdécidéeàlefairelanguir.
Ilvoulaitlacontempler.Etneputcontenirungrondementlorsquesesyeuxpurentenfinseposersur
sapoitrine.
BonDieu!
Découvrirlesdeuxpiercingssuffitàl’exciterterriblement,sansparlerdesesseinsmagnifiques.Il
s’humectaleslèvresavecgourmandise;sonérectionpassade«àpeinesupportable»à«
franchementdouloureuse».
Incapablederésisteràl’attractionqueSláineexerçaitsurlui,Siatristenditlamainpoureffleurerun
sein,puisl’autre,encaresserlesrondeurssatinées,presqueavecdévotion,s’enhardissantensuiteà
jouerdélicatementaveclespetitsanneaux.
Ill’avaitrêvéenueetlaréclamaitdésormaissoussesmains,soussabouche.Ilvoulaitlagoûter,la
fairevibrersoussescaresses,sesatisfaireduplaisirquesalangueluiprocurerait.
Dansunsouplemouvement,Siatrissepositionnaàquatrepattesau-dessusdesjambesdeSláine,se
faisantfauveaffaméetamantattentionnéàlafois.
—Allonge-toi,chuchota-t-ilàsonoreille.
Chapitre15
SiatrispassapresquetoutelanuitàveillersurlereposdeSláineendormiedanssesbras.
Épuiséemaislecorpsetl’espritunpeuapaisé,elleavaitcédéauxséduisantesavancesdeMorphée.
MaiscefutTéliquiseprésentadanslerêvedelajeunefemme.Ellen’étaitpasreinepourtant,mais
luiétaitbeletbienunêtrecherautantqu’unfantasme.Ilsavaittrèsexactement,etpourcause,
commentluiapparaîtreouquelleattitudeadopteravecellepour,selonlecas,lamettredanstousses
étatsouobtenird’ellecequ’ildésirait.
Cequienfindecompterevenaitaumême.
Lorsdecesonge,sesintentionsréellesn’étaientpourtantpastrèsaiséesàdéterminer.Ledécordu
rêvequ’ellevivaitpouvaitlaisseràpenserqu’ilsouhaitaitluiapporterréconfortautantquetrahirdes
enviespluscharnelles.
Pourunpeulajeunefemmeseseraitcruetransportéesurl’Olympe,telqu’ellel’imaginait.Lepetit
édificeoùellesetrouvait,avecsescolonnesdemarbreblanc,ressemblaitàuntemple;lepaysage
au-delàauraitpucorrespondreàlavisioncommunémentadmisepourlejardind’Éden,avecses
arbresauxcouleursimprobables,saprofusiondefleursinconnuesauxteinteséclatantes.Qu’il
s’agisseduparadisoudulieudevillégiaturededivinitésantiques,l’endroitétaitvidedetout
occupanthormiselleetTéliqui,pourl’heure,auraittoutàfaitpuincarnerSamaëltantils’étaitfait
tentateur.
Sláineconclutqu’ilavaitplusprobablementdansl’idéedeluiproposerunepommeplutôtqu’une
coupedeNectaraccompagnéed’unpeud’Ambroisie,quandbienmêmen’était-ellepasnueetportait
unpeplosblancpresquetransparent.
Ilrégnaitencelieuuncalmesurnaturel,unsilencequinefuttroubléqueparlecrissementducuirdu
pantalondeTéli,seulvêtementqu’ilportait,lorsqu’ilquittaleklinêssurlequelilétaitàmoitié
couchépourlarejoindre.
S’efforçantdegardersesyeuxrivéssurceuxdel’entitéplutôtquesursonadmirabletorsenuoù
courraientquelqueslonguesmèchesblondes,Sláineacceptalamainqu’illuitendit.
—Tesouviens-tudecelieuoùjet’avaisenvoyée?murmuraTélitandisqu’illaconduisaitaucentre
duTempleoùl’antiquebanquetteavaitlaisséplaceàunecoucheévoquantirrésistiblementla
décadenceromainedansl’espritdelajeunefemme.
Sláines’ensouvenaitparfaitement.Elles’yétaitsentiesibien,aimée,parfaiteetpuissante.Télil’y
avaitexpédiéepourlapréserverlorsqueSiol’avaittrompéeavecAmanda.Aprèsqu’elles’ensoit
aperçue,plusexactement.Lasouffrancedelajeunefemmeavaitététellequel’entitéavaitjugé
préférabledel’éloignerpourédifieruneespècedemuràmêmed’encontenirl’intensité.Parcequ’il
sedevaitdeprendresoind’euxdeuxetquelesétatsd’âmedeSláineinterféraientaveccequel’on
attendaitd’elle.
—Oui,luirépondit-elleaprèss’êtreassiseauborddulit.Tuvasmerenvoyerlà-bas?luidemanda-telleensuite,levantsonvisageverslesien.
Télis’accroupitpoursemettreàsonniveau,pritsesmainsdanslessiennesetrivasonregardvertà
celuidelajeunefemme.
—Non.Jeveuxquetudevienneslafemmequetuétaislorsquetut’ytrouvais.
Sláinesedoutaitqu’elledevaitressembleràunpoissonsortidesonélémentàforced’ouvriret
fermerlabouche;elleétaitincapabledesavoircommentréagiràcesmots.
Elleavaitàlafoisenviedeluirireaunezetdeluicrierdessus.Maissurtoutellenecomprenaitpas.
Ellesaisissaitparfaitementcequ’ilentendaitparlàmaispaspourquoiillevoulaitoumêmel’en
pensaitcapable.
—Pourquoi?parvint-elleenfinàarticuler.
—Parcequec’estcequetudoisdevenir.
—Jedois?s’exclamalajeunefemme.Tuveuxdirequec’estécrit,quec’estmadestinée?
—Non,c’estcequetupeuxdevenir.L’obligationn’intervientquesituasl’intentiondetebattre
contreceuxquiteveulentdumal.
—Commentpourrais-jedevenircetteespècede…dedéessequej’étaislà-bas?s’exclamaSláine.La
seulesupposéepuissancequejepossèdec’estdet’avoirenmoi!Alorspaslapeined’essayerdeme
fairecroireauPèreNoël!
—Tutetrompes,machérie.Tuesbeaucouppluspuissantequetunelecrois.
—Benvoyons!s’énerva-t-elleencoreenrécupérantsesmains,attristéequeTélisemoqued’elle.
—Jet’assure,insista-t-il.Sinonpourquoilesangesauraient-ilspeurdetoi?
—J’ensaisrien!Parcequ’ilssontcomplètementcons?proposa-telle.
Téliretintlesourirequiledémangeait.
—Plutôtparcequ’ilssonttrèsimbusdeleurnatureetqu’ilsnepeuventconcevoirqu’unêtrefaitde
chairpuisseleségaler.
C’estcequejedis!Bêtesàmangerdufoin.
—Leségaler?répéta-t-elle.Tutefousdemoi,commentunêtrehumainlepourrait?
—Ehbien,disonsqu’unhommeouunefemmequiauraitreçuuncertainenseignement,notamment,
enseraitcapable,laissa-t-ilentendre.
—Notamment?relevaSláinequicommençaitàsaisiroùTélivoulaitl’amener.
—Souviens-toicequeVoant’adit:«Vousêtespresqueaussipuissantsquenous,sansenêtre
conscients.Sivousaviezconnaissancedecequevotrecorpsphysiquealliéàuncorpsspirituelfort
seraitcapabledefaire–sivousvousendonniezlapeine–vousseriezpresquedesdieux.»
—Tuoubliesqu’ilavaitprécisé«àvospropresyeux»,çafaitunesacréedifférence.
—Jen’oublieriendutout,ettoi,tupossèdescettedifférence.
—Quiest?
Télipritsontempspourrépondre,redoutantunpeularéactiondelajeunefemmeàcequ’ilallaitlui
rappeler.
—UnPrincipet’aeffleurée.
—Tuétaisvraimentobligédereparlerdeça?soupira-t-elleenréprimantunfrissondedégoût.
Eurk!
LavisionfurtivedeJabbatheHuttdansleRetourduJedis’imposaàsonesprit,elle-mêmese
retrouvantàlaplacedelaPrincesseLeïatenueenlaisseettripotéeparlarépugnantecréature.
—Ouiparcequec’estimportant.Autantlefaitqu’ilt’aitatteintequelaraisonpourlaquelleilt’a
choisietoietpasunedetescopines.
SláinefixaTéliintensémentetlevaunsourcilenguised’invitationàpoursuivre.L’entitédesoncôté
seréjouitquelajeunefemmenesemettepasàhurler.Maisçapouvaitnepasperdurer.
—Souviens-toidel’utilitéessentielledesPrincipes,enchaînaTéli.Lacréation.Malgrécequetupeux
savoird’euxoupenserdeleursspécificitésindividuelles,ilsontuneraisonvalabled’existeretde
posséderlacaractéristiquequiestlaleur.Toutsimplementparcequ’ilfautdetoutpourfaireun
mondeetquechaqueforcedoitêtreéquilibréeparuneautre,quecesoitdansvotreuniversoucelui
quisetrouveau-delàdemoi.Siotel’avaitclairementexpliqué,«quedubien»peutengendrerun
dangeraussimortelque«quedumal».Tumesuis?
—Oui,continue,murmuraSláinequisesouvenaitparfaitementdesimagesutiliséesparSiopour
illustrersespropos;elleenfrissonnaitencore.
—Parfait.Donc,lePrincipequiàl’époqueatentéunepetitesortienesaitfairequ’unechose,créer,à
l’instardeseshomologues,maisilestparnatureleplus…commentdire…attiréparvoscorps,
exactementcommelesdémonspeuventl’êtreàuneautreéchelle,cequi,sommetouteestlogique
puisqu’ilsreçoiventunpeuplusdesquatrePrincipesqualifiésdenégatifs.Alors,notrePrincipeaurait
parfaitementpusejetersurd’autrespersonnestentantdecommuniqueravecl’au-delàcejour-là,
n’importeoùdanslemonde,maislefaitestqu’ilaperçuvotrejeunesseetvotrevitalité;ils’estdonc
jetésuruneproiefacile:toiettescopines.
Seulement,devoustoutes,c’étaittoilaplusforte,laseuleenmesuredesupportercecontactaussi.
—Quelleveinardejefais!raillaSláineamèrement.Maisqu’est-cequ’ilvoulaitfaireavecmoi
exactement?Etpourquoi?Parcequelorsqu’ilm’atouchée,j’étaisdéjàformée,avecuneâmeettout.
Donciln’afaitquemodifierunecréationdéjàexistante.
—C’estvrai.Sijenel’avaispasexpulsé,ilseseraitservidetoncorpspour…sonusagepersonnelet
auraitfaitdetoiunêtresurpuissant.
Néanmoins,malgrémoninterventionilatoutdemêmelaissésamarqueentoi,amodifié
l’adolescentequetuétaisetcontribuéàcréerlafemmequetuesmaintenant.
—Ohchouette!Etjedoisl’appelerpapa?OumonDieu?Peut-êtrequejedevraisleremercierde
m’avoirsouilléeetd’avoirruinémavieaussi?
—Iln’apas…
—Ahnon?lecoupa-t-elle,furieuse.C’estbienàcausedeluiquetoutestarrivéàlabase,queles
angesenontaprèsmoimaintenant,quej’aiétébattue,violéeettorturée.
—C’estvraiaussi,sedésolaTélitoutefoisrassuréquelajeunefemmeneletiennepasluipour
responsabledetoutceci.Maisc’estégalementgrâceàcequis’estpassédanstajeunessequetuvas
pouvoirprendretarevanche.
—Ahouais?Comment?
—EnutilisantlapuissancerésiduelleduPrinciperestéeentoi.
—PourmetransformerenDéessedesnymphoetdessalopes?
demandaSláine,acide.
ElleneparvenaitpasàaccepterquelePrincipes’enétantprisàellefûtprécisémentlesecondsursa
listenoirepersonnelle,Violence/Cruautéoccupantlapremièreplace.Pourquoiavait-ilfalluquela
sourcedeladépravations’intéresseàelleetnonpas,parexempleetauhasard,SagesseouAmour?
Detoutemanière,Téliseraitintervenupareillement,quelquesoitlePrincipeencause.
—Évitedejugercequetunecomprendspastotalement,répliquaTéli.LesPrincipesinterviennent
égalementdanslacréationdesâmesdévoluesauxêtreshumains,delamêmefaçonqu’ilscréentles
angesoulesdémons.C’estpourcetteraisonquelesêtresexistantau-delàdevotredimensionvous
ressemblentbeaucoupdansleurscaractères.Partouttutrouverasdescréaturesplusoumoins
mauvaises,bonnes,fanatiques,doucesoutendres,sagesouperverses.Lapuissanceenplusetvotre
chairenmoins,démonsetangessontsemblablesauxhumains.Etilyatoi,unêtredechairquipeut
s’avéreraussipuissantqu’undémon.
—Assezpourlesempêcherdes’enprendreàmoi?Pourqu’ilsmefichentlapaix?
—Assezpourtoutcequetupourraisdésirer,luiassuraTéliquisentaitlacolèredeSláinedécroître
etcéderlaplaceàdel’intérêt;àdel’espoirégalement.
—Même…,commençalajeunefemmeavantderenonceràexprimercequ’ellebrûlaitdedemander.
Tumeprometsquecen’estpasuneblague,unemanœuvrepourmeredonnerducourageou…
—Jepeuxtelejurer.
SláineavaitunetotaleconfianceenTéli.Celadit,avait-elled’autreschoixquedetoutaccepteren
blocetfairecequ’ildisait.
—Quedois-jefaire?
—ÉtudieravecSiatriscommetul’avaisprévuetrechargertesbatteries.Plustupourraslefaire,
mieuxcesera.
—Jevois,marmonnaSláine.Uneimmersiontotaledanslaluxureensomme?
—Pourl’énergie,argumentaTéli.Maisalliéeàlacompréhension.
Plustuaccèderasàlaconnaissance,plustonespritaurabesoind’énergieetplustuaurasd’énergie,
plustuserascapabled’atteindrelacompréhension.
—Pourquoifaut-ilquemêmelescerclessoientvicieuxchezvous?fitremarquerlajeunefemme
avecundemi-sourire.Etsijen’yarrivepas?
S’ilssontlesplusfortsmalgrétout?
—Tun’espasseule,Sláine,luirappelaTéliunefoisdeplus.Etjecroisquetuneterendspascompte
àquelpointtuesdéjàexceptionnelle.
—Siexceptionnellequeceuxquej’aimeneveulentplusdemoi,murmura-t-elleavectristesseet
amertume.
Télin’avaitmalheureusementpasledroitdeluiavouerquecetétatdefaitdevaittoutausortd’Ylsi.
DéjàparcequeSláineenauraitconcluquelessentimentsdesdeuxdémonsn’étaientpasassezforts
pourcontrerunetelleinfluence.Deplus,malgrésavolontédelasecourir,ilnepouvaitinfluencer
soncomportement.Sláineavaitsescartesenmainsetmêmeluin’étaitpasautoriséàl’aiderenlui
révélantlejeudesesadversaires.Parcequ’enamourlesrèglesétaientautres.Iln’yenavaitaucune
enréalitéettricherpouvaits’avérerplusnéfastequebénéfique.
Téliavaitenviedelefairepourtant,maissecontenteraitd’essayerdelaconseiller.
—Jesaisquetusouffres,reprit-il.Maistunedoispasbaisserlesbras.
Danslepiredescas,tuarriverasàvivreavecça,tuaimerasdenouveau.
Danslemeilleur,ilstereviendront,enchaîna-t-ilsanstenircomptedesamouedubitative.
Sláinedoutaitfortementquecesdeuxcasdefigureseréalisentunjour.
Pourtant,commecestroisderniersmotsétaientdouxàsesoreilles!Ilsrésonnèrentunmomentdans
satête,àlamanièred’unchantdesirènes.
Qu’ellerefusad’écouterpluslongtemps.
Téliserelevapours’asseoirauborddulit,prèsdeSláine,tournéverselle.Samains’élevapour
effleurerlevisagedelajeunefemme.
—Veux-tuquej’interviennepouratténuer…
—Non,l’interrompit-elle.Jemeraccrocheàçapouravancer.J’enaibesoinpourêtreencolère.
Maisilyaunechosequetupourraisfaire,l’informa-t-elle.
—Jet’écoute.
—J’aibesoinquetumeprennesdanstesbraset…dis-moiquetum’aimes.
Télineselefitpasdiredeuxfois.Ilcomprenait.
C’étaituneréellenécessitépourelle,illesentaitetluienavaittrèsenvie.Ilpouvaitmêmeprononcer
cesmotssansmentir.
Seservirdesatristessepouralimenterlefeudesonireétaitunesolutioncommeuneautre,mais
cettehargnepouvaitaussibienoccasionnerunfauxpas.Siprèsdubordduprécipice,Sláinen’était
pasàl’abrid’unechutemortelle.Maissarequêtenetraduisaitriend’autrequesonaspirationàêtre
aidée,qu’onluitiennelamainpours’enéloignerdequelquespas.Sláineétaitlucideetpossédait
presqueautantdereculquelui.
Autempspourlesmomentsincandescentsqu’ilavaitespérépasseravecelledanscedécor
spécialementprévupoursapetitedéesse.Elleavaitbesoindesonamour,delui,pasdel’entitéqu’il
était,etcelaletouchaitprofondément.
Sláine,quantàelle,étaitbeaucoupmoinsoptimistequeTéli,notammentencequiconcernaitsonbon
sens.Elleétaitsansaucundoutetristeetfurieuse,maisn’enrestaitpasmoinsunefiefféeidiote.Elle
avaitbeaufaire,elleneparvenaitpasàenvouloiràSio.Sansexcusersoncomportementavecelle,la
fautequ’elle-mêmeavaitcommisepouvaitl’expliquer.N’importequellerelationn’était-ellepasavant
toutbaséesuruneconfianceréciproque?EtsurcepointSioétaitexigeantàl’extrême.
Peut-êtreparcequ’ilétaitdémon,quesanaturedémoniaquefaisaitquetout,sentimentscomme
honnêteté,étaitprimordialetqueleurrelationparticulièreréclamaituneconfiancemutuellesans
faille.
Peut-êtreparviendrait-ilàluipardonnerunjour.Lesouhaiterait-il?
Celachangerait-ilquelquechoseaufinal?
Elles’envoulaittellement.
SláineaimaitSioetcen’étaitpasprêtdechanger.Seulement,enavait-elleencoreledroit?N’allait-il
paspurementetsimplementluiinterdired’éprouverquelquechosepourlui,sesentirsouilléparses
sentimentsàelle.Oui,probablement.Luifaudrait-ellelesempêcherdesemanifester,lesenfermer
avecceuxqu’elleressentaitpourVoanetquieuxaussidevraientêtremissousclé?
Quelgâchis!
Leschosesavaientchangé.Sláineavaitchangé.ElleétaittoujourscellequeSioconnaissait,maisétait
aussidevenueautreouleseraitbientôt.
Passerunebonnepartiedelanuitàrepenseràleurentrevue,àsonattitudeavecelle,àl’infraction
qu’ils’étaitpermiseetàcequ’ilavaitdécouvertdanssonesprit,avaitfaitprendreconscienced’un
certainnombredechosesaudémon.
Illavoulait.L’avaittoujoursconvoitéed’ailleurs.Dèslespremiersinstantspassésavecelle.Sans
douteparcequ’ilavaitperçu,déjààl’époque,qu’ilyavaitbeaucoupplusquelaprésencedeTélien
elle.Maisiln’yavaitpasaccordésuffisammentd’importance.
SiSioavaitprislapeinedes’incarnerpourséjournerdanscetunivers,celaavaitéténotammentpar
appétenceetcuriositéenversceshumainsqu’ilpouvaitenfinapprocher.Ilavaitusé,abusémême,de
toutcequesoncorpsluipermettaitdefaireaveceux,enaccordavecsanatureprofonde.
Maisàaucunmomentiln’avaitperdudevuecequ’ilétait:undémon,niquiilétaitparmises
semblablesouquelleétaitsaplace.Pasmêmeavecelleoulorsqu’ils’étaitrenducomptequ’ilaimait
Sláine,chosequ’iln’avaitd’ailleurspasprévue.Niespérée.
Pourtant,ilavaitcommisl’erreurdenelavoirellequecommelafemmequ’elleparaissaitêtre.
Sláinetendaitàdevenirdifférentetoutenrestantprofondémenthumaine;ilvenaitd’enavoirla
preuve.Etluiétaittoutcequel’onpouvaitvouloirmaishumainseulementenapparence,sans
perspectivedeledevenir.
Toutcecifaisaitd’euxdesopposés,maisaussideuxêtrestrèscomplémentairess’attirant
inexorablement.
Làrésidaitlecœurdetoutecettehistoire.Parceque,aussiparticuliersoit-il,Sion’était
malheureusementpasàl’abridecommettredeserreurs.
Aucontrairemême,ceuxayantprocédéàsacréationavaientfaitdeluiunêtreaussipuissantque
virtuellementsusceptibledesetromperdèsqu’ils’agissaitdesentimentsetd’émotions.
Sondiscernementavait-ilencoreététotalementvoiléparcequ’ilressentait?Sioavait-ilseulement
désirécomprendrecequiarrivait?
Probablementpas,iln’avaitrienvoulud’autrequeprofiterdecequiluiétaitoffert.
Savulnérabilitéàceproposluiavaitd’ailleursdéjàvaludeperpétreruneincommensurablebêtise:
lorsqu’ilavaitcruqueNohibéétaitfaitepourlui.Aveugléparcequ’ilavaitcruéprouverpourelle,il
s’étaitlaisséempoisonner.Leurdifférencedepouvoiràtousdeuxnechangeaitrienàl’affaireparce
qu’ilaspirait,parnature,àsedonnertotalementàl’autre.À
toutdonner.
Profondémentperturbédevoirqueleuramourn’avaitétéquemystification,Sion’avaitpas
seulementétésurlepointdeseperdre,ilavaitaussimislaviedeSláineendanger,l’avaitblesséeet
presqueperdue.
Avait-ilcommisunenouvelleerreur?Avait-ilunefoisdeplusétéabusé?ParSláinecettefois-ci?
N’était-cepaslàl’explicationaumalmystérieuxquil’empoisonnait?
Maispourquoiavait-ilfalluqueSláinedoute?Bonsang,elleavaiteul’airdelecroirelorsqu’illui
avaitditetmontrédetouteslesmanièrespossiblesqu’ill’aimaitàenperdrelaraison!
Siorefusaitcatégoriquementquel’histoireserépète.Ilferaitsonpossiblepourquecelan’advienne
pas.
Maisiln’étaitpascertaindepouvoirpardonnerunjouràSláine.Nesavaitpass’illesouhaitaitnon
plus.Iln’enrestaitpasmoinsqu’illavoulait,sifortquec’enétaitinsoutenable.Elledétenaittoujours
unpouvoirsurluiqueSio,lui,n’étaitpluscertaindeposséder.
Etcetteconstatationlefoutaitenrogne.
Était-elleconscientedesonascendantsurlui?Ilferaittoutpourqu’ellenelesoitpasets’arrangerait
pourqu’ellecomprenneoucroiequec’étaitluiquiledétenait.Ceseraitselonsesconditions,luiqui
déciderait.
Sielleacceptait,ilresterait,sinon...
Satrouillebleuededevoirenarriveràdesextrémitésqu’iln’étaitpascertaindesupporternefutpas
pouraméliorersesétatsd’âme.
Sioétaitdoncd’unehumeurdemerdelorsqueVoanvintlesolliciteràproposdel’entretienqueluimêmedevaitavoiravecSláine,unpeuplustarddanslajournée.Sonregardsuivituninstantlahaute
silhouettedudémondéambulantdanslapièce,longeantlemuroùétaientexposés,tellesdesœuvres
d’art,sesfouets,bâillonsetautresaccessoiresSM.
—Maprésenceestréellementnécessaire?demanda-t-ilàVoan,prenantsurluideparlerposément.
—Tuasmieuxàfaire?questionnacederniersurlemêmeton.
—Nepasêtrelàestcequej’aidemieuxàfaire.
—Pourelleoupourtoi?murmuraVoanpensivementalorsquesonindexeffleuraitlecuird’une
cravache.Jenecomprendspas,poursuivit-iltoujoursaussibas.Ilyapeutuauraistoutdonnépourla
retrouveretmaintenantquec’estfait,tuneveuxpluslavoir?
—Certaineschosesontchangé,grommelaSio.Etjenesuispascertainquemevoirluiplaise
particulièrement.
—Elleneveutplusdetoi,net’aimeplus?proposaVoanàtouthasardenrebroussantchemin.
—Ellem’enveutsurtout,marmonna-t-il,repensantunefoisdeplusàcequ’ilavaitfaitlaveille.
—Etçatefaitpeur?
Non,çamefaitmal.
—Elleadoutédemoi,avouaensuiteSio.Jen’aipasenviedelavoir.
Plustard,rajouta-t-ilpourlui-même.Seulementelleetmoi.
—Etc’estimpardonnable?
AuxyeuxdeSiooui.Ilneréponditpas.
Voanauraitdonnécherpourêtreaiméetobjectivementpensaitêtreenmesuredepardonneràcelui
quiauraitpuledécevoir.Nel’avait-ild’ailleurspasfaitpourHadrienauboutducompte?
Legéantcroisasesbrassursontorseetobservalesombredémon.
—Peut-êtrea-t-elleeuraisondedoutersitun’espascapabledeluipardonneruneerreur.Àmoins
quel’idéequ’elleaitpassélanuitavecSiatrisnete…
—Onpeutarrêterlaséance,Docteur?raillaSio.
Iln’avaitaucuneenviedediscuterdecelaaveclegéant,échappantégalementàsonexamenattentifen
faisantquelquespasdanslapièce.
—Cesontmesaffaires,enchaîna-t-il.Pl…paslestiennes.EtSláinefaitcequ’elleveutdesoncorps.
Voansongeaàpartluiques’ils’étaittrouvédanscettesituationjamaisaugrandjamaisiln’aurait
laisséquiconqueposersespattessurceluiqu’ilaimait.
—Bon,soupiraVoanenhaussantlesépaules.Donctuescertaindenepasvouloirêtrelà.
Siofitvolte-face.
—Absolumentsûr.Etsijepeuxtedonnerunconseil,méfie-toid’elle.
—Tunemecroispascapabled’affronterunepetitehumaine?
s’esclaffalegéant.
—C’estellequejecroiscapabledetout.
—Alorsjedevraispeut-êtret’emprunterunoudeuxaccessoires,plaisantaVoan.
Sioluttacontrecertainssouvenirsdécidantinopportunémentderemonteràlasurfacedesamémoire.
—Jeteconseilleraisbienunbâillonetlesmenottesmaisellerisqued’apprécier,répliqua-t-il.
—VoilàquiintéresserabeaucoupAxir,murmuraVoan.
—Axir?s’étonnaSio.Quevient-ilfairedanslaconversation?
—Ilaacceptéd’êtrelenouveauguidedelafille.
—Pardon?Tun’es…
—J’aiétédéchudecettefonctionaumomentdesonenlèvement,luiprécisaVoan.
Sion’encroyaitpassesoreilles.Lesorts’acharnaitcontreSláine.
Qu’elleaitsurvécutoutcetempssansprotectionétaitsurprenantégalement,maisapprendrequ’Axir
avaitétéchoisipourremplacerVoanétaitaussifâcheuxpoursonhumeurquepourlapropensionde
saperversitéàsesatisfairedelasituation.Ledémonn’étaitpasseulementlepluslibertind’entreeux,
ilétaitégalementréputépoursesgoûtsassezparticuliersenmatièredesexe.Siosedemandas’il
pouvaitessayerdetournercettesituationàsonavantage.
—Ilseraprésentluiaussi?voulut-ilsavoir.
Voanacquiesçasilencieusement.
—Trèsbien,j’auraisdeuxmotsàluidireencecas,murmuradistraitementSio.Maisarrête
d’appelerSláine«cettefille»ou«cettefemme»grommela-t-ilenfixantlegéant.
—Cen’estpascequ’elleest?chicanaVoan.
Sioeutunemouededépit.
—Si,soupira-t-il.
Chapitre16
Sláines’étaitréveilléeenfindematinée,enpleineforme,maisanxieuse;sapremièrepenséeavait
étépourVoanqu’elledevaitrevoirlejourmême.
DécouvrirSiatrisencoreendormiprèsd’elleluiavaitprocuréunedrôledesensationetfinalement
arrachéunsourire.Grâceàlui,ellesesentaitpresqueredevenueelle-même.Commeleluiavaitsi
élégammentditTéliunjour,l’entraînementérotiqueauquelelleavaitétésoumisel’avaittransformée
enuneespècedepilerechargeableauplaisir,àl’énergiedéveloppéelorsdel’orgasme.Bon,ily
avaitpirecommecurederemiseenformesurtoutavecunsplendidespécimencommeSiatris.
Néanmoins,décelerdanscertainsregardsdudémon,certainsbaisers,quel’altruisme,ledévouement
etledésirn’avaientpasétésesseulesmotivationsàlanuitqu’ilsavaientpasséeensembleavaitunpeu
attristélajeunefemme.Parcequ’ellel’appréciaitbeaucouptroppourlefairesouffrir.Or,cedevait
déjàêtrelecasparcequetousdeuxsavaientquelessentimentsdeSláinen’iraientpasjusqu’àl’aimer
commeelleaimaitSioouVoan.
Ohbiensûrilnefautjamaisdirejamais!Seulementcequ’elleéprouvaitpoureuxendépitdela
situationavaitpristellementdeplacedanssoncœuretsonâmequ’iln’enrestaitplusbeaucoup,pour
aucunautrehomme.Peut-êtreétait-elleencoretropsoumiseauxeffetsdecetterupturepourpenser
autrement,maissitoutétaitréellementfini,ellenepensaitpaspouvoirselieravecquelqu’und’autre
àl’avenir.Pasaussitotalement.C’étaitprofondémentinjuste.PourSiatrisautantquepourelle.
Soussadouche,Sláineavaitpriétantqu’elleavaitpupourobtenirdeuxfaveurs:queSiosoitabsent
duLuxurialorsqu’elles’yrendraitetnepascraquerlorsqu’elleseretrouveraitenfacedeVoan.
Ellen’avaitaucuneespèced’assuranced’êtreexaucéeetavaitmêmetendanceàpenserqu’avecsa
chancehabituellec’étaitexactementlecontrairequiseproduirait.
Aprèss’êtremaquilléeetcoiffée,Sláineétaitensuiterestéeunbonmomentàréfléchiràcequ’elle
allaitportercejour-là.Sonbesoindesesentirjolietenaitplusàsavolontéd’êtreàsonavantageetse
sentirfortequ’àuneréellecoquetterieoumêmed’unquelconqueespoirquecelatoucherait…
quelqu’un.Maislefaitétaitqu’ellenepouvaitdécemmentpass’habillercommeunsacnonplus,pour
nepastropjureraveclesex-appealdeSiatris,leluxeducluboumêmeaveclesautresemployés
qu’elleauraitbientôtsoussaresponsabilité.Crédibilitéoblige.
Ellen’avait,desavie,jamaisoccupéuntelposteets’interrogeaitsursacapacitéàfairedubon
boulot.Toujoursest-ilqu’elleferaitdesonmieux,enespérantquecelan’impliqueraitpasêtre
sollicitéeparcertainsclientspourautrechosequelesconduirejusqu’auxpiècesdusous-sol.
Ellelesaccompagneraitjusqu’auxsalons,pasdedans.
Sláineportafinalementsondévolusurl’undesesnouveauxcorsetspirates,encuirbrun,etle
chemisierensoiedecotonblanccasséàmanchescourtesassortiqu’ellecomptaitportersurun
leggingnoir.
Seulementcettetenueposaitproblème.Lajeunefemmeétudiantlerefletqueluirenvoyaitlemiroir
jugeaquel’effetétaitbientropsexy.Lafinessedesatailleetsapoitrinesurtoutétaientaffreusement
misesenvaleur.Elles’apprêtaitdoncàsechangerlorsqu’unsifflementappréciateurretentitdansson
dos.Ellefitvolte-facepourvoirunSiatrisàmoitiénus’approcherd’elle,sonregardbraquésurses
seinstoutletempsqu’ilmitàlarejoindre,témoignantdesonintérêtgrandissant.Poursonbien,
Sláinen’auraitprobablementpasdûsongerquel’enthousiasmedudémonn’étaitpasl’uniquechoseà
grandir,maisSiatrissechargeadeluiconfirmerqu’elleavaitraisonenlacoinçantentresonbassinet
lelavabo.
—Tuasdécidéderendretoutlemondecomplètementdingue?luidemandaledémonavantdese
penchersurellepourdéposerunlégerbaiseraucoindeseslèvres.
—C’esttrop,hein?s’inquiéta-t-elle,apprécianttoutefoislecompliment.
—Trophabillépourcequej’aientêtemaistuessuperbe,luimurmura-t-ilaucreuxdel’oreille.
Commenttesens-tu?s’enquit-ilensuiteenseredressant,cherchantsaréponsedanslesprofondeurs
marineduregarddelajeunefemme.
—Écrasée,plaisanta-t-elle.Endehorsdeça,jesuisaffaméeetjeflippe.
—J’aitrèsfaimaussi,assura-t-ilenluicaressantunseinpar-dessuslefintissudesonchemisier.
—Arrête,soupira-t-elletoutefoisconquiseparleseffleurementsdudémon.
—Tuessûre?ronronna-t-il.
—Non,souffla-t-ellespontanément.Heu…oui,rajouta-t-elleimmédiatementaprès.
—Vraiment,vraimentsûre?insista-t-ild’unevoixoutrageusementsexyalorsquesescaressesse
faisaientdemoinsenmoinssages,profitantdecequelesmainsdeSláines’agrippaientàlavasque
derrièreelle,exposantdoncplusencoresesseinsàsaconvoitise.
Oh,làlà.
—Siatris…
Ledémonneluijetaqu’uncoupd’œil.
—Quoi?
—Je…
—Vousêtesprêts?l’interrompitlavoixclairedeMadimiquenil’unnil’autren’avaiententendue
arriver.
UngrondementirritédeSiatrisluirépondit,Sláinesentitsesjouess’échauffer.
—Presque,parvint-elleàrépondre,sanstoutefoistrouverlecouragederegardersonamie,cequele
corpsdeSiatristoujourscolléausienluiautorisaitsansfairemontred’impolitesse.
—Ahoui?plaisantaladémone.
Madimisavaitcequ’ellevenaitd’interromprepourlabonneraisonqu’ellelesobservaitdepuisplus
longtempsqu’ilsnelepensaient.
Siatrislevalesyeuxauciel.
—Lepetit-déjeunerestservi,lesinformaencoreladémonejoyeusement.
—Onarrive.
Sláinetentaderepousserledémon.
—Tunepaiesrienpourattendre,articulaSiatristoutbas,justepourelle.Jevaisprendremadouche,
rajouta-t-ilplushautenseséparantd’elle.
—C’estça,répliquaMadimi.Etprenez-labienfroide,conseilla-t-elleencoremalicieusementen
fixantavecinsistancel’entrejambedudémon.
Motsetattitudequiluivalurentuncoupd’œilmeurtrierlorsqueSiatrispassaprèsd’ellepouraller
récupérerlerestedesesvêtementsdanslachambredeSláine.
Lorsquesonregardseposasursaprotégéequilarejoignait,Madimifutmomentanémentincapable
d’ajouterquoiquecesoit.Sesyeuxsefixèrentsursonvisaged’abord,reposéetlumineux,puis
étudièrentsatenue,positivementsexy;retoursursonregardauxpupilleslégèrementdilatées.
Miam!
—Préviens-moilaprochainefoisquetudécidesdemefairefondre,monpetitchat,articulaMadimi
ens’effaçantpourlaisserSláinesortirdelasalledebains.Lajeunefemmeluisourit.
—Promis.Toiaussitutrouvesquec’esttrop?
—Trop?Non,tuessplendide.Maisjesuiscertainequetuesencoreplusjolietoutenue.
Siatrisémitunsonquiressemblaitàunjuronétouffé.Àmoinsqu’ilnesoitentraindes’étrangler.
—Quoi?Vousn’êtespasd’accord?l’asticotaMadimi.
—Si,si,jevousconfirmequeSláineest...
—Ohallezprendrevotredouche,vous,etlaissez-moifantasmertranquille.
Sláinesedétournarapidementdesdeuxdémonspourleurdissimulerlanouvellecolorationdeses
joues,maispinçanéanmoinsleslèvrespournepaséclaterderire.Puisellepritladirectiondela
porte,etaccélérasonallurelorsqu’elleentenditladémonefaireuncommentairesursonpostérieur
qu’elletrouvaitravissant.
CefutavecunsourireradieuxqueMadimirejoignitSláinedanslacuisine.Lajeunefemmevenaitde
seservirunegrandetassedecaféets’apprêtaitàmordredansunpainauchocolatencoretiède,mais
interrompitsongestepourrendresonsourireàsonamie.
—Çava?s’inquiétaMadimisérieusementcettefois-cienrivantsonregardvertausienaprèss’être
accoudéeaucomptoirprèsd’elle.
—Beaucoupmieux,larassuraSláineavecunsourire.Etpasuniquementgrâceàlui,rajouta-t-elle
avecunbrindefacétie.
—Bien.JesupposequetuvaspasserlajournéeauLuxuria.
—Lajournée,jenesaispasmaisouijedoisyaller.J’aiditàSiatrisquej’acceptaisleboulotetVoan
ademandéàmevoir.
Lalueurflottantdansleregarddelajeunefemmeindiquaitquecetterequêten’étaitpasdueàun
quelconqueplaisirdudémondes’entreteniravecelle.
—Maistun’aspasenviedelevoir,conclutdoncMadimi.
—Ohsi!Seulementj’aiunepeurbleue.
—Tuveuxquejevienneavecvous?proposaladémone.
—Çanetedérangepas?s’exclamaSláinepleined’espoir.Tudoisavoirdeschosesplus
intéressantesàfairequet’occuperdemesproblèmes.
—Defait,non.Maissurtoutjen’aipasenviedetelaisseràlamercidetouscesmâles;jesuis,
souviens-toi,curieusecommeunepieetpuisj’avouequ’asticotertonblondinetrisquededevenirl’un
demessportsfavoris.
—Oh,cen’estdoncpaspourleplaisirdemacompagnie,lataquinagentimentlajeunefemme.
Madimieutunlégersourire.
—Si,etc’esttellementévidentquejen’aipascrudevoirlerappeler,murmura-t-elleensuiteense
rapprochantdeSláine.Etpourquetut’ensouviennes,jevaist’embrasser.Situveuxfuir,c’estle
momentoùjamais,après,ilseratroptard.
Sláinenefuitpasplusqu’ellenerépondit.
LamaindeMadimivinteffleurerlevisagedelajeunefemme,caressasajoueuninstantavantde
dévierverssoncouoùelleseposadélicatement.Ladémonesepenchasurelle,paupièresmi-closes,
attitudelafaisantplusquejamaisressembleràunechattedevantunboldelait.
SeslèvresseposèrentsurlajouedeSláinepuisglissèrentpourrencontrerlessiennes.
Lecœurbattant,lajeunefemmenebougeapas.Madimiétaitdouce,sapeau,sesgestes.Cettedouceur
n’étaitpasl’uniquechosequeSláineressentait.Cebaiserluipermitcertesdepercevoirsondésir
maisaussisasensibilité,sasagesse,sabienveillance.Etcefutcelaquilatouchaprofondément,
l’émut.Cecontactétaitmoins,pensaSláine,unéchangeentredeuxamantespotentiellesqu’unmoyen
deseconnaîtrel’unel’autre.
Madimis’écartaunpeudeSláinepourplongersonregarddanslesien.
—Jesavaisbienquetuétaisaussidoucequ’unpetitchat,susurra-telle.
Sansrajouterunmot,ladémoneseredressaetquittarapidementlapièce,laissantuneSláineunpeu
déroutéeparcequ’elleéprouvait.
ÀmesurequelavoituredeSiatrislesrapprochaitduLuxuria,l’angoissedeSláineaugmentait.Elle
franchitunnouveaucaplorsqueledémonsegarasurleparkingpuislorsqu’elleseretrouvafaceàla
porteduclub.Moinsimposantsetd’unebanalitéàtouteépreuve,lesdeuxlourdsvantauxd’acier
anthraciteneluienévoquèrentpasmoins«LaPortedel’Enfer»crééeparRodin.Parcequec’était
précisémentlelieuqu’elleredoutaitdetrouverunefoisqu’elleenauraitfranchileseuil.
Vousquientrezici,perdeztouteespérance…
—Çava?s’inquiétaSiatris.
IlenroulasonbrasautourdelatailledeSláine,gestequiluipermitdepercevoirlatensionqui
habitaitlajeunefemme.
—Oui,mentit-elle.
Sláineavaitfroid,desdifficultésàrespirer,soncœurbattaitdesrecordsdevitesse,maiselleluttait
tantqu’ellepouvait.
Ellen’allaittoutdemêmepascraquermaintenant!Sinon,qu’adviendrait-illorsqu’ellese
retrouveraitfaceàVoan?
Merdeàlafin,ellen’étaitpasunepauvrepetitecréaturesansdéfense!
Peut-êtrequesiendéfinitive.Sielleavaitpu,elleauraitsuppliéTélideprendrelecontrôleletemps
decetteentrevuetandisqu’elleseseraitcachéequelquepartpournerienvoir,nerienentendre.
Sláinefermalesyeux,inspirapuisexpiraprofondément.LaprisedeSiatrissursatailleseraffermit;
simultanémentlamaindeMadimis’emparadelasienne.Unpeudel’énergiedesdeuxdémons
s’insinuaenelle.Oualors,s’agissait-ildeleuraffectionpourelle.Peuimportait,toutesdeuxétaient
accueilliesavecplaisir!
LatraverséeduhallduLuxuriasedéroulasansencombre;leclubétaitpresquedésertàcetteheure
delajournée.Presquemaispastotalement,Sláineentendaitdelamusiquepassantensourdinedansla
grandesalleetlesdiscussionsdesemployésquiyfaisaientleménage.
Curieusement,lessouvenirsquesaprésenceencelieufitremonteràlasurfacedesamémoire
n’étaientpaslespiresqu’ellerecélait.SláineseremémoralejouroùelleétaitentréeauLuxuriala
premièrefois.Devait-elleyvoirlesigned’unnouveau…nouveaudépart?
LetriolongealecouloirmenantaubureauqueSiatrispartageaitavecSio.Soulagéedeconstaterque
lapièceétaitvide,Sláines’entenditsoupirer.Lajeunefemmenotalaprésencedecartonsnondéballés
déposésprèsducanapéencuirnoiraccoléaumuràgauchedelaported’entrée.Rienn’avaitchangé,
toujoursautantdepaperasseencombraitleplandetravaildubureau,lebarsursadroite.Même
l’odeurdelapièceétaitidentique,unmélange,harmonieuxetrassurant,composédesparfums
respectifsdesdeuxdémons.Sláinesesentittoutàcoupplusdétendue.Presqueàlamaison.
Siatrisetelleyavaientpassédenombreusesheuresensemblealorsqueledémonessayaitdefaire
rentrerdanssatêtelesprincipalesconnaissancesqu’elledevaitintégrer.Ouencoredurantlesséances
decontrôlementaletphysiqueauxquelsill’avaitsoumise.Ledémons’étaitmontréunprofesseur
inflexibleetefficacepourlamauvaiseélèvequ’elleavaittoujourspenséêtre.
SláineetMadimis’installèrentcôteàcôtesurlesofapendantqueSiatrisrapprochaitdeuxfauteuils,
maisserelevèrentpresqueaussitôtlorsquelaportes’ouvrit.SurAxiretSio.Sláinedéglutitavec
peine,soncœurmanquadedéclarerforfait.Siofitcommesilapièceétaitdéserteetsedirigeaversle
bureauderrièrelequelils’installa.Leregarddelajeunefemmeavaitsuivisasilhouetteavecun
intérêtteintédeméfiance,maisl’abandonnadèsquelesyeuxdudémonseposèrentsurelle.Cequine
l’empêchanullementd’enressentirlepoids.Cetteattentionsoutenuefutdésastreusepoursonrythme
cardiaqueautantquepourlemusclelui-même.Etquediredel’étatdesoncerveauoùl’envieplusque
pernicieusedeseruerdanssesbrasbataillaitcontrelepeudebonsensquiluirestait?
HeureusementpourSláine,Axirdétournasonattention.Encorequelajeunefemmen’étaitpas
certainequel’adverbesoitsiapproprié.
Axirsefitl’incarnationdelacourtoisie.D’uneinfernalebienséanceplusexactement.Aprèsavoirà
peinesaluéMadimid’unregard,sesyeuxincroyablementclairsrencontrèrentceuxdeSláinequidu
coupnesutplustropoùsemettre.
—Bonjour,délicieuseenfant,articula-t-ildesavoixeffroyablementmerveilleuse,s’emparantd’une
mainqu’elleneluiproposaitpas.
Troismots!IlavaitsuffiaudémondeprononcertroisinnocentspetitsmotspourqueSláinesemette
àrougircommeunecollégienne.Sansaucundouteenraisondel’intonationparfaitementimmorale
insuffléeauxdeuxderniersetdecequecelaavaitprovoquéchezelle:l’éclosionunedoucechaleur
aucreuxdesonventre.
Sláinesemorditlalanguepours’empêchercoûtequecoûtederépliqueruneâneriedugenre«qu’en
savez-vous?».
Lalueurmoqueusequitraversal’incroyableregardvertpâleappritàlajeunefemmequeledémon
lisaitenellecommedansunlivre.Cequinefitrienpourarrangerlacouleurdesesjoues.
Sláinebaissalesyeuxpouréchapperàceregard.Malluienprit;ilsfurenttémoinsdelarencontrede
sapeauavecleslèvresaffolantesd’Axir.
Ledémonauraitpusecontenterdeluifaireunbaisemain.C’étaitoublierqu’iln’étaitpasn’importe
quietsurtoutpascommetoutlemonde.Aulieud’effleurerledosdesamain,saboucheseposasur
l’intérieurdesonpoignetqu’ellecaressasuivantletrajetdesesveines.Ilsemblamêmeàlajeune
femmequ’Axirrespiraitsonparfum.Cecontactlafitfrissonner,donnanaissanceàdesflashes
sensuelsetérotiquesquifinalementenvahirenttotalementsonesprit.Elles’interrogeasurleur
provenance;émanaient-ilsréellementdedésirsdontellen’auraitpaseuconscience?
Non,plusprobablements’agissait-ild’unemanœuvredestinéeàluimontrerceàquoiluisongeait.
Oupourladéstabiliserplusencore.
Quoiqu'ilensoit,Sláineréalisaqu’ellen’yétaitpasaussiindifférentequ’ellel’auraitdû,oupenséle
devoir.
Flûte!
Sláineavaitdéjàrencontréledémon,maisl’examendontellefitensuitel’objetluipermitdeselivrer
aumêmeexerciceplusattentivementquejamais.
Commetoussessemblablesetplusparticulièrementceuxdesacaste,Axirétaitbeau,trèsathlétique,
grand,dépassantlemètrequatre-vingt-quinzeetportaitsescheveuxblonds,presqueblancs,très
longs,attachésencatogancejour-là.Lastupéfiantebeautédesonvisagedevaittout,selonSláine,àla
touchedeféminitéqu’ilrecelaitetquin’étaitpourtantpasl’apanagedesVovimslaplupartdutemps
d’unevirilitédévastatrice.
Chezcedémoncelle-cisemanifestait,serendit-ellecompte,essentiellementparcequiémanaitde
sonêtre,uneautoritéetunepuissancequiluisemblèrentpresqueintolérable,probablementdufait
qu’ellesetrouveaussiprèsdelui.
—Laissez-nousunmoment,ordonnaAxirtoutàcoup,faisantpresquesursauterSláine,lesilence
brusquementrompuyétantpourautantquesonmanqued'enthousiasmeàseretrouverseuleaveclui.
Elleselaissapresquetomberdanslesofa,étrangementpeusûredesesjambestoutàcoup.Lesyeux
rivéssursonnouvelangegardienquil’impressionnaitterriblement,Sláineentenditplusqu’ellene
vitsesamisetSioquitterlapièce.
Changeantradicalementd’attitudedèsqu’ilsfurentseuls,Axirs’assitprèsd’elleetluioffritun
sourire,unvrai,faitdesympathieetdesagesse.
—Racontez-moi,sollicita-t-il.Toutdepuisledébut,devotreenlèvementjusqu’àmaintenant,etavec
leplusdeprécisionspossibles.
J’aibesoindeconnaîtrelesfaitsdevotrepointdevueetaussidevousconnaîtrevous.
Sláinepritquelquessecondespourréorganisersespenséespuiss’interrogeasurlanécessitéde
parlerdesesentretiensavecTéli.C’étaitl’évidencemême.
Tentantdefaireabstractionduregardconcentrédudémonetdesonparfumsubtiletenvoûtant,Sláine
racontaetselivrapresquetotalement,nejugeanttoutdemêmepasopportundementionnerles
momentsqu’elleavaitpassésavecSiatris,sonaprès-midideshoppingouencoresespiercings.Point
n’étaitbesoindetenterundiabledéjàalléché.
Axirl’écoutatrèsattentivement,nel’interrompitpasuneseulefois,maistoutletempsquedurason
témoignage,ledémoncontinuadecaresserl’intérieurdesonpoignet,remontantparfoisunpeuplus
hautsursonavant-bras.Ceseffleurementsétaienttrèsagréables,relaxants,maisprirentfindès
qu’ellesetut.
—Avez-vousnotéunemodificationsensibledevotrelibido?luidemanda-t-iltrèssérieusement,
commel’auraitfaitunmédecins’enquérantd’unedouleurchezunpatient.
Sláinesecrispa,soupçonnantquel’indiscrètequestiontenaitduvoyeurismepuretsimple.Cen’était
enoutrepasunsujetprioritaire.
—Quelrapportav…
—Répondez.
Uninfimesourireglissasurleslèvresdécidémentsublimesdecedémonquidétournaleregardpour
leposerau-delàdelajeunefemme.
Enguisedebonnefoi?
—Je…j’ail’impressiond’êtreenmanque,avoua-t-ellefinalementduboutdeslèvres.
Sláineauraitjurél’entendrepenser:«Parfait!».
—Avecquiavez-vousprévudelecombler?
—Siatris.
Axirsecontentad’enprendrebonnenote,sisonhochementdetêtesignifiaitbiencela.
—Surtout,n’hésitezpasàcéderàtoutesvosenvies,luiconseilla-t-ilensuite,toujoursaussi
sérieusement.
Pourquoiavait-ellel’intuitionqu’ilneparlaitpasquedessiennesàelle?
—Travaillezsivouslesouhaitez,reprit-il,étudiez,maissurtoutlaissezvotrecorpss’exprimerlui
aussi.
Cefutautourdelajeunefemmederépondred’unsignedetête.
—Jesouhaiteraisquenousnousentendionsbientouslesdeux,luiconfia-t-ilensuite.Êtrevotreguide
nefaitpasnécessairementdemoivotreamiouvotreamant.
—Jesais.
—Maisçanesignifiepasquejeneleveuillepas.
Sláineneluidemandapass’ilparlaitdeleuréventuelleamitié.
—J’aimeraisquevousm’accordiezvotreconfiance.
Autempspourmoi.
—Jenesaispas,reprit-il,cequevouscomptezfaireàtitrepersonnelconcernantSioouVoan,mais
sijepeuxvousdonneruncons…
—Rien,lecoupa-t-elle.Jeneferairiendutoutparcequ’ilesthorsdequestionquejesupplieSiode
mepardonner,chosequ’iln’adetoutefaçonaucuneenviedefaire.
—Commentpouvez-vousenêtrecertaine?
—Jeleconnais.
—EtpourVoan?
—Jesuisunefemme.
—Etalors?Voanaimelesfem…
—Ahbon?raillaSláine.
—Oui.Etvouslesavez,insista-t-il.
—Peut-être,convintSláinedansunsoupirlas.Maispaslui.
—Rendez-luilamémoire.
—Ah!s’esclaffa-t-ellesansjoie.Riendeplusfacile!Non,maisfranchement,vousmevoyezme
pointerchezluilaboucheencœurpourleluirappeler,direàsonmecqu’ilaétébiengentildeme
garderVoanauchaud,maisquemaintenantilpeutdégagerparcequejeveuxlerécupérer?
Axirseretintdesourire.
—Unefoisdeplus,vousoubliezcertainsparamètresimportants.
—Non,serebiffaSláine.C’estvousquioubliezquejenesuispasdotéedesparamètresqui
conviennent.
—C’estfaux,badina-t-ilenjetantuncoupd’œilendirectiondesseinsdelajeunefemme.Vous
possédez…
—Dusuperfluquinel’intéressepas,l’interrompit-elleencore.
Axircommençaàmontrerlespremierssignesd’impatience,unelégèrecrispationdeseslèvresenfut
lamanifestation.
—Voanneserappellepasapprécierlesfemmes,çanesignifiepaspourautantquesoncorps,lui,
l’aitoublié.
—Encorefaudrait-ilqu’ilmelaissel’approcher.Étantdonnécequejesuisçan’arriverapas.
—Vousaveztoujoursréponseàtout,n’est-cepas?soupiraAxir,contrariéparlaténacitédelajeune
femmequil’amusaitnéanmoins.
Sláinehaussalesépaules.
—Trèsbien,alorsdevenezamieavecluietvoyezensuite.
—Amie?répéta-t-ellepresquehorrifiée.
—Ceseraitsiterrible?
—Frustrant,etjerisquededevenirinsupportable.
—Plusquemaintenant?demandaAxirenhaussantunsourcil.
Cettequestionluivalutunregardnoirquilefitsourire.
—Jepeuxfairepire.
—Jen’endoutepasuneseconde.D’ailleurs,n’est-cepasainsiquevouslesavezséduits?
—Jeneveuxpaslevoir,soufflaSláinesoudaincalmée,maissurtoutterrifiéeparl’imminencede
sonentrevueavecVoan.
Ellenesesentaitplussuffisammentvaillantepourl’affronter.
—C’estnécessaire,arguaAxir.
—Maisc’estvousmonguidemaintenant,pourquoiest-ceàluidecachermaguérison?
—Parcequec’estluiquis’estproposépourça.Etquoiquevousenpensiez,ilestplusprochede
vousquejenelesuis,ilvousconnait.Maissivouspréférez,nouspouvonsdemanderàSiode…
—Non!s’écriaSláineépouvantée.Est-ceque…est-cequ’ilvadevoirlireenmoi?
—C’estprobable,oui.
—Maiss’ilvoitmessouvenirs,il…
—Iln’irapasjusque-là,larassura-t-il.Ildoitévaluervotreétatpouradapterlebouclierquivous
protègera,c’esttout.Vousêtesprête?
—Non.
—Dommage,parcequ’ilarrive.
Chapitre17
Axirnementaitpas.Àpeineavait-ilprononcécesmotsquelaportedubureaus’ouvraitsurVoan.
—Désoléduretard,s’excusa-t-il.
AxirserelevaetseplaçadevantSláineluilaissantainsiquelquessecondespoursereprendre.Sielle
yparvenait.
Livide,Sláinesentitdeslarmesluimonterauxyeux.
—Aucunsouci,réponditAxir.Celanousapermisdefaireunpeumieuxconnaissance.
Necraquepas,necraquepas,necraquepas,s’exhortaitmentalementSláinetoutenessayantdese
rappelercommentrespirer.
Cettevoixgraveetensorceleuseluiavaitfaitmal.Aucœur.LaprésencedeVoandanslapièce,siprès
d’elle,maisdistantemanquadelaterrasser.Lajeunefemmecrevaitdetrouilleàl’idéedeposerles
yeuxsurlui.Soncœurbattaitàtoutrompre.Ellecroisasesbrassursapoitrinepourseprotéger,
dissimulerlestremblementsincontrôlablesdesesmains.Maissielleserecroquevillasursoncoinde
canapé,allantjusqu’àsedéplacerunpeupourtournerledosàlaporte,c’étaitpourtenterde
disparaître.
Fuir.Encoreunefois.NepasavoiràaffrontercequeVoanneressentiraitpasenlavoyant.
Axirprononçaalorstroismotsquimanquèrentd’avoirdéfinitivementraisond’elle:
—Jevouslaisse.
Quoi?Non!Ilnevapas…
Hébensi!AxirlalaissabienseuleavecVoan.
Letraître,le…le…TRAÎTREvenaitderefermerlaportesurlui.
Mainsdanslespochesarrièredesonpantalon,Voanjetauncoupd’œilverscequiàsesyeux
ressemblaitplusàunpetitanimalacculéetterroriséqu’àunejeunefemmecapabledefoutreles
jetonsàdesanges.IlnevoyaitdeSláinequesescheveux,lacourbedouced’uneépaule,l’arrondi
d’unehancheetsesjambescroiséesgainéesdetissunoir.Silhouettequineluirappelatellementrien
qu’ilsedemandaunefoisencores’ilsetrouvaitenprésencedelabonnepersonne.
Abandonnantleseuildelapièce,Voans’avançadanslebureau,lentement,pours’arrêterderrière
l’undesfauteuils.Mêmelàilnefutpasenmesured’envoirbeaucoupplus.Lajeunefemmesetenait
têtebaissée,paraissantluirefuserdélibérémentl’opportunitédevoirsonvisage.
Pourtant,pasunesecondeilnesongeaàl’accuserd’unmanquedepolitesse.Elleétaitperturbée.Ille
percevaittrèsnettement.
—Vousvoussentezbien?s’inquiéta-t-il.
—Pasterrible,non,luiréponditunfiletdevoixàpeineaudible.
—Regardez-moi,sollicita-t-ilensuiteleplusdoucementpossiblepournepasl’effrayer.
Sarequêteeutpourrésultatdefairesecrisperplusencorelajeunefemme.
Voann’étaitpasdénuédecompassion,comprenaitcequ’elledevaitressentiràcausedesmoments
difficilesqu’elleavaitendurés,maiscommençaitàsedemandersicetentretiendonneraitquelque
chose.À
mesurequelessecondesdéfilaient,lafilleserefermaitcomplètementsurelle-même.D’iciquelques
minutes,ilnepourraitplusl’atteindre.
—Jenevousferaiaucunmal,luiassura-t-il.Jevouslepromets.
—Jesais.
—Alorsoùestleproblème?demandaVoansanstenircomptedumanqueflagrantdeconviction
filtrantdansletondeSláine.
—C’estmoileproblème,grommela-t-elle.
Voansepermitunlégersourire.
—Maisnon.
—Si.Etjecroisque…quejevaistomberdanslespo…
Voanintervintjusteàtempspourrattraperlecorpsdelajeunefemmequis’affaissaitsurlui-mêmeet
auraitglisséàterre.Bienentendu,ilignoraitquecettepertedeconsciencedevaittoutàunepetite
interventiondeTélidécidéàaidersabelle.Ilétaitcertainqu’elleluienvoudraitmaiss’enmoquait.Il
l’avaitfaitpourelle.
VoanétenditSláine,aussilégèrequ’uneplume,surlesofa.Sichaudeaussicontreluiqu’ilse
demandasiellen’avaitpasdefièvre.
Écartantlesquelquesmèchesbrunesretombéessurlevisagedelajeunefemme,ilprofitadeson
inconsciencepourfairecedontellel’avaitprivéjusqu’icienrefusantdeleregarder.
Sapenséeimmédiatefutdeconfirmerqu’ilyavaiteffectivementunproblèmeaveccettefille.Elle
n’avaitaucuneplacedanssessouvenirs,neressemblaitabsolumentpasàl’imagequesamémoire
avaitgardéedecellehébergeantTéli,pasplusd’ailleursqu’àlafemmequ’ilavaitàpeineentrevue
surleparkingduLuxurialejourduretourd’Hadrien.Alorssoitelleétaitpasséemaîtressedansl’art
desetransformer,soitsamémoireétaitdéfaillante.Undysfonctionnementsélectifvisiblementparce
qu’ilsemblaitneconcernerqu’elle.
Au-delàdel’indéniablebeautédecettefi…femme,desoncharme,ilémanaitd’ellequelquechose
quiletouchaitbienqu’ilsoitimpuissantàsaisirdequoiilretournaitexactement.C’étaitcommeune
sensationdequiétudes’insinuantenlui.
Profondémenttroublé,Voanfronçalessourcils,s’agenouillaprèsdusofa,hésitaunesecondepuis
effleuralamaindeSláineduboutdesdoigts,pourconstaterquecetapaisements’accentuaitàson
contact.Sansluidemandersonavis,sesyeuxparcoururentlecorpsabandonné,desonvisage
adorableàsesjambesfuselées,glissantsurletissudesonchemisierépousantsesseins,sataillefine
emprisonnéedanslecuirdesoncorset.Autantdeféminitéétaitpresqueinvraisemblable.S’ilnevit
rienàredireausourirequinaquitsurseslèvres,cequiluiarrivaitàchaquefoisqu’ilcontemplait
unejoliechosedequelquenaturequecesoit,enrevanche,ils’interrogeasurcetteenviedelatoucher
encore.Ildevaits’agirdecuriosité.Pourcomprendrecequ’elleavaitdesidifférentdesautres
femmes.Oupourquoiilsedégageaitdesonêtreunesensualitétellequ’elleparvenaitàl’atteindre.
Follederage,immobiliséeparlesbrasdeTéliquilaretenaient,doscontresontorse,Sláinene
pouvaitfaireautrementqueregarderVoanagenouilléprèsd’elle.
MonDieu!Ilétaitsiincroyablementbeauqu’elleenavaitleslarmesauxyeux.Sláinecrevaitd’envie
deplongersesdoigtsdanssasurnaturellechevelurerouge,senoyerdanssonmerveilleuxregard
améthyste,seblottircontrelui.L’entendreluidirequ’ill’aimaitetqu’ilavaitenvied’elle.
Ellenesavaitpassisacolèreétaitdueàcetévanouissementprovoquéquilafaisaitenoutrepasser
pourunemisérablepetitechoseauxyeuxdugéant,aufaitqueTélil’aitéloignéedeVoanouàson
impuissanceàgérersesémotions.Sansdoutetoutceciàlafois.Maisplusencoreaufaitdesavoir
queVoanneluidonneraitriendecequ’ellepourraitdésirer,mêmesisavieendépendait.
Sláinesedébattitencorepourtenterd’échapperàTélidontlapriseseresserrasurelle.
—Pourquoias-tufaitça?serévolta-t-elle.
—Pourvous,chérie.Regarde-le.
—Non!s’écria-t-elle,fermantlespaupièresaussifortqu’elleleput.
Peineperdue,ellelevoyaittoujours;lascèneàlaquelleelleassistaitsedéroulaitdanssatêteetnon
devantsesyeux.
—Regarde,insistaTéli.Tunet’ensouvienspasmaisilréagitcommelapremièrefois,lorsqu’ilt’a
rencontrée.
Sláinenepouvaitquelecroiresurparole,maisn’osaitlefaire.Nelevoulaitpas.Ellenedevait
surtoutpasseraccrocheraufolespoirqueVoanseraitdenouveauàelleunjour.
—Ilaenviedetetoucherencore,luichuchotaTéliaucreuxdel’oreille.
—Ilneleferapas,répondit-elleamère.
—Non,maisc’estcequ’ilaimeraitfaireetc’estçaquicompte.
Celaavaitpeut-êtreuneimportancequeSláinen’étaitpasenmesured’apprécieràsajustevaleur
parcequ’encetinstantsoncœurétaitsurlepointd’exploseretsonespritdepartirenvrille.
—NesoispastropdureaveceuxSláine,repritTéli.Ilsontsouffertautantquetoietonttoujoursmal,
mêmes’ilstelecachentouselecachentàeuxmême.
—Luinesouffrepas,opposa-t-elle,parvenantàeffacerl’imagedeVoandesonesprit.
C’étaittropdouloureux.
—Ilest…serein,heureux,rienneluimanqueparcequeceluiqu’ilaimeestàsescôtés,poursuivitelle.C’estlaseulechosequiimporte.Pourlui.
—C’estfaux,il…
—Jen’aipasledroitdem’accrocher.Etjen’aiaucunmoyendel’obligeràsesouvenirdemoi.
Alorsjejettel’éponge.
Articulersesderniersmotsluiarrachalecœur.
Stupéfait,TélirelâchaSláineetlafitpivoterunpeubrusquementsurelle-même.Ladétermination
qu’illutdanssonregardneluiplutpasdutout.
—EtSio?demanda-t-ilavecanxiété.
—Pareil.Ilneveutplusdemoi.
—Tulesabandonnes?!
Téliétaitatterré,n’osaitcroirequeSláineallaitvraimentfaireça.Ilnefallaitpas!
—Ilsn’ontpasbesoindemoi,argua-t-elle.Neveulentplusdemoi.
—Jesuisdéçu.
—Jesais.Maisjem’enfous.
Vexéetprofondémentblessé,Télidisparut,laissantSláineseuleavecelle-même.Cequ’elleserait
plusquejamaissiellepersistait.Illaconnaissaitbienpourtant,maisn’avaitpasimaginéquedeson
ingérencerésulteraitcettecatastrophe.Lechocavait-ilététropfort?Luiavait-ilvraimentfaitperdre
l’espritpourqu’ellechoisissecetteoptionplutôtquetouteslesautres?Était-cedesafaute?S’était-il
trompé?
Téliauraitaussipuluirappelerquesonrefusd’espérer,lasouffranceàlaquelleelles’exposaitle
toucheraitluiaussietquecen’étaitpasunebonnechose.SapetiteSláineavaittendanceàoublier
qu’ilressentaitcequ’elleéprouvait.
Cecidit,endépitdel’entêtementdontillasavaitcapable,elleneseraitpasenmesuredesuivrecette
lignedeconduitebienlongtempsselonlui.
Maismalheureusement,laroutequ’elleavaitdécidéd’emprunterétaitlaplusescarpéeetsurtout
longeaitl’abîme.Lessentimentsetl’espérancedeSláinefiniraienttôtoutardparrefairesurface;
Téliescomptaitbienqu’ilsl’éloigneraientalorsdugouffre.
Voanavaitmisàprofitl’inconsciencedeSláinepourévaluerl’énergierecéléeparsonessence;
celle-cis’étaitavéréebiensupérieureàcequ’ilavaitestimé.Ladissimulerauxangesseraitplusardu
queprévu.Maispasimpossible.Néanmoins,ilnepourraits’enchargerseul.
Iln’avaitpasprislalibertédes’aventurertroploindanssonespritsansautorisation.Cequinel’avait
pasempêchédepercevoirlechaosrégnantenelle,sacolère,satristesse,touteslesémotionsy
bouillonnant,savulnérabilité,choseque,avait-ilcompris,elletentaitdedissimulersoigneusement
d’ordinaire.
LesyeuxrivéssurlevisagedeSláine,Voanguettaitsonretourquisemblaitimminent.Elleétait
moinspâle,sespaupièresfrémissaient.
Lajeunefemmeportasamainàsonfront,maisnesemblaittoujourspasdécidéeàouvrirlesyeux.
—Jesuistombéedanslesvapes,murmura-t-ellepourelle-même.
—J’aibienpeurqueoui.
LacaressedelavoixgravedeVoanlafitfrissonnermalgréelle.
—C’estcomplètementnul,soupira-t-elle.
Cesmotss’appliquaientàcefrissonqu’elleauraitsouhaitépouvoirréprimer,àsonpseudo
évanouissementautantqu’àcequ’ellevenaitdedireàTéli.Elleavaitconsciencedelapeinequ’elle
venaitdeluifaireets’envoulait.Seulementçaaumoinsellesavaitgérer,avaitl’habitudequeson
comportementdéçoiveoufassedumalàsesproches.Quantàcequ’elleavaitdécidéconcernantSio
ouVoan,elleestimaitquec’étaitlameilleuresolutionpourtoutlemonde,elleycomprit.Elleétait
lucideets’apprêtaitàsouffrir,maismoinsquesielles’accrochaitsansdoute.Toutetentativeresterait
vaineet,ça,ellenelesupporteraitpas.Donc,ellen’avaitpaseud’autrechoix.Elleavaitnéanmoins
prisbonnenotedesmotsdeTéliquantàlasouffranceressentieparSioetcelle,supposée,deVoan.
Sláinen’avaitaucuneintentiond’enrajouterunecouche,d’inscrireelle-mêmedesgriefs
supplémentairesàsonencontresurleurslistespersonnellesensemontrantdésagréableaveceux.
Saufs’ilslecherchaientbienentendu.Elleneconsidéraitpasquesondésistementconstitueunréel
abandonparcequ’ellecontinueraitàlesaimerquoiqu’ilarrive.Seulementsonamourétaitàsens
unique.
Elleétaitparvenueàvivreunetrentained’annéessansaimerquiquecesoitendehorsdesesparents.
Ens’interdisantd’aimerplusexactement.
Ellepouvaittoutàfaitreprendresesvieilleshabitudes.Retourneràsonanciennevie.ParcequeSláine
n’avaitaucuneintentionderesterchasteetétaitdéterminéeàprofiterdesavantagesapportésparce
qu’onluiavaitfaitdécouvrir.Ellen’étaitpasunesainte,nel’avaitjamaisétéetl’abstinenceétaitune
professiondefoiàlaquelleellen’adhéraitpas.
Fortedesesrésolutions,Sláinesesentitenfinenmesured’affronterVoanqu’elledécidanéanmoins
d’éloignerd’elle,dequelquesmètresdansunpremiertemps.
—Jepourraisavoirunverred’eau,s’ilte…s’ilvousplaît?
—Seulementdel’eau?Pasquelquechosedeplusfort?
—Del’eau,çairatrèsbien,l’alcoolnemeréussitpas,rajouta-t-elleavecundemi-sourireense
remémorantlaseuleetuniquecuitedesavie.
Celan’avaitrieneudedrôlepourtantquandonsongeaitàcequil’avaitpousséeàboireunedemibouteilledevodka.Enrevanche,cequis’étaitproduitensuiteavaitété…
Inutilederepenseràçanonplus.
Sláineattenditd’entendrelespasdeVoans’éloignerendirectiondubarpourseredresserets’asseoir.
Elleglissasesdoigtsdanssescheveuxpourserecoifferpuisjetadiscrètementuncoupd’œilverslui
etdutréprimerlegémissementdedésir,d’impuissanceetdedouleurmêlésquivoulutluiéchapper.
Elleauraitpupasserdesheuresàlecontempler.Habilléilétaitàsedamner,nuil…
Mieuxvalaitoublierçaimmédiatement!
Malheureusement,Sláinesentaitsadéterminationcommenceràsecraqueler.Déjà?
Merde!
—Qu’ya-t-il?voulutsavoirVoanquil’avaitentenduejurerenpensée,maissurtoutrevenaitvers
elle.
Zutdezut,j’avaisoubliéça!
—Riendutout,marmonna-t-elleleregardbaissésurlamoquette.
—Tenez.
Sansréfléchiràlagrossièreerreurqu’ellecommettait,Sláinetenditsamainversleverred’eauque
Voanluiprésentait,enlevantsonvisageverslui.
Deuxjuronsrésonnèrentdanslapièceenlieuetplacedesonmotderemerciement.
CeluideSláineavaittroiscauses:sesdoigtsavaientparmégardeeffleuréceuxdeVoan,lui-même
ayantbrusquementlâchéleverrepourdieusavaitquelleraisonetl’eaus’étaitrépanduesurson
chemisier.Maislepiredetoutavaitétédedécouvrirleregarddugéant.Sonsibeauregardviolet,
celuiquiavaiteuledon,dansuneautrevie,del’apaiserdetouteslesmanièrespossiblesétaitdevenu
aussinoirqueceluideSio.Elleenauraitpleuré.Cequ’ilrestaitdesoncœurseflétrit.
Baissantànouveaulatête,Sláineseraisonna.Finalementc’étaitmieuxainsi.Ellen’auraitplusla
tentationdeleregarder.Danslesyeux.
Etcen’étaitpluslui,plussonVoan.
Pourunpeu,elleseseraitpresquesentiemieux.
Presque.
Quantàl’exclamationdeVoan,ellen’étaitduequ’auregarddeSláine.
Sesyeux!Ilneparvenaitpasàcroirequecessplendidesiris,ceuxqu’ilavaitdéjàeul’occasionde
voirdanssonesprit,quiluiavaientfaitmaloul’avaientdérangé,appartenaientàcettefemme.Etilne
comprenaitpaspourquoi,aprèsavoirétinceléunefractiondeseconded’unetendresseinouïe,le
regarddeSláineétaitbrusquementdevenuglacialcommesouslecoupd’unehainefarouche.Jamais
personnenel’avaitregardéainsi,qu’ils’agissedel’unoul’autredecesdeuxsentiments.
Ileutlatrèsdésagréablesensationd’unpiègeserefermantsurlui;sanscomprendrepourquoi,ilne
voulaitpasqu’ellelehaïsse,maisn’étaitpascertainnonplusdedésirerunequelconqueaffectionde
sapart.
Sortantdesaparalysieetrevenantàlaréalité,ilcillaets’intéressadenouveauàSláinequis’était…
Échappée?
…levéeetéloignéeendirectiondubaroù,muniedeserviettesenpapier,elleépongeaitses
vêtements.Ilnelavoyaitunefoisdeplusquededos.
Pourquoirefusait-ellesystématiquementqu’illaregarde?Qu’avait-elleàcacher?
—Quiêtes-vous?luidemandaalorsVoanfroidement.
Ilnevoulaitpaslarejoindreets’approcherd’elle,maisfitquelquespasdanssadirection.
—Sláine,répondit-elleplatement.
—Jeconnaisvotreprénom,s’impatienta-t-il.Jeveuxsavoir…
—Jesuislaresponsabledelafaille,unepartdeTéliestcoincéeenmoietj’aiétékidnappéeparun
angesurordred’autresanges,débita-telled’untonmonocordecommesiellerécitaituneleçon.Voilà
quijesuis!
—Tournez-vousetregardez-moi.
—Non.
Sláinen’avaitaucuneenviedelefaire.Àlavéritéelleavaitunsoucitechnique.
Neportantpasdesoutien-gorgesoussonchemisierdevenucomplètementtransparentàcausede
l’eauettendusursapoitrine;ellen’osaitpasluiimposerça.
SiVoanavaitétéceluiqu’elleconnaissaitetaimait,elleseseraitfaitunplaisirdeselivreràson
regard,sesmains,sa…
Assez!
—J’aidit:tournez-vous,ordonnaànouveaulegéant,justederrièreellecettefois-ci;ellesursauta.
Sláinen’obtempéranttoujourspas,Voanpritsurluideposerlamainsurellepourlafairepivoter.Et
commeunfaitexprès,sonregardseposaprécisémentlàoùiln’auraitpasdû.
—BonDieu!jura-t-ilenforçantsonregardàremonterversceluideSláinequisedérobaausien.
Ileutbeaufaire,ilfutmomentanémentincapabledepenseràautrechosequ’àcequ’ilvenaitdevoir.
Pire,ilsedemandaitsielleaimeraitqu’il…
—Jesais,c’estmoche,marmonnaSláineentresesdentsenfaisantvolte-face.
Moche?Oùavait-elleétépêcherqu’ilpouvaittrouverunepoitrinerepoussante.Oulasienneplus
précisément.Etsurtout,pourquoiavait-ill’intuitionquecequ’ilenpensaitpersonnellementcomptait
pourelle?
Pourcequ’ilavaitpuenvoir,sesseinsétaientparfaitsmaisilneleluidiraitpas.
—Jepeuxvousdirequelquechose?luidemandaVoan,croisantsesbrassursontorse,leregard
vissésursondos.
—Faites,grommela-t-elle.
—Jevaisêtrefranc.Jen’airiencontrevous,cependantjepréfèrequeleschosessoientclaires.Vous
êtescharmantemais…
—Charmante?explosa-t-ellecommes’ilvenaitdel’insultermortellement.
Elleseretournavivement,pourlefusillerduregard.
IlétaittoutàfaithorsdequestiondelaisserVoanprononcercequ’ils’apprêtaitàdire.Ellepouvait
supporterbeaucoupdechoses,maispasça.
Ellenevoulaitpasl’entendreluidirequ’elleétaitjoliemaisfemmeetquecetétatdefaitétait
rédhibitoire,maisqu’ilspourraientnéanmoinssecôtoyerenbonneintelligence.Elledevaitmettreles
chosesaupointimmédiatement,toutfairepourqu’ilnes’occupepasd’elle,l’éloigner.
C’étaitdevenuvital.
—Non,cen’estpascequejesuis!reprit-elletoujoursaussiagressivement.Etsurtoutpasàvosyeux.
Jesuisunefemme,uneemmerdeuseplusexactement,quin’aimepascequ’elleest,n’aimepasce
qu’elleestdevenuenicequ’elleestobligéedefaire.Maisjen’aipaslechoix,pasmêmeledroitde
disparaître.Alors,mettezvousbiendanslatêtequejenesuisabsolumentpascharmante,quejeme
fichecommed’uneguignedecequevouspensezdemoi,decequevousfaites,avecquivousle
faitesetquevousdevriezfairedemême.C’estassezclairpourvous?
Fascinéparlesyeuxdecettefemme,Voanneréagitpasimmédiatement.Derrièrelesflammesdela
colèrecouvaitautrechose.
Unesourdedouleur.Lapenséeden’yêtrepasétrangerl’effleura.
—Ceserait-ilpasséquelquechose?murmura-t-ilsanslaquitterdesyeux.Entrenous?précisa-t-il;
ilvoulaitenavoirlecœurnet.
—Non,luiassuraSláine,leprivantànouveaudesonregardqu’elleposaunefoisdeplussurla
moquettedubureau.
Ilnelacrutpas,maisn’insistapas,renduperplexeparl’étincellequ’ilavaiteuletempsdesurprendre
danssesiris;ilauraitjuréquec’étaitdelarépulsion.
Qu’ils’agissedesonphysiqueoudesonorientationsexuelledontmanifestementelleétaitinformée,
jamaisiln’avaiteul’occasiondelirecesentimentdansunregard.Étrangement,qu’ellen’apprécie
passonhomosexualitéouqu’elleensoitchoquéelechagrinaitmoinsquelefaitdenepasluiplaire.
Probablementparcequ’iln’étaitpashabituéàunetellechose.
Passantoutrecesconsidérationssommetoutesecondaires,Voanressentitlebesoindesavoircequila
poussaitàjouerlesenquiquineuses.
Ilétaitpresquecertainquesonattitudeétaitdélibérée,queSláinejouaitunrôle.Cequ’ilavaitperçu
d’elleunpeuplustôtallaitàl’encontredecequ’elleessayaitdemontrer.Alors,dansquelbut
agissait-elle?Dissimulersavulnérabilitéparcequ’ellelajugeaitinadmissibleouyavait-ilune
raisonplusprofonde?
—Pourquoifaites-vouslevideautourdevous?articula-t-iltoutbas.
Pourquoivouloiràtoutprixêtreseule?
—Bordel!Uneséanced’analysemaintenant!soufflaSláineenroulantdesyeux,selamentant
intérieurementdelaperspicacitédeVoan.
—Vousnevoulezpasrépondre?insistaVoantoujoursaussidoucement.
Sláineexpiraprofondémentpuistrouvalecouraged’affronterlesombreregarddugéant.
Qu’aurait-ellepurépondre?Qu’elleadoptaitcecomportementparlâcheté,parpeuroupargoûtdu
martyr,qu’ellenevoulaitplusselaisserapprocherparcequ’elleavaitmaletestimaitqueceuxquile
faisaientfiniraientparsouffriraussiouquesessentimentsluipermettaientdeleregarderaimer
quelqu’und’autrequ’elle?
Ellenepouvaitdécemmentpasluirévélersavéritablemotivation.Etluinepouvaitl’entendre.
AlorsSláinefitlaseulechosedontelleétaitcapable:leregarderdroitdanslesyeux.
Voanseperditdansceregardsibleu,tristeetdur,tendreetfarouche.
Leseulvrairegardqu’elleluiaitoffertjusqu’ici.
Ils’ysentitbien,apaisé,compris.Siproched’elle.
Ylsi,quantàlui,nepouvaitdirequ’ilsesentaitbienouqu’ilcomprenaitcequiluiarrivait.Depuis
qu’ilavaitrenduSláineàsavie,ilpatientaitdansl’undesplusluxueuxhôtelsdelaville.Iln’avaitpas
réintégrésadimensionetneleferaitquelorsqu’ilseraitcertainquesamissionavaitétémenéeàbien.
Cequinesauraittarderàencroirecedontilavaitététémoin,maisplusencoreàcequ’ilpercevaitde
lafille.Peuimportaitquesoncorpsaillemieux,cequicomptaitc’étaitsonmental.Ilsentaitqu’elle
tentaitdeluttercontreladéprime,maiségalementquesessentimentstoujoursaussipuissants
rongeraientinexorablementtouteslesdéfensesqu’ellepourraitdévelopper.Sachutemettraitpeutêtreplusdetempsàsurvenirqu’ilnel’avaitprévu,maisYlsinedoutaitpasqu’elleinterviendrait.Tôt
outardellecommettraituneerreur.
C’étaitd’ailleurscequ’ilavaitassurélaveilleàl’undesescommanditairess’enquérantde
l’évolutiondelasituation.Riennel’horripilaitplusqueleurimpatienceautoritaireetleur
surveillanceconstante,toutangequ’ilsoitlui-même.Encorequ’ilyaitunedifférencenotableentre
sanatureetcelledeces…etlaleur.Iln’avaitdoncpaspul’envoyeraudiablecommeilaurait
souhaitélefaire.
Néanmoins,deuxchosesletracassaientpassablement.S’ilétaitparvenuàlesdissimuleràson
visiteur,ilnepouvaitselescacheràlui-même.Cetteespècedeculpabilitétoutàfaitdéplacéequine
lelâchaitpluspourcommencer.Encorequecenesoitpasleplusgravemêmes’iln’avaitpaspour
habitudedes’embarrasserdescrupuleslorsd’unemission.Non,leplusperturbantétaitqueses
penséessetournaientsystématiquementversSláine.Àsoncorps.
Lalogiqueauraitvouluquel’abstinenceàlaquellesamissionlecontraignaitlefassefantasmersur
cellesqu’ilavaitl’habitudedefréquenter,passurelle,cette…humaine.Seulement,ilnepouvaitplus
nier,etréitérerl’expériencevécueavecelle,voiremenercelle-cijusqu’àsontermenaturel,lui
paraissaitbeaucoupplusséduisantquecelanel’auraitdû.Ylsiauraitmêmepudirequ’ilsesentait
bizarredepuisqu’ils’étaitretrouvéseul.Commesoumisàuneprivationdemoinsenmoins
supportable.
Non,non,non,impossiblequecesoitcela!Ildevaitnécessairementyavoiruneautreraisonplus
satisfaisante,correcte,moins…dégradante.
Chapitre18
PrétextantaccorderquelquesminutesderépitàSláine,Voanl’avaitabandonnéedanslebureau.
Profondémentperturbéparcequ’ilvenaitd’éprouver,enréalitéilavaitcarrémentprislafuite.Il
avaitbesoinderéfléchir,deserassureretavaitmêmeététentédeseprécipiterdanssonloftpoury
retrouverHadrien,histoiredevérifierqu’ilressentaittoujourslamêmechoseenposantlesyeuxsur
lui.Ilavaitbesoindeletoucher,lesentircontrelui.
BonDieu,cettefemmeétaitparvenueàlefairedouterdesespropresémotions!Parquelmiracle
pouvait-ilsesentiraussibienauprèsdecettefillealorsqu’ilnel’aimaitpasnineressentaitaucun
désirpourelle?Oh,ilneniaitpasqu’elleétaitjolie,très,quecequiémanaitd’elleletroublait.
Maisellen’enrestaitpasmoinsfemme,c'est-à-direincapablededonneràsoncorpscedontilavait
envie,comprendreousavoircedontilavaitbesoinexactement.
Ànouveauétenduesurleconfortablesofa,SláineréfléchissaitàsonentrevueavecVoan.
Plusexactementc’estcequ’elleauraitfaitsiTélines’étaitpasànouveaumanifesté.Pourluifairela
leçonetlapunirprobablementsielleinterprétaitcorrectementsonairduretladistancequ’ilmit
entreeuxenprenantplacederrièrelefauteuillepluséloignéd’elle.
—Tuescontentedetoi?fulmina-t-il.
Sláinesoupiraprofondément,seredressaetl’observaunmomentensilence.Télisemblaitsiremonté
contreellequ’ellecraignituninstantqu’ilnel’abandonne…enfin,non,ilnepouvaitpas,tousdeux
étaientinséparables.Maisilétaittoutàfaitcapabledesevenger.
—Non,murmura-t-elleenessayantd’accrochersonregard.
Ilneleluipermitpas;elleenconçutuneprofondetristessequin’eutd’égalquesapeurqu’ilsoit
réellementfâchécontreelle,ouincapabledecomprendrepourquoielleavaitagiainsi.Sláinebaissa
latête.
—Jesuisdésolée,souffla-t-elle.
—Désolée?répéta-t-ilplusencolèrequejamais.Pourqui?Lui?
Toi?Moi?
—Pourtoutlemonde.Maisjen’aipaslechoix,jene…
—Si,tuavaislechoix,lacoupa-t-ildurement.Celuidemefaireconfiance.Maistun’enfaistoujours
qu’àtatête,tunem’écoutespas!
—C’estfaux,serévolta-t-elle,je…
—Ettutefichesdecequejepense,luirappela-t-il.Alorscettefois-ci,jenet’aideraipas,tudevraste
débrouillertouteseule.
Paniquée,lajeunefemmerelevabrusquementlenez,sonregardtrouvantimmédiatementceluide
Téli,assombriparlacontrariété.Elleylutqu’ilnes’agissaitpasd’unemanœuvrepourlafaire
réagiroud’unemenaceenl’air.C’étaitlavérité.Elleenrestasansvoixetfutglacéejusqu’auxospar
lesoudainvided’énergiequ’elleressentitdanssoncorpsaussibienquedanssonâme.
—Jeseraislàpourt’expliqueroutedirecequetudoissavoir,repritTélid’untonneutre.Maispas
pourtoi.Inutiledecomptersurmoipourrattraperteserreursdejugementouteconseilleràtitre
personnel.
—Téli,non…soufflaSláineatterrée.Nem’abandonnepastoiaussi.
J’aibesoindetoi.
MaisTélinevoulaitrienentendreetdétournalesyeux.Lajeunefemmecrutqu’ilétaitécœuréetne
supportaitplusdelaregarder.Ilnel’étaitpaslemoinsdumondeetn’aimaitpasdutoutcequ’ilétait
entraindefaire.Ceàquoiellelecontraignait.
Lecœurqu’ilnepossédaitpasréellementseserra.Parcequ’ilfaisaitsouffrirl’undesseulsêtres
qu’ilaitjamaisaimés.
—Jevaistedireunedernièrechose,rajouta-t-ilenselevant,lesyeuxrivéssurlesommetdeson
crânepuisqu’elleavaitrebaissélatête.Àtoid’entenircompteoupas.Ylsipensebeaucoupàtoi.Età
cequevousavezfait!Touslesdeux…
*
**
—Cequenousavonsfait?m’écriai-je,bondissementlittéralementdusofa.
Télis’étaitdéjàévaporéetnemeréponditpas,pasmêmedansmatête.
Enfouissantmomentanémentdésarroietsolitudequi,jen’endoutaispasuneseconde,mesauteraient
dessustelleuneaffreusemygaledèsqu’ilsenauraientl’opportunité,jefouillaismamémoirepour
essayerdecomprendrecequecesmotssignifiaientexactement.
Jen’avaisjamaisrienfaitavecce…cebougredesalopardd’angeàlanoix.Etcertainementpasce
qu’impliquaitletonutiliséparTélipourmefairecomprendrequ’ilneparlaitpasd’unepartiede
cartes.
Lesseulssouvenirsquejegardaisdecetindividuétaientceuxdemonenlèvement,ceux,plusvagues,
demonréveildanslachambred’hôteletceux,malheureusementencoretropvivacesdecequis’était
passéparlasuite.Àaucunmomentilnes’étaitproduitunquelconquerapprochemententrenous.À
moinsque…
—Non!merévoltai-jementalement.Ilm’aditque…Téli,dis-moiqu’iln’apasabusédemoi,
l’adjurai-jeauborddeslarmes.
Enfait,jel’imploraicarrément,maisilnemefitpaslagrâcedemerépondre,pasmêmepourme
rassurer.
Jenepusqu’enconclurequel’angem’avaitmenti,etfusprised’unirrépressiblebesoindeprendre
unedouche,demerécureravecunbonvieuxgantdecrindepréférence,uneloofaauraitététrop
doucepournettoyercettesouillure.
Larépugnantearaignéemetombadessusàcetinstant,mefaisantretomberlourdementsurlecanapé,
seshuitpattesseresserrantcommeunétauautourdemoi.J’avaismal,froid,mesentaissalieau-delà
desmots.
Abandonnéeaussi.Etcomplètementidiotepar-dessuslemarché.
Pourquoiavais-jepromisàTélide…
—Merde!Faischier!m’exclamai-jeenréalisantquetoutevelléitédesuicidem’avaitquittéecequi,
selonmoi,devaittoutàMessireTéliquisemêlaittoutdemêmedemavie.
Parcruauté,songeai-je.
Pourm’obligeràaffronterlabellemerdequ’étaitdevenuemavie,sentimentalesurtout.Monœuvre.
Lesimplefaitdepenseràsoulagermonmal-êtreendisparaissantd’unemanièreoud’uned’autreme
donnaitdeshaut-le-cœur.
Àdéfautd’annihilation,j’auraisvoulupouvoirsombrerdansunsommeilsansfin,oùj’auraispu
rêverdel’existencequejesouhaitais,oùjen’auraispasétécellequej’étaisoudevaisdevenir,oùles
angesmefichaientlapaix,oùl’onn’attendaitriendemoi.Riend’autreentoutcasqued’aimerceux
quej’avaischoisis.Etoùj’étaisaiméeenretour.
Monétatd’espritdumomentmemontraitquec’étaitimpossible,enrêveoudanslaréalité.Jen’avais
paslecouragedem’atteleràcettetâcheincommensurable.
Peut-êtrequel’enseignementdeSiatrismepermettraitdeparvenirunjouràfuirmonexistencepour
plongerdansuneviecrééedetoutespiècesparmaproprevolonté?Nonmaisjedébloquaisàplein
régimepoursouhaiterunechosepareille!Quipouvaitdésirerdevenirschizophrène?
Etj’étaislâchequiplusest.Biendesgensparvenaientàrevivreaprèsdesblessurespiresqueles
miennes.Enplus,jen’étaismêmepascertainequ’Ylsiaitvraimentabusédemoi,maisdeplusenplus
convaincuequeTélimel’avaitlaissécroirepourmepunir.Moncorpsnem’avaitjamaisdonné
l’impressiond’avoirétéprofané.Doncenréalité,ilnes’étaitrienpassédutout.Jem’entendis
soupirerdesoulagement.
Ouimaispeut-êtrequ’ilvoulaitmelaisserpenserquesinousavionsfaitdeschosesensemble,c’était
demonfait,moiquil’avaisprovoqué,aguichéet…Maisnon!Impossible,j’étaisinconsciente.Et
mêmesimalibidoétaitjoyeuse,jen’étaispasperverseàcepoint.
Ilmefallutbeaucoupdevolontépourchasserlesargumentss’opposantàcettequasi-certitude,
notammentceluiconcernantlePrincipequim’avaiteffleurée.
Beurk!
J’orientaidoncdélibérémentlesvagabondagesdemespenséesversSiatris.Luim’aimait,j’enétaisà
peuprèscertaine.Madimiaussi,oupresque.
Qu’avais-jebienpufairepourmériterça?Rien.D’autantquejeprofitaishonteusementdeleurs
sentiments.Jemedécouvrisalorsprofondémentégoïste.C’étaitmoche.Maiscetattachementétait
pourtantlaseulechosequ’ilmerestaitetjenevoulaispaslaperdre,mêmesicelafaisaitdemoiune
personneencoreplusméprisablequejepensaisl’êtredéjà.
L’accablementlaissantplaceàunesainecolère,saineparcequedirigéecontremoi,ainsiqu’àun
impérieuxbesoinderetrouvermesamis,jetrouvaislecouragedemereleveretmedirigerversla
portedubureau.
Lamainposéesurlapoignéedelaporte,jem’apprêtaiàtournerlafoutuepagedecefoutumauvais
livrequ’étaitmavie.
J’avaisenviedetoutdéchirer,lapageetlebouquinentier.Pourtoutréécrire.Pasuncontedefées,
mêmegaminejen’avaisjamaisétéfandesprincescharmants.Pasassezviril.Non,justeunebelle
histoire.D’amour.
Maisoui,c’estça!
Seulementtoutuntasd’histoires.Courtesetérotiques,ceseraitdéjàpasmal.
Detouteslespersonnesquejem’attendaisàtrouverderrièrelaporte,iln’enrestaitqu’une.Adossé
aumurducouloir,brascroiséssursapoitrine,Siomontaitlagarde.Ildevaitavoirlesyeuxrivéssur
lepanneauetmeguetterpeut-êtreparcequemonregardrencontratoutdesuitelesien.
Chocfrontalquifaillitbienavoirraisondemoi.
Ohmisère!
Pourquoifallait-ilqu’ilsoitaussibeau,avecsonvisageimpénétrable,sonregardaussiobscurquela
plusnoiredesnuits,aussibienfoutu,cequesonpantalonencuirmoulantetsont-shirtajustése
faisaientundevoirdesouligner,aussisexyetattirant?
Laflambéededésir,brutale,primaire,malvenueetsurtoutinutilequis’emparademoineluiéchappa
nullement.C’estcequejeconclusentoutcasdupetitsourireencoinétirantseslèvres.
MonDieu,sabouche…
—Tucomptaisallerquelquepart?medemanda-t-ilsanscesserdemeregarder.
Lesvibrationsdesavoixmerveilleusementgravenefirentrienpourarrangermonétat.Jedus
réprimerlefrissonquecettecaressefitnaître.
—Non,je…jepensaisqueSiatrisseraitlà,parvins-jeàrépondred’untonàpeuprèsferme.
—Désolé,iln’yaquemoi,m’informa-t-ilenquittantsonpostepourserapprocher.
Bienentendu,jereculai,pourmeretrouveraussitôtpriseaupiège.
Enferméedanslebureau.Seuleavecluiquisetrouvaitêtreappâtautantquecollet.
—Qu’est-cequetuveux?glapis-je,prised’uneangoissesoudaineàl’idéedecedontilétaitcapable.
Siorespectantunnoman’slandacceptable,jeprissurmoidenepasmedéroberplusencore.
—Parler.
—Pardon?m’exclamai-jestupéfaite,écarquillantlesyeux.
Siovoulaitmeparler?Àmoi?
Ouais,biensûr,c’étaitdupipeau!
—Dequoi?m’entendis-jenéanmoinsluidemander.
—Commentvas-tu?
Jedevaisrêver.Ouavoirététéléportéedansuneautredimension,unmondeimaginairepeupléde
créaturesextraordinairesetd’unSioraisonnable,calmequisesouciaitdemoietvoulaitdiscuter.
—Jemesuisdéjàsentiemieux,articulai-jeprudemment,plissantlespaupièrespourtenterderepérer
l’entourloupe.Ettoi?Siatrism’aditque…
—Jenesuispaslàpourparlerdeluioudecequetufaisaveclui,maisdenous,m’informa-t-ilen
reprenantsonavancée.
Memordantlalanguepourm’éviterderépliquerquej’étaissurprisequ’ilyaitencoreunnous,je
reculaiaussilentementqu’ilserapprochait.
Jusqu’àcequetoutefuitemesoitinterditeparlebureaubutantcontrel’arrièredemescuisses.
Esquivermefutégalementimpossible,Siosepenchaversmoietagrippalereborddumeuble,de
partetd’autredemeshanches.
Quelquechosedanssafaçondemeregarder,danssonattitudeséductrice,m’indiquaitqu’iln’étaitpas
particulièrementmalveillant.
Moinsquelaveille,entoutcas.Jerestainéanmoinssurmesgardes,cepouvaitêtreunleurre.
—J’aiunepropositionàtefaire,reprit-il.
L’unedesesmainss’élevapours’emparerd’unemèchedemescheveuxqu’ilobservaglisserentre
sesdoigtsavantdem’offrirunregarddeveloursnoir.Samainsereposaensuitebiensagementprès
demacuisse.
Savoixgraveetsexy,qu’ilsavaitmoduleràlaperfectionpourmefaireperdretousmesmoyens,
provoqualespremiersdommagessurladistancequej’auraissouhaitéconserver.Sesyeuxse
chargèrentdureste.
—Jet’écoute,soufflai-je.
—Jeteveux,m’informa-t-iltoutbas,d’unevoixparticulièrementcharnelle,ensepenchantsurmoi.
—Vraiment?
Seslèvrescaressèrentmajoue,allantetvenantlentementsurmapeau.
Sonsoufflemechatouillait.
Jeretinsmarespirationettentaidegarderlatêtefroide,moncorpsluis’étaitdéjàenflammé.
—Oui.
Bon,OK.Oùétaientlespetiteslignesducontrat,cellesquivousmettentengénéraldanslepétrinsi
vousneleslisezpasavantdesigner?
—Etjesaisquetumedésiresaussi,reprit-il.Ilmesuffitdeteregarder,tetoucherpourquetu
t’embrases.
Ilavaitraisonetlesavaitaussibienquemoi.Maisilfallutqu’ilvérifietoutdemême.Ànouveau,
l’unedesesmainsquittalebureau,leboutdesesdoigtseffleuramagorgepuislongeal’encolurede
monchemisier.Marespirationetlesbattementsdemoncœurs’accélérèrent,mapeausehérissa;
autantdesignesconfirmantsesmots.
—Sio,haletai-je.Jenecomprendspas.Hier,tu…
—Hier,jenesavaispascequejedevaisfaire,mecoupa-t-il.
Aujourd’hui,si.
—Ahoui?
—Oui.Jeveuxquetut’offresàmoichaquefoisquejeteledemanderai,murmura-t-ilsanscesserde
frôlermajoueavecsabouche.
Tucomprendscequeçasignifie?
Oui,jecr…
—Çaveutdirequejenet’aipaspardonné,quejenetefaisplusconfiance,maisquej’aitoujours
enviedetoi,mêmesituneseraspaslaseule.
Lesalinéas!
Etpaf!Unegifleetuncoupdepoingdansl’estomac.
Sion’yallaitjamaisparquatrechemins.
Lesoufflecoupé,l’âmepétrifiée,jenerépondisrien.Luipoursuivit,seredressantpourmeregarder
droitdanslesyeux.
—J’aivécul’enfer,Sláine...J’aivécul’enfersanstoimaistuasdouté.J’avaisuncouteauplantédans
lecœurettul’asfaittournerdanslaplaie.Jenepeuxpastepardonnernitefaireconfiance
dorénavant.
Ladouleur,réelle,perceptiblejusquedanssavoix,metouchaprofondément,s’additionnaàcelleque
jemetrimbalaismoi-mêmedepuisplusieursjoursetàcelleprovoquéeparseshorriblesexplications.
Etmonsentimentdeculpabilité,quin’avaitvraimentpasbesoindeça,pritdesproportions
inquiétantes.
—J’aiendurélamêmechose,luirappelai-je,macolèreapparemmentelleaussineutraliséeparle
climatpolairequis’installaitdansmonesprit.
—Jesaisetc’estinjuste.Aussiinjustequecequejetepropose.
Aumoinsenétait-ilconscient.Alorspourquoivoulait-ilm’imposercetteiniquitésupplémentaire?
Poursevenger?Oujusteparplaisirdemetorturer?
—Etnousnepouvonspluscontinuernospetitsjeuxensemblenonplus,crut-ilbonderajouter.
Coupdemassue!
Bienquesoutenueparlebureau,jevacillai.
Jen’étaispresqueplusrienàsesyeux,ouétaisdevenuecequejen’avaisjamaissouhaitéêtre,au
choix.Nosjeux,commeillesappelait,consistaientànoussoumettrel’unàl’autre.Sanshumiliation,
niviolenceaucune.Siom’avaitinitiée,faitdécouvrirununiversoùj’étaisdevenuecapablede
convertirlamoindredouleurinfligéeenplaisir,transformerlamorsuredufouetenbaiserbrûlant
parexemple,unefesséeenunéchangeaussijouissifpourl’unquepourl’autre.
Plusencorequecesplaisirssouventmalcompris,cegenrederelationoùlapersonnesoumise
devientlebienleplusprécieuxauxyeuxdeceluiquiladomine,impliquaitrespect,confianceet
tendresseréciproques.
Voilàprécisémentpourquoima«faute»nousinterdisaittoutéchangedecettenaturedorénavant.
Voilàexactementcequejen’étaispluspourlui.
J’étaisanéantie.Moncœurmefaisaitatrocementmal.
—Tunem’aimesplus,soufflai-je,leslarmesauxyeux.
DésolanteconstatationplutôtquequestionàlaquelleSiorépliquatoutdemême.
—Jenepeuxpasterépondre,jen’ensaisriendutout.
Pourquoialorsmeregardait-ilcommes’ilressentaittoujoursquelquechosepourmoi?Ouencore
pourquoinem’avouait-ilpas«Tum’asdéçumaisjet’aimetoujours»?
Non,j’auraispréféréqu’ilsetaisecarrément.
—Jedeviensquoialors?m’entendis-jedemander.Jesuisquoipourtoimaintenant?Seulementune
maîtresseparmid’autres?
—Laquestionest:veux-tul’êtredanscesconditions?
Ehoui,c’étaitlapremièredesquestions.L’autreétant:serais-jecapabledelesupporter?
Majalousieréveilléeensursautm’occasionnadetrèsvilainsettrèsdésagréablespicotements,surla
peau,partout,jusquedansmoncœur.
Celaétant,quej’accepteoupasnechangeraitrien.Ilsetaperaitautantdefemmeset/oud’hommes
qu’illesouhaiterait,quejesoislàounon.Etpuisqu’ilnem’aimaitplus,parcequemalgréson
incertitudeàlui,moij’étaisconvaincuequec’étaitlecas,ilyavaitlerisquequ’ilenaimeuneautre.
Maisrenonceràluim’étaitintolérable,mêmesicelaavaitétémadécisionquelquesminutesplustôt.
Quelsupplice!J’avaislechoixentredeuxenfers.
Danscinqminutes,Sioallaitmedemanderuneréponseet…
Etsic’étaitunemanœuvre?Unemanigancepourmefairepayeraucentuplecequeluiavaitenduré.
Cequienoutreexpliqueraitcettevolte-facepourlemoinsinexplicableauregarddesoncaractèreet
desoncomportementdelaveille.Sij’acceptaissaproposition,ilpourraits’endonneràcœurjoie.
—Encorecedoute,soupira-t-ilens’écartantdemoi.
Sonvisages’étaitbrusquementfermé.Ilcroisalesbrassursontorse.
Sonabsencetoutprèsdemoifinitdemesurgeler.
—Tun’aspasconfianceenmoi,rajouta-t-il.Jelelisdanstesyeux.
Jelesdétournai.
—Jesuisdésolée,soufflai-je.
—Pasautantquemoi,parcequeçameprouvequej’airaison.
—Jesuiscomplètementpauméeetjecrèvedetrouille,mejustifiai-je.
—Parcequejet’aiditquej’iraisvoirailleurs?
—Ouais,majalousiemetravaille,marmonnai-jedemauvaisegrâce.
Maisiln’yapasqueça.
—Tajalousie?s’exclama-t-ilsincèrementétonné.Tuveuxdireque…
—Tuvois!Tudoutestoiaussi.Messentimentsn’ontpaschangé,rajoutai-jeunrienperfidement.
—Siçapeuttetranquilliser,jet’assurequej’aivraimentenviedetoi,éluda-t-il.
Jehaussailesépaules.Qu’est-cequeçapouvaitbienchanger?
—Jusqu’àquand?m’énervai-jealors.Jusqu’àcequetutedégotesuneautre«élue»danstonharem
?raillai-je.
Unecurieuselueurtraversalanuitdesesiris.Moncœurrataunbattement,seratatina,secraquela
puistombaenmiette.
—Tuenasdéjàtrouvéune!Hein?C’estça?
—Non.
Jenelecruspas.
—Quiest-ce?
—Personne,jeviensdeteledire.
—Tuveuxteservirdemoi,l’accusai-je.Exactementcommetul’asfaitavecAmandapourmerendre
jalouse.
—Merde,Sláine!s’emporta-t-il.Jetedisqu’iln’yapersonne!
Sonéclatautantquelalueurdecolèrequitraversasesirismefitunbienfou.Parcequependantune
seconde,c’étaitmonSioquis’étaitadresséàmoi,celuiqu’ilavaitétélorsqu’ilm’aimaitencore.Une
secondedansunocéand’heures,dejourspassésetàveniroùjenel’auraisplus,songeai-jeensuite.
Bon,monhumeurjouaitauxmontagnesrusses.
—OK,soupirai-je,mejurantnéanmoinsdesurveillercettehistoire.
Siomedévisageauninstant,cherchantprobablementàsavoirsij’avaislâchél’affaire.Cequin’était
paslecas,j’étaisoccupéeàessayerd’imaginerlasalopequiallaitmeremplacertôtoutard.
—Quedécides-tu?
—Jenesaispas.Ilfautquejeréfléchisse.
—Queturéfléchisses?répéta-t-ilstupéfait.
Curieux,ilsemblaitmoinssereintoutàcoup.Vexéaussi.
—Oui.Je…j’essayedesavoiroùj’ensuismaisplusjelefais,plusj’ail’impressiondemeperdre.
J’aidûrenonceràVoan,jemesuisengueuléeavecTéli,çafaitbeaucouppourunejournéequi
commenceàpeine.
Etpouruneseulefemme,rajoutai-jerienquepourmoi.
—Tuasrenoncéàlui?s’exclama-t-il,incrédule.
—JenesuispasuneidioteSio.Quepensais-tuquej’allaisfaire?Mebattrecontredesmoulinsàvent
?Ilnesesouvientmêmepasdemoi!
J’auraisjuréqu’ilallaitmerépondre:«Iladelachance».
Cenefutpaslecas.
—Etmoi?medemanda-t-il.Qu’avais-tuprévumeconcernant?
—Je…j’avaisdécidélamêmechose,luiavouai-jehonnêtementenlefixant.
—Puis-jesavoirpourquoi?
—Àtonavis?Pourlesmêmesraisonsquiteconduisentàmetraitercommeunvulgaireplancul.Tu
nem’aimesplus,nemerespectesplus,n’asplusconfiance.Cequetum’asfaithierm’afoutueen
rogne,cequetumeproposesaujourd’huinevautguèremieux.Quoiquejedécide,ceserainvivable.
—Cen’estpasunchantage,Sláine,meprécisaSiopresqueaffectueusement.
—J’auraispréféréquec’ensoitun.
—Doncc’estnon?
—J’aibesoind’yréfléchir,répétai-je.
—Veux-tuquejet’aide?murmura-t-ild’unetraîtressevoixgraveenserapprochantànouveaude
moipourmecoincerentreluietlebureau.
Jen’avaispasbesoindecetteaide-làenfait.Envie,oui,maispasbesoinparcequeçanem’aiderait
pasàprendrelabonnedécisions’ilyenavaitune.
Sij’avaisétésageetraisonnable,cequin’étaitassurémentpaslecas,jem’enseraistenueàceque
j’avaisdécidé.Seulement,ilyavaitSiocolléàmoi,sonparfum,sapeau,sabouchequise
rapprochait,toutçamemettaitlecerveauàl’envers.
Mesneuronesdisjonctèrentdèsquesesbrasserefermèrentsurmoi,explosèrentlorsquesabouchese
posasurlamiennepuisdesétoilesscintillèrentderrièremespaupièrescloseslorsquesalangue
acceptal’invitationdemeslèvresentrouvertes.Jetrouvainéanmoinslaforcederemontermes
barrièresmentalesavantquecedélugedemerveilleusessensationsneluipermetted’accéderàmon
esprit.Ilfitcommemoi.Jeleressentisalorsquejetentaimoi-mêmedeluihurlermentalementqueje
l’aimais,quejen’avaispasréellementdoutédeluiparcequefinalementj’avaisétésimalenpoint
quemoncerveaun’avaitplusfonctionnécorrectement,rajoutantaussitoutcequejepouvaispour
essayerdel’atteindre.
Jesusqu’ilm’entendit,unpeu,jusqu’àcequesonespritdeviennetotalementimperméableàmes
proprespensées.
Lorsqu’ilmitfinàcebaiserquimelaissatoutemolle,Siofitexactementcommes’iln’avaitrien
entenduetmeregardadroitdanslesyeux.Jen’avaismêmepasl’impressionqu’ilaitappréciénotre
étreinte.
Riennefiltraitsursonvisage,riennebrillaitdanssonregard.
Sansrajouterquoiquesoit,Sios’écarta,fitvolte-face,traversalapièceenunriendetempsetouvrit
laporteàlavolée;celle-ciallaheurterlecanapéoùTélivenaitdesematérialiser
Chapitre19
DirequeleregardqueTéliposasurmoiétaitmauvaisauraitétéloinducompte.Impitoyableet
presqueinsultantétaitplusprochedelavérité.
J’avaisl’impressiond’êtreunemerde,qu’ilmejugeaitetmettaitmonexistencedansunebalance.La
sienne.
Ils’évaporaàl’instantoùjefisminedem’avancerverslui.
Profondémentpeinée,jepoursuivisnéanmoinsmarouteverslaporteetjetaiunœildanslecouloir.
Personneenvue.Pasunbruitnemeparvenait,àtelpointquej’avaisl’impressiond’êtreréellement
seuleaumonde,l’uniquebruitdérangeantcesilenceoppressantprovenaitdemestalonsheurtantle
soltandisquejeremontailecorridor.
LehallduLuxuriaoùlecouloirdébouchaitétaittotalementdésertégalement.Jeletraversai,prissur
madroiteetmedirigeaiversl’entréedelagrandesallepourmestoppersurleseuil.
Rienn’avaitchangé.Monregardglissasurlarangéed’alcôves,cespetitssalonsoùlesclients
pouvaients’isolergrâceàunrideau,quioccupaientlatotalitédumurdufond,errasurlecentredela
piècemeubléedepetitsfauteuilsetsofadisposésautourdetables,effleuraàpeinelerideau
dissimulantlaportemenantauxsalonsdusous-solpoursefixersurlebar,justeàmadroite.Aucun
serveurnesetrouvaitderrièrepourservirunquelconqueclient.Normalpuisqueleclubétaitfermé
aupublicdurantquelquesheurespourpermettreàl’équipedeménagedefairesontravaillematin,et
aurestedupersonneldepréparerlasallepourl’ouvertureenfind’après-midi.
Absencedeclientnesignifiaitpasabsencedevie.Touslesdémonsquejeconnaissaiss’ytrouvaient.
Touslesdémonsplusunhumain.Enfindeuxpuisquejem’ytrouvaiségalement,maismoije
comptaispourdubeurre.
Laressemblanced’HadrienavecTerryétaitimpressionnante,d’unpointdevuephysionomiqueparce
quelelookdecegarçonétaittrèséloignédeceluideTerry.Outresablondeuretsonallure
vaguementpunk,ilémanaitdeluiquelquechosedetotalementdifférentaussi.Enfaitnon,rienne
semblaitémanerdeluijustement.C’étaitparfaitementcurieux.
Terryétaitenjouélaplupartdutemps,pleindevie;Hadrienluim’apparutcommeunepersonne
presqueamorphe.L’onauraitditqu’ilsubissaitlavie,latraversaitsansbutousecontentaitdevivre
leprésentsansenretirerunejoieparticulière.
Maispeut-êtrenes’agissait-ilqued’ennuioudenonchalance?
Cen’étaitpourtantpaslaseuledifférencenotableentrelesdeuxhommesparcequesiTerrym’avait
étésympathiquepresqueimmédiatementpourfinalementdevenirunamiauqueljetenais,leblondinet
medéplutaupremiercoupd’oeil.Cecidit,celaétaitpeut-êtredûàceluiqu’ilmejetajustement.Si
j’avaiseul’impressiond’êtremoinsquerienlorsqueTélim’avaitregardéeunpeuplustôt,làjeme
sentisreléguéeaurangde…femme,avectoutleméprisquecelacomportaitchezunvraimisogyne.
Ilnel’étaitpeut-êtrepasenréalité,c’étaitpeutêtremoiquiprovoquaiscetteréactionépidermique,pastouteslesfemmes.
Grandeétaitlatentationnéanmoinsdeluifairesavoirmafaçondepenser.Jen’enfisrien,me
contentantdesoutenirlerayonquesesbeauxyeuxturquoisemelançaient.Parcequ’entoute
objectivité,ilétaitcanon.
Jeretinslesouriremauvaismevenantspontanémentauxlèvresenimaginantquelleseraitsaréaction
sijeluidisaisquejeletrouvaismignon.Cenefutpastrèsdifficilececiditparcequemonregard
avaitabandonnéHadrienpourseposersurVoan,fatalementtrèsprochedujeunehommelui-même
assissurl’undestabouretsaubar.Cenefutpasleurproximitéintimequimepeina…Ouibon
d’accord,ellemedonnadesenviesdemeurtre.Maisvoirl’infinietendresseaffichéesurlevisagede
Voandisparaîtresubitement,lorsqu’àsontourilmejetauncoupd’œil,mefitunmaldechien.
Détournantvivementlesyeux,jelesreportaisurMadimiquis’étaitdétachéedugroupeet
s’approchaitdemoi.Ellemeparutpresquesoulagéed’abandonnertouscesmâles,fut-cepour
quelquessecondes.
Sonsouriremefitoubliertousmessoucispendantquelquesinstants.
—Enfintevoilà,monpetitchat,claironna-t-elleenenroulantsonbrasautourdemataille.
Jenesaispascequim’interpelaleplusdansl’attitudedeceuxquisuivirentattentivementnotre
progressionjusqu’àeux.LeregardglacialqueSiatrisadressaàladémone,celuid’Axirqui,j’en
auraisdonnématêteàcouper,calculaitlepourcentagedechancepourqu’elleetmoisoyonsplus
prochesqu’ilnelepensaitetlebénéficequeluipourraitenretirer,ouceluideSioquisemblait
estimerqueletempsderéflexionquej’avaissollicitérevenaitàunedéclarationdeguerreetentamait
d’oresetdéjàleshostilités.M’ignorantdélibérément,iln’eutd’yeuxquepourlesappâtsdeMadimiet
nes’endésintéressaplus.Haussantmentalementlesépaulestelleunegamineboudeuse,jenelui
accordaipasplusd’attentionqu’ilnem’enoctroya.
LorsqueMadimifitdéviernotrerouteversl’undessofasoùnousnousassîmes,puisquetousles
démonsnousyrejoignirent,jecomprisquej’allaisavoirdroitàuneréunionayantpoursujet
principalmapetitepersonne.
PrenantsurmoidenepasmetournerversVoanquej’entendisdemanderàHadriendenouslaisser,je
nepusenrevanchepasfaireabstractiondupoidsduregardquejesentissurmoi.Àenjugerparles
picotementsdésagréablessurmapeau,j’enconclusqu’ildevaits’agirdeceluidujeunehomme
n’appréciantpasdesevoirainsicongédieretmisàl’écart.Parmafaute.
Enguisedepréambule,monnouvelangegardienfitunrésumédelasituation,que,tropconcentréeà
m’empêcherderegarderVoanquicommedebienentendun’avaitrientrouvédemieuxquede
s’asseoirjusteenfacedemoi,jen’écoutaiqued’uneoreille.Enrevanche,lorsqu’Axircommençaà
exposercequ’ilavaitdécidépourlasuitedesévènements,jeluiaccordaimonattentionpleineet
entière.Sesirisvertd’eauserivèrentauxmiens,memettantaudéfid’opposermonveto.Cequejefis
dèsqu’ilexposasapremièredécision.
—Àpartirdemaintenant,vouslogerezici.Sec…
—Horsdequestion!lecoupai-jeensoutenantsonregard.
—Pourquelleraison?medemanda-t-ilsanssedépartirducalmequ’ilgardaitenversetcontretout.
—Pourlabonneraisonquejeneveuxpashabiterici,répliquai-je.
—Pourdesraisonspersonnelles?insinua-t-il.
—Voussavezparfaitementpourquoijerefuse,répliquai-jeaulieuderépondreclairement.
—Etvous,voussavezquevousnepouvezfaireautrement.N’oubliezpasqu’Ylsi,lui,voussurveille,
guettevotrefinqu’ilespèreprochaine.
Quoiquevousenpensiez,vousêtesliéeàlui.Ets’ilestimequevotretrépastardetrop,jelecrois
malheureusementcapablederappliqueretdeselivreràdesactesquivousymèneront,soyez-en
certaine.Chezvotreamie,vousn’êtespasensécurité.
Faischier!
Ildevaitavoirraison.Non,ilavaitraisonetmoimomentanémentoubliécefoutuange,messoucis
personnelsayantoccultélereste.J’allaisargumentertoutdemême,maisAxirmel’interdit,
poursuivantavantquej’aieeuletempsd’ouvrirmonbec.
—Ilestdenotredevoir,àtous,deprotégerTéliautantquevous-mêmealorsc’estcequenousferons
quevoussoyezd’accordoupas.Mesuis-jebienfaitcomprendre?
Oui,Monsieur.Maisiln’empêcheque…
—Secundo,reprit-ilenplissantlesyeuxpourmesignifierquejerisquaigrosàl’interrompreà
nouveau,enplusdeSiatrisquiassureravotreenseignement,j’aidemandéàVoanetSiodesecharger
devousapprendrecommentutiliserlesaptitudesquevotretransformationvousconfère.
Unsilencesefitdurantlequeljelefixaisansciller.Pensait-ilsincèrementquej’allaissauterdejoieà
cetteperspective?Quej’allaisleremercier?
—Confèreront,rectifiai-jeenprenantsurmoidenepasfaireunesclandre,maisformulantune
promesse:cellequ’ilmepaieraitcecoupbas.
Axirpenchalégèrementlatêtedecôté,uninfimesouriresedessinantsurseslèvres.
—Quellesaptitudes?demandai-jeencore.
—Vousverrezbien.
Lepétillementmalicieuxdansantdanssespâlesirisnemeplutpasplusqueça.Soitils’attendaitàce
quej’insisteetluifasseremarquerqueVoannepouvaitavoiracceptédesechargerdemoi,soitilse
réjouissaitàl’avancedevoircequecettecollaborationallaitdonner.
Jemetinscoite,rienquepourl’ennuyercelavasansdire,etattendislasuite.
—Maintenant,nousallonsmettrelebouclierenplace,poursuivitAxir.
Sansqu’ilaitbesoindelesyinviter,SiatrisetMadimiassisàmescôtésselevèrentpuiss’éloignèrent
duquatuorquejeformaisaveclestroisdémonsrestants.
—Détendez-vous,meconseillaAxir,abandonnantsonproprefauteuilpourvenirs’asseoirenfacede
moi,nonpassurlesofaenvis-à-visdumien,maissurlatablebassequinousséparait.
LuiobéirauraitétébeaucoupplusfacilesiSioetVoann’avaientpaseuxaussiquittéleursplacespour
s’installeràmescôtés.
Leurproximitégénératoutuntasd’émotionsetdeconséquencessurmoncorpsmaispaslebut
recherché.Jedusmemaîtriserpourparveniràmeconcentrersurleregardd’Axirquivenaitde
s’emparerdemesmains.
Lacaressedesespoucesaucreuxdemespaumes,légèremaisinsistante,donnanaissanceàune
douceénergiequejeperçuspénétrermapeau,puismachair,yrépandantdesondesdechaleurqui
remontèrentlelongdemesbras,serejoignirentsurmanuquepourredescendrelelongdema
colonnevertébrale,seséparerànouveauetcourirdansmesjambes.
Ellesm’évoquèrentunerivièredemieltièdeadoucissanttoutsursonpassage,meréchauffant,
m’enveloppanttoutentière.Unpeudéconnectéedelaréalité,maisconscientedemonenvironnement,
jemenoyaidanslevertcéladondesirisd’Axir,neluiopposantpaslamoindrerésistancelorsqueje
sentissonespritsefaufilerdanslemienpourl'emmitouflerluiaussidansuncocon.Loindeme
sentiralourdieouprisonnière,j’euslasensationaucontrairequemonâmedevenaitpluslégère,
libéréedetoutcequipouvaitypeserouybouillonner.
Enrevanche,l’interventiondeVoanetSiomedéstabilisaunpeu.Lapressiondesmainsd’Axirsurles
miennesseraffermit,m’incitantànepasbouger,parleroupenser.Ilrajoutaunetouchedesonbaume
apaisant.
Enfaitdebouclier,j’eusplutôtl’impressionqu’uneespèced’armureserefermaitautourdemon
énergievitaleépuréedetoutcequemonêtrerecélaitdefaibleouinstable;monabattement,mon
profondsentimentdesolitudeetd’injustice,mapeurrestantàl’extérieurdececoffre-fort.Cefuttrès
inconfortablesurlemomentparcequej’euslasensationdeperdrequelquechose,maislagêne
s’atténuarapidement.EtàaucunmomentjeneperçuslaprésencedeSioouVoan.
Jemedemandaisitoutlemondenediscerneraitdésormaisdemoiquel’étatlamentabledanslequel
j’avaisétéousicelaneconcerneraitqu’Ylsi.
Plusriennesepassait;Axirnemelibéraitpaspourautant,pasplusmesmainsquemonregardou
monesprit.Jen’osaipasbouger.Saprésenceétaitbeaucoupplusdiffusequel’intrusionàlaquelle
Sios’étaitlivrée,sibienquejenesavaispasoùilsetrouvait.Maissurtoutqu’est-cequ’ilfichait
exactement?S’acquittait-ild’uneultimevérification,d’untest,outrouvait-illepetitséjourdansma
têteplutôtsympa?
—Ilfaudraitquevousmedéliiez,susurraalorssavoix,directementdansmatête.Sinonjecroisque
jevaisresterlà.
Fatalement,mesjouesprirentfeulasecondesuivante.
—C’estvousquivousincrustez,rétorquai-je.
Commentpouvait-ilessayerdemefairecroirequej’étaiscapabledeleretenirprisonnier?!Moi!?
—Non,c’estvousquimeretenez.
—Arrêtezvotrechar,jenepeuxpasfaireça!
—Jevousassurequesi.
—Maisn…
—Vouscroyezqu’ilseproduiraitlamêmechosesimaprésenceenvousétaitpluspalpable?
Indignéeparsontonsingulièrementlubriqueetl’insinuationpaslemoinsdumondevoilée,jeme
projetaivivementenarrière,l’expulsantdemonespritparlamêmeoccasion.
—Vousêtesinfernal!m’écriai-jedèsquejefusseuledansmatête,lefusillantduregard.
—C’étaitseulementunequestion,murmura-t-il,arborantunairsicandidequejemanquaidepeude
glousser.
Toujoursest-ilqu’Axirn’avaitpasl’airperturbéparcequivenaitdeseproduire;unsourires’était
mêmedessinésurseslèvressublimes.J’étaisquantàmoiunpeuperdue.Parquelmiracleavais-jepu
inconsciemmentretenirunepartiedel’espritdecepuissantdémonauprèsdumien?Etsijedétenais
cettefaculté,pourquoim’étais-je«attaquée»àlui?Parcequ’ilétaitlàpourmeprotéger?
Leregardd’Axir,d’unvertplussoutenutoutàcoup,brillaitd’uncurieuxmélangedecompassionet
deconvoitise.Sansmequitterdesyeux,ilserelevaetm’aidaàfairedemême.Samains’éleva
jusqu’àmajouequ’elleeffleuraaussidélicatementques’ils’étaitagid’unobjetfragile,puisilse
penchaversmoi.
—Vousêtesforteetmoinsseulequevousnelepensez,memurmura-t-ilaucreuxdel’oreille,d’un
tonempreintdebienveillance.
Était-ilentraind’insinuerquelephénomènedevaittoutausentimentdedérélictionquimetenaillait
depuismonretouretquejem’étaisaccrochéeàsaprésencepardésespoir?
Oui,c’étaitcequ’ilmemontrait.Jelelisaisdanssonregard.
Bonadmettons,çajepouvaisleconcevoir.Maispaslefaitd’avoirpuleretenirdeforce,même
involontairement.
—Maisvousn’aveztoujourspasréponduàmaquestion,merappela-t-ilaprèss’êtreredressé.
—Commentvoulez-vousquejelesache!m’exclamai-je,réalisantl’erreurmonumentaleque
constituaitcetteréponselorsqu’unsourirerienmoinsquedémoniaqueétiraseslèvres.
—Alorsiln’yaqu’unseulmoyendelesavoiretjemeferaiunplaisirdevousaideràtrouverla
réponse.
Bonsang!
—Jen’aipasenviede…
—Menteuse!
Réprimantmonenviedeluitirerlalanguecommeunegamine,attitudedontilauraitprobablement
profitépourfaireuneremarquedéplacée,j’abandonnailalutte,mecontentantlefixerd’unair
blasé…quiparutleréjouirfranchement.Parcequ’iln’avaitpeut-êtrepastoutàfaittortenm’accusant
dementir.Ilétaitfascinant,beau,attirantettout,ettout.Etmoi,jecommençaiàmedemandersijene
metransformaispasenobsédéeincapablederésisteràlamoindretentationquimepassaitsousle
nez.
—Faites-moipenseràvousentretenirdecertainespetiteschoseslaprochainefoisquenousnous
verrons,medit-ilavantdemesaluerd’unpetitsignedetête.
N.B.Nerienluirappelerdutout.
Axirpritcongé,nonsansavoirprofitédenotreproximitépourprovoquerquelquesultimescontacts
entrenous.
Peudisposéeàm’asseoirdenouveauentreSioetVoanquin’avaientpasbougé,jem’empressaide
rejoindreSiatrisetMadimirestésdebout.
—Qu’est-cec’étaitquecetéchangeentrevousdeux?medemandaSiatris.Jen’airiencomprisdu
tout.
—Riend’intéressant.
—Vraiment?
—Vraiment,confirmai-jeavectoutl’aplombdontj’étaiscapable.
Siatrisn’insistapasmaisjevisdanssonregardqu’ilnemecroyaitpas.
Etmoi,jevenaisderéaliserquemisàpartVoanunpeuplustôt,personnen’avaitétécapable
d’entendremespensées,chosesdontlesdémonsneseprivaientpasd’ordinaire.
—Est-cequeceboucliernefonctionnequ’avecl’angeouavectoutlemonde?luidemandai-je
histoiredel’entraînerloind’unterrainoùjen’avaispasl’intentionderemettrelespiedspourle
moment;pasavecunpublicentoutcas.
—Nousn’avonsprisqu’Ylsipourcible,m’informalavoixdeVoanjustederrièremoi.Iln’est
désormaiscapablededétecterquevotrefaiblessepuisquec’estjustementcelle-ciquenousvenonsde
lieràl’empreintedel’angeenvous.
Nousnoustournâmesverslui.
—Parcequec’estleseulangeaveclequeltuaseudescontactsrapprochés,confirmaSioavecme
sembla-t-ilunsous-entenduquimepoussaàleregarderattentivement.
LesmotsdeTéliserappelèrentàmoi.Jeréprimaiunemouededégoût.
—Jen’aipaseudecontactsrapprochésaveclui,commetudis,répliquai-jevertement.
—Permets-moidetetraiterdementeuseàmontour,articula-t-ilfroidement.Jet’aivueaveclui.Là,
précisa-t-ilenposantleboutdesonindexsurmonfront.
J’écartaisamaindemonvisaged’ungesteimpatient.
—C’esttoiquimens!m’exclamai-je.J’aiétéplongéedansuncomapendantunmois,argumentai-je.
Commentveux-tuquej’aiefaitquoiquecesoit.Ets’ils’étaitpasséquelquechose,avantouaprès,je
m’ensouviendraistoutdemême!
—Lamémoirepeutaisémentsemanipuler,meréponditSiocalmement.Tonravisseuralargement
euletempsdefairetoutcequ’ilvoulaitavectoiycompriseffacercesquelquessouvenirs.
Jeluienvouluspourcesmotsquin’étaientpasqu’uneaccusationd’infidélité,maiségalementun
rappeldelamémoiredéfaillantedeVoan.
Deuxmeurtrissuresenuneseulefrappe!Sioétaitentrèsgrandeforme!
—Bonalorsdis-moicequetuasvu,soupirai-je,deguerrelasse.
Aumoins,commeçajeseraifixée.EtsiTélim’avaitlaissém’inquiéterpourunebroutille,ilallaitse
faireappelerArthur!
Sioseredressaaprèsavoircroisésesbrascontresontorsedansuneposturedestinéeàmemettreau
défidelecontredire.Sonregardnemerévélaabsolumentriendecequ’ilressentait.
—Jet’aivuesurluietvousn’étiezpastrèshabillés.
Lerougequimemontaauxjouesn’étaitpasceluidelaconfusion,plutôtceluidelacolère.Jene
voulaispasavoiragiainsi,refusaisqueSiolesache,queVoanl’entende.
—Etjusqu’oùsontalléesleschoses?demandai-jeàcontrecœur.
—Jen’ensaisrien,maisc’étaitassezprometteur.
LaretenuedesaréponsemeconfirmaqueSionementaitpas;s’ilavaitvoululefaireetm’humilier,
ilauraitfourniluxedétailscroustillants.
Malheureusement,aveccetterévélation,ilvenaitdemeconfirmerlesmotsdeTéli.
Cen’étaitpastantlefaitd’avoirembrasséYlsioudel’avoirlaissémetripoterquelefaitdepasser
pourunesalopequimedérangeait‒quandbienmêmel’étais-jesansdoutedéjàauxyeuxdeSio‒,
maisplutôtd’imaginerquejepouvaisêtrefaibleetimmoraleàcepointpoursauvermapeau.Mais
allezsavoircequelefaitd’avoirétécontaminéeparunPrincipepouvaitavoirchangéexactementen
moi.Oh,biensûr,c’étaitfaciledetoutrapporteràçaetnepasassumer,maisjerefusaistoujoursde
croirequel’angem’aitlaisséfaireunetellechose.Ilétaitdenotoriétépubliquequecesêtresévitaient
lescontactsavecleshumains,alorsenbaiserune…
—Çanecollepas!argumentai-jesoudain,rassuréeparcettecertitude.Tum’asdittoi-mêmequeles
angestrouvaientnoscorpsrépugnants.
—C’estvrai,confirmaSiatrisenenroulantsonbrasautourdemesépaules.
MesyeuxquittèrentlanoirceurdeceuxdeSiopourlalimpiditédessiens.
—Cependanttuoubliesquetun’esplustoutàfaitcommelaplupartdetescongénères,merappela-til.Depuisque…depuisbienavanttonenlèvement,tudégagesquelquechosedetrèsspécialetilest
toutàfaitpossibleque…
—Jeneveuxrienentendre,lecoupai-je.Jesaisquejen’airienfaitaveccefumier.
—Etmoijesaiscequej’aivu,rajoutaSio.
Ilenfutquittepourunregardnoirdemapart.
Sij’avaisétéunepersonneoptimiste,j’auraispupenserquelarancœurperceptibledanssesmots
étaitunemanifestationdesajalousie.Commecen’enétaitmêmeplusunedepossessivité,jemedis
quejerêvaiséveillée.
—Surce,poursuivitSio,jevouslaisse.Jevaistâcherdemettrelamainsurluijustement.
Jelesavaiscapablederetrouverl’angeenunriendetempsetdeleramenerparlapeaudesfesses
uniquementpourluifairecracherlemorceauetainsimeprouverqu’ilavaitraison.
Voan,quidepuissonintervention,avaitgardélesilenceets’étaittenuunpeuàl’écartserapprochade
nous.Ilmedévisageauninstant,sourcilsfroncés,commesijeluiposaisunproblèmeinsoluble.Je
medemandaibienlequelmaisn’allaipasjusqu’àleluidemander.Ilnouslaissaensuitesansavoir
prononcéunmot;jenepusrésisteràlatentationdesuivresahautesilhouettedesyeux.Moncœurse
dilata,lecontemplerétaitl’unedemesactivitésfavorites,commeplongermesdoigtsdansses
cheveux,monregarddanslesien,l’embrasser,lecaresser,le…
Monlégersourireconquissemuaenunemoueamèreaumomentoùmoncœurserétractalorsqueje
réalisaiquemêmecespetitsplaisirstoutsimplesm’étaientinterditsdésormais.
LavoixgravedeSiatrismesortitdemespensées.Jecillaipuislevailevisageverslui.
—Onaduboulot,m’annonça-t-ilavecunpetitsourirepenaud.
Chapitre20
Oui,leboulot!Quelbonmoyend’oubliertoutlereste.
Avantdemeconfierunjeudeclésetunpassedessalonsdusous-sol,Siatrissefitundevoirdem’y
conduire.Lesévènementsavaientfaitquejen’avaisjamaiseul’occasiondelesdécouvrir,les
quelquesjoursoùj’avaistravailléaubaretlesmoisdurantlesquelsj’avaisappartenuàl’équipe
d’entretiennemel’ayantpaspermis.
Madimietmoi-mêmesuivîmesdoncSiatris.Lepetitescalierquedissimulaitlaportecamoufléepar
lerideaurougedonnaitsuruncouloirdontladécorationrappelaitcelledelagrandesalle,murs
tapissésderouge,dallagesombreausol,lumièredoucedispenséepardepetitesappliquesfixéesau
mur.Cecorridors’étiraitsurladroiteetlagauche,maisuneseulecloisonétaitpercéedeportes.
Siatriscommençalavisiteennousfaisanttourneràgauche,s’arrêtantdevantlapremièreportese
présentantànous.Utilisantsonproprepasseill’ouvrit,actionnal’interrupteuretmecédalepassage.
OK!
Lapremièrefoisquej’avaispénétréchezSio,jem’étaissentieoppresséeetendangerpar
l’expositionpresquetropbrutaledesespenchantspourleSM.Fouets,cravaches,bâillonsetautres
menottesm’étaientalorsapparuscommeautantd’instrumentsdetorture.Ilsnemefaisaientpluspeur
désormais,j’avaisapprisàapprivoiserlessensationsqu’ilspouvaientprocurer.
Entrerdanscettepiècenemeposaitdoncaucunsouci.Etmêmepourêtretoutàfaithonnête,unpetit
frissond’excitationmeparcourut.Lerougepompéiendesmurss’harmonisaitaveclesolau
revêtementanthracite.Bienentendu,aucunedécorationn’ornaitlescloisonsdelapièce.Quelques
entravesfixéesaumur,unecroixdeSaintAndré,unpiloripermettantderestreindrebrasetjambes,
unchevald’arçon,unecageainsiquedeuxtablesdisposant,l’unedemenottesencuirintégréespour
lespoignetsetleschevilles,l’autredesanglesetdebarresd’écartement,constituaientlemobilierde
cetantredédiéauxartsSM.
JesentaislaprésencedeSiatrisjustedansmondos,lepoidsdesonregardsurmoi.Meretrouverlà
avecluimetroubla.Peut-êtreparcequejepercevaisqu’ilavaitenviedejoueravecmoi.
ContrairementàSioquiaimaitàsesoumettreautantqu’àdominer,jesavaisledémonexclusivement
dominateur.Celaétant,jenedoutaispasuneseulesecondequeSiatrisdisposâtdetoutcedonton
pouvaitrêverenlamatièredanssesappartements.
Cefutsansaucunesurprisequejesentissesdeuxmainsseposerenungestepossessifsurmes
épaules.Ellesremontèrentunpeuversmoncou,seglissantsousmescheveuxpourpermettreàses
poucesdemassermanuque.Celan’avaitriend’unetendreattention,maistoutd’unequestionme
confirmantmonintuition.
Siatrismefitlentementpivotersurmoi-mêmeetrelevamonvisageduboutdesdoigts.Sarequête
brillaitdanssonregardassombriparlapénombre.Non,c’étaitencorebienplusqu’unedemande,il
s’agissaitd’undésir.Seulement,jenesavaispasquoiluirépondre.J’avaistotalementconfianceenlui
maispaslamêmetendressequepourSio.
Cependant,merendis-jecompte,j’enavaisenvie.Etbesoin.
—Plustard,articula-t-ilavantquej’aiepuleluiavouer.Viens.
NousrejoignîmesMadimirestéesurleseuil;unpetitsourireironiqueflottaitsurseslèvresalors
quesonregardpassaitplusieursfoisdeSiatrisàmoi.Ilfinitparsefixersurlemien,ellehaussaun
sourcil.Jerépondisàsamuetteremarqueparunclind’œil.
—Coquine,chuchota-t-elleenprofitantdecequeledémonverrouillaitànouveaulasallepour
m’attraperparlataille.
Mécontentdes’êtrefaitvolersaplace,Siatrisluiadressaunregardpeuamènepuisnousinforma
d’untondétachéquelesalonmitoyenétaitdédiéauxmêmespréférences.
—Oh!Jecroisqu’ilestjaloux!plaisantaMadimi.
Ellen’obtintaucuneautreréponsequ’ungrognementinintelligible.
Nousentraînantversl’autresectionducouloir,Siatrisnousfitpoursuivrenotrevisite.Enplusdes
deuxsalonsconsacrésauBDSMlesous-solencomptaitégalementdeux,contiguslàencore,pourles
nostalgiquesdesBacchanalesetautresSaturnales,laseuledifférenceentrelesdeuxpiècesconsistant
enleurdécor,grecpourl’une,romainepourl’autre.Jen’étaispaspersuadéecependantqueles
clientsréservantsessalonsportentbeaucoupd’attentionàcequin’étaitpasleurmètrecarréde
partenaire.
Lapiècesuivanteavaitcetteparticularitéquesesmursetplafondétaientrecouvertsdemiroirssur
lesquelsnesereflétaientencetinstantquelescanapés,fauteuilsoucauseusesquilameublaient.
LesalonoùSiatrisnousconduisitensuitesemblaréjouirMadimiauplushautpoint.Oscillantentre
thermesantiquesetSpamoderne,elleabritaitunmagnifiquebassinenformedetrèfleàquatre
feuilles.L’eauqu’ilcontenait,éclairéeparquelquesspotsencastrésetimmergés,avaitlatrèsvilaine
idéedemerappelerl’incroyablecouleurdesyeuxd’Hadrien,unbleuturquoisesoutenuetlumineux.
Sansdoutefut-cepourcetteraisonquel’eaumeparutplusfroidequ’ellenedevaitl’êtreenréalité.
Madimim’abandonnapourserapprocherduborddubassin.
—Tucroisqu’ellem’envoudraitsijelapoussais?mechuchotaSiatrisàl’oreille,profitantdela
situationpourrécupérersaplaceauprèsdemoi.
—Jevousaientendu,luiréponditladémonesansseretournermaissansparaîtreluienvouloirnon
plus.Sivouslefaites,jevousprometsdevousrendrelavieimpossibletoutletempsquedureranotre
cohabitation.
—Notrequoi?!s’étranglaSiatris.
Madimisetournaversnous,unsouriresatisfaitclairementdestinéàhorripilerledémonaccroché
auxlèvres.
—Jesupposequevousaviezprévud’hébergerSláinechezvous?luidemanda-t-elle.
—C’estcequejecomptaisluiproposereffectivement,avoua-t-ilenmejetantuncoupd’œil.Mais…
—Alorsvousdevrezcompteravecmoiparcequ’ilesttoutàfaithorsdequestionquejelalaisse.
—BonDieu,grommelaSiatris.Jen’aipasdeplacepourvous,argua-t-ilsèchementjusteaprès.
—Nevousinquiétezpas,unplacardmesuffira,riposta-t-elleprêteàtoutpouravoirlederniermot.
Detoutefaçon,dites-vousbienquevousnevousdébarrasserezpasdemoi!
J’étaissincèrementtouchéeparl’affectiondeMadimiquiàsontourmefitunclind’œilet,jedois
bienl’avouer,franchementamuséeparlemalinplaisirqu’elleprenaitàprovoquerSiatris.
Monsouriredisparutlorsqu’ilnousouvritlaportedel’avant-dernierboxquecomptaitlesous-sol.
Enfaitdesalon,ils’agissaitd’unepiècevidedetoutàlaquellel’onnepouvaitaccéderqueparun
sas,laporteproprementditenes’ouvrantquelorsquelapremièreétaitclose,cequiéteignaitla
veilleusedupetitvestibule.Ils’agissaitdoncd’unepièceaveugleplongéedansuneobscuritétotale;
lorsquevousvousytrouviez,ilétaitimpossibledesavoirquivoustouchait,impossiblededeviner
exactementcombiendepersonness’ytrouvaientdéjà,quiellesétaientoulaquelledemeuraitprèsde
vous.Vousvousjetiezdansl’inconnuetn’aviezplusqu’àfaireappelàtousvosautressenspour
appréciercequipouvaitvousêtrefaitalors.
Affubléedemesdeuxdémonsquichacunmetenaientunemain,jesavaisquiétaitavecmoi,quiétait
quimaismacécitémomentanéemeperturbamalgrétout.Celan’avaitpasgrand-choseàvoiravecle
faitd’avoirlesyeuxbandés,situationquej’avaisdéjàexpérimentée.Enfaitsi,çayressemblaitun
peumaisenbeaucoupplusintense.
Engloutieparlesténèbres,j’avaislasensationdepercevoirdemanièreaccruel’auraetl’énergiede
mesamis,lachaleurémanantdeleurscorpstoutproches;lebruitdeleurscœursetdumienbattant
unpeuvitesemblaitenvahirtoutl’espace.
MonhumeurviraànouveaudebordàcausedecequeSiatrism’annonçaalorsquenoussortionset
reprenionslechemindelasurface.
—Ladernièresalleestlamêmequecelle-ci,pluspetite,etservirapourtesexercicesavecVoan.
Jemestoppainetetl’obligeaiàs’arrêter.
—Tuplaisantes,j’espère?m’écriai-jealarmée,cherchantdanssonregardunepreuvequ’ilse
moquaitdemoi.Ilnevapasvraimentm’emmenerlà-dedans?
Maiscequej’auraisaimésavoirsurtout,c’étaitpourquoij’avaissipeurdem’ytrouveravecVoan.
Sansdouteparcequejepressentaisqu’ilnes’ypasseraitjamaisriendepassionné.
—C’estcequ’ilalaisséentendreentoutcas,meconfirmaSiatris.
—Maisonnepeutpasfaireçaailleurs?plaidai-je.Avecunsimplebandeau?
Etsurtoutavecquelqu’und’autre?
—Non,Sláine,jesuisdésolé,çanesuffiraitpaspourcesentraînements.Ilt’expliqueratoutça.
Ilsavait!J’auraismismamainaufeuqueSiatrissavaittrèsprécisémentenquoiconsistaitcet
apprentissagemaisrefusaitdem’enparler.Cequin’étaitpaspourmerassurerd’ailleurs.
Moncerveauenmarmeladesemitalorsàéchafauderdesthéories,inventerdessituations
merveilleusesenprésencedeVoan,improbablesdonc,etquecelasuffiraità…àluirendrela
mémoire.
C’estbeauderêver.
C’étaitmêmeplusqu’unrêve,c’étaitcarrémentunfantasme.
Soupirantdedépit,jeprissurmoidenepasplusinterrogerSiatrissurlesujet.Avecunpeude
chance,jetrouveraiunmoyend’échapperàcettepartieduprogramme.
Unéclatderire,graveetensorceleuraccueillitnotreretourdanslagrandesalledurez-de-chaussée.
Jen’avaispasbesoindemesyeuxpoursavoiràquiilappartenait,maisnepuslesempêcherdese
fixersurlecouplequeVoanetHadrienformaient.
Installésàl’extrémitéducomptoir,ilss’étaientpenchésl’unversl’autrepourpréserverl’intimitéde
leurdiscussion.Mêmeàcettedistance,leurcomplicitéétaitperceptible.Ellemefrappadepleinfouet,
uncoupvraidepoingdansleventre,etmeconfirmas’ilenétaitbesoinquej’avaisfaitlebonchoix
enrenonçant.Détournantlesyeuxavantquel’idéederegarderdansnotredirectionnevienneàVoan,
jem’installaisurl’undestabourets,leurtournantdélibérémentledos.
Siatris,passadel’autrecôtéducomptoiretfitglisserversmoiunlivrederendez-vouspourl’année
encours.J’ouvrisl’agenda.Lestarifsdelocationpourlesdifférentssalonsétaientinscritssurla
premièrepage.Jeretinsunsifflementpeuélégantlorsquemoncerveauanalysalessommes
demandéespourchacund’entreeux.Astronomiqueétaitencoreloinducompte.
LapenséedeparcourirlecarnetpourdécouvrirsiSioouVoanavaientpersonnellementfaitdes
réservationsm’effleurapuisrepartitaussitôt.
Leursactivitéspasséesétaient…passéesjustementetlesfuturesnemeconcernaientpasplus.Et
c’étaitniplusnimoinsqueduvoyeurismemâtinéd’unmasochismemalsain.Probablementaufaitdu
cheminementdemespensées,Siatrisnefitcependantaucuncommentaireetm’informadecequ’il
attendaitdemoiensalle.Outreservirdepasseurauxclientspourlessalons,ceseraitàmoique
reviendraitlatâchedeprendrelesrendez-vous,encaisserleslocations,surveillerlasalleautantque
lepersonnel,veilleràcequ’aucunclientnemanquederienetl’avertiraumoindresouci.
Commenousétionsconvenusquejeneprendraismonpostequed’iciquelquesjours,jedisposais
doncd’unpeudetempspourmereposeretorganisermoninstallationdontMadimi,avecsa
gentillessehabituelle,décidadesecharger.Celaétant,endehorsdemesrécentsachats,mes
possessionsrestéeschezelleserésumaientàtroisfichussacsenplastique.
LadémonenouslaissaaprèsavoirplantéunbisousurmajoueetadresséàSiatrisunregardentendu
soussessourcilsfroncésl’enjoignantàseteniràcarreaupendantsonabsencesouspeinede
représailles.Paslemoinsdumondeimpressionné,Siatrisluiréponditparunsourireéquivoque.
—Oùsonttoutesmesaffairesetmesmeubles?luidemandai-jetoutàcoup,réalisantquejen’en
avaisaucuneidée.
—Danslehangarattenantauclub.Quand…enfin,c’estmoiquimesuischargédetoutfaire
déménager.
LehasardavaitvouluquepeudetempsavantmonenlèvementSio,Voanetmoi-mêmeayonsdécidé
dechangerlemobilierdelachambrequenousoccupionsdanslabelledemeureprêtéeparAxir,les
meublesqueVoanyavaitfaittransporteravaientdoncréintégréleloftqu’ilavaitoccupéauclub.Il
nes’étaitparconséquentprobablementaperçuderienlorsqu’ilétaitrevenuamnésique.Àcroireque
toutavaitétésoigneusementorchestré.
Néanmoins,j’avaisespéréqueSiatrism’apprennequetoutesnosautresaffairesétaientencoredansla
maison.Maisnon,lesdeuxdémonssemblaients’êtredépêchésdereveniraubercaillorsquej’avais
disparu.
Ilsavaientabandonnélenidoùnousnousétionsaimésaulieude…
Mavuesebrouillabrusquement,jebaissailatête.
Jem’envoulaisdepleurnicherdèsquejepensaisàeux,marredemelamentersurmonsort.J’étais
envie,avecunemissionàaccomplirpourrabattrelecaquetàquelquesanges,etpouvaiscomptersur
despersonnesauxyeuxdesquelsj’avaisunpeudevaleur.
Pourquoiavais-jecommisl’erreurdechangerdelignedeconduiteenacceptantdemelaisser
approcher,enm’autorisantàtomberamoureuse!
C’étaitprobablementlaplusgrosseméprisequej’aiefaitedetoutemavie,etjelapayaischer.Très
cher.Touteslesbêtisesquej’avaiscommisesdepuismanaissanceadditionnéeslesunesauxautresne
rivalisaientpasaveccelle-ci.
—Çanevapas?s’enquitunevoixgravepleinededouceur,toutprèsderrièremoi.
Bientropproche.Etappartenantàl’undeceuxquin’auraitjamaisdûsesoucierdecequejepouvais
bienressentir.Etd’ailleurs,commentpouvait-ilpercevoirmonmal-être?Jenevoulaissurtoutpas
qu’ilsepréoccupedemoi.
Jemecrispaimaisnemeretournaipas,préférantcontinuerdefixerleboutdemabotte.
—Laisse-la,murmuraSiatrisàVoan.
Iln’enfitrien.
—C’estàcausedeSio?insista-t-il.C’estça?
Jeserrailesdentsetnerépondispas.
—Ilvouspardonnera,m’assura-t-ilpleind’unesollicitudedontjenevoulaispassapartàlui.Tout
finirapars’arranger.
—Tunepeuxpastetaireàlafin,grondai-jeentremesdentssousl’emprised’uneflambéederage
mesurprenantmoi-même.
Surlemoment,parcequejecomprisrapidementl’originedecettecolère.Jeluttais.Jebataillaisde
toutesmesforcescontrelephénomènequiseproduisaitàchaquefoisquejemetrouvaisprèsde
Voan.Jemesentaisbien.Qu’ilsoitounonceluiquej’avaisconnu,saprésenceagissaitsurmoi
commeunliniment.Maisjenevoulaispasmesentirmieux,jevoulaisêtreencolèrepourpouvoirle
détester.Enfin,j’auraisvoulupouvoir.
—Qu’avez-vousdit?grondaVoan.
Jerelevaifinalementmonvisagepuismetournaiversluipourverrouillermesyeuxsursesiris
rendusplussombresencoreparsessourcilsfroncéssouslecoupdelacolère.
—Jet’aidemandédelafermer,articulai-jedistinctement.
Peuimpressionnéparlademi-portionquejereprésentaisàsesyeuxcommeàceuxden’importequel
démon,Voanseredressanéanmoinsdetoutesataille,bombantletorse,là,justedevantmonnez,et
metoisa.Jedéglutisetmetinsprêteàparertouteéventualité.J’avaisenviequ’ils’enprenneàmoi.
Besoind’uneexcusepourriposter.J’étaiscertainequecelameferaitunbienfou.
—Jevaisfairecommesijen’avaisrienentendu,m’annonça-t-il.
Maisàl’av…
—C’esttellementfacile!lecoupai-jeaigrement.Nerienentendre,nerienvoiretsurtoutneriense
rappeler!
C’étaitsortitoutseul.Uncriducœur.Unappelausecoursquejeregrettaidéjàd'avoirlaissé
s’échapper.J’écarquillailesyeux,d’appréhensionàl’idéedecequeVoanallaitrépondreàça.
Avantdecefaire,ilintensifiasonregardetfronçaencoreplussessourcils.
—Etdequoidevrais-jemesouvenirselonvous?
Demoi.
Détournantvivementlesyeux,ilscroisèrentceuxdeSiatrisquis’étaitdéplacéethocha
imperceptiblementlatête,m’incitantàlâcherlemorceau.
Jenepouvaispas,c’étaithorsdequestion.Jepréféraisqu’ilm’enveuillepourmonincorrection
plutôtquepourluiavoirparlédenous.
—Jevaisprendrel’air,marmonnai-jeensautantdemontabouretpourprendrelafuite.
Ilmefallaitimpérativementmecalmer,mereprendreet,sipossible,réfléchir.
Jenedisposaisd’aucunrefugeici,réalisai-jeendébouchantdanslehallaprèsavoirtraversélasalle
aupasdechargeetprisbiensoind’ignorerHadrientoujoursassisaubar.J’avaislechoixentreme
dissimulerdansl’ombreduhall,sortirsurleparking,allerencuisine,oum’enfermerdanslebureau.
Maischacundeseslieuxétaitchargédesouvenirsplusoumoinsrécentsdontjenevoulaispasme…
Prendreconsciencequej’adoptailecomportementquejevenaisprécisémentdereprocheràVoanne
futlàencorepastrèsbonpourl’opinionquejemefaisaisdemoi-même.Lejuronquejegrommelai
nemefutd’aucuneaide.
Optantfinalementpourlebureaudeladirection,jenepuscependantjamaisl’atteindre.
Chapitre21
Pileaumomentoùjepassaidevantl’ascenseur,unétauserefermasurmoi,bloquantmesbraslelong
demoncorps.
Moncridesaisissementrésonnaunmomentàmesoreilles,approximativementpendantlemême
nombredesecondesqu’ilfallutauvoilenoirprovoquéparlasurprisepourdisparaîtreetmerendre
lavue.Lafrayeuretlapressionsurmacagethoraciquem’avaientcoupélesouffle;letempsrequis
pourpermettreauxbattementserratiquesdemoncœurdesecalmernemefutpasaccordé.
—Unemiseaupoints’impose,grondalavoixdeVoanau-dessusdemoi.Etjel’obtiendraidegréou
deforce.
Jetressaillissanspourautantsavoircequimeterrifiaitleplus.Êtreconfrontéeàsaforcedontj’avais
faitlesfraisunefois,lesautresmoyensàsadispositionpourobtenircequ’ilsouhaitaitoutout
simplementmetrouverdanssesbras,enveloppéeparsonparfumetsachaleurcommeencetinstant?
Quoiqu’ilensoit,iln’obtiendraitaucunaveuavantquej’aietouttentépouryéchapper.
C’étaitlasecondefoisqu’ilmefaisaituncouppareil.Luines’ensouvenaitpas,moisi,maisje
refusaisd’yvoirunquelconquesigneprometteur.
Modifiantsaprise,Voanmelibérapartiellementpourimmobilisermesdeuxbrasenmêmetemps
d’unseuldessiensdemanièreàdégagersamaindroite.Jemeretrouvaidefaitencorepluscollée
contrelui.
Serendait-ilcomptedecequ’ilmefaisaitsubiraumoins?Sansdoutepas.
Àcroirequelechocm’avaitfaitperdretoutbonsens,caraulieudesimplementluidemanderdeme
libérer,jetentaidem’enchargermoi-même,plantantmesonglesdanssonavant-brassurlequelje
tiraidetoutesmesforcespouressayerdeluifairelâcherprise.Celan’occasionnaquequelques
égratignuressursapeaudontilnesesouciapas.Sansledélivrerdemesgriffes,jeprisappuisurlui
etmemisàgesticulercommeunbeaudiablecequieutpourconséquence,outredel’inciterà
raffermirencoresonétreintequimanquadem’étouffer,deprovoquerdesfrottementsentremoncôté
pileetsoncôtéface.
—Cessezdegigoter,rouspéta-t-il.
Plusquesonordre,sentirsesmusclessetendrecontremoipourréprimermescontorsionsetson
indifférenceflagranteàcequejeluiimposaisinvolontairementm’incitaàluiobéirinstantanément.
C’étaitinsupportable!
Unflorilèged’imprécationsdignesduplusimaginatifdescharretiersremplaçatoutesmespensées.
Mabêtiseétaitincommensurable.Lasituationéchappaittotalementàmoncontrôleetmon
comportementnefaisaitqu’empirerleschoses.
Attendrel’arrivéedumonte-chargequi,commeunfaitexprès,devaitsetrouveraudernierétage,
puisletempsqueduralaremontéealorsquej’étaistoujoursmaîtriséeparVoanfutl’occasiond’un
petitsupplicequ’ilnedevaitpasavoirconsciencedem’infliger.Jeserraipoingsetdentspournepas
succomberàlatentationdemelaisserallercontrelui.Soncontactrapprochéetprolongé,sachaleur
surmapeau,nefût-cequecelledemesbras,donnèrentnaissanceàdesfrissonsquejefusbienen
peinederéprimer.
—Jevousfaispeuràcepoint?murmuraVoan.
Jemecontentaidedénierd’unsignedetête,résolueànepasdireunmotpuisquepourl’heureun
silencebutéétaitmonseulmoyendedéfense.
—Vousavezperduvotrelangue?
Pourlecoup,jemefélicitaiqu’ilnepuisseêtretémoindelarougeursubitequicoloramesjoues.
Pourquoifallait-ilquesystématiquementmonespritdétournedesproposanodinsetlestransformeen
penséescochonnes.LaproximitédeVoansansdoute.
Oui!Voilà,c’estça!C’estdesafaute!meconvainquis-jesanshonteaucunefaceàcettepreuve
flagrantedemauvaisefoi.
Ledéroulementdesévènementsautantquelamiseàl’épreuveinfligéeàmoncorpsm’avaitjusqu’ici
interditderéaliseroùVoanmeconduisait,réalitéquimetombadessusàlasecondeoùnousnous
stoppâmesdevantchezlui.
Aprèsm’avoirpresquepropulséedanssonloft,Voanclaqualaporteetactionnal’interrupteur.Laclé
tournadeuxfoisdanslaserrure.
Luttantpournepasmelaissersubmergerparlessouvenirsquemeretrouverlàfitremonterd’un
blocdemamémoire,jetentaidemeconcentrersurlemurquimefaisaitface,évitantsoigneusement
deposerlesyeuxsursonlit,soncanapé,lamoquette,outoutautreendroitdelapièceoùnousavions
puavoirfaitl’amour.Etoùj’auraispudécelerdespreuvesflagrantesdesonintimitéavecHadrien
aussi.
Immobile,brascroiséscontremapoitrine,j’attendaisqueletempspasse.Qu’ilseproduisequelque
choseenfaitparcequeVoanrestaitinvisibleettellementsilencieuxqu’ilauraitaussibienpus’être
volatiliséaprèsm’avoirenferméechezlui.
—Allezvousasseoir,articula-t-iltoutbasaumomentoùjem’apprêtaisàmeretournerpourvérifier
qu’ilétaittoujourslà.
Làencore,j’obéis,monexaspérationsemanifestantparunprofondsoupir.Dédaignantlesofa,jeme
dirigeaiversl’undesfauteuilsagrémentantlapièceetchoisisdélibérémentceluimepermettantdelui
tournerledosencoreunpeu,oùjemelaissaitomberavantdecroisermesjambesenunedérisoire
posturedeprotection.Lebruitdesespasétouffésparlamoquettemeparvintpuissetut.Ilmefallut
attendreencoredeuxbonnesminutespourvoirVoanapparaître,placerl’undesautressiègesjusteen
facedumienetyprendreplace,penchéversmoi,avant-brasenappuisursescuisses.
Impuissanteàsoutenirsonregardattentif,jefixaiunpointfictifausol.
—Jet’écoute.
Etvoilà!Piégée!Cetutoiementinattenduetl’inflexionpresquesensuelledesonintonationme
troublèrentaupointquej’enoubliaitouteprudenceetposailesyeuxsurlui.Jel’auraisgiflépourle
souriresatisfaits’affichantsurseslèvres.Etaussipoursejouerdemavulnérabilitéetdemoncœur.
Peum’importaitqu’ilnesachepas.
Monregardredescenditsurmescuisses.
Cen’étaitcertespasenagissantainsiqu’ilallaitobtenirlesréponsesquejen’étaisdetoutefaçonpas
disposéeàluidonner.Jem’accrochaiàcettecertitudequetoutavouerenblocseraitnéfastepourtout
lemonde.
Maiscequej’avaisenviedefaireallaitàl’encontredecequeconseillaitlebonsens.
—Tuneressortiraspasd’iciavantquej’aiecomprispourquoitutecomportesdecettemanièreavec
moi,meprévintVoanpresqueaimablement.Maisjetelaisselechoix:soittumedistout,soitjevais
chercherlesinformationsmoi-même.
Hésitantesurlaconduiteàtenir,jememordillailalèvreinférieure.Ilm’avaitprévenue,ilobtiendrait
cequ’ilvoulaitdegréoudeforce,nes’embarrasseraitd’aucunsscrupules.Quedevais-jefaire?Le
forceràallerfureterdansmessouvenirsoùilverraittout,ouluirévélerseulementcertaineschoses,
soigneusementchoisiesparmessoins?Ladernièreoptionmeparaissaitlameilleure.Lamoins
désastreuseplutôt.Quipouvaitsavoirquelleseraitsaréactions’ilsetrouvaitconfrontéàlavisionde
certainsdenosmoments?
—Jet’assurequetun’asaucuneenviedesavoir,prétextai-jeenfindansunmurmure,pourgrappiller
quelquessecondessupplémentaires.
—Commentpeux-tuenêtreaussicertaine?
—Jelesaisàcausedecequetuesaujourd’hui.
—Parcequ’avantj’étaisdifférent?parut-ils’étonner.
—Effectivement.
—Commentétais-jealors?insista-t-il.
Ilmesembladécelerunsoupçondepeurdanssavoix.Serrantlespoingsetfermantfortlesyeux,
j’inspiraiprofondémentpourtrouverlecouragederépondre.Etmeprotégerdecequimetomberait
dessusimmédiatementaprès.
—Tum’aimais,répondis-jeleplusbaspossibleavecl’espoirqu’ilnem’entendepas.
Lesilenceabsoluquisuivitmesmotsdurauneéternité.Jen’osaipasbouger,nimêmerespirer.Ceci
dit,jen’avaispasbesoindeleregarderpoursavoirqu’ilétaitchoqué.
Lahontemesubmergeaetmedonnaenvied’allermeterrerquelquepart.
—Ettoi?souffla-t-ilensuite.
Seulelaraisonlepoussaitàmeposercettequestion.Iln’avaitpasenvied’entendremaréponse.
Vraimentpasenvieparcequ’illaconnaissaitdéjà.Seulementmetairepluslongtempsétaitau-dessus
demesforces.
—Detoutmoncœur,m’entendis-jeluirépondreenmelevantdanslebutavérédeprendrelafuite.
—Assieds-toi!ordonna-t-ilsidurementquej’enrestaipantoise.
Cettefois-cipourtantjen’obtempéraipasetreculaimêmedequelquespas.Monregardsefixasurle
sien;iln’avaitrienàenvieràsontonetmefitmal.Plusquejamais,ilmefallaitfuir,le
pressentimentquecequiallaitsuivremetueraitd’unemanièreoud’uneautremel’ordonnait.
—Tumens!gronda-t-il.Situm…Sicequetuviensdedireestvrai,tun’agiraispascommeça.Au
contraire,tuauraistoutfaitpouressayerdemerécupérer.Alorsjevaistedirecequejecrois,moi.Je
pensequetuasessayéd’obtenircequejen’aijamaisvoulutedonner.Tuennourrisunteldépitque
tuveuxmelefairepayer.Maisjevaistedireunechose,Hadrienestlaseulepersonnequej’aie
jamaisaimée,ilmedonnetoutcedontj’aibesoin,cequineserajamaislecasavectoininel’a
jamaisétéavecaucunefemme.
Anéantieparcequejevenaisd’entendre,mortifiéeparsesaccusationsetleflegmeodieuxqu’ilavait
employépourlesprononcer,jesentisunerageabsoluedéferlerenmoi.Jenepusrienfairepour
l’empêcherd’éclater.Jen’enavaispasenviedetoutemanière.Audiablelesscrupules!
—C’estfaux!explosai-je.Tuavaisbesoindemoietmoidetoi.Toutlemondeteledira.Sij’aifait
unecroixsurnous,c’esteffectivementàcaused’Hadrienparcequejesaisquetul’aimesetquetu
m’astotalementoubliée.
—Encoredesmensonges!hurla-t-ilcettefoisenserelevantbrusquement,lesyeuxbrillantd’une
lueurmauvaiseàlaquellejeneprispasgarde;j’étaisbientropulcéréepourêtreenmesure
d’analysercetavertissement.Personnenepeutfaireçaparamouretc’estlapreuvequetuaffabules!
—Jenemenspas!C’esttoiquiasvoulusavoirendépitdemesavertissements,tantpissilavériténe
teplaîtpas!
—Lavéritédanslabouched’unefemme,ricana-t-ilavecmépris.
—Amnésique,sourdetmaintenantsexiste?!Lafréquentationdetasalopeneteréussitvraimentpas!
ripostai-jeillicoréalisantbientroptardquejevenaisdedépasserlesbornes.
LamaindeVoans’abattitsifortsurmonvisagequematêtemedonnal’impressiondesedécrocher
demesépaules.Lesoufflecoupé,lajoueirradiantd’unechaleurcuisante,j’avaisenoutrelesyeux
pleinsdelarmesmaisseulementàcausedeladouleur.Moncœur,lui,semblaittotalementanesthésié
parlechoc.
Sachantd’expériencequeVoannes’apitoieraitnines’excuserait,jen’attendaisdoncriendesapart.
Maparalysiemomentanéen’avaitrienàvoiravecunetelleaspiration.D’ailleursjeneleregardai
pas,monvisagerestantdanslapositionoùlecoupl’avaitplacé,détournédelui;j’essayaide
reprendremonsouffle.
Toutecolèrem’avaitbrusquementdésertée,expulséedemonespritparlavigueurdelagifle,me
dépouillantaupassagedemonespoirpournelaisserplacequ’àuneprofondelassitudeetàcette
étrangecertitudequejamaismesidéesn’avaientétésiclairesqu’encetinstant.Maiscetteimpression
nedurapas.
Voann’enavaitpastoutàfaitterminéavecmoi.Sesdoigtsserefermèrentsurmesbiceps,
s’incrustantdansmachair.
—Regarde-moi,exigea-t-illavoixvibrantedecolère.
Jelefis,luiproposantleregardleplusindifférentpossible.Avantqu’ilnemeprivedusien,fermant
lespaupièrespourseconcentrer,j’eusletempsd’ydiscernersadétermination,sonressentimentet
encorecettepeur.
Maisquepouvait-ilcraindreàlafin?Uneréponsefusadansmonesprit,maisdisparutaussitôt,me
refusantlapossibilitédelasaisir,exactementcommelorsqu’unmotvouséchappe,occasionnantcet
horripilantsentimentdefrustrationintimementliéàcetteréalitéqu’ilsetrouvaitlà,tapiquelquepart
aufonddevotremémoire,etvousmettaitaudéfideparveniràledébusquer.
Jeneressentispratiquementpasl'intrusiondeVoanpartiexplorermessouvenirsàlarecherchedesa
siprécieusevérité;sonvoyagedanslesméandresdemonespritm’évoquaunventléger,justeune
petitebrisedecourtedurée.Maiscelapsdetempsfutsuffisantàmoncœurpoursedébarrasserde
l’ankylosequileneutralisaitjusqu’ici.Jen’osaisongeràsaréactionlorsqu’ilsaurait,lorsqu’ilaurait
vu.Jemepréparaiaupireouaudéni,maispasàcellequifutlasienne.
L’effroiavaitremplacél’indignationsursonvisagedevenulivide,sonregard,lorsqu’ilrouvritenfin
lesyeux,étaitvoiléetterne.Àtelpointquejen’étaispascertainequ’ilnesoitpaseffectivementprivé
delavue.
Moncœurseserraaffreusement.Plusencorelorsque,lesoufflecourt,ilprononçatroismots,conseil
etmenaceàlafois:Va-t'en.
Enquelquessecondesàpeine,ilmelibéraetdisparut.Laportedelasalledebainsclaquasi
violemmentquejesursautai.
Sansdouteavait-ilbesoinde…vomir?
Lecouloiràpeineéclairéparlesveilleusesétaitdésert.Fautedesavoiroùalleretsurtoutdedisposer
del’énergiesuffisantepourfaireplusquequelquespas,jeremontaiunpeulecorridorpuisme
stoppaidevantcequejesupposaiêtrel’appartementdeSiatris.M’adossantaumurfaisantfaceàsa
porte,jemelaissaiglisserausoletramenaimesgenouxcontremoiavantdelesencerclerdemes
bras.
Fairelevidedansmatêteétaitabsolumentnécessairesansquoij’allaisperdrelaboule.Sans
imaginerunesecondeêtredevenueraisonnablecommeparenchantement,jesavaisnéanmoinsdevoir
empêcheràtoutprixmesémotionsdeprendrelepassurmaraison.J’avaistropsubientroppeude
tempsetdevaissouffleravantdepouvoiraffrontercequemonexistencejugeraitbondem’imposerà
l’avenir.Lehavredepaixquem’offritcettedéconnexionduréelmepermitcependantdepercevoirle
chaosquitempêtaittoutautourdemoi.Làoùjemetrouvais,ilnepouvaitm’atteindrepourtant.Mon
esprits’apaisaunpeu,l’ouraganfinitparsecalmeretsemuaenunsimpleoragemoinsmenaçant.
Unevoixmesortitdemamédiation.Douceetposée,ellenepouvaitdoncappartenirqu’àSiatris.Je
metrompais,ils’agissaitdecelled’unautreblond.
Télisetenaitaccroupidevantmoi,sesavant-brasenappuisursesgenoux,lapointedesescheveux
flirtantaveclamoquettesombre.
—Tuvasm’encolleruneaussi?chuchotai-jed’unevoixunpeuéraillée.
N’obtenantaucuneréponse,verbaleouvisuelle,jen’insistaipasetenprofitaipourlecontempler.
Ilétaitd’autantplusbeauquesonvisagefinn’étaitplusaltéréparlacolère,sonregardémeraudene
reflétantplusdedéception,seslèvrespleinesaucunementdéforméesparunquelconquepliamer.
—Jet’aimeSláine,nel’oubliejamais,merappela-t-ilsigravementquejeneperçuspas
immédiatementlesbienfaitsquecesmotsrépandirentdansmoncœur.
Lasecondesuivante,ilavaitdisparu.
Jesais,répondis-jementalement.
Télimefitalorsprésentd’unedouceurinattendueparlebiaisd’unecaressequeluiseulpouvaitme
prodiguer,uneffleurementsurmonâme.
Justecedontj’avaisbesoinpourallerdel’avant,pasmesentirbienmaismieux.Etréfléchirpresque
sagementaucomportementdeVoanaprèsqu’ilaiteuaccèsàmamémoire.
Telquejeleconnaissais,Voanétaitd’unesensibilitéextrême,maisaussid’unenatureprofondément
démoniaquecapabledelefaireréagirdemanièredisproportionnéeouviolente,exactementcommeil
venaitdelefaire,oupire.
Jeconcevaisqu’ilaitétéchoquéparmonaveuetmessouvenirs,seprenanttoutdanslafigureàla
manièred’unegifleaussi,plusbrutalesansdoutequecellequej’avaismoi-mêmereçue.
S’entendredirequesavie,sespropressentimentsmêmen’étaientpasceuxquel’onpensait,devait
êtreaffreusementdéstabilisant.Alorsenavoirlapreuve…
Voanauraitbesoindetempspours’enremettreetpeut-êtremêmeyréfléchirs’illesouhaitait.Cequi
enaucuncasnesignifiaitqu’ilallaitmechoisirmoi.D’ailleurs,jen’ycroyaispasuneseconde.Il
pouvait,avaitledroitdenepastenircomptedupasséouconsidérerques’ilavaitgommélapagede
notrehistoirecen’étaitpaspourlaréécrire.
Lorsquej’avaisfaitlaconnaissancedeVoan,lesouvenird’Hadrienavaitétéresponsable,déjàà
l’époque,del’avortementdenotrerelation;Voansouffraitdeleurséparationetavaitpréférése
rapprocherdeTerryquiluiressemblaitplutôtquedemoi.
Alorsmaintenantqu’ilavaitretrouvéceluiqu’ilaimait,qu’ilpouvaitlegarderprèsdeluietm’avait
expulséedesavie,jenemefaisaisguèred’illusion,sonchoixseraitvitefait.
Cecidit,jemesavaisincapablederenonceràl’aimer.
Meremémorersonsibeauvisagealtéréparletraumatismedel’horriblevéritémedonnaenviedele
serrerdansmesbras.Pourmonseulbénéficenaturellementpuisquequedesoncôtéiln'apprécierait
pas.
Jem’apprêtaiàmereleverlorsquelaportedel’ascenseurs’ouvrit,livrantpassageàunSiatris
inquietquiseruaversmoi.
Sonregardviraaubleuantarctiquedèsqu’ilseposasurmajouesansdouteencoremarquéeparle
soufflet.
—Voan?s’enquit-ildurement.
Jelevoyaisdéjàseprécipiterchezluiettousdeuxenvenirauxmains.
Savolontéd’endécoudreetdeluifairepayerlecoupqu’ilm’avaitassénéavaitétébientropprésente
danssavoixpournepassignifierautrechose.
—Laisse,répondis-je.Ilnevapasbien.
—Rienàfoutre.Est-celuiquit’afaitça?insista-t-il.
—Jel’aicherchée,argumentai-jeenmedéplaçantpourmepositionnersursoncheminlorsqu’il
décideraitdepasseràl’attaque.
Cequiétaitd’unridiculeabsolucecidit,maisbon,passons.
—Cen’estpasuneraison,iln’apasà…
—Jet’aiditdelaissertomber,soupirai-je.
Jelevisfroncerlessourcils,peserlepouretlecontre–ousedemandercequin’allaitpaschezmoi
–puisfinalementabandonner.Ils’emparademamainetm’entraînachezlui.
Jenem’étaispastrompéesurlalocalisationdesonappartementoùjen’avaisencorejamaismisles
pieds.Enrevanche,jenem’attendaispasàcequemesyeuxmemontrèrentenpénétrantchezlui.Si
SioetVoandisposaientd’unloft,Siatrisluihabitaitunsplendideduplexdécorédansdestonsbleude
Prusseetblanccassé.
Unsifflementadmiratifm’échappa.
Lepremierniveauréunissaitunetrèsbellecuisineouvertesurunsalonpresquedépourvude
décoration,maisdisposantdemeublesmodernesauxlignesépuréescommecemonumentalcanapé
d’angledontlecuirnoirparaissaitaussifinetdouxquedelapeauetsesdeuxfauteuilsassortisplacés
del’autrecôtéd’unetablebasseenmarbreclair.L’écranplasmagéantfixéaumuretlehomecinéma
mefirentm’interrogersursesfilmsfavoris.Depeurquesaréponsenemefasserougirjusqu’aux
oreilles,jem’abstinsdeleluidemanderetmedirigeaiverslaportequ’ilvenaitd’ouvrir.
—LeplacarddeMadimi?plaisantai-jeenjetantunœildanslaconfortablepetitechambred’amioù
leboissombredesmeublesancienscontrastaitaveclateinteperledesmurs.
—Ouais,grommelaSiatrisenrefermantlaporte.
Sonairrenfrogném’arrachaunsourire.
Ladernièrepiècedupremierniveauétaitunesalledebainàlaquelleonpouvaitaccédersoitparla
chambred’ami,soitparuneporteindépendante.
Aulieudemefairevisiterlesecondétage,Siatrism’entraînaversledivanoùilm’invitaà
m’installer.Ilétaittellementconfortablequej’eusl’impressiondem’asseoirsurunmoelleuxpetit
nuageetn’étaispasdutoutcertainedepouvoirmereleverunjouràmoinsd’enêtreextirpéede
force.Siatrispritplaceàmescôtés,unejamberepliéesouslui.
Jecomprisdesonregardattentifqu’ilattendaitquejeluiracontecequis’étaitpasséavecVoan.Je
savaispourtantqu’ilnemedemanderaitpasdelefaireetmelaissaitlechoix.Baissantlesyeuxsur
mesmainsréuniesdansmongiron,j’expiraiprofondémentavantdemelancer.
—Jesuisdésolé,murmura-t-ilautermedel’exposéquej’avaisdébitédelamanièrelaplusdétachée
quisoit.
—Pasautantquemoi,soufflai-jeenrelevantlenezpourleregarderdanslesyeux.Maisaumoins
maintenantjesaisàquoim’entenir.
Unepetitelueurbrillatoutaufonddesesiris,melaissantàpenserqu’ilmetaisaituntrucetqueles
chosesn’étaientpeut-êtrepassilimpidesqu’ellesenavaientl’air.
—Qu’est-cequetumecaches?
—Riendutout,osa-t-ilmerépondrealorsquesonregardfuyaitlemien.
—Siatris,insistai-jesurletondel’avertissement.
Ilsoupiraprofondémentavantdemefixerànouveau,ilavaitl’airsidésolépourmoiquejepris
peur.Moncœursemitàbattresifortcontremescôtesquejen’auraispasétéétonnéequ’ilsortedesa
cage.
—Siom’arapportécequeVoanluiaditlorsqu’ilssesontaperçusdetadisparition.
—Dis-moi!lepressai-je,exaspéréedelevoirmarquerunepause.
—Voanluiauraitditquesonamourpourtoileconsumaitetqu’iln’auraitjamaisdûpermettre
qu’unetellechoseseproduiseparcequeçalemèneraitàsaperte.
Jenesaiscombiendetempsjerestaimuettelaboucheouverteenuneparfaitereprésentationdela
stupéfactionlaplustotale.
Plusquejamaismespenséesressemblaientàsacdenœuds,synapsesetneuronessemélangeantles
pinceaux.Sansparlerdemesémotions!
EntendrequeVoanm’aim…m’avaitaiméeàcepointm’emplitdemélancolie.Maisapprendrequ’il
estimaitavoircommisunefauteenlaissantsessentimentss’exprimerlibrementmemortifia
carrément.
Voilàdonctoutcequej’étaisàsesyeux?Uneerreurdeparcoursqu’ils’étaitdépêchéderéparerdès
qu’ill’avaitpu,c’est-à-direaumomentdemonraptcommesicetévènementavaitenfindessillésa
raison.
—C’estdugrandn’importequoi,constatai-jesansmesoucierdufaitquej’étaisenpleindéni.
AccepterquepourVoannotrehistoiren’auraitjamaisdûvoirlejouretréaliserquemoninfime
chancedelerécupérervenaitdepartirenfuméeétaitbientropmedemander.
—Quequelqu’unperdelatêteparcequ’ilaimetropunepersonneçaj’arriveàlecomprendre,
poursuivis-je,maisdelààdirequeçapeutcausersadisparitionc’est…
…toutàfaitplausible.
Combiendepersonness’étaient-ellessuicidéespardépitamoureux?
Beaucoupsansdoute,etlefaitd’avoirmoi-mêmefaitunetentativepourcetteraisonnotamment
n’étaitpaspourplaiderenfaveurdemonassertion.Maisnousneparlionspasd’humainsnidemoi,
j’évoquaislàdesêtressurnaturels,desdémons.
—Vousnepouvezpasvoussuicider,n'est-cepas?voulus-jetoutdemêmesavoir.
—Non.
Ouf!
—Mourir?
—Pasausensoùtul’entends,non.
—Bon,alorsc’estuneexcusebidon.Parcequesidessentimentstropfortsavaientréellementcette
conséquencesurlui,iln’auraitpasréitérésonerreurimmédiatementenallantrechercherHadrienqui
selonsesproprestermesestlaseulepersonnequ’ilaitjamaisaimée.
Dieuqu’ilmecoûtaitdeprononcercesmotsécœurants!Etfauxpar-dessuslemarché.
Néanmoins,satisfaitedemadéductionlogiquequimerendaitunchouiad’espoir,maisnerépondait
pasauxautresquestions,j’attendisqueSiatristrouvequelquechoseàrépondreàça.
—Peut-êtreaussiqu’ilt’amenti,qu’iln’aimepascegarçonautantqu’illepenseoupascommetoi,il
t’aime.
JeluttaicontremonenviespontanéedesourireetdemejeterdanslesbrasdeSiatrispourle
remercierd’avoirditça.JenepouvaismepermettredelibérerEspoirdesacage.Etpuiscesmots
impliquaientd’autresconclusionsbeaucoupmoinsréjouissantes,àsavoirqueleproblèmedeVoan
pouvaitparfaitementnevenirquedemoi,commeuneespèced’incompatibilitédontj’ignoraiscause
etnature,quejefaisaispartiedespersonnesànepouvoirêtreaiméedeluiouquesais-jeencore.
Toutdevaitêtrepossibleaveclesdémons.
—M’aimait,rectifiai-jedonctoutbasenbaissantlatête,ànouveauenvahieparlechagrin.
Siatrissetournaunpeuplusversmoi,samainseposasurmajoue.
—Sláine,jesuiscertainqu’ilt’aimetoujours,ill’aoublié,maisçanesignifiepasqu’ilnevapas
vouloirretrouverlamémoire,surtoutmaintenantqu’ilsait.
—Çapeutaussil’inciterànepaslefaire.
—Tuastoujoursétéunegrandeoptimiste,hein?metaquina-t-ilavecunpetitsourireencoin.Jevais
tedireunechose:cequ’ilyaentrevous,voustrois,estbientroppuissantpourqueçapuisse
s'estomperaussifacilement.
Sansdoutepas.Maisiln’yapasplusaveuglequeceluiquineveutpasvoir.
Or,unechosedélibérémentignoréenefinissait-ellepaspardisparaîtreeffectivement?
Chapitre22
Troisjourss’étaientécoulésdepuismonretourauLuxuria,périodequej’avaismiseàprofitpourne
rienfaire,maisalorsriendutout,écoutantencelalesconseilsplusqu’appuyésdeMadimietSiatris
m’invitantàmereposer.
Jen’avaispasnonplusquittéleduplexd’ailleurs;sansdirequejemelaissaisaller,l’honnêtetéme
commanded’avouerquejemelaissaistoutdemêmeunpeuporterparl’airdutemps,aussimaussade
fût-il.Aupointd’ailleursquel’idéederetravaillernem’enthousiasmaitplusoutremesure.
Mêmes’ilsn’avaientpasvoulul’admettre,lesdeuxdémonsjouaientlesbaby-sittersàtourderôle
auprèsdemoi.Pluspourm’éviterdecogiter,jecroisqueparcequ’ilscraignaientquejenefasseune
bêtises’ilsmelaissaientseule.
Tousdeuxusaientdeleurspropresméthodespourcefaire.
CelledeMadimiconsistaitàêtreelle-même,c’étaitàdireuntantinetcinglée,àdévelopperdestrésors
depatienceetdegaîtépourmefaireoubliermatristesseettenterdemeséduiregrâceàsa
merveilleusecuisine.
Àchaquefoisqu’ilnousétaitarrivédedéjeuneroudînertouslestroisensemble,j’avaispunoterque
Siatrisn’étaitpasinsensibleàsestalentsculinaires,étatdefaitexpliquantsansdoutequela
cohabitationentreeuxdeuxsepassebien.Oualors,celavenait-ildufaitquesiMadimin’avaitpas
abandonnélapratiquedeson«sportfavori»pourreprendresonexpression,àsavoirletaquiner
sanscesse,enrevanche,lorsqu’ilétaitdanslesparages,ellefaisaitminededissimulersonattirance
pourmapetitepersonne.J’avaisenoutrepudécouvrirlorsdenosdiscussionsqu’elledéveloppaitun
intérêtgrandissantpourleLuxuriaaupointderemplacerSiatrislorsqu’ilétaitavecmoietdel’aider
dansplusieursdesesnombreusestâches.
QuantauxmoyensutilisésparSiatrispourm’éviterderéfléchir,jedevaisbienavouerqu’ilsétaient
aussiefficacesqu’agréables.Mêmesijel’avaisvoulu,j’auraisétéincapabledepenseràquoiquece
soitd’autrequ’àcequ’ilmefaisaitetauplaisirqu’ilmedonnaitlorsquenousétionsensemble.
J’avaisnotécependantqu’enplusdesatendresses’exprimaitdésormaissoninclinationpourla
domination.Jen’avaispasprotestéceciditpourl’excellenteraisonquec’étaitexactementcedont
j’avaisenvieetquej’adoraiscela.Plusquejamaisjeressentaislebesoind’êtreguidée,libéréedes
tensionsquimetourmentaientetdecompterpourquelqu’un.
Parcequemalgréleurseffortspourmesouteniretm’aider,jemesentaisterriblementseule.Pourtant,
parloyauté,j’auraisdûenparleravecSiatris.
Ladimensionapportéeparunerelationaussiparticulièresedevaitdeposséderdesfondationssaines
et,plusimportantencore,jenevoulaispasqu’ilnourrissedefauxespoirsquantàcequejepouvais
ressentirpourlui.
Oupas.
Celaétant,j’étaistoujoursunpeupaumée.Sansdouteàcausedemonignorancetotaledecequi
pouvaitsepasserau-delàdelaportedel’appartementdeSiatris.
AbandonnéeparTéliquines’étaitmanifestéd’aucunemanièreetm’opposaitunmurdesilence
malgrémestentativespourrenouerlecontact,jen’avaisnonplusaucunenouvelledeVoan.Le
couragememanquaitd’enprendreauprèsdeSiatris,mêmepoursavoirs’ilallaitbien.
Jedevaisredouterquecesoitlecas.Desoncôté,iln’avaitdonnéaucunsignedevie.Jesupposai
doncqu’endépitdesparolesrassurantesdeSiatriscequeVoanavaitéprouvépourmoiàunmoment
donnén’étaitniassezfortauregarddel’amourqu’ilportaitàHadrien,nisuffisammentpuissantpour
percerlemurdesonamnésie.Ouceluidesavolonté.
Fatalement,j’enavaisdoncconcluquenotredivorceétaitbeletbienprononcé.Pourtant,jene
comptaispluslenombredefoisoùj’avaisététentéed’allerfrapperàsaporteoulechercherdans
l’établissement,justepourpouvoirposermesyeuxsurlui.J’enavaisbesoin,maisilfallaitcroireque
monmasochismen’atteignaitpascetteextrémité.Alorsj’avaisessayédemefaireuneraison.C'est-àdirequej’évitaisdepenseràlui.
Maisbondieu,ilétaitlà,justeàcôtédemoiàs’envoyerenl’airavecsonmec,àl’aimer,l’avoir
auprèsdelui!Savoir,silasituationn’avaitpasévolué,qu’Hadrienn’étaitmêmepasconscientdela
chancequ’ilavaitm’ulcéraitprodigieusement.Jen’étaispasstupideaupointd’allerleluifaire
remarquer;avecmachancehabituelle,ilauraitbienétécapabled’ouvrirenfinlesyeux!
AvoirrenoncéàVoan,êtrepersuadéequec’étaitlameilleuresolutionpourtoutlemonde,etm’être
préparéeàcequ’ilneveuillepasrecouvrerlamémoirepourpouvoirvivreheureuxavecceluiqu’il
aimaitnem’empêchanullementdesouffriratrocement.
Etpourajouteràtoutça,Sion’étaittoujourspasrevenudesatraque.
Peut-êtreétait-cenormal,oulogique,ilétaitpeuprobablequecetangeattendemafinenlecriantsur
lestoitsouensepavanantdanslesruesavecl’étiquette«tueurdeSláine»colléesurlefront.
Iln’enrestaitpasmoinsquejem’inquiétaispourSio.
Cetteanxiétém’évitaitdepenseràlaréponsequej’allaisluidonnerlorsqu’ilrentrerait.Àlamanière
dontjelaformuleraisplusexactement.
Luiservirunsimple«non»étaitimpensable,mêmesiendéfinitivelemessageseraitprécisément
celui-ci.Avecousansexplication,Sioleprendraitmalcecidit,necomprendraitprobablementpas
nonplusquejepréfèretoutplaquerplutôtqued’essayerdegrappillerquelquesmiettes.
L’avoirconnucommecelaavaitétélecas,aussitotalementqu’unêtrepouvaitenconnaîtreunautre,
m’empêchaitdenebriguerqueletitredemaîtresseoccasionnelle.J’étaislucide.Enfin,jecrois.
J’allaisau-devantdejours,semaines,moisetpeut-êtremêmeunevieentièred’enferdontla
perspectivem’offraitunchoixeffarantd’affreusessituationsenvisageables:levoiravecd’autres,ne
pluspouvoirdutout,poserlesyeuxsurluis’ildécidaitderentrerchezlui(ouexigeaitquemoije
m’enaille),apprendrequ’ilvivaitavecuneautrecequ’ilavaitconnuavecmoi,qu’illepouvait
surtout,ouréaliserqu’ilm’avaittotalementrayéedesavieetnes’enportaitpasplusmal.Etlapire
detoute,qu’ilsouffreencoreàcausedemoi.Jenevoulaispasluiinfligerplusquecequema
défaillanceavaitdéjàprovoqué.Lemieuxétaitdelelibérerdemoi.
Parcequejenesouhaitaispasnonplusm’enclaverdanscellequecoucheravecluiaugré
desesenvies,sansamour,sanscomplicité,provoqueraitfatalement.
Jedevaispenserunpeuàmoiaussi.Cettesolutionextrême,renonceraussibienàSioqu’àVoan
quoiquepourdesraisonsdifférentes,m’apparaissaitcommelaplusraisonnable.Lapiremaisaussila
seulemepermettantdefaireface.Jenemesentaispaslaforced’affrontertoutenbloc.Jenepouvais
mereconstruiresimespropresfondationsétaientenruines.
Messentimentspoureuxnedisparaîtraientpas.Jamais!Ilsresteraientàl’abridel’écrindemoncœur
etjenepermettraisàquiconqued’oseressayerytoucher.Alorspeut-êtreferais-jefiguredeReinedes
Glacesoumedécernerait-onletitred’ImpératricedesEnquiquineuses,maisjem’enmoquais.Jeme
voyaispourmapartpluscommelagardienned’untrésor.
Leseulquej’aiejamaispossédé,leseulquej’aiejamaisoffert.Leursdestinatairesl’avaientdédaigné
?Parfait!Jen’insisteraipas.
Maisj’avaispeur.Dedevenireffectivementuneespècedemégèreaigrie,deneplusjamaisêtre
capabled’aimerpleinement…dedevoirregardermonamourseracornirfautedenejamaisplus
pouvoirs’exprimer.
Larelativequiétudeetletrain-traindecestroisderniersjoursfurentrompusassezbrusquement.
Meshorairesdesommeilàpeuprèsaussidéphasésqueceuxd’unnouveau-ném’avaientconduitece
matin-lààmeréveillerbienavantl’aube.J’étaisseule;Madimidevaitsereposerdanssesquartierset
Siatrisn’étaitpasencoreremontéduclub.
Cefutpourtantdanslachambrequejeletrouvaiensortantdelasalledebainaprèsunedouche
express.Précisémentaumilieudelapièce,immobile,tenduetcampésursesjambeslégèrement
écartées.Leregardqu’illevalentementjusqu’aumienmesemblaunrienmoinsaffectueuxque
d’ordinaire.Ouplusfarouche?
Mainsagrippéessurlespansdemaserviette,j’ycherchaicequej’avaisbienpufaire–ounepas
faire–pourexpliqueruntelcomportement.Lemieuxn’était-ilpasdedemander?
—Quesepass…
—Tais-toi.
Ceton,autoritaire,etlaprofondeurdesavoixm’atteignirentenpleinventre.Pascommeuncoupde
poing,plutôtuneténébreusecaresse,appuyée,ordresupplémentairenonformulé,àlaquellemon
corpsréagiinstantanément.
Jen’insistaipasplusquejenetentaidelerejoindre.Sesyeuxrivésauxmiens,ilprittoutsontemps
pours’approcher,melaissantainsilargementceluid’apprécierlafélinesouplessedesoncorps,sa
force,etdecomprendrequej’avaisintérêtàêtretoutouïe,attentive,outoutcequ’ilvoulaitaussi
d’ailleurs.
Pourpouvoircontinuerdeleregarderdanslesyeux,euégardàsataille,j’avaisdûbasculermatête
enarrière.Monregards’enretrouvapuitsoùceluideSiatrisputdéversertoutcequibouillonnaiten
luietdontjeperçusl’échoégalementdanssavoix.
—Sláine.
Rarementmonpropreprénomavaitrésonnéàmesoreilleschargéd’autantd’émotions,aussi
diversesetcontradictoiressurtout.J’yperçusdudésir,delacrainte,unpeudecolèreégalement,dela
passionetdelatristesse.
EtaussiqueSiatrisn’avaitpasl’intentiond’endireplusdansl’immédiat,qu’ilavaitseulement
ressentilebesoind’articulercesdeuxsyllabes.Pours’appropriercellequ’ellesnommaient?
LesyeuxdeSiatrisquittèrentlesmienslorsquesamains’élevapourtirersurmaserviette;ils
musardèrentuninstantsurmapeaunueavantderevenirsefixersurmonvisage.
Jesupposaisqu’iln’avaitpasseulementenviedemoietcomptaitmedirequelquechosed’important.
Peut-êtremêmeallait-ilfairelesdeuxenmêmetemps,maisjeneluidemandaipasconfirmation.
Monespritétaitbientropoccupéàrendrelesarmes,moncorpsgrondaitdubesoind’êtrecomblé.
J’avaisconsciencequecetteespèced’addictionausexedevaittout,oubeaucoup,àmamétamorphose
évoquéeparTéli.J’avaisenoutrefaitmondeuildepresquetouteéthiquesurcepointprécis.Iln’en
restaitpasmoinsquejecommençaisàmeconsidérercommelanymphomanequej’avaiscraintde
devenir.Quandbienmêmem’avait-onfortementconseillédecéderàmespulsions.
C’étaitsansdoutetrèsfaciledetoutmettresurledosdemalibidoeuphorique.Bienplusentoutcas
qued’admettrequeSiatrismefaisaitdel’effet,quejemesentaisbienaveclui,quejemeservais
égoïstementdesessentimentspourmoi.Quej’avaisbesoindecequ’ilmedonnaitetnecomptaitpas
enéchangeluidonnerplusquemoncorpsetuneamitiésincère.
Sansdoutelesavait-ildéjàetn’espéraitriendeplusmaisjedoutaisdecedernierpoint.Peut-être
était-celàlaraisonmêmedelacolèreetdelatristessedanssonregard?
Siatrisfitencoreunpasversmoiavantdesedébarrasserdesont-shirtqu’ilbalançanégligemment
surlecôté.Ilnes’arrêtapasensibonchemin,enchaînantimmédiatementendéfaisantlesboutonsde
sonpantalon.J’avais,quantàmoi,lesyeuxrivéssursonlargetorsesesoulevantlentementaurythme
desarespiration.Mesmainsmedémangeaientfurieusement.
Jeconnaissaisdésormaissonanatomiebienmieuxquejenel’auraispenséilyavaitseulement
quelquessemaines.Celanem’empêchapasdelaissermonregarddescendrejusqu’àsoninsolente
érection.
Jen’euspasledroitdeluiaccordertoutel’attentionquej’auraissouhaité,Siatrism’enempêcha,
enroulantsesbrasautourdemoipourmehisserjusqu’àlui.Àpeineeus-jenouémesjambesdansson
dosetmesmainssursanuquequejemeretrouvaiprisonnièreentreluietlemur.Pasn’importeoù.
Parcequesiàl’instarduloftdeSioceluideSiatrisétaitéquipédetoutunarsenalBDSM,ilétait
néanmoinsplusspécifiquementaccessoiriséd’entravesetobjetsdecontraintes.Etsurlepandemur
auquelilvenaitdemeplaquer,étaientfixésdeuxlargesbraceletsencuiretsiamois.Là,justeaudessusdematête.
C’étaitlapremièrefoisqu’ilmanifestaitaussiclairementsesenviesdem’avoiràsonentièremerci,
lapremièrefoisqu’ilm’ouvritsoncœuraussi.Àsamanière.Maisseulementaprèsm’avoir
rapidementetadroitemententravéed’uneseulemain,sonautrebrasrestantverrouilléautourdema
taille,puisvigoureusementpénétrée,harponnéemême,soumiseàsondésiraussibienqu’aumien.
Sonregardoùétincelaitunesortedecoléreusepassionseplantadanslemienetmeclouaaumur.Ses
mainsserefermèrentsurmesfesses,sesdoigtsincrustésdansmapeau.
—Jet’aime,gronda-t-ilalorsquejevibraisencoreduplaisirdesoninvasionhardie.
Sesmotsavaientrésonnécommeunavertissement.Celui-cin’intervintqu’ensuite:
—N’essayemêmepasdem’enempêcher!Mêmesitucroisdevoirlefaireparcequecen’estpas
réciproque.
Siatrisseretira,pourm’empalerànouveaul’instantd’après.
Moncrideplaisir,rauque,s’unitausienaussisûrementquenoscorpsl’étaientdéjà.
—Oui,c’estçaquejeveux.T’aimer.Ettescris.
Sepenchantversmoi,ilcalasonvisagedansmoncouqu’ilmorditalorsqu’ilmemartelait.Le
plaisirqu’ilmedonnaitalliéàceluiprocuréparsesmorsuresquasianimalesdéferlaitdansmon
corps;chacundemescrisrecevaitenéchosesprofondesplaintesetjuronsétouffés.
Siatriscessasoudainementdebougerenmoietseredressapourmeregarderdanslesyeux.
—Putaindemerde!Tum’excitestellement!
Sonpoings’abattitsurlemur,àquelquescentimètresdematête.
Leplâtrefutendommagédansl’histoire;jenedétournaipasmonregarddusienpourvérifier.Parce
quejevoulaisliredanssesyeuxàquelpointc’étaitvrai,qu’ilcontinue,plusfortencore;
ilfallaitqu’ilailleauboutdecequ’ilvenaitdecommencer.
L’inquiétudequej’avaissurprisedanssesirisunpeuplustôtdevaitàsacraintequesafrénésie
m’effraie.Passonemprisesurmoi,justesavigueur,oulaviolencedontilpouvaitêtrecapable.
JecomprisalorsqueSiatrisnemefaisaitpasseulementpartdesessentimentsoudesondésir,ilme
montraitquiilétaitréellement.Undémon,l’undeceuxcontraintsdesemaîtriserconstamment.Ou
plutôtqu’ilavaitbesoind’unexutoireetquecelui-cinepouvaitêtrepleinementvécuquelors
d’étreintestrèstrèsénergiques,associéesàsadomination.
Riend’autrequemonregardnefutnécessairepourqu’ilsaisissemonacceptationpleineetentière.
Unedesesmainsremontadansmondos,jusqu’àmanuque,etempoignamescheveuxfermement.Il
seremitàbougerenmoi,fougueusement.Savoirquejel’excitaisàcepointm’embrasait,la
puissancedesescoupsdeboutoirmecomblaitaussibienquecettemerveilleusesensationdesavoir
qu’ilsavaitcedontmoncorpsavaitbesoin.
Àtraversmespaupièresmi-closes,jefustémoinduplaisirqu’ilprenaitàmemaîtrisertotalement,
memartelersansêtrecontraintdeseretenir,àm’écouter,àmeregarder.Jusqu’àcequ’iljouisseet
quesonrugissementcouvremonultimecri.
Ilmefallutunmomentpourreveniràlaréalité.Jen’étaispasencoreprête.J’avaislasensationde
flotter,portéeparundouilletbien-être.Unétatcurieusementsimilaireàceluiquej’avaisdéjà
expérimentégrâceaufouet.Dansunemoindremesure,parcequedanscecas,sijedevaisconvertirla
douleurdelaflagellation,l’apprivoiserpouratteindrelavoluptéetm’yperdre,cellequeSiatris
venaitmedonneravaitétébrutemaisdéjàplaisir.
—Sláine?chuchota-t-il,unsoupçond’inquiétudedanslavoix.Çava?
—Oui,m’empressai-jedelerassurerdansunsouffle,sansouvrirlesyeux.
Siatrismesoutintpendantqu’illibéraitmesbrasquiretombèrentsursesépaules.Puisjesentislebout
desesdoigtssousmonmenton,enfinseslèvreseffleurantlesmiennes.
Aprèsl’intensitédenotreétreinte,cettedouceurinattenduepritunedimensionnouvelle.Jemerendis
comptequejel’enappréciaisd’autantplus.LesautresbaisersqueSiatrismedonna,lespetitsmots
douxqu’ilprononçaensuitemesemblèrentposséderplusdesens.
Ilmeportajusqu’aulitoùilmedéposaavantdes’étendreàmescôtés,mainscroiséesderrièrelatête,
unejamberepliée.Jem’installaisurleflancpourl’observer.
—Pourquoitunem’enaspasparléplustôt?luidemandai-jeaprèsuneminutedecontemplationde
sonvisageserein.
—Parlédequoi?voulut-ilsavoirenmejetantuncoupd’œil.Quej’étaisdominateur?Ilmesemblait
quetuétaisdéjàaucourant,plaisanta-t-il.
Jesouris.
—Non,quetuétaiscontinuellementobligédetemaîtriser.Tuesleplusconstantdesdémonsparmi
ceuxquejeconnaisalorsçam’aunpeusurprisededécouvrirqu’enréalitétuétais…
—Violent?
—Non,pasviolent…
—Vigoureux?Fougueux?Unebêtedesexe?
Jegloussai.
—Ouais,etprétentieuxaussi.
Siatrisroulasurlecôté.Sonregardpétillait.
—Tuapprendras,belledemoiselle,quecen’estpasdelaprétentionmaislastrictevérité.Jeviensde
teleprouveretjepeuxrecommencerquandtuveux.
Monattentionétantconcentréesurlesfrissonsquesamainsepromenantdematailleàmahanche
faisaitnaître,jemanquaidepeuderépliquer«Ohoui,recommence».
Lasonneriedesonmobilem’empêchaderépondretoutcourt.
Repêchantsontéléphonetoutaufonddesapocheaprèsunlongsoupiragacé,ildécrochasansme
quitterdesyeux.
Jen’avaispasbesoindeposséderdedonssurnaturelspoursavoiràquiappartenaitlavoixgravedont
jepercevaisleséchosdufaitdemaproximitéavecSiatris.Jenecomprisaucundesmots,seulement
qu’ils’agissaitdeSio.Lorsquemoncœurseserraetquemoncorpsréagitàcetimbretrèsgrave.
Jesoutinsnéanmoinsleregardbleucélestedudémonquineprononçaqu’unmot,auboutde
quelquesinstants,justeavantderaccrocher:OK.
—SioamislamainsurYlsi,m’informa-t-ilgravement,unelueurrienmoinsquemauvaiseluisant
aucœurdesesiris.Ilsserontlàd’iciuneheure.
Mapremièreréactionfutdesoupirerdesoulagement.Laseconde,demecrisperàl’idéedeme
retrouverànouveauenprésencedel’ange.Maisc’étaitpresqueinéluctable.Illefallait,aumoins
pourobtenirdesréponses.Etpuisjeneseraispasseule,lesdémonsleneutraliseraientd’unemanière
oud’uneautre,l’empêcheraientdenuire.Maiscelasignifiaitautrechoseégalement.Sioseraitde
retourd’icipeu,ettôtoutardj’allaisdevoirl’affronter.Luidonneruneréponsemoiaussi.
—Sláine,tun’espasobligéedet’imposerça,murmuraSiatrisquidevaitavoirsuivilecheminement
demespensées.
Ilmefallutunesecondepourréaliserqu’iln’évoquaitpasmadécisionderenonceràSio,maisla
confrontationavecYlsi.
—Maissi,insistai-je.Tulesaisaussibienquemoi.
—Ouais,convint-ilfinalementavecunepetitegrimacedecontrariété.
Maisjeserailà,rajouta-t-ilenposantsamainsurmataille;ungesteplusprotecteurquepropriétaire
quimefitunbienfou.
Frissonneraussilorsqu’elledérivadansmondospoursecaleraucreuxdemesreins.
—Jesais,murmurai-jeenmeblottissantcontrelui,nichantmonvisagecontresonépaule.Merci.
—Paslapeinedemeremercier.C’estnormaletenplusçamesatisfaitprofondément.Tuesforte,
Sláine,maisvulnérableaussi.Tafragilitén’enestqueplusprécieuseàmesyeux;ellemepermet
àmoideteprotéger.
—Tuméritesmieuxetplusque…
—Tucrois?Tum’offrestoncorps,taconfiance,tonamitié,tonplaisir,tescris,tabeauté,ta
douceur,toi,tout…
—Sauf…
—Toncœurestblessé,Sláine,tonâmemeurtrie.Peut-êtrequetuneressentirasjamaispourmoice
quej’éprouvemaispeut-êtrequesi.Laseulechosequenouspuissionsfairedansl’immédiatc’estde
leslaisserguérir.Alorsnetepréoccupepasd’autrechosequedetoi.
Jemeredressaiunpeupourleregarder.L’émotionmenouaitlagorgeetfaisaitunpeutropbriller
mesyeux.Çalefitsourire.Pasparcequesesmotsétaientinsincères,maisparcequ’ilavaitsume
toucherunefoisdeplusetqueçaluiplaisaithonteusement.
—Tuesdiabolique,soufflai-je.
—Ouais,jesais,fit-ilavantdem’offrirunsourireéclatantdefierté.
Résisteràlatentationd’unenouvelledouche,ensacompagnie,futdifficile.Monestomacquicriait
famineeutmomentanémentraisondemalibido…c’étaitdiresimafringaleétaitsérieuse.
Madimi,metrouvantattabléedevantseulementunmugemplidecafénoir,megronda,sansunmot.
Sonregardémeraudesoussessourcilsfroncésétaitsuffisammentparlantetvalaittoutesles
réprimandesqu’elleauraitpuarticuler.
Unedizainedeminutesplustard,jemeretrouvail’heureusebénéficiaired’uncopieuxpetit-déjeuner.
Maistoujourssoumiseauregardaussimaternelqu’intransigeantdemonamie.
—Tuveuxtoujoursm’engraisser,hein?plaisantai-jeavantd’entamermonsecondcroissant.
—Tuasencoredelamarge,marmonna-t-elleenmejetantuncoupd’œilpar-dessussonverredejus
defruit.
—Peut-être,maisàcerégime-là,d’iciquinzejours,jenerentreplusdansaucundemesjeanset...
—Mieuxvautfaireenviequepitié,monpetitchat.
—Ouais,maismonpostérieurn’apasvraimentbesoindeça.
—Tonpostérieurestparfait,m’assura-t-elleavecunclind’œil.
—Entièrementd’accord,acquiesçaSiatrisdansmondos.Ilestàcroquer.
Jebaissailenezsurmonmugpourdissimulerlalégèrerougeurdemesjoues.
—Onnepourraitpasparlerd’autrechose?marmonnai-je.
—Maisnon,pourquoi,jetrouvequec’estunsujetpassionnant,protestaSiatrismanifestemententré
enphasetaquine.
—Jeconfirme,renchéritMadimi.Unsujetsurlequelj’aimeraismepencherd’ailleurs,insinua-t-elle.
Jerelevaibrusquementlatête;monregardcroisalesien,luisantdemalice.
—Tunevaspast’ymettreaussi?!m’écriai-je,neréalisantledoublesensquepouvaientrevêtirmes
motsquebientroptard;lorsquesonsourires’agrandit.Ohflûte!
Siatriséclataderire.Jeluijetaiunregardnoirquis’obscurcitencoreàcausedesmotsqu’il
prononçaensuite.
—Siellelefait,jeveuxmater.
—Dansvosrêves,Apollon!ripostaMadimi.
—Égoïste!
—Pervers!
—Pourunefoisquevousétiezd’accord!lestaquinai-je,caressantvaguementl’espoirdemettrefin
àleurgentillechamaillerie.
Ellenem’inquiétaitpas,c’étaitdevenupratiquementrituelentreeux,maisunepudeurqueje
conservaisenversetcontretoutfaisaitquej’étaistoujoursunpeuembarrasséedelesentendre
évoquerleurappétencerespectivemeconcernantoud’évoquerlescharmessupposésdemon
anatomie.
Sij’avaiseudeuxsousdejugeote,j’auraisappréciécemomentlégeràsajustevaleuretn’auraispas
priépourqu’ilsoitécourté.
Parcequetoutcequej’avaisredouté,toutceàquoij’avaisévitédemeconfronterjusqu’ici,mefut
imposédèsleretourdeSiotrèspeudetempsaprès.
Chapitre23
Ilparaitquecequ’ilyadebienaveclechaos,c’estquetoutyestvirtuellementpossible.Demon
pointdevue,j’avaissurtoutl’impression,aucontraire,qu’ilruinaittoutepotentialité!
Peut-êtreparcequecetétatcorrespondàunerupturedel’équilibreetquec’étaitincontestablementce
quejesubissais.J’avaislasensationquelesolsedérobaitsousmespieds,meprécipitantdansun
abîmed’émotionsdiversesetcontradictoires.Etlechaosétaitpartout,autourdemoi,dansmoncœur
etmonesprit.
Envoléslesbienfaitsdemestroisjoursd’oisiveté!
Assaillieparledouteconcernantmespropresdécisionsallantàl’encontredecequejedésirais
vraiment,submergéeparmessentiments,lapeurdemetromperetcelledemeperdre,j’eustoutàla
foisenviedemerévolteretdemelamenter.
LafauteenincombaitàlaprésencedeVoanetSio,àleursregardssurmoilorsquejefismonentrée
dansleloftdecedernier,escortéeparSiatris.Maisaussiàmaprésencedanscetteatmosphèrefeutrée
oùlacouleurnoirerégnaitenmaître.Desmoiss’étaientécoulésdepuisquej’yavaismislespieds
pourlapremièrefois.Mais,exactementcommeàcemoment-là,jem’ytrouvaisdéplacée,commesi
jen’avaisplusrienàyfaire.Lapièce,refletintimeetfrappantdeSio,desapersonnalité,decequ’il
était,semblaitmesignifierquej’avaisaussiperdumaplacedanssavie.
Surlemoment,jefusimpuissanteàrefoulerleflotdesouvenirsremontantbrusquementdema
mémoire,certainsdifficiles,d’autresnonmaistousprécieux,etmanquaidepeudemesentir
terrassée.
UnelégèrepressiondelamaindeSiatris,protectriceetrassurante,surmanuquem’apportaunpeu
delaforcequimefaisaitdéfautpouraffronterlasuite.
L’attitudequimeblessaleplusfutcelledeVoan.Outresonincroyablebeautéquimefitmalparceque
j’avaislesentimentdeneplusêtreautoriséeàlacontempler,ilnemejetaqu’uncoupd’œil,bientrop
furtifpournepasm’informerd’unerancœursoutenueetpersistante.Jerefusaispourtantdetraduire
cettefuitevisuellepardudégoûtetdelahainequ’ilauraitnourrisàmonendroit.Enaucuncascela
nesignifiaitquecessentimentsétaientabsentsdesonregard,maisilnem’avaitpaslaisséletempsde
m’enassurer,sessombresiriss’étaientdétournésbientropprécipitamment.Puiscefutluiquiprit
carrémentlatangente.
Jedusluttercontremonenviedecrieràl’injustice,del’obligeràm’aimerànouveauparceque
c’étaittropdur.Etdefondreenlarmesparcequemêmesimadécisionétaitlameilleurepournous,
çafaisaitquandmêmeunmaldechien.
Cen’étaitnil’endroitnilemomentdepiquerunecrise.Serrantlesdents,jereportailesyeuxsurSio
avecl’espoird’ytrouveruneduretéouunressentimentcontrelequelj’auraispumerebeller,dontje
pourraismeservirpourreprendreledessussurmesémotions.
Manaïvetéconfinaitàlabêtise!
Jen’yeuspasdroit.
Sonregardnesedétournapasmaisétaitaussiinsondablequesonbeauvisage;c’étaitpresquepireet
celam’inquiéta.Quellequ’aitétélasituation,j’avaispratiquementtoujoursétéenmesure
d’interprétercequejevoyaisdanssesyeux.Maislà,iln’yavaitriendutout.Cettecarencelaissait
doncsupposerqu’ilmedissimulaitsoigneusementcequ’ilpensaitetressentait.Ouqu’ilenétait
arrivéaupointdesedésintéressertotalementdecequipouvaitbienarrivermaintenantqu’ilavaitfait
sonboulotenmettantlamainsursaproie.Ouencorequ’ilavaitréfléchidurantcestroisjoursetjugé
quesapropositions’avéraitfinalementinutilepuisqu’ilnemevoulaitplusd’unequelconquemanière.
Jen’étaisnéanmoinspasstupideaupointd’allercroirequesondétachementvisaitàmepréserver.Ce
n’étaittoutsimplementpasdanssanaturedememénager,ilétaitdoncinconcevablequ’ilcommence
maintenant.Enrevanche,c’étaitpeut-êtredemoidontilentendaitseprotéger.Moietmonstatutde
judastatouésurlefront.
AcontrariodeVoan,Sionequittapaslapiècemaisseplaçatoutdemêmeàl’écart,sepostantàla
portesurlaquelleilpritappui,brascroiséscontresontorseettêtebaissée.Profitantdecequ’ilneme
regardaitplus,jemelaissaialleràlecontempleruninstant.Comportementmasochistes’ilenest
parcequejemesentisfondreinstantanément.Jel’avaisdanslapeau.Irrémédiablement.Sonemprise
surmoiétaitprodigieuse.Etintacte.
Malheureusement.
DécrochantfinalementmesyeuxdeSio,jelesreportaisurYlsi;jedoisbienavouerqueleregard
qu’illevaversmoimetroubla.Presqueplusaimablequeceluidesdeuxdémons,iln’étaitpasdur,ni
méprisant.
Seulementattentif.
L’angeparaissaitétrangementdétenducomptetenudesasituationtrèsinconfortable.Ladécisionde
s’enprendreàmoiavaitpeudechanced’êtrelasiennepropre,pourtantc’étaitbienluiquisetrouvait
enpremièreligneetsubiraitlespremiersassauts.Maisçan’avaitpasl’airdel’inquiéter.
Curieux.
Assissurunechaiseplacéeaumilieudelapièce,entravéauniveaudespoignetsparunesimplepaire
demenottes,ilsetenaitàmoitiéavachicontreledossieretn’étaitpasvindicatifpourdeuxsous.Je
conclusdesonétrangeattitudequ’ilavaitétépsychiquementneutraliséd’unemanièreoud’uneautre,
suffisammentpourl’empêcherdefinirleboulotenmelobotomisantàdistanceouquesais-jeencore.
Jeréalisaialorsqu’Ylsinemefaisaitplusaussipeur,qu’ilnefaisaitpasfiguredevilain
croquemitainedansmonesprit.Cequienaucuncasnemanifestaitd’uneréactionjudicieuseousaine
demapart.Aucontrairesansdoute,mêmemaîtrisé,ilétaitprobablementcapabledemefairedumal.
Neserait-cequ’avecdesmots.
Cecidit,jeledétestaistoujoursautantpourcequ’ilm’avaitfaitetcelameprocuraituneimpression
depuissancequejenepossédaispasréellement.Àladifférencenotableetappréciableque,
contrairementaumomentdenotrerencontre,lesforcesétaientrépartiesbienpluséquitablement.Je
n’étaisplusàsatotalemerci.
Dumoins,j’espéraisquec’étaitlecasparcequelebougreétaittoutdemêmesacrémentpuissant.
Danslapénombreambiante,jecroyaismêmeêtreenmesuredepercevoirl’énergieirradiantdeson
être;elleondoyaittelleuneauradoréetoutautourdelui.
Yavait-ilfinalementuneréelleluminositéinhérenteàlanatureangéliqueetquifaisaitdéfautaux
démons?Ouàlaquellejen’avaisprisgardejusqu’ici?
Unsimplecoupd’œilàSiatrism’informaquecettedernièrehypothèseétaitlabonne:jepercevaisun
peudesalumièreàluiaussi.
Unefoislechocdecettedécouvertepassé,jeconclusquejevenaisaumoinsd’apprendreune
premièrechosecematin-là:jechangeaisetdevaisbeletbienavoirdéveloppédescapacitéscomme
l’avaitinsinuémonnouvelangegardien,celles-làmêmesquej’avaisniédéjàposséder.
Alorsuneautrequestionseposaàmonesprit.Était-cecettenouvelleaptitudequimepermettaitde
voirdebiencurieuseschosesbrillerdansleregarddoréd’Ylsi?Quelquechosequiressemblaitàdu
respectpourcommencer.Etpuisunsoupçondesatisfaction,mesembla-t-il.Oudesoulagement?
Sansdoutedesavoirqu’ilallaitbientôtrentrerchezlui,supposai-je.Frayerparmileshumainsdevait
releverdelatorturepourunêtretelquelui.
M’êtreglisséedanslapeaud’uneSláinerelativementrésignéeàaffrontercequeluiréservait–
encore–savienesignifiaitpaspourautantavoirendosséletristemanteaudelasagesseavecun
grandS.Jenepouvaisêtreautrechosequeprofondémentmoiet«moi»n’étaitpasparticulièrement
raisonnable,c’étaitconnu!
C’estsansdoutepourquoijesoutinsleregardd’Ylsi,allantmêmejusqu’àleprovoquerunpeuenle
toisant.Cequiconstituaitenoutreunegrossièreerreurtactique.Pourlui,j’étaiscenséeêtredéprimée
aupointdevouloirattenteràmavieetcertainementpasenmesuredemontrerqu’ilmerestaitunpeu
derépondant.
Bienjoué,megourmandai-jementalement.
Cecidit,monattitudepouvaitaussibienpasserpourdel’animosité,biennaturelleenl’occurrence.
Undemi-sourireironiqueapparutsurleslèvresdel’ange,m’informantqu’iln’étaitpasdupe.
—T’asl’airenforme,fit-ild’ailleursremarquerenm’observantmerapprocherdelui,sesyeux
toujoursrivésauxmiens.
Naturellement,ilcherchaitàvoirau-delàduboucliermasquantlaréalitédemonétat…probablement
poureninformerimmédiatementsessupérieurss’illepouvait.J’espéraisnéanmoinsqu’ilétait
incapablededécelerl’ampleurdemarémission,aussirelativesoit-elle,malgrél’erreurquejevenais
decommettre.Maisilsavaitdéjàqu’ilyavaitentourloupe.
—Jesuisencorevivante,soupirai-je.
—Ilsembleraitdoncquemamissionsoitunéchec,conclut-ilplatement.
—Çan’apasl’airdevousperturber,m’étonnai-je.
—Peut-êtreparcequejenecautionnepastoutcequim’aétédemandédefaire,rétorqua-t-iltrès
calmement.
Benvoyons!
—Qu’auriez-vousfaitsiçaavaitétélecas!ironisai-je,acide.Jeveuxdireenplusdedétruiremavie.
Lesouriresedessinantsurseslèvresmefitespérerqu’ilnerépondepasàlaquestionquej’avaiseu
labêtisedeposer.
—Dites-moiquivousademandédemesupprimer,enchaînai-je.Etpourquoi.
—JedevaispermettreàTélide…
—Cen’étaitqu’unprétexte,lecoupai-jehargneuse.Jelesais.Alors?
Qui?
Leregardd’YlsiquittalemienunefractiondesecondepourceluideSiatrissetenantlégèrementen
retrait.Maiscefutenmeregardantànouveaudroitdanslesyeuxqu’ilrépondit.
—Desanges.Pluspuissantsquetoutcequetupeuximaginer.
—Oh.C'est-à-dire?marmonnai-je,alorsquelapeurnouaitmesentrailles.
—Jedoutequetuaieslesconnaissancessuffisantespourappréhendercequ’ilssont.Jenevoisdonc
pasl’utilitéde…
—Moijelavois,intervintdurementSiatrisenserapprochantpourseplaceràmescôtés.Répondsà
saquestion.
Leregardinsolentd’Ylsiglissalentementjusqu’àceluideSiatrisquimanifestasonirritationparun
grondement.L’angenetintpascomptedel’avertissementninerépondit,maisjetauncoupd’œilvers
laporte,commepourcalculerseschancesderéussites’iltentaitdes’évader,avantdereporter
finalementsonattentionsurmoi.
Matenuedujour–jupelonguefaçonjuponetchemisier–n’avaitriendetrèssexy,cequin’empêcha
nullementl’angedesemblerapprécierlepaysage.Quelquechosed’àlafoiscaressantetmalsain
brillaitdanssesyeuxlorsqu’ilsremontèrentsurmoncorpsavantdesefixersurlesmiens.
C’étaitaussiprésentdanssavoixlorsqu’ilmeparlaànouveau.
—Jetedistoutcequejesais,maisseulàseule.
—Vousn’êtespasenpositiondedemanderquoiquecesoit,luifis-jeremarqueraigrement,écoeurée
parlesidéesquejesoupçonnaisdeflotterdanssatête.
—Peut-être,seulement...J’aiéchouéetvaislepayertôtoutard.Alorspuisquejevaisvendrela
mèche,j’estimeavoirledroitdeposerunecondition.Etlamienneest:justeentretoietmoi,sinon,je
nedisrien.
—Pourquoi?Qu’est-cequeçachangera?m’alarmai-je,supposantqu’ilsepréparaitàpasserauplan
B.
—Rienàcequejetedévoilerai,mais...
—Bonalors,jene…
—…Maispourmoiceseraunesortedecompensation.
—Unecompensationàquoi?Vousdeviezêtrerétribuépourcequevousm’avezfait?m’écriai-je.
—Non,çanefonctionnepascommeça,sourit-il.
C’estfoucequ’unsimplesourirepeutêtrecapabledefaire!Pourunpeuj’auraispresquetrouvéce
meccraquant.Jemereprisvite.
Précisémentlorsquejeréalisaiqu’ilavaitétéconscientdemafoliepassagèreettoutàfaitdéplacéeen
l’occurrence.Cemecn’étaitpasséduisant!C’étaitunangequiavaitvoulumedétruire.
—Manaturefaitdemoiunexécutant,poursuivit-il.Jen’aipasvraimentd’autrechoixquedefairece
quim’estdemandé.Seulelaméthodeestlaisséeàmadiscrétion.
—Oh,vousêtesunlarbinalors?répliquai-jespontanément.
—Sláine,faisattentionàcequetudis,meconseillaSiatris.
Jeluslemêmeavertissementdansleregarddel’ange.J’enprisbonnenotemaisnem’excusaipas
pourmesmots.
—Quevousapporterauntête-à-têteavecmoi?insistai-je.
—Jepréfèreraiuntêteàqu…
Ylsin’eutpasl’opportunitéd’articulersonobscénité,lepoingdeSiatrispercutasamâchoireavant.
L’angeencaissalecoupsansparaîtreensouffrir,maissurtoutsansintentiondesemontrerplus
raisonnable,sij’interprétaiscorrectementledébutdesourirenaissantsurseslèvres.
Medétournantdeluiaprèsluiavoirjetéunregardnoir,jefisfaceàSiatris.
Découvrirlacouleurarboréeparsesirisfaillitm’arracherunpetitcri.À
l’azurglacéquejeconnaissaisbien,s’étaitinvitéunvertémeraudeduplusbeleffet.Sicelan’avait
pasétéunemanifestationdecolère,jepensequej’auraispasséquelquesminutesàm’yplongeravec
plaisir.Enfait,jecroisbienquejelefisquandmême,durantquelquessecondes,cequimepermitde
voirlesdeuxcouleurssefondreetdonnernaissanceàunetroisièmenuance.Magnifique.
Ilmefallutfourniruneffortpourreveniràlagriseréalité.
—Ilestréellementtotalementimpuissant…heu…enfin,jeveuxdire,sespouvoirssont
complètementneutralisés?demandai-je.
—Oui,m’assuraSiatrisaprèsavoirjetéuncoupd’œilàSio,probablementpours’enassurerpuisque
l’angenousavaitétélivrésurunplateauetquenilui,nimoin’avionsassistéàsacapture.Maisilest
horsdequestionquejetelaisseseuleavecluiquandmême.
—Mêmesic’estlaseulefaçond’avoirdesréponses?
—Onpeutlefaireparlerautrement,insinua-t-il.
—Enletorturant,tuveuxdire?
—Parexemple.
Ànouveau,monregardrencontraceluidel’ange.Ilplissalesyeux,supposantàjustetitrequeje
pesailepouretlecontre.
Sij’avaisétéréellementmauvaise,jecroisquejemeseraislaisséalleràsourire.Justepourqu’il
pensequejemeréjouissaisàl’avancedecettegrisanteperspective,surtoutsijepouvaism’en
chargermoi-même.
Naturellement,jenecautionnaispascegenred’exactions.Cecidit,jen’étaispasforcémentcontre
touteviolencenonpluslorsqu’elleétaitnécessaireoujustifiée,notammentencasdelégitimedéfense,
maislà…
—Ceseraitnousrabaisserquederecouriràcesméthodes,arguai-je.
S’ilestcomplètementmaîtrisé,jenerisquerien,n’est-cepas?
Siatrisluttacontresonenviedem’opposerunrefuscatégoriqued’embléemalgrétoutetpritun
instantpourévaluerledanger.SilencedontSioprofitapourfairevaloirunargument.Depoids,me
sembla-t-il.
—C’estAxirquiabridésespouvoirs,articula-t-ildesavoixgravedepuissonpostequ’ilnejugea
pasutiled’abandonner.
Metournantverslui,jen’euspasbesoindeformulermaquestionvisantàsavoirsiledémonétait
aussipuissantqu’ilenavaitl’air.
L’énergiesedégageantd’Axirétaitindéniablementimpressionnantemais,merendis-jecompte,sauf
encequiconcernaitSio,jen’avaisstrictementaucuneidéedequelplandeconscienceceuxqueje
connaissaispouvaientprovenir,étantentenduqueplusce«lieu»étaitéloignédeceluideshumains,
plusceuxquienvenaientétaientpuissants.Pourcequej’ensavaisdumoins.
Siomeconfirmad’unbrefhochementdetêtequejepouvaisavoirconfiance.
Résistantàlatentationderépliquerquemonangegardienauraitaumoinspufairel’effortd’être
présent,j’enregistrail’informationetmedétournaidelui.
Maisjen’enpensaispasmoins.
J’étaisflanquéed’unprotecteurqui,s’ilsemblaitfairesonboulot,leminimumsyndicaldumoins,ne
paraissaitpourtantpastrèsconcerné.
L’affaireétaitsuffisammentsérieuse,voiregrave,pourqu’ils’yintéressedeprès.Non?
Maissansdouteavait-ilplusurgentàfaire.Ouplusplaisant.
Commeceluiquil’avaitprécédéd’ailleurs,songeai-jeavecamertume.
LesoupirdeSiatrism’informaqu’ilallaitautoriserletête-à-tête.
—Trèsbien,murmura-t-il.Maisquoiqu’ilarrive,nel’approchepas,etnelelaissepastetoucher,me
conseilla-t-ilsombrement.
—Pourquoi?C’estempoisonnécesbêtes-là?murmurai-jepourtenterdelerassurerunpeu.
—Parceques’ilposelamainsurtoi,jeluirectifiesabellepetitegueuled’ange!gronda-t-illeplus
sérieusementdumonde.
Ceàquoil’intéresséréponditparunmarmonnementinintelligible,etmoi,unpetitsourire.
RésistantàlatentationdesaucissonnerYlsidespiedsàlatêtepourêtrebiencertainqu’ilsetiendrait
àcarreau,Siatrisluimenottalesmainsdansledos,luiligotaenpluslesbrasau-dessusducoude
avantdel’attacheraussiàsachaise.
Ylsiselaissafairesansrésister.Toutletempsqueceladura,sesyeuxrestèrentsurSio,
comportementquej’imputaisàsonprofondmécontentementd’avoirétéattrapémêmes’ils’ingéniait
ànousmontrerquecelanel’indisposaitpasplusquecela.
SioetSiatrisnouslaissèrentseuls,nonsansquecedernierm’aitréitérésesconseilsdeprudence,
préciséaussiquetousdeuxresteraientdanslecouloiretquejen’auraisqu’àappelerencasdebesoin.
Sincèrement,jenepensaispasdevoirenarriverlà.
Cefutmêmeunecertitudedèsquelaporteserefermasureux.
Ylsiparutsedétendreencoreplusetm’offritunregardaimable.Dontjedécidaidenepastenir
compte.Cenepouvaitqu’êtreunemanœuvre.Pastrèssubtile.Oualors,ilmeprenaitvéritablement
pouruneidiote.
Assisesuruneautrechaise,enfacedelui,brascroiséscontremapoitrine,j’attendisqu’ilcommence
àparler.
Jem’étaispréparéeàpratiquementtoutmaispasà…
—Jesuisdésolé.
Desexcuses?!Étais-jeentraindeperdrelabouledéfinitivement?Oualors,jevenaisunefoisde
plusdepénétrerunedimensionparallèle.
—Etrassurédevoirquemamissionestunéchec,rajouta-t-il.
J’ouvrisdesyeuxronds.
—Rassuré?Vraiment?m’étonnai-jeencore,trèspeuconvaincuetoutdemêmedelasincéritédeces
mots.
—Oui.SaufencequiconcerneTéliparcequej’estimequesaplacen’estpasentoi.Maisjesuis
navrépourtoutlereste.
—C’estquoiexactement«toutlereste»?lequestionnai-je,prised’uneangoissesoudaineàl’idée
quepeut-êtreilmerestaitd’autrescatastrophesàdécouvrir.
—Cequej’aifaitpourtepousserausuicide.
—C'est-à-dire?insistai-je.
—Tebriserlecœur.
Jebaissailesyeuxletempsderefoulerlapeinequifitseserrerleditmuscle.Quelqueslarmesvinrent
brouillermavisionsansquejepuisselesenempêcher.Cequejeconsidéraiscommeunefaiblesse
ainsiqu’unetendancedontlafréquencecommençaitàdevenirplusqu’agaçante.
—Pourquoicesremordstoutàcoup?questionnai-je,soupçonneuse,aprèsm’êtrereprise.
—Parcequetuneméritespascequit’arrive,rienn’émaned’unequelconquevolontédenuiredeta
partetquej’aiapprisàteconnaîtreunpeu.
J’étaisd’accordaveclesdeuxpremièresallégations.Latroisièmemeparaissaitunrienfallacieuse.
—Qu’est-cequeçachangequevouspensiezmeconnaître?
D’ailleursc’esttotalementfaux,vousnesavezriendemoi.Vousavezagiainsiuniquementparceque
vousméprisezleshumains,quenotrevien’apasdevaleurréellepourvous,rajoutai-je,pensantne
pastropmetromper.
—Jem’ensuisprisàtoiparcequ’onmel’aordonné,rectifia-t-il.Etjeteconnaismieuxquetunele
penses.Quantàtanature…Tun’esplustoutàfaithumaine.
—Ouais,maisçac’estl’effetTéli,répliquai-jespontanément.
—Enes-tucertaine?Jecroisqu’ilyaautrechoseentoi.
Monregardquittaànouveauceluidel’angepourseperdredansuncoind’ombredelapièce.Ilavait
raison,maisl’entendremerappelerquemonêtregardaitunetracerésiduelleduPrincipemefit
frissonneretserrerplusfortmesbrascontremoi.Sic’étaitbienàcelaqu’ilfaisaitréférence.
—Nousnesommespaslàpourparlerdemoimaisde…
—Maissijustement,contra-t-il.Toutestliéàtoi.Àcequetues.
—Sansdoute,éludai-je.Maiscequejeveuxsavoir,c’estquienaaprèsmoi.
—Desguetteurs,articula-t-illentement.
Unsilencetombadanslapièce,deceuxaussibrutauxquelourds,quivousécrasent,commesiun
simplemotpouvaitterrifierjusqu’àl’airambiant.
Lemiendevaittoutaufaitquejenevoyaisabsolumentpasdequoiilretournait,endehorsdufaitque
c’étaitloind’êtreunebonnenouvelleapriori.
—C’estquoiçalesguetteurs?
—Ilfaudraquetudemandesàquelqu’undetel’expliquer.
—Vousnepouvezpaslefaire?
—Non,parcequejenesaispasprécisémentcequ’ilssont,seulementqu’ilssontextrêmement
puissants.
—Maiscesontdesanges?voulus-jesavoir.
—Desguetteurs.
Denouvellesmonstruosités,conclus-jedoncinévitablement.
Sapersistanceànepasmerépondreavecexactitudemefitsoupirer,néanmoins,pouvoirmettreun
nomsurceuxquim’envoulaientmefitfroiddansledos,commesi…j’avaissud’instinctdequoiil
retournait.
Quepouvaientdoncbiensurveillercesfameuxguetteurs?Moi?Lesdangersmenaçantleurmonde?
Lemien?Outoutelacréation?Ylsirepritavantquej’aiepuleluidemander.
—Etpuis,jepréfèretedirel’essentielavantqu’ilsneserendentcomptequej’ailâchélemorceau.
Alorsécoute-moibien.
Ilvasansdirequej’étaistoutouïe.
D’ailleurs,jen’étaispasseuleintéressée.Profitantsansdoutedecequel’angeétaitprivédeses
pouvoirsetnepouvaitdoncdétectersaprésence,Télinousrenditunevisitesurprise,apparaissant
justederrièreYlsi,maissansréellementsematérialisercommeillefaisaitlorsquenousétionsseuls.
Ilétaitàpeineplusqu’unfantôme,maissonbeauvisageétaittotalementimpénétrableetsonregard
rivésurlecrânepresquerasédemonvis-à-vis,plusqu’intense.Sansdoutepourmefaire
comprendreàquelpointl’affaireétaitsérieuseparcequemêmes’ilnesemontraitpas,ilentendait,
voyaitetressentaittoutparmonbiais.Cequemeconfirmalerapidecoupd’œilqu’ilmejeta.
—Toutaétédécidéaprèsleprocès,poursuivitYlsi.
Leprocèsenquestion,restésecretpourmesconcitoyens,s’étaitrésuméàunecourteprocédureet
deuxaudiences:toutesdeuxprésidéespartroisjugeshumainsetautantdedémons.
Lapremièred’entreellesavaitrapidementaboutiàlacondamnationenblocdesPurificateurs,
illuminésfanatiquesayantparticipéauritueldestinéàpermettreàunPrinciped’investirnotre
dimension,lesresponsablessurnaturels,traîtresàleurespèce,ayantquantàeuxétépunisparleurs
pairsbienavant.
Nileshumainsnilesdémonsn’ayantrequislapeinedemortpourcettecentained’individusqui
avaientsurtouteufoiendesmensonges,c’estpourtantlesortquileuravaitétéofficiellementréservé.
Afindenepasébruitercettesordideaffaire,cequifatalementseseraitproduitsiunecentainede
personnesavaitétéarrêtée,sansparlerdufaitquecelaauraitpudonnerdesidéesàd’autres
fanatiquesreligieux,maisaussipourpréserverlesfamillesd’unecertainemanière,ilavaitétédécidé
defairecroireàleurtrépasaucoursd’unincendieayantravagélapropriétéoùseréunissaitlasecte.
Lemanoird’Adamoùj’avaismoi-mêmepassélespiresheuresdemavieavaitdoncététotalement
détruitparlesflammes.
Danslaréalitédesfaits,lesilluminéshommesetfemmesavaientétéplacésendétentionàperpétuité
dansdeslocauxgouvernementaux.
Lasecondeaudienceavaitquantàelleétédestinéeàdéfinirl’implicationdeSiodanstoutecette
histoire.
Ayantététémoin,debientropprès,del’étatdanslequellepoisondeNohibé,sonex-maîtresseet
instigatricedelatrahison,l’avaitplongé,jel’avaisdéfenduautantqu’ilm’avaitétépossibledele
faire.Etsilesdémonsavaientappréciéquejesoutienneetdéfendel’undesleurs,mespropres
congénères,eux,avaientmalinterprétémoninsistanceàdéfendreundémon.Ouluienparticulier.Il
s’enétaitfalludepeuqu’ilsnem’accusent,moi,d’avoirétélacomplicedestraîtresparlebiaisde
Sio.Ilsavaientmêmeétéjusqu’àinsinuerquej’avaiseuunemauvaiseinfluencesurTéli,quemes
sentimentspourSio,étrangesseloneux,m’avaientconduiteàdevenirsonassociéepuiscelledes
traîtreset,parconséquent,avaientsoupçonnéquej’avaisaidélePrincipeàs’invitercheznous.
Jusqu’àcequ’ilsoitclairdansleursespritsbornésquenonseulementTélidisposaitdetousles
moyenspourmeneutraliserdeforcesinécessaire,maisencorequ’ilauraitpum’anéantirlui-même
enunefractiondesecondeavantmêmequetoutçanecommence.
J’avouequ’avoirétéaussihonteusementsuspectée,surtoutaprèscequej’avaisdûendurer,m’avait
conduiteàrevoiràlabaissel’opiniondéjàmitigéequejemefaisaisdemessemblables.
J’avaisl’intuitionqu’ellen’allaitpass’arranger.
—Àl’issuedesaudiences,poursuivitYlsi,uneréunionsecrètes’esttenue.Lesguetteursenavaient
aprèstoibienentendu,officiellementàcausedeTéli.Tusaismaintenantquecen’étaitpaslaseule
raison.
Jehochailatêtesanspréciserd’oùjetenaisl’info.
—Pourobtenirl’avaldevosdirigeants,reprit-il,pourqu’ilsacceptentsansbroncherqu’onte
sacrifiedonc,lesguetteursn’onteuqu’àselivreràunpetitchantageenleurfaisantcroirequ’ils
avaientlesmoyensd’annulerlesaccordsprisaveclesdémons.
—Ilsnelepeuventpas?voulus-jesavoir,inquiète.
—Non.Maislesguetteurssontprêtsàtoutpoursedébarrasserdetoi.
Ilsteconsidèrentunpeucommeunebombeprêteàleurexploseraunez.
Alorsilsontpréférétedésamorceravantqueçan’arrive.Bienentendu,lesdémonsnesontpasau
courantdecesaccords.Siçasesait…
—Passiçasesait,quandçasesaura,rectifiai-jesèchement.
Jen’auraisaucunscrupuleàjouerlescafteusessurcecoup-là.
—C’estdebonneguerre,convint-il.Maisçavaengendrerdesfrictionsentrelesdeuxcamps.
—Cesonteuxquiontcommencé,ilsl’ontcherché.
—Sansdoute.Maistuvasteretrouveraumilieudetoutça.Etdis-toibienquelesguetteursne
lâcherontpasl’affaire,ilsveulentt’empêcherdenuire.
—Nuire?m’offusquai-je,profondémentchoquéeden’êtreconsidéréequecommeunvulgaire
insecte.Endehorsdelafaille,jen’airienfaitqui…
—Ilyabienplusqueleproblèmedelafaille.IlyalaprésencedeTélientoinotamment,votre
cohabitationanécessairementunimpactsurvous,surtoietsurlui.Etellevaallers’amplifiantà
mesurequeletempspassera.
JenepusmeretenirdedétournerleregardversTéliquin’avaitpasbougéetrestaitconcentrésur
l’ange.
—Donccequ’ilscraignentcen’estpasvraimentmoi,maiscequejepeuxdeveniràcausedeTéli,
conclus-jesanscesserdefixerl’intéressé.
—D’aprèscequej’aipuvoirentoi,cen’estpasaussisimple.
—Voirenmoi?répétai-je.Vousavezétéfouinerdansmatête?
—Oui.ToietTéliêtesdevenuspratiquementindissociables.
—Pratiquement?relevai-je.
—Oui,parcequ’iln’apasuneempriseabsoluesurtaparthumaineetc’estellequifaitladifférence.
AlimentéeparlepouvoirdeTéliet…tonenseignement,elletendàdevenirautretoutenrestant
profondémenthumaine.Jecroisquec’estprécisémentcelaquiinquiètelesguetteursetc’estpourcela
qu’ilsveulentt’élimineravantquetunedeviennestroppuissante.
—Pourquoi?
—Toutsimplementparcequesiunêtretenaitàlafoisdel’humainetdunon-humain,dotéquiplus
estd’unlibrearbitreetd’unascendantsurTéli,ilseraitcapablederevendiquerdeschosesqueles
guetteursnesontpasprêtsàpartager.
—Comme?
—Lepouvoirparexemple.
—Maisjen’airienàfoutredupouvoir!explosai-je.Jeveux…jevoulaisjustevivremavieet
surtoutqu’onmefoutelapaix.
—Maistavie,tonexistencesontl’enjeudetoutça.S’ilsteconsidèrentcommeuneaberrationn’ayant
aucuneraisond’être,d’unautrecôtéilstecraignent.Ettejalousent.
Desangesm’envieraient?Nonmaisvraiment!Jamais,demavie,jen’avaisentenduautantd’âneries
etensipeudetemps.Jen’ycroyaispasuneseconde.Etdepuisquandj’avais,moi,unequelconque
influencesurTéli?Seuleuneinfimeparcelledeluiétaitenmoi.Etjenevoulaispas…
corromprecequ’ilétait.
Celaétant,sitelétaitlecas,pourquoinem’enavait-ilriendit?Jevoulaisbienconcevoirqu’ilen
avaitpeut-êtreétéempêchéparlesderniersévènementssurvenusdansmavie,notrebrouilleet…
MoncœurrataunbattementlorsquelestoutderniersmotsdeTéliserappelèrentàmoi.Était-cecela
qu’ilavaitvoulumefairecomprendre?
Quejeledénaturais,maisqu’ilnem’envoulaitpas?
Jen’euspaslecouragedeleregarder,pasmêmepourobtenirundémenti,etgardailesyeuxrivéssur
Ylsi,cherchantàsavoirpourquoi,s’ilétaitclairementassujettiàcesfichusguetteurs,ilm’avouait
toutça.Lestrahissait,enclair.
—Enadmettantquetoutcecisoitvrai,repris-je.Pourquoimeconfiercelaaussifacilement.Cen’est
pasvotreintérêtderenseignerl’ennemi.Etvousallezvousfairesaquer.
—L’ennemi?releva-t-il.Tun’espasmonennemi,mabelle.Jen’aipersonnellementaucungrief
contretoi.
—Cequin’estpasmoncas.
—C’estlogique,convint-il,chagrinéquejeluienveuille.(Nonmaisàquois’attendait-il?)Je
voudraispouvoirtedirequejepeuxréparermais…
—C’estimpossible,complétai-jeàsaplace.Lemalquevousav…
—Écoute,mecoupa-t-ilàsontour.Jepeuxtedirecequejeleuraifaitmais...
—Allez-y,lecoupai-je,impatiente,alorsquemoncœursemitàbattretrèsfortsouslesassauts
d’Espoirquitentaituneévasion.
—Tescompagnonsontétéempoisonnés.
J’enrestaicommedeuxrondsdeflan.C’étaitaussi…simplequecela?
Telleétaitdoncl’explicationducomportementdeSioetVoan?Unstupideempoisonnement?
Lesavoir,apprendrequ’ilsnem’avaientpasréellementrejetée,nemefutpasd’unsigrandsecours,
nemeprocuraqu’unapaisementtoutrelatif.
Parcequecelachangerait-ilquelquechoseaufinal?Iln’yavaitpaseuintention,maislerésultatn’en
changeraitpaspourautant.
—Parqui?Vous?
Ylsihochalatête.
Unenouvelleoffensived'Espérancecontrelaportedesageôlerésonnaaufonddemonesprit.Peutêtredufaitd’avoirleresponsableàdisposition.
Etdoncprobablementleremèdeàportéedemain.
—Et…
—Iln’yapasvraimentd’antidotecontrecela,m’interrompit-ilànouveau.
—Si,m’énervai-jeparcequejenevoulaispaslecroireetqu’untelespoirnepouvait…nedevaitpas
êtreanéanti.Ilyaforcémentuncontrepoison,unesolution…quelquechose.
Aurisquedetrahirsaprésence,jejetaiunregarddésespéréàTéli.Celuiqu’ilm’adressaétait
empreintdetendresseetdechagrin.Pourquoicettetristesse?Parcequ’ilavaitlasolutionàmon
problème,maisn’entendaitpasrevenirsursadécision?
Lecœurserré,jebaissailesyeuxsurYlsiquipoursuivit.
—Cen’estpasleurcorpsouleuramourquiestinfecté,maisleuresprit.Latoxinequil’altère
pervertitleurperceptiondetoietestaussipersonnellequelanatureprofondedelapersonnetouchée.
Ellepeutsemanifesterd’autantdemanièresqu’ilyad’individusdifférents.Ilyadoncautantde
remèdespotentiels.
Autantdirequej’avaispeudechancedetrouverunseuldecescontrepoisons.Alorsdeux…
C’étaitmort.
Chapitre24
Pourunefois,cenefutpasduchagrinquim’envahit,maisdelacolère.
Elleétaittellequetoutmoncorpstremblait.L’enviedefrapperYlsidetoutesmesforcesme
démangeait.Maisçan’avanceraitàrien.Si.Mecalmerunpeu.Peut-être.Maissinon?
—Sivousavezpufaireça,vouspouvezledéfaire,articulai-jefroidement,mavoixelleaussivibrait
derévolte.
—Jenepeuxriensansmespouvoirs,fit-ilremarqueràjustetitre.
Merde!Faischier!
Lesdébriderétaitimpensable.Quelleironie!Ilsl’avaientétépourmeprotéger,maiscela
m’empêchaitd’obtenircequejeconvoitaisleplusaumonde.
—Dites-moiexactementcequevousaveztrafiquéalors!m’énervai-je.
—Riendesorcier.J’ailaisséunmarqueurdanslamaison.Dèsqu’ilssontentrés,ilsontété
contaminés.ÇaaétéfoudroyantsurVoan,ilabasculépresquetoutdesuite.
—Commentlesavez-vous?aboyai-jepresqueparcequecesmotsmefaisaientmal.
—Jel’aivu.
Ilavaitététémoindetout!?Réfléchissantàtouteallure,mafureurmomentanémentmiseenretrait,
j’entendaisbienprofiterdelasituationetlefaireparlerpouressayerd’enapprendreplus.Etquisait,
trouverunefichuesolution.
—Est-cevraiqu’il…commençai-je,redoutantnéanmoinslaréponsequ’ilallaitdonneràmes
questions,queVoanadécidédem’oublieretaditquecequ’ilressentaitpourmoiétaitentraindele
détruire?
Ylsihochalatête.J’accusailecouptantbienquemal.Enserrantlespoings.
—Etest-ceque…a-t-ilditautrechose?m’entendis-jemurmurer.
—Oui.Iladitqu’ilauraitdûpouvoirseséparerdetoietalaisséentendreques’ildisparaissaitça
auraitdesconséquences.Maisjenesaispaslesquelles.
—Desconséquences?répétai-jepourmoi-même,réfléchissantàtoutberzinguepourtenterdesavoir
cequeVoanavaitsous-entenduparlà.
Saufàleluidemander,jen’avaisquepeudechancedeledécouvrir.Etencore,ilfaudraitpourcela
qu’ils’ensouvienne.Enplus,commejen’étaispasdanssespetitspapierscesdernierstemps,jene
pouvaislefaire.Enfinsi,j’auraispu,sij’enavaiseulecourage.D’unautrecôté,jedoutaisfortement
queVoanmeréponde;ilargueraitprobablementdufaitquecelanemeregardaitenrien.Unpeude
macolèresedirigeacontreVoan;iln’avaitpasététotalementhonnêteavecmoi,m’avaitdissimulé
deschoses.
JeneprispaslapeinededemanderàYlsicommentavaitréagiSio.Siatrism’enavaitinformée,ma
propreconnaissancedudémonetcequ’ilm’avaitlui-mêmeditm’avaitapprislereste.Ilavait
souffertetjel’avaisdéçu.
—Quelgâchis,marmonnai-jetoutbasenmerelevant.
Cetristeconstatmarquaitpourmoilaconclusiondecetentretien.
Ylsinemequittapasdesyeuxetsemblavouloirrajouterquelquechose.
Toujoursattentive,j’attendisenleregardant.Aulieudefourniruneinformationsupplémentaire,il
meposaunequestion.
—Jepeuxtedemanderquelquechose?
—Essayeztoujours.
—Est-cequetupensespouvoirmepardonner?
—Non.Etpuisquelleimportanceçapeutavoirpourvous?
m’exclamai-jeaigrement.Nousnesommespasdanslemêmecampet…
—Çan’empêchepaslerespect.
—Lerespect?répétai-jesurprise.Enavez-vouseupourmoi?
Franchement?
Ylsiparutvexé.Unmuscledesamâchoiretressauta.Sonregardsedurcit.
—Siçan’avaitpasétélecas,jetejurequetuengarderaisdesséquelles.
Laprécisionmefittiquer.
—Tum’intrigues,continua-t-il,brusquementcalmé.Tuesassezexceptionnelledanstongenre,tu
sais.Et…etjen’aicesséderepenseraubaiserquetum’asdonné.
—Pardon?Jenevousaipasembrassé,c’estvousqui…
—Tutetrompes!mecoupa-t-il.Lepremierjour,tut’eslibéréeettum’aspratiquementsautéde
dessus.
—J’aifaitça?glapis-je.
—Ouais,fit-ilhonteusementsatisfait.
Jenesuscommentprendrecetterévélationquejenepouvaisréfuter.
Aumoins,étais-jerassuréed’apprendrequ’ilnes’étaitfinalementagiqued’unbaiser.
Faisantminedemeplongerdansdessouvenirsquejenepouvaispasposséderpuisqu’àcemoment-là
j’étaisneutralisée,j’interrogeaiTéliduregard.Ilhochaimperceptiblementlatêteavantdejouerla
filledel’air.
Néanmoins,j’eusletempsdesurprendreunepetiteétincellederuseaucoeurdeseslumineuxiris
verts.J’yvisunepreuvedenotreréconciliation.Celamefitchaudaucœur,etmerassuraau-delàdes
mots.
Etcettelueurtrouvasonexplicationdanslavisionqu’ilm’envoyaimmédiatementaprès,desflashes
memontrantcequis’étaitréellementpasséentrel’angeetmoi.
LessuppositionsdeSioquantàunetrahisonsupplémentairenetenaientpluslaroute.Lesavoirme
tranquillisaunpeuégalement.
Enrevanche,jenepouvaisendireautantdesimagesquidéfilèrentdansmonesprit.Enfin,c’étaitplus
compliquéquecela.Envérité,jenesavaispastropcequejeressentais.Desémotionscontradictoires,
dontcertainesunpeufâcheuses,tourbillonnaientdansmoncœur:angoisse,honte,colère,maisaussi
fascinationetsatisfaction.
Lapluspositived’entreellesétaitlareconnaissance,celledécoulantdemacompréhensiondeceque
Téliavaitsouhaitéfaire:m’aider,certesenmemanipulanttelleunemarionnette,maismeprotéger
toutdemême.
Commeill’avaitfaitdepuisledébut.
Ilavaitespéréqu’enluiprouvant–àsoncorpsdéfendant–quelecontactd’uncorpshumainn’était
pasaussirépugnantqu’illepensait,Ylsiauraitquelquesscrupulesàagir.Sil’angeenavaiteu,ceuxcinel’avaientpasempêchédepoursuivresatâche.Néanmoins,jesupposaisqu’ilavaitfaitpreuve
d’autantd’égardquepossiblepourmoi.Etmoncorps.
Maiscerapprochementsemblaitavoireuquelquesconséquencessurunpluslongterme.Surlui
aussi.
Trèshonnêtement,jenepouvaisnierqu’Ylsiétaitparticulièrementappétissant,que,peut-être,siles
circonstancesavaientétéautresetavecunpleinsacde«si»supplémentaires,nousaurions
probablementpupasserdebonsmomentsensemble.
—LeplandeTéliaparfaitementfonctionné,reprit-ilapparemmentparvenuauxmêmesconclusions
quemoiunpeuplustôt.Etmêmemieuxqueparfaitement.Ceuxdetaracenesontsansdoutepasaussi
méprisablesquejelepensais.Pouravoireutoncorpssouslesyeuxpendantpresqueunmois,jele
connaisbien,sesentit-ilobligédemerappeler.Etjet’assurequejeneletrouveabsolumentpas
répugnant.
Jehaussailesépaulesàcecomplimentdontjen’avaisquefaire.
—D’ailleursjemesuisdemandéquelplaisirj’auraisàcoucheravectoi.
—C’estunequestionquevouscontinuerezdevousposer,répliquai-je,lesyeuxplongésdansles
sienspourluirentrercetteévidencedanslatête.
—Pourquoi?
Ilavaitl’airdéçu.
—Parcequemêmesivousn’aviezpastotalementanéantimavie,mêmesivousmedévoilieztousles
secretsdumonde,étiezl’êtreleplussublimedetoutl’universousivousdécidieztoutàcoupde
changerdecamp,jamaisjenevouspardonneraisd’avoirfaitsouffrirceuxquej’aime.
L’étincellemauvaisepassantdanssesirism’appritqu’ilavaitmalprismesmots.
—Rassure-toi,Voanaviteouvertlesyeux.Iln’apassouffertlongtemps.
Jeneluifispasleplaisirdeluimontreràquelpointsoncoupbasmeblessamêmes’ilsavait
pertinemmentquesapiqueavaitatteintsonbut.
—Peut-être,maiscen’estpaslecasdeSio.Etdites-vousbienqueTéliasupportéautantquemoi
danscettehistoire.Quantàvous,vousmériteriezd’êtrebloquéicietd’avoiràendurertoutcequej’ai
dûsouffrir.
—Tuveuxtevenger?
—Jevaissurtouttâcherderesterenvie,soupirai-jeenmedétournantpourmedirigerverslasortie.
Jemefigeainet.Destupeur.Sioétaitlà.Adosséàlaporte,exactementdanslamêmepositionqu’un
peuplustôt.
Depuiscombiendetemps?Qu’avait-ilentendu?Etsurtoutqu’enavait-ilconclu?Sansdouterienen
mesuredel’inciteràmepardonner.
Unefoismasurprisepassée,jemeremisenrouteverslasortie,maisfuscontraintedem’arrêter,pas
tropprès;ilnesemblaitpasdécidéàsepousser.Oualors,ilvoulaitmecontraindreàleverlesyeux
verslui.
Cequejefis.Ànouveaujefusincapabledesondersonregardsombre.
—J’aiàteparler,articula-t-il.
Sontonétait…tellementneutre,sabellevoixgravesidénuéed’émotionquemoncœursepinça.
Siodécroisasesbrasetseredressa,inconscientsansdoutedel’impactd’unmouvementaussianodin
:ledéplacementd’airm’apportasonparfum,provoquantunbesoinpresqueincontrôlabledeme
blottircontrelui,pourquémanderunpeudetendresse,grappillerquelquesmiettesdubonheurque
j’avaistoujourseuàsentirsesbrasserefermerautourdemoi,ressentiruneinfimeparcelledece
bonheursimple,maisôcombienprécieuxdesesavoiraimée.
Jeretinsuneplaintedefrustration,maissoupirainéanmoinsdedépit,puishochailatête.
Axir,Siatris,MadimietVoanfaisaientsalondanslecouloir.Laconversationtenueàvoixbasse
s’interrompitànotresortie;jemeretrouvaiavectroispairesd’yeuxrivéessurmoi.Enfinquatre,je
nefaisaisquesentirleregarddeSioposésurmanuque;celuideVoanpersistaàrefuserd’affronter
lemien.
Troisregardsdonc,manifestantd’unepalettedesentimentsallantdelatendressepourSiatrisàune
complicitéaffectueusedelapartdeMadimienpassantpardelaconvoitisemâtinéedemalicedans
celuidemondévoyéangegardien.
N’avait-iltoujoursqueçaentête?!Oualorsçavenaitdemoi?Peut-êtreinterprétai-jemalcequeje
voyaisdanssessurnaturellesprunellescouleurdejade?
Non,non,non.Jen’avaispasl’espritaussimalplacéetnepensaispasqu’àça…enfinsipeut-êtreun
peu,maisluiplusquemoi.
—Quandvousaurezterminéd’essayerdedevinercequej’aientêtevousconcernant,articula
lentementAxiravecunhorripilantsourireaussimoqueurqu’enchanté,peut-êtrepourriez-vousnous
racontercequ’Ylsivousadit.
Heureusementquelecouloirétaitenpermanenceplongédansunedoucepénombre,parcequejeme
sentisrougirjusqu’àlaracinedescheveux;monfardrutilantpassapresqueinaperçu.
Àdéfautdepouvoirluicollermonpoingdansl’estomac,jeluijetaiunregardnoir.Sonsourire
s’agrandit.
—Versionlongueoucourte?demandai-jeensuite.
—Courte.
—C’estquoidesguetteurs?
Axirencaissabienuncoupdepoingfinalement,celui,immatériel,provoquéparmaquestion.Je
n’iraispasjusqu’àdirequ’ilblêmit,maispasloin.Sonsouriredésertasonbeauvisage
instantanémentpourlaisserplaceàuneexpressiondurequejeneluiavaisjamaisvue.
Sijen’avaispasétéaussiimpressionnéeparcebrusquechangement,jecroisquejemeseraislaissé
alleràunepetitecrised’hystériedederrièrelesfagots.Saréactionnepouvaitsignifierautrechose
que:«çacraintgrave!»
Axirlançasesordres,deux;ilsclaquèrentcommeautantdecoupsdefouet.
—Voan,surveillezYlsi.Sláine,venezavecmoi!
JenefuspaslaseuleàlesuivrechezSiatris.Nousnousyrendîmestouslescinq.Sios’improvisaà
nouveaucerbèredelaportetandisqueMadimietSiatristenaientlerôledegarderapprochéedema
précieuse,maisexposéepetitepersonne,l’uncommel’autreprenantplaceàmescôtéssurleluxueux
sofa.Axirpréféraquantàluis’asseoirenfacedemoi,surlatablebasse.
Avantdem’informerdequoiquecesoit,ilmefitrépétertoutcequ’Ylsim’avaitdévoilé.Ilvasans
direquej’omisdementionnercertainesrévélationssansaucunintérêtpournotreaffaire,comme
cettehistoiredebaiseroucelledel’empoisonnementdontjepréféraisdiscuteravecTéli.
Peut-êtreaurais-jedûenparler,maislaprésencedeSiodanslapiècem’endissuadait.Jenevoulais
pasévoquerceladevantlui.Niavecluid’ailleursparcequej’avaismalheureusementconscienceque
connaîtrelasourcedelasituationentrenousnechangeraitfinalementpasgrand-chose.
Unefoismonmonologueterminé,j’attendisqu’Axirm’apprennecequ’Ylsin’avaitsumedire.
Manifestementilnesemblaitpasdisposéàlefaire.Sonregardavaitquittélemiendepuisunmoment,
ilétaittotalementimmergédanssespensées.
—Dites-moicequesontlesguetteurs,sollicitai-je.
—Jen’ensaisrien,murmura-t-il.
Stupéfaite,j’écarquillailesyeux.
—Commentça,vousn’ensavezrien?!m’exclamai-je.C’estimpossible!Vousenavezpeur,vous
savezdoncnécessairementquiilssont!
—Naturellement,jesaisquiilssont!rétorqua-t-il,froissé.Enrevanche,j’ignorecequ’ilssont!
—Ohc’estsûrquec’estlemomentdejouersurlesmots!m’irritai-je.
CommeunseulhommeSiatrisetMadimim’enjoignirentàplusderetenue,chacunàleurmanière
maistousdeuxavecleurmain,celledudémonseposasurmacuisse,celledeladémoneserefermant
surl’unedesmiennes.
—C’estpourtoiquejem’inquiète!criaAxir,sifortquejesursautai.
Dois-jem’enexcuser?
Jenesaiscequimeperturbaleplus.Letutoiementabolissantsubitementpresquetoutedistanceentre
nous,lefaitdeledécouvrirencoreplusscandaleusementbeausouslecoupdelacolère,qu’ilaitpeur
pourmoioulefaitdelevoirs’énerveralorsqued’ordinaireilgardaitsoncalmeenversetcontre
tout?
Seulement,cesmêmespensées,déplacées,n’induisaient-ellespasquejen’allaispastarderàperdre
totalementlatête?Parcequesurl’instantledangerquimeguettaitfutremiséausecondplan.Jecrois
mêmequetoutaufonddemoi,unminusculediablotinsautilladejoieàl’idéed’avoirréussiuntel
exploit.Maispeut-êtrenes’agissait-ilquedemonsystèmeinternedesauvegardequitentaitdeme
protéger.Lapeurd’Axirnepouvaitprésagerquedumauvaisdechezmauvais.
—Jesuisdésolée,soufflai-jeenessayantdemereprendre.
—Bien.Maintenant,tulabouclesettum’écoutes,gronda-t-ild’unevoixextrêmementgraveense
penchantversmoi.
Sonpâleregardvisséaumienmemettaitaudéfidedésobéiràl’ordre.Jen’étaispasplustentéeque
celaparl’expérience,mais,demanièreassezperverse,jem’interrogeaitoutdemêmesurlafaçon
dontilséviraitsijem’avisaisdepasseroutreleconseil…
—Lesguetteurs,commença-t-ild’unevoixredevenueaussidoucequeduvelours,résidentdansles
sphèreslesplushautesdenotredimension,justeavantledernierplandeconscience.Tuvoisdequoi
jeparle?
—Oui,murmurai-jesanspouvoirm’empêcherdefrissonneràcetteévocation.
Siatrism’avaiteffectivementapprisqu’au-delàdemadimensionterrestreethumaine,s’entrouvaient
trenteautres,correspondantchacuneàunpland’existenceàchaquefoisplusélevéetsubtilàmesure
quel’ons’éloignedeceluideshumains.
Etsilesguetteurssetrouvaientàl’oréedel’étherleplusélevé,çanepouvaitsignifierqu’unechose:
cescréaturesétaientdesgrossespointures,deshuiles,des…denouvelleshorreurs!
—Considère-lesunpeucommeunesortedegrandConseildontlatâcheseraitdeveilleràl’équilibre
delaCréation.Iln’est,dèslors,pasdifficiledecomprendrecequilesamotivés:ilsestimentla
présencedeTélientoicommeunepremièrecausededésordre,cequipeutsecomprendre.Mais
surtout,ilyatoi,àsavoiruneautresourcepotentielledechaos.Tun’entresplusdansl’ordredes
choses,tuesàpart,horscréationpourainsidire.
Ilmefallutunmomentpourdigérercettenouvellefaçondemeconsidérer.Elleétaitsurtout
bigrementdureàavaler!
—Etçajustifiedevouloirmefairedisparaître?m’offusquai-jesanséleverleton.
—Poureux,sansaucundoute.Jamaisaucundetessemblablesn’aaccueilliautantdepuissancenonhumaine,demêmequ’aucunêtredenotredimensionneserajamaisaussihumainquetupeuxl’être,
mêmesinousenavonsl’apparence.Orc’estprécisémentcequiestentraind’advenir.LapartdeTéli
entoisaturetonessencedesonénergieett’aideàdevenirautre.D’unautrecôté,Téliest…
—Contaminéparmonhumanité?complétai-jeàsaplaceenlevoyanthésiter.
Axireutunegrimacechagrinée,maisnerectifiapasletermequej’avaisemployé.
—Doncengros,j’aileculentredeuxchaises.Jenesuisplustotalementhumaine,maisnepourrais
jamaisnonplustotalementperdremonhumanité.
—Engros,oui.Tuesunesortede…denouvellecréationmaisnonprescrite.
Unspécimeninattendu…
—Pasplutôtuneaberration?
—Unphénomène.
—Admettons,soupirai-je.MaisYlsialaisséentendrequ’ilscraignaientaussipourleurpouvoir,
enchaînai-je.C’eststupide,jen’enairienàbattreetsurtoutjen’aipasl’intentiondeficherlebazar
oùquecesoit.
Axireutcettefoisunedrôledemimique,melaissantàpenserqu’ilestimaitquej’avaisdéjàmisle
foutoirunpeupartout.
—Jenepensepasqu’ilscraignentunputsch,plutôtquetamutationneprovoquedesfaiblessesdans
l’édificequ’estlacréationetquepartonexistencemêmeturemettesbeaucoupdechosesencause.Tu
asdéjàentenduparlerdelathéorieduchaos?
—Ouais,maisjenesuispasunpapillon.
—Pasencore,tuesencoredanstachrysalide,chuchota-t-ilenm’adressantunclind’œil.
Était-cesonintonation,maisl’idéequ’ilattendaitprécisémentquejesortedemoncoconm’effleura
l’esprit.Demêmequecellequ’ilétaitimpatientdedécouvrircequienémergerait.Maispourquoi
faire?M’étudier?
Était-cedelacuriositéous’agissait-ildetoutautrechose?
Jeneprispaslerisquedeleluidemander.
—Commentsefait-ilquevoussachiezquisontcesguetteursmaisignorieztoutdeleurnature?lui
demandai-jeencoreparcequecettehistoiremetravaillait.MêmeYlsin’apassumeledire.
—C’estonnepeutplussimple.Lorsquetunaisouappartiensàl’undesplansd’existence,tunepeux
tedéplacerqu’entrecelui-cietleplusbas,pluslevôtre.Ceuxsituésau-delànetesontpasaccessibles,
àmoinsd’évoluerbienentendu.
—Doncçasignifiequepersonnenesaitd’oùilssortent,combienilssont,nicequ’ilsbidouillent?
—Jen’aijamaisditça,j’aipréciséquemoijenesavaispastout.Toutcequejepeuxrajouterc’est
queleconseildesguetteursestcomposéd’angesetdedémons.
Questiondeparitéensomme.
—EtvouscroyezquequandYlsiaditquelesdémonsn’étaientpasaucourant,ilvoulaitparler
desguetteursdémons?
—Espérons-leparcequeçasignifieraitquenouspourrionscomptersureuxetlesameneràte
soutenir.
—Vouscroyez?
—Jepensesurtoutquesil’ensembledesguetteursenavaitaprèstoi,nousn’aurionspascette
discussion.
—Maisjecroyaisqueseulunangegardienavaitautoritépourdéciderdusortdeceuxqu’ilaen
charge,argumentai-je,prised’unenouvelleangoisse.
—Leguided’unhumainordinaire,oui.
Jeretinsinextremismaquestionvisantàluidemandersifinalementilmeservaitàquelquechose;je
lusdanssesbeauxyeuxqu’illadevina.
Loindemoil’intentiond’êtredésagréableaveclui,iln’étaitenrienresponsabledecequim’arrivait.
Maissavoirquej’étaisprobablementsansréelleprotectionmefichaitunsacrécoup,d’autantqueje
meconsidéraistoujourscommefaisantpartiedugenrehumain.
—Resteàespérerqu’ilsvontenprioritéseretournercontreleurshomologuesangéliquespouravoir
agidansleurdos,poursuivitAxir.Aumoins,tuauraislapaixunmoment.
Enfinunebonnenouvelle!
—Mais…
Jeretire.
—…ilspeuventaussifairepassertoncasavanttoutechoseetréglerleurscomptesentreeuxensuite.
Avecmonoptimismehabituel,jesongeaiquec’étaitcequiallaitseproduire.
—Alorsonfaitquoi?
—Jevaism’absenteretprévenirlesmiens.Pendantcetemps,ilfautquetuaiesunentretienavecTéli.
J’acquiesçaid’unhochementdetête.
—Jepeuxvousposerunequestion?
—Jet’écoute.
—Dequelétherêtes-vous?
Siom’avaitditlui-mêmevenirduhuitièmeplan;j’enavaisconclu,sansendemanderconfirmation
cecidit,quetouslesdémonsquejeconnaissaisémanaientdumême.C’étaitlemomentoùjamaisde
m’enassurer.Mêmes’ilnes’agissaitquedecuriosité,jecroisquej’avaisbesoind’apprendre
qu’Axirétaitpuissant,besoindesavoirqu’ilavaitsuffisammentderépondantpourmeprotéger.
—Dusixième.
Ehbeh…
Sansquej’aiebesoindeleurposerlaquestionautrementqu’enmetournantverseux,Siatriset
Madimim’informèrentqu’ilsvenaientrespectivementdesseptièmeetonzièmeplansd’existence.
AvantdesereposersurAxir,monregardglissasurSio,toujourspostéàlaporte.J’eusuncoupau
cœurenconstatantqu’ilétaitloind’arborercetairimpénétrablequ’ilm’avaitopposéjusqu’ici.Si
j’avaisdûdéfinirsonexpression,j’auraisditqu’iln’avaitqu’uneenvie,celledes’éclipser;alorsde
deuxchosesl’une,soitilavaitunrendez-vousurgent,soitilsefaisaitroyalementch…ils’ennuyait
ferme.
—EtYlsi,vousallezenfairequoi?lequestionnai-jesanscesserd’observerSio.
—Ilresteavecnousdansl’immédiat,nouslesurveilleronsàtourderôle.
—Vouspensezqu’ilsvontsevengersurlui?Ill’alaisséentendre.
—Tut’inquiètespourlui?s’étonnaAxir.
—Non.Maisilneméritepasd’êtreéliminé.
Siatrisnesemblaitpasdutoutdecetavis,sij’interprétaicorrectementlespasmedesamainsurma
cuisse.
—Ilsn’irontpasjusque-làparceque,mêmes’ilsenontlacapacité,ilsn’enontpasledroit.
Tandisquedansmoncas,ilsontprislegauche…
Chapitre25
MonentretienavecTélidutattendreunpeu.
Axirsouhaitants’entreteniravecSiatrisetMadimiavantsondépartàproposdequelquesdispositifs
pourassurermasécurité–probablementmeconfinerdansleslocauxavecunesurveillance
permanente–,Sioenprofitapourobtenirsadiscussion.Sansmelaisserlamoindrechanced’y
échapper,celavasansdire.
Lestroisdémonsn’avaientpasquittéleurplacedepuisplusd’unedemi-minutequeSiovoulutme
fairerasseoirsurlesofaduquelj’avaiseuunmalfouàm’extirperàpeuprèsdignement.Siatris,qui
lesurveillaitducoindel’œiltoutenrestantattentifàcequeluidisaitAxir,voulutintervenir.Plusque
moncoupd’œil,cefutlamaindeMadimisursonbrasquiledissuadades’enmêler.
Sijen’appréciaiquemoyennementlapoigneintransigeantedeSiosurmonbicepspourme
reconduireverslecanapé,luinesemblapasgoûtermoncoupd’œilàSiatrislorsquecedernierquitta
leduplexencompagniedeMadimietAxir.Nid’ailleursmongestepourmedébarrasserdesaprise,
lefaitquejen’obéissepasetquittelaplacequ’ilm’avaitassignéepourallermepositionneraubout
dudivan.
Cefutlapetiteflammerougeilluminantfurtivementl’obscuritédesesyeuxquim’eninforma.
Commejeregrettaiqu’ellenesoitqu’unemanifestationdesonirritation.
Sonattitudemeconfirmaquejenem’étaispastrompéeetqu’ilétaitplusqu’impatientd’enfiniravec
ça.Urgencequej’imputaisnaturellementàsondésird’êtreailleurs.Ouavecquelqu’und’autre.
J’avaisuneidéeassezprécisedusujetqu’ilenvisageaitd’aborderavecmoi.Ilvoulaitsaréponse.
Maismoij’auraisaimédisposerd’unrépit,pourfaireletridansmespensées,laissersecalmerun
peuletourbillondemesémotions.Oumieux,nepluspenseràriendutoutpendantunepetiteheure.
Maissij’avaisosésollicitercedélaisupplémentaire,Sion’enauraitpastenucompte;jeconnaissais
l’animal,iln’yavaitpasplustêtuqu’undémondéterminé.PasplustenaceetimpatientqueSionon
plus.
Brascroiséscontremapoitrineetleregardrivésurlamoquetteplutôtquesursesénormesbottes,
sescuissesprisonnièresducuirdesonpantalon,sont-shirtmoulanttropparfaitementsontorse
admirableoupireencoresonvisage–c'est-à-direrelativementparéecontredespiègesentous
genres–,j’attendisqu’ilparleenpremier.
—Tuaseudutempspourréfléchir,articula-t-il;savoixgraveétaittoujoursvidedelamoindre
émotion.
J’avaiseffectivementeuetprisletempspourcefaire,maisn’avaispasenviedeluirépondre.Ceque
j’avaisàfairemeterrifiaitparcequ’aprèsiln’yauraitplusrienetjenepouvaism’yrésoudre.Pas
commeça,pastoutdesuite.
Moncouragemefuyait.Sioexigeaitsaréponseetsemoquaitsansdouteroyalementdemesétats
d’âme.
N’ayantenoutrejamaisétéfandesultimatumsdequelquenaturequecesoit,jelaissaimacontrariété
prendrelepassurlereste.
—Pourquoim’imposes-tuça?luidemandai-jeenlevantlesyeuxjusqu’auxsiens,
précautionneusement,c'est-à-direenévitantdeleslaissers’attarderenroutelàoùc’étaitrisquépour
mesbonnesrésolutions.
—Jetel’aidéjàexpliqué.
—Ouimais…
—C’estouiounon,s’impatienta-t-il.C’estaussisimplequeça.
Siseulementçal’étaitjustement!
J’inspiraipuisexpiraiprofondément.Moncœurbattaitàtouteallure,serévoltaitcontremaraison
quiallaitmefairearticulerdesmotsquejen’avaisaucuneenviedeprononcer.
Jenesavaispluslequeldesdeuxécouter.Doutermaintenantétaitcatastrophique,lapaniqueme
mettaitdansunepositiondesplusdélicates,unpeusemblableàcelledeseretrouveraubordd’un
précipicequevousdeviezfranchirsansêtrecertainqu’unpontsematérialiseraitsousvospiedspour
vouslepermettre.
—Sláine?J’attends.
—…
—Ouiounon,mepressa-t-ilencore.
—Je…jenesaispas,soufflai-je.
—Maisbiensûrquesitulesais,murmura-t-ilsidoucementquecelaauraitpupasserpourdela
tendresse.
Cen’enétaitpas.Iln’yenauraitplus.
—Trèsbien,soupirai-je.Jevaistedireleschosesclairement!Ilyaungouffreentrecequejeveux
etcequejedoisfaire,articulai-je,meforçantàsoutenirsonregard.
Sessourcilssefroncèrent.
—C'est-à-dire?
—C'est-à-direque,commejetel’aimoiaussidéjàdit,jepréfèrerenonceràtoiplutôtquedetevoir
détruiremonamourpourtoi.Parcequesij’acceptetapropositionc’estinévitablementcequise
passera.
Jenemeseraispascruecapabled’articulercesmotsapposantlemot
«Fin»ànotrehistoiresanssentirmoncœursebriserenmillemorceaux.
Remarquez,ilétaitdéjàenmiette,ceciexpliquantsansdoutecela.J’avaisdoncbienfaitdenepas
vouloirrecollerlesmorceaux.
Sioétaittenduetapparemmentunpeuétonnéaussiquejesoiscapabledeluttercontretoutcequ’il
m’inspirait,désircompris–commeilsetrompait!
Maiscefutsaseuleréaction.Notreultimeruptureneluiauraarrachéqu’unpeudesurprise?
—Maistuasenviedemoi.
Ilavaiténoncécettevéritéuniverselleavectantdedétachement!
—Oui.
—Ettum’aimes.
—Aussi.
—Alorspourquoi?Pourquoirefuses-tudeprendrecequejetedonne?
Sonintonationmesemblaunbrinmoinsdistante.Maiscenedevaitêtrequemondésirqu’ilensoit
ainsi,pasuneréalité…Cen’étaitqu’unbeaumirage.
—Parcequesimoijet’avaisposécesmêmesquestions,tunem’auraisdonnéqu’unseuloui.Etje
refuseden’êtrequ’unemaîtresseoccasionnellepourtoi.Tupeuxquandmêmecomprendrequeçava
toutsalir,quejevaisfinirpart’envouloir,tedétesterpeut-être!
Sios’étaitraidiàmesurequejeparlais.Ilseredressadetoutesataille.
—Tuterendscomptedecequeçaimplique?contra-t-il,sèchementcettefois-ci.Tusaisàquoitu
t’exposes?
—Oui,jenelesaisquetrop,murmurai-jeenbaissantlesyeux.Tuassouvirastesbesoinsavec
d’autressanstesoucierdecequejepourraisressentir.Etpuisunjour,poursuivis-jeaprèsunecourte
pause,tufiniraspartrouvercellequetucherchais,cettefemmeexceptionnelleenquitupourrasavoir
confianceetquinetedécevrajamais.
Unflotd’imagesodieusesdéfiladansmatête.UntrèsmauvaisfilmoùSiotenaitlepremierrôleaux
côtésd’unefemmesplendidecapabledeluidonnerabsolumenttoutcequ’ilpourraitdésirer.Elle
n’étaitpasmoi.
Deslarmess’invitèrentdansmesyeux,desfoutueslarmesquejenepuscontenir.Sioétaitàmoi,
chaquefibredemoncorpsmelecertifiait,monâmesetendaitverslasienneavecl’espoirinsensé
qu’ellepouvaits’ygrefferpourleretenir,lecontraindreàm’aidercommeavant.
—Tuneferasrienpourm’enempêcher?
Iln’avaitriendémentilesalaud!Jusqu’auboutj’avaisespéréqu’ilmehurleraitdelafermer.Mais
non.Pireencore,uneinsupportablenoted’espoirflottaitdanssonexaspéranttonredevenu
flegmatique.J’étaisfollederage.Anéantieaussi.Jeneprispaslapeinederéprimermagrimace
d’amertume.Nimacolère.
—T’enempêcher?!raillai-jeavecaigreur.Jenesuisnifolle,nicomplètementidiote,tusais!Jen’ai
jamaisoubliécequetum’asdittoi-même,quedansuntelcasjen’avaispasintérêtàmemettreen
traversdetaroute!Tuvois,j’aibienretenulaleçon!
Seslèvressepincèrentàcerappel.Commes’ilregrettaitm’avoireffectivementditçaunjour.J’eus
égalementl’impressionqu’ilm’envoulaitdemesouvenirdecelaouqu’ilavaitespéréquelque
chose.Quej’acceptesansbroncherjusteparcequ’ilm’avaitditqu’ilmevoulaitetquepourluicela
étaitamplementsuffisant?
Sioserapprocha.D’unpasseulement,maisc’étaitsuffisantpourempiétersurmonespaceet
engendrerunepassationdepouvoiràmondésir,audétrimentdemesrésolutions.Toutuntasde
signauxsemitenrouteunpeupartoutenmoi.Malheureusement,tousn’étaientpasd’alarme.
J’esquivaietfisquelquespasdecôtépournepasmeretrouvercoincéeentreluietlesofa.Peu
discrètement,maisjen’étaisplusàça.
—Quandjetedisquejeteveuxetquej’aienviedetoi,jenemenspas.C’estplusvraiquejamais.
—Çatepassera,rétorquai-jeenhaussantlesépaules,feignantladésinvolturepourdissimulermon
angoissesoudainequecelaadvienneeffectivement.Jenepeuxpasn'êtrequetamaîtresse.Jesaisque
sijelefais,monespoirsurvivra.Jusqu’àcequetutelasseseffectivementetquetuletuestoi-même.
Jeneveuxpasendurerça,çamedétruira.
—Jecroisquetun’aspasbiencompris,Sláine,gronda-t-iltentantunenouvelleapprocheconsistant
àmecoincerprèsdel’undesfauteuils.
Jenetentaiaucunefuite.L’affronterétaituneerreur,j’enétaisquasimentcertaine.Maisj’étaisaussi
parfaitementimpuissanteàluttercontrel’emprisequ’ilgardaitsurmoiendépitdetout.
—J’aibesoindetoi,poursuivit-ilentendantsesmainsversmoi;ellesseglissèrentsousmes
cheveuxpourseposerdélicatementdechaquecôtédemoncou.Detoncorps,duplaisirqu’onse
donne,deceluiquej’aiquandj’unismonespritautien.
Unfrissondeplaisirindécent,nédesesmainsbrûlantessurmoiaussibienquedesesmots,me
parcouruttouteentière.
Pétrifiée,hypnotiséeaussiparcesparolestraduisantcequej’éprouvaisetvoulais,parsavoix
devenueaussidoucequeleveloursdesonregard,j’écarquillailesyeuxlorsqu’ilsepenchasurmoi.
Seslèvreseffleurèrentlesmiennes,allantetvenantlentementpourlesmarquerdeleurdouceur,avant
des’aventurersurmajoueoùellespoursuivirentleurdélicieuxballet.Simespaupièress’étaient
ferméesàdemi,elless’abaissèrenttotalementlorsquel’unedesesmainss’écartapoursoulevermes
cheveux,luipermettantdepoursuivresaprogressionversmoncou.Cetteincroyabledélicatesse,dont
ilnem’avaitquerarementgratifiée,medéconcertaunpeu,mecharmaetmefitunpeupeuraussi.
Moncœurétaitentraindemelâcher.J’étaissûrequed’iciquelquessecondes,ilallaitexploser.Sous
lecoupduplaisiretdudésespoir.Uncocktaildoux-amer.
Siocessasescaresseslorsqu’ilmesuttotalementséduiteparsadouceuretseredressapourme
regarder.
—Jamaisjenepourraismesevrermêmesijelevoulais,m’assura-t-iltoutbasd’unevoixencore
plusgrave,commes’ilcraignaitquel’airnesoittémoindesonaveu.J’aibesoindetoipourfaire
partirladouleur.Toutcequej’aitentén’ariendonné.
JenesaisissaispascequecherchaitSioenselivrantainsi,meservantsurunplateaul’empriseque
j’ignoraisavoirconservéesurlui.Voulait-ilmedirequelquechosesansavoiràprononcerdemots
tropdifficilespourluious’agissait-ilseulementd’unemanœuvrepourobtenircedontil
avaiteffectivementbesoin?
Jusqu’ici,jen’avaispasimaginéqu’ilpouvaitressentirautrechosequ’unerancunetenacealliéeàune
profondedéception.Maisc’étaitoublieràquelpointilpouvaitêtrecompliqué,àlafoisfrancetbrut
quantàsesbesoinsphysiques,maisd’uneextraordinairecomplexitépourcequiconcernaitson
esprit,sesdésirs.Etpourcouronnerletout,ilyavaitcettehistoiredepoisonquicompliquaitencore
leschoses.
—Pourquoimedis-tuça?parvins-jeàarticulerdansuneplainteétouffée;sanstoucherlemien,son
corpspuissantétaitsiprochequejesentaissachaleurm’atteindre,m’appeler.
Sij’avaisétésensée,j’auraispulutteretnepastrouvercelaaussidélicieux,niavoirenviequ’ilpose
sesmainsailleursquesurmoncou.Jevoulaisqu’ildéboutonnemonchemisier,qu’ilfasseremonter
majupesurmescuisses,mecaresse,m’embrasse,laissecourirseslèvressurmoncorps.
—J’aicomprisquelquechose,Sláine.Iln’yaquetoiquipeuxm’apaiseretjesaispourquoi.
—Ahbon?soupirai-je.
C’étaitlàtoutcequemoncerveauavaitétécapabledemefairearticuler.Sioavaitfaitdescendreses
mainsjusqu’àmesépaules,celles-ciavaientensuiteglissésurmesbraspourlescontraindreàse
décroiseravantd’allerserefermersurmataille;cesgestespresqueanodinsavaientpourtant
métamorphosémacervelleenunemarmeladepeuapteàfaireofficed’ordinateurcentral.C’estsans
doutepourcetteraisonaussiquemespropresmainss’étaientposéessursesbiceps.
Jen’étaisplusàuneexcusefoireuseprèspourjustifierdemonmanquetotaldevolonté;Sioétait
prochedemoietjemourraisd’enviequ’illesoitplusencore.Seulementj’assumaismalles
exigencestyranniquesdemoncorpsetdemoncœur,medéviantdecequejesavaisdevoirfaire.
—Jesuisenmanqueparcequemanaturem’exposeàcegenrede…
decomportement,medit-il,confirmantcequejesavaisdéjà.Maisjesuissurtoutenmanquedetoi,il
n’yaquetoiquipuissesmesoulager.
—Pourquoi?
—Àcausedecequejesuisetdecequetues.Àcausedemonessencequis’estimprégnéedela
tienneàchaquefoisquenousnoussommesunis,àcausedemoncorpstoujoursavidedutien.Et
parcequeladouleurn’apassuffi;ellenesuffirajamais.
—Alorstuveuxt’approprierlamienneaussi?
Mesmotsétaientplusunesortederévélationqu’uneréelleinterrogation.
—C’estpourt'emparerdemasouffrancequetum’asfaitcetteproposition?
—Jesaisquetupensesquec’estcruel,éluda-t-il.
—Cen’estpasunpointdevuepersonnel,c’estréellementodieuxenplusd’êtrevicieux.
—Sansdoute,esquiva-t-ilànouveau.Maisj’aientenducequel’anget’arévéléàproposdu
marqueur.
—Etalors?Qu’est-cequeçachange?
—Çachangequejesaispourquoijeteperçoiscommedéloyaleetterejettealorsquemoncorpslui
n’aspirequ’às’unirautien.
—Jecroyaisquevotrechairétaitunemanifestationtangibledecequevousêteschezvous,fis-je
remarquertentantdefaireabstractionducharmanttableauqu’ilsefaisaitdemoi.Commentpeut-ily
avoirunedifférence?
—C’estsurceplanquej’aiétécontaminé.Maislatotalitédemonêtren’estpasavectoi.
—Ah?
—Tuasl’airsurpris.Tunelesavaispas?
—Non.
Sesépauless’affaissèrent,ilsoupira.Medispenserunpetitcoursexpressnesemblaitpasêtreune
prioritésursonprogramme.Illefitpourtant.
—Lorsquenousnousmatérialisons,nouslaissonsunepartplusoumoinsimportantedenotre
puissanceetdenotreénergielà-bas.Nousnepouvonsnouspermettredenousincarnertotalement.
C’estdoncseulementunefractiondemonêtrequiaétéinfectée.Seulementçasignifieégalementque
tunemeconnaispasvraiment.
—Oh.
Ilfallaitvraimentquejecessederépondreparmonosyllabes.PasévidentderéfléchiravecunSioà
moitiécolléàmoi.Dedeuxchosesl’une.Ill’étaittropoupasassez.Etsesmainsbrûlantessurma
taille…
—Ettoncœur?demandai-je.
—C’estunchampdebatailleoùmonespritluttedetoutessesforcescontreladictaturedemoncorps
etdecequetuyfaisnaître.Jenepeuxpastedirequejet’aimeparcequ’enl’étatactueldeschosesje
nesaispasoùj’ensuis.Jenepeuxpastedirelecontrairenonplus.
—Doncnousensommestoujoursaumêmepoint,melamentai-jeententantdem’arracheràson
étreinte.
Malm’enprit,contrantmonmouvement,ilm’attiravivementàlui;j’eneuslesoufflecoupé,etpas
seulementàcauseduchoc.
—Tucrois?ronronna-t-ildesavoixlaplusgraveetlaplussexy.Tupeuxdéjàterendrecompteque
jenetemenspas.
Unemainplaquéeaucreuxdemesreinsmeretenantfermementcontrelui,Sionetrouvariende
mieuxquefrottersonbassincontremonventre.
Espècedetraître…
Qu’ilaitenviedemoi,jen’enavaisjamaisréellementdouté.Maisqu’iltentederetournermondésir
contremoi,memanipule,meblessaitprofondément.
Peuimportaitquejecrèved’enviequ’ilmeprenne.
—Arrête!soufflai-jeenposantmesmainssursespectoraux,pourlerepousser.
—Sinonquoi?
Sonregardbrillait,detoutesceschosesaffolantesqu’ilavaitenviedefairedemoi.Ausenspropre
commeaufiguré,d’écarlateslueursymiroitaient.
—Sinonrien.Jeneveuxpas,c’esttout.
—Menteuse.
Siosechargeaillicodeselefaireconfirmer,unedesesjambessedécalapours’intercalerentreles
miennes,songenousepressasurmonsexetourmentéparunetensiondouloureusementexquise.Si
sonbutétaitdejouerlespyromanes,ill’avaitatteint.L’incendiequis’étaitdéclaréaucreuxdemon
ventrecommençaitàfairedesravages.Unpetitgémissementm’échappa,faisantfleurirunsourire
suffisantsurseslèvresaffolantes.
—Sio,tentai-jeencoredansunsoupir.Çanesertàrien,je…
—Putain,Sláine!hurla-t-ilenmerepoussantsibrutalementquejemanquaidem’étalersurla
moquette.
Jemerattrapaidejustesseaufauteuil.Privéedesoncontact,jefrissonnai.Sij’avaissucequi
m’attendait…
—Commentdois-jetedirequej’aibesoindetoi?Ilfautquejetelemontre?C’estça?Tuveuxvoir
cequej’aifait?
Sansmelaisserletempsderépondreàsonéclat,nidecomprendrecequ’ilentendaitparlàd’ailleurs,
ilsedébarrassadesont-shirtqu’illaissatomberausol.
Monregardécarquilléparl’horreurdecequ’ildécouvraitnepouvaitsedétacherdesontorse.Ma
mainplaquéesurmabouchenefitqu’étoufferlaplaintedésespéréequiensortit.Jeduségalement
luttercontreunhaut-le-cœur.
Sapeau!Sasublimepeauétaitdansunétatlamentable.Yposerlesyeuxétaitatrocementdouloureux,
jen’osaialorsimaginercequ’ilavaitenduré.Pourluimaisàcausedemoi.
TélietSiatrisn’avaientmalheureusementpasexagéréenmedisantqueSioenavaitbavé.
Sontorsen’étaitplusqu’uneplaie,unhématomegéant,marquéd’unequantitéeffroyabled’affreuses
ecchymoses,detoutestailles,leursdifférentescouleurs:jaune,bleuouviolettirantsurlenoir,
s’entremêlaient,sechevauchaient,jurantaveclesrareszonesviergesdecoups.Jeneprispaslapeine
deluidemandersisondosétaitdanslemêmeétat.Monbrasretombamollementlelongdemon
corps,commedevenutroplourdpourtoi.Toutsemblaitl’êtred’ailleurs.Moncorpsetmavie,mon
chagrinetmessentiments.
—Seigneur…Qu’est-cequ’ellet’afait?melamentai-je.Parcequec’estelle,n’est-cepas?
—Oui.
L’enviesouverainedemerendrechezAmandadanslasecondepourtoutcasser,ellecomprise
naturellement,mesubmergea.Elledevaitpayerpouravoiracceptéd’infligeruntelsuppliceàSio.Je
mefislapromessedem’enchargerdèsquepossible.J’étaiscertainequeladémolirmeferaitunbien
fou.
—Pourquoinet’es-tupassoigné?
J’étaisanéantie,maistoujoursincapablededécrochermesyeuxdecetépouvantabletableau.Ilne
s’agissaitpasdefascinationmorbide.Plutôtunetentativepouressayerdecomprendre.
—Cesmarquessontcellesdeladernièreséance,meprécisa-t-il.Lejouroùtuesrevenue.
—Et?
Jefronçailessourcils,peucertainedegoûterl’intentiondecetteprécision.
Monregardabandonnasontorsepourremonterjusqu’ausien.
—Tonretourm’afaitaussimalquetadisparition.Jedevaislesgarder.
—Etcommentsuis-jesupposéeleprendre?mebraquai-je,croisantderechefmesbrascontrema
poitrine.
—Je…Jevoulais…
Ildétournalesyeux.
—Jevoulaisquetulesvoies,murmura-t-ilenfin.J’espéraisquetuaiesmaltoiaussi.
—C’estréussi,fis-je,amère.Etmaintenant?
—Touche-moi,Sláine,mesupplia-t-ilm’offrantànouveausonregard.
Moncœurseglaçaàcetteidée.Jenevoulaispasrajouteràsasouffrance,pascommeça,pasavecces
blessures-là.J’étaisresponsabledesonsuppliceetdescoupsreçus,maisladouleurbrutequ’ilavait
endurée,cesmarquesflétrissantsapeau,n’étaientnidemonfait,nidemavolonté.
Ellesn’étaientmêmepasassociéesàunquelconqueplaisirqu’ilauraitsouhaitéaumomentdeles
recevoirouquej’auraisvoululuiprocurer;ellessetrouvaientpourtantêtreuneexpressiondecequi
nousavaitséparésetnousliaittoujours.Etilvoulaitm’yconfronter.
—Jenepeuxpas,avouai-jedansunfiletdevoix.
—Si.Fais-le.
Cen’étaitplusuneprière,maisbeletbienundéfifiltrantsousleténébreuxveloutédesavoixgrave.
Avais-jeréellementd’autrechoixquedelerelever?
Mamains’approchadesapeau,lentement,avecprécaution,prêteàseretireraumoindresignede
souffrance.
Siotressaillitlorsqueleboutdemesdoigtsl’effleuraàpeine.Mais,anticipantmonmouvementde
recul,ilmesaisitlepoignetetm’attirabrusquementàlui,sonautrebrasseverrouillantautourdema
taille.Cettepresquecollisionluiarrachaungrondementdontjen’auraissudires’ilétaitdedouleur
oudecontentementd’avoirremislamainsursaproie.
—Recommence,murmura-t-ild’unevoixrauque,plongeantsonregarddanslemien.
Ilymiroitaitexactementcequ’ilvoulait:unplaisirànaîtredesasouffrance,lebesoind’unedouleur
satisfaisante.Enaucuncascelanesignifiaitpourtantqu’ilrevenaitsursaparole,cequ’ilme
demandaitn’avaitrienàvoiravecnosjeuxouunquelconquepartage.Ilvoulaitmecontraindreà
acceptersesmeurtrissures,parcequ’ellesfaisaientpartiedelui.Etpeut-êtredemoiégalement.
M’obligeantàposermamainàplatsursontorse,seslongsdoigtsrecouvrirentlesmiens.
—Touche-moiencore,gronda-t-il.Caresse-moi.
Lesvibrationsdesavoixprofondecoururentlelongdemonbraspourserépercuterensuitedanstout
moncorps,agissanttelunséismemenaçantlesfondationsmêmesdemarésistance.
Jememordislalèvreinférieure.J’allaiscéder.Pourautantdebonnesraisonsquedemauvaises.Je
voulaissapeaudoucesousmesdoigts,contrelamienne.Àdéfautdel’avoirlui,aumoinspourrais-je
obtenirunpeudelui.Etluidonnerunpeudecequiluimanquait.Ilmefallaitaussilesoulageretlui
faireregretterdes’êtreinfligécela.
J’espéraisquemeseffleurementslemarqueraientplusprofondémentquelescoupsnel’avaientdéjà
fait.
Mapremièrecaressepresquetimideluiarrachapourtantunsoupir.Devictoireplusquedeplaisir,
j’enauraisjuré.Endépitdesaffreusesmeurtrissures,l’inouïsoyeuxdesapeautenduesurses
musclesd’aciermerendaitfolle.Cettedouceurinhérenteàsonêtreautantqu’àsoncorpséchappait
totalementàsoncontrôle;ilnepouvaitriencontrecela,riennonpluscontrel’effetqu’elleme
faisait.Àpartm’enpriver.
Mesdoigtsnefaisaientquel’effleurer,retraçantchacunedesmarquescommesij’avaispossédéle
pouvoirdeleseffaceràmesurequejelestouchais.LessombresirisdeSios’illuminèrent,deux
diamantsnoirsdontlecœurdissimulaitchacununrubis.Lorsquemonregardrencontralesien,ses
paupièresnesefermèrentqu’àdemi,commepourévaluercequejeressentaisàletoucher.
Sitelétaitlecas,ilyrenonçalorsquemescaressessefirentplusassuréesetbasculalatêteenarrière.
Mesmainsremontèrentjusqu’àsanuquepourtirersurlelienencuirretenantsescheveux.Lesyeux
rivéssursonvisage,jenevoyaisguèreplusquesonmentonetsesmerveilleuseslèvres,maisnepus
manquerlesourirequiypassa,aussiinfimefût-il.
Sioseredressa,sachevelureruisselasursesépaules,enveloppantmesbrasdontlapeausehérissa
souscettecaressesisensuellequej’avaistoujoursadorée,quellequesoitlapartiedemoncorpsoù
elleétaitdispensée.
Illesavait.Avaitagisciemment.Pourmeperdre.
L’unedemesmainsdescenditjusqu’àsonpectoral,celuidontletétonétaitpiercé.Sonbijoucejourlàétaitunanneausemblableauxmiensmaispluslargeetnoir.Monindexfitlentementletourdeson
mamelonavantdetirerlégèrementsurl’anneau.Sios’immobilisainstantanément.
Sonregardserivaaumien.
—Situveuxqueçamefassequelquechose,ilvafalloiryallerplusfort,gronda-t-il.
Jesouris.Intérieurementseulement.
—Jesais.
—Alorsfais-le.
—Non.Rientantquetuaurascesmarques.
—Duchantage?
—Non.
Ilparutdéçu.
—Ellesmefontmal,précisai-je.Jeneveuxpluslesvoir.
—Tun’asqu’àfermerlesyeux.
—Maintenantquejelesaivuesettouchées,jevoudraisquetutesoignes.
—C’estcequejefais,m’assura-t-ild’unevoixrauqueensepenchantsurmoi.
Soncorpsm’envoyaitdessignauxdeplusenplusflagrantsdesonurgence,vibraitlittéralement
contrelemien,sachaleurm’atteignaitàtraversmesvêtements,mebrûlaitpresque,s’insinuaiten
moi,anesthésiaittoutcequin’étaitpasmondésir.Sonparfumtroublantm’enveloppait,excitaitmes
sens.
Sonvisageétaittendu,sonregardfiévreux.Ilavaitbesoindesexe.Etvite.
Sansperdredutempsàchercheruncadreplusromantiquepourcequienseraitdetoutemanière
dénué,Sioselaissatomberàgenouausolmaism’empêchadel’yrejoindre,sesmainsdéjàse
faufilaientsousmajupe.
Chancelantsousleurlentecaressebrûlante,jedusm’agripperàsesépaulespourparveniràgarder
l’équilibre.Ellesmarquèrentunepausesurl’arrièredemescuisses,maisleurbutétaitlesrondeurs
demesfesses.
Sesdoigtsnerencontrantaucunebarrièretextile,Siolevalesyeuxversmoietmedévisageaun
instant.
Illevaunsourcil.
—Pasdepetiteculotte.
Qu’ilénoncecefaittouthautmefitrosirdeconfusion.
—ExigencedeSiatris?
—Non,murmurai-jesansentrerdanslesdétails.
Iln’avaitpasbesoindesavoirquecequis’étaitpasséentreSiatrisetmoim’avaitlaisséerêveuseet
distraiteaupointd’enoublierdepasserdelalingerieaumomentdem’habiller.
—Dommage.
—Pourquoi?
—Çam’auraitplu.
D’imaginerqu’ilempruntaitsonjouetàSiatrissanssapermissionoudesesatisfaireaupassage
d’unepetitemorsuredejalousie?Oudepossessivitéplusexactement.
—Navréedetedécevoir,répliquai-jeétourdiment.
Siodétournaaussitôtleregardpourlefixersurl’encoluredemonchemisier.
Moncœurseserra.Ilm’avaitsembléyvoirpasserunéclairdedouleur.
Sionemelaissapasletempsdem’appesantirsurcepoint,sesmainsremontèrentencorepourse
glissersouslaceintureélastiquedemonjuponetànouveauenserrermataille.
—Vienslà,chuchota-t-ilenm’attirantàlui,m’invitantensuiteàm’asseoiràcalifourchonsurses
cuisses.
Àpeineyétais-jeinstalléequesamaindroiteseplaquaaucreuxdemesreins,l’autrem’abandonna
uncourtinstantpourseplacersurmanuque.Ilpesasurmoietm’allongeasurlamoquette.S’il
m’avaitaccompagnée,ilseredressaaussitôt.
Àpartirdecetinstant,mesureetdouceurnefurentplusdemise.
Etàcemomentprécis,jen’avaisentête,outremondésir,quesesmots;ilavaitbesoindemoi.Je
l’avouesanshonte,jepensaissincèrementquenotreétreinteleguérirait.Commeparmagie.
Agenouilléentremesjambes,Siorepoussamajupeavantdedégraferrapidementsonpantalonpour
libérersonérection.Sonregardétaitrivésurmonsexe.Pasassezexposéàsongoût,compris-je
rapidement.
Ilplaquasesmainssurl’intérieurdemescuissespourlesécarter;ellesremontèrentjusqu’àceque
sespoucesluipermettentdem’ouvriràl’aviditédesonregard.
Songrondementrauquetrahissantuneobscurevoracitémefitfrémir.
Deplaisiranticipéetd’impatience.
Sesyeuxremontèrentjusqu’àmapoitrine.Tirantd’uncoupsecsurlespansdemonchemisierilenfit
sautertouslesboutonsd’unseulcoup.
Unepetitepluiedeplastiquenoirs’éparpillasurlamoquettetoutautourdemoi.
Sasurprisededécouvrirmespiercingsnedurapasplusdedeuxsecondes.Jenesaissij’avais
réellementespéréquecelaluiplairait.Iln’enrestaitpasmoinsquemêmeconscientedesonurgence
deplusenplusimpitoyable,jefusunpeudéçueparsondésintérêtmanifeste.
Sios’étenditsurmoietplongeasonregarddanslemien.
—Jenevaispastefairel’amour,secrut-ilobligédemepréciser.
—Jesais,murmurai-je.
Empêchermoncœurdeseserrermefutimpossible,jeparvinstoutdemêmeàluicacherlemalque
cerappelmefit.
Siosesoulevalégèrementpourempoignersonsexeetleplaceràl’entréedumien.
—Jenepeuxpas,rajouta-t-ilencore.
—Jesais,répétai-jesansunsoupir.
—Tum’enveux?
—Non.
C’étaitunmensonge.
Sios’immisçaenmoid’unamplemouvementdebassin,m’arrachantunlonggémissementde
satisfaction.J’enauraispleuré.
—Putaindemerde,jura-t-ilentresesdents.Tuesbrûlante.
Jeleconnaissaissuffisammentpoursavoirqu’ilétaittrèsexcitéetquenotreétreinteseraitfougueuse,
flirteraitpeut-êtremêmeavecunecertaineformedebrutalitéinhérenteàcequ’ilétait,unefrénésie
témoignantnotredésir.Maisj’avaistoutdemêmeenviedeleprovoquer,l’obligeràbougerenmoi.
Ilnepouvaitounevoulaitpasmedonnercequejevoulais,alorsj’allaisleprendre,quitteàlevoler
oul’inventer.
Sioseretirapourreplongerenmoiimmédiatementaprès.Etjuraànouveau.
—Bordel!
Alorsils’immobilisa,puisseredressa.Àtraversmespaupièresmi-closes,jevisqu’ilmereprochait
cepouvoirdeluifaireperdretoutcontrôle.Honteusementsatisfaite,jelefusplusencorelorsqu’ilse
mitàbougerenfin,avecprécaution.
J’inclinaimonbassinpourmieuxl’accueillirenmoi.
—Arrête,gronda-t-il.
—Non,protestai-jedansuneplainte.
Uncoupdereinsplusvigoureuxfitcouriruneondedévastatricedanstoutmoncorpsquisecambra
contrelesien.
—Encore,soufflai-jeenfaisantondulermeshanches.
—Tais-toi,etcessedebouger.
—Parcequeçat’excite?
Pourmefairetaireetm’immobiliser,Siom’écrasadetoutsonpoids.
Puis,ilempoignamescheveuxàdeuxmains,seslèvresprirentlesmiennesd’assaut.Lacaressedesa
languesurlamienne,langoureuseetvirtuose,songoût,sonparfum,samerveilleuseetimpitoyable
invasionm’envoyèrentdirectementdansd’autressphères.
Sesmouvementss’intensifièrent.
Renduemuetteparsabouchebâillonnantlamienne,jenepusquegémiralorsqu’ilmemartelait
toujoursplusfort,plusvite.
Sionemelibéradeseslèvresqu’aumomentdejouir,justeavantmoi,rejetantsatêteenarrièretandis
quedesagorges’échappaituncrirauque.
Derageoudeplaisir?
Chapitre26
Àboutdesouffle,lecœurbattantàtoutrompre,jesavouraislepoidsdeSioeffondrésurmoi,son
sexepalpitantaucreuxdemoncorps,sapeaubrûlantecontrelamienne,sarespirationsaccadéedans
moncou.
J’éprouvailamerveilleusesensationd’avoirretrouvémaplacedansl’ordredeschoses.
Ilrestalongtempsainsi,immobile,metenanttoutcontrelui;seulssesdoigtstoujoursdansma
cheveluresemouvaient,massantdoucementmoncrâne.Cen’étaitpasmoiquiallaism’enplaindre,il
semblaitfinalementvouloirfairepreuvedetendresse,s’accrocheràmoi,medonnantl’impression–
etl’espoir–quemêmeaprèsn’avoirassouviqu’unbesoinexclusivementsexuel,ilvoulaitdésormais
autrechose.Plus.Moi.
Etqu’ilétaitdélivrédupoison.
J’espéraisquecemomentyseraitpourquelquechose.
—Sio,murmurai-jeenluicaressantlescheveux.Çava?
—Ouais,marmonna-t-il.
Jememordislalèvreinférieure.L’undemescommandementspersonnelsétaitdegarderlesilence
aprèsl’amour;jeressentaisnéanmoinslebesoindediscuteravecSio,etsurtoutl’entendremedire
quetoutétaitredevenucommeavant.Oun’importequoid’autrepourvuquecesoitdesmotschargés
d’affection.
Maisjen’osaipas.
Dérogeràmarègleseraitpeut-êtrelacaused’unecatastrophe?
Mesmainsépousantjusqu’icil’arrondideseslargesépaulesglissèrentjusqu’àsesbras.
—Etmaintenant?trouvai-jefinalementlecouragedeluidemander.
Sioseredressa,prenantappuisuruncoudepourmeregarderdroitdanslesyeuxunlongmoment.
Sansmotdire.
Ilseretirapuissereleva,meprivantdetoutenquelquessecondes.Sasoudaineabsencecontremoi
mefitfrissonner.Reposerlesyeuxsurlesmarquesentachanttoujourssapeauaussi.
—Etmaintenantquoi?voulut-ilsavoir,gardantlesyeuxbaisséssursesmainsreboutonnantson
pantalon.
Jem’assis,repoussaimajupesurmesjambespuismelevaiàmontour,rapprochantlespansdemon
chemisiersurmapoitrineavantdemeplanterdevantlui.
Jepensequej’avaisdéjàcompris.Maisjerefusaisd’accepter,d’ycroire.
—Nous,répondis-jesimplementenlefixantattentivement.
Siosepenchapourrécupérersont-shirt,l’enfilapuisfixaunpointau-delàdemoi.
—Onenparleraplustard,situveuxbien,soupira-t-il,agacé.
—Non,toutdesuite,opposai-jefroidement.Ettumeregardes,s’ilteplaît.
—Trèsbien,soupira-t-ilenbaissantlesyeuxsurmoi;rienn’ybrillaitplus.Commetuveux.Jevais
mieuxetjet’enremercie.
Jeblêmis.
Pourquoiavais-jeouvertmonclapet?
—Etc’esttout?!Tuvasmieux!m’exclamai-jeincrédule.
—Oui,c’estcequiétaitprévu,non?Onremettraçaàl’occasion,maislàjedoisvraimentyaller.
—Oh?!Vraiment?
J’avaisenvied’endécoudre,unepuissantetentationcapabledemefairefaireetdiren’importequoi
pourvuquecesoitmalveillant.J’espéraisdetoutcœurqu’ilm’enoffriraitl’opportunité.
—Oui,j’aiunrendez-vousavecuneadorablesoum…
Lagiflegrandiosequis’abattitsursonvisagerésonnalongtempsdanslapièceetàmesoreilles.Ce
sonvalaitmieuxquesesmotsetceuxquejel’avaisempêchédeprononcer.
Jel’avaisfrappésifortquemamainensouffraitprobablementautantquesajoue.Sidemavie
j’avaisregrettéungeste,celui-cin’enfaisaitpaspartie.Jesavaisdequoiilauraitétécapablesije
l’avaislaissépoursuivre.
Quecesoitfauxoulavérité,sesparolesauraientinévitablementétédestinéesàmeblesser.Ilne
faisaitaucundoutequ’ellesyseraientparvenuesaussibienquecellesdéjàarticulées.
Sioneréagitpratiquementpas,pasplusqu’iln’esquissalemoindregestepourmerendrelecoup.Il
mesemblapourtantlevoirréprimerunsourire.
Souslecoupdelarage,latotalitédemonsangremontaàmonvisage,unvéritablegeyserdefureur.
—Espècedesalaud!hurlai-je.Ordure!
Mesinsultesglissèrentsurlui.Celanefitquemerendreplusfurieuseencore.
—Jecroyaisquetuavaiscompris,sedéfendit-ilplatement.
J’ycroispas!Ilsefoutdemagueule?!
Siom’avaitmanipulée,m’humiliait,mefaisaitmaletenplussemoquaitdemoi?Maisoui,jele
voyaisàlalueurnarquoiseflottantdanssonregardd’obsidienne.Unventglacialsoufflasurmon
âme,sechargeantdebalayerlepetittasdepoussièrequ’étaitmoncœur.
—Cequejecomprends,c’estquetuviensdemebaiserdanstouslessensduterme.
Sioseredressadetoutesatailleetglissasesmainsdanslespochesarrièredesonpantalon.
—Maisc’estladernièrefois!rajoutai-je,follederage.
—Tusaisaussibienquemoiqueçasereproduiraàchaquefoisquej’enauraisenvie,m’opposa-t-il.
Tuesincapabledemerésister.
—Quetucrois!
—J’ensuisabsolumentcertain,articula-t-ilavecuncalmeolympienteintédesuffisance.
Bonc’étaitunfaitquej’avaisdumalàréfléchirautrementqu’avecmoncullorsqu’ilétaitdansles
parages.J’étaisfaible,maiscettedéfaillancepouvaitparfaitements’arrangeravecunpeudevolonté.
—J’apprendrai!ledéfiai-je.
—Maisbiensûr!merailla-t-ildansunriregrave.
—Jeneplaisantepas,Sio!C’estmêmeunepromessequejetefais,répondis-jeenlefixantdroit
danslesyeux.Çavaêtretrèsfacileà…
—Oh,lapetitehumaineserebelle!semoqua-t-ilencore.C’esttrèsmignon.(Ils’inclinaversmoi).
Tusaisquoi?murmura-t-ilsurletondelaconfidence.Çam’excite.
—Hébientuirastesoulagerailleurs,grondai-je.Parcequetun’aurasplusl’occasiondeposerles
mainsouquoiquecesoitd’autresurmoi.
Jamais!
SansdouteSionecomprit-ilqu’àcetinstantcequisepassait.Oucequ’ilvenaitdefaireetquejene
bluffaispas.
Ouencorelagiflen’agissait-ellequ’àretardement.
Sonvisagesefigeaetsonsouriremoqueurdésertaseslèvres.
L’abandonnantaumilieudelapièce,jemeruaiverslaportequej’ouvrisàlavolée.
—Dehors,articulai-je,préférantfixerlemurdufonddelapièceplutôtquelui.
Ilnetardapasàmerejoindre,commesibrusquementilnesupportaitpluslamoindredistanceentre
nous.Sestoppantsurleseuildelapièce,ilseplantadevantmoi,m’obligeantàposerlesyeuxsurson
torseoùcouraientdeuxlonguesmèchesraidescouleurailedecorbeau.Plutôtquedeleverlesyeux
verslui,jesuivisleurtrajetmenantplusbasquelaceinturedesonpantalon.
—Sláine…
—Tuasgagné,Sio,chuchotai-je,lagorgenouéeetauborddeslarmesunefoisdeplus.Tuasobtenu
exactementcequetucherchaisalorsmaintenanttupeuxpartir.
—Sláine,s’ilteplaît.Je…
—Va-t'en!
—Sláine.(Sontons’étaitfaitsuppliant)Dis-moique…quecen’estpasvrai,quetunevaspas…que
tum’aimes.
Ohouijel’aimais!Maisj’étaisincapabledeleluidire.
—Jet’enprie…Trésor…
Cepetitmot!Pourquoiavait-ilfalluqu’ilprononceceputaindetoutpetitmot?Maintenant?J’avais
désespérél’entendremeledireànouveaucommeill’avaitsisouventfaitdansl’intimitéetlorsqu’il
m’exauçait…
Cesdeuxsyllabeseurentraisondemoi.
—Dégage!
Jebasculaidansunétatoùlarageannihilaitladouleur,oùunefureurglacialeremplaçaitmes
penséesaussibienquel’airquejerespirais.
Fermantlesyeux,jeprismonmalenpatiencejusqu’àcequeSioconsenteenfinàdébarrasserle
plancher.
Ilnefutpastémoindemapertedecontrôle;j’entendisuneporteclaquerviolemmentpuisdeséclats
devoixbienavantd’avoircasséplusieursobjetsdansl’appartementdeSiatris.Unvaseetdeux
lampesfurentmespremièresvictimes.Unsouriremauvaisauxlèvres,jecoulaiensuiteunregard
emplid’uneconvoitisemalsaineverslacuisineregorgeantd’uneprofusiond’assiettesetdeverres
tousplusfragileslesunsquelesautres.
Queldouxbruitrésonneraitalorsàmesoreilles!Ilremplaceraitceluidescrisquejerefusaisde
laissersortir.
Unpetitcocktailmaisonfaitderage,detristesseetdesouffrancecoulaitdansmesveines;je
craignaisquecestroisémotionsnesoientenpassededevenird’intimesamies,bientropfidèles.
Jemestoppaiàmi-chemindel’office.Briserdelavaissellenemesoulageraitpasdecequime
submergeait.Ilfallaitquelquechosedeplusfort.Nepouvantfrapperl’undescoupablesdemonétat,
jemevoyaiscontraintedem’enprendreàl’autre:moi.Jedevaisimpérativementcommuerla
douleurbroyantmoncœurplusintolérableàchaquesecondeenuneautremoinslancinante.
PrécisémentcequeSioavaitdûfairepourgarderlatêtehorsdel’eau.
M’approchantlentementdumur,jelefixaicommes’ilm’avaitgravementetpersonnellement
insultée.L’idéedemeprécipiterchezSiopour…parcequej’enavaisbesoinm’effleura.Jelarejetai.
Jeperdaislespédales!Commentpouvais-jeavoirbesoindeluiaprèscequ’ilvenaitdemefaire.
Commentpouvais-jel’aimerencore?J’avaismalàencrever.
Monpoingseferma,mesongless’incrustèrentdansmapaume.Sansplusréfléchiràautrechose
qu’ausoulagementquemeprocureraitunedouleurfranche,jelelançaiàl’assautdelacloison.Ilne
lapercutajamais,unemainserefermasurmonavant-bras,l’immobilisantinextremisàquelques
centimètresdumur.
—Çasuffit.
Àsonintonation,j’avaisdéjàunevagueidéedelaminearboréeparTéli.Jemetournaiversluisans
tenterdemelibérerdesapoigne.
J’étaisassezloinducompte.Sij’avaisvraisemblablementméritécetairde«Jetel’avaisbiendit»
teintéde«Bienfait!Tun’avaisqu’àm’écouter»,cenefutpascelaquimefrappaleplus.Unmasque
sévèredurcissaitsestraits,sesyeuxluisaientdecolère.J’ouvrislabouchepourmejustifier.
—Tutetais.
Sontonmerappelacurieusementceluiqu’avaiteumonproprepèrepourm’ordonnerderentrer
immédiatementàlamaisonlorsqu’ilm’avaitsurpriseàdiscuter…bond’accord,àflirteravecun
garçon.Àbienyregarder,sonairétaitsensiblementlemêmeaussid’ailleurs.
Télinedevaitplusavoirqu’unsoupçondeconfianceenmoi,ilm’entraînaàl’étagesansmelâcher.
Jetrouvaistoutdemêmetoutceciprofondémentinjusteetcommençaisàmedemandersijenefaisais
paslesfraisd’uneespècedesolidaritémasculinedémoniaque.
Toujoursest-ilquejenecomprenaispasoùleschosesavaientmerdé.
Étais-jesubitementdevenuecomplètementcrétineoul’entendementdeSioavait-ilbrusquementcédé
souslapression.Ques’était-ilproduitentrelemomentoùils’étaitlivré,avecdesmotsqueje
refusaismalgrétoutdeconsidérercommeinsincères,etceluioùilm’avaitmontrélepiredelui?
Qu’est-cequiavaitbienpuprovoquercetteespècedepsychosechezlui?
Lepoison?Moi?
Jecroisquecequimefichaitenrogne,plusencorequecequivenaitdeseproduire,étaitd’être
toujoursaussipaumée;aprèsavoircruentrapercevoirleboutdutunnel,réaliserquejem’étais
trompée,pire,quecequim’attendaitàlasortieneseraitprobablementpasàlahauteurdemes
espérancesm’avaitfichuunsacrécoupaumoral,etcomplètementdéstabiliséeaussi.
Aussiprèsdubordduprécipice,perdrel’équilibreseraitfatal.
Télinemelibéraqu’aprèsavoirdûmentfermélaportedelachambredeSiatrisàcléetruinétout
espoirdefuiteens’yadossant.Ceciditjemedemandaipourquoiilprenaitcettepeinepuisqu’un
verroufermén’avaitjamaisempêchéundémondepénétreroùquecesoit.
Massantdistraitementmonbras,jecherchaiàcaptersonregard.
Brascroiséssursontorse,dansunepostureressemblantbientropàcelledeSio,ilsemblaitabsorbé
danslacontemplationdesesbottes.
Sesbottes?
Cenefutqu’àcetinstantquejeréalisaicequ’ilyavaitdedifférentchezlui.
Celanetenaitpasseulementàsatenuedujourcecidit.Télim’apparaissaiteneffetleplussouvent
vêtud’unjean,occasionnellementassortid’unt-shirtetparfoismêmes’abstenaitdeporterquoique
cesoit.
Maiscejour-là,satenueressemblaitcurieusementàcellecomposantl’uniformedesVovims:
pantalonencuir,t-shirteténormesbottesferrées,letoutdecouleurnoire.Probablementfut-cece
détailquim’incitaàl’observerplusattentivementencore.Outrelefaitfortappréciable–etapprécié–
denepluspenseràmessoucisdurantquelquesminutes,l’exercicemepermitdemettreledoigtsur
cequim’échappaitjusqu’ici.
Téliétait…meparaissaitplusgrand,imposantetsurtoutprésent.
Lorsqu’enfinilsedésintéressadesesbottespourleverlentementlesyeuxversmoi,jepusmerendre
comptequesonbeauvisageavaitquantàluiperduunpeudesatouchequasifémininehabituelle…
Ouais…maisnon,c’étaitplusqueça,ilétaitmêmecarrémentbeaucoupplusmâle,restantmalgré
toutleTéliquejeconnaissais.Quelleétaitlaraisondecechangement?Sonbut,s’ilyenavaitun?
Lorsquesonregardintensémentvertplongeadanslemien,j’écarquillailesyeux.Téliétaitégalement
beaucouppluspuissantquejenel’auraispensé…sij’avaisprislapeinedemepenchersérieusement
surlaquestion.
Enréalité,j’étaisencoretrèstrèsloinducompte,maisça,jeneledécouvrisquebienplustard.
Toujoursest-ilquecetteforcenemefaisaitpaspeur,bienaucontraire,ellem’attiraitcommeun
aimant.Capabledemeprotégeralorsquej’avaisplusquejamaisbesoindemesentirensécurité,je
n’yrésistaipas.Jevoulaismesentiraiméeaussi.
—Téli,murmurai-jeenfaisantunpasverslui.
Au-delàdelagravitédesonregard,aucœurdesesirisscintillaitsatendressepourmoi.Etpeut-être
aussiunsoupçondemoquerie.
Iln’enfallaitpaspluspourmedonnerlecouragedemerapprocherencore.Jemeblottiscontrelui
dèsqu’ildécroisasesbras.Puissoupiraidesoulagementlorsqu’ilsserefermèrentautourdemoi.Il
resserrasonétreinteetdéposaunbaisersurmescheveux.Satendressemefitunbienfou,moncœur
sedilata,lesfissuresdontilétaitaffligémesemblèrentsecolmaterunpeu.
—Jesuisdésolée,chuchotai-je.
—Dequoi?
Savoix,toujoursaussidouce,meparutplusgrave.J’enperçuslesvibrationsdanssapoitrine.
—D’êtreuneemmerdeuse,uneingrateet…
—Cen’estpascequetues,moncœur.
—Biensûrquesi.Ettulesaismieuxquepersonne.
—Tuasmalettuesperdue.
—Cen’étaitpasuneraisonpourt’envoyerpaîtreet…etj’auraisdûtefaireconfiance.
—Alorspourquoias-tuagiainsi?
—Parceque…j’avaismaletquej’étaiscomplètementpaumée.
—Benvoilà,conclut-il,unsouriredanslavoix.
—C’esttoujoursvrai,précisai-je.
—Jesais,souffla-t-ilenfaisantremonterl’unedesesmainssurmanuquequ’elleeffleuraensuite.
Fermantlesyeux,jeprisquelquessecondespourapprécierpleinementcettedouceurplusque
bienvenue,sachaleuraussiquifaisaitreculerl’hiverinstallédansmoncœur.Etilsentaitbon.Je
m’autorisaiunpetitshootdiscret,respirantsonodeurauxnotesdeboisdesantal.
—Téli?
—Quoi?
—J’aipeur.Etj’aibesoindetoi.
Ilnemeréponditpasenparole,maisd’abordenresserrantsonétreintepuisaveccettecaresse
immatérielle,prodiguéeparsonessencesurlamienne;ellevalaittouslesmotsdouxqu’ilauraitpu
prononcer.
—Téli?
—Quoi?
—Tuaschangé.
—Non.
—Si,tu…
—C’esttonregardsurmoiquisemodifie,c’esttoiquichanges,madouce.
—Ettesfringues?C’estmoiaussi?
—Non…heu…Jemesuisditqueçateplairait.Meserais-jetrompé?
—Non,convins-jesansm’appesantirsurlesujet.Dis-moi.Qu’est-cequejevaisdécouvriràla
prochaineétape?
Iln’enfallutpasplusquesonsilences’éternisantuntoutpetitpeutroppourquequelques-unesdemes
angoissesremontentàlasurface.Écartantmonvisagedesontorse,jelelevaiverslui.Télifixaitun
pointfictifau-delàdemoi,plongédanssespensées.Ilcillapuisbaissalesyeux.
—Beaucoupdechoses.Tuvastrouverdesréponses,encraindreetenrejetercertaines,maistoutes
t’aiderontd’unefaçonoud’uneautre.Tuvasdevoirt’endurcirettemontrerpatiente.Etsurtout,tu
devrasmefaireconfiance,aveuglément,fairecequejetedis,mêmesiçatesembledifficileousiça
vaàl’encontretaconscience.
Ohho…
Unprogrammequin’étaitpasfaitpourmerassurer.Surtoutlapartieconcernantmapatienceetma
résistance.
Yparviendrai-jeseulement?Siaumoinsjepouvaismedésengluerdecechagrinqui,quoiqueje
fasse,nevoulaitpasmelâcher!Ilauraitsansdoutefallupourcelaquej’aielacertitudequetoutce
quejepourraisentreprendrenesoitpassystématiquementvouéàl’échec!
CommeavecSio.
Sio…
Ilsouffrait.Jelesavais.Àcausemoi.
Jetentaidemedégagerdel’étreintedeTéliquinaturellementmeretintfermementcontrelui.
—Non,Sláine.
J’ignoraistotalementcequej’auraisétécapabledefairesij’avaispuluiéchapper.Desbêtises,sans
doute.Celaétant,laquestionneseposaitpasvraimentpuisquejen’yparvinspas.
—Jesaisquetuasbesoindelevoir,poursuivitTéli.Maisc’estàSiodeveniràtoi.
—Ilneleferajamais.Pasaprèscequejeviensdeluidire.
Sijemaîtrisaisunsujet,c’étaitbiencelui-ci.
—Maissi,mecontreditTéli.Ilestaccro.Irrémédiablement.Maislemarqueurluiafaitcroirequetu
luiavaisvolésaSláine.Ilt’envoulaitetavoulutelefairepayer.Laisse-luiletempsderéaliserqu’il
l’aretrouvéeetsurtoutqu’ilpeutpeut-êtrelarécupérer.Ilvaaussidevoirévacuerlesdégâts
occasionnésparlepoison,maistuverrasquelorsqu’ilseraprêt,ilferatoutpourattirertonattention.
—Ouais,ensepavanantavectoutessesconquêtes,enmefaisantsavoirparlemenuavecquiilaura
baisé,où,quandetcomment.Poursevengerdecequejeluiaidittoutàl’heure.
Etcequejeneluiavaispasditaussi.
—Bienentendu,maistuferaspareil.
Maisilestsérieuxenplus!
—Pardon?
—Tuvaslerendredingue.
C’estdéjàfait,non?
—Comment?voulus-jesavoir.
—Tuvasprocédercommeilt’amenacéedelefairesitut’avisaisdenepasvouloirdelui.En
l’évitantouenl’ignorant.Etplustuleferas,plusilvasecramponner.
—Tucroisquec’est…trèsindiqué?m’inquiétai-je.
—J’ensuisabsolumentcertain.Parcequ’enagissantainsituluimontresquetuessonégale,quetues
effectivementsontrésormaisqu’ilaaussitrouvésonmaître.Enfinsamaîtresse.Tuleconnais
suffisammentpoursavoirqueçavaluiplaireetqu’iladoreêtrejaloux.
C’étaiteffectivementplusqueprobable.S’ilexistaitquelqu’undanstoutl’univers,humainoudémon,
quigoûtaitlesadismeetlemasochismesoustoutesleursformes,c’étaitbienSio.L’expérience
promettaitd’êtrericheenrapportdeforcediversetvariés.J’espéraisseulementêtreassezforte
pour…
Biensûrquejel’étais!Illefallait!
ToutcequeTélivenaitdemedireavaiteuledondem’octroyerunpetitfixd’optimismedesplus
bienvenus.Seulement…
—EtVoan?
Télisoupira.J’enconclusinstantanémentquecequ’ilcomptaitmedire,àconditionqu’ilacceptede
lefaireetaitquelquechoseàm’apprendre,nemeseraitpasfacileàentendre.
Avanttoutchose,ilmerepoussapourm’entraînerverslelitoùnousnousétendîmesfaceàface,tous
lesdeuxdanslamêmeposition,surleflanc,enappuisuruncoude,têtereposantsurnosmains.
Commesinousétionschacunlerefletdel’autre.
Télieffleuramajoueduboutdesdoigtsetreplaçaunemèchedemescheveuxderrièremonoreille
avantdeparler,cequ’ilfittoutbas,commesicelapouvaitadoucirsesmots.
—Soncasestplusdélicat,commença-t-il.Parcequ’iln’yapasquecettehistoiredemarqueur.Làoù
Sioasubi,luiaagi.Et…
—EtilyaHadrien,lecoupai-je.
—Cegarçonnel’aimepas,iln’entrepasréellementdansl’équationparcequecen’estpaspourle
retrouverqueVoana…
—Non,c’estpourmeperdre,moi,l’interrompis-jeànouveau.
—Sláine,soupiraTéli.Jevaisteparaîtreimpitoyablemaistunepeuxpasmenertroisguerresde
front.Voanestenpleindéni;tenterquelquechosemaintenantrisqueraitdefaireplusdemalquede
bien.Tunecroispas?
Téliavaitraison.Sansdoute.Iln’enrestaitpasmoinsqueçamefichaitencoreunsacrécoup.J’avais
l’impressiondelaissertomberVoan,deletrahirluietmessentimentsquandbienmêmeavais-jepris
ladécisiondenepasm’acharneràlerécupérer.
Hocherlatêtepourluifairecomprendrequejemerésignaismeparutêtrelegesteleplusdifficile
quej’aiejamaiseuàaccomplir.
Télisepenchasurmoietdéposaunbaisersurmonfront.Décidéànemelaisseraucunrépit,comme
siletempspressait,alorsquej’auraisbienpasséquelquesheurestranquilles,simplementblottieentre
sesbras,ilenchaîna.
—Tuastaproprebatailleàmener.
AprèsSláinecontrelesPrincipes,SláinecontrelesGuetteurs…pasterriblecommesuite.
—Tudoisdevenirdéesse.
Missionimpossible.
—Ilfaudraitarrêteraveccettehistoirededéesse,m’irritai-je.Jamaisjeneserais…etpuisladéesse
dequoid’abord?C’estridicule.
Quoiquejefasse,cemotnemedéfiniraitjamais;ilmequalifieraitaussibienqueobscurleferait
pourparlerdusoleil.
—Jeneparlepasd’unedivinitédestylemythologique,maisd’unesorted’avatarduprincipeféminin
puisquetuesfemme.
J’avaisapprisàredoutercertainstermes,mêmesienl’occurrenceTélinefaisaitpasnécessairement
référenceauxforcesprimordialesdontjeconnaissaismalheureusementl’existencedésormais.Jene
pusreteniruntressaillement.
—Parcequ’ilyaunPrincipedelaféminitéaussi?demandai-jequandmêmeparacquitde
conscience.
—L’essentielpourl’instantc’estquetusachesquepresquetoutechose,toutêtre,recèleunaspect
masculinetféminin,plusoumoinsprononcésselonlecas,quis’exprimentoupas,enharmonieou
enconflit.
—Ahoui?
—Etsitumevoisdifféremment,plusmâle,c’estparcequetoitudeviensdeplusenplusféminine.
—Etmapartmasculinealors?Elleestpasséeoù?
—Jel’absorbe.
—Pourquoifoutre?demandai-jeétourdiment.
Téliéclataderire.Cesonàlafoisgraveetsensuelmefitunbienfou.
—Cen’estpasdélibéré,m’avoua-t-il.Etjetelarestitue.CommeYlsitel’adit,commeAxirtel’a
confirmé,notrecohabitationn’estpassanseffet,surnousdeux.Doncl’énergiesurnaturellequetu
puisesenmoisublimetaféminité,transcendetonessencequiàsontourinfluesurlamienne.Etma
présenceentoiéquilibreletout.
—C’estbiencequejedisais,sanstoi,jeneseraisqu’unem…
—Sansmoi,tuseraisrestéetotalementhumaine,mecoupa-t-il.
—Jeseraissurtoutdevenuetotalementmorte,répliquai-je.
Téliémitunbruitd’agacement,maisneniapascequiétaitniplusnimoinsqu’uneévidence.
—Ettuneseraispasdevenuelacibledesguetteurs,poursuivit-ilsombrement.
—Maissanstoileurplanauraitfonctionné.
—Jen’ensuispassisûr.Jetel’aidéjàdit,Sláine,tuesforte,beaucoupplusquetunelepenses,
courageuse.Tuesunebattante,tuasbossédurettoutcequetuasaccomplit’apermisd’évoluer.Ton
corpsesttoujourshumainmaispasl’espritquil’anime;ilachangémêmesituneleperçoispas,il
s’estfortifiéetvaencorelefaire,t’octroyantdesressourcesdignesdepresquen’importequel
démon.Chaquejourtudeviensplusexceptionnellequeleprécédent.
—Vilflagorneur!répliquai-jesanspouvoirm’empêcherderosir,plusdelaferveurdesontonque
desmotsauxquelsj’auraispersonnellementapportéquelquesnuances.
—Oui,s’exclama-t-ilavecunsourireradieuxetunregardpétillantd’espièglerie.
—Pff,c’estmalin,bougonnai-je,unpeuvexéetoutdemême.
—Jeplaisantais.Tuesmerveilleuse.
Sestoutderniersmotsn’avaientétéqu’ungravemurmure.Télisepenchasurmoi,posasamainsur
moncou;sonpoucecaressameslèvres.Sijegardailesyeuxgrandsouverts,luiavaitàdemifermé
lessiens.Celanem’empêchanullementdevoirsesirisseparsemerdepaillettesd’or,unlever
d’étoilessurfonddecielémeraude.
JenepusdirequeTélimedonnaunbaiser.C’étaitàlafoisbienplusquecelaetbeaucoupmoins.
Seslèvresseposèrentsurmajouepuisdévièrentjusqu’auxmiennes.Leurcaresse,celentetchaste
va-et-vient,étaitdavantageunedémonstrationdetendressequelamanifestationd’undésircharnel.
Bon,jenedispasqu’iln’existaitpas,entendons-nousbien,j’étaisauxpremièreslogespour
merendrecomptequ’ilétaitbeletbienprésent,maisjesavaisaussiqueTélinelelaisseraitpas
s’exprimer.
J’avaisbesoind’amour,detendresseetdedouceur.Pourpansermesblessures,nepassombrer.
C’étaitprécisémentcequ’ilm’offrait.
CommeàchaquefoisqueTélimetouchaitdecettemanière,j’éprouvaisladéroutantesensationde
sentirsonplaisirs’uniraumienpuisaffluerdansmoncorps.C’étaitindescriptibleet
prodigieusementagréable.
—Sláine,susurra-t-ilaprèsqueseslèvressoientrevenuesversmajoue.
—Mmm?
—Situn’ôtespasimmédiatementtesmainsdelà,jenerépondsplusderien.
—Mes…Ohpardon!m’exclamai-jeenretirantlesvilainescoupablesdescenduesversunepartie
charnuedesonanatomie.
Mesjouesvirèrentàl’écarlate.
Téliétaitunguérisseurbientropcompétent.Quantàl’opinionquejemefaisaisdemoi-même,c’était
peudedirequecen’étaitpastrèsreluisant.
—Tuvoiscequejedeviens?!melamentai-jeenm’écartantdelui.
Cen’estpasendéessequejememétamorphose,maisennympho,uneputaindenymphosansaucune
moralité,jemedégoûte!
—Jet’interdisdedireça!s’écriaTéli,outré.
—Pourquoipuisquec’estvrai?Enmoinsdequelquesheures,j’ai…
—Etalors?C’étaitconsenti.Siatris,tuenavaisenvieetbesoin.Siotuenavaisbesoinettul’aimes.
Avoirunelibidoimpétueuseetlalaissers’exprimeravecdespersonnesquetuapprécies,par-dessus
lemarché,heurtequi?Pasmoi!
—Mais…
—Pasdemais.Peux-tumedirequiadécrétéquelesexeétaitunemauvaisechose?Pourquoiune
femmedevraitseréfrénersouspeinedepasserpourunesalopelàoùleshommes,pourêtre
considéréscommevirils,peuventmultiplierlesaventures?Pourquoidevrais-turesterchasteetfidèle
vis-à-visdedeuxhommesquieuxnelesontmanifestementpas.
Parcequetulesaimes?Àpartirdumomentoùilyadésirmutuel,leplaisirresteleplaisirquoiqu’il
advienne.Etcesontdespersonnesàlamoralitéétriquée,desindividusterrifiésparlepouvoirdu
corpsetduplaisirquiaffirmentlecontraire!Parcequec’estbiendecelaqu’ils’agit.
Ettulesaismieuxquequiconque!Depluslesdémonssontexemptsdemaladieetimmuniséscontre
cellesvéhiculéesparlesêtreshumains.Alorsfranchement,jenevoispaspourquoitutepriveraisde
plaisiretdepuissance!
Téli,plussérieuxquejamais,marquaunecourtepause.
—Detoutefaçon,tuenasbesoinalorsledébatestclos!Compris?
—Oui,répondis-je,renonçantàpolémiquersurlesujetaveclui;pourl’instant.
—Bien.Maintenant,jevaistedirecequesontlesguetteurs.
Chapitre27
Ilvasansdirequej’étaistoutouïe.Pourtant,j’appréhendaissesnouvellesrévélations.
Télipritunmomentavantdepoursuivre,soitpourfaireletrientrecequ’ilcomptaitmerévélerou
non,soitcherchait-illestermesappropriéspourm’annoncerdeschosesépouvantables.
—LesPrincipes…
—Encoreeux?l’interrompis-jeenlevantlesyeuxauciel.
—Tutesouviensavoirapprisquelesangesetdémonsémanaientdeceshuitentitésprimordialesàla
fois,enchaîna-t-ilsanstenircomptedemonintervention,maism’adressantunregardd’avertissement
éloquentpourlecasoùl’enviedel’interrompremeprendraitànouveau.
Pinçantleslèvres,j’acquiesçaid’unsignedetête.
Commentaurais-jepuoublierunechosepareille!?C’étaitSiod’ailleursquis’étaitchargédemon
premiercours.
—Hébien,cen’estpaslecasdesguetteurs.EuxnesontissusquededeuxoutroisPrincipes
seulement.
Ohnon!
—Qu’est-cequeçaimpliqueexactement?
—Qu’ilssontàpart.
—Jem’endoute.Maisencore?
—Ilssontextrêmementpuissants.
Cool!Desrejetonsmonstrueuxmaintenant!
J’étaisaussiatterréequ’effrayée.
LorsquelesPrincipesavaientmenacéd’investirlaTerre,invitésparlesrenégats,pratiquement
jusqu’auderniermomentilavaitétépossibledeseprépareràlesrecevoiretdefairelenécessaire
pourquecelan’adviennepas.Maislà,lesguetteursétaientpassésàl’attaquebienavantquequiconque
nesachecequimependaitaunez.Nousavionsdoncaumoinsunmétroderetard.Enoutre,ilsm’en
voulaientpersonnellementsij’osedire,m’avaientdansleurcollimateur.Qu’ilssoientd’unenature
unbrinmoinseffroyablequelesPrincipesdontilsémanaientn’enfaisaitpasmoinsdeterribles
ennemis.
—Etquefont-ilsdanslavie?Àpartvouloirm’éliminer,jeveuxdire?
—IlssontledernierrempartavantleTout;ilsleprotègentduchaos.
MaiscommeAxirtel’adit,ilsdéfendentaussil’ensembledelacréationetveillentàpréserverson
équilibre.
—Quemonexistencemenace,complétai-jeavecfatalisme.
—Précisément.Cependantsilesguetteursdémoniaquesnesontpasaucourant,ilsepeutparfaitement
qu’ilsdécidentdevoirleschosessousunanglediamétralementdifférentetserangentàtescôtés.Par
exemple,ilspeuventestimerquetuastaplacedanslacréation,fairevaloirleurpointdevueauquel
castubénéficieraisd’unepaixrelative.
Ohoui,ça,ceserait…
—Maisilsneleferontsansdoutepaspourrien,jelecrains.
Ça,c’estmesquin!
—Maisjen’airienàoffrir,m’exclamai-jeàlafoisdépitéeetpaniquée.
Rienentoutcassusceptibled’intéressercesdémons-là.
—Net’inquiètepas,avecunpeudechance,ilssecontenterontdeseservirdetoncaspour
enquiquinerleurshomologuesangéliques.
Ohbenoui,voyons!Moiquiavaistoujoursrêvédemetransformerenpommedediscorde!
—Tuparlesd’euxcommes’ilsn’étaientquelesmembresd’unconseild’administration,m’étonnaije.Cesontquandmêmedesmonst…
enfindesentitéspuissantes!
—Detonpointdevue,j’imaginequec’estlecas.Maistusais,del’autrecôtéleschosessontàlafois
trèsdifférentesettrèssemblablesàtonmonde.Enréalité,ladifférencerésidedanslefaitqu’ilsn’ont
pasdecorps.
—Ouietceluiqu’ilssoientdotésdesuperpouvoirsaussi,rajoutai-jesombrement.
—Ilsn’ontpasdesuperpouvoirscommetudis,mecontreditTéli.
Tousceuxquirésidentau-delàdemoisontcertesdesesprits,plusoumoinsélevésselonlescas,mais
surtoutnonbridésparlabarrièredelachair.Ilssontdoncplusàmêmed’utiliserleursaptitudes.
C’estlàlaréelledistinctionquel’onpeutfaireentrelesdémonsoulesangesetleshumains.Vos
âmessontaussiimmuablesetcapablesd’évoluerqueleursessences,parexemple.Vousn’êtespas
aussidissemblablesquecela.
—Ouais,saufquequandilsviennentici,ilsconserventdesaptitudesdontleshumainseuxsont
dépourvus.
—Jediraisplutôtquetessemblablesnesaventpasdequoileursespritssontcapables.Parcequ’ilsne
réfléchissentpas,parcequ’ilsontdespriorités…
—Bassementmatérielles?complétai-jeàsaplace.
Moiquin’avaisjamaisétéparticulièrementtendrevis-à-visdestraversdel’espècedontj’étais
pourtantissue,jenepusm’empêcherdelesdéfendreunpeumalgrétout.Peut-êtreparceque
pratiquementtoutemaviej’avaisétédanscecas.Comment,eneffet,nepasvoirleschosesparle
petitboutdelalorgnettelorsquevotrepréoccupationprincipaleétaitdetrouverunboulot,manger,
vivredécemmentetsefaireuneplacebienàsoi.Iln’enrestaitpasmoinsqueTéliavaitraisonpar
certainsaspects.
Parcequelaprioritédebeaucoupétaitplussouventdeseprocurerledernierbijoutechnologiqueen
vogue,aubesoinens’endettant,às’abrutirdevantdesémissionsdetélé-réalitétoutesplus
crétinisanteslesunesquelesautres,plutôtquedechercheràréalisercombienilsétaientinsignifiants
auregarddel’ordredeschoses,comprendreetaccéderàlaconnaissancepourpalliercetétatdefait.
—Maislesguetteurssontbeaucoupplusquedesimplesdémonsouanges,repris-je.Ilssont
différents,ils…
—…sontsurtoutunecatégorieàpartdeVovims,Sláine,mecoupa-t-il.
Enfait,ilmecoupasurtoutlesifflet.
—UnpeucommedessuperVovims,situpréfères,précisa-t-il.
Ah,maismoi,jenepréféraisriendutout!
Sadernièrerévélationmelaissapensivepourtant.Uneidéefarfeluegermadansmonesprit
passablementmalmené.ParcequedemamémoireremontaientcertainsmotsdeMadimi?Àmoins
qu’ilnes’agissed’autrechose.Uneintuition?Moncœursemitàbattreplusvite.
—Est-ceque…est-cequelesVovimsheu…classiquessontàparteuxaussi?luidemandai-je.
—Pourquoicettequestion?
Télimeregardaitattentivement.J’iraismêmejusqu’àdirequ’ilparaissaittroublé.
—Jenesaispas.Uneidéecommeça.
Ilplissalesyeuxavantdemerépondre.
—Ilssonteffectivementunpeuparticuliers.
—C'est-à-dire?
—Ilssonttousissusdesplanssituésau-delàdel’abîme.
Jem’entendissoupirerdesoulagement.Honnêtement,jem’étaisattendueàunhorriblescoop
supplémentaire.
—Etçachangequoi?
—Unefoislepontdudixièmeplanpassé,leschosessontsensiblementdifférentesparrapportau
restedelacréation.Lesrèglesnesontplustoutàfaitlesmêmes.Deplus,ils’agitdeplanstrèsélevés
difficilementaccessiblesàunesprithumain.Plustut’élèves,plusladistanceestflagrante.Alorsceux
quisontnésdanscesplans-làsontinévitablementparticuliers.Surtoutd’unpointdevuehumain.Ils
sontmoinsnombreuxetdenaturesplusspécifiquesaussi.
—Maislesguetteurs,insistai-je.Endehorsdeleurpedigree,qu’est-cequ’ilsontdesispécial?
Télieutunsourireencoin.
—Jenepeuxpasteledire.
—Ahnon!merévoltai-je.Pasderétentiond’information!
—Jenefaispasderétention,megourmanda-t-ilenmeregardantsévèrementsoussessourcils
froncés,commesijevenaisdeleblesser.Jetedisseulementcequetuesprêteàentendre,c’est
différent.
Mouais.Admettons.
Insisterseraitvouéàl’échec,aussimedispensai-jedegâcherdel’énergiepourrien.Maisjenotai
toutdemêmeceladansuncoindemamémoire.Jefiniraisparconnaîtrelefinmotdel’histoire,foi
deSláine!Ilsuffisaitdefairepreuved’unpeudepatience.Celaétant,cen’étaitpasmontraitde
caractèreleplusflagrant.Jeprisdoncsurmoidecomposeravec.Enfin,sans.
—Combiensont-ils?
—LesGuetteurs?AutantquedePrincipes.Plusun.
Jefronçailessourcils.
—Pardon?
—Ilssonthuitàsiéger,maisilyenaneufentout.Leshuitfaisantpartieduconseilsurveillentles
quatrecoinsdel’universparpaires,unpeuàlamanièredegardesausommetdesquatretoursde
guetd’uneforteresse.Maisauxdernièresnouvelles,leneuvièmeestsurTerre.
—Quoi?m’écriai-jenemeredressantbrusquement.Pourquoifaire?
Depuisquand?Commentlesais-tu?
Télis’assitégalement,s’installantentailleur.Enprenantsontemps.
—Calme-toi.Jelesaisparcequejesenssonénergielorsqu’ilpasseparmoi.Pourquoi,jen’ensais
rienparcequ’iln’arienàfaireici,apriori.
Depuisquand…c’estdifficileàdire.Ilafaitplusieursaller-retour,maisjeperdssatraceàchaque
foisparcequ’ildissimulesoigneusementcequ’ilestdececôtéetjen’ainonplusaucuneidéedeceà
quoiilressemble.
Autrementdit,ilpouvaitêtren’importelequeldesdémonsprésentsdececôté-cideTéli,de
n’importequelsexe,voiremêmelaissercroirequ’ilouelleétaithumain;cedernierpointétaittoutà
faitpossible,jem’étaislaisséabuserunefois.Celaavaiteudesconséquencessidésastreusesque
j’auraismieuxdemecasserunejambeplutôtqued’approcherce…cetêtreabject.
—Oh,c’estunpetitmalinalors.Tucroisqu’ilsecache?
—Jen’ensaisrien.
—Peut-êtrequ’ilestaucourantpourmoietqu’ilestvenupour...
—Jenesaispas,Sláine,soupira-t-il.
Télinesemblaitpasparticulièrementinquiet.Intriguéoui,maispassoucieux.Contrairementàmoi.
—Maistudoisbiensavoirquiilouelleest!!!Non?
—Non.
—Donctun’espasomniscient,constatai-jepensivement.
—Çatedéçoit?s’inquiétaTéliencherchantsaréponsedansmesyeux.
Jesouris.
—Non.Çamerassure,enfait.
—Ahbon?s’étonna-t-il.Pourquoi?
—Çaterendunpeuplushumain.
—Jenelesuispas,Sláine,murmuraTéli.Jesuisaussipeuhumainqu’onpeutl’être.
—Pasmêmeàcausedemoi?Jenet’aipascontaminé?
Letermesemblalechagriner,maisilnerelevapas.
—Iln’yaqu’uneinfimepartdemoientoietsitonhumanitéinfluesurcelle-ci,elleneportepasà
conséquence.Iln’enrestepasmoinsqueceluiquetuasdevanttoin’estplustotalementcelui
d’origine.Etc’estvalablepourtoiaussid’ailleurs.Maisjesuisravid’avoircontribuéàfairedetoi
cellequetuesmaintenant.
Télinefitaucuncommentairesurmamouedubitative.
—SeulementlaSláine1.1aencoredesmisesàjouràfairepourdevenirlaversion1.2.
—Ahah,trèsdrôle.Jenesuispasunprogramme.
—Sijetediscequejeveuxquetufasses,tunevaspastefâcher?
—Distoujours.
Télipritmamaindanslasienne,l’observauninstantavantdereleverlesyeuxversmoi.Enattendant,
moijetrépignaienmerongeantmentalementlesongles.Qu’allais-jeencoredevoirfaire?Pour
resterenvie.
—Ilfaudraitquetuessayesd’alleryvoirpartoi-même.
—Oùça?
—Del’autrecôté.
—Pardon?Tuveuxqueje…Maisenfin…
J’enperdaismesmots.
Quellehorreur!Jenepouvaispasfaireunetellechose!Tenterdemerendredel’autrecôtédumur
équivalaitàsignermonarrêtdemort.Pire,çasignifiaitannihilationdéfinitiveetirrémédiablepour
moi.Jelesavais,j’avaistentélecoupunefois,pardépitamoureux.Celaavaitbienfaillifonctionner
d’ailleurs.
Télinepouvaitpasmedemanderunechosepareille?Parcequ’unefoisdétruitecorpsetâme,jeme
voyaismalallerexplorerlesplansdeconscience.
—Jeveuxquetut’entraînesàlavision,reprit-il.Tureprendstonentraînementpourdéveloppertes
capacitésetenplustupousseslaméditationàsonparoxysmepouravoirdesvisions.Tunerisques
absolumentrienparcequecen’estpastoiquitedéplaces,pasmêmetonespritd’ailleurs.Enfait,c’est
luiquirecevraunéchodecequ’ilyaailleurs.Etçavaudratouslescoursquequiconquepourraitte
dispenser.
Jeveuxquetucomprennes,quetuapprennesettefassestonpropreavisavectonpropreressenti.
—Etcommentsaurais-jequecequejevois,sitantestquej’ensoiscapable,nesortpastoutdroitde
monimagination?
—Fais-moiconfiance,jepeuxt’assurerquetulesauras.Maisavanttoutechose,ilfautquetu
demandesàAxirdet’yaider.
—Non!
—Pourquoi?
—Parceque…parcequec’estnon,c’esttout.SiatrisouMadimipeuventaussibiensechargerdeça.
—C’esttonguide,ilestpluspuissantqu’euxetplusindiquépourcegenredechose.
—Benvoyons!Tumeprendspourunegourde?Enfait,tuveuxmecollerdanssespattespour…
pourjenesaisquelleraisonet…
—Oh,j’aisaisi!s’exclama-t-il,unelueurtaquinefaisantbrillersesiris.Ilteplaîtettuaspeurqu’il
tedéconcentre!Hein?C’estça?!
—Maispasdutout,medéfendis-je,offusquée.Déjà,ilnemeplaîtabsolumentpaset…
—Ohlavilainementeuse!semoqua-t-il.Tuoubliesquejesuisaussibienplacéquetoipoursavoir
l’effetqu’ilasurtoietenplus…
—Etriendutout,rétorquai-jeenluijetantunregardnoir.Ilnemefaitrienet…
—Si,ilt’intrigue.
—Oui,convins-jehonnêtement.Maisenaucuncasçanesignifieque…
—Sláine,m’interrompitTéli,amuséparmestentativesdejustifications.
Ilpenchalatêtelégèrementsurlecôté.
—Bond’accord,admis-jefinalement,maisdemauvaisegrâce;jesavaisquejamaisilnelâcheraitle
morceauetavaistoutàfaitconscienced’êtreeffectivementlaplusgrossementeusedumoment.Ilest
àtomber,rajoutai-jemême.Mais…
—Detoutefaçon,tuvasdevoiravoirunentretienavecluiettum’avaispromisdem’obéir.Donc,
j’exigequetuvoiesçaaveclui.
—Tss.
J’étaisàdeuxdoigtsdeluitirerlalanguefaçonpréadorécalcitranteàtouteformed’autorité.Jeme
contentaidehausserlesépaules.CeàquoiTéliréponditparunsourireéclatantquimedonnaplus
encorel’enviedebouder.Etdesourireaussi.
Iln’empêche,c’étaitbienmaveinetoutdemêmed’êtreaffubléed’uncolocatairepareil.Télime
faisaitl’effetd’êtremaconscience,maisversionpetitdiablotintêtu,mepoussantànepasêtre
raisonnable.Ajoutezàcelauneeuphoriquelibido,desamistousplusattirantslesunsquelesautreset
unemoralitéplusquedéfaillante!!!Commentunepetitehumainetellequemoipouvaitnepascéderà
toutescestentations?
Celaétant,cemomentpasséavecluiavaiteuledondem’apaiseretmerassurer.Ilm’avait
terriblementmanquéetsaseuleprésenceavaitpansémesblessureslesplusgraves.Oh,jenedispas
quejepétaislaformemoralement,aumoinsétais-jecapabledefairesemblant.
Néanmoins,jesavaispouvoircomptersurluietsonamourindéfectible.
LeregarddeTélisedétournadumienunefractiondesecondeendirectiondelaporte.Ils’évapora
justeaprèsm’avoiradresséunclind’œil.
Jeconnaissaisdoncl’identitédelapersonnequifrappadiscrètementunepoignéedesecondesplus
tard.
—Uneminute!m’exclamai-je.
Pointn’étaitbesoindetenterlediablequivenaitdes’annoncer.Lesboutonsdemonchemisierne
s’étantpasraccommodéstousseulscommeparmagie,ilmefallaitàtoutprixmechangeravant
d’êtreenprésencedemondivinguide.
Bondissantdulitjemeruaiversledressing,oùSiatrism’avaitallouéunpeudeplacepourmes
vêtements,ensortitunbonvieuxjeanet…
L’idée,puérile,depasserungrospullàcolroulém’effleurauneseconde.J’optaisfinalementpourun
t-shirt.
Ilvasansdirequejefusdérangéeaubeaumilieudecettepetiteopérationpudeur.Àcroirequece
démonpossédaitunradarintégré!
Jevenaisàpeinedemedébarrasserdemonjuponformantdésormaisunecorollenoireautourde
mespiedslorsqu’Axirentradanslachambre,secroyantautoriséàpasseroutremoninjonctionàla
patience.
—Jevousavaisdemandéd’attendre,grommelai-jesansmeretourner,vaguementtentéederentrer
toutentièredansledressingpourmecacher.
Commel’avaitremarquéSioavecperspicacité,jeneportaispasdedessous.J’étaisdoncfessesàl’air
avecseulementsurledosunchemisieruntantinettropcourtpourdissimulerl’essentiel.
—Jesais,j’aientendu,osamerépondreAxir,desavoixscandaleusementdouceetsexy.
—Alorsqu’est-cequevousfichezlà?demandai-jesansmeretourner.
Jepréféraisencorequ’ilreluqueunpeudemonpostérieurquemoncôtéfacebeaucoupplusexposé.
Sansparlerdemesjouesarborantuneexquisecouleurpivoine.
—Jevoulaistevoir.
Jeroulaidesyeux.Sontonétaitunsous-entenduàluitoutseul.
—Voilàquiestfait!Oust!
—Etteparleraussi,rajouta-t-il.
Jesursautaietmecrispaienmêmetemps.Axirsetenaitjustederrièremoidésormais.Lacaressede
savoixfitcourirunfrissonlelongdemacolonnevertébrale.Unedesesmainsseposasurmon
épaule;ellem’invitaàluifaireface.
Heureusementpourlui,ilrivasonregardaumien.S’ilavaiteulemalheurdelesposerailleurs,je
n’auraispashésitéàluicollermonpoingdansl’estomac.Quoique,àbienyregarder,sacontinence
étaitpeut-êtrebiendémentieparunepetiteétincelleflottantdansl’obscuritédesespupilles
légèrementdilatéesm’informantqu’ilétaittoutdemêmetentédelaissersesyeuxfureter.
Jeprissurmoidemedirequecen’étaitqu’uneillusion.
—Toutvabien?s’inquiéta-t-il.
Ilsemblaitsincère,impressionrenforcéeparsonairgrave.Ileutdoncdroitaubénéficedudoute.
—Oui,pourquoi?
—Sio…
Moncœurseserra.
—Sioapresquetoutdétruitchezlui,acheva-t-il.
Monregards’agranditlégèrementalorsqu’unemoueamèresedessinaitsurmeslèvres.
—Tusaispourquoi?Ils’estpasséquelquechoseentrevous?Iln’arienvouludire.
—Ilestdansunephasedestructrice,soupirai-jeensongeantqu’ilavaittoutsaccagéchezmoiaussi.
—Tuveuxenparler?
—Jel’aifaitavecTéli.
—Bien.
Jen’auraissudires’ilenétaitsoulagéouunpeuvexéquejen’aiepaseubesoindelui.
Soulagéévidemment!Lesépanchementssentimentauxnedevaientpasêtresatassedethé.
—Etilenaprofitépourmedonnerquelquesrenseignementssurlesguetteurs,rajoutai-jepour
essayerderattrapersonregardquittantlemien.
Envain.
Sesyeuxétaientdescendussurmabouchepuismoncou.Ilss’aventurèrentensuitesurlapeau
dévoiléeparmonchemisierneremplissantplustotalementsonoffice.
—Qu’est-cequevousfaites?murmurai-jebienplusbasquejenel’auraissouhaité,presquedansun
murmure.
J’avaischaudtoutàcoup.Monpoulss’accéléra.
—Jeteregarde.
—Pourquoi?demandai-jebêtement.
Sansdoutecettefièvresubiteavait-elleendommagéquelques-unesdemessynapses.
Sonregardremontalentementjusqu’aumien,provoquantçàetlàtoutuntasdeconséquences
agréablementdésastreuses.
Cesirisclairsbrillaient,maisjen’auraispudiredequoi.
Jenecomprenaispasparquelmystèrecethomme…cedémonquejen’avaistoujoursvu
qu’accompagnépardeshommes,etplusparticulièrementsesdeuxchérubinstenusenlaisse,pouvait
s’intéresseràmoi.Sitelétaitbienlecasnaturellement.
Qu’étais-jeexactementàsesyeux?Unepetitecréatureexotique,unecuriosité,undéfi?
Outresabeautéflagrante,sapuissanceévidente,j’avaissentiqu’Axirétaitaussiunêtreprofondément
sensuel–commentlouperuntrucpareil–
maisdemanièreposéeetraffinée.
Sipendantlesraresmomentsoùnousavionsétémisenprésenceilavaitfaitminedememontrerun
peud’intérêt,jamaisjen’yavaisréellementcruetenavaisconcluqu’ilaimaitàjouer.
Axirneréponditpasàmaquestion.Etcen’étaitpasmoiquiallaisluidemanderquellesétaientses
réellesintentions.
Jeretinsmarespirationlorsquesesmainss’approchèrentdemoi,sefaufilantsousmonchemisier
pourlefaireglisserdemesépaules.Letissurejoignitmajupeparterre.
Axirparaissaitfasciné.Parquoi?
Totalementimmobile,sesyeuxs’étaientfixéssurmonnombrilpourcequej’ensavais.
Dansl’expectative,jen’osaiparler,nicurieusementl’interrompredanssacontemplation.Parceque
c’étaitbienàcelaqueçaressemblait.J’avaislasensationqu’iln’auraitpasagiautrements’ilavaitété
occupéàobserverunestatueouuntableau.Saufquemoncorpsn’avaitriend’uneœuvred’art.
Ànouveaul’unedesesmainss’éleva.Leboutdesesdoigtseffleuramataille,puismahanche,si
imperceptiblementquejecrusavoirrêvécettecaresse.Lesouplerideaudesescheveuxpâlesm’en
offrituneautre,soyeuseetenvoûtante,lorsqu’ilsepenchaversmoi.Sonmouvementm’apportaun
peudesonparfumépicé.
Seslèvresseposèrentsurmajoue,àpeine.
—Habille-toi,susurra-t-il.Jet’attendsenbas.
Melaissantplantéelà,ilsedétournapourquitterlapièce.
Songeuse,ilmefallutquelquessecondespoursortirdel’étatdedouceivresseoùilvenaitdeme
plonger.
Chapitre28
J’auraisdûdésobéir.
L’apaisementapportéparTélifutimpuissantàempêchermonhumeur,d’unestabilitéprécaire,de
prendreunsérieuxcoupdansl’ailedèsjedécouvriscequim’attendaitdanslesalondeSiatris.Nes’y
trouvaientquedeuxdémons,maisc’étaitamplementsuffisant.
L’absencedeSionemesurpritpasoutremesure,maismeparutuneexcellentechoseenla
circonstance.Jenepensaispasêtrecapablederestersereineensaprésenceavantunmoment.Parce
quesimacolèrenevoguaitplusàlasurfacedeseauxdemonesprit,jelasavaistapiedansses
profondeursetprêteàresurgiràlamoindreprovocation.
Sil’hostilitéévidenteprésentedansl’undesdeuxregardsbraquéssurmoitandisquejedescendais
l’escaliermefitmalaucœur,avoirl’opportunitédecontemplerVoanledévasta.
Installédansl’undesfauteuils,c'est-à-direprivantquiconque–moi–
delapossibilitédeprendreplacetropprèsdelui,ilétaitsplendide.L’êtreautantauraitdûêtreillégal.
Jamaissaperfectionnem’avaitrendueaussitristenisimalheureuse.
Jevoulaismeblottircontresoncorps,sentirsesbrasserefermersurmoietensuiteenfouirmes
doigtsdanssessimerveilleuxcheveuxrouges.
Qu’ilmedisequ’ilm’aimaitetavaitbesoindemoi.Plusqu’uneenvie,c’étaitmêmeunenécessité,
d’autantplusdouloureusequ’elleneseraitpascontentée.Unvéritablesupplice;jen’avaisjamaisrien
expérimentédetel,untourmentàlafoisvifetsournois.
Etjepouvaisparfaitementmourirsansjamaisavoirlapossibilitédereposerlesmainssurlui.Sans
doutedevrais-jemêmemedispenserdeleregarderpourtoujours?
Comptetenudescirconstances,leressentimentdeVoanàmonégardétaitcompréhensibleàdéfaut
d’êtrejustifié.Encorequ’àcetinstant,jeréalisaisl’erreurmonumentalequej’avaiscommise.CellelàmêmequeTéliavaittentédem’éviterdeperpétrer.
Parcequesijenem’étaispascomportéecommeuneconne,bornéequiplusest,enlerejetant
d’embléealorsquedesoncôtéilnenourrissaitaucungriefparticuliercontremoi,iln’auraitmême
pasimaginéquenousayonspuavoirunpassécommun,n’auraitjamaisvouluensavoirplus.
Jenepouvaisdoncm’enprendre,unefoisdeplus,qu’àmoi-même.
Seulement,lesremordsneservaientàrien.Àriend’autreentoutcasquemefairesouffrirplus.
Alors,jefislaseulechosedontj’étaiscapableàcetinstantpourmeprotéger,c'est-à-direenfouirma
douleuraussiprofondémentquejelepusetmeparerdumasqued’unepresqueinsouciancequejene
pensaispaspouvoirressentirsincèrementavanttrèslongtemps.
Jecommençaisnéanmoinsàcraindrequecespetitsstratagèmespourgarderlatêtehorsdel’eaune
deviennentunesalehabitudeetnefinissentparmeperdre.
DétournantlesyeuxdeVoanquemonrapideexamensemblaitavoirtoutdemêmeincommodépour
lesreportersurAxirqui,lui,medévisageaitattentivement,jefisensortederépondreàsonsourire
dumieuxquejepus.Jecrainspourtantquecelui-cin’aitétémalgrétoutunpeucrispé.
J’acceptaiégalementsamaintenduem’invitantàprendreplaceprèsdelui.Ilnem’autorisapasàla
récupérerpuis,commeill’avaitdéjàfait,caressal’intérieurdemonpoignetavecsonpouce,lentet
lénifianteffleurementfaisantnaîtredesondesbienfaisantesremontantlelongdemonbras.Unpeu
surprisenéanmoinsd’êtrecapabledediscernerl’énergiedontilmefaisaitprésent,desentirles
musclesdemesépaulessedénouerpuissedétendrecommeparmagiepeudetempsaprès,mais
surtoutqu’ilsoitaussi…charitable,jemetournaiverslui.
Monregardrencontraimmédiatementlesien,preuvequ’ils’attendaitàcetteréactiondemapart.Il
mesemblaquelejadedesesiriss’étaitlégèrementassombriouplutôtqu’uneautrecouleurvoulait
s’yinviter,maisqu’Axirn’étaitpasdisposéàleluipermettre.
L’animalétaitvraimenttrèsdouépourdissimulercequ’ilpensaitouressentait!
—Vousêtes…
Jem’interrompisdemoi-même.Uncertainnombred’adjectifsmevintàl’espritpourledéfinir.
Aucunnecorrespondantàcequejesouhaitaisexprimer,jelesrejetaitous.D’ailleurs,jenesavaispas
réellementcequejevoulaisdirenisij’avaisréellementeul’intentiondeterminermaphrase.
—…uneénigme,complétai-jefinalement.
—Quetuvastenterd’élucider?
Allezsavoir…
—Jen’ensaisrien,murmurai-je.Est-ceseulementdudomainedupossible?
—Toutl’estsionleveutvraim...
—Jem’envoudraisd’interromprececharmanttête-à-tête,lecoupapourtantVoan,maisilmesemble
quenousavonsplusurgentetimportantàfaire.
Savoixgrave,mêmechargéed’impatienceagacéeparvintàmefairefrissonner.
J’étaisbienplacéepourdécouvrirquelaremarquenefutpasaugoûtdemonangegardiendontles
pupilless’étrécirent;ilrépliquasansmêmeprendrelapeinederegarderVoan.
—Cequin’exclutpasunminimumdetact.
—Jeconçoisquesapositionnesoitpasdesplusconfortablesmaisjustement.Plusvitenousen
auronsterminé,plusvite…
—L’urgencen’impliquepasforcémentlaprécipitationnidebâclerletravail,l’interrompitAxirà
sontour.
Cettefois-ci,ilsedétournapourfixerVoan.
Cederniers’étaitexprimésansuneonced’agressivité.Iln’enétaitpasbesoin,l’exaspération
manifestefiltrantsoussesmotsavaitfaitmouche.
Invitéeàmeteniràcarreauparunesimplepressiondelamaind’Axirsurlamienne,jebaissailatête.
Nonpasavechumilité,maispourmeprotégerdechacunedesdaguesqueVoanlanceraitsurmoipar
lebiaisdesesmots.
—Etjepense,poursuivitAxiravecuncalmeexaspérantquipersonnellementm’auraitfaitsortirde
mesgonds,quevousdevriezmettrevotredifférenddecôtéunmoment.Endépitdesaforce,Sláine
restefragileet…
—Fragile?s’esclaffaVoan.NonmaisvousavezvuSiotoutàl’heure?Ilnefautpasêtregrandclerc
pourdevinerquec’estellequil’amisdanscetétat!
—J’aivu,maisçaneregardequ’eux,réponditAxirplacidement.Etleconnaissant,jenesuispas
certainqu’ilnesoitpasl’uniqueresponsabledesaproprecolère.
Pourunpeu,jel’auraisembrassépouravoirprismadéfenseettenutêteàVoan.Jenelefisbien
évidemmentpas.
—Sinouspouvionschangerdesujet…,intervins-jeenrelevantlenez.
J’espéraisquerapporterlesrévélationsconfiéesparTéliconcernantlesguetteursdétournerait
l’attentiondeVoan.Pressécommeilsemblaitl’être,ilseraitravi.Celaneprendraitquepeudetemps.
Endehorsdeleurnatureexacte,quineparutpassurprendreAxirplusquecela–jenepouvaisme
prononcerpourVoanpuisquejeneprispaslapeinedeluiadresserlemoindreregard–etdu
guetteurperdudanslanature,jen’avaispasgrand-choseàleurapprendreenfindecompte.
Maislorsqu’ils’agitd’évoquerlavolontédeTélidemevoirm’exerceràlavision,j’eusunmoment
d’hésitationquin’échappanullementàlaperspicacitéd’Axir.Maréticencedevaitplusaufaitqu’il
devraitm’yaiderqu’àl’exercicelui-même.Parcequej’avaisconfianceenTéli;jamaisilne
m’auraitdemandédefairequelquechosededangereuxpourmoi…detropdangereux.
—Autrechose?s’enquit-il.
—Oui,soupirai-je.Télia…enfin,ilveutquejem’entraînepourprovoquerdesvisions.Avecvous,
rajoutai-jeavecl’espoirqu’iln’entendepasmesderniersmots.
—T’a-t-ilditpourquoi?
—Ilalaisséentendrequeçavaudraitn’importequelcoursetqu’ilsouhaitaitquej’appréhendevotre
mondeparmoi-même.
Axirhochalatêtepuisseretirauninstantdanssesproprespensées,lesyeuxbaisséssurnosmains
toujoursjointes.
—Trèsbien,articula-t-ilensuite.Jem’enoccuperaiàmonretour.
Sonretour?Ilallaitm’abandonner?Encore?Ahnon,ilnepouvaitpasfaireça?!
Cenefutqu’àcetinstantquelavaleurquej’allouaiausoutiend’Axirmesautaauxyeux.
Luineputmanquerl’angoisseselisantsurmonvisage.
—Jedoisimpérativementsavoircequ’ilenestausujetdesguetteurs,m’expliqua-t-ilgentiment.
Parcequesiseulementquatred’entreeuxenontaprèstoi,ilnousfautessayeràtoutprixderallierles
autresàtacause.
J’enprofiteraiaussipourtenterdeglanerquelquesrenseignementssurnotremystérieuxnuméro
neuf.Enattendant,rajouta-t-ilenposantsasecondemainsurlesnôtres,tuvasdescendreavecVoan
pourqu’ilévaluetescapacitésettonévolution.
Ohnon!
—Maisjene…tentai-jedeprotester.
Lesmotsmefuyaient.Ilsdevaientêtrepartisenmêmetempsquemonsangquiavaitfuimonvisage
etlachaleurayantdésertémoncorps.
—Jeregrette,Sláine.Illefaut.
Axirétaitsincère.Jelevoyaisdanssesyeux.
Iln’enrestaitpasmoinsquejenevoulaispas.Ninelepouvais.
Çafaisaittropmal.C’étaitbeaucouptrop,toutsimplement.
Voann’attenditmêmepasqu’Axiraitpriscongépourabandonnersonfauteuiletsedirigerversla
sortie.
Jerestaiassiseprèsdemonprécieuxangegardien,cherchantdanssonregardqu’ilallaitrevenirsur
sadécisionetnepasm’obligeràsuivrelegéant.
—Çavabiensepasser,murmuraAxirpourmedonnerducourage.
Tentativequiéchoua.
—Sivousledites,soupirai-je.
Lecourttrajetjusqu’aurez-de-chausséefutpourmoil’occasiond’expérimenterunprofondmalaise
dansl’espaceréduitdel’ascenseur.
SiVoans’étaitpostétoutaufonddelacabine,j’avaisquantàmoipréféréresterprèsdelaporte.Bien
droite,braspresséscontremapoitrine,j’étaistenduecommeunarc.Saprésencesemblaitremplir
toutl’espace,mepriverdel’airdontj’avaisbesoin,m’écraser.Jesuffoquai.Unsoupirde
soulagementm’échappadèsquelaportes’ouvritsurlehallduLuxuria.
Oùm’attendaitpireencorequedelagêne.
IsoléeavecVoan,jepouvaistoujourscroireouespérerqueseulesarancunenouséloignaitl’unde
l’autreouqu’uneréconciliationétaitpossible.Maislavued’Hadrienpatientantdanslehallme
rappelaqu’aucunespoirn’étaitderigueur;quoiqu’iladvienne,lessentimentsdeVoanpourcet
hommes’interposeraiententrenous.Aucunpontn’enjamberaitjamaisleprécipicequinousséparait.
Peudisposéeàtenirlerôled’unmartyr,jeprislafuite,abandonnantVoanquiàn’enpasdouter
prendraitquelquesminutespourresteravecHadrienavantdes’occuperdemoncas.
DécouvrirlagrandesalleduLuxuriatotalementdéserte,silencieuseetàpeineéclairéeparquelques
veilleusesmefitpresqueunchoc.Peut-êtremoinsceciditquetousmessouvenirsliésàcettepièce
remontantbrusquementdelamémoire.
J’aimaiscettesalle,sadécorationalliantlemodernismeaurougeetorbaroque,sonatmosphère
feutrée.
C’estfoucedontlereculpouvaitêtrecapable.Lesheuresquej’yavaisvécuesm’étaientparfois
apparuespéniblesmaistoujoursintenses.
Pourtantcelan’avaitaucunemesureaveccequejeressentaisàcetinstantprécis.
Uneprofondemélancolies’emparademoi;cesmomentspresquelégersauregarddemasituation
présenteétaientdéfinitivementdupassé.
Mêmesi,d’unecertainemanièreetàtitrepurementpersonnel,ilsavaientcontribuéàgénérerceque
j’affrontaisauprésent.
Ilm’apparutquejenepourraispeut-êtrem’ensortirquesijeparvenaisàmedéfairedecesmoments
précieux.Oui.Oubliercellequej’avaisétéalors,cellequejecroyaisêtreaussibienquel’imageque
lesautresavaientperçuedeSláineétaitleplusindiqué.Leplusfacileaussi.
Perduedansmessouvenirs,pratiquementsourdeetaveugleàmonenvironnement,jenem’étaispas
aperçuedelaprésencedeVoantoutprèsdemoi.
Jecillai.Ledécorréapparut.
Cenefutquelorsquemesyeuxs’élevèrentversluiqu’unegrosselarmes’enéchappa;elleroulasur
majoue.Cemouvement,quin’avaitéténiplusnimoinsqu’unacteirréfléchi,pratiquementun
réflexe,mevalutuncoupaucœur.ParcequeVoanm’observaitettentadeplongersonregarddansle
mien.
Jeneleluipermispas.Baissantlesyeux,j’enprofitaipoureffacerrapidementcettelarme
inconvenanteduboutdesdoigts.
—Suis-moi,articula-t-iltoutbas.
Latêteaussividequepossible,j’obéisbiensagementetl’accompagnaiausous-sol.
Maislorsqu’ildéverrouillalapremièreportedupluspetitdessalonsaveuglespuiss’effaçapour
m’inviteràentrerdanslesas,jesortiscomplètementdematorpeur.Souslecoupd’uneangoisse
soudaine,jefisunpasenarrière.
—Claustrophobe?medemandaVoan.
Jenerépondispas,inspiraipuisexpiraiprofondémentpourmedonnerlecouraged’avancer.
Dèslapremièreporteclose,l’obscuritésefitdanslesas.
Instantanément,tousmesautressenssemirentenalerte.J’avaisbientropconsciencedeVoanjuste
derrièremoi.Savoix,lorsqu’ilmedemandad’ouvrirlasecondeouverture,seréverbérasurles
cloisonsavantdeserépercuterdansmonproprecorps.Monpoulstambourinaitcontremestympans,
marespirations’accéléra.
—Avancetoutdroitjusqu’aufonddelapièce,m’ordonna-t-ilencore.
Cetteoppressantesensationdeconfinements’intensifiaencorelorsquejepénétraidanslapièce
proprementditeetmedevintquasimentinsupportableletempsd’atteindrelemur.Sasurfacedure,
toutcommecelledusolsousmespieds,démentaitcetteimpressiondemetrouverenapesanteurau
finfonddel’univers.Peut-êtrequ’enunsensc’étaittoutdemêmelecas.
J’avaisapprisaucoursdemaformationquesimonespritfaisaitpartiedel’Univers,l’Universse
trouvaitégalementdansmonesprit,quebienquedotéed’uncorpsetdoncfinie,j’étaisaussiinfinie
quelecosmos.Jesupposaisdoncquesicettepièceavaitétéchoisiepourlesexercices,cen’étaitpas
innocentetfatalementliéàcettereprésentationparticulière.
Monestomacsenoualorsquelepetitdéclicdelaporteserefermantsefitentendredanslesilence.Il
ressemblaitétonnammentàceluid’unpiègequel’onvenaitd’actionner.Oupire,àceluiqu’unemine
auraitfaitsij’avaisposélepieddessus.
LesmotsqueprononçaVoanensuitemeleconfirmèrent.
—Nousavonsquelquechoseàréglertouslesdeux,articula-t-ilsanséleverlavoix.
Douleurplanaitsurmoncœuretmonâme.
Libéréedesaprison,elles’étaitfaituneamieenchemin.Terreur.
J’avaislesjambesencoton,maisparvinsàresterdeboutgrâceaumurauqueljem’adossai.
—Jevaisteparleraussifranchementquepossible,maisçaimpliquequejenevaispasprendrede
gants,articulaposémentVoan.
Jetressaillis.Ils’étaitrapprochéetdevaitsetrouverapproximativementaucentredelapièce.
—Cen’estpasnécessaire,murmurai-je.
Jepensaisavoiruneidéedecequ’ilallaitmedire.J’étaisassezloinducompte.
—Si,çal’est,trancha-t-ilsèchement.Lefaitestquelorsquejemetrouveàproximitédetoi,
poursuivit-il,je…j’éprouvedecurieuseschoses.Cen’estnidudésir,nidel’affectionetencore
moinsdessentiments.Maisjen’aimepasça.Dutout.
Magorgesenoua.
—Jesuisdésolée,articulai-jedifficilement.
Pourquoim’excusai-jed’unechosesurlaquellejen’avaisaucuneemprise?Pourquoiétais-je
conscientequecetétrangeeffetquejeproduisaissurluiallaitnousséparerplussûrementqu’ilaurait
punousrapprocher?
—Jeneveuxpasdetoi,poursuivit-ilimpitoyable.Jen’aipasnonplusl’intentionderécupérermes
souvenirs.
Jusqu’àcetteseconde,j’ignoraistotalementqu’ilpouvaitexisterunétatpresquepaisibleetdénuéde
toutesensationsituéau-delàdelasouffrancelapluspure.Jeledécouvrisàcetinstant.Peut-être
s’agissait-ild’uneprotectiond’urgencedemoncerveau,commelorsqu’ilenvoyaitdesendorphines
encasdedouleurintense.
C’estsansaucundoutecetétatparticulierquimepermitdenepascraquerimmédiatement.
—Cequej’aivudanstamémoirenepeutplusêtre.Jamais.Jerefuse.
C’est…
—Abject,articulai-jeavecundétachementquimesidéramoi-même.
Cetadjectifqualifiaitparfaitementcequejepensaisdecesmots,maisdevaitégalementexprimerce
queluipensaitdenosmoments.
J’eusunhaut-le-cœurréflexe.
—Injusteetcruel,maisilfautquetucomprennesqu’iln’yaurajamaisqu’Hadrienpourmoi.
—Ilnet’aimepas,répondis-jemécaniquement.
—Jevaismettrecesparolessurlecomptedetajalousie,grondaVoanquis’étaitencorerapproché.
Instinctivement,jemeredressaipourmecolleràmonmur.L’inflexionvindicativepriseparsavoix
mefitcraindrequ’ils’enprenneàmoi.Sitelétaitlecas,monmouvementnesuffiraitpas.Mais
j’étaisincapabledeplus.Jemesentaisl’âmed’unpapillonépinglédansuneboiteentomologique.
—Tufaiscequetuveux,cenesontpasmesmotsmaisceuxdeTéli.
Etjecroisquetul’astoujourssu.Seulementlepoisonte…
—Çaneteconcernepasdetoutefaçon,mecoupa-t-ilfroidement.
Maiscequiapusepasserentrenousn’auraitjamaisdûarriver.
Cefutàcetinstantquequelquechoseseproduisit.Jeconservaicettecurieuseluciditépresque
détachéemaisquelquechose,trèsloinenmoi,céda.
—Tuashontede…denous?
Souslecoupdel’effroi,mavoixs’étaitbrisée.
—Exactement,j’aitrahimessentimentspourHadrienàcausedetoi.
Maisj’aitrouvélasolutionquinouspermettraàtousdeuxd’oubliertoutça.Jevaiseffacertes
souvenirset…
—Qu’est-cequetuviensdedire?m’exclamai-je,étouffantlittéralementsouslecoupde
l’incrédulité.
J’entendisdistinctementunbruitaufonddemonesprit;çaressemblaitaucrissementd’unevitrese
fendillant.
Voann’avaitaucundroitdefaireunetellechose!Jerefusaisqu’illefasseoumêmequ’ils’yessaye!
—C’estlaseuleissuepossible,insistaVoan.
—Jetel’interdis!
—Illefaut.Tun’enirasquemieux.Tupourrasrefairetavie,maissansmoi.
Lebruitsereproduisit,plusfort,plusprocheaussi.Unemenacesefaisantdeplusenplusprécise.
Mondétachementfaiblissaitàvued’œil.
—Laferme!criai-jeenplaquantmesmainssurmesoreillespourneplusentendreniseshorribles
mots,nisavoix.
Contrairementàmoi,Voandevaityvoirclairdansl’obscurité.Sesdoigtsserefermèrentsurmes
poignetsqu’ilscontraignirentàs’éloignerdematête.
—Nemetouchepas!grondai-je.
Sesmainssurmapeaumebrûlaient,memarquaientauferrouge.
Unéclairfulgurantfusasousmoncrâne,traversantmoncerveaudepartenpart.Ladouleurfutsi
vivequemesyeuxaveuglesseremplirentdelarmes,faisantaussitressaillirmoncorps.Moncœur
battaitdemanièrepluserratiquequ’ilnel’avaitjamaisfait.
—Laisse-moifaire,murmuraVoantoutbas;l’inflexioncaressantedesavoixgravemerévolta
autantqu’ellemetroubla.
Retenanttoujoursmesbrasqu’ilrepoussacontrelemur,soncorpspesapeuàpeusurlemien.Juste
cequ’ilfallaitpourquejesoisenmesuredesentirsesmusclescontremoi,sachaleuràtraversmes
vêtements.
—Non,glapis-jeàl’agonie.
Cesupplicesupplémentairefitlittéralementvibrermoncorpsd’unemerveilleuseetatroce
souffrance.
—Calme-toi,murmura-t-ilencore;savoixn’étaitplusqu’unsonrauque.
Sonsoufflecaressamonvisage,mabouche.
—Jet’enprie,nefaispasça,lesuppliai-jedansunsanglot.Arrête.
—Non.
Seslèvresseposèrentdélicatementsurlesmiennes.
Sansdouteespérait-ilquecebaiser,cetteintolérablemanipulationluipermettraitd’arriveràsesfins,
s’insinuerdansmonespritetprocéderàsonménageinepte.
Lorsqu’unbruitdeverrebrisé,commesouffléparunedéflagrationsilencieuse,retentitdansmatête,
jecomprisqueleboucliermisenplacepourdissimulermaguérisonàYlsietauxguetteursvenait
d’exploser.
Quelquessecondess’écoulèrententrecesonetladouleurquimeterrassaensuite.Jaillissantdans
moncerveau,ellesedéversatelunfleuved’acidedanstoutmoncorpsquisecambraviolemment,
commepourexpulsertoutessensations.
Jenesauraisdirequellesconséquencescelaeutsurmonenvironnementdirectparcequejustement
moncerveaunerecevaitplusaucuneinformationdel’extérieur.Aveugleetsourdedésormais,je
n’avaisplusaucunesensationnonplus.Moncorpsdevaitprobablementsetrouverencoredanscelle
delapièce.Maisàcesténèbresextérieuress’enajoutaientd’autresneconcernantquemonesprit.
Relativementpeuinquiète,peut-êtremêmesoulagéedeneplusavoiràendurerquoiquecesoit,
d’agréableounon,jeprispeuàpeuconsciencedel’endroitoùjemetrouvaisréellement.
Làoùpersonnenepourraitm’atteindre.Àl’abridemoncorpsaufinfonddemonâme.
J’ignoraissicetendroitétaitceluioùjem’étaisdéjàretrouvéeaprèsavoirtentédefranchirlaporte
interdimensionnelle.Toujoursest-ilquelacelluleoùj’étaisprisonnières’éclaira,mepermettantde
fairelepointsurcelieunecomportantapparemmentaucuneissue.Àpremièrevue,ils’agissaitbien
delamêmepièce.
Tournantlentementsurmoi-même,monregardglissaunpeupartoutsurlesmursnusavantdese
posersurquelquechosegisantausoldansuncoin.
Non!
Jamaisjen’auraiscrucelapossible,jamaisjen’auraisvouluqueçalesoit.Etsurtoutjenevoulais
pasêtreresponsabledecettecatastrophe.
MeruantversTélirecroquevillésurlecôté,jemelaissaitomberàgenouprèsdeluiavantdelefaire
roulersurledosavecprécaution.
Iltremblait,commesouslecoupd’unefortedefièvre.Sesbrasétaientsolidementreferméssurson
torse,crispés,verrouillés.
Jem’entendispourtantsoupirerlorsquesespaupièressesoulevèrent.
Sesirisbrillaientbeaucouptrop.Maisileutl’airsoulagédemevoirindemne.
—Tun’asrien,constata-t-ildansunfiletdevoixrauque.
—Jenepensepas,murmurai-jeenmepenchantverslui.Ettoi?
J’écartaiunelonguemècheblondedesonvisagepuisposaimamainsursajoue.Ilétaitbrûlant.
—Nemedispasquetuasprisl’explosiondepleinfouet,m’inquiétai-je.
—Plustard,souffla-t-il.
—Oui,pardon,m’excusai-je.
DécouvrirTélivulnérablealorsquejelepensaisinvinciblemeperturbaitprofondément.
Lorsqu’iltentadeserelevertoutseul,jeglissaimesbrassoussesaissellespourl’yaider.Dévorée
parl’angoisse,choquéedelevoirsemouvoircommesichaquegesteluiétaitdouloureux,jenele
quittaipasdesyeux,prêteàintervenirencasdebesoin.
Dèsqu’ilfutassisetrelativementstabilisé,jeprisl’unedesesmainsdanslamienneetmedéplaçai
pourallerm’adosseraumuravantd’écartermesjambespourqu’ilpuisses’yglisser.
Presqueeffondrécontremoi,sesbrasenroulésautourdematailleetsonvisagedansmoncou,Téli
semblaits’êtreendormi.Jel’avaisenlacéetcaressaisescheveuxtendrement.Jemesentaisaussibien
quemoninquiétudepourluimelepermettait.
—Sláine?murmura-t-ilcontremapeau;sonsoufflemechatouilla.
—Quoi?
—Turestesavecmoi?
—Naturellement,lerassurai-je.Oùveux-tuquej’aille?Etpuistunetedébarrasserasdemoiaussi
facilement.
—Merci.
—Tun’aspasàmeremercier,legrondai-jegentiment.
—Sláine?
—Mmm?
—Jet’aime.
Melaissantallercontrelemur,jefermailesyeux.L’ombred’unsourireétirameslèvres.
—Je…