l`alimentation en milieu carceral - cna

Transcription

l`alimentation en milieu carceral - cna
DOCUMENT DE TRAVAIL CONFIDENTIEL
L’ALIMENTATION EN MILIEU CARCERAL
Laurine CARACCHIOLI
Julia GASSIE.
- Année 2008/2009 -
- L’alimentation en milieu carcéral -
AVERTISSEMENT
Les éléments d’analyse et les positions présentés ici n’engagent que les auteurs de ce document et, en
aucun cas, ne reflètent ceux du Conseil National de l’Alimentation (CNA).
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- L’alimentation en milieu carcéral -
« Le détenu est sous l'oeil du gardien,
le gardien sous l'oeil du directeur,
la prison sous l'oeil du peuple »
Jeremy Bentham, le Panoptique
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- L’alimentation en milieu carcéral -
TABLE DES ABREVIATIONS
-
CPP
Code de Procédure pénale.
-
CSP
Code de la Santé publique.
-
CEDH
Cour européenne des Droits de l’homme.
-
DUDH
Déclaration universelle des droits de l’Homme.
-
GEMRCN
Groupe d’Etude des Marchés de la Restauration Collective et de Nutrition
-
HACCP
-
OIP
Observatoire International des Prisons.
-
PNNS
Plan National Nutrition Santé
-
RPE
Règles pénitentiaires européennes.
-
UCSA
Unité de consultation et de soins ambulatoires
Hazard Analysis Critical Control Point
(Analyse des dangers – points critiques pour leur maîtrise)
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- L’alimentation en milieu carcéral -
SOMMAIRE
Remerciements……………………………………………………………………………………
p6
Propos liminaires .…..……………………………………………………………………………………
p7
Introduction ………………………………………………………………………….……………
p8
Partie 1.
Un encadrement uniforme de l’alimentation en milieu carcéral …………………………….
Titre 1. L’application des textes au niveau interne …………………………………………….…
Section 1. Les textes du Code de procédure pénale encadrant les règles de
détention.…………………………………………………………………………….………
Section 2. Les autres sources (hygiène, prévention et éducation pour la
santé des détenus).……………………………………………………………………...……
Titre 2. Les textes applicables aux niveaux européen et international ……………………………
Section 1. Les textes de référence……………………………………..…………….………
Section 2. Les textes spécifiques au milieu carcéral.…………………………………..……
p 10
p 11
p 11
p 17
p 20
p 20
p 22
Partie 2.
Une application variable des textes dans chaque établissement …………….……………...…
Titre 1. Les conséquences d’une gestion propre à chaque établissement ….…………………...…
Section 1. La structure pénitentiaire.…………………………… …………………….….…
Section 2. Une inégalité entre détenus ?………………………………………………….….
Titre 2. Une problématique en devenir ?………………………….…………………………..……
Section 1. Les divers rapports rendus sur la thématique de l’alimentation
en milieu carcéral……………………………………………………………………………
Section 2. Les actions susceptibles d’améliorer l’alimentation……………….……….……
p 32
p 35
Conclusion …………………………………………………………………………….……….…
p 38
BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………….………….…….……
p 39
ANNEXES ………………………………………………………………...…………….….……
p 44
GLOSSAIRE …………………………...…………………………………………………..……
p 75
p 25
p 26
p 26
p 30
p 32
5
- L’alimentation en milieu carcéral -
REMERCIEMENTS
Nous tenons à adresser notre reconnaissance à Alain BLOGOWSKI, secrétaire interministériel du
Conseil national de l’alimentation qui nous a accueillies en ses locaux et nous a permis de travailler sur
ce sujet, qu’il a suivi avec attention.
Nous remercions également Rebecca AKRICH, Chargée de mission au bureau de la Nutrition et de la
Valorisation de la Qualité des Aliments à la Direction Générale de l'Alimentation (DGAl), qui nous a
guidées dans l’élaboration de ce mémoire en nous donnant les lignes directrices.
Enfin nous présentons nos plus vifs remerciements à toutes les personnes que nous avons rencontrées et
qui ont pris le temps de répondre à nos interrogations avec un grand intérêt.
6
- L’alimentation en milieu carcéral -
PROPOS LIMINAIRES
"La prison c'est la privation de la liberté d'aller et de venir et rien d'autre",
Valéry Giscard d'Estaing
Les réflexions faisant l’objet de ce mémoire ont été menées dans le cadre d’un stage réalisé au sein du
Conseil national de l’alimentation (CNA). Instance consultative placée auprès des ministres chargés de
l’agriculture, de la santé et de la consommation, le CNA a pour rôle, par ses avis assortis de
recommandations, d’éclairer les décisions à prendre, par le pouvoir exécutif, quant à la politique de
l’alimentation.
Au cours des derniers mois de l’année 2008, le Ministre de l’agriculture et de la pêche, Michel Barnier,
a fait part de sa volonté que la Direction Générale de l’Alimentation (DGAl) aborde, dans le cadre de
ses actions sur la qualité de l’alimentation, les problématiques liées à l’alimentation des populations
« captives » : sont concernés les hôpitaux, les maisons de retraite et les prisons. En a découlé une
demande conjointe de la DGAl (plus précisément la sous-direction de la qualité de l’alimentation) et du
CNA pour que soit réalisé un état des lieux relatif à l’alimentation des détenus.
Portant tant sur les aspects matériels, juridiques que sur les acteurs entrant en compte, cet état des lieux
peut, in fine, être utilisé dans deux cas :
la DGAl pourra envisager des actions, notamment en collaboration avec les services de
l’administration pénitentiaire, afin d’améliorer l’alimentation des détenus ;
et/ou le CNA pourra engager des réflexions, dans le cadre d’un groupe de travail dédié à
cette problématique.
La problématique a été abordée via des recherches bibliographiques, ainsi que par des entretiens avec
des acteurs concernés par le sujet, qu’ils soient issus du monde administratif (ministère de la santé,
ministère de l’agriculture), de sociétés de restauration collective ou de la société civile (diététiciennes,
bénévoles…).
Bien que de nombreux éléments, notamment des témoignages, aient été rassemblés au cours de cette
étude, le cœur de ce mémoire est consacré à l’encadrement juridique de l’alimentation en milieu
carcéral.
Par ailleurs, ce travail s’est trouvé limité par, d’une part, la relative ancienneté, voire l’absence, des
études à disposition sur l’alimentation en milieu carcéral, en particulier la qualité de cette alimentation ;
et, d’autre part, la difficulté à entrer en contact (personne adéquate non identifiée, temps d’étude
limité…) avec des personnes en charge de cette problématique au sein de l’administration pénitentiaire.
De plus, l’ordonnancement des textes juridiques opère des renvois assez fréquents qui ne permettent pas
toujours une parfaite compréhension autant de la part des détenus que du personnel ayant pour mission
de les appliquer.
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- L’alimentation en milieu carcéral -
INTRODUCTION
« S’occuper des prisons est une urgence républicaine »1.
Du latin prehendere « prendre », le mot prison signifie le lieu où on enferme des personnes en instance
de jugement ou condamnées à une peine privative de liberté. Se pose alors la question des conditions
dans lesquelles va se dérouler cet enfermement.
A la lumière des préoccupations liées à la sécurité sanitaire et alimentaire de l’ensemble de la
population, l’alimentation en milieu carcéral apparaît comme un enjeu de notre système français
pénitentiaire. Elle suscite en effet de nombreuses interrogations notamment sur les questions du
renforcement des inégalités et donc de la pauvreté. Ces questions sont tant de nature technique
qu’étroitement liées à l’évolution sociale. Sans faire un historique détaillé de la prison (ce qui n’aurait
aucun intérêt ici), le déroulement très bref qui suit, tend à le démontrer.
La première réflexion laïque sur les prisons et sur une éventuelle réforme criminelle provient des
Philosophes des Lumières2. Ce n’est que plus tard, et notamment sous l’influence de Beccaria3, que
John Howard4 prône l’emprisonnement cellulaire de nuit et le travail le jour (moyen notamment de
gagner sa nourriture). Il va révéler à la fin du XVIIIe siècle l’état des prisons en Europe, qui, à cette
époque est déplorable. Il propose d’améliorer les conditions de détention et surtout l’hygiène
alimentaire, sanitaire et corporelle.
En 1830, avec les travaux de Tocqueville et de Beaumont5, la question pénitentiaire va devenir un débat
public. Avec l’apparition du code pénal de 1810, on ne parle plus de prisonniers mais de condamnés.
Plus tard, lors des évènements de mai 1968, quelques intellectuels et des anciens détenus pointent du
doigt la nécessité d’améliorer les conditions de détention et tentent d’interpeller l’opinion publique sur
ce problème.
Deux textes vont permettre une réforme. D’une part, la circulaire du 23 août 1974, portant application
de la réforme pénitentiaire et d’autre part, le décret du 23 mai 1975 et sa circulaire d’application en date
du 26 mai relative aux aménagements généraux, aux régimes de détention et à la diversification des
régimes d’exécution des peines. Par la suite, la libéralisation des régimes de détention va se poursuivre
mais certaines thématiques demeurent des constantes de la question pénitentiaire.
La véritable réforme législative et pénitentiaire voit le jour sous la présidence de Valéry Giscard
d’Estaing qui proclame que « la pratique interne de la vie pénitentiaire ne doit pas ajouter d’autres
sanctions à la détention ».
En effet, déjà privé juridiquement de sa liberté, le détenu demeure titulaire de tous les autres droits et
libertés fondamentaux tels que le droit à la vie privée, aux soins, au travail, à l’information. Ainsi, il
1
Rapport de la Commission d’enquête n°449 (1999-2000) de MM. Jean-Jacques HYEST et Guy-Pierre CABANEL, « Les
conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France », fait au nom de la commission d’enquête, déposé
le 29 juin 2000.
2
Mirabeau s’élèvera contre les prisons d’Etat et les lettres de cachet. La lettre de cachet à destination d'une prison du roi est
le plus souvent prise à la demande, et aux frais des familles pour faire emprisonner un de ses membres, soit pour des raisons
disciplinaires, soit pour le faire échapper à une condamnation criminelle.
3
BECCARIA, « Des délits et des peines », publié en 1764.
4
HOWARD John, (1726-1790), « L’état des prisons », 1777.
5
« Système pénitentiaire aux Etats-unis et son application en France », 1833.
8
- L’alimentation en milieu carcéral -
ressort du Rapport CANIVET, qui fait l’objet d’un développement dans cette étude, que
l’administration pénitentiaire se trouve placée dans une contradiction fondamentale entre d’une part, la
stricte nécessité du maintien de l’ordre et de la sécurité dont découlent de possibles restrictions aux
droits des détenus ; et d’autre part, l’encadrement juridique du code de procédure pénale, et notamment
l’article D. 242 qui prévoit que l’ordre et la discipline, même s’ils doivent être maintenus avec fermeté,
ne doivent pas apporter plus de contraintes qu’il n’est nécessaire « pour le maintien de la sécurité et
d’une bonne organisation de la vie en collectivité ».
Au regard du peu de données en notre possession et d’absence d’état des lieux sur le sujet, cette étude
permet d’avoir une vision globale de l’alimentation en prison, de ses points forts et ses points
perfectibles. Dès lors, elle a permis de poser un certain nombre de questions relatives à la vie en
détention et de à conditions.
Ainsi, de cette thématique découlent notamment les interrogations suivantes. Comment est organisée la
restauration des détenus en prison ? L’offre alimentaire proposée par l’administration pénitentiaire
correspond-elle aux préconisations et aux exigences en matière d’hygiène et de qualité nutritionnelle ?
Cette alimentation a-t-elle des conséquences sur la santé des détenus ? Peut-on envisager d’apporter des
améliorations en ouvrant un débat éclairé entre les différents acteurs concernés ?
L’ensemble de ces interrogations montre que le sujet de l’alimentation en milieu carcéral pose un
certain nombre de questionnements dont certains restent encore sans réponse. Il faut noter que la quasitotalité des détenus rejette par principe tout ce qui vient de l’Etat et se sert de l’alimentation comme
moyen de pression via ce que l’on appelle des « grèves du plateau ». Cela leur permet d’obtenir des
améliorations de leurs conditions de détention ou protester contre des modifications de ces dernières.
Ainsi, le plateau représente un moyen d’expression collectif qui n’est pas forcément lié à la qualité de
l’alimentation en elle-même. C’est pourquoi cette étude a comme objectif de procéder à un réel état des
lieux concernant l’ensemble des textes en vigueur relatifs à l’alimentation des détenus. Textes issus
autant de sources internes notamment le Code de procédure pénale, que de sources internationales ou
européennes.
Ces différents textes ont pour objectif de rappeler qu’il ne faut pas négliger le milieu dans lequel vit le
détenu et il est donc important de lui assurer une alimentation correcte6. (Partie 1).
Par ailleurs, au cours des travaux préalables à la rédaction de cette étude, le constat selon lequel il existe
une disparité de fonctionnement au sein des établissements pénitentiaires, a été relevé. Cela peut
notamment s’expliquer par la situation hétérogène de chaque prison mais également par l’élaboration
d’un texte écrit, le règlement intérieur, élaboré par le directeur de l’établissement pénitentiaire. Ce
document lui permet d’avoir un réel contrôle sur l’organisation de son établissement pénitentiaire et
ainsi faire une application « subjective » de l’ensemble des textes. (Partie 2).
6
JurisClasseur Procédure pénale > Art. 717 à 720 > Fasc. Commentaires : DÉTENTION. – Exécution des peines privatives
de liberté. – Généralités > I. - ÉVOLUTION DE LA PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ.
9
- L’alimentation en milieu carcéral -
PARTIE 1
Un encadrement uniforme de l’alimentation en milieu carcéral
Ce sont les dispositions du Code de Procédure pénale qui encadrent la question de
la nourriture et de l’alimentation en détention. Le droit français reconnaît ainsi à
toute personne détenue le droit à une alimentation variée, bien préparée et
présentée. Ainsi, pour son offre alimentaire, l’administration pénitentiaire a le choix
entre une gestion publique et une gestion mixte, partagée avec un gestionnaire
privé.
La prison présente deux systèmes d’apport de denrées alimentaires. D’une part, le
système dit de la « gamelle », nourriture donnée aux détenus par l’administration
pénitentiaire et d’autre part, celui de la cantine, sorte de boutique de la prison. (Titre
1).
Par ailleurs, l’organisation de la prise en charge médicale des détenus s’articule
entre les dispositions du Code de Procédure pénale et celles du Code de la Santé
Publique. Dans ce cadre général, il est prévu que cette prise en charge, ainsi que les
règles relatives à l’hygiène, soient sous la responsabilité du médecin en charge du
suivi médical.
Ainsi, le droit français doit être conforme aux recommandations internationales
telles que les règles minima des Nations Unies ou encore les Règles pénitentiaires
européennes qui traitent notamment du « régime alimentaire » des détenus au sein
de ses règles 22.1 à 22.6. (Titre 2).
10
- L’alimentation en milieu carcéral -
Titre 1. L’application des textes au niveau interne.
Section 1. Les textes du Code de procédure pénale encadrant les règles de détention.
Lors de son entrée dans un établissement pénitentiaire, chaque détenu doit être informé des dispositions
du code de procédure pénale relatives à sa détention et du règlement intérieur de l'établissement7. Une
partie de ces règles concerne l’alimentation des détenus et définit deux systèmes d’apport de denrées
alimentaires à la population carcérale : la restauration collective (ou « gamelle ») et la cantine.
a. La « gamelle ».
« Un grand nombre d'installations, tout particulièrement les cuisines
comme cela a pu être constaté lors des visites d'établissements,
sont rarement conformes aux normes techniques et sanitaires »8.
Cadre juridique. D’après l’article D.342 du CPP, le régime des personnes incarcérées doit comporter
« trois distributions journalières »9 et selon les dispositions de l’article D.354, elles doivent recevoir
« une alimentation variée, bien préparée et présentée, répondant tant en ce qui concerne la qualité et la
quantité aux règles de la diététique et de l'hygiène, compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de la
nature de leur travail et, dans toute la mesure du possible, de leurs convictions philosophiques ou
religieuses »10. Le pilotage de cette restauration appartient aux directions interrégionales et aux
établissements pénitentiaires.
Gestion publique et gestion mixte. L’administration a le choix, soit de gérer la restauration des
détenus elle-même, soit de la concéder à une société de restauration collective. Dans le premier cas, ce
sera une gestion publique, dans le second, la gestion sera mixte ou concédée11.
> En gestion publique, les deniers publics sont assimilés aux fonds des détenus. La cantine est ainsi
prise en charge par la comptabilité de l’établissement pénitentiaire. Dès lors, cette comptabilité est
divisée en deux :
D’une part, les charges qui comprennent :
- les dépenses d’achats de biens (coût d’achat des bons de cantine, matériel nécessaire aux
livraisons…)
- les divers frais de gestion.
D’autre part, les produits représentent les sommes prélevées sur les comptes nominatifs des
détenus. Ainsi, le solde, constituant le bénéfice, est reversé chaque année au Trésor public.
> En gestion mixte, l’entretien de la prison, la nourriture des prisonniers et la gestion de la cantine sont
laissés au gestionnaire privé. L’administration pénitentiaire a interdit tout accès direct des gestionnaires
aux deniers personnels des détenus. L’organisation qui est liée aux marchés concédés est régie par un
cahier des charges qui prévoit les modalités d’établissement des menus. Ce cahier des charges est
identique pour un même appel d’offres et il appartient à l’administration d’en contrôler le bon
7
Article D. 257, modifié par Décret n°98-1099 du 8 décembre 1998 - art. 190 JORF 9 décembre 1998 Code de procédure
pénale (CPP).
8
Assemblée Nationale, La France face à ses prisons, Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la situation dans
les prisons françaises, n°2521, 28 juin 2000. Disponible sur le site http://www.assemblee-nationale.fr/rap-enq/r2521-1.asp
[Consulté le 7 juin 2009].
9
Article D. 342 du Code de Procédure Pénale.
10
Article D. 354 du Code de Procédure Pénale, modifié par décret n°98-1099 du 8 décembre 1998 - art. 90 JORF 9 décembre
1998.
11
Au 31 décembre 2004, le mode de gestion mixte représentait déjà 14,4 % des établissements en fonctionnement
hébergeant près de 25 % des personnes incarcérées. Source : Garde et réinsertion. Cour des comptes, 2006.
11
- L’alimentation en milieu carcéral -
fonctionnement. Ainsi, ce système a pour avantage d’inciter l’administration a définir avec précisions
ce qu’elle demande à ses prestataires.
Ces cahiers des charges prennent en compte :
• des références au Groupe d’Etude des Marchés de la Restauration Collective et de Nutrition
(GEMRCN),
• des références aux préconisations du Plan National Nutrition Santé (PNNS),
• des critères stricts imposés par l’administration sur des choix pour les matières premières,
• des tableaux de grammages imposés par l’administration.
Enfin, la restauration peut également être centralisée dans un établissement. Des cuisines appelées
« cuisines satellites » traitent ainsi les plats qui viennent d’établissements proches. Ce type de
restauration est confié aux opérateurs extérieurs.
SODEXO : un exemple de restauration collective. Le groupe SODEXO gère des prisons dans le
monde entier et chaque pays a sa propre filiale. En France, la loi du 22 juin 198712 a investi la société
SIGES (Société d’investissement et de gestion des services) de différentes missions. A ce jour,
SODEXO prépare des repas pour environ 5500 détenus chaque jour.
Outre la restauration, elle a comme compétence :
- la maintenance des locaux (électricité, chauffage, etc),
- la formation professionnelle des détenus (avec des formations qualifiantes),
- le travail des détenus au sein d’ateliers (accords avec des entreprises),
- la restauration des détenus, l’hôtellerie-buanderie,
- la fourniture et le lavage de linge de couchage et de vêtements pour les indigents et les détenus à
leur entrée en prison,
- la gestion de la cantine,
- le transport des détenus (entre prisons ou de la prison au tribunal),
- l’accueil des familles (en amont des parloirs),
- la restauration du personnel pénitentiaire.
Pour la restauration concédée, les repas sont servis en barquette individuelle, ce qui n’est pas le cas pour
la restauration autogérée par les établissements publics avec un service souvent en plat collectif.
Dans l’organisation et la gestion de cette restauration, les services de l’administration peuvent s’appuyer
sur les documents communs à toute activité de restauration collective, qu’elle soit réalisée en milieu
scolaire ou hospitalier par exemple. Sont présentées ici les recommandations du Groupe d’Etude des
Marchés de la Restauration Collective et de Nutrition (GEMRCN).
Recommandations du GEMRCN13. Ce groupe d’étude a établi des recommandations, en mai 2007,
relatives à la nutrition, afin d’« aider les acheteurs publics à élaborer le cahier des charges de leurs
contrats de restauration collective ». Ce document fait suite à la recommandation du 6 mai 1999 (n°J399), rééditée en 2001. Les recommandations nutritionnelles sont relatives à l’ensemble des populations,
quelle que soit la structure publique de restauration ; la population carcérale est clairement identifiée
comme entrant dans le champ d’application potentiel. Partant du constat d’une prévalence de plus en
plus importante de l’obésité et du surpoids, et des priorités nationales établies par le Plan National
Nutrition Santé (PNNS), le but de ces recommandations est d’améliorer la qualité nutritionnelle des
repas.
12
Loi n°87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, NOR: JUSX8700042L
Source : GEMRCN, Recommandation relative à la nutrition du 4 mai 2007.
Disponible sur : http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/daj/guide/gpem/nutrition/nutrition.htm [consulté le 2 juin
2009]
13
12
- L’alimentation en milieu carcéral -
Objectifs. Des objectifs prioritaires sont identifiés :
- « une diminution des apports de glucides simples ajoutés et de lipides, notamment d’acides gras
saturés » ;
- « et une meilleure adéquation des apports de fibres, de minéraux et de vitamines » ;
le tout visant à « aboutir à un équilibre global satisfaisant entre les aliments et les nutriments ».
Ces recommandations portent sur des considérations techniques relatives, notamment, à la définition
des objectifs nutritionnels à atteindre (consommation de fruits et légumes, apports en fer…), à la
structuration des repas, à l’élaboration des menus et au contrôle de l’équilibre alimentaire. Ces points
sont adaptés aux besoins des catégories de personnes concernées (enfants, jeunes adultes, hommes ou
femmes, personnes âgées) et au contexte d’alimentation (milieu scolaire, portage des repas à
domicile…). L’annexe 9 reprend les éléments pouvant être pris en compte pour les populations
détenues, à savoir les adultes, hommes et femmes.
D’après de nombreux témoignages, l’alimentation commune à tous les détenus serait de mauvaise
qualité, que ce soit, à titre d’exemples, en termes de budget alloué par l’administration pénitentiaire, de
composition des menus (prédominance des féculents, carences en produits laitiers et en fruits et
légumes…) ou d’organisation de la distribution des repas (plats chauds servis à 17h30, pour une
consommation plus tardive par les détenus …).
La participation du détenu à la cuisine. Dans la majeure partie des cas, les détenus ou les « auxi »14
participent à l’élaboration des repas. Cela fait d’ailleurs partie des démarches de l’administration
pénitentiaire qui souhaite les occuper un maximum. Participer à la confection des repas leur permet
d’avoir une rémunération dont la grille est réglementée par l’administration pénitentiaire. Tout détenu,
avant de participer à cette activité, suit une formation au cours de laquelle on lui apprend la méthode
HACCP et les règles d’hygiène et de sécurité. Cette formation est validée par un test final :
l’ « attestation de formation ». Selon Jacky Huette, gérant de la cuisine sur le site d’Argentan, « pour un
détenu, travailler en cuisine ouvre une fenêtre sur l’extérieur15 ».
En pratique. L’encadrement en cuisine se fait par des cuisiniers qualifiés ayant reçu une formation sur
le tutorat et sur la sécurité en environnement pénitentiaire. Dans chaque service, un surveillant est
garant de la sécurité (sans avoir une autorité sur la production des repas). Avant d’être accepté en
cuisine, le détenu est soumis à une évaluation médicale et comportementale, en concertation avec les
unités médicales de l’établissement, la direction de l’établissement et les psychologues de la direction.
A l’issue de cette démarche, l’administration pénitentiaire donne son feu vert pour insérer le détenu en
cuisine. Il n’existe aucune obligation des détenus, tout est basé sur le volontariat et la motivation. Ainsi,
le Conseil d’Etat a pu juger en 200716 que le directeur pénitentiaire qui, dans l’intérêt du service et non
pour des motifs disciplinaires, a déclassé un détenu auxiliaire de cuisine au service général pour
mauvaise volonté à accomplir les tâches et pour aider les autres détenus, ne commet pas une erreur
manifeste d’appréciation.
Droit social. Le projet de loi pénitentiaire du 28 juillet 2008 prévoit en son article 14, « les conditions
dans lesquelles les détenus peuvent exercer une activité professionnelle dans les établissements
pénitentiaires ». Les obligations découlant du Code de procédure pénale primant sur celles du Code du
travail, aucun contrat de travail ne sera mis en place. Seul un « acte d’engagement professionnel »
mettra à disposition de l’administration ou de l’entreprise concessionnaire le détenu, qui bénéficiera dès
lors d’un statut individuel. Cette relation qualifiée de sui generis se retrouve dans certains pays comme
l’Allemagne ou l’Angleterre qui n’ont pas retenu non plus la solution du contrat de travail.
14
Voir glossaire.
Néorestauration, n°464, mai 2009.
16
CE, régime contentieux des décisions relatives au travail des détenus, Assemblée, n°290420, 14/12/2007
15
13
- L’alimentation en milieu carcéral -
A côté de cette restauration, à gestion publique ou gestion mixte, il existe une sorte de boutique, appelée
« cantine », qui permet aux détenus d’agrémenter la « gamelle » servie par l’administration
pénitentiaire.
b.la cantine.
Généralités. Selon les dispositions de l’article D.343 du Code de procédure pénale, les détenus peuvent
acquérir « divers objets, denrées ou prestations de services » par l’intermédiaire de l’Administration.
Les règles qui régissent précisément l’organisation de la cantine sont prévues par le chapitre VII17, Titre
II, Livre V, de la partie réglementaire des décrets simples du Code de Procédure Pénale (CPP).
Cependant aucune réelle réglementation d’ensemble n’organise le fonctionnement des cantines18. Ainsi,
le CPP prévoit que les « vivres vendus en cantine comprennent seulement les denrées d’usage courant
qui peuvent être consommées sans faire l’objet d’aucune préparation (…)19 ».
Notion. La cantine est dans la prison le surplus 20 que « les détenus sont autorisés à se procurer, sur leur
argent propre, par l’intermédiaire de l’administration et qui leur permet d’améliorer le régime
ordinaire »21. La cantine, qui devient pour le détenu une sorte d’obsession, lui permet de mieux
supporter l’enfermement et la quotidienneté en milieu carcéral. Il en existe trois sortes :
- la cantine alimentaire : offre une centaine voire plus, de produits différents ;
- la cantine accidentelle : tabac (achats de cigarettes et de tabac de toutes marques), journaux,
pharmacie (sur ordonnance du médecin le détenu pourra se procurer des produits, du shampooing
traitant et autres produits de toilette).
- la cantine exceptionnelle : elle concerne uniquement les achats de produits autorisés
spécifiquement par le chef d’établissement et non accessibles par la cantine. Par exemple, il peut
s’agir d’acheter des lunettes.
Paradoxe. Un certain paradoxe découle des produits vendus en cantine et de l’interdiction faite aux
détenus de cuisiner dans leur cellule. En effet, pour des questions essentiellement de sécurité, les
établissements pénitentiaires interdisent aux détenus l’utilisation de plaques électriques (seuls des
réchauds sont parfois autorisés). Cependant, des poêles ou de la farine par exemple sont vendues en
cantine. Ainsi, certains détenus ingénieux trouvent des moyens certes astucieux mais dangereux, de
cuisiner dans leur cellule22. Dans certains établissements, une cuisine collective mise à disposition, reste
un moyen pour les prisonniers de cuisiner des plats achetés en cantine jusqu’aux environs de 19H.
Par ailleurs, la vente de produits frais en cantine, tels que des fruits et légumes, sans pour autant que la
location d’un frigo ne soit obligatoire entraîne des problèmes inévitables en termes de conservation et
donc de sécurité sanitaire. Un dernier point doit être soulevé. Afin d’éviter la prolifération des bactéries,
les viandes cantinées (ex : un poulet) arrivent déjà cuites dans les cellules. Les détenus ne peuvent donc
pas les cuisiner à leur façon…
Les produits alimentaires. En cantine, des plats cuisinés, des produits de base à cuisiner ou prêts à la
consommation sont vendus. Cependant, il existe deux types de produits :
17
Chapitre VII : De la gestion des biens et de l'entretien des détenus, articles D. 343 à D. 346 du code de procédure pénale.
Garde et réinsertion, rapport public thématique, Cour des comptes, 2006, p73, Recommandations.
19
Article D. 345 du Code de Procédure Pénale.
20
Le Code Pénal de 1791, désigne comme tel ce que les détenus peuvent se procurer pour améliorer l’ordinaire. (Annexe 5 :
aspects historiques de la cantine).
21
Déviance et société, Monique SELYER, année 1988, volume 12, n°2, p 127-145, « Vivre avec son temps : les cantines des
prisons ».
22
Utilisation de canettes de boisson transformées en réchaud avec de l’huile et un chiffon ou encore de pastilles d’alcool à
brûler.
18
14
- L’alimentation en milieu carcéral -
- Les produits autorisés : Seule l’administration a la faculté de décider de l’approvisionnement des
diverses cantines. Ainsi, le règlement intérieur détermine les produits cantinables. La cantine peut
également servir à combler les carences en fruits & légumes que l’alimentation fournie par
l’établissement pourrait éventuellement créer.
- Les produits interdits ou supprimés : Ne sont pas autorisées les boissons alcoolisées23. Par ailleurs,
l’alinéa 2 de l’article D. 343 du CPP, permet au chef de l’établissement de supprimer un produit du
catalogue de cantine en cas d’abus. La cantine étant la seule source d’achat autorisée au cours de la
détention, l’article D. 423 du CPP précise que « l'envoi ou la remise de colis est interdit dans tous les
établissements à l'égard de tous les détenus ». En pratique toutefois, les familles sont autorisées à
apporter des colis de vivres en période de Noël et de Nouvel An.
La privation de la cantine. La privation de l’achat en cantine peut également être l’objet d’une
sanction disciplinaire mais ne doit pas dépasser une durée de deux mois maximum24. Elle peut
s’appliquer quelles que soient les conditions et les causes de la faute qui nécessite sanction. Il se peut
que le détenu soit placé en cellule disciplinaire, prévue aux articles D. 251 (5°) et D. 251-1-2. « La
sanction emporte pendant toute sa durée la privation d'achats en cantine prévue à l'article D. 251 (3°)
(…) 25».
Exemples de prix de cantine différents en francs26
Les prix. Selon une procédure régulière, les prix sont
fixés par le directeur de l’établissement en
concertation avec des prestataires de services
extérieurs choisis à la suite d’appels d’offres publics.
(Ils englobent les frais de manutention et la
préparation). C’est sur les bons de commande qu’ils
sont indiqués27. Ainsi, ce mécanisme permet de
porter à la connaissance du détenu les informations
concernant les prix pratiqués à la cantine et ce
conformément aux dispositions de l’article D. 344 du
CPP.
Maison d'arrêt
Sucre (1 kg)
Pâtes (500 g)
Chambéry
8,55
5,70
Moulins
8,30
5,30
Bonneville
10,20
5,40
Nice
8,95
3,55
Gap
7,90
7,50
Ajaccio
7,90
4,20
Source : réponses au questionnaire de la commission
d'enquête du Sénat.
La Cour des comptes rappelle que « rien n’autorise l’administration pénitentiaire à réaliser un bénéfice
commercial sur ses activités de cantine ni à prélever une forme de taxe sur la consommation des
détenus»28. Sur ce point, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, d’Alvaro Gil
Roblès, a constaté lors des ses visites en prisons, de nombreux écarts de prix.
23
Article D.346, modifié par Décret n°98-1099 du 8 décembre 1998 - art. 88 JORF 9 décembre 1998, du Code de Procédure
Pénale.
24
Article D.251, modifié par Décret n°2007-814 du 11 mai 2007 - art. 7 JORF 12 mai 2007 en vigueur le 1er juin 2007, du
Code de procédure pénale.
25
Article D.251-3, modifié par Décret n°2008-546 du 10 juin 2008 - art. 2, du Code de procédure pénale.
26
Prisons, une humiliation pour la République, Commission d’enquête parlementaire sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires en France, J-J Hyest et G-P Cabanel : Coll. Les rapports du Sénat, doc. adm. n°449, 1999,
2000.
27
Annexe 11 : exemple d’une liste de produits cantinables.
28
Garde et réinsertion, rapport public thématique, Cour des comptes, 2006.
15
- L’alimentation en milieu carcéral -
c.
Rapport d’Alvaro Gil Roblès.
Généralités. Conformément à l’article 3 e) de la Résolution (99) 50 du Comité des Ministres sur le
Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Roblès, a accepté l’invitation
de M. Philippe Douste-Blazy (alors Ministre des Affaires Etrangères de la République française), à
effectuer une visite officielle du 5 au 21 septembre 2005 concernant les sept établissements
pénitentiaires suivants :
Les centres pénitentiaires :
o des Baumettes à Marseille,
o du Pontet en Avignon,
o de Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées,
o de Casabianda en Corse,
Les maisons d’arrêt :
o de l’Elsau à Strasbourg,
o de la Santé à Paris,
o de Fleury-Mérogis en région parisienne.
Extrait. « La France ne se donne pas toujours les moyens suffisants pour mettre en œuvre un arsenal
juridique relativement complet, qui offre un haut niveau de protection en matière de droits de l’homme.
Il semble ainsi exister dans certains domaines un fossé qui peut s’avérer très large entre ce
qu’annoncent les textes et la pratique».
Constatations. Ayant reçu de nombreuses plaintes relatives au coût de la vie en prison, Alvaro GilRoblès a étudié l’ensemble des listes de produits cantinés des établissements pénitentiaires sus-visés. Il
ressort du rapport qu’une certaine disparité des prix a pu être observée. « Ainsi, alors que le prix d’un
paquet d’un kilogramme de sucre avoisine les 0,90€ dans une grande surface du centre ville de
Strasbourg, il était de 1,27€ à la Santé, 1,48€, à Fleury-Mérogis et de 1,45€ à Strasbourg. En outre,
selon les documents que nous avons pu consulter, le prix du sucre a subi une hausse singulière : 1,48€
en 2004 (1,28€ en 2003 et 2002), soit une augmentation de 15,6%. Et cela n’est qu’un exemple d’une
pratique généralisée (…)29 ». Selon M.Gil-Robles, « l’administration doit veiller à ce que les intérêts
des personnes détenues soient avant tout préservés, et donc que les prix pratiqués restent les plus
accessibles possible ».
Cela peut trouver une justification dans la localisation géographique et la taille des établissements qui,
pour la majeure partie des cas, s’approvisionnent auprès des commerces de proximité. Selon le rapport,
il apparaît que l’objectif premier de l’administration pénitentiaire est d’« instaurer un dispositif général
d’externalisation afin d’encadrer et de professionnaliser l’activité de cantine ».
La question de la qualité de l’alimentation (régimes spécifiques, équilibre nutritionnel) est essentielle
ici, et il apparaît nécessaire d’examiner maintenant l’organisation de la prise en charge médicale des
détenus. La santé des personnes détenues peut en effet être mise à mal du fait de pathologies liées à
l’alimentation. De même que pour la population générale, la population carcérale est affectée par des
problèmes cardiovasculaires, de diabète ou encore de surpoids et d’obésité.
29
Rapport de M. Alvaro Gil-Robles, commissaire aux droits de l’Homme, sur le respect effectif des droits de l’Homme en
France, .suite à sa visite du 5 au 21 septembre 2005, point 95 à 97, du 15 février 2006.
16
- L’alimentation en milieu carcéral -
Section 2. Les autres sources (hygiène, prévention et éducation pour la santé des détenus).
Cadre général. Les dispositions relatives à l’organisation sanitaire des détenus sont le fruit d’une
complémentarité entre le Code de Procédure pénale30 et le Code de la Santé Publique31.
D’après l’article L.1110-1 du Code de la Santé Publique (CSP), « le droit fondamental à la protection
de la santé doit être mis en œuvre par tous les moyens disponibles au bénéfice de toute personne ». De
plus, selon l’article L.1110-3 du même code, « aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations
dans l’accès à la prévention et aux soins ». Est ainsi établi le fait que les détenus doivent pouvoir avoir
accès aux soins et aux actions de prévention que leur état nécessite. Par ailleurs, les conditions
d’hygiène peuvent avoir des conséquences quant à l’alimentation de la population carcérale, en
particulier dans le cadre de la préparation et de la qualité sanitaire des repas.
La présente partie a pour objet, en prenant appui sur des dispositions du Code de Procédure Pénale et du
Code de Santé Publique, de présenter l’organisation de la prise en charge sanitaire des détenus, ainsi
que les règles relatives à l’hygiène (des établissements et des individus), aux actions de prévention en
matière de santé et aux régimes alimentaires. Dans chaque cas, le médecin en charge du suivi médical
des détenus joue un rôle particulier. Ces dispositions sont notamment reprises et explicitées par le Guide
méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues, publié conjointement, en
septembre 2004, par les Ministères de la Santé et de la Protection sociale, et de la Justice. La circulaire
interministérielle DHOS/DGS/DSS/DGAS/DAP n°2005-27 relative à la prise en charge sanitaire des
personnes détenues et à leur protection sociale32 porte, notamment, sur une actualisation de ce guide.
Organisation de la prise en charge sanitaire des personnes détenues. L’intervention des
établissements de santé au sein des établissements pénitentiaires est régie, d’une part, par des
dispositions de l’article L.6112-1 du CSP33. Ainsi, le service public hospitalier concourt « aux actions
de prévention et d’éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires ».
Les modalités de cette intervention, notamment celles relatives au fonctionnement des Unités de
Consultation et de Soins Ambulatoires (UCSA), localisées au sein des établissements pénitentiaires,
sont déterminées dans le cadre d’un protocole signé par le directeur de l’agence régionale
d’hospitalisation, le directeur interrégional des services pénitentiaires, le chef de l’établissement
pénitentiaire et le directeur de l’établissement de santé (article R.6112-16 du CSP).
D’autre part, les articles D.379 et suivants du CPP indiquent que le praticien responsable de l’UCSA est
chargé d’organiser le suivi médical des détenus, la consultation médicale se faisant, au cours de la
période de détention, à la demande du détenu, du personnel pénitentiaire ou de toute autre personne.
Conditions d’hygiène. Selon l’article D.380 du CPP, le médecin responsable de l’UCSA « veille à
l'observation des règles d'hygiène collective et individuelle dans l'établissement pénitentiaire ». Cette
action se fait en partenariat avec le directeur de l’établissement pénitentiaire, « responsable de la mise
en œuvre de la politique d’amélioration de l’hygiène et des conditions de vie en détention » (Guide
méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues, septembre 2004). Ainsi, le
30
Dispositions notamment issues de la section III (« De l’organisation sanitaire »), Chapitre VIII (« De l'hygiène et de
l'organisation sanitaire »), Titre II (« De la détention »), Livre V (« Des procédures d’exécution »), Partie réglementaire –
décrets simples du Code de procédure pénale.
31
Dispositions notamment issues du Chapitre II (« Service public hospitalier »), Titre 1er (« organisation des activités des
établissements de santé), Livre 1er (« établissements de santé »), Sixième partie (« établissements et services de santé »),
Partie législative du Code de Santé Publique
32
Circulaire interministérielle DHOS/DGS/DSS/DGAS/DAP no 2005-27 du 10 janvier 2005 relative à l’actualisation du
guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues et à leur protection sociale,
NOR : SANH0530013C
33
Article L.6112-1 du CSP, Article L.6112-1, modifié par LOI n°2008-174 du 25 février 2008 - art. 7
17
- L’alimentation en milieu carcéral -
médecin peut procéder à la visite de l’ensemble des locaux et signaler aux services compétents, toute
situation « susceptible d’affecter la santé des personnes détenues »34. Ces services compétents sont les
services déconcentrés du ministère de la santé (article D. 348-1, contrôle de l’hygiène générale des
établissements pénitentiaires) et du ministère de l’agriculture (Direction Départementale des Services
Vétérinaires ou DDSV), compétente notamment pour les aspects relatifs au respect des règles d’hygiène
alimentaire.
Les règles d’hygiène applicables au sein des établissements pénitentiaires sont identiques à celles
auxquelles est soumise toute collectivité, en particulier : les Règlements communautaires du Paquet
Hygiène, notamment les Règlements (CE) n°178/2002 et 852/2004 et l’arrêté du 29 septembre 1997
fixant les conditions d’hygiène applicables aux établissements de restauration collective. A titre
d’exemple, le 21 mars 2007, la DDSV du Pas-de-Calais a rendu un rapport suite à l’inspection de la
cuisine de la maison d’arrêt de Béthune. Elle a pu constater une date de péremption des barquettes
congelées dépassée depuis 2006 et que des bactéries d’origine fécale ou « coliformes », avaient été
découvertes sur des lasagnes, du poisson, des andouillettes et du gratin. Aucun plan de maîtrise sanitaire
n’avait donc été mis en place dans cette cuisine35.
Le médecin de l’UCSA. Le médecin responsable de l’UCSA est tenu de porter de l’attention aux
conditions d’hygiène, tant pour l’entretien général de l’établissement que pour les activités liées à
l’alimentation collective. Ce point est important, de part, notamment, les conséquences importantes que
peut avoir une Toxi-Infection Alimentaire Collective (TIAC) dans un milieu fermé avec une forte
densité de population captive. Le médecin veille ainsi à l’état de santé des personnes détenues affectées
aux cuisines, et s’assurent qu’elles sont « systématiquement informées des règles relatives à l’hygiène
alimentaire » (Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues,
septembre 2004).
Actions de prévention. D’après le Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des
personnes détenues, les actions de prévention sont « un des points forts de la politique de santé en
milieu pénitentiaire », permettant de « faire bénéficier cette population le plus souvent jeune, fragilisée
et ayant eu jusque là un faible accès aux soins, d’actions de prévention susceptibles de l’amener à une
meilleure prise en charge de sa santé ». Les actions de prévention se déclinent en plusieurs axes dont
les conditions de vie, l’hygiène et l’éducation pour la santé. L’information relative à une alimentation
saine et équilibrée trouve ici sa place.
Les modalités de mise en œuvre du programme de prévention et d’éducation pour la santé sont définies
dans le protocole régissant les relations entre établissement de santé et établissement pénitentiaire,
d’après l’article R.6112-23 du CSP. De plus, le médecin responsable de l’UCSA doit coordonner ces
actions, d’après l’article R.6112-20 de ce même code. Des acteurs autres que l’administration
pénitentiaire et le personnel de l’UCSA peuvent être associés à ces actions. Cette étude a été l’occasion
de mettre en évidence plusieurs interventions, menées, ponctuellement, par des personnes de la société
civile (individuels, associations).
Régime alimentaire. L’article D.361 du CPP dispose que « les personnes détenues malades bénéficient
du régime alimentaire qui leur est médicalement prescrit ». L’intervention d’une diététicienne de
l’établissement public de santé est, d’après le Guide cité précédemment, « de nature à favoriser le
respect des prescriptions médicales et leur mise en application ».
Néanmoins, il est précisé que les régimes végétariens, végétaliens, confessionnels ou philosophiques ne
34
D’après l’article D.348-1 du CPP, les services compétents peuvent être les services déconcentrés du ministère de la santé
chargés du contrôle de l’hygiène en milieu pénitentiaire.
35
Observatoire international des prisons, section française, « La mal bouffe carcérale », Dedans dehors, n°62, juillet-Août
2007, p 24.
18
- L’alimentation en milieu carcéral -
sont pas des régimes alimentaires relevant d’une prescription médicale. Il n’y a donc pas d’obligation à
ce que les repas fournis par l’administration pénitentiaire en respectent les principes.
Le détenu peut s’il le souhaite s’inscrire à ce type de régimes. A titre d’exemple, un détenu de
confession musulmane qui ne mange pas de porc, a le choix, soit de ne manger que des repas
végétariens (œufs et poisson) soit de s’acheter lui-même des produits hallal en cantine. Mais pour des
raisons évidentes d’organisation de production de repas, il est impossible de prévoir ce genre de régime
alimentaire pour chaque détenu.
Les règles régissant l’alimentation en milieu carcéral ainsi que celles concernant l’organisation de la
prise en charge sanitaire des détenus ont permis de détailler les conditions de vie en détention du point
de vue nutritionnel et sanitaire et ce, au regard des dispositions du Code de Procédure pénale et de
celles du Code de la Santé publique. Par ailleurs, les détenus qui sont privés de leur liberté d’aller et
venir doivent également disposer de leurs droits reconnus au niveau international et européen.
Ainsi, même si le Code de Procédure pénale reste la norme nationale principale, la législation
pénitentiaire interne doit être en conformité avec les recommandations spécifiques et les normes,
générales et obligatoires, européennes et internationales.
19
- L’alimentation en milieu carcéral -
Titre 2. Les textes applicables aux niveaux européen et international
Les conditions de détention en milieu carcéral doivent répondre à des exigences autant au niveau
européen qu’international. Pour ce faire, il existe des textes généraux de référence, obligatoires ou non,
qui s’appliquent d’une manière générale (Section 1) ainsi que des textes spécifiques au milieu carcéral
(Section 2).
Section 1. Les textes de référence.
a.
Un mécanisme judiciaire à caractère général et obligatoire.
La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales
comme mécanisme judiciaire. La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et
des Libertés Fondamentales (ci-après : Convention Européenne des Droits de l’Homme) a été créée le 4
novembre 1950 et est entrée en vigueur avec la publication du décret 74-360 du 3 mai 197436. Ce traité
international, à valeur supra-législative, contient des dispositions concernant notamment le droit à la
vie, à la liberté et à la sûreté. Il est donc légitime de se demander si des personnes incarcérées peuvent
en bénéficier. La réponse a été apportée en 1962, par une décision de la Commission Européenne des
Droits de l’Homme qui précisait au regard des faits de l’espèce, « que la requérante se trouve détenue
en exécution d'une condamnation qui lui a été infligée à raison de crimes perpétrés au mépris des droits
les plus élémentaires de la personne humaine ; que cette circonstance ne la prive cependant point de la
garantie des droits et libertés définis dans la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des
Libertés Fondamentales »37.
Application directe. En vertu du principe de subsidiarité et du recours individuel ouvert à toute
personne même détenue, la Convention européenne des Droits de l’Homme est d’application directe en
droit interne. En matière de détention carcérale, il appartient à la Cour Européenne des Droits de
l’Homme (CEDH), de faire respecter ses dispositions. En effet, toute détention doit être compatible
avec les termes de l’article 3 selon lesquels « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou
traitements inhumains ou dégradants ». Ainsi, il appartient à l’Etat de s’assurer que les mesures
privatives de liberté n’excèdent pas le niveau inévitable de souffrance relatif à la détention et que la
santé et le bien-être du prisonnier sont correctement assurés38.
Jurisprudence. La CEDH est amenée à se prononcer sur des requêtes déposées sur le fondement de
l’article 3 par toute personne détenue souhaitant faire valoir ses droits au regard des droits de l’Homme.
Trois affaires prises en exemple illustrent les différentes issues probables d’un recours devant la CEDH.
En 2001, la Cour avait jugé une non violation de l’article 3, car « recevoir des compléments de
nourriture de la famille, ou d’en acheter à la boutique de la prison, était de nature à compenser le
mécontentement éprouvé par le requérant en raison de la monotonie éventuelle du régime proposé par
la cantine de la prison. La Cour en conclut que les dispositions en vigueur à la prison de Pravienišk÷s
en matière d’alimentation n’étaient pas dégradantes »39.
Plus tard, en 2007, la Cour a jugé un traitement « inhumain » par violation de l’article 3, au motif qu’il
n’était pas acceptable qu’un détenu, même contrevenant au règlement intérieur, soit soumis à une
punition sous forme de privation de nourriture. Ce manque de nourriture sévère et délibérément infligé
entraîne des conséquences inévitables en termes de nutrition. La Cour conclut ainsi que le requérant a
36
Décret n°74-360 du 3 mai 1974 portant publication de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et
des libertés fondamentales signée à Rome le 04-11-1950, et de ses protocoles additionnels.
37
Ilse Koch c/ Allemagne, Recueil 8, pp. 91-97, Comm.EDH, 8 mars 1962. Disponible sur : www.coe.int.
38
Kudla c/ Pologne, [GC], n°30210/96, §§ 92-94, CEDH 2000-XI, Ramirez c/ France, n°59450/00, CJCE, 4 juillet 2006.
39
Valasinas c/ Lituanie, n° 44558/98, § 109, CEDH, 24 juillet 2001. (Annexe 4).
20
- L’alimentation en milieu carcéral -
subit « des épreuves d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la
détention. De telles conditions de détention s'analysent en un traitement inhumain »40.
Outre la condamnation pour « traitement inhumain », la CEDH peut être amenée à se prononcer sur des
faits pouvant relever de la « torture ». Ainsi, en 2005, la Cour européenne a qualifié de « torture » le fait
d’alimenter de manière forcée, un détenu gréviste de la faim. Le détenu en question a été contraint, sans
justificatif médical, de se laisser insérer dans l’œsophage un tube en caoutchouc relié à un sceau
contenant un mélange nutritionnel spécial41. Au regard de ces moyens de contrainte employés, la CEDH
a donc analysé ces actes en actes de torture.
L’appréciation du traitement inhumain ou de torture, au regard de l’article 3, dépend donc d’un
ensemble de causes relatives notamment à la durée du traitement, au sexe, à l’âge et à l’état de santé du
détenu. La CEDH a jugé ainsi un nombre considérable de requêtes déposées par des détenus alléguant
une violation de cet article eu égard à leurs conditions de détention. Depuis la fin des années 80, un
moyen non judiciaire préventif permet de renforcer la garantie issue de l’article 3 de la Convention
européenne des Droits de l’Homme.
b.
Moyen non judiciaire à caractère préventif.
La Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements
inhumains ou dégradants42. La Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants, entrée en vigueur en 1987, a été signée par l’ensemble des
Etats membres du Conseil de l’Europe43 et permet la visite de lieux privatifs de liberté. Ainsi, le Comité
européen pour la prévention de la torture (CPT) qui ne dénonce pas, ne juge pas, ne condamne pas44, a
pour but précis, de protéger les personnes privées de liberté et d’examiner leur traitement et non de
condamner les Etats pour des abus. Le Comité est composé d’un nombre de membres, indépendants et
impartiaux, égal à celui des Parties. Ces personnalités de haute moralité sont élues pour 4 ans par le
Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et rééligibles deux fois.
Même si l’articulation entre les deux conventions peut paraître critiquable sur certains points,
notamment sur l’éventuelle possibilité pour la Convention européenne de prévention de la torture de
traiter des questions soulevées pendant une procédure devant les organes de la Convention européenne
des Droits de l’Homme, l’article 17.2 de la Convention européenne pour la prévention de la torture
prévoit qu’aucune de ses dispositions ne représente une « limite ou une dérogation aux compétences des
organes de la Convention européenne des Droits de l’Homme ou aux obligations assumées par les
Parties en vertu de [celle-ci] ».
Coopération et confidentialité. Le Comité effectue ses visites dans les lieux « relevant de sa
juridiction où des personnes sont privées de liberté par une autorité publique »45. D’une part, il procède
à des visites régulières et d’autre part, à des visites ad hoc, exigées par les circonstances. A l’issue de
celles-ci, le Comité transmet à l’Etat tous les commentaires ou suggestions qu'il juge appropriés compte
tenu de la situation. Le Comité et les autorités nationales compétentes de la Partie concernée sont
amenés à coopérer pour une bonne application de la Convention. Ainsi, ce n’est qu’après notification
40
41
Mikadze c/ Russie, n°52697/99 §125 à 128, CEDH, 7 juin 2007. (Annexe 4).
Nevmerzhitsky c/ Ukraine, n°54825/00, CEDH, 5 avril 2005
43
Cette organisation internationale relative aux droits de l’Homme fédérant 47 Etats membres a pour objectif premier de
créer un espace démocratique et juridique commun. Il veille ainsi au respect des valeurs fondamentales telles que les droits
de l’Homme, la démocratie et la prééminence du droit.
44
Sous la direction de LUCAZEAU G., Prisons d’Europe, 6èmes journées européennes du droit de Nancy, Presses
Universitaires de Nancy, 2008, p 89 à 94.
45
Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, article 2.
21
- L’alimentation en milieu carcéral -
des intentions du Comité au gouvernement de la Partie, que celui-ci est habilité à visiter les lieux. De
son côté, la partie doit faciliter l’accomplissement de la visite en fournissant par exemple au Comité le
droit d’accéder à son territoire et de s’y déplacer. Conformément à l’article 10 de la Convention, à
l’issue de sa visite le Comité rédige un rapport en tenant toujours compte des observations de la Partie
concernée. Les relations entre le Comité et les Etats parties, sont strictement confidentiels.
Rapport. En 1996, le Comité avait rédigé un rapport à la suite d’une visite effectuée au centre
pénitentiaire des Baumettes de Marseille46. Une partie était consacrée aux conditions de détention et
plus précisément à l’alimentation des détenus (Annexe 3). A la suite de sa visite, le Comité avait
constaté que la distribution des repas était qualifiée d’ « inadéquate » et que les conditions de détention
dans les bâtiments A et B équivalaient à un traitement inhumain et dégradant. Ainsi, au regard des
recommandations émises par le Comité, la direction de l’établissement a indiqué qu’une cuisine
améliorée et modernisée allait être installée. Concernant la qualification d’ « inadéquate », Jean Ziegler,
Rapporteur spécial sur le droit à l' alimentation de la Commission des droits de l'Homme aux Nations
unies, a défini le droit à une alimentation adéquate comme « le droit d'avoir un accès régulier,
permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture
quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du
peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et
collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne. Le corollaire du droit à l’alimentation est la sécurité
alimentaire »47.
Section 2. Les textes spécifiques au milieu carcéral.
a. Les règles minima pour le traitement des détenus (RMT)48 adoptées par les
Nations Unies.
Cadre général. En 1955, le Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants qui s’est tenu à Genève, a permis d’adopter 95 règles minima pour le traitement des
détenus. Ces règles qui sont des recommandations ne s’imposent pas aux Etats mais peuvent être d’une
influence considérable pour faire respecter les droits de l’Homme.
Précisions. L’ensemble de ces règles minima vient compléter la Déclaration universelle des droits de
l’Homme, adoptée en 1948, qui prohibe dans son article 5 la torture et les autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants. La règle 1 précise que ces règles « ne visent qu'à établir (…) les
principes et les règles d'une bonne organisation pénitentiaire et de la pratique du traitement des
détenus ». Sur ce point, la règle 32, point 1, prévoit que « les peines de l’isolement et de la réduction de
nourriture ne peuvent jamais être infligées sans que le médecin ait examiné le détenu et certifié par
écrit que celui-ci est capable de les supporter ».
Afin d’interpréter l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, la CEDH se réfère
directement aux RMT. Ainsi, elles sont devenues indispensables dans l’interprétation des conventions et
des lois internationales relatives aux droits de l’Homme, tels que l’article 10 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques qui s’est lui-même intéressé au sort des détenus.
46
Rapport au Gouvernement de la République Française relatif à la visite effectuée par le Comité européen pour la
prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en France du 6 au 18 octobre 1996.
Disponible sur http://www.cpt.coe.int/documents/fra/1998-07-inf-fra.htm [Consulté le 28 mai 2009]
47
MANDEVILLE. B., Le droit à une alimentation adéquate : quelle positivité en droit français (doctrine), Gazette du Palais,
N°223, 11 août 2005.
48
Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, adopté par le premier Congrès des Nations Unies pour la
prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à Genève en 1955 et approuvé par le Conseil économique et social
dans ses résolutions 663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977. Disponible sur le site :
http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/h_comp34_fr.htm [consulté le 2 juin 2009]
22
- L’alimentation en milieu carcéral -
RMT et Pacte international relatif aux droits civils et politiques49. Le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations unies dans
sa résolution 2200 A (XXI) est entré en vigueur le 23 mars 1976. Une fois que la Déclaration
universelle des droits de l'Homme a été adoptée, l'Assemblée générale a souhaité une Charte des droits
de l'Homme avec force obligatoire. Le projet a abouti à la rédaction du pacte international relatif aux
droits civils et politiques. Toute personne privée de sa liberté jouit de tous les droits énoncés dans le
Pacte. Un comité des droits de l’homme a été institué pour surveiller l'application du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques. Ce dernier a spécifié que les RMT doivent être appliquées par les
Etats signataires du Pacte. Les Dix-huit personnalités de haute moralité qui le composent, possèdent une
compétence reconnue dans le domaine des droits de l'Homme et sont élus pour quatre ans par les Etats
parties.
Article 10 paragraphe 1 du Pacte. C’est à l’article 10 paragraphe 1 que le Pacte consacre précisément
une partie au traitement de toute personne privée de sa liberté. Ainsi, toute personne détenue dans une
prison, un hôpital, un camp de détention ou un autre lieu, « est traitée avec humanité et avec le respect
de la dignité inhérente à la personne humaine ». Cependant, pour rendre efficient les dispositions de ce
paragraphe et veiller à ce que les principes énoncés soient respectés dans toutes les institutions, les Etats
parties doivent rendre des rapports comportant des renseignements suffisamment précis, concernant
notamment : la protection de ce droit, les mesures concrètes prises par leurs autorités compétentes pour
en contrôler l’application ainsi que les modalités d’enseignement et de formation du personnel chargé
de surveiller les personnes privées de leur liberté. Cet article 10 paragraphe 1 complète l’article 7 du
Pacte qui, comme l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, rappelle que « nul ne
sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Ces deux
derniers articles ont d’ailleurs été pris en compte dans la rédaction de la Convention contre la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Le Conseil de l’Europe a décidé de décliner au niveau européen sous forme de recommandations, ces
règles minima des Nations Unies.
b. Les Règles pénitentiaires européennes (RPE) : Charte d’action de l’administration pénitentiaire.
« L'emprisonnement de par la privation de liberté est une punition en tant que telle. Les conditions de
détention et les régimes pénitentiaires ne doivent donc pas aggraver la souffrance ainsi causée »50.
Généralités. Les règles pénitentiaires ont été adoptées pour la première fois en 1973. Par la suite, le
Comité des ministres les a révisées en adoptant la recommandation R 87-3 le 12 février 1987. Plus tard,
les RPE de 2006 ont été adoptées le 11 janvier 200651 par le Comité des ministres en tenant notamment
compte des RPE antérieures, des normes de traitement des détenus établies par le Comité européen de la
torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT) et de la jurisprudence de la CEDH52.
A ce titre, le Comité des Ministres a souhaité qu’un compendium compile l’ensemble des
recommandations du Conseil de l’Europe relatives aux questions pénitentiaires. Le compendium des
49
Disponible sur : http://www.unhchr.ch/french/html/menu3/b/a_ccpr_fr.htm [Consulté le 2 juin 2009]
Recommandation N° R(87) 3, du Comité des ministres aux Etats membres sur les règles pénitentiaires européennes,
Règle 64, 12 février 1987. Disponible sur le site :
https://wcd.coe.int/com.instranet.InstraServlet?command=com.instranet.CmdBlobGet&InstranetImage=607495&SecMode=
1&DocId=692768&Usage=2 [Consulté le 4 juin 2009]
51
Recommandation Rec(2006)2 du Comité des ministres du Conseil
de l’Europe. Disponible sur :
http://www.coe.int/t/f/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/emprisonnement_et_alternatives/EPR(2006)2.pdf
[Consulté le 9 juin 2009]
52
Ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire, Les règles pénitentiaires européennes une charte
d’action pour l’Administration pénitentiaire, avril 2007. Disponible sur http://www.justice.gouv.fr/art_pix/BrochureRPE07.pdf [Consulté le 3 juin 2009].
50
23
- L’alimentation en milieu carcéral -
conventions, recommandations et résolutions relatives aux questions pénitentiaires53 a donc été rédigé
par le Conseil de coopération pénologique (organe consultatif auprès du Comité européen).
Ces règles pénitentiaires contiennent des recommandations utiles en termes de discipline et se divisent
en 8 parties qui regroupent au total 108 règles principales. Elles permettent d’une part, d’harmoniser les
politiques pénitentiaires de l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe et d’autre part, de
faire adopter des pratiques et des normes communes.
Valeur et portée. Même si ces règles pénitentiaires européennes n’ont pas un caractère contraignant, et
ne sont ni obligatoires pour les Etats, ni invocables par les détenus auprès des juridictions françaises,
elles permettent d’avoir une influence voire une certaine pression sur l’administration pénitentiaire. Par
ailleurs, elles peuvent servir de référence à un recours porté devant la Commission européenne des
droits de l’Homme ou susceptibles de servir de fondement aux recommandations formulées par le
Comité de prévention de la torture lors de ses diverses visites en prison.
Les règles 22.1 à 22.6. Avant 1987, la nourriture en prison était consacrée par une section dont l’intitulé
était « Alimentation ». Désormais, cette même section se dénomme « Régime alimentaire », ce qui
dénote une certaine volonté de la part des rédacteurs de vouloir améliorer l’alimentation des détenus
dans sa globalité. Selon la règle 22.1, “les détenus doivent bénéficier d’un régime alimentaire tenant
compte de leur âge, de leur état de santé, de leur état physique, de leur religion, de leur culture et de la
nature de leur travail”. Les autorités pénitentiaires devront s’assurer que trois repas soient servis aux
détenus dans des conditions d’hygiène irréprochables, tous les jours et à intervalles raisonnables, même
si certains Etats leur permettent de se les préparer soi-même. Il est enfin prévu que, pour des raisons
médicales, un médecin ou un infirmier peut prescrire une modification du régime alimentaire. Les
critères de qualité du régime alimentaire qui ressortent des dispositions du Code de procédure pénale
français, découlent de la règle 22.2 qui oblige de façon spécifique les autorités nationales à les inscrire
en droit interne.
L’application des RPE par la France. Concrètement, la France est un des pays dont la réglementation
respecte le mieux les exigences posées par les RPE. Ainsi, en 2003, ont été créées des unités de visite
familiale (UVF) ou encore en 2007, des établissements pénitentiaires pour mineurs. Enfin, depuis 2008,
un référentiel, recueillant des principes et des pratiques définis par les RPE, permet à l’administration
pénitentiaire de prouver qu’elle est capable de respecter les règles en vigueur. Celui-ci comprend des
bonnes pratiques professionnelles découlant de la pratique au bénéfice des détenus ainsi que des
méthodes d’organisation en vigueur dans les établissements qui méritent d’être valorisées et diffusées.
Cependant, l’ordonnancement des textes ne permet pas toujours une parfaite compréhension de la
réglementation. En effet, au niveau interne les règles régissant les conditions de vie en détention
découlent autant de la partie législative que réglementaire du CPP qui opère ainsi des renvois fréquents
qui ne facilitent pas la lecture. Cela pourrait éventuellement servir de justification pour expliquer le fait
que chaque structure, via une gestion propre au directeur de l’établissement pénitentiaire, est amenée à
appliquer de manière « discrétionnaire » l’ensemble de ces textes.
53
Disponible sur :
http://www.coe.int/t/f/affaires_juridiques/coop%E9ration_juridique/emprisonnement_et_alternatives/ID%205603%20Compe
ndium%20de%20textes%20relatifs%20aux%20questions%20parlementaires.pdf [consulté le 27 mai 2009].
24
- L’alimentation en milieu carcéral -
PARTIE 2
Une application variable des textes dans chaque établissement
En France, nos prisons sont différenciées principalement selon la durée de détention
de leurs détenus. La structure de l’administration pénitentiaire est donc classée en
plusieurs catégories d’établissements. Dans chacune de ces structures, il appartient
au directeur d’appliquer les règles en respectant au maximum les exigences qui en
découlent. Cependant, l’étude tend à démontrer que la gestion de chaque
établissement est totalement propre au directeur d’établissement. Cela semble
entraîner des différences de traitement des détenus entre prisons.
En effet, de par le règlement intérieur, norme écrite de référence, chaque directeur
d’établissement est libre de gérer sa prison selon ses propres convictions. Ce qui
suscite de vives critiques et une volonté commune d’harmoniser celui-ci (Titre 1).
Il est donc légitime de s’interroger sur l’avenir de cette problématique et les voies
d’amélioration qui lui sont ouvertes notamment par les études et actions menées par
les différents acteurs concernés par cette thématique. (Titre 2).
25
- L’alimentation en milieu carcéral -
Titre 1.
Les conséquences d’une gestion propre à chaque établissement
L’organisation structurelle de l’administration pénitentiaire (Section 1) laisse apparaître une différence
considérable de fonctionnement entre chacun des établissements ; différence qui laisse entrevoir
certaines inégalités entre détenus. (Section 2).
Section 1. La structure pénitentiaire.
« Vous ne savez peut-être pas ce que c'est que le système pénitentiaire [....]
Vous savez du moins que c'est une matière qui n'a rien de politique et qui ne se rapporte qu'au bien-être
de la Société en général. »
(Lettre à Charles Stöffels, 4 novembre 1830)
a.
L’administration pénitentiaire.
Organisation. C’est par un décret du 13 mars 1911, que l'Administration pénitentiaire et les services
qui en dépendent sont rattachés au Ministère de la Justice. Outre le bureau du cabinet et le porte-parole
du ministre, le récent décret de 200854 organise l'administration centrale du ministère de la Justice en
différentes directions :
« ― le secrétariat général ;
― la direction des services judiciaires ;
― la direction des affaires civiles et du sceau ;
― la direction des affaires criminelles et des grâces ;
― la direction de l'administration pénitentiaire ;
― la direction de la protection judiciaire de la jeunesse.
Le Garde des Sceaux, ministre de la justice, est en outre assisté de l'inspecteur général des services
judiciaires »55.
Le service public pénitentiaire. C’est par la combinaison des articles 724 à 728 et D. 188 et D. 189 du
Code de procédure pénale que la loi du 22 juin 198756, relative à l’organisation du service public
pénitentiaire, formule les missions de l’administration pénitentiaire. Chacune de ces dispositions est
précisée par des notes, des circulaires et directives prises par l’administration pénitentiaire. Ainsi elle
prévoit au sein de son article premier que « le service public pénitentiaire participe à l'exécution des
décisions et sentences pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale
des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire. Il est organisé de manière à assurer
l'individualisation des peines ».
C’est un service public régalien qui traduit l’autorité et la souveraineté de l’Etat. Les missions de
surveillance, de direction des établissements et de greffe ressortissent à la compétence exclusive de
l’Etat. Ainsi, le détenu est usager du service public, ses relations avec l’administration pénitentiaire
doivent dont être empreintes de légalité.
54
Décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la Justice abrogeant le décret n° 64-754 du 25
juillet 1964
55
Décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l'organisation du ministère de la justice, article 1.
56
Loi n°87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, NOR: JUSX8700042L
26
- L’alimentation en milieu carcéral -
c. Les catégories d’établissements.
Selon l’article 724 du Code de procédure pénale, les 19457 établissements pénitentiaires existants en
France peuvent être séparés en deux catégories principales. Les uns concernent la détention provisoire,
les autres sont affectés à l’exécution des peines.
Les maisons d’arrêt. Les maisons d’arrêt reçoivent les prévenus dont la peine est inférieure ou égale à
un an. Elles sont au nombre de 111. Elles accueillent principalement les personnes mises en examen, les
prévenus ou accusés soumis à la détention provisoire58, en attente de jugement. Elles peuvent, dans
certaines conditions, recevoir les condamnés à l’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à un
an59. Leur fonctionnement ainsi que celui de l’exécution de la détention provisoire découlent d’une
complémentarité entre d’une part, la partie législative (articles 714 et suivants60 et d’autre part, la partie
réglementaire du CPP (articles D. 53 et suivants61). Ainsi, il est prévu, que les maisons d’arrêt sont
implantées auprès de chaque Cour d’assises mais aussi près de chaque Tribunal de grande instance, de
chaque Cour d'appel à l’exception des tribunaux et des cours qui sont désignés par décret62. Dès lors, le
décret de 200663 (article D.54) précise à l’aide d’un tableau, la liste des tribunaux de grande instance
qui ne sont rattachés à aucune maison d’arrêt et indique de ce fait, celles où les prévenus ou appelants
ressortissants à ces juridictions sont retenus. A titre d’exemple, la prison de Carcassonne, qui est
rattachée au tribunal de Narbonne, est dans le ressort de la Cour d’appel de Montpellier.
Les établissements pour peine. Les 77 établissements affectés à l’exécution des peines sont régis par
les dispositions de la partie législative (articles 716 et suivants)64 du CPP ainsi que par la partie
réglementaire (articles D.70 et suivants)65. Ainsi « les établissements pour peines, dans lesquels sont
reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les établissements
pénitentiaires spécialisés pour mineurs, les centres de semi-liberté et les centres pour peines
aménagées »66.
-Les 24 centres de détention nationaux et régionaux : Le directeur interrégional des services
pénitentiaires est compétent pour décider de l'affectation dans les centres de détention ou quartiers
centre de détention, les centres de semi-liberté ou quartiers de semi-liberté, les centres pour peines
aménagées ou quartiers pour peines aménagées, les maisons d'arrêt ou quartiers maison d'arrêt, les
établissements spécialisés pour mineurs, et les quartiers des mineurs des établissements pénitentiaires
des autres condamnés. L’affectation dans ces différents centres de détention est régie par les
dispositions du Code de procédure pénale aux articles D.80 à D. 81-2.
57
Ministère de la Justice, les chiffres clés de l’administration pénitentiaire au 1er Janvier 2009, disponibles sur :
http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10036&ssrubrique=10041 [Consulté le 9 juin 2009]
58
Article 714 et D. 53 du Code de procédure pénale.
59
Article 717, modifié par Loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 - art. 50 JORF 10 septembre 2002, du Code de procédure
pénale.
60
Partie législative, Livre V, « Des procédures d'exécution », Titre II, « De la détention », Chapitre Ier, « De l'exécution de
la détention provisoire », CPP.
61
Partie réglementaire - Décrets simples, Livre V « Des procédures d'exécution », Titre II, « De la détention », Chapitre II,
« De l'exécution des peines privatives de liberté », Section I, « Des établissements dans lesquels la détention provisoire est
subie », CPP.
62
Article 714, modifié par Loi n°93-2 du 4 janvier 1993 - art. 219 JORF 5 janvier 1993 en vigueur le 1er mars 1993, du Code
procédure pénale.
63
Décret n°2006-385 du 30 mars 2006 - JORF 31 mars 2006.
64
Partie législative, Livre V, « Des procédures d'exécution », Titre II, « De la détention », Chapitre II, « De l'exécution des
peines privatives de liberté », CPP.
65
Partie réglementaire - Décrets simples, Livre V, « Des procédures d'exécution », Titre II, « De la détention », Chapitre II,
« De l'exécution des peines privatives de liberté », Section I, « Des divers établissements affectés à l'exécution des peines »,
CPP.
66
Article D.70, modifié par Décret n°2007-749 du 9 mai 2007 - art. 5 JORF 10 mai 2007 en vigueur le 1er juin 2007, du
Code de procédure pénale.
27
- L’alimentation en milieu carcéral -
Dans certaines situations, notamment lorsqu’il reste au détenu une incarcération d’une durée inférieure
à deux ans, le directeur interrégional des services pénitentiaires peut déléguer sa compétence au
directeur des établissements pénitentiaires.
Les 31 centres pénitentiaires : Ils regroupent entre 400 et 600 détenus condamnés à des peines
allant de 5 à 15 ans de réclusion. Les centres pénitentiaires regroupent des quartiers distincts pouvant
appartenir aux différentes catégories d'établissements pénitentiaires. Selon l’alinéa 3 de l’article D.70,
« ces quartiers sont respectivement dénommés, en fonction de la catégorie d'établissement
correspondante, comme suit : "quartier maison centrale", "quartier centre de détention", "quartier de
semi-liberté", "quartier pour peines aménagées", "quartier maison d'arrêt" ».
Les 5 maisons centrales : Ces maisons centrales ne renferment pas plus de 250 détenus à gros
risque condamnés à perpétuité ou à de très longues peines (plus de 15 ans). Outre différentes
compétences pour les peines de cinq à dix ans et plus ou pour les actes de terrorisme, le Ministre de la
Justice dispose d'une compétence exclusive pour les affectations dans les maisons centrales et les
quartiers maison centrale. Il lui appartient d’en fixer la liste. Selon l’article D.71, « les maisons
centrales et les quartiers maison centrale comportent une organisation et un régime de sécurité
renforcé dont les modalités internes permettent également de préserver et de développer les possibilités
de réinsertion sociale des condamnés ».
Les 7 établissements pour mineurs (EPM) : Ces établissements accueillent des mineurs de 13 à
18 ans avec une durée de détention variable. L’article D.514 prévoit qu’au sein de chaque établissement
pénitentiaire pour mineurs, une équipe pluridisciplinaire réunit des représentants des différents services
intervenant auprès des mineurs incarcérés afin d'assurer leur collaboration ainsi que le suivi individuel
de chaque mineur détenu. Ainsi, depuis le décret du 20 février 200867, dans l'intérêt du prévenu mineur,
cette équipe pluridisciplinaire propose au magistrat saisi du dossier, de l'incarcérer dans un
établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs ou dans un quartier pour mineurs d'une maison
d'arrêt, autre que son lieu d'incarcération initial.
La Loi d'Orientation et de Programmation pour la Justice a permis en 2002, la construction de sept
établissements pour mineurs qui ne sont ouverts que depuis 2007 (dans le cadre des programmes de
construction pénitentiaires). Leur début reste difficile et la Garde des sceaux, Rachida DATI, doute de
leur utilité. Des améliorations sont donc attendues.
Cette distinction entre maison d’arrêt et établissements pour peine repose surtout sur une différence
réglementaire de traitements des détenus beaucoup plus théorique que pratique. Ainsi, la séparation
entre les deux types d’établissements n’est pas aussi rigoureuse sur le terrain. En ce sens, il ressort du
rapport d’Alvaro Gil-Roblès, exposé plus haut, que « parmi les lieux de détention visités, nombreux sont
ceux qui appartenaient à la catégorie des établissements mixtes, c’est-à-dire incluant à la fois des
détenus et des condamnés ».
67
Décret n° 2008-154 du 20 février 2008 modifiant le code de procédure pénale (troisième partie : Décrets) et relatif aux
magistrats chargés des affaires concernant des mineurs et aux établissements dans lesquels la détention provisoire est
exécutée. (article D.53)
28
- L’alimentation en milieu carcéral -
c. La construction des établissements pénitentiaires.
« Une société intelligente croira toujours regagner en tranquillité et même en richesse ce qu'elle
dépense utilement pour ses prisons. »
(Rapport de la commission
sur les prisons, 1843)
Cadre général. La loi de 1987 précise que « (…) l'Etat peut confier à une personne ou à un
groupement de personnes, de droit public ou de droit privé, une mission portant à la fois sur la
conception, la construction et l'aménagement d'établissements pénitentiaires »68. Des programmes de
constructions pénitentiaires tels que le programme 13000 (Annexe 7) vont alors avoir pour but de
réduire les investissements publics et les frais de fonctionnement des prisons en confiant des fonctions
régaliennes à des personnes de droit privé.
Les programmes de construction pénitentiaire. Fin des années 80, le Garde des sceaux Albin
Chalandon en fonction à cette époque, met en oeuvre le programme 13 000, faisant appel au secteur
privé pour construire 25 nouveaux établissements pénitentiaires. Plus tard, l’Etat signe avec des
groupements d’entreprises des marchés confiant le fonctionnement de 21 établissements pénitentiaires
sur les vingt-cinq. Régi par la loi du 22 juin 1987, le programme 13000 concerne les établissements
pénitentiaires dont la construction, la cantine, l’alimentation des détenus, l’entretien et la santé des
personnes détenues sont confiés à des groupements privés. L’administration pénitentiaire conserve les
fonctions de direction, de greffe et de surveillance. Dans ce cadre, le Ministère de la Justice avait
comme ambition de rénover et d’améliorer les conditions de détention de ses plus anciennes prisons
(Fleury-Mérogis, la Santé à Paris, les Baumettes à Marseille).
C’est donc au travers de ces nouvelles méthodes de gestion et de contrôle que l’administration
pénitentiaire va petit à petit véritablement se transformer. Au fil du temps, divers programmes ont
permis de nouvelles constructions.
- Le Programme « Méhaignerie », a permis de lancer un programme de 4 000 places construisant
ainsi 6 établissements entre 2003 et 2005.
- Même si le Programme « Jospin » n’a pas lancé d’opérations concrètes, il a permis de prévoir des
financements partiels afin de lancer un vaste programme immobilier qui prévoyait notamment la
rénovation de grands établissements pénitentiaires et la construction de nouvelles prisons.
- Enfin, le 9 septembre 2002, le Programme « LOPJ » ou Loi d'Orientation et de Programmation pour
la Justice prévoit la construction de 13 200 places de détention dont 400 pour les mineurs et 12 800
pour les adultes.
Selon le Magistrat Pierre Darbéda, « des évaluations effectuées par diverses instances ont conclu de
manière générale au caractère positif du programme 13 000 dont certains n'hésitent pas à dire qu'il a
marqué une manière de « révolution culturelle » au sein de l'administration des prisons. (…) Après
Fleury-Merogis, la prison de l'époque des grands ensembles, Bois d'Arcy, la maison d'arrêt des villes
nouvelles, le programme 13 000 et le programme 4000 sont deux étapes fondamentales de nature
différente qui marquent et marqueront profondément l'architecture pénitentiaire. Ils influenceront
forcément les établissements pénitentiaires de l'avenir »69.
Une fois mises en exergue les différentes catégories d’établissements, il apparaît légitime de se
demander si celles-ci n’ont pas des répercussions considérables sur la vie en détention des détenus et
leur égalité de traitement.
68
Loi n°87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, Article 2, modifié par Loi n°2002-1138 du 9
septembre 2002 - art. 3 JORF 10 septembre 2002.
69
P. Darbeda, « Le Programme 4000 : Des prisons sûres et humaines », Rev. sc. crim., 2003, p. 396.
29
- L’alimentation en milieu carcéral -
Section 2. Une inégalité entre détenus ?
a.
Du règlement intérieur de chaque établissement pénitentiaire
Cadre général. Ce sont les articles 725 à 728 de la partie législative du Code de procédure pénale, qui
régissent les « dispositions communes aux différents établissements pénitentiaires » et qui traitent
notamment des modalités du suivi administratif d’un individu, devenu détenu, ainsi que de sa discipline.
Cependant, selon les dispositions de l’article 728 du Code de procédure pénale, il est nécessaire qu’« un
décret détermine l'organisation et le régime intérieur des établissements pénitentiaires 70». Ainsi, les
articles de la partie réglementaire complètent la partie législative avec les articles D. 148 à D. 539 du
même code. Le règlement intérieur est la norme écrite de référence, il détermine la conduite
disciplinaire du détenu. Tout détenu, à son arrivée, est averti de ces dispositions essentielles. Il reçoit
également le « Guide du détenu arrivant »71 plus condensé et retraçant les lignes directrices. (Annexe 2).
Nature des mesures. L’ensemble des mesures prises par le directeur (liste des produits, prix…) ne sont
pas des mesures d’ordre intérieur mais sont des instructions de service susceptibles d’un recours pour
excès de pouvoir devant le juge administratif72. En tant qu’usager du service public, le détenu est en
droit de revendiquer l’application d’un texte administratif et de contester les décisions de
l’administration.
Fonctionnement. Selon les dispositions des articles D.247 du CPP et D.255 du CPP, le règlement
intérieur « détermine le régime propre à l’établissement » et précise les heures de repas. Dès lors, il
appartient au directeur de prison d’organiser le fonctionnement de l’établissement pénitentiaire qu’il
dirige. La procédure d’établissement ou de modification du règlement intérieur, oblige le chef
d’établissement à le transmettre au Juge de l’application des peines pour avis puis au Directeur régional
de l’administration pénitentiaire pour approbation. La loi du 12 avril 2000 relative aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations a donné une valeur législative à ce qui n’avait
qu’une valeur réglementaire. Ainsi la mise à disposition et la diffusion du règlement intérieur aux
détenus par un accès direct et simple constitue une mission de service public73.
En 1999, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a, par un avis portant sur le
régime disciplinaire des détenus, évoqué la nécessaire « harmonisation nationale des règlements
intérieurs selon des critères généraux (…) afin qu’il soit mis un terme à une situation dans laquelle la
disparité entre les règlements intérieurs des différents établissements, édictés au gré de chaque
direction, entraîne une inégalité devant l’application de la loi »74. Le rapport CANIVET relèvera
également le souhait d’harmoniser ces documents, sources d’incertitude et d’inégalités entre détenus.
b. La gestion du pécule du détenu.
Les deniers du détenu. L’argent en liquide pour effectuer des achats est interdit, sous peine d’être
confisqué, versé au Trésor et considéré comme une faute disciplinaire. Par conséquent, un mécanisme
instituant un compte nominatif, géré par le comptable de l’établissement pénitentiaire (comptable
public), a été créé. Chaque détenu a ainsi son propre compte permettant d’inscrire les valeurs
70
Article 728, modifié par Loi 87-432 1987-06-22 art. 5-VI JORF 23 juin 1987
Ce guide renferme une série de questions/réponses accompagnées d’illustrations. (Voir annexe 2 en fin d’étude).
72
CE, 1 / 4 SSR, n° 191360, Publié au recueil Lebon, 18 mars 1998.
73
Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, article 2,
NOR: FPPX9800029L
74
CNCDH, Avis portant sur le régime disciplinaire des détenus, point VI et VII, 17 juin 1999.
71
30
- L’alimentation en milieu carcéral -
pécuniaires, à savoir, les sommes détenues lors de l’arrivée, les sommes gagnées par le travail ou
reçues de l’extérieur. Ces valeurs sont divisées en trois parts 75:
- La première sur laquelle seules les parties civiles et les créanciers d'aliments peuvent faire valoir
leurs droits ;
- la deuxième est affectée au pécule de libération et ne peut faire l'objet d'aucune voie d'exécution ;
- la troisième est laissée à la libre disposition des détenus. C’est sur cette « part disponible », que sont
imputés les achats effectués en cantine. Ces achats doivent être contrôlés par le chef d’établissement et
prévus par le règlement intérieur76. Selon la Cour des comptes, « ces sommes doivent être considérées
comme des deniers privés réglementés et gérés selon les mêmes règles que les deniers publics »77. Il
ressort d’une étude effectuée par l’administration pénitentiaire dans trois directions régionales (Lille,
Paris et Strasbourg)78, que l’alimentation représente l’une des dépenses majeures de consommation
effectuées en cantine (entre 53% et 58%).
Le « panier du détenu ».
Sorte de « panier de la ménagère », cet
outil, crée par l’administration
pénitentiaire, constitue l’agrégation du
prix de vingt produits jugés de grande
nécessité, tels que :
Chicorée-café soluble,
Bière sans alcool,
Eau minérale,
Lait,
Sucre,
Yaourt,
Coca Pepsi,
Œuf,
Harissa,
Huile,
Orangina.
Evolution du prix du panier du détenu (En euros)79
Prix moyen
Prix moyen
gestion pub.
Prix moyen
gestion mixte
Maisons d'arrêt
Centres de
détention
Maisons centrales
Centres
pénitentiaires
Oct-98
oct-01
oct-03
20,52
20,71
19,96
20,25
20,34
21,30
Var.
oct 03/98
-0,88 %
2,85 %
19,24
18,00
14,91
-22,51 %
20,88
19,44
20,23
19,27
21,02
18,44
0,67 %
-5,14 %
20,94
19,56
20,10
19,24
21,55
18,61
2,91 %
-4,86 %
Source : administration pénitentiaire
L’évolution du panier est propre à chaque établissement selon sa nature et sa taille. Ainsi, au regard des
données présentées ci-dessus, on remarque qu’en 2003, le prix du panier dans les maisons d’arrêt était
supérieur de 14% à celui pratiqué dans les centres de détention. L’activité pénitentiaire est telle qu’il
devient indispensable d’en contrôler l’exercice. De ce fait, l’intervention du législateur paraît essentielle
pour définir le niveau de coercition acceptable dans l’univers carcéral.
75
Article 728-1, modifié par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 - art. 171 JORF 10 mars 2004 en vigueur le 1er janvier 2005,
du Code de procédure pénale ainsi que l’article D320-3, créé par Décret n°2004-1072 du 5 octobre 2004 - art. 1 JORF 12
octobre 2004 en vigueur le 1er novembre 2004, du même Code..
76
Article D343, alinéa 2, modifié par Décret n°98-1099 du 8 décembre 1998 - art. 86 JORF 9 décembre 1998, CPP.
77
Garde et réinsertion, rapport public thématique, Cour des comptes, 2006.
78
Bureau de l'évaluation et du contrôle de gestion : gestion de la cantine des détenus, septembre 1998, page 19.
79
Cour des comptes, Garde et réinsertion, 2006, p79.
31
- L’alimentation en milieu carcéral -
Titre 2. Une problématique en devenir ?
Au fil des années, divers rapports ont été rendus afin de poser un constat évident de la nécessité
d’améliorer l’alimentation en milieu carcéral (Section 1). Le système français semble en effet montrer
ses limites auxquelles les acteurs concernés sont susceptibles de remédier (Section 2).
Section 1. Les divers rapports rendus notamment sur la thématique de l’alimentation en milieu carcéral.
a.
Rapport CANIVET sur le contrôle extérieur des établissements pénitentiaires80
«La prison est un lieu régi par le droit commun, dans lequel le détenu doit bénéficier d'un statut de citoyen
seulement privé de sa liberté de mouvement, et prenant en considération les recommandations internationales,
ainsi que les exigences d'un Etat de droit »81.
Mandat. En 1999, le groupe de travail présidé par M. Guy CANIVET, premier président de la Cour de
cassation, a été chargé par Madame Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, de réfléchir à un « contrôle
externe des prisons ». En mars 2000, la commission sur le contrôle extérieur des établissements
pénitentiaires a donc été mise en place. Source de vrais bouleversements en faveur de la défense des
droits de l'Homme, le rapport émet quelques pistes de réflexion. Le rapport a été soumis par le Garde
des Sceaux au Conseil supérieur de l'administration pénitentiaire. Les travaux de la commission ont
ainsi été examinés avec beaucoup d'attention par la commission d'enquête. A l’issue de cet examen, un
renforcement des contrôles exercés sur les établissements pénitentiaires est apparu nécessaire.
Réflexions. D’une part, le rapport encourage l’élaboration d’une « loi pénitentiaire » régissant les
prisons et qui définit les missions de l’administration pénitentiaire via des dispositions relatives au statut
du détenu et aux conditions générales de détention. D’autre part, il est apparu nécessaire de remettre à
plat des dispositions réglementaires en vigueur et d’uniformiser les règlements intérieurs par catégories
d’établissements. Enfin, créer de nouvelles structures semble utile.
Proposition de nouvelles structures.
- Un « contrôle général des prisons » : ses différentes compétences seraient le contrôle des conditions
générales de détention, de l'état des prisons, de l'application du statut des détenus, des rapports entre
administration et détenus, des pratiques professionnelles et de la déontologie des personnels
pénitentiaires, de leur formation, de l'organisation et des conditions de leur travail, de l'exécution des
politiques pénitentiaires ;
- Un corps de « médiateurs des prisons » : leurs compétences seraient le traitement des requêtes
déposées par les détenus, relatives à des différends les opposant à l'administration ;
- Des « délégués du médiateur des prisons » : ils auraient pour compétence l'observation des
conditions de détention et l'" intermédiation " dans les relations des détenus avec l'administration
pénitentiaire. Ces délégués seraient des citoyens bénévoles réunis dans un comité. Même si cela peut
paraître complexe à mettre en œuvre, la commission d’enquête du Sénat s’est demandée s’il n’était pas
plus légitime et simple de confier ces tâches aux délégués du Médiateur de la République déjà existants
dans le paysage français. En effet, ces collaborateurs représentant le Médiateur de la République
effectuent à l’échelon local leur activité bénévolement et ont une expérience du secteur public82.
80
Disponible sur : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/004001169/0000.pdf [consulté le 29 juin 2009]
Canivet. G., Amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, Collection des rapports officiels, Paris,
La documentation française, 2000, p177.
82
A titre informatif, en France il existe 338 points d’accueil : Informations disponibles sur le site : http://www.mediateurrepublique.fr/Accueil, [Consulté le 7 juin 2009]
81
32
- L’alimentation en milieu carcéral -
b.
Sénat : Rapport de la Commission d’enquête sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires en France
« Des prisons républicaines aux oubliettes de la société » 83.
Bref rappel. Depuis la loi renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des
victimes du 15 juin 200084 « les députés et sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les locaux
de garde à vue, les centres de rétention, les zones d'attente et les établissements pénitentiaires"85. Ainsi,
les Commissions d’enquête, organes du Parlement sont autorisées, et naturellement compétentes, à
visiter les établissements pénitentiaires dans le cadre de l’exercice des missions de contrôle dont le
Parlement est investi. (Annexe 8)
Création d’une Commission d’enquête. En France, chaque commission d’enquête est formée au sein
de l'Assemblée nationale ou du Sénat et a pour mission de « recueillir des éléments d'information soit
sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de
soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les ont créées » (article 6-I de l'ordonnance n°58-1100 du
17 novembre 1958). Elles sont souvent créées lors de problèmes graves et ayant eu un fort impact sur la
population. La Commission d’enquête a d’ailleurs sur ce point fait ressortir la nécessité que
l’administration pénitentiaire initie une « démarche qualité » sur la mise en œuvre de la réglementation.
Par conséquent, l’alimentation des prisonniers doit être considérée comme une préoccupation majeure.
Proposition de Résolution. Selon les dispositions de l’article 11 du Règlement du Sénat86, la création
d’une commission d’enquête est soumise au vote d’une proposition de résolution, suffisamment précise
sur les faits ou sur l’établissement à examiner. Cette proposition de résolution est déposée et envoyée à
la commission permanente compétente. Ainsi la proposition de résolution n°165, tendant à créer une
commission d’enquête sur les conditions de détentions dans les maisons d’arrêt, a été présentée par M.
Robert BADINTER et a permis d’instituer le 10 février 2000 une commission d'enquête de vingt et un
membres (nombre maximal) « sur les conditions de détention des détenus dans les maisons d'arrêt,
ainsi que sur l'étendue et l'effectivité des contrôles relevant des autorités judiciaires et
administratives ». Un programme d'auditions lui a permis d'entendre sous serment les principaux
responsables et acteurs du monde pénitentiaire. Dès lors, la commission d’enquête du Sénat a élaboré
son rapport sur les « conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France »87 dans
vingt-huit établissements. Cette commission d’enquête a été créée à la suite notamment de l’ouvrage de
Véronique VASSEUR, Médecin chef à la prison de la santé,88 qui a eu certaines répercussions dans le
milieu pénitentiaire.
Contenu du rapport. Deux parties sont intégralement consacrées aux observations relatives à
l’alimentation des détenus. La première, intitulée « les conséquences de la surpopulation des maisons
d’arrêt », traite de la qualité de la nourriture considérée comme « variable ». Il ressort du rapport que la
nourriture est fortement différente d’un établissement à un autre, notamment pour des raisons de budget,
« d’ingéniosité du cuisinier » et de surpopulation carcérale. Plusieurs problèmes sont soulevés par la
Commission ; notamment la nourriture froide présentée aux détenus en raison de la configuration
83
Prisons, une humiliation pour la République, Commission d’enquête parlementaire sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires en France, J-J Hyest et G-P Cabanel : Coll. Les rapports du Sénat, doc. adm. n°449, 1999,
2000. Disponible sur http://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-449_mono.html#fnref2 [Consulté le 7 juin 2009]
84
Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 - art. 129 JORF 16 juin 2000
85
Article 720-1-A, créé par Loi n°2000-516 du 15 juin 2000 - art. 129 JORF 16 juin 2000 puis
transféré par Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 - art. 168 JORF 10 mars 2004 en vigueur le 1er janvier 2005
86
Règlement disponible sur le site : http://www.senat.fr/reglement/reglement_mono.html [Consulté le 7 juin 2009].
87
Prisons, une humiliation pour la République, Commission d’enquête parlementaire sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires en France, J-J Hyest et G-P Cabanel : Coll. Les rapports du Sénat, doc. adm. n°449, 1999,
2000.
88
VASSEUR Véronique, Médecin chef de la prison de la Santé, Le Cherche-Midi, 2000.
33
- L’alimentation en milieu carcéral -
vétuste des bâtiments et du manque d’entretien des ascenseurs, l’insuffisance des portions et du
‘‘calibrage’’ même si le dosage calorique des repas est précis. Une différence est notée également entre
gestion publique et gestion mixte. En effet, « une portion de frites calculée à 100-110 grammes en
gestion déléguée, sera davantage de l’ordre de 300 à 400 grammes dans un établissements à gestion
classique ». La seconde partie consacrée à l’alimentation présente la cantine comme un système
« baroque et inégalitaire » qui, même si elle a contribué à l’amélioration des conditions matérielles, a
surtout renforcé les inégalités.
Propositions de la commission. La commission suite à ses diverses auditions et constatations,
encourage notamment l’élaboration d’une grande loi pénitentiaire ; même si la loi n’est sûrement pas la
seule solution pour améliorer les conditions de détention, elle a le mérite d’élargir le débat public. Par la
suite, la commission propose de mieux définir les droits et les devoirs des détenus en réformant
notamment le système des cantines par une harmonisation et une réduction des tarifs pratiqués. Elle
souhaite plus de transparence de la part de l’administration pénitentiaire qui ne devrait imputer sur les
détenus la seule réalisation de bons de cantine et non des frais annexes (stockage, chariots de
distribution...), qui sont du ressort de la politique d’amélioration des conditions de détention des détenus
normalement prise en charge par l’administration. Cette administration pénitentiaire a d’une part, des
missions d’exécution des décisions et sentences pénales et de maintien de la sécurité publique (Garde)
et d’autre part, elle a pour but de favoriser la réinsertion sociale des personnes qu’elle accueille
(réinsertion). Ainsi, la Cour des comptes a été amenée à se prononcer sur ces deux missions régaliennes.
c.
Rapport public thématique de la Cour des comptes89. (Annexe 6)
« Il n’existe aucune donnée de synthèse permettant de dresser un bilan de la situation des prisons en
matière d’alimentation »90
Garde et réinsertion. Par une conférence de presse du 19 janvier 200691, M. Philippe SÉGUIN a
présenté le rapport public particulier « Garde et réinsertion-la gestion des prisons » de la Cour des
comptes, Cour dont il est le premier président. Ainsi, « la Cour a choisi de mener une analyse du
fonctionnement de notre système pénitentiaire au seul regard de l’exercice des fonctions qui sont
directement liées à la vie quotidienne des détenus et à la manière dont peut être exécutée leur peine, y
compris en dehors de la prison ».
Analyse de l’alimentation. Le rapport consacre une partie aux insuffisances de l’alimentation. Il pose
ainsi le constat selon lequel, d’une part, l’alimentation des détenus n’est pas considérée comme normale
et que les règles régissant la restauration collective ne sont pas toujours appliquées correctement.
D’autre part, il met en avant le fait que la cantine illustre autant un manque d’uniformisation des
situations selon les types et la taille des établissements, qu’une absence de règles. Au regard des
tableaux 1 et 2 (Annexe 6), la Cour des comptes a pu constater par exemple que le chiffre d’affaires de
cantine par jour de détention des plus petits établissements, non autonomes, ne représentait que 43% de
celui des établissements de 200 à 500 places. Par ailleurs, en 2003, les montants cantinés par jour en
centres de détention étaient supérieurs de 69% à ceux cantinés en maisons d’arrêt. Cela prouve l’écart
89
Selon l’article 47-2 alinéa 1 créé par la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des
institutions de la Ve République (1)- art. 22 « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du
Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de
l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. Par ses
rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens ».
90
Garde et réinsertion,
rapport public thématique, Cour des comptes, 2006. Disponible sur :
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/RPT/RapportGestionPrisons2.pdf [consulté le 23 juin 2009]
91
Conférence disponible sur le site :
http://www.ccomptes.fr/fr/CC/documents/Allocutions/AllocutionGestionPrisons.pdf [Consulté le 8 juin 2009]
34
- L’alimentation en milieu carcéral -
des niveaux de vie et des salaires en prison. Par ailleurs, la Cour pointe du doigt l’« archaïsme des
procédures et l’absence d’un système de gestion performant au sein de l’administration pénitentiaire ».
Constat. Deux informations permettent de démontrer que la situation n’est pas satisfaisante. Tout
d’abord, une analyse des taux alimentaires montre que la dépense de l’administration pénitentiaire pour
l’alimentation des détenus a diminué en euros constants. En effet, au cours de la période 1998-2003, les
taux ont progressé de 9.35% alors que sur 2000-2003, la progression est de 7.04%. La comparaison
entre les sommes consacrées respectivement aux achats alimentaires par l’administration pénitentiaire et
par l’armée constitue l’autre facteur pouvant expliquer cette situation très défavorable. En effet, en 1972
il existait une règle qui n’existe plus de nos jours. La prime d’entretien des détenus était fixée sur le
montant de la prime d’alimentation des militaires. Ainsi, elle représentait 85% de celle-ci. Aujourd’hui,
« les sommes consacrées à l’administration pénitentiaire sont inférieures de plus de 70% ».
Section 2. Les actions susceptibles d’améliorer l’alimentation.
a. Les actions isolées
- Rapport DELARUE ou l’état de la « France captive ». Jean-Marie DELARUE, contrôleur
général des lieux de privation de libertés a été nommé le 13 juin 2008 par décret présidentiel pour
exercer un contrôle sur différents lieux de détention. Cette institution indépendante a en effet tout
pouvoir pour procéder à des visites inopinées dans les lieux qu’elle souhaite. Suite à ses visites, JeanMarie DELARUE a rendu public un rapport sur l’état « de la France captive » retraçant ainsi la situation
« grave » dans laquelle se trouve la France. Jean-Marie DELARUE, a remis son premier rapport
d’activité 2008 aux présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat92. Ainsi, le chapitre 7 est consacré
à la visite effectuée à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-saône dont les recommandations ont été
rendues publiques le 6 janvier 200993 (Annexe 10).
De cette partie, il ressort une fois de plus que la fourniture des repas, confiée à la société EUREST, ne
semble pas être conforme aux qualités nutritionnelles exigées. En effet, « la majorité des détenus se
plaignent de (l’insipidité des aliments), de leur aspect peu appétissant, ‘‘pour ne pas dire
immangeable’’ ». Le système du cantinage apparaît donc ici indispensable pour agrémenter l’ordinaire,
en tout cas pour ceux qui en ont les moyens. Comme il a déjà été illustré auparavant, les détenus
disposent de deux moyens pour faire cuire leur produis cantinés, un système d’huile qui dégage une
fumée noire dangereuse ou des pastilles combustibles dont les effets cancérigènes sont nettement avérés
et reconnus par l’administration pénitentiaire. La solution serait donc d’introduire des plaques
chauffantes de puissance limitée. Ainsi, à la suite de leurs visites, les contrôleurs, dont Jean-Marie
DELARUE, ont émis le souhait de voir s’améliorer la restauration dans de meilleures conditions
sanitaires imposant ainsi « l’autorisation des plaques chauffantes en détention et l’organisation d’un
petit-déjeuner ».
- Marie-LINE HUC, diététicienne. Dans le cadre du financement du GRSP (Groupement Régional de
Santé Publique), une étude sur l’offre alimentaire proposée aux personnes incarcérées à la maison
d’arrêt d’Angoulême ainsi qu’à celle de Poitiers, a été réalisée et achevée en mars 2007, par la
diététicienne Marie-Line HUC pour le compte de la DRASS (direction régionale des affaires sanitaires
et sociales) de Poitou-Charentes. Le CERIN (centre de recherche et d’information) l’a d’ailleurs
récompensée. Marie-Line HUC au cours de divers audits en cuisine, a constaté de nombreux
manquements aux prescriptions de l’arrêté du 29 septembre 1997 fixant les conditions d’hygiène
92
Rapport disponible sur le site : http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2009/04/rapport-annuel.pdf
[consulté le 8 juin 2009]
93
Recommandation du 24 décembre 2008 relative à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-saône, NOR : CPLX08231333X.
(Annexe 10)
35
- L’alimentation en milieu carcéral -
applicables dans les établissements de restauration collective à caractère social. Marie-Line HUC a
notamment procédé à une analyse de l’existant, une simulation des apports nutritionnels, l’organisation
d’ateliers et à une enquête auprès des détenus sur leur alimentation94. A l’issue de l’évaluation de cette
offre alimentaire, elle a pu constater que l’alimentation est autant déficitaire en fruits et légumes (55%
des apports recommandés) et produits laitiers (25%), qu’excédentaire en graisses saturées. Ce qui
provoque chez les détenus des maladies cardio-vasculaires et des risques de fragilité osseuse. Il est
regrettable de constater que pour des raisons essentiellement budgétaires les propositions de Marie-Line
HUC, pour remédier à ses insuffisances ont été rejetées dans leur ensemble.
- Le GENEPI (Groupement Etudiant National d'Enseignement aux Personnes Incarcérées). Créée
en mai 1976, cette association loi 1901 à but non lucratif a pour objectif la réinsertion des personnes
incarcérées et l’organisation d’évènements à l’extérieur de la prison pour informer et sensibiliser le
public sur le monde carcéral. Le GENEPI se prononce d’une part, pour « la mise en place effective de
menus spécifiques » en direction de personnes malades ou de convictions religieuses ou philosophiques.
Cette exigence issue des dispositions réglementaires n’est bien souvent pas respectée à la lettre95.
D’autre part, il estime qu’une réflexion doit permettre à terme de fournir « une autonomie maximale aux
personnes détenues en matière d’alimentation ».
Cela permettrait en effet au détenu de gérer seul son alimentation à l’aide de matériel de cuisine mis à
sa disposition et de faire lui-même le choix de ses produits. Le GENEPI s’exprime ensuite sur la
question des cantines. En effet, cette institution nécessite de nombreuses améliorations. Il propose ainsi
que les prix pratiqués en cantine correspondent à ceux du marché, que les différences entre
établissements cessent, qu’il existe une rationalisation des politiques d’achat permettant ainsi une
revalorisation du budget consacré à l’alimentation et enfin que la cantine offre un choix plus varié des
produits. Le GENEPI rappelle que compte tenu des divers documents relatifs aux conditions de
détention en France, une réelle transparence est souhaitable afin que le fameux « rendez-vous de la
France avec ses prisons » prôné par le Ministère de la Justice, puisse enfin avoir lieu au sujet du projet
de loi pénitentiaire.
b.
Une possible loi fondamentale sur le service public pénitentiaire ?
« Cela fait dix ans que nous attendons la loi pénitentiaire,
après tant d'attente, cela méritait qu'on ait droit à la discussion »96
Cheminement parlementaire. Le 6 mars 2009, un projet de loi a été adopté par le Sénat97 après
déclaration d’urgence pénitentiaire. Ce dernier a été transmis et enregistré à la Présidence de
l’Assemblée Nationale le 9 mars 200998. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008,
l’appellation de la « procédure d’urgence » est désormais abandonnée au profit de celle de « procédure
accélérée ». Ainsi, il est prévu à l’article 45 de la Constitution, que le Gouvernement peut décider
« d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement
opposées, après une seule lecture par chacune d'entre elles ». Cependant, la gravité du sujet aurait du
amener le gouvernement à adopter ce texte au cours d’un débat long et exigeant et non dans la
précipitation limitant ainsi toute discussion. Sur ce point, le Sénat et l’Assemblée nationale émettent
leurs plus vives critiques.
Objectifs. Le principal objectif est de doter la France d’une loi fondamentale sur le service public
pénitentiaire au travers de quatre préoccupations, découlant notamment du large champ couvert par les
94
CERIN, « Enquête alimentaire à la maison d’arrêt d’Angoulême », Alimentation et précarité, n° 41/2008.
Voir notamment les témoignages en annexe 1.
96
Robert Badinter, sénateur socialiste des Hauts-de-Seine et ancien garde des Sceaux.
97
Sénat, Projet de loi pénitentiaire, texte n° 59 (2008-2009), 6 mars 2009
98
Assemblée Nationale, Projet de loi transmis par M. le premier ministre à M. le Président de l’Assemblée Nationale, texte
n°1506, 9 mars 2009.
95
36
- L’alimentation en milieu carcéral -
RPE : garantir les droits fondamentaux des détenus en les considérant comme de véritables citoyens,
améliorer la reconnaissance des personnels en leur apportant une meilleure protection juridique,
développer les aménagements de peine pour éviter la récidive et enfin harmoniser l’application des RPE
et plus précisément le principe « un détenu, une place », selon lequel chaque détenu est placé dans une
cellule individuelle. Il ressort de ce projet de loi un renforcement du contrôle et de l’évaluation de
l’administration pénitentiaire.
Contenu. Il est regrettable de la part du gouvernement de ne pas avoir prévu dans ce projet de loi des
dispositions spécifiques au régime alimentaire des détenus comme l’avait fait par exemple le rapport du
Sénat en 2000, en consacrant des parties entières à la nourriture et à la cantine. Ce projet de loi ne
consacre en effet que quelques lignes au sein de la section consacrée à la « santé », en prévoyant qu’il
appartient à l’administration pénitentiaire d’assurer « un hébergement, un accès à l’hygiène, une
alimentation et une cohabitation propices à la prévention des affections physiologiques ou
psychologiques (des personnes détenues)’’.
Nouveautés. La création d’un Conseil d’évaluation est prévue à l’article 2 ter « auprès de chaque
établissement pénitentiaire afin d'évaluer les conditions de fonctionnement de l'établissement et de
proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer. La composition et le fonctionnement
de ce conseil sont déterminés par décret ». Ce nouveau Conseil d’évaluation a pour but de remplacer la
Commission de surveillance chargée à ce jour de surveiller auprès de chaque établissement pénitentiaire
le régime alimentaire des détenus. Pour ce faire, sa mission consiste à visiter les lieux de détention et
dresser des procès-verbaux des plaintes que les détenus sont en droit de lui adresser. Dans son rapport,
la Commission d’enquête avait constaté « que la commission de surveillance ne joue plus aujourd’hui
un rôle aussi actif dans le fonctionnement des établissements pénitentiaires ».
Il importe de préciser que la surveillance des conditions de détention dans les établissements
pénitentiaires se fait également par les magistrats selon les termes des articles D.176 à D.179 du CCP.
Ainsi l’article D.177 prévoit que « Conformément aux dispositions de l'article 222, le président de la
chambre d'instruction visite, chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par trimestre, les
maisons d'arrêt et les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs du ressort de la cour
d'appel, et y vérifie la situation des personnes mises en examen en état de détention provisoire »99.
Une loi pénitentiaire actuellement en discussion. Il ressort du rapport annuel d’application des lois
2008100 du Sénat que le taux d'application des lois votées après déclaration d'urgence est seulement de
10% pour la période 2007-2008. Il est donc fortement légitime de vouloir écarter cette procédure
d’urgence (nouvellement « procédure accélérée »). Désormais, la révision constitutionnelle de 2008
permet aux Conférences des Présidents101 d’éviter celle-ci par une demande conjointe. Ainsi, Bernard
Accoyer, président de l’Assemblée nationale ainsi que Gérard Larcher, président du Sénat, contestent
cette demande d’urgence en opposant leur véto par une demande écrite au Premier ministre. Selon les
propos du président du Sénat, « il y a une urgence d’application mais c’est un texte de dignité qui
nécessite de prendre le temps du débat. Je pense que le Premier ministre l’accordera »102. Cela devrait
permettre ainsi une amélioration de la loi par des débats éclairés et réclamés par divers politiciens,
notamment par Robert Badinter.
99
Article D177, modifié par Décret n°2007-749 du 9 mai 2007 - art. 10 JORF 10 mai 2007 en vigueur le 1er juin 2007
Disponible sur le site http://www.senat.fr/rap/apleg_08/apleg_08_mono.html [Consulté le 5 juin 2009].
101
Conférences composées au Sénat et à l’Assemblée nationale, du président, des vice-présidents, des présidents des groupes
parlementaires, des présidents des commissions permanentes et des commissions spéciales, du rapporteur général de la
commission des Finances, et du président de la commission chargée des Affaires européennes.
102
Gérard Larcher , « Le Sénat doit faire entendre sa différence », Var-matin, 7 mars 2009. Disponible sur :
http://www.ump-senat.fr/Gerard-Larcher-Le-Senat-doit-faire.html?debut_arts=30 [consulté le 30 juin 2009].
100
37
- L’alimentation en milieu carcéral -
CONCLUSION
« Ni faim , ni soif; ça ne lui coûterait rien , et les gueux qui n'aiment pas voler s'en trouveraient mieux.
— Tu as eu faim , tu as eu froid , et tu n'as pas volé , Chourineur ?
— Non ! et pourtant j'ai eu crânement de la misère, allez... J'ai fait la tortue quelquefois pendant deux jours, et
ça... plus souvent qu'à mon tour... Eli bien ! je n'ai pas volé.
— Par peur de la prison?
— Oh ! c'te farce ! dit le Chourineur en haussant les épaules et riant aux éclats. J'aurais donc pas volé du pain
par peur d'avoir du pain?... Honnête, je crevais de faim ; voleur, on m'aurait nourri en prison... et fièrement
bien, encore !... Mais non, je n'ai pas volé parce que.. . parce que. . . enfin parce que ça n'est pas dans mon idée
de voler, quoi donc ! . . . »103
Ce que fait dire Eugène SUE en 1843 à son personnage le « Chourineur » semble illustrer parfaitement
la dégradation des situations françaises à ce jour. En effet, de nos jours, nos prisons françaises sont loin
de nourrir fièrement leurs détenus... Des améliorations semblent donc envisageables pour des questions
essentiellement d’hygiène mais aussi de santé publique.
Comme cette étude l’a démontré, la vie en détention prive déjà le détenu de sa liberté d’aller et venir,
elle ne doit donc pas devenir le lieu d’éventuelles dérives qui laisseraient ainsi place à de potentiels
déséquilibres de la part des détenus. En effet, une mauvaise alimentation peut avoir des conséquences
considérables en termes de nutrition sur les détenus et ainsi leur causer des troubles graves de santé
pouvant aller jusqu’au suicide. Ainsi, une alimentation adaptée à leurs besoins, équilibrée et variée et
accompagnée d’éventuels « ateliers de cuisine » auquel la participation reste au bon vouloir des détenus,
les inciterait sans doute à vouloir être meilleurs pour eux-mêmes mais aussi à l’égard de leurs codétenus. L’alimentation renvoie souvent à la notion de plaisir et de sociabilité et elle prend une
dimension supplémentaire pour les détenus que l’enfermement rend passifs et isolés.
La loi pénitentiaire présentée par le Garde des Sceaux, Rachida Dati, permettrait donc d’apporter des
améliorations au milieu carcéral et servirait de cadre de référence global sur le service public
pénitentiaire. Selon le Ministère de la Justice, le projet de loi tente notamment d’apporter plus de clarté
sur les missions confiées au service public pénitentiaire et les conditions de son exercice, de garantir
que les droits fondamentaux soient reconnus à chacun des détenus et de généraliser la mise en oeuvre
des règles pénitentiaires européennes.
Bien que le sujet de l’alimentation en milieu carcéral puisse paraître pour certains « secondaire », il est
nécessaire de garder à l’esprit que son amélioration permettrait aux détenus de purger leur peine dans
des conditions de détention ne violant pas leurs droits. En effet, le but de la prison n’est pas de rendre
un individu dépendant et délaissé par la société mais bien apte à être réinséré dans la vie quotidienne
une fois ses années de prisons terminées. Sur ce point, Jean-Marie DELARUE, a indiqué dans son
rapport qu’ « il y aura des modifications importantes en prison qu’au jour où l’opinion aura compris
que sa propre sécurité passe par une amélioration substantielle de la détention ». A méditer donc….
103
Extrait de : Eugène Sue, Les Mystères de Paris, 1843
38
- L’alimentation en milieu carcéral -
BIBLIOGRAPHIE
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•
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•
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malbouffe carcérale''», Dedans dehors, n°64 , février 2008, p10 à 14.
Documents radiophoniques
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Disponible sur : http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/casebouffepas/index.php?id=60631
[consulté le 8 avril 2009]
43
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXES
•
ANNEXE 1 - TEMOIGNAGES
•
ANNEXE 2 - GUIDE DU DÉTENU ARRIVANT (extrait)
•
ANNEXE 3 - Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la
visite effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en France du 6 au 18
octobre 1996.
•
ANNEXE 4 - Jurisprudence CEDH.
•
ANNEXE 5 - Aspects historiques de la cantine.
•
ANNEXE 6 - Rapport public thématique de la Cour des comptes (extrait)
•
ANNEXE 7 - LE PROGRAMME 13000
•
ANNEXE 8 - Les lieux de déplacements de la commission d'enquête (extrait)
•
ANNEXE 9 - Recommandation relative à la nutrition du 4 mai 2007 Groupe
d'étude des marchés de la restauration collective et de nutrition (GEMRCN)
Observatoire économique de l'achat public
•
ANNEXE 10 - RECOMMANDATION du 24 décembre 2008 relative à la maison
d’arrêt de Villefranche-sur-Saône
•
ANNEXE 11 – EXEMPLE DE LISTE DE PRODUITS CANTINABLES.
•
ANNEXE 12 - Règles pénitentiaires européennes 2006. (extrait)
•
ANNEXE 13 – Ouvrage : Médecin chef à la prison de la santé, Véronique
VASSEUR (extrait)
44
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 1
TEMOIGNAGES
« 1019 jours de détention… ou la vie en prison, vue du dedans, comme si vous y étiez… »
Selon ce témoignage d’un ancien détenu104, « pour la quasi-totalité des détenus, il y a la nécessité de
"cantiner", parce que ce qui est servi, ne plaît pas et/ou n'est pas suffisant en quantité ou manque de diversité.
En général, une fois par semaine, les bons de cantine sont distribués aux détenus ainsi que la liste des produits
disponibles. Les détenus indiquent leur identité (nom, prénom, numéro de cellule), il date et signe le bon. Le
produits cochés par les détenus sont remis ultérieurement. Il y a même des produits frais comme pâtisserie
(chaque semaine), beurre, salade, viande fraîche, laitages ou des plats cuisinés (en boîte). Certains ont un frigo
(loué 9,15€/ mois). L'arrivée des victuailles venant des familles est exceptionnelle : 5 kgs à Noël, en une ou 2 foi.
Ces cantines nous sont livrées, à jour prévu, en cellule avec un bon de livraison qui donne le détail des prix et le
solde restant du pécule disponible + un récapitulatif mensuel.
Au niveau "cuisson", c'est un peu la galère, mais est vendu un réchaud à alcool solidifié (je n'en ai pas - c'est pas
terrible et ça sent mauvais), mais je connais ce mode de cuisson que nous avions à l'armée. En fait, je "cuis" au
bain-marie, c'est plus long, mais aussi efficace (sans odeur).
Il y a 9 listes + 1 liste "exceptionnelle" sur laquelle on peut faire des demandes "exceptionnelles" qui passent à la
"censure" et qui parfois arrivent. Ce peut être des baskets (de marque) et des vêtements de sport, et même des
produits protéinés et vitaminés (pour les sportifs), ou des produits audio et CD.
Tout cela est donc bien organisé, et fonctionne relativement bien.
Cela occupe 3 surveillants et 4 auxi (détenus) + ceux qui réceptionnent et préparent (pesage des fruits). En
principe, ces marchandises ne doivent pas circuler de cellule en cellule, mais il existe une certaine entraide : "on
dépanne", surtout en ce qui concerne le tabac qui se donne, se prête, se rend, se roule. Bref, c'est une demande
permanente et celui qui ne fume pas (comme moi) est un zombie.
Il y a aussi les profiteurs - toujours les mêmes. Pour finir ce chapitre "gamelle" et "cantine", on peut dire que
l'on peut ne manquer de rien, mais pour certains, c'est dur..., surtout s'il n'y a pas d'aide (possible) de la
famille »
DEDANS DEHORS,
Source : Observatoire international des prisons, section française, « La mal bouffe carcérale », Dedans
dehors, n°62 , juillet-Août 2007, p 24.
Témoignage. Alain C., incarcéré en maison d’arrêt, avril 2007.
« Je suis édentée et mon état bucco-dentaire nécessite une alimentation mixée et semi-liquide. Dans la maison
d’arrêt où je fus affecté après un séjour à l’hôpital, il n’était pas distribué de repas mixés. Seuls m’étaient donnés
cinq yaourts et six compotes par jour. Cette situation a frappé quelques surveillants qui m’ont apporté des briques
de soupe ».
Témoignage, Fabrice S., incarcéré au centre de détention de Salon-de-Provence, juin 2007.
« La quantité des repas est impeccable pour un régime amaigrissant, car si on reste à la « gamelle » on peut
perdre dix kilos en deux mois. On peut cantiner de tout, mais il faut avoir les moyens, car la société qui gère les
cantines « ne se mouche pas avec les doigts ». En clair, si l’on est indigent, on ressort svelte, voire maigre ».
104
« 1019 jours de détention… ou la vie en prison, vue du dedans, comme si vous y étiez… » Clémence et Paul Denis,
blog « 34 mois en prison » : http://34moisenprison.blogs.nouvelobs.com/livre/
45
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 2
GUIDE DU DÉTENU ARRIVANT105
(extrait)
· Je suis incarcéré
Je passe au greffe.
On enregistre mon identité et le document qui justifie mon incarcération.
Je reçois un numéro d'écrou, qui va m'identifier tout au long de ma détention.
Je passe au vestiaire pour y déposer mes papiers d'identité, et tout objet que j'ai sur moi.
Je suis soumis à la fouille : je dois enlever tous mes vêtements, ils sont aussi fouillés. L'argent que j'ai
et mes bijoux sont enregistrés et déposés dans un coffre à la comptabilité.
Je bénéficie d'une douche (en cas d'entrée tardive, dès le lendemain matin).
J'ai eu ou je vais avoir un bref entretien avec un responsable. Je pourrai lui signaler un problème de
santé, ou toute difficulté. La première nuit, je suis placé dans une cellule d'arrivant, seul ou avec un
autre détenu.
Dans les 24 heures (sauf le week-end), je suis reçu par un directeur, un travailleur social et le plus
rapidement possible par le médecin.
· Je suis incarcérée
Les femmes sont concernées par toutes les informations de ce guide.
De plus :
Je suis obligatoirement détenue dans un établissement ou un quartier d'établissement distinct de celui
des hommes.
Je ne suis fouillée que par des femmes surveillantes.
Seul le personnel masculin autorisé par le chef d'établissement accède à la détention des femmes.
Je peux demander à garder près de mois mon enfant jusqu'à ce qu'il ait 18 mois (si je suis bien titulaire
de l'autorité parentale). Pour le garder au-delà de 18 mois, je dois en faire la demande au directeur
régional, qui en décide après avis d'une commission consultative. Toute les décisions concernant mon
enfant m'appartiennent (ainsi qu'à son père, s'il a l'autorité parentale).
Si je suis enceinte je bénéficie d'un suivi médical adapté. Mon accouchement se déroulera dans un
service hospitalier.
· Qu'est-ce qui se passe pour mon argent ?
La comptabilité m'ouvre un compte nominatif qui enregistre entrées et sorties d'argent.
Les sommes que je reçois sont disponibles pour la cantine si elles ne dépassent pas 1 200 F. Au-dessus
de 1 200 F elles sont réparties en trois parts.
Par exemple, pour 1 800 F, les 600 F, au-dessus de 1 200 F, sont répartis ainsi :
- 80 % disponibles pour la cantine
- 10 % réservés au paiement des victimes et des pensions alimentaires
- 10 % réservés pour ma libération, qui me seront rendus à ma sortie.
Je dois
- payer en plus les indemnités prononcées au profit des victimes
Je ne dois pas
en détention avoir d'argent en espèces, ni chéquier, ni carte de paiement.
Je peux
- recevoir de l'argent, actuellement par mandat postal, de ma famille, des titulaires d'un permis de visite
ou des personnes autorisées par le chef d'établissement ; bientôt je pourrai me faire remettre un chèque ;
- pour toute difficulté sur mon compte, écrire au chef de la comptabilité ;
105
Issu du rapport « Les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France (tome 1, rapport) ».
46
- L’alimentation en milieu carcéral -
- envoyer un mandat postal à ma famille avec l'autorisation du directeur ;
- faire une procuration à un membre de ma famille pour les opérations bancaires à l'extérieur.
Je ne peux pas
- recevoir de l'argent dans une lettre,
B)recevoir de l'argent au parloir.
· Comment faire des achats ?
Les achats s'effectuent par l'intermédiaire du service de cantine. Des bons de cantine pour les achats
courant sont distribués (produits d'hygiène, alimentation, tabac, journaux, produits d'entretien). Les
commandes et livraisons obéissent à un calendrier hebdomadaire (voir le règlement intérieur de
l'établissement).
Mes achats sont débités sur la part disponible de mon compte. Les produits d'hygiène et d'entretien me
seront renouvelés si j'en ai besoin.
· Si je ne suis pas d'accord avec une décision qui concerne ma détention ?
Le règlement intérieur donne la liste des autorités judiciaires et administratives auxquelles il est possible
d'écrire sous enveloppe fermée.
Je peux
- demander au directeur de revenir sur une décision,
- écrire au directeur régional si je ne suis pas satisfait de la réponse,
- écrire au directeur de l'administration pénitentiaire ou au ministre de la justice si je ne suis pas satisfait
de la réponse du directeur régional,
- dans une enveloppe fermée écrire à tous les services de l'établissement,
- écrire aux autorités judiciaires (juge de l'application des peines, ou procureur de la République ou juge
d'instruction, ou juge des enfants si je suis mineur) pour un problème concernant les conditions de
détention, l'exécution ou l'application de la peine,
- exercer un recours devant le tribunal administratif,
- exercer un recours devant la Cour européenne des droits de l'Homme,
- déposer plainte en écrivant au procureur de la République.
47
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 3
Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée par le Comité
européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) en France du 6 au 18 octobre 1996.
(extrait)
C. Etablissements pénitentiaires
a. Mauvais traitements
b. Conditions de détention
a.remarques préliminaires
b. visite de suivi au centre pénitentiaire de Marseille "Les Baumettes"
i. conditions matérielles de détention
ii. activités hors cellule
iii. alimentation des détenus
iii. alimentation des détenus
91. Lors de sa première visite au centre pénitentiaire, le CPT avait relevé qu'à la maison d'arrêt pour
femmes, il y avait de réelles difficultés pour servir des repas chauds aux détenues. A présent, des
chariots chauffants permettent d'assurer que les repas soient maintenus à la température voulue jusqu'à
réception par leurs destinataires.
92. Le CPT avait aussi indiqué au paragraphe 168 de son rapport établi suite à la visite précitée, qu'un
réexamen des régimes alimentaires spéciaux s'avérait nécessaire. Dans leur réponse, les autorités
françaises avaient assuré que les repas fournis par la cuisine des "Grandes Baumettes" répondaient aux
normes requises et qu'une diététicienne était en cours de recrutement pour satisfaire à la remarque
spécifique du CPT sur les régimes alimentaires.
93. En ce domaine, il semble que la situation n'ait pas évolué aussi positivement que les autorités
françaises l'ont souhaité. En effet, des membres du personnel médical ont fait part à la délégation de
toute une série de préoccupations concernant l'alimentation des détenus. Apparemment, les conditions
de travail et d'hygiène à la cuisine du centre pénitentiaire étaient telles que le visa médical prévu par le
cahier des charges était refusé. De plus, la quantité de nourriture distribuée n'était pas considérée
comme suffisante. Quant aux régimes alimentaires spéciaux, ceux-ci ne pouvaient pas être préparés
convenablement et leur variété était limitée (seuls trois régimes étaient proposés). Finalement, la
distribution des repas à la maison d'arrêt pour hommes a été qualifiée d'inadéquate : ceux-ci étaient
conditionnés dans des barquettes en aluminium ne permettant pas de préserver leur température.
Dans ce contexte, la direction de l'établissement a indiqué que plusieurs mesures étaient prévues dans le
cadre des travaux de rénovation à effectuer. La cuisine desservant le centre pénitentiaire devrait être
modernisée et installée dans des locaux plus adéquats. Des monte-charges devraient aussi être installés
dans les bâtiments A et B, ce qui permettra une meilleure distribution des repas.
48
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 4
TROISIÈME SECTION
AFFAIRE VALAŠINAS c. LITUANIE
(Requête no 44558/98)
ARRÊT STRASBOURG
24 juillet 2001
En l’affaire Valašinas c. Lituanie,
(Extrait)
La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :
MM. J.-P. Costa, président,
L. Loucaides,
P. Kūris,
Mme F. Tulkens,
M. K. Jungwiert,
Sir Nicolas Bratza,
Mme H.S. Greve, juges,
et de Mme S. Dollé, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 14 mars 2000 et 3 juillet 2001,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 44558/98) dirigée contre la République de Lituanie et dont un
ressortissant de cet Etat, M. Juozas Valašinas (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de
l’Homme le 14 mai 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des
Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, est représenté devant la Cour par Me V.
Sviderskis, avocat à Vilnius. Le gouvernement lituanien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. G.
Švedas, ministre adjoint de la Justice.
3. Le requérant alléguait en particulier que les conditions dans lesquelles il avait été détenu à la prison de Pravienišk÷s
d’avril 1998 à avril 2000 ont constitué un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3 de la Convention, et
que le contrôle de sa correspondance avec les organes de la Convention, effectué par les autorités pénitentiaires, a
emporté violation des articles 8 et 34 de la Convention.
4. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole no 11 à la
Convention (article 5 § 2 dudit Protocole).
5. Elle a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement de la Cour). Au sein de celle-ci, la
chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1
du règlement.
6. Par une décision du 14 mars 2000, la chambre a déclaré la requête partiellement recevable [Note du greffe : la
décision de la Cour est disponible au greffe]. Les 25 et 26 mai 2000, des délégués de la Cour se sont rendus en Lituanie
pour entendre des témoins et visiter la prison de Pravienišk÷s.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
A. Historique
7. Le requérant est un ressortissant lituanien né en 1974.
8. A compter du 5 octobre 1993, il purgea une peine de neuf ans d’emprisonnement pour vol, possession et vente
d’armes à feu. A une date non précisée au début d’avril 1998, il fut transféré de la prison de Lukišk÷s à celle de
Pravienišk÷s (Pravieniškių 2-oji sustiprintojo režimo pataisos darbų kolonija).
49
- L’alimentation en milieu carcéral 9. A son arrivée dans cette dernière prison, il fut placé dans le quartier d’isolement (Sunkiai aukl÷jamųjų būrys, ci-après
le « SAB »), situé dans l’aile 5 de la prison (V lokalinis sektorius). Le 30 juin 1998, il put quitter le SAB et fut transféré
dans une cellule ordinaire du quartier 13 puis du quartier 21 (13 ir 21 brigados), situés dans l’aile 1 de la prison (I
lokalinis sektorius). Du 5 au 20 janvier 1999, le requérant fut placé en isolement cellulaire (Baudos izoliatorius). Il fut
de nouveau transféré au SAB le 20 janvier 1999. Il demeura dans la prison de Pravienišk÷s jusqu’à sa libération,
intervenue le 14 avril 2000 à la suite d’une grâce présidentielle.
10. La présente affaire concerne les conditions de détention de l’intéressé à la prison de Pravienišk÷s et le traitement
qu’il y a connu d’avril 1998 à avril 2000.
B. Dépositions recueillies par les délégués de la Cour
1. Le requérant
11. Les délégués de la Cour recueillirent la déposition du requérant à Vilnius le 25 mai 2000 puis à Pravienišk÷s le 26
mai 2000. Les déclarations de l’intéressé peuvent se résumer comme suit.
a) Conditions générales de détention
(…)
ii. Le régime normal (aile 1)
18. Le requérant fut détenu dans les quartiers 13 et 21 de l’aile 1 de la prison. Chacune des cinq ailes était prévue pour
300 détenus. La prison était nettement surpeuplée. L’aile 1 logeait 400 détenus environ. Elle se composait de 12
quartiers, c’est-à-dire des dortoirs jouxtant des sanitaires, de 20 à 30 détenus. 32 personnes dormaient dans le quartier
13 lorsque le requérant y fut placé. Le quartier 21 accueillait 24 personnes. D’après l’intéressé, le quartier 13 était prévu
pour 8 personnes au maximum et le quartier 21 pour 6. Les quartiers manquaient d’aération, notamment la nuit, à cause
de la surpopulation. Les lits superposés installés dans les dortoirs masquaient presque entièrement les fenêtres, ce qui
empêchait l’air frais d’entrer. Pendant la journée, les détenus pouvaient se déplacer librement dans l’aile et la cour de
promenade extérieure.
(…)
20. Il y avait trois distributions de nourriture par jour. Les autorités ne prévoyaient qu’un budget de 2,17 litai lituaniens
(LTL) par détenu et par jour pour la restauration à la prison de Pravienišk÷s. La nourriture était toujours froide et il n’y
avait rien pour la réchauffer. Des légumes n’étaient servis qu’une fois par semaine. Trois fois par semaine au moins, il
était impossible de manger ce qui était servi au déjeuner car c’était trop mauvais. D’une manière générale, les repas
étaient préparés sans aucune hygiène. Le requérant a parfois retrouvé des copeaux de bois, de petits cailloux et des
morceaux de métal dans ses aliments. La cantine de la prison ne pouvait fournir des suppléments de nourriture que
lorsque le médecin avait recommandé un régime particulier. Etant donné que la cantine n’était pas assez grande pour
accueillir tous les détenus, les repas étaient pris en plusieurs services. Cependant, le nombre de détenus était à chaque
fois supérieur à la capacité d’accueil de la cantine et les retardataires ne pouvaient pas manger. Il était possible de se
procurer de la nourriture à la boutique de la prison. Le requérant reconnaît qu’il avait régulièrement quelques centaines
de LTL sur son compte à la boutique. Par ailleurs, les familles des détenus pouvaient leur donner lors des visites un
certain nombre de choses. Le requérant avait l’autorisation de recevoir de la nourriture supplémentaire apportée par sa
famille.
21. Des médecins qualifiés ne se rendaient à la prison qu’à titre occasionnel. Il était donc impossible de disposer d’une
assistance médicale professionnelle et permanente à l’infirmerie de la prison. Celle-ci manquait de médicaments,
notamment de calmants. Toutes les maladies étaient traitées à l’aspirine et au paracétamol. Le requérant affirme qu’il
était atteint d’une maladie cardiaque. Il reconnaît toutefois n’avoir pas subi les examens cardiologiques appropriés à
l’infirmerie. Il soutient aussi qu’il avait un problème au genou en raison de son énorme surcharge pondérale. Les
autorités carcérales ne l’ont pas fait opérer faute d’installations adéquates. L’intéressé admet cependant que cette
opération n’était pas d’une grande urgence. En raison de son coût élevé, il n’a pas cherché à se faire opérer une fois sorti
de prison. Il déclare enfin qu’il a eu une gastrite mais que les médecins de la prison ont refusé de lui prescrire un régime
alimentaire amélioré à la cantine.
(…)
C. L’inspection de la prison
71. Le 26 mai 2000, les délégués ont visité la prison. Celle-ci abritait alors 1 782 détenus, soit beaucoup moins qu’en
1999, où 2 303 personnes y étaient incarcérées.
1. Le SAB
( …)
74. La nourriture était apportée de l’aile principale de la prison dans une petite cuisine trois fois par jour.
(…)
82. La cantine se composait de deux grandes salles de 500 places assises environ. La nourriture était préparée dans de
grands fours et récipients où cuisaient d’énormes quantités de soupe (parfois agrémentée de viande), de légumes et de
50
- L’alimentation en milieu carcéral bouillie. La quantité servie par détenu était contrôlée par les services médicaux, tout comme les conditions d’hygiène.
L’endroit paraissait globalement d’une propreté irréprochable, mis à part une certaine humidité au sol. La nourriture
était versée dans des plats métalliques de dix personnes et servie par deux passe-plats.
(…)
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
A. Conditions générales de détention
98. Le requérant se plaint de ce que les conditions générales dans lesquelles il a été détenu à la prison de Pravienišk÷s
(paragraphes 12 à 25 ci-dessus) aient constitué un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention, qui
dispose : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
99. Le Gouvernement souligne que la situation générale régnant dans la prison, dénoncée par le requérant, en ce qui
concerne l’espace, les toilettes et la douche, l’alimentation et les conditions sanitaires, était compatible avec les
exigences de l’article 3 de la Convention. Quant à l’absence de loisirs critiquée par le requérant, le Gouvernement fait
valoir que les détenus sont fournis gratuitement en journaux et qu’ils peuvent emprunter des livres à la bibliothèque de
la prison une fois par semaine. En 1998 ont été organisées les activités culturelles et de loisirs suivantes : plusieurs
tournois sportifs, 4 pièces de théâtre, 14 concerts, 2 expositions artistiques, 2 séances de jeux télévisés, 6 visites de
célébrités nationales, 80 séances de cinéma et 200 projections vidéo, ainsi que 82 services religieux. Le Gouvernement
conteste que le requérant n’ait pas bénéficié de soins médicaux appropriés le 11 juin 1998 ou juste après, car la ligne
téléphonique spéciale n’a pas été utilisée pour demander de tels soins, comme l’exige le règlement pénitentiaire
provisoire. Dans l’ensemble, le Gouvernement considère que les conditions générales régnant dans la prison étaient
conformes à l’article 3.
100. L’article 3 de la Convention, la Cour l’a dit à maintes reprises, consacre l’une des valeurs fondamentales des
sociétés démocratiques. La prohibition de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants est absolue,
quels que soient les circonstances et les agissements de la victime (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 119, CEDH
2000-IV).
101. La Cour rappelle de plus que, selon sa jurisprudence, pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention, un
mauvais traitement doit atteindre un minimum de gravité. L’appréciation de ce minimum est relative ; elle dépend de
l’ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques et mentaux ainsi
que, parfois, du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime. En outre, en recherchant si un traitement est
« dégradant » au sens de l’article 3, la Cour examinera si le but était d’humilier et de rabaisser l’intéressé et si,
considérée dans ses effets, la mesure a ou non atteint la personnalité de celui-ci de manière incompatible avec l’article 3.
Même l’absence d’un tel but ne saurait exclure de façon définitive un constat de violation de l’article 3 (Peers c. Grèce,
no 28524/95, §§ 67, 68 et 74, CEDH 2001-III).
102. La Cour a toujours souligné que la souffrance et l’humiliation infligées doivent en tout cas aller au-delà de celles
que comporte inévitablement une forme donnée de traitement ou de peine légitimes. Les mesures privatives de liberté
s’accompagnent ordinairement de pareilles souffrance et humiliation. L’article 3 impose à l’Etat de s’assurer que tout
prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités
d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le
niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la
santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 92-94,
CEDH 2000-XI).
(…)
2. Le régime normal (aile 1)
(…)
109. Le nombre de places assises à la cantine de la prison étant limité, les repas étaient pris en plusieurs services. Il n’a
pas été établi que fût-ce un seul détenu ait jamais été privé de nourriture parce qu’il y avait trop de monde. La Cour est
convaincue que l’hygiène de la cantine et des aliments servis était contrôlée régulièrement par les services compétents.
Rien ne montre que le requérant, ni d’ailleurs quelque autre détenu que ce soit, ait eu physiquement à pâtir de la qualité
des repas fournis. Pour la Cour, la possibilité de recevoir des compléments de nourriture de la famille, ou d’en acheter à
la boutique de la prison, était de nature à compenser le mécontentement éprouvé par le requérant en raison de la
monotonie éventuelle du régime proposé par la cantine de la prison. La Cour en conclut que les dispositions en vigueur
à la prison de Pravienišk÷s en matière d’alimentation n’étaient pas dégradantes.
(…)
4. Conclusion
113. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut à la non-violation de l’article 3 de la Convention quant aux conditions
générales de détention du requérant.
51
- L’alimentation en milieu carcéral -
PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE MIKADZE c. RUSSIE
(Requête no 52697/99)
ARRÊT
STRASBOURG
7 juin 2007
(Extrait)
En l'affaire Mikadze c. Russie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :
M. C.L. Rozakis, président
Mme N. Vajić,
M. A. Kovler,
Mme E. Steiner,
MM. K. Hajiyev,
D. Spielmann,
S.E. Jebens, juges,
et de M. S. Nielsen, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 mai 2007,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette dernière date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 52697/99) dirigée contre la Fédération de Russie et dont un
ressortissant de la Géorgie, M. Guia Omarovitch Mikadzé (« le requérant »), a saisi la Cour le 11 juin 1999 en
vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la
Convention »).
2. Le requérant était représenté devant la Cour par les juristes du « Centre de l'assistance à la protection
internationale » à Moscou, Mme Karinna Moskalenko, avocate, et Mme Maria Voskobitova. Le gouvernement
russe (« le Gouvernement ») était représenté par M. P. Laptev, représentant de la Fédération de Russie auprès
de la Cour européenne des droits de l'homme.
3. Le requérant alléguait qu'il avait subi de mauvais traitements dans l'établissement pénitentiaire UK-25/8 à
Orenbourg et n'avait pas disposé de recours effectif à cette fin.
4. Le 26 octobre 2000, la requête a été communiquée au Gouvernement (article 54 § 2 b) du règlement).
5. Par une décision du 3 mai 2005, la chambre a déclaré la requête recevable.
6. Après avoir consulté les parties, la Cour a décidé qu'il n'était pas nécessaire de tenir une audience sur le
fond de l'affaire (article 59 § 3 du règlement).
7. Le Gouvernement a déposé le 1er septembre 2005 des observations écrites complémentaires, mais non le
requérant (article 59 § 1 du règlement).
8. Malgré l'invitation de la Cour, le gouvernement géorgien n'a produit aucune observation (article 36 § 1 de
la Convention). Il est dès lors réputé avoir renoncé à son droit de participer à la procédure (article 44 § 1 b)
du règlement).
(…)
23. Dans sa lettre, le requérant soutenait en outre qu'on lui donnait très peu de nourriture, que 150 à 200
grammes manquaient à la ration quotidienne du pain, qu'il n'avait jamais vu de sucre et que la nourriture
principale - la « kacha » (céréales cuites) - ne contenait aucune matière grasse.
52
- L’alimentation en milieu carcéral -
(…)
51. Les détenus placés dans une CHIZO n'ont pas le droit aux visites, aux conversations téléphoniques,
d'acheter des produits alimentaires et de recevoir des colis, envois et transmissions. Ils ont le droit à une
promenade journalière d'une heure (article 118 § 1). Les détenus placés en PKT sont soumis à des conditions
légèrement moins sévères (article 118 § 2). Ils ont notamment droit à une promenade journalière d'une heure et
demi.
52. Les détenus, placés dans une CHIZO ou en PKT et n'étant pas appelés à travailler, sont soumis à un régime
alimentaire inférieur (article 118 § 4, aboli le 8 décembre 2003).
(…)
ii) Nourriture
99. Le Gouvernement admet, et le rapport de vérification précité le confirme, qu'en raison des problèmes
financiers rencontrés par le système pénitentiaire, la valeur calorique de la nourriture dans les prisons ne
correspondait pas toujours à la norme. Le Gouvernement affirme qu'il s'agit de l'unique argument du requérant
qui soit fondé.
100. Selon le rapport de vérification précité, le coût d'entretien journalier d'un détenu aurait dû s'élever en 1999
à 20 roubles et 59 kopeks (0,80 euros), mais l'administration n'avait pu disposer que de 15 roubles et 73 kopeks
(0,60 euros) à cette fin. Le Gouvernement fait observer à cet égard que, les 4 mai 2001 et 11 avril 2005, les
autorités ministérielles compétentes introduisirent de nouvelles normes visant à améliorer la nutrition et le
confort des détenus.
101. Dans ses observations complémentaires du 1er septembre 2005, le Gouvernement répondit à la prétention
du requérant figurant au paragraphe 107 ci-dessous et soutint que les documents de l'époque, relatifs à la
composition des menus, aux ordres de nutrition diététique des détenus et aux instructions de cuisine, n'étaient
plus disponibles en raison de l'expiration du délai de leur conservation. A l'appui, il produisit un acte de
destruction le 24 décembre 2004 des documents datant de 1998-2001. En tout état de cause, l'unité médicale de
la prison d'Orenbourg aurait quotidiennement contrôlé les ingrédients utilisés par les cuisiniers et le requérant
avait toujours eu le droit de recevoir sans entrave des colis de nourriture venant de l'extérieur.
(…)
107. Le requérant reprocha au Gouvernement de se limiter aux phrases générales au lieu de produire le menu
type servi à l'époque des faits aux détenus dans la prison d'Orenbourg.
(…)
125. S'ajoute à cela le fait qu'en dehors des conditions de logement inacceptables (paragraphes 116-118 cidessus), le placement dans une CHIZO avait des conséquences considérables sur la nutrition des condamnés.
Non seulement ils étaient légalement privés du droit d'acheter des produits alimentaires et de recevoir des colis
de nourriture, mais, à l'époque des faits, ils étaient également soumis d'office à un régime d'alimentation
inférieur. Vu que l'alimentation dans des conditions de détention ordinaires était loin d'être satisfaisante et ne
pouvait présenter qu'une qualité correspondante à 60 centimes d'euros par jour et par détenu (paragraphes 99 et
100 ci-dessus), il apparaît évident que, pendant les six mois correspondants, le requérant dut souffrir un
manque de nourriture sévère et délibérément infligé. Aucun argument du Gouvernement n'est de nature à
démontrer le contraire (paragraphes 99-101 ci-dessus).
126. La Cour n'estime pas qu'il soit acceptable de soumettre un détenu à une punition sous forme de privation
de nourriture, fût-ce un contrevenant tenace au règlement interne (paragraphe 89 ci-dessus).
127. Eu égard à l'ensemble des considérations qui précèdent, la Cour conclut que, lors de sa détention dans la
prison d'Orenbourg, le requérant subit des épreuves d'une intensité qui excède le niveau inévitable de
souffrance inhérent à la détention. De telles conditions de détention s'analysent en un traitement
inhumain.
128. Il y a dès lors eu violation de l'article 3 de la Convention.
53
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 5
Aspects historiques de la cantine.
Texte issu de la source suivante : SEYLER M., L'Illégitime (histoire de la cantine pénitentiaire), Centre National
d’Etudes et de Recherches Pénitentiaires, Collection Archives pénitentiaires, n°3, Janvier 1983.
«La cantine c’est inégalitaire, anti-démocratique mais il n’y a pas moyen de s’en passer !! »
Faute de travail le recours à la cantine ne fut pas la récompense légitime du labeur accompli qu’il devait
être, mais la façon d’adoucir illégitimement la peine en améliorant l’ordinaire grâce à ce qui pouvait
être apporté : argent, vivres… par les familles ou les complices… Jusqu’à l’arrêté du 23 Nivose an IX,
rien n’était réglé de manière uniforme à l’égard des prévenus et des accusés. En clair, cela signifie que
chaque maison faisait ce qu’elle voulait et surtout ce qu’elle pouvait. L’arrêté en question qui accordait
indistinctement à tous les détenus une ration de pain et de la soupe, mis fin aux incertitudes. Des
précisions arrivèrent avec l’instruction du 28 Ventôse an IX, qui ordonnait que la ration de pain devait
être de 24 onces et que la soupe serait faite de légumes. (c’est-à-dire sans viande). C’est de cette
cantine, illégitime dès lors qu’elle ne sert pas d’incitation et de récompense au travail, dont va hériter
l’Empire.
Code Pénal en 1810. L’article 41 précise que l’accès à la cantine n’est plus de droit pour le prisonniers
qui travaille. Les détenus peuvent désormais accéder à la cantine autant qu’ils le méritent. Elle devient
un outil de discipline qui récompense la bonne conduite et non plus un encouragement au travail.
Chute de l’Empire : moralisation de la prison. L’accès à la cantine redevient libre mais l’eau de vie y
est interdite et le vin est interdit aux femmes. C’est la maison elle-même qui la gère. Les condamnés
reçoivent, chaque jour, une livre et demie de pain de ménage et deux onces de pain blanc pour la soupe.
Cette soupe leur est distribuée chaude, tous les matins. Le soir, ils ont une portion de quatre décilitres de
légumes. Une fois par semaine, ils mangent une soupe grasse le matin, et le soir un mélange de viande
et de pommes de terre ou de légumes secs. Ils reçoivent aussi une portion de riz une fois par semaine.
Dans son mémoire sur la mortalité dans les prisons, Villermé Louis-René écrit qu’une des causes
principales de la sur-mortalité en prison réside surtout dans une nourriture insuffisante, moins par sa
quantité que parce qu’elle est trop peu variée et beaucoup trop souvent privée de viande.
Monarchie de Juillet : Organiser et réglementer. Dès 1836, l’accès à la cantine est considéré comme
faveur, la récompense d’un bon comportement. En 1839, les maisons centrales sont réformées et dès
1841 les cantines pour les prisons départementales (pain de ration, pommes de terres cuites à l’eau,
fromage et beurre) vont être supprimées.
Circulaire du 17 février 1844. Le Ministre Dûchatel se dit prêt à apporter des modifications à
l’uniformité de la nourriture carcérale dans le mesure où il n’en résulterait pas un accroissement des
charges pour le Trésor. L’adjonction de viande une fois par semaine, n’est concevable que dans la
mesure où il en irait de la santé générale des condamnés. (article 605 du Code de l’institution criminel
qui exige que la santé des condamnés ne soit pas altéré par la prison).
Arrêté du 08/09/1847. En 1847, on ne parle plus de supprimer la cantine. La cantine élargit petit à
petit son inventaire : le café y est introduit puis les œufs.
Le régime alimentaire des condamnés doit être tel qu’il puisse permettre de supprimer entièrement la
cantine. Comment concilier le bien-être des détenus et les convenances impérieuses du Trésor.
En 1968 une dernière action a tenté de supprimer cette choquante institution avec l’ouverture de FleuryMérogis mais on est vite revenu au système de la cantine à cause de détenus incarcérés de l’extérieur
qui souhaitait renouveler leurs bien « comme partout ailleurs ».
54
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 6
Rapport public thématique de la Cour des comptes
(extrait)
Tableau 1
Chiffre d’affaires de cantine par JDD (jour de détention) selon la taille et
le mode de gestion des établissements106
En euros
Gestion publique
Non autonomes
100-200
200-500
500-1000
plus de 1000
Gestion mixte
200-500
500-1000
2001
2002
2003
2,02
2,56
3,35
3,23
3,42
1,62
2,76
3,10
3,80
3,34
1,59
2,76
3,66
3,12
3,53
3,51
3,69
Source : Administration pénitentiaire
3,94
3,93
Tableau 2
Chiffre d’affaires de cantine par JDD (jour de détention) selon le type
et le mode de gestion des établissements107
En euros
2001
2002
2003
3,08
4,48
3,70
2,91
2,02
3,11
3,69
4,75
3,09
1,62
3,18
5,39
4,69
2,93
1,59
Gestion publique
Maisons d'arrêt
Centres de détention
Maisons centrales
Centres pénitentiaires
Non autonomes
Gestion mixte
Maisons d'arrêt
Centres de détention
Centres pénitentiaires
106
107
3,72
3,73
3,31
Source : Administration pénitentiaire
3,96
3,98
3,75
Garde et réinsertion, rapport public thématique, Cour des comptes, 2006.
Garde et réinsertion, rapport public thématique, Cour des comptes, 2006.
55
- L’alimentation en milieu carcéral -
C - L’alimentation présente toujours des insuffisances
1 - Une très grande diversité des situations
La situation des établissements pénitentiaires en matière de restauration est des plus diverses. Le Sénat
en avait dressé le constat dans le rapport rédigé par la commission d’enquête constituée en 2000. Depuis
lors, la situation a peu évolué, en raison notamment de l’absence de norme ou de politique fixant des
règles communes en matière d’alimentation. Le code de procédure pénale prévoit simplement que les
personnes incarcérées doivent se voir offrir trois menus et qu’elles doivent recevoir « une alimentation
variée, bien préparée et présentée, répondant tant en ce qui concerne la qualité et la quantité aux règles
de la diététique et de l’hygiène compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de la nature de leur travail
et, dans toute la mesure du possible, de leurs convictions philosophiques ou religieuses ». En outre,
l’administration pénitentiaire doit respecter les prescriptions de l’arrêté du 29 septembre 1997 fixant les
conditions d’hygiène applicables dans les établissements de restauration collective à caractère social. Il
impose des règles strictes aux personnels de cuisine ainsi que des procédures d’auto-contrôle. Mais ces
règles générales n’ont pas été autrement précisées. L’exercice a pourtant été partiellement tenté et réussi
lors de la signature des marchés de gestion mixte puisque l’administration pénitentiaire a dû définir
exactement ce qu’elle demandait à ses prestataires. Pour les deux générations successives de contrats,
des plans alimentaires retraçant ses exigences minimales en quantité, qualité et diversité de biens offerts
ont été élaborés. Mais ils n’ont jamais été généralisés aux établissements à gestion publique auxquels ils
n’ont été communiqués qu’à titre d’information.
Certains établissements à gestion publique se sont eux mêmes efforcés de définir précisément des plans
alimentaires. Cela a été le cas par exemple à Lille, lorsque la direction régionale a entrepris de
rationaliser sa politique d’achats en passant un marché régional pour le compte des établissements. A
titre préalable, et pour définir ses besoins, elle a procédé à la détermination des plans alimentaires des
différentes populations (hommes, femmes, mineurs) en recourant aux services d’une diététicienne. La
même démarche a été suivie lorsque cette même direction régionale a décidé de lancer un marché pour
installer une cuisine centrale à la maison d’arrêt de Rouen, en lien avec une cuisine relais au centre de
détention de Val de Reuil. Mais, dans d’autres directions régionales ou dans d’autres établissements,
aucune normalisation de cette nature n’a été effectuée. La situation est d’autant plus diversifiée que
deux autres facteurs accentuent les écarts entre les établissements. Certains d’entre eux disposent de
personnels compétents, professionnels de la restauration collective, qui réalisent les repas avec des
détenus classés au service général et formés à cette fin. C’est le cas de manière systématique en gestion
mixte puisque la fonction « restauration » est déléguée aux prestataires privés (EUREST et
SODEXHO). Mais en gestion publique, la situation est plus aléatoire. Certains établissements ne
disposent pas du personnel technique compétent. Le professionnalisme de la prise en charge de la
fonction « restauration » dépend de la présence de surveillants ou de détenus formés à ces métiers et la
qualité des repas est alors irrégulière, fluctuant au rythme des mutations, des transferts ou des
libérations. Lors du contrôle de la Cour, la maison d’arrêt de Cahors venait ainsi de perdre son cuisinier,
condamné qui venait d’achever sa peine et qui avait été remplacé par un détenu ignorant tout de la
restauration collective. Le second facteur qui accentue les différences entre les établissements est lié à la
diversité de leur configuration et de leur entretien : les plus récents ont été conçus pour être en
conformité avec les règles strictes qui s’appliquent en matière de restauration collective, mais les plus
anciens ne répondent généralement pas à ces exigences. Dans le cas de la maison d’arrêt de Loos les
Lille, de la Santé ou aux prisons de Lyon, le vieillissement des installations est tel que la préparation des
repas ne peut s’effectuer dans de bonnes conditions. A la Santé, l’état dégradé du bâti, l’usure du
matériel et la prolifération des animaux nuisibles ont conduit le chef d’établissement et son cuisinier à
décider de multiplier les repas froids. A Loos, une solution n’a pu être trouvée qu’à la faveur de la
construction de la nouvelle maison d’arrêt, confiée à la gestion mixte et qui devrait, à terme, assurer la
livraison des repas pour les deux établissements. Mais cette solution exige des délais et ne peut pas être
56
- L’alimentation en milieu carcéral -
mise en oeuvre dans tous les établissements où la situation est parfois alarmante au regard des
obligations fixées par l’arrêté de 1997. Faute de mieux, l’administration pénitentiaire a incité ses
services à mettre en place des politiques fondées sur le développement des autocontrôles. Des
formations dites « HACCP » (hasard analysis critical Control Point, soit analyse des dangers, maîtrise
des points critiques) ont ainsi été généralisées au bénéfice des personnels et des détenus concernés. En
outre, des conventions ont été passées avec des laboratoires indépendants (Institut Pasteur à Lille par
exemple) pour qu’ils procèdent régulièrement à des vérifications par prélèvements. Mais ces démarches,
au demeurant indispensables, ne peuvent que limiter les risques et non les
supprimer.
2 - Des résultats difficiles à mesurer
Il n’existe aucune donnée de synthèse permettant de dresser un bilan de la situation des prisons en
matière d’alimentation. Deux séries d’informations montrent toutefois que la situation n’est pas
satisfaisante. La première résulte de l’analyse des taux alimentaires, c'est-à-dire du montant dépensé par
jour de détention pour des achats de nourriture. Au cours de la période 1998-2003, ils ont progressé de
9,35 %, soit à un rythme sensiblement plus faible que l’indice des prix à la consommation des produits
alimentaires calculé par l’INSEE, qui a augmenté de 14,5 % sur la même période30. Le décrochage
existe également avec le prix des produits de gros alimentaires31, puisque les calculs de l’INSEE
montrent qu’il est passé d’une base 100 en 2000 à un niveau de 109,6 fin décembre 2003. Sur la même
période, le taux alimentaire de l’administration pénitentiaire ne progressait que de 7,04 %. Ces
comparaisons illustrent le fait que, depuis 1998, le montant dépensé par l’administration pénitentiaire
pour l’alimentation des détenus a diminué en euros constants.
(…).
__________________ RECOMMANDATIONS _________________
S’agissant des conditions de vie en détention, il serait indispensable :
de procéder à l’évaluation de l’adéquation des moyens à disposition des UCSA aux besoins, en vue de
les redéfinir ;
* d’établir des règles claires pour le partage des tâches entre forces de l’ordre et administration
pénitentiaire en matière d’escortes des détenus, sur la base des préconisations du groupe de travail
constitué à cette fin ;
* de dresser le bilan des actions d’éducation à la santé menées dans les établissements pour définir de
nouvelles priorités en la matière ;
* de poursuivre la démarche de diagnostic régulier (tous les deux ans) sur la situation de l’hygiène en
détention pour identifier d’éventuelles dérives, et compléter cette évaluation, dans les établissements
jugés sensibles en raison de leur vétusté, par la définition de mesures d’urgence ;
* de définir, pour les établissements à gestion publique, les exigences minimales de l’administration
pénitentiaire en termes d’alimentation à travers un plan alimentaire de référence applicable à
l’ensemble
des
établissements,
quel
que
soit
leur
mode
de
gestion
;
* d’organiser la collecte d’informations permettant de dresser, à échéance régulière, le bilan de la
situation en matière d’alimentation en termes quantitatifs et qualitatifs.
57
- L’alimentation en milieu carcéral -
IV - Deux dispositifs pour améliorer « l’ordinaire »
A - La « cantine »
1 - La diversité des pratiques et l’imprécision des procédures
Tradition de la vie carcérale35, la cantine permet aux détenus d’acheter, sur leur pécule, divers produits
pour améliorer leur « ordinaire ». Le code de procédure pénale n’en prévoit que deux sortes mais la
réalité est plus complexe. En effet, la pratique et la tradition ont conduit à la création de cantines plus
différenciées, correspondant à des types de produits variés : on en compte, par exemple, 10 à la maison
d’arrêt de Loos, 12 au centre pénitentiaire de Lannemezan et 18 à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis
où une cantine « canicule » a été mise en place pendant l’été 2003. A ces cantines « classiques »,
s’ajoutent des achats ponctuels, souvent qualifiés d’achats extérieurs ou exceptionnels (vêtements de
marque ou de sport, produits HI-FI, livres, pressing, envoi de fleurs…).
Aucune réglementation d’ensemble n’organise le fonctionnement des cantines. Les quelques notes37
rédigées par l’administration, anciennes et mal connues des services, fixent des règles peu précises qui
ont été complétées par les règlements intérieurs de chaque établissement : d’où une grande diversité des
pratiques, que l’administration centrale déplorait d’ailleurs dans la seule étude qu’elle ait réalisée sur les
cantines, en 1998. Mais aucune mesure n’a été prise pour les harmoniser. Il en résulte une grande
incertitude quant aux règles et procédures applicables, qui concerne d’abord le maniement des fonds.
Les achats en cantine sont effectués à partir des sommes figurant sur la part disponible du compte
nominatif du détenu, dont la gestion est confiée au comptable de l’établissement pénitentiaire, qui a la
qualité de comptable public. Ces sommes doivent donc être considérées comme des deniers privés
réglementés et gérées selon les mêmes règles que les deniers publics. Les conséquences de cette
situation, implicitement admise par l’administration pénitentiaire, ont été tirées pour les établissements
en gestion mixte. L’administration a refusé tout accès direct des gestionnaires privés au pécule des
détenus. Ils n’ont accès qu’à un compte « cantine », approvisionné à la demande de ces derniers.
Certains gestionnaires privés ont perfectionné le système en éditant des « tickets », sortes de relevés de
compte, qui permettent aux détenus de se réapproprier les mécanismes de gestion de leur argent à
travers l’équivalent d’un compte bancaire. En gestion publique, l’assimilation entre deniers publics et
fonds des détenus devrait conduire à appliquer les mêmes procédures de gestion, en particulier pour les
approvisionnements, qui devraient être soumis aux règles de mise en concurrence prévues par le code
des marchés publics. L’administration avait d’ailleurs rappelé ces règles dans des notes adressées en
197939 et 199540 à ses services, sans pour autant s’inquiéter de la manière dont ses directives étaient
appliquées. Il en résulte des situations totalement hétérogènes. Certains établissements (Clairvaux ou
ceux de la direction régionale de Paris) ont passé des marchés. Mais ailleurs, les achats sont effectués
auprès des fournisseurs locaux avec, au mieux, une mise en concurrence informelle. Pour ce qui est des
achats réalisés pour les « cantines exceptionnelles », certains établissements ont recours à des
spécialistes de la vente par correspondance. Le plus souvent toutefois (Cahors, Fleury Mérogis, Melun
par exemple), même si les achats représentent des volumes importants, les surveillants
s’approvisionnent dans les commerces du voisinage. Alors qu’elle avait souligné la nécessité d’une
clarification en 1998, l’administration pénitentiaire n’y a jamais procédé. Elle n’a pas non plus éclairci
les règles applicables à la détermination des prix de vente des produits. En gestion mixte, le cahier des
charges de la première génération de contrats prévoyait que ceux-ci devaient être vendus au prix
coûtant, ce qui, dans la plupart des zones, intégrait les coûts du personnel de telle sorte qu’à la maison
d’arrêt d’Osny, par exemple, ils représentaient de 20 à 30 % des prix. Lors du renouvellement des
contrats, il a été décidé que les prix de vente n’intègreraient ni les frais de siège ni les charges de
personnel, qui sont désormais pris en compte au titre de la rémunération globale du marché. En gestion
publique, la doctrine et les règles de tarification sont plus floues. Comptablement, la cantine est isolée
dans un sous-compte de la comptabilité des établissements pénitentiaires. En charges sont imputées les
dépenses d’achats de biens et les divers frais de gestion. En produits sont encaissées les sommes
prélevées sur les comptes nominatifs des détenus. Le solde constitue le « bénéfice ». Mais le contour
exact de ces trois composantes est imprécis.
58
- L’alimentation en milieu carcéral -
Pour ce qui est des dépenses, les établissements imputent généralement le coût d’achat des bons de
cantines ainsi que les pertes sur stocks (produits endommagés ou périmés…). Certains y ajoutent le
matériel nécessaire aux livraisons (chariots de distribution, parfois chauffants), voire des congélateurs
ou des photocopieurs. Pour ce qui est des produits, l’administration pénitentiaire a, jusqu’en 1951,
appliqué un taux de marge de 20 %, puis elle a demandé aux établissements de faire en sorte que les
prix ne dépassent pas ceux « de détail pratiqués dans la localité », sauf pour les produits de première
nécessité (marge de 5 %). Aujourd’hui, la méthode retenue est le plus souvent empirique : certains
établissements arrondissent le prix sur facture ; d’autres appliquent une marge homogène définie par un
pourcentage du prix de vente (5 % à Loos, 10 % à Clairvaux et Fleury Mérogis, sauf pour le tabac
vendu à prix coûtant, mais pour lequel une remise de 6 % est rétrocédée par le distributeur). Quant au
solde du compte cantine, il n’est que le reflet d’une politique tarifaire et d’une pratique d’imputation des
charges indépendantes l’une de l’autre. Son caractère aléatoire est d’autant plus regrettable que, chaque
année, il est reversé au Trésor public, sans que le bien fondé de ce reversement soit clairement établi.
En effet, les coûts supportés par l’Etat au titre de la gestion de la cantine sont d’ores et déjà pris en
considération en « dépenses » du compte (malus lié aux pertes sur stocks notamment). Or rien
n’autorise l’administration pénitentiaire à réaliser un bénéfice commercial sur ses activités de cantine41
ni à prélever une forme de taxe sur la consommation des détenus. La régularité des prélèvements
effectués à hauteur du solde annuel est donc très contestable.
2 - La difficulté de dresser un bilan précis
L’administration pénitentiaire n’a mis en place aucun dispositif permettant la remontée des informations
nécessaires au suivi des cantines. Elle ne dispose en la matière que des données issues de la
comptabilité des établissements en gestion publique. Si certains d’entre eux omettent de transmettre leur
comptabilité42, l’administration centrale ne la leur réclame pas. En outre, les données qu’elle exploite
ne correspondent pas nécessairement à celles produites par les prestataires de la gestion mixte, selon des
logiques parfois distinctes. A cette réserve près, l’analyse des ratios de chiffres d’affaires par jour de
détention (JDD) reflète une relative stabilité des volumes cantinés entre 2001 et 2003. Par contre, ils
varient significativement selon la taille des établissements. En 2003, au sein des plus petits
établissements, non autonomes, le chiffre d’affaires de cantine par jour de détention ne représentait que
43 % de celui des établissements de 200 à 500 places.
(…)
Les écarts de prix de cantine entre les établissements
Pour mesurer les écarts de prix « hors panier » entre les établissements, la Cour a recueilli les grilles de
tarifs applicables au mois de décembre 2003 (prix affichés pour les détenus) dans un ensemble
d’établissements. Elle a sélectionné 19 produits figurant sur ces listes et a comparé leurs prix. Cet
exercice s’est révélé délicat en raison de l’absence de normalisation de la liste des produits offerts à la
vente. Entre établissements, les produits ne sont pas les mêmes, soit que leur conditionnement varie
(poids, nombre d’unités), soit qu’ils soient de marques différentes de telle sorte que l’on n’est pas
certain de toujours comparer ce qui est comparable. En dépit de ces approximations, cette démarche
montre l’importance des écarts constatés. Ainsi, 500g de pâtes reviennent à 0,46 € à Villenauxe mais à
0,66 € à Joux la Ville et à 0,93 € à Fleury Mérogis. 100g de chocolat coûtaient 0,42 € à Joux la ville
mais 0,61 € à Dijon et 0,92 € à Clairvaux. Quant aux croissants, ils passent de 0,29 € l’unité à Dijon, à
0,34 € à Fleury, et 0,58 € à Lannemezan. L’écart ne joue pas toujours en faveur de la gestion mixte
comme l’illustre l’exemple du pot de Nutella de 400g, qui est meilleur marché à Lannemezan (1,23 €)
ou à Dijon (1,26 € ) qu’à Villenauxe (2,61 €) ou Aiton (3,16 €).
59
- L’alimentation en milieu carcéral -
Source : Cour des comptes, rapport thématique, p81.
3 - La nécessité d’une remise en ordre
La cantine est porteuse de risques vis-à-vis de la population pénale, dont le niveau de ressources et la
capacité à « cantiner » sont très variables. Mais elle l’est aussi pour ceux qui en assurent la gestion, à
travers des achats effectués de manière informelle dans la plupart des cas. La tentation peut être grande,
en effet, de profiter de la relation privilégiée nouée avec un fournisseur pour en tirer des avantages à
titre personnel. Même en dehors de comportements répréhensibles, la situation actuelle n’est pas
satisfaisante car les ristournes accordées par les fournisseurs peuvent ne pas profiter aux véritables
acheteurs, à savoir les détenus. A Clairvaux, par exemple, le rabais de 10 % accordé par une société de
vente par correspondance sur les prix du catalogue ne leur est pas rétrocédé et à Fleury Mérogis, alors
qu’une remise de 6 % est consentie par les fournisseurs sur les achats de tabac, les détenus paient le prix
public. Pour éviter la persistance de telles pratiques et limiter les risques de malversations, il est
indispensable que l’administration pénitentiaire organise de manière plus rigoureuse et rationnelle ses
procédures. La systématisation des contrôles est impérative à tous les niveaux. Elle doit s’accompagner,
en gestion publique, d’un recours accru à des procédures de mise en concurrence formalisées qui
permettrait de réduire le nombre de cas où un surveillant doit se déplacer dans les commerces de
voisinage. De surcroît, une telle rationalisation présenterait trois avantages. Elle permettrait, en premier
lieu, de lutter contre l’éclatement des achats et de faire jouer la concurrence en donnant à
l’administration les moyens d’une véritable négociation avec ses fournisseurs. L’écart de prix constaté
dans le prix du panier entre les petits établissements (21,8 € en 2003) et les plus importants (17,13 €)
montre que les économies d’échelle pourraient être réalisées et permettraient d’améliorer la situation
des détenus en tant que « clients captifs » de l’administration. En la matière, l’administration se fixe
60
- L’alimentation en milieu carcéral -
comme règle de respecter les prix des commerces de proximité, mais aucune procédure ne permet de
s’en assurer. Le seul indice véritable qui peut être trouvé de la « cherté » de la vie en prison est indirect
: il résulte de l’analyse de l’évolution du reversement au Trésor dans les établissements à gestion
publique. Compte tenu des modes actuels de fonctionnement des comptes de cantine, ce reversement
peut être analysé comme étant ce que les détenus ont payé « en trop » sur leurs achats : pour la seule
maison d’arrêt de Fleury, par exemple, le trop perçu s’établissait à 314 205,68 € en 2002. Le second
avantage d’une rationalisation des procédures serait de contribuer à réduire la diversité des pratiques
entre les établissements, tant en ce qui concerne la différenciation de ce qui peut être cantiné que les
écarts de prix. Cette diversité accentue les différences de traitement entre les détenus selon le lieu où ils
sont incarcérés. Elle est difficile à justifier et peut occasionner des tensions en cas de transfert.
Significativement, les témoignages des détenus et des organismes qui les représentent illustrent un
mécontentement manifeste au sujet de la cantine : à Loos, une enquête a montré que 61 % des détenus
n’étaient pas satisfaits du fonctionnement de la cantine et que leur principale revendication était le
niveau des prix. Enfin, alors que, dans sa conception d’origine, la cantine visait à compenser les
carences du régime alimentaire des détenus, elle s’est considérablement diversifiée et représente
aujourd’hui une réalité très complexe qui peut aller, pour l’échantillon d’établissements contrôlés par la
Cour, de moins de 200 à 900 articles. Cette complexité a pour conséquence une lourdeur de gestion
importante. A chaque type de cantine correspondent des bons spécifiques dont il faut assurer la
distribution, la collecte et le traitement. Puis, il faut organiser les approvisionnements, la gestion des
stocks et les distributions de produits, tout en veillant à l’actualisation des prix. A cela s’ajoutent les
cantines exceptionnelles, d’autant plus lourdes à mettre en place qu’elles sont à la carte. Cette
diversification, souhaitée par les détenus, se traduit par une importante mobilisation de personnels qui a
un coût pris en charge par l’Etat, soit directement lorsqu’il s’agit de ses propres agents ou de la main
d’oeuvre pénale rémunérée sur crédits budgétaires, soit indirectement lorsque le personnel des
gestionnaires privés est payé à partir des sommes versées en rémunération du contrat de gestion mixte.
La dimension prise par la gestion de la cantine pose donc la question des limites qu’il conviendrait de
fixer à son développement. En la matière, aucune doctrine ne semble exister au sein de l’administration
pénitentiaire. Pourtant, le code de procédure pénale soumet tout achat à l’autorisation de
l’administration : il lui permet donc de définir la limite qu’elle entend fixer aux possibilités de cantiner,
compte tenu de la lourdeur de gestion et du coût que représente cette faculté laissée aux détenus.
(…)
61
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 7
LE PROGRAMME 13000
Cellule type dans un établissement à gestion mixte du programme 13 000.
Source : http://www.musee-prisons.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10147&ssrubrique=10154
62
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 8
Les déplacements de la commission d'enquête
Extrait issu de : http://www.senat.fr/rap/l99-449/l99-449_mono.html#fnref2
« Outre ces auditions traditionnelles, la commission d'enquête a complété ses investigations en
effectuant une série de déplacements entre le 2 mars et le 8 juin 2000, qui lui ont permis de visiter 28
établissements pénitentiaires, principalement des maisons d'arrêt, mais aussi des centres de détention et
des maisons centrales.
Elle s'est rendue dans les établissements suivants :
2 mars : maison d'arrêt de Paris-la Santé ;
9 mars : maison d'arrêt de Fresnes ;
16 mars : maison d'arrêt de Loos-lès-Lille ;
23 mars : maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ;
29 mars : maison d'arrêt de Digne ;
30 mars : maison d'arrêt de Nanterre ;
11 avril : maison d'arrêt de Noorsingel à Rotterdam ;
centre des trajets pénitentiaires de Rotterdam ;
12 avril : complexe pénitentiaire de Scheveningen ;
13 avril : centre pénitentiaire de Belmarsh dans la banlieue de Londres ;
18 avril : maison d'arrêt des Baumettes à Marseille ;
19 avril : maison d'arrêt de Toulon ;
maison d'arrêt de Nice ;
27 avril : centre pénitentiaire de Clairvaux ;
4 mai : maison d'arrêt du Mans ;
maison d'arrêt d'Alençon ;
11 mai : maison d'arrêt de Saint-Quentin-Fallavier ;
maisons d'arrêt Saint-Paul et Saint-Joseph à Lyon ;
18 mai : centre pénitentiaire de Château-Thierry ;
19 mai : maison d'arrêt d'Aix-Luynes ;
maison d'arrêt de Salon de-Provence ;
25 mai : centre pénitentiaire de Lannemezan ;
8 juin : maison d'arrêt et centre de détention de Melun ;
maison d'arrêt de Varces ;
centre de semi-liberté de Grenoble ;
chantier extérieur du camp de Chambaran ».
63
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 9
Recommandation relative à la nutrition du 4 mai 2007
Groupe d'étude des marchés de la restauration collective et de nutrition (GEMRCN)
Observatoire économique de l'achat public
Source : http://www.minefe.gouv.fr/directions_services/daj/guide/gpem/nutrition/nutrition.htm
Consulté le 22/04/2009
Préambule
L’objectif du document est d’“aider les acheteurs publics à élaborer le cahier des charges de leurs
contrats de restauration collective”. Cette recommandation fait suite à celle du 6 mai 1999 (n°J3-99),
rééditée en 2001). Les recommandations nutritionnelles sont relatives à l’ensemble des populations,
quelle que soit la structure publique de restauration, notamment à la population carcérale.
Le but de ces recommandations est d’améliorer la qualité nutritionnelle des repas, de par le constat
d’une prévalence de plus en plus importante de l’obésité et du surpoids, et des priorités nationales
établies par le PNNS. Des objectifs prioritaires sont indiqués :
- “une diminution des apports de glucides simples ajoutés et de lipides, notamment d’acides gras
saturés” ;
- “et une meilleure adéquation des apports de fibres, de minéraux et de vitamines” ;
le tout visant à “aboutir à un équilibre global satisfaisant entre les aliments et les nutriments”.
Des outils d’application sont également indiqués :
- mise en place d’un contrôle de l’exécution des prestations sur la base de fréquences de service
des aliments ;
- formation des équipes de restauration à la nutrition, et embauche de personnels qualifiés (par
exemple de diététiciens) par les collectivités ;
- élaboration de formations permettant aux acheteurs publics “de bien identifier les produits, de
connaître les filières de production et les technologies culinaires, et de disposer de connaissances
élémentaires sur els besoins nutritionnels” (cf. Avis CNA n°47) ;
- assurer un soutien humain pour la prise d’aliments (essentiellement relatif aux personnes âgées
et aux enfants) ;
- consacrer un budget suffisant à l’achat des denrées alimentaires, pour “assurer une qualité
nutritionnelle et gustative minimale pour les repas” (cf. Avis CNA n°53).
Ces dispositions sont à mettre à profit, que l’exploitation se fasse en régie ou qu’elle soit externalisée.
Objectifs nutritionnels
Les objectifs nutritionnels généraux des recommandatiosn sont les suivants :
- augmenter la consommation de fruits, de légumes et de féculents ;
- diminuer les apports lipidiques, et rééquilibrer la consommation d’acides gras ;
- diminuer la consommation de glucides simples ajoutés ;
- augmenter les apports de fer ;
- augmenter les apports classiques.
Ces recommandations s’appuient sur les Besoins Nutritionnels Moyens (BNM) :
Catégories
Homme adulte
Femme adulte < 55 ans
Femme adulte > 55 ans
Calcium (mg)
ANC
BNM
900
700
900
700
1200
925
Fer (mg)
ANC
BNM
9
7
16
12,3
9
7
Vitamine C (mg)
ANC
BNM
110
85
110
85
110
85
64
- L’alimentation en milieu carcéral -
2 recommandations générales sont faites :
- veiller aux excès de sodium, ajouté lors de l’élaboration du plat ou par le convive ;
- veiller davantage à la qualité nutritionnelle des calories apportées qu’à leur quantité.
•Augmenter la consommation des fruits, de légumes et de féculents
Une insuffisance peut entraîner des risques pour le fonctionnement du tube digestif et favoriser les
maladies cardio-vasculaires et certains cancers.
Pour les féculents, il faut favoriser les légumineuses, les produits céréaliers ou semi-complets et les
pommes de terre. Riches en fibres et glucides complexes (amidon), ils permettent de diminuer les
risques d’obésité et maladies chroniques (diabète, cardio-vasculaires).
Part recommandée des glucides dans les apports énergétiques journaliers : 50%.
•Diminuer les apports lipidiques, et rééquilibrer la consommation d’acides gras
Un excès de lipides et un déséquilibre de leurs constituants peuvent conduie à un surpoids et exposer à
des maladies cardio-vasculaires.
Il est recommandé de réduire l’apport énergétique des lipides (30-35% de l’apport énergétique total) et
celui des acides gras saturés (8-10 %), ainsi que d’équilibrer le rapport acides gras polyinsaturés
essentiels Oméga 6 / Oméga 3 (en augmentant ces derniers). Pour cela, il faut encourager la
consommation de poisson et de matières grasses d’accompagnement riches en acides gras oméga 3
(colza, soja, noix), et restreindre la consommation d’aliments riches en graisses animales (charcuteries,
pâtisseries salées) ou en graisses hydrogénées (produits frits, pâtisseries sucrées).
•Diminuer la consommation de glucides simples ajoutés
Leur surconsommation contribue au surpoids et à l’obésité. Il faut donc en restreindre les apports.
•Augmenter les apports en fer
Des apports de fer insuffisants augmentent le risque d’anémie. Les apports moyens journaliers
recommandés sont de 12 mg dans la restauration collective pour adultes. Par ailleurs, le fer contenu
dans les viandes et les poissons est mieux assimilé que le fer d’origine végétale.
•Augmenter les apports calciques
Des apports en calcium insuffisants peuvent conduire à une fragilité osseuse. Les produits laitiers sont
ici indispensables, avec un complément possible par d’autres aliments (légumes, eaux). Les apports
moyens journaliers conseillés sont de 700 mg pour les adultes, et le GEMRCN recommande 3 à 4
produits laitiers par jour (lait, lait fermenté, yaourts, desserts lactés, fromages...), en privilégiant les plus
riches en calcium, les moins gras et les moins sucrés.
Structure des repas, pour les “Enfants scolarisés, adolescents, adultes et personnes âgées en cas de
portage à domicile”
Pour les adultes, la journée alimentaire est structurée en 3 repas (petit déjeuner, déjeuner, dîner).
•Petit déjeuner
Pour l’adulte en bonne santé, il est recommandé un petit déjeuner comportant au minimum 3 éléments :
- un aliment céréalier ;
- un produit laitier : la ration servie doit apporter au moins 150 mg de calcium (lait, produit laitier
frais, fromage) et le lait demi-écrêmé est à privilégier ;
- une boisson ou un jus de fruit.
Les viennoiseries, les barres chocolatées, les biscuits chocolatés ou fourrés et les céréales fourrées.
65
- L’alimentation en milieu carcéral -
•Repas principaux
Les repas comportent 4 ou 5 composantes (entrées, plats protidiques, garnitures, fromages ou produits
laitiers, desserts), plus le pain.
Composition du menu à 5 composantes : entrée, plat protidique, accompagnement de légumes ou de
féculents, produit laitier ou fromage, dessert et pain.
Composition d’un menu à 4 composantes :
- soit plat protidique, garniture, produit laitier ou fromage, dessert et pain ;
- soit entrée, plat protidique, garniture, produit laitier ou fromage, et pain.
Le pain fait partie intégrante du repas et il faut permettre le choix d’autres types de pain que le pain
blanc.
Elaboration des menus
•Recommandations pour l’élaboration des menus
La composition des menus doit être variées pour assurer l’équilibre nutritionnel.
Les potages contribuent à l’équilibre du repas, permettent de limiter le grignotage et l’obésité
(composition, consistance) et représentent un apport non négligeable en légumes.
L’utilisation de produits allégés n’est pas justifiée en restauration collective.
Pour les matières grasses ajoutées :
- beurre et crème : assaisonnement de certaines recettes, en petite quantité. Mais, pour les autres
recettes, les huiles végétales sont préconisées ;
- composition des huiles à prendre en compte (cf. Équilibre entre acides gras et apports en
vitamine E) : le recours à plusieurs huiles est recommandé, avec notamment un mélange huile de
colza (majoritaire) – huile de tournesol (minoritaire). L’huile de noix et d’olive sont également
recommandées (intérêts gustatif et nutritionnel) ;
- graisses de palme et de coprah à éviter ;
- attention à l’utilisation de margarines ;
- conseils à suivre pour les quantités de graisses d’assaisonnement (cf. Annexe 2) ;
- limitation des sauces d’accompagnement riches en lipides, sel ou sucre (à ne pas mettre en libre
accès), ainsi que les recettes additionnées de charcuterie. Les assaisonnements simples à base de
citron, et des cuissons vapeurs ou à l’étouffée avec des aromates sont à préférer.
Il est conseillé d’établir des fiches techniques pour les recettes composant les menus (avec notamment
les grammages des aliments sources de matières grasses), ainsi que des fiches techniques des produits et
des plats achetés auprès des industriels.
•Fréquences de service des aliments aux convives
Des recommandations de fréquence sont établies pour des aliments susceptibles d’influencer
significativement l’équilibre alimentaire. Le respect de ces fréquences se fait sur une base de 20 repas
servis successivement.
Les fréquences sont établies pour tout type de restauration à partir du moment où il y a un menu unique.
Cf. Annexe 3.
Objectif visé
Fréquence recommandée (nombre de repas
sur 20 repas successifs)
Limiter la consommation des entrées contenant plus 4 au maximum
de 15% de lipides
Limiter la consommation des aliments à frire ou pré 4 repas au maximum
frits contenant plus de 15% de lipides
Limiter la consommation des plats protidiques dont 2 maximum
66
- L’alimentation en milieu carcéral -
le rapport protides / lipides est > ou = à 1
Servir un maximum de crudités, de légumes ou de -entrées de crudités, légumes ou fruits : 10
fruits
minimum
-desserts de fruits crus : 8 minimum
Servir un maximum de variétés de garnitures de 10
féculents
Diminuer la consommation de glucides simples 7 maximum
ajoutés
 Restriction de la consommation de desserts
contenant plus de 20 g de glucides simples totaux par
portion
Limiter la consommation de préparations ou plats 4 maximum
prêts à consommer à base de viande, poisson, oeuf
et/ou fromage, contenant moins de 70% de viande,
poisson ou oeuf
Servir un minimum de poisson ou de préparation à 4 minimum
base de poisson contenant au moins 70% de poisson
et dont le protides/lipides est au moins de 2
Servir un minimum de viandes non hachées de 4 minimum
bœufs, veau ou agneau, ou d’abats de boucherie
Servir à une fréquence minimale des fromages 8 au minimum
contenant au moins 150 mg de calcium par portion
Servir à une fréquence minimale des fromages 4 au minimum
contenant plus de 100 mg de calcium et moins de 150
mg de calcium par portion
Servir à une fréquence minimale des produits laitiers 6 au minimum
contenant plus de 100 mg de calcium et moins de 5 g
de lipides par portion
•Grammage des portions
Détail des grammages pour les portions d’aliments en Annexe 3.
Contrôle de l’équilibre alimentaire
Le contrôle porte sur un minimum de 20 repas successifs, servis pendant la période des 3 mois
précédant la notification du contrôle qui lui est faite.
Le prestataire ne peut être tenu responsable des modifications apportées sur les fréquences des
catégories de produits dans les menus, si celles-ci sont validées ou exigées par l’acheteur.
67
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 10
JORF n°0004 du 6 janvier 2009
Texte n°80
RECOMMANDATION
Recommandation du 24 décembre 2008 relative à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône
NOR: CPLX0831333X
La maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, établissement pénitentiaire, a été visitée par cinq contrôleurs du
contrôle général des lieux de privation de liberté du mardi 23 septembre au jeudi 25 septembre 2008.
Les constats opérés lors de cette visite ont donné lieu à un premier rapport communiqué au directeur de
l’établissement le 7 octobre 2008. Celui-ci a répondu par courriers du 14 octobre puis du 4 novembre 2008.
Le rapport complet de la visite a été communiqué pour observations, d’une part, à la garde des sceaux, ministre
de la justice, d’autre part, à la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative le 27 octobre
2008. La ministre de la santé a fait connaître sa réponse par lettre en date du 11 décembre suivant ; la garde des
sceaux a répondu le 17 décembre. Ces réponses seront annexées au rapport.
A la suite de cette procédure, et conformément à la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, le Contrôleur général
des lieux de privation de liberté a décidé de rendre publiques les recommandations suivantes :
1. L’établissement a mis en œuvre un « parcours individualisé » des détenus. Cette initiative paraît à première
vue positive. Elle se rapproche des objectifs des règles pénitentiaires européennes (règles 103.2 à 103.4) et du «
parcours d’exécution de peines » que comporte le projet de loi pénitentiaire (article 51), actuellement soumis au
Parlement. Tel qu’observé localement toutefois, ce « parcours » consiste à opérer un tri parmi les condamnés, en
proposant une évolution à certains d’entre eux et en laissant les autres sans espoir d’amélioration de leur sort. Les
premiers sont gratifiés d’un « contrat » quelquefois bien réel, mais parfois aussi vide de tout contenu (ni
engagement du détenu, ni activité offerte par l’administration) ; les seconds n’ont aucune proposition de projet ou
d’activité. L’illusion du « parcours » peut donc se traduire en définitive par une pure et simple ségrégation entre
les différents bâtiments ou étages de l’établissement, avec les détenus susceptibles d’évolution au cours de leur
incarcération et ceux qui seront laissés pour compte de manière souvent irréversible durant tout leur temps de
détention, dans une coursive réputée difficile pour eux comme pour le personnel pénitentiaire. Les modalités
d’affectation des surveillants aggravent encore le phénomène, en réservant le volontariat aux secteurs offrant aux
détenus un « parcours », ce qui comporte le risque de placer le personnel, lui aussi, dans un dispositif de
séparation injustifiée.
Si des projets adaptés à chacun peuvent être mis en œuvre en détention, ce n’est qu’à la condition qu’un
cheminement bien réel soit proposé à tous les détenus sans exception et que les moyens correspondants soient
dégagés.
2. La possibilité de recours des détenus contre des décisions qui leur sont applicables apparaît insuffisamment
développée : les lettres en la matière peuvent être ouvertes par celui dont on se plaint ; leur acheminement n’est
pas garanti ; elles peuvent demeurer sans réponse. Certes, beaucoup sont vouées à l’échec, certaines sont
abusives. Mais, même maladroite ou erronée, la demande du détenu ne saurait être ignorée. Faute de quoi, le
recours à la protestation désordonnée, violente, est inévitable à court ou moyen terme ; en effet, l’absence
d’écoute le justifie aux yeux des intéressés.
Tout détenu a droit au recours hiérarchique, comme le rappellent à leur manière les règles pénitentiaires
européennes (règle 70.1) ; il doit avoir les moyens de l’exercer. A cette fin, les éléments matériels pour user de ce
droit doivent être procurés au détenu (y compris à celui qui ne sait pas écrire) ; la lettre doit parvenir directement
à son destinataire ; la confidence nécessaire doit être respectée ; une réponse motivée doit être donnée. Des
68
- L’alimentation en milieu carcéral efforts substantiels doivent être réalisés sur ce point.
3. En lien avec la recommandation qui précède, on constate que les directeurs d’établissement et leurs adjoints
assurent dans des conditions difficiles une tâche très lourde, qui implique la gestion des personnels, les charges
matérielles de la détention, la concertation des personnes qui interviennent en prison et bien entendu le bon
accomplissement des missions qui incombent à l’établissement dont ils ont la responsabilité. Cette multiplicité ne
doit pas toutefois les détourner de l’essentiel : la bonne connaissance de la détention et des personnes qui s’y
trouvent. Ils ne peuvent s’en remettre sur ce point au seul encadrement supérieur de la détention (chef de
détention et officiers). Il importe qu’ils possèdent une vue approfondie des détenus et qu’ils prodiguent aux
personnels le soutien dont ceux-ci ont besoin.
Il est donc nécessaire que l’emploi du temps des responsables d’établissement leur permette de passer du temps
en détention, de recevoir ceux des détenus qui le souhaitent en audience, de répondre à leurs demandes écrites et,
plus généralement, d’avoir une connaissance précise et renouvelée des personnes incarcérées dans leur
établissement Le garde des sceaux en convient, qui a demandé, selon ses indications, aux directrices adjointes de
l’établissement visité de renforcer leur présence en détention.
4. Comme l’a démontré dans l’établissement visité une violente rixe survenue le 31 août dernier, opposant plus
d’une quinzaine de détenus, les cours de promenade sont les lieux de tous les dangers : menaces, rackets,
violences, jets de projectile, trafics... Elles sont le réceptacle de toutes les tensions et toutes les frustrations,
d’autant plus vives que les détenus sont massivement privés d’activités. Le personnel ne s’y introduit jamais avec
eux et surveille ces cours depuis des postes avoisinants ou par vidéosurveillance. Elles constituent
paradoxalement un espace dépourvu de règles dans des établissements soumis à des normes multiples et
incessantes. Elles sont, en quelque sorte, abandonnées aux détenus, qui considèrent volontiers la cour comme un
exutoire au confinement en cellule et comme un marché, substitut aux privations. En cas de rixe ou d’agression, il
faut attendre que les détenus aient réintégré le bâtiment pour reprendre le contrôle de la situation. Les
conséquences en sont triples : le plus fort impose sa loi ; des blessures graves sont fréquemment constatées ; bon
nombre de détenus refusent d’aller en promenade, de peur des agressions. Et les coupables d’infractions sont loin
d’être toujours sanctionnés.
Cette situation doit évoluer. Il ne peut être admis qu’un agent de l’administration, quel qu’il soit, soit exposé à
des risques inconsidérés. Leur protection est un impératif pour le Contrôleur général. Mais la reconquête des
cours de promenade, qui ne peut se concevoir que comme un processus de longue haleine, doit être recommandée
comme un objectif de l’administration pénitentiaire. Progressivement, dans certaines hypothèses, dans certains
établissements, jusqu’à s’appliquer en toutes circonstances et en tous lieux, les surveillants, en effectifs
suffisants, comme d’ailleurs tout autre acteur, doivent coexister dans tous les espaces avec les détenus. La cour
doit redevenir ce pourquoi elle est faite : un lieu de promenade, c’est-à-dire de détente, de sociabilité ou de
possibilité de rester seul. Cette recommandation est inséparable des recommandations 1 et 2 ci-dessus.
5. Pour diminuer les chances de réception des projectiles venus du dehors, précisément, mais aussi les jets de
détritus depuis les cellules, habitude ancrée dans la plupart des établissements, l’administration, logiquement,
multiplie, à la place des classiques barreaux aux fenêtres, des caillebotis, sorte de grillages épais et très serrés. Si
les jets divers (et le « yoyotage ») peuvent s’en trouver diminués (rarement supprimés), la pose de caillebotis a
pour effet de plonger les cellules dans la journée dans une quasi-obscurité, donnant aux détenus une forte
impression d’isolement et d’ombre. Ces dispositifs peuvent même avoir pour effet de les priver de toute vision du
ciel. Ils aggravent la vie cellulaire déjà difficile ou très difficile, attisent les sentiments dépressifs ou de colère.
Le gain de court terme tiré de la pose de ces éléments est incontestable. Mais il ne doit pas dissimuler qu’il
accroît les tensions supplémentaires de moyen et long terme, du fait du sentiment de contrainte et de pression
qu’ils engendrent sur les détenus, lesquels, invisibles derrière les caillebotis, sont renforcés dans leur anonymat.
Par conséquent, on ne doit pas douter qu’à terme les relations avec les personnels seront encore plus difficiles. Si
les problèmes de sécurité et d’hygiène posés par les jets et la communication intempestive avec l’extérieur sont
bien réels, il est recommandé de les résoudre autrement (renforcement de l’efficacité des nettoyages et de la
collecte des déchets, multiplication des occasions de dialogue ― cf. recommandations 2, 3 et 6 ―, présence dans
les cours ― cf. recommandation 4 ―, protections contre les projectiles à la hauteur de l’enceinte extérieure).
69
- L’alimentation en milieu carcéral 6. L’attention doit être attirée évidemment sur les conditions de travail difficiles des personnels. Notamment a été
constaté le découragement des personnels d’insertion et de probation (que traduit par exemple la rotation
importante des effectifs), symétrique du vif mécontentement des détenus à leur endroit. Surchargés de tâches
bureaucratiques et de cas à traiter, singulièrement dans l’établissement des dossiers nécessaires pour les
procédures d’application des peines et de sortie de l’établissement, tâches qui ne correspondent d’ailleurs pas aux
motivations d’origine de nombre d’entre eux, ces agents délaissent, parce qu’ils ne peuvent faire autrement, deux
actions majeures en maison d’arrêt : d’une part, l’écoute et la prise en considération du tout-venant des
préoccupations des condamnés, notamment de ceux condamnés à des peines courtes et de ceux en situation de
précarité, dont les demandes restent sans réponse dans des délais raisonnables et dont la personnalité est, par
conséquent, de moins en moins réellement connue ; d’autre part, les actions en faveur de la population des
prévenus, laquelle reste à l’écart (sauf dans l’hypothèse d’une procédure « arrivants », lorsqu’elle existe) de toute
intervention sociale efficace.
La prise en charge sociale de la plupart des détenus est défaillante aujourd’hui. Il est recommandé de restaurer,
par des effectifs renforcés, par un effort constant d’écoute en détention (cf. recommandation 3) qui vaut aussi
pour les conseillers d’insertion et de probation, par une meilleure prise en considération des facteurs personnels
dans les commissions d’application des peines, par la réponse aux préoccupations quotidiennes de tous les
détenus sans exception, la qualité de cette prise en charge. Il est également recommandé que, comme le personnel
de direction, les conseillers d’insertion et de probation soient plus présents en détention, pour pouvoir tout à la
fois répondre aux sollicitations et mettre en œuvre (tout autant que suivre) des activités socio-éducatives et
culturelles intéressant le plus grand nombre possible de détenus.
J.-M. Delarue
70
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 11
Exemple de liste des produits cantinables
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- L’alimentation en milieu carcéral -
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- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 12
Règles pénitentiaires européennes.
(Extrait)
CONSEIL DE L’EUROPE
COMITE DES MINISTRES
Recommandation Rec(2006)2
du Comité des Ministres aux Etats membres
sur les Règles pénitentiaires européennes1
(adoptée par le Comité des Ministres le 11 janvier 2006,
lors de la 952e réunion des Délégués des Ministres)
Régime alimentaire
22.1 Les détenus doivent bénéficier d’un régime alimentaire tenant compte de leur âge, de leur état de
santé, de leur état physique, de leur religion, de leur culture et de la nature de leur travail.
22.2 Le droit interne doit déterminer les critères de qualité du régime alimentaire en précisant
notamment son contenu énergétique et protéinique minimal.
22.3 La nourriture doit être préparée et servie dans des conditions hygiéniques.
22.4 Trois repas doivent être servis tous les jours à des intervalles raisonnables.
22.5 Les détenus doivent avoir accès à tout moment à l’eau potable.
22.6 Le médecin ou un(e) infirmier(ère) qualifié(e) doit prescrire la modification du régime alimentaire
d’un détenu si cette mesure apparaît nécessaire pour des raisons médicales.
73
- L’alimentation en milieu carcéral -
ANNEXE 13
OUVRAGE : Médecin chef à la prison de la santé
Véronique VASSEUR
(extrait)
« Les cuisines sont ultramodernes, très propres, équipées de casseroles et de poêles
géantes. Les couteaux, eux, sont rangés dans une armoire blindée. Les grands couteaux,
les hachoirs ont leurs contours dessinés sur le mur où ils sont pendus afin de vérifier
qu’il n’en manque pas. Les détenus passent à la fouille avant de repartir dans leur cellule.
Etant donné la taille des outils, c’est plus prudent. Je me perds entre des caddies entiers
de persil et de carottes râpées… Impressionnant. Cela me rappelle qu’il faut nourrir
presque deux mille bouches chaque jour. Des pièces entières servent de remises, dont
une contenant des sacs énormes d’épices. Il y en a même que je ne connais pas. Et, dans
les réserves, des caisses de dentifrice, de savons, de lames de rasoir, de peignes, etc…
Les cuisines se trouvent dans les sous-sols. Il y a beaucoup d’escaliers à monter avant
d’arriver dans les cellules. Les coursives sont très étroites donc il ne peut pas y avoir de
chariots chauffants. Conséquence : la bouffe se trouve dans des immenses gamelles qui
sont parfois posées à même le sol. L’hygiène est donc tout à fait relative : il arrive que
l’on trouve dans ces gamelles des mégots ou des cafards. Quant à la nourriture, elle
arrive en général glacée et il n’y a pas grand chose dans les cellules pour la réchauffer.
Ceux qui ont de l’argent peuvent néanmoins se procurer un petit réchaud avec des
pastilles d’alcool à brûler dont les vapeurs sont relativement toxiques. D’autres se font
des chauffes, c’est-à-dire qu’ils mettent de l’huile dans des canettes de Coca et la font
brûler. Les détenus se plaignent beaucoup de l’alimentation bien qu’elle soit légèrement
améliorée aujourd’hui. Un exemple du menu de midi : carottes râpées, pommes de terre,
petits pois et steak haché. Sur le papier, il est correct. Mais il faut savoir que la nourriture
coûte 17 francs environ par jour et par détenu pour un petit déjeuner, un déjeuner et un
dîner. C’est rien ! Du coup, la qualité laisse très souvent à désirer : il y a encore quelques
mois, on proposait aux détenus du cœur de bœuf, c’était infect !
Quant aux détenus affectés à la cuisine, certains d’entre eux dérobent les desserts.
Ajoutons encore le cas des détenus qui suivent un régime : leurs petites barquettes
individuelles arrivent glacées – elles sont préparées à 9heures du matin pour midi ! – et
on leur vole leurs yaourts et leurs fruits ».
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- L’alimentation en milieu carcéral -
GLOSSAIRE
Auxi : Détenu qui travaille comme auxiliaire à l’étage.
Détenu : c’est par l’acte d’écrou défini par l’article D. 449 du CPP, (remise de la personne au chef
d’établissement pénitentiaire), qu’une personne est prénommée détenu. Quelque soit son statut de
prévenu ou condamné108.
Prévenu : toute personne placée en détention pendant le temps de l’instruction, personne en attente
d’être jugée par le tribunal correctionnel ou la cour d’assises, mais aussi personne déjà jugée qui n’a
pas épuisé ses voies de recours (condamné non définitif109).
Condamné : sera considéré comme condamné, le « détenu ayant fait l’objet d’une condamnation pénale
(peine d’emprisonnement, peine de réclusion ou de détention criminelle) devenue définitive (épuisement
des voies de recours) ».
Programme 13000 : Constructions d’établissements pénitentiaires commencé en 1987, dont la gestion
est mixte entre le secteur public et le secteur privé.
Règlement intérieur : document qui doit décliner, pour chaque établissement pénitentiaire, le régime
juridique applicable à son fonctionnement. Il doit naturellement se borner à préciser, dans le respect
strict de la loi et des normes décrétales, ce régime local. Il ne saurait violer le droit commun et les
principes fondamentaux110.
Traitement inhumain : (Définition issue de l’arrêt CEDH, 18 janv. 1978, Irlande c/ Royaume-Uni) « Ce
traitement est de nature à créer chez les victimes un sentiment de peur, d’angoisse et d’infériorité
propre à les humilier, à les avilir et à briser éventuellement leur résistance physique et morale ».
108
Définition tirée du Fasc. 20 : DETENTION : dispositions communes aux différents établissements pénitentiaires.
fondements du droit pénitentiaire et structures, PEDRON Pierre, Magistrat, docteur en droit, chargé d'enseignement
l'Université de Paris II, Panthéon-Assas. Date de fraicheur au 11 juillet 2007.
109
Définition tirée du Fasc. 20 : DETENTION : dispositions communes aux différents établissements pénitentiaires.
fondements du droit pénitentiaire et structures, PEDRON Pierre, Magistrat, docteur en droit, chargé d'enseignement
l'Université de Paris II, Panthéon-Assas. Date de fraicheur au 11 juillet 2007.
110
HERZOG-EVANS Marine, Droit de la sanction pénitentiaire, Dalloz référence, première édition, 2004
75
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