Riffs HiFi 30.04.2011
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Riffs HiFi 30.04.2011
LE JOURNAL DU JURA SAMEDI 30 AVRIL 2011 32 RIFFS HIFI ANTHOLOGIE Les albums live qui ont façonné l’histoire du rock RORY GALLAGHER LAURENT KLEISL «Qu’est-ce que ça fait d’être le meilleur guitariste du monde?» avait-on demandé un jour à Jimi Hendrix. «Interrogez Rory Gallagher!», fusa la réponse. Aujourd’hui, tous deux jamment au Paradis. Avec Keith Moon à la batterie et John Entwistle à la basse. Et si on ne compte plus les disques posthumes d’Hendrix, tous aussi nuls les uns que les autres, ce «Notes from San Francisco» de Gallagher, que Sony Music nous promet pour juin, semble valoir le détour. Il s’agit d’un album studio datant de 1978 jamais publié parce que le son ne plaisait pas à l’Irlandais. Aujourd’hui, avec la technique! Pour la bonne bouche, on a ajouté un CD live de 1979. Nous y reviendrons avec délectation. [ PABR A Leeds au pays des merveilles Un râle rauque. Profond. Qui monte. Comme une lame de fond. Au bistrot, dans une salle obscure, dans un stade. Jusqu’à l’explosion. Le public, c’est l’âme du rock. La scène, son unique lieu d’expression libre, sans barrière sociétale. L’impression sur support matériel de ces instants d’oubli total a façonné l’histoire du riff. Forcément, la tentation d’ébaucher une anthologie de l’album live empeste la mauvaise foi subjective. Mais par la qualité de leur son, leur «set-list», leur place dans l’histoire, quelques œuvres majuscules s’imposent. En premier lieu, le mythique «Live at Leeds» a déchiré le ciel durockàsasortieenmai1970.La puissance développée par Pete Townshend et ses sbires, poussée par une production énorme, en fait la référence absolue en matière d’album live. «The Who étaient un peu comme une dominatrice qui infligeait le show à sonpublic,etcelam’aincontestablement influencé, a récemment avoué Alice Cooper. Pete (Townshend) est le meilleur guitariste que j’ai jamais vu, le plus grand showman capable de transmettre le plus pur esprit du rock’n’roll.» Slayer ou l’art guttural Dans un passé plus récent, seul Slayer, avec l’impressionnant «Decade of agression» (1991), a atteint un tel niveau de perfection. Jamais un enregistrement live de metal n’a sonné aussi clair, aussi précis, tout en conservant la violence et la lourdeur originelles déversées sur scène. «Hell Awaits», l’abyssal morceau d’ouverture, résume la quintessence d’une œuvre soutenue par la production d’orfèvre de Rick Rubin, le tout sans aucun «overdub», la maladie des eighties. Une performance! De l’art guttural. Danslalignéedecesdeuxpièces maîtresses impossibles ne seraitce qu’à égaler, «Live in Japan» de (1980), premier album live de Supertramp, «Seconds out» est la parfaite introduction pour découvrir – ou redécouvrir – le Genesis de la genèse. Celui d’avant. Celui qu’on aime. Dans le genre compilation grandiloquente, «World Wide Live» (1985) de Scorpions et «Live after death» (1985) d’Iron Maiden – une des plus belles pochettes qu’ait produit le rock – soulignent la folie furieuse du hard rock des années 80. Sans certaines suspicions de recours aux «overdubs», à la fois confirmées et démenties par le groupe, la Vierge de Fer tiendrait là un morceau d’anthologie. L’autre visage du live Pete Townshend? «Le plus grand showman», selon Alice Cooper. [KEYSTONE] Deep Purple (1972) et ses morceaux allongés, façonnés pour électriser le bon peuple du rock, s’installent dans la catégorie des plus grands témoignages live. Un peu à part, mais tellement exceptionnel dans sa conception et sa réalisation, «Live at Pompei» (1972) de Pink Floyd, capté pour la télévision en partie au pied du Vésuve, s’impose autant par son originalité – un live sans public... – que par la qualité sonore de l’interprétation d’un quatuor qui sévissait alors loin des contingences bassement économiques. Un produit enregistré devant une audience acquise à la cause, dans la carrière d’un groupe, s’inscrit autant dans le témoignage d’une époque que dans une volonté marketing. Certains live plus commerciaux tiennent toutefois une place de choix dans l’histoire du rock. Bien qu’Eric Clapton ait ouvert les feux en publiant son «Unplugged» en 1992, c’est la version débranchée de Nirvana, «MTV Unplugged in New York» (1994), qui reste gravée dans le marbre du rock. Sa sortie mercantile, sept mois seulement après le suicide de Kurt Cobain, n’efface pas une note de la mélancolie morbide nappée d’une douceur âpre qui mène le show. Nirvana tranquille, à l’émotion. «My girl, my girl, don’t lie to me...» Toujours parmi les grosses organisations, «Seconds out» (1977) de Genesis, aussi brillant dans le choix des morceaux que dans leur exécution, marque en grande pompe le début de l’ère Phil Collins. Comme «Paris» Iron Maiden, aussi, est l’exemple du fossoyeur de l’album live. Un disque studio, une tournée, un live, un disque studio, une tournée, un live. Puis une compilation. Trop, c’est trop. Et souvent pour rien. La technologie, facilitant l’enregistrement et la production de ce type de matériel, a tué le live. Utilisant le filon à l’extrême, Marillion propose à ses fans de télécharger chacun de ses concerts, pour quelques pennies, sur son site internet. Une idée qui, à première vue, paraît purement commerciale. En fait, pas tant... Elle permet tout bonnement à un groupe boudé des médias de continuer à exister tout en offrant aux fans «hardcore» un choix quasi illimité. Après tout, pourquoi pas? Reste que fin 1988, quelques semaines après le départ de Fish, son charismatique chanteur et parolier, Marillion a commis le pire album live de l’histoire. Honteusement fabriqué par EMI, «The thieving magpie» est un assemblage hétéroclite de cinq années de concerts. Des morceaux mis bout à bout, sans logique, sans aucune référence, avec un respect presque insultant des versions studio. Du foutage de gueule à plein tarif. Ah, si tous les chemins menaient à Leeds... [ LOUIS BERTIGNAC En attendant une éventuelle reformation de Téléphone A défaut de rimes, des riffs plutôt riches PIERRE-ALAIN BRENZIKOFER L’univers du rock, décidément, n’est guère tendre pour les couples éclatés. Ainsi, Lennon sans McCartney – et réciproquement – frôlait le pathétique. Et puis, avez-vous déjà essayé d’écouter un album solo de Keith Richards ou de Mick Jag- Louis Bertignac? Il n’est jamais aussi bon que sur scène. [LDD] ger? Ben, faudra vous y (re)faire. Depuis que cet intellectuel racé de Richards a révélé que sir Mick avait une petite bite, y a peu de chances pour que les Stones nous refassent un disque. Sincèrement, qui s’en plaindra? Pour ce qui est de Téléphone, c’est un peu la même chose. Car, franchement, si Aubert et Bertignac sont bons en solo, jamais ils n’ont atteint les sommets de leur défunt groupe. Faut dire que tous deux sont ce qu’on appelle des gentils. Bertignac, notamment, puisque c’est de lui qu’il est question ici. Heureusement pour nous, son producteur lui a demandé de refaire ce qu’il savait le mieux faire: des riffs. Oui, «Grizzly» est un album de guitares. Enfin! Et le bon Louis, qui n’a jamais trop aimer sécher sur les textes, s’est ici assuré la collaboration de Boris Bergmann, le parolier de Bashung. Utile rappel: l’ami Louis avait cependant écrit le texte – tout en en composant la musique – de la meilleure chanson de Téléphone. On veut bien sûr parler de Cendrillon. A part ça, on sent que ce type s’est forgé un style en écoutant en boucle Keith Richards, Pete Townshend et Jimmy Page. Comme influences, on peut décidément avouer pire. Sur «Grizzly», dès lors, les riffs succèdent aux riffs. Même si, encore une fois, le meilleur morceau est une ballade. Si on ne fait erreur, ça s’appelle «Tes bonnes choses». Pour le reste, pourquoi ne pas miser sur une reformation de Téléphone qui, n’en déplaise à Starshooter, Bijou et Noir Désir, demeure de loin le meilleur groupe français de tous les temps? Ange? C’est un monde – pardon, une galaxie – à part. Histoire de patienter, on ira avec plaisir voir Bertignac sur scène pour deux bonnes heures de sueur et pas seulement pour la reprise de «Won’t get fooled again». Oui, ce type est sympa. A tel point qu’il n’a même pas renié son histoire avec Carla Bruni. Invité récemment chez le couple présidentiel, Louis s’est payé le luxe d’envoyer paître tous ces rockers de pacotille qui jugeaient cette visite peu rock and roll. Hugues Aufray a eu la même attitude en conviant la belle Carla à chanter sur son album «New Yorker». Tant pis pour les veaux qui se déclarent choqués. Ici, on hait les choqués. [ + INFO Grizzly (Ça c’est vraiment moi) Un disque résolument guitare de Louis Bertignac, ex-gratteur de Téléphone. Distribution Universal. Deux inédits de l’immense guitariste disparu NAZARETH Chic, on a retrouvé une grande voix du hard Dites! vous connaissez la différence entre un beauf et un connaisseur de musique? Eh bien, le beauf vous demandera immanquablement, à propos d’un vieux groupe: «Ah! ils existent toujours?» Dans ce contexte de désolation, nul doute que Nazareth inspirerait plus d’un veau. Certes, ces Ecossais mythiques, qui ont fêté 40 ans de carrière en 2008, n’ont pas été épargnés par la scoumoune. Sait-on qu’ils ont néanmoins écoulé 60 millions de galettes? La dernière, intitulée «Big Dogz» (Phonag Records), vient tout juste de paraître. Rien que pour le premier morceau, «Big dog’s gonna howl», elle vaut le détour. Dan McCafferty, le hurleur originel, y ridiculise toute la galaxie hard. De l’époumoné Robert Plant à l’asthmatique David Coverdale en passant par le désormais trop caricatural Paul Rodgers, qu’ils se taisent! Joie, Nazareth sera au Z7 le 16 mai, à Pratteln. Sandaleux s’abstenir. [ PABR SONGS FOR JAPAN Un double CD pour les victimes du tsunami Sous la houlette de Sony Music, un double CD vient de paraître en faveur des victimes du tsunami. Intitulé simplement «Songs for Japan», il contient 37 chansons de diverses pointures, dont celles de John Lennon, U2, Lady Gaga, Beyoncé, Bon Jovi, Foo Fighters, REM, Elton John, Kings of Leon et Shakira. Aux USA, les ventes ont déjà permis d’offrir deux millions de dollars à la Croix-Rouge japonaise. [ PABR TOURNÉE «TOMMY» POUR DALTREY Et si c’était, hélas, la fin des Who? Pete Townshend l’a annoncé récemment: l’état de ses oreilles ne lui permettra vraisemblablement plus de tourner avec les Who. Eh bien, la nouvelle semble se confirmer. Roger Daltrey, le chanteur, entamera en effet cet été en solo une tournée anglaise consacré à l’opéra rock «Tommy», dont les Who ont écoulé 20 millions de copies. A part ça, il se murmure que Daltrey aurait été refusé comme juge à «American Idol» parce qu’habillé trop sagement. On lui a préféré cette caricature pathétique de Steven Tyler. Lequel ne sait même plus chanter. [ PABR LA PLAYLIST DE... MOHAMED HAMDAOUI [email protected] ALAIN SOUCHON «Et si en plus» (2006) La seule fois où mon père est venu me voir en Suisse, j’avais cinq ans. Il était (et est toujours!) un musulman fervent. Mais trop tard: le mécréant commençait déjà à s’incruster en moi. Un matin, il m’a fait rire en se prosternant dans la direction inverse de la Mecque. Pour être allé, la veille au «Domino» où les effeuilleuses étaient particulièrement belles, il avait décidé qu’il ne prierait désormais plus qu’en direction de cet établissement. Le jour où les croyants du monde entier auront le sens de l’humour, cette chanson d’Alain Souchon aura perdu son sens. JACQUES BREL «Voir un ami pleurer» (1977) Trois heures du matin. A l’autre bout du téléphone, le désespéré de service s’est à nouveau fait plaquer. Il veut se jeter en bas de la fenêtre. Mais avant, il veut qu’on passe le voir. Devant ses cadavres de bouteilles vides, il tient des propos incohérents. Au bout de quelques minutes, il chiale et se met à ronfler. C’est ça, l’amitié. EDDIE COCHRAN «Summertime blues» (1958) Le 16 avril 1960, un taxi londonien percute un réverbère. A son bord, trois passagers, dont un jeune homme de 21 ans: Eddie Cochran. Depuis quelques années, ce modeste guitariste enregistre vinyle sur vinyle. L’industrie du disque pense avoir enfin déniché le vrai rival d’Elvis Presley. Mais sa mort accidentelle laissera à jamais sans réponse cette question: sans ce satané lampion, n’auraitil pas été le plus grand rocker de tous les temps? LILI BONICHE «Alger, Alger» (2008) Mon voisin est juif. Ça ne fait rien, je le garde quand même. Il est en lévitation. Il s’est décidé à retourner de l’autre côté de la Méditerranée, sur sa terre natale qu’il a dû quitter lors de l’indépendance de ce pays. L’intolérance et l’imbécillité sont universelles et éternelles. Comment allait-il réagir en voyant que son pays ne correspondait plus à ses souvenirs? Il en est revenu transfiguré, car reçu à bras ouverts. A lui et à mes amis pieds-noirs, cette chanson du roi de la musique juive arabo-andalouse, enregistrée peu avant sa mort, il y a 3 ans.