Etude d`œuvre : Pierre et Jean de Maupassant (1888)

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Etude d`œuvre : Pierre et Jean de Maupassant (1888)
Fiche Cours
Nº : 91015
FRANÇAIS
Toutes séries
LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE
Etude d’œuvre :
Pierre et Jean de Maupassant (1888)
Plan de la fiche :
1. Pierre et Jean ou l’Expression de la contradiction
2. La dualité dans Pierre et Jean
3. Le cadre spatio-temporel
Pierre et Jean ou l’Expression de la contradiction
L’importance du titre rappelle que le récit évolue en fonction des deux personnages éponymes. Pierre, l’aîné des deux frères est
âgé de trente ans, il apparaît comme celui qui est le plus proche de la figure de la mère et Jean, l’hériter, n’a que 25 ans et subit son
sort sans le moindre souci.
Dès le début du récit, les deux frères sont présentés de façon identique. Ils apparaissent égaux dans leurs mimiques. Leur réaction
au manque de courtoisie de leur père face à Mme Rosémilly est la même. Ils ont des goûts en commun notamment concernant
la femme qu’ils convoitent, Mme Rosémilly, et l’appartement qu’ils désirent acquérir. Malgré de nombreuses similitudes, certaines
oppositions dans leur portrait et leurs comportements soulignent leur caractère antithétique.
Leur description physique est le premier élément qui creuse un écart considérable entre les deux personnages. Pierre est brun
tandis que son frère blond. L’auteur souligne aussi leurs différences par leur allure ; Pierre porte des favoris et Jean le plus jeune
une barbe, ce qui apparaît comme deux traits significatifs de leur personnalité. Leurs différences ne se limitent pas à leur physique,
leur psychologie aussi diffère. Pierre est un être nerveux, anxieux facilement irritable, il a un comportement agité qui s’oppose au
calme de Jean. L’un est rancunier, l’autre fait preuve d’une douceur et d’une tolérance appréciées de tous.
De plus leur comportement dans la société met en avant certains écarts qui insistent davantage sur la singularité de chacun. Ils
s’opposent aussi dans leur choix d’études qui leur permettent de vivre deux horizons totalement opposés ; ainsi la profession
choisie par Pierre le mène loin de ses proches.
Dès l’annonce de l’héritage, cette différence s’accentue. Là, les rôles attribués à chacun des deux frères s’inversent véritablement.
Pierre, au début du roman apparaît le plus proche de Mme Roland mais il est vite exclu du cercle familial tel un étranger, un orphelin
sans d’autre refuge que sa conscience, comme s’il était réduit au stade de source de mal-être, provocateur des crises de sa mère. Et
c’est Jean qui progressivement prendra sa place auprès de Mme Roland. Il connaîtra une protection filiale inversée. Paradoxalement,
Pierre, le médecin, porte sur lui les marques attribuées aux hommes de lois, ses favoris qu’il « porte comme un magistrat » et le
regard inquisiteur qu’il pose sur sa génitrice sont propres aux caractéristiques des enquêteurs. Il veut connaître la vérité sur les
origines de cet héritage soudain et agit en conséquence. Il devient obsédé à l’idée de connaître la vérité et entreprend une sorte
d’enquête minutieuse dans le but de remonter à la source du problème et d’en connaître la cause exacte. Jean, quant à lui, se montre
paradoxalement à la hauteur d’un médecin rempli d’attention pour sa mère qui adopte, à ses côtés, le rôle de la patiente.
On peut voir dans ces deux figures antithétiques une certaine ambiguïté s’apparentant à un manichéisme implicite. Leurs différences
physiques, morales et psychologiques, dès l’annonce de l’héritage, créent un sentiment de compassion chez le lecteur qui portera
toute son attention sur celui qui lui semble être le meilleur. En effet, même le titre, après lecture du roman, devient l’expression
de la contradiction. Pierre et Jean, deux noms que rien ne semble opposer, deux noms reliés par la conjonction « et » de sorte à
mettre en évidence le lien fraternel qui lie les deux personnages, tels deux jumeaux. Mais le prénom « Jean » inscrit en deuxième
position est celui qui attirera le plus l’attention du lecteur à mesure que la narration progresse et bénéficiera ainsi de toute sa
sympathie.
Pierre et Jean, aussi différents soient-ils, parviennent à créer un sentiment renvoyant à la notion de bien et de mal. Qui est Pierre ?
Qui est Jean ? Qui est le bien et qui est le mal ? Qui est le vrai fils ? Qui est l’imposteur ? L’attitude de Pierre, même si elle est
compréhensible, s’avère être la plus critiquable, et ses agissements à l’égard de sa mère l’inscrivent dans le camp des mauvais.Tandis
que Jean, fruit d’un amour adultère, enfant né du péché, accède peu à peu au rang des bons. Rappelons que Pierre est brun et Jean
blond, et la symbolique des couleurs est ici révélatrice.
Cette notion de bien et de mal, de confusion d’identité et d’ambiguïté quant à la distribution des rôles, est omniprésente dans
l’œuvre de Maupassant. Ce perpétuel duel qui a torturé l’esprit de Maupassant transparaît aussi dans Pierre et Jean.
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La dualité dans Pierre et Jean
Avant de s’attarder sur thème du double dans Pierre et Jean, il convient de s’intéresser un instant sur une notion qui prend place dans
tout le roman : le chiffre deux ou toutes les occurrences qui concourent à l’évoquer sont assez représentatives de l’omniprésence
d’une certaine dualité dans le roman.
Les marques du double
La présence du chiffre deux apparaît dès le titre de l’œuvre mettant en avant deux éléments reliés par la conjonction « et ». Le
roman est bâti ainsi pareil à un diptyque dont chaque détail est significatif, a presque toujours son équivalent et n’est que très
rarement présenté dans son individualité.
Tout d’abord les personnages principaux du récit sont présentés en couple ; Pierre et Jean ; M. et Mme Roland. Après la nouvelle
de l’héritage Pierre et Jean seront séparés au profit de Mme Rosémilly qui prendra place auprès de Jean. Pierre et Jean, les « deux
frères », « les deux fils », sont présentés en couple sans être nommés et apparaissent dans un premier temps à travers l’expression
« deux fils » pour épouser dans un second temps une identité qui permettra de les distinguer précisément, et ce à la différence des
autres personnages nommés par leur nom dès leur apparition.
A ce premier couple masculin correspond un couple de femmes représenté par Mme Roland et Mme Rosémilly, toutes deux très
souvent désignée ensemble, par le chiffre deux ou par la liaison de leurs deux noms.
Cette notion de double ne va pas seulement servir la présentation des personnages, elle est l’occasion de planter le décor et
d’aider à la progression du récit.
Le roman s’ouvre un mardi, deuxième jour de la semaine pour se refermer deux mois plus tard. Mme Rosémilly est veuve depuis
deux ans et habite un appartement situé au deuxième étage d’un immeuble. La demeure des Roland est sur deux étages et
l’appartement que convoitent les deux frères et que possèdera Jean donne sur deux rues et a deux salons.
Une omniprésence, une répétition, au service de la structure du roman.
Cette notion de double atteint son paroxysme lors de la description du salon de Mme Rosémilly. Cette scène est un exemple de
mise en abyme qui mérite un intérêt particulier.
Rappelons que la mise en abyme est une scène qui raconte de manière différente la même histoire que le récit.
Le salon de Mme Rosémilly fait l’objet d’une description précise à l’occasion de la venue de Mme Roland afin de demander la main
de Mme Rosémilly pour Jean. Cependant, le regard de l’auteur s’arrête avec insistance sur les quatre gravures disposées deux par
deux.
Les quatre gravures correspondent à deux scènes où deux femmes vivent deux situations analogues.
La première scène représente tout d’abord une femme qui regarde s’éloigner la barque avec « son homme » à son bord, pour
ensuite montrer cette même femme désespérée de voir la barque sombrer. La deuxième scène se déroule sur l’eau où une autre
femme est accoudée « sur le bordage d’un grand paquebot », on la retrouve ensuite évanouie après la lecture d’une lettre.
Ces deux femmes, dont les destins basculent dans un décor marin, renvoient directement aux acteurs du récit. Maupassant
observe deux scènes réalistes et rend compte de deux situations similaires pour ensuite diriger son regard vers Mme Roland et
Mme Rosémilly, tandis qu’elles s’assoient, mobiles à la différence des deux autres et transpose ainsi l’histoire des quatre gravures
sur celle de ses personnages. On repère ainsi de nombreuses analogies.
Les femmes présentes dans les gravures reflètent des caractéristiques propres à Mme Roland et à Mme Rosémilly. La première
est « femme de pêcheur » or la pêche est la principale passion de M. Roland ; son « homme » meurt en mer comme le mari
de Mme Rosémilly. La seconde femme est blonde comme Mme Rosémilly, ses yeux mouillés de larmes pourraient être ceux de
Mme Roland ; elle est d’une classe supérieure à la première, or Mme Rosémilly, veuve d’un capitaine est d’une classe supérieure à
Mme Roland, femme de pêcheur.
Les manifestations du double
Le double est le reflet, la ressemblance quasi parfaite d’un être. Ici ses manifestations ne sont pas toujours d’une évidence certaine.
Il va, dans Pierre et Jean, se définir essentiellement à travers le personnage de Pierre qui, dès l’annonce de l’héritage de Jean, est
confronté non seulement à un malaise au sein de la famille, mais à une partie de lui-même qui éveille en lui un trouble qui se
manifeste par un désarroi et débouche sur un examen de conscience.
Cette remise en question qui s’opère indépendamment de sa volonté est à l’origine de la naissance de cet autre qui est en lui et
ne lui correspond pas.
Sa perception de la réalité va progressivement se brouiller et a pour résultat de percevoir ceux qui l’entourent comme des
étrangers. Son quotidien prend des airs étranges. Le regard qu’il porte sur ses parents est interrogateur, étonné. Il est curieux de
découvrir chez ses proches des détails passés inaperçus jusqu’alors.
Il assiste progressivement à l’anéantissement de tous les membres de sa famille. Pierre se détache de son quotidien, s’isole et
connaît les affres de cette solitude. A l’écart de sa famille, il provoque aussi une distance d’avec le monde qui l’entoure.
Au départ, c’est Pierre qui porte un regard étranger sur les siens pour finir par devenir lui-même étranger aux yeux des autres. De
plus, non seulement Pierre acquiert un statut d’étranger, mais il devient un autre, peut-être le double qui sommeillait en lui.
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Le sentiment de jalousie qui surgit en lui commence par l’étonner puis, après l’avoir analysé, Pierre réalise qu’il a dévoilé « l’autre
qui est en nous ». Cette prise de conscience se fond dans la nouvelle relation qui s’installe entre son frère et lui. L’appréhension du
regard des autres face à l’événement se mêle à celle de ne plus être considéré comme fils légitime, un tel drame pourrait prêter à
confusion et Pierre passerait alors pour le bâtard de la famille. Le personnage de Pierre prend dès lors toute son ambiguïté : même
s’il est persuadé qu’il reste le fils légitime, les repères qu’il s’était fixés ne lui permettent plus d’en être assuré et par conséquent
de le rester. Il ne s’agit plus d’être l’aîné des deux, et Pierre le cadet, mais il est question d’un fils légitime et d’un bâtard, d’un être
et de son double.
Le jeu des points de vue dans Pierre et Jean est assez éloquent lorsqu’il s’agit de préciser les manifestations du double dans le
récit.
Un premier point de vue est émis par Pierre qui installe Jean dans la peau de « l’autre ». Ensuite le point de vue change et c’est
Pierre qui devient l’autre, « l’autre fils » de Mme Roland depuis que Jean refuse d’entendre les accusations portées à l’encontre de
sa mère.
Pierre est victime d’une crise psychologique dont les manifestations sont progressives. D’abord il comprend qu’il perd un frère,
ensuite que ses repères lui échappent, n’ayant plus sa place parmi les membres de sa famille pour finalement perdre son identité de
frère et de fils. Pierre apparaît à la fin comme un être vampirisé par « l’autre ».
Cette dernière étape dans la crise de Pierre permet de faire quelques rapprochements avec Le Horla à propos du thème du
double.
Pierre et Jean et Le Horla
Le Horla, récit fantastique écrit quelque temps avant Pierre et Jean, est l’histoire d’un être angoissé, tourmenté par son double.Tenter
une comparaison entre Pierre et Jean et un conte fantastique peut sembler vide de sens, mais dans ces deux récits aussi différents
le « double », un des thèmes majeurs de la littérature fantastique, y est omniprésent.
Le Horla est une entité invisible qui se manifeste pour accroître l’angoisse du narrateur qui tente de le piéger pour l’apercevoir et
l’anéantir. Son aspect est indéfinissable dans la mesure où il apparaît à travers un miroir et son reflet imprécis s’apparente à une
fumée dense.
Or, on pourrait comparer le Horla à Jean même si ce dernier est un être vivant, en chair et en os, cet autre, cet imposteur qui
prend la place du véritable fils au sein de la famille. De plus les tentatives de fuite de Pierre, pour se retrouver seul ou pour subir
son mal-être profond, sont accompagnées d’un voile brumeux. Le double qui habite les deux personnages les dirige dans deux
directions opposées mais similaires.
L’ « autre » maléfique, le Horla, oblige le narrateur à prendre la voie du suicide, tandis que Pierre sera presque forcé d’embarquer
à bord de la Lorraine, une mort en quelque sorte métaphorique qui prend tout son sens dans l’évocation des gravures du salon de
Mme Rosémilly. Des connotations sinistres jalonnant le texte abondent dans ce sens. Ainsi le corps de Pierre étendu sur la plage
s’apparente aux yeux de Mme Roland à un « cadavre ». A bord de la Lorraine, le lit de Pierre est comparé à un cercueil et la tristesse
de Mme Roland au moment du départ de son fils est digne de celle éprouvé lors d’un deuil.
Pierre et Jean et Le Horla sont deux exemples de cette notion de dédoublement qui caractérise aussi la vie de l’auteur. Ces deux
récits proposent quasiment la même histoire, celle de deux êtres confrontés à leur double qui, ne pouvant l’éloigner, s’en remettent
à la mort pour en être libérés.
Le cadre spatio-temporel
Le traitement du temps
Les indices temporels sont très présents dans le récit.
Dès les premières pages, un certain nombre d’indices permettent de situer le temps de la fiction. Chaque chapitre est ponctué par
des marques précises.
Le roman s’ouvre au début du mois d’août, un mardi. Au chapitre II, « la nuit de mardi à mercredi », au chapitre III, « mercredi », les
jours de la semaine sont constamment évoqués pour marquer la présence du temps dans le récit. Cependant l’action se fait parfois
plus rapide à travers des expressions plus ou moins précises telles que « un jour » au chapitre VI, ou encore « le jour du départ
de Pierre », deux mois plus tard, à la fin du roman. L’action suit un cours régulier. Chaque chapitre relate dans un premier temps
les événements d’une journée pour ensuite, très souvent par des ellipses, correspondre à des périodes bien plus longues ou non
précisées.
Tout rapport au temps est indiqué. L’âge des personnages est dévoilé, Pierre a trente ans, Jean vingt-cinq, Mme Roland quarante-huit
et Mme Rosémilly vingt-trois ans et veuve à vingt et un ans.
L’action se déroule en 1885. La rencontre de Mme Roland et de Léon Maréchal a dû avoir lieu vers 1858. L’union de Jean et de
Mme Rosémilly aura lieu dans six semaines et Pierre doit revenir dans un mois. Maupassant apparaît encore une fois comme un
jongleur habile puisqu’il réussit à donner une certaine linéarité au récit tout en utilisant des retours en arrière pertinents qui
éclairent le lecteur sur l’histoire de la naissance de Jean.
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La représentation de l’espace
Tout comme le temps, l’espace semble considérablement restreint dans le roman. La Normandie occupe toute la scène, sert de
décor et pose les limites géographiques que les personnages ne dépasseront pas.
Dans la description du cadre, l’auteur joue encore sur des oppositions bien définies.A la description des paysages marins correspondent
des paysages terrestres, de même que les lieux occupés par la famille s’opposent aux lieux liés à un seul personnage.
Les descriptions se portent essentiellement sur des paysages marins, les navires sur la mer, les deux phares, et la plage représentant
« une immense floraison de la perversité féminine ». La campagne normande prend aussi place dans ce décor réaliste. Ces descriptions
précises de l’espace servent l’intrigue et semblent toujours en harmonie avec l’état d’esprit des personnages.
De plus, certaines descriptions sont perçues tantôt à travers le regard des personnages, tantôt à travers celui du narrateur. C’est
le cas par exemple pour la plage de Trouville qui est présentée selon le regard de Pierre, et celle de Saint-Jouin, un des endroits les
plus chers à l’auteur, nous est livrée par le narrateur.
Une telle précision concernant les lieux rappelle une des caractéristiques de l’écriture réaliste, et l’omniprésence de la mer est un
des thèmes les plus présents dans l’œuvre de Maupassant
Le thème de l’eau dans Pierre et Jean
L’eau et en particulier la mer sont pour l’auteur l’occasion de dessiner un décor dans lequel il va placer ses personnages, un décor
qu’il connaît parfaitement.
La présence de la mer apparaît dès la première page et permet de présenter les personnages, isolés, pour que le lecteur puisse les
découvrir et ensuite les accompagner tout au long du récit.
La description que fait Maupassant de cette dimension marine relève d’une prouesse technique qui témoigne de sa passion et de sa
parfaite connaissance de l’eau. Lorsque l’auteur s’attarde sur les côtes normandes, ce n’est pas seulement la vision d’un ensemble
qu’il va décrire. Les côtes normandes font elles aussi l’objet d’une attention particulière et d’une description minutieuse, et les
parties de pêches prennent l’allure de leçon de vocabulaire marin. Maupassant met alors en place un narrateur qui fait figure de
pédagogue au sein du récit pour veiller à ce que le lecteur saisisse toutes les nuances qui rendent le cadre réaliste. Le lecteur a la
possibilité, grâce à l’œil expert de Maupassant, de discerner précisément la diversité des navires présents sur les flots. Des simples
bateaux, son regard se dirigera vers les paquebots et les goélettes pour finir par se poser sur les « mouches », ces petits navires
de reconnaissance qui sont au service du port. Sa dextérité à rendre compte du monde marin se prolonge de façon plus technique
encore lorsque l’auteur évoque l’art de la navigation. Il use ainsi d’un lexique spécifique aux hommes de mer par souci du détail.
Mais les précisions que donne l’auteur concernant le décor marin permettent un rapprochement avec la nature terrestre. En effet,
rappelons à titre d’exemple que le port du Havre est comparé à « un grand bois mort ». De la même façon le monde animal prend
aussi une place importante dans l’évocation de ce milieu, la Perle est semblable à « une bête ailée » et l’auteur compare la Lorraine
à une « chenille ». D’autres parallèles sont possibles pour insister sur la diversité des descriptions dans l’évocation de paysages
marins.
Par ailleurs, Maupassant crée une certaine ambiguïté concernant le terme « mer » qui finit par se confondre avec la figure maternelle.
La mer apparaît très souvent comme le symbole de la fécondation et de la naissance. Lorsque Pierre rencontre son frère sur la
jetée, il est épris d’un profond sentiment de jalousie car il perçoit la mer de la même façon qu’il perçoit sa génitrice et voudrait que
l’une comme l’autre n’appartienne qu’à lui seul.
La mer sert donc aussi à préciser les sentiments profonds que ressentent certains personnages.
Maupassant sait se servir de cet élément, le décliner au profit de la narration et de la fiction qui répondent ainsi aux critères de
l’esthétique réaliste.
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