Discours "Quelle nouvelle Politique Européenne de Voisinage

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Discours "Quelle nouvelle Politique Européenne de Voisinage
Discours "Quelle nouvelle Politique Européenne de Voisinage ?"
Par M. le Directeur Général Christian Danielsson
Jeudi 11 juin, Assemblée des Représentants du Peuple
Palais du Bardo, Tunis
Monsieur le Président de l'Assemblée,
Mesdames et Messieurs les Membres du Parlement,
Mesdames et Messieurs les représentants de la société civile,
Chers Amis,
C'est pour moi un honneur d'être parmi vous aujourd'hui, dans cette salle qui est le symbole de
la transition démocratique tunisienne. Aussi, permettez-moi, Monsieur le Président, de vous
remercier pour avoir bien voulu tenir ici cette consultation originale et unique parmi les 15
autres pays partenaires de la région. Cette initiative montre, s'il en était besoin, que les
députés tunisiens travaillent main dans la main avec la société civile, et que l'esprit de
consensus qui a présidé à la rédaction de la Constitution du 26 janvier 2014 prévaut toujours.
Merci à tous pour votre présence.
Tout d'abord, je souhaiterais commencer mon propos en rendant hommage aux victimes du
terrorisme qui ont perdu la vie au musée du Bardo, ce terrible 18 mars dernier. En me rendant
dans cette salle ce matin, je mesure la résonance particulière qu’aura à jamais cette tragédie
pour votre Assemblée.
La transition tunisienne est un exemple qui force l’admiration du monde entier. L’Union
européenne accompagne la Tunisie tout au long de ce processus de réforme et nous
souhaitons passer à la vitesse supérieure. Cela ne peut se faire qu’avec vous et dans un cadre
rénové. Tel est l’objet de notre réunion d’aujourd’hui.
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La politique européenne de voisinage (ou " PEV") a été conçue en 2003, au moment où
l'Union européenne connaissait un élargissement sans précédent à dix nouveaux pays. Il
s'agissait de construire avec nos voisins immédiats une relation privilégiée, économiquement
et politiquement. Depuis lors, nos pays partenaires ont suivi des trajectoires bien différentes.
Pour certains, et pour la Tunisie en particulier, l'évolution des dernières années fut pacifique
et prometteuse. Pour d'autres, les changements ont hélas dégénéré en conflits armés, avec des
répercussions dramatiques sur toute la région. Je n’ai nul besoin de mentionner devant votre
Assemblée la situation en Libye.
Face à ces mutations, l'Union européenne a répondu présent. Dès, le printemps 2011, la PEV
a été adaptée pour réagir aux évènements dans les pays arabes et pour tenter de répondre aux
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soulèvements et demandes populaires. Mais il faut à présent aller plus loin et initier une
révision plus large de la politique de voisinage. C'est ce que l'Union européenne entend faire
sous l'impulsion du nouveau Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et
de ses Etats membres.
Parce que cette politique ne peut pas et ne doit pas être définie à "sens unique" depuis
Bruxelles, nous tenons à ce que la révision de la PEV passe par une grande consultation.
Ainsi, plusieurs évènements ont été organisés (ou le seront dans les prochaines semaines) en
Europe et dans les pays partenaires jusqu'à la fin juin, afin que chacun – Etat-membre, pays
partenaires, institutions comme votre Assemblée, partenaires techniques et bien entendu
représentants de la société civile – puisse faire valoir son point de vue et nourrir le débat.
Je le redis: l'implication active de tous nos partenaires dans la consultation est essentielle pour
l'UE. Parce que la notion même de "voisin" suppose une relation équilibrée, faite d'échange,
d'écoute et de dialogue, nous voulons mieux comprendre votre vision concernant l'avenir de
notre partenariat.
Vous comprenez donc l'importance que revêt à mes yeux cette journée de consultation à
Tunis, et plus particulièrement l'importance de se retrouver ici, au Parlement. La transition
tunisienne est un cas d'école et devrait être la référence pour les autres pays de la région.
La Tunisie, d'autres Etats partenaires ainsi que des organisations de la société civile ont déjà
envoyé des propositions concrètes dont nous allons tenir en compte. Cela étant, la rencontre
d'aujourd'hui doit nous permettre d'entrer dans le vif du sujet et d'avoir un débat franc et
ouvert.
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Avant de lancer la discussion, je tiens à vous rappeler les quatre grands thèmes qui doivent
orienter notre débat:
En premier lieu, la différenciation: que peut-on peut faire pour améliorer et mieux cibler la
façon dont nous travaillons avec nos partenaires? Il faut tout d'abord reconnaître les
aspirations spécifiques de chacun de nos partenaires. Par exemple, certains pays comme la
Tunisie souhaitent un rapprochement avec l'Europe par le biais d'un partenariat plus
stratégique. Comment y parvenir ? Par quelles étapes? Il s'agit d'un débat assez délicat au sein
de l'Union. D'autres partenaires préfèrent une relation moins étroite. Quels formats doit-on dès
lors concevoir pour eux?
En outre, il nous faut songer davantage à nos rapports avec les pays tiers au-delà de nos
voisins immédiats. Chaque situation a bien sûr ses spécificités. Il reste que nous tenons à avoir
les meilleures relations avec les partenaires de nos partenaires. Nous ne mettrons aucun veto.
Il appartient à nos voisins et à nos partenaires de faire des choix souverains dans leurs
relations extérieures.
Le deuxième sujet de note réflexion porte sur le champ d'application. Devons-nous
vraiment couvrir tout l'éventail des secteurs possible avec chacun de nos partenaires ? Ou au
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contraire se concentrer sur nos priorités communes ? Nous voulons nous engager à conclure
des accords politiques et commerciaux plus approfondis. La Tunisie exprime le souhait
d'approfondir ses liens avec l'Europe dans un grand nombre de domaines, et nous nous en
réjouissons. Mais pour d'autres, pour ceux de nos voisins qui ne cherchent pas à engager un
partenariat stratégique, peut-être devons-nous limiter notre collaboration aux intérêts partagés
afin de construire sur des bases solides des partenariats adaptés et pragmatiques. En tout état
de cause, nous souhaitons traiter les domaines-clés que sont le développement économique,
l'énergie et la connectivité en général (transports, télécommunications…), la migration et la
mobilité, l'éducation et la recherche, la sécurité et la gouvernance.
Le troisième volet de notre réflexion concerne la flexibilité: l'UE doit pouvoir s'adapter aux
circonstances et aux évolutions. Depuis 2011 la plupart de nos partenaires ont vécu des crises,
ou dans les meilleures de cas, comme pour la Tunisie, des périodes de transition. Nos
instruments financiers doivent être plus flexibles, permettant de piloter plus rapidement notre
coopération, face à des situations dont l'évolution s'affirme parfois plus en mois qu'en années.
Enfin, le quatrième point porte sur l'appropriation. La nouvelle PEV doit refléter les visions
et les expériences des partenaires. Nous devons développer un partenariat concret et efficace
basé sur des intérêts communs, tout en promouvant des principes universels. Cette articulation
entre intérêts et principes sera l'un des enjeux des années à venir.
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Au-delà de ces quatre grands axes qui doivent guider la révision de la PEV il y a des
questions plus spécifiques que vous trouverez dans les documents qui ont été distribués. Afin
de faciliter la discussion aujourd'hui, seules certaines de ces questions ont été reprises dans la
note de cadrage que vous avez reçue. Il s'agit des questions qui sont les plus pertinentes pour
le contexte et la relation UE-Tunisie.
Concernant justement cette dernière, quelle vision avons-nous de notre partenariat ? Où
voulons-nous amener notre coopération d'ici cinq ans ou d'ici 15 ans? Sur quels secteurs et
priorités du pays devons-nous nous concentrer? L’adoption du nouveau plan quinquennal
2016-2020 que prépare votre Gouvernement rendra bien entendu plus facile la définition de
notre parcours. Entretemps, nous devons travailler ensemble pour répondre aux deux priorités
les plus urgentes de la Tunisie que sont la situation économique et la situation sécuritaire. Il
faut en outre consolider chaque jour les acquis de la révolution. Cela signifie mettre en œuvre
concrètement les principes posés par votre Constitution, comme l’égalité entre les hommes et
les femmes ou l’indépendance de la justice pour n’en citer que les plus emblématiques. Enfin,
nous souhaitons intensifier autant que possible les échanges et les contacts entre la Tunisie et
l'Europe. Je suis convaincu que c'est ici le cœur d'un Partenariat Privilégié qui s'inscrit dans la
durée : bâtir toujours plus de liens, pas seulement entres nos institutions mais aussi entre nos
peuples.
Nous comptons sur vous, membres de l'ARP et représentants de la société civile, des
syndicats et du patronat qui êtes présents ici et nous sommes prêts à vous accompagner dans
vos efforts. En particulier l'UE souhaite que la société civile soit partie prenante de tout
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processus moderne, démocratique et pluraliste. Ceci implique aussi que la société civile
puisse être en mesure de suivre de près la coopération Tunisie-UE.
Rappelons que l'UE soutient la société civile tunisienne, à travers des financements bien sûr,
mais aussi en l'associant systématiquement à la préparation de nos programmes de
coopération et en tenant des consultations tripartites régulières – UE, autorités tunisiennes,
société civile – uniques dans la région.
Je souhaite que la discussion de ce matin soit fructueuse et contribue d'une façon concrète et
efficace au processus de réexamen de la PEV, consolidant ainsi le lien qui unit la Tunisie à
l'Europe.
La consultation de cette matinée sera articulée autour des deux axes suivants :

Le premier axe porte sur les domaines de coopération de la PEV : c’est-à-dire quels
sont les secteurs prioritaires pour la Tunisie? Comment l'UE et la PEV peuvent
accompagner les réformes de la façon la plus adaptée à la situation du pays? Quelles
actions concrètes, dont les résultats seront vus et reçus par le grand public, pouvonsnous entreprendre?
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Le deuxième axe se concentre sur la méthodologie et les outils de travail de la PEV: je
pense, par exemple, à des questions telles que l'implication de la société civile; les
mécanismes de mise en œuvre de l'aide financière; la méthodologie et les outils …
Je vous invite à faire des propositions sur la base des questions que vous trouverez dans la
note et d'intervenir autour des deux axes proposés. Permettez-moi, en guise de conclusion, de
remercier encore une fois le Président de l'Assemblée des Représentants du Peuple, et la
Délégation de l'Union européenne, d'avoir pris l’initiative de cette rencontre, de m'avoir
donné l'opportunité d'y participer et d'écouter vos propositions. Cette nouvelle politique
européenne de voisinage, construisons-là ensemble ! C'est ainsi que nous témoignerons de
l’amitié indéfectible entre l’Union européenne et la Tunisie.
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