Dopage sanguin, testostérone, nandrolone, GH : difficultés du

Transcription

Dopage sanguin, testostérone, nandrolone, GH : difficultés du
7ème colloque national
Fondation Sport Santé
Dopage sanguin, testostérone, nandrolone, GH : difficultés
du dépistage
Michel AUDRAN
Professeur des universités, directeur du laboratoire de biophysique et de bioanalyse,
Faculté de Pharmacie de Montpellier
Voici, publiée par le quotidien espagnol EL PAÏS, une fiche de « préparation
pharmacologique», d’un athlète de haut niveau, au cours de sa saison sportive. Le sportif en
question a pris des hormones de croissance, de l’EPO, des patches de testostérone, des
facteurs de croissance, et a subit des transfusions sanguines. Cet athlète a été contrôlé
(prélèvements sanguins et urinaires) et n’a jamais été trouvé positif. Les raisons pour
lesquelles de telles pratiques ne sont pas facilement détectées, vont faire l’objet de mon
exposé.
En matière de dopage sanguin, la transfusion autologue demeure toujours indétectable. L’EPO
présente, un problème différent : sa demi-vie courte permet d’arrêter le traitement quelques
jours avant l’épreuve pour garantir un contrôle négatif. De faibles doses de ce produit
entraînent une positivité de moins de 24 heures.
Dopage sanguin
transfusion autologue
ret
Hb
faibles doses d ’EPO
Off score
Paris, les 16 et 17 mars 2007
17
7ème colloque national
Fondation Sport Santé
En outre le problème de la détection de la prise d’EPO pourrait devenir plus compliqué avec
l’apparition des EPO génériques, consécutive à l’échéance, hors Amérique du Nord, du brevet
détenu par la société Amgen. Ces EPO, donnat des isoformes un peu differentes des EPO
recombinantes actuelles, devraient conduire l’AMA à modifier les critères de positivité du
test.
EPO “ g é n é riques”
riques” ?
L’hormone de croissance (GH) est vraisemblablement essentiellement utilisée dans un but de
récupération musculaire et de recharge en glycogène. Certes, associée à l’Insuline ou aux
stéroïdes anabolisants, elle devient un excellent anabolisant. Il existe pour cette substance un
test de dépistage basé sur le fait que la GH recombinante n’existe que sous la forme de
l’isomère 22 kDa. contrairement à la naturelle qui existe sous 2 formes 20 et 22 kDa Par
conséquent, la prise de ce produit entraîne une augmentation du rapport entre cet isomère et
l’ensemble des formes de GH présentes dans l’organisme. La GH ayant une demi-vie très
courte, sa détection directe, comme celle de l’EPO, est limitée dans le temps et ce test n’est
opérationnel au mieux dans les 24 ou 36 heures qui suivent l’administration du composé. Le
test a été utilisé aux Jeux olympiques d’Athènes et de Turin, mais n’est pas pratiqué par la
majorité des laboratoires et en outre se heurte actuellement à un problème de fourniture
d’anticorps spécifiques de l’isoforme 22kDa.
Hormone de croissance
la GH recombinante (rGH)
n’existe que sous la forme 22 kDa
l’administration de rGH diminue
la sécretion endogène
conséquence le rapport
22 kDa GH
ensemble des differentes formes
augmente
M. Saugy et al. BJMS decembre 2006
Fenètre de détection 24 à 36h
Le problème du dépistage de la prise de testostérone est différent. Les contrôles anti dopage
sont effectués en 2 étapes, une première étape dite de criblage, une deuxième étape de
confirmation. Lors de la première étape, le diagnostic de la prise de testostérone se fait à partir
Paris, les 16 et 17 mars 2007
18
7ème colloque national
Fondation Sport Santé
du rapport testostérone/épitestostérone (rapport T/E). En effet, l’épitestostérone n’est pas un
anabolisant et sa quantité n’augmente pas avec la prise de testostérone. Le test de dépistage
s’effectue par couplage spectrométrie de masse- chromatographie gazeuse : on mesure le
rapport des hauteurs ou des aires des pics moléculaires de la testostérone et de
l’épitestostérone. Le rapport normal est autour de 1,25 pour les Caucasiens et de 0,5 pour les
Asiatiques. Le seuil de positivité autrefois fixé à 6, est actuellement fixé à 4. Cette valeur seuil
pose un problème d’une part parce que certains individus se situent naturellement au-delà de
ce seuil, mais surtout parce que des individus ayant une valeur normale pourront prendre de
faibles doses de testostérone, pour par exemple faire du re-équilibrage hormonal, sans être
déclarés positifs Par ailleurs, une consommation élevée de boisson avant un contrôle dilue
suffisamment l’urine pour rendre l’épitestostérone non-mesurable ce qui gène la réalisation du
test.
Si la valeur relevée du rapport est supérieure ou égale à 4, des « recherches supplémentaires »
sont menées, sauf s’il est prouvé que cette valeur est physiologique ou pathologique. La prise
d’éthanol, de DHEA ou d’Androstenedione peuvent toutefois modifier cette valeur.
En quoi consistent ces « recherches complémentaires » ? Il y a 2 possibilités. L’une consiste à
vérifier le « profil urinaire stéroïdien » du sujet et à comparer le résultat du rapport T/E avec
celui ou ceux de contrôles antérieurs, si ils existent, pour déterminer le caractère
physiologique ou non du rapport.
Analyse GC-MS mode SIM m/z : 432
valeur normale (Caucasiens) : 1,5 ± 1
plus faible chez les asiatiques : 0,5
M. Saugy et al. Bailleres Clinical Endocrinology and Metabolism 2000
Une autre technique est également possible : le couplage chromatographie gazeuse et
spectrographie de masse de rapport isotopique du carbone. Cette méthode, appelée GC-CIRMS, est préconisée lorsque le rapport entre testostérone et épitestostérone est supérieur ou
égal à 4, mais aussi, notamment, lorsque la concentration des deux substances dépasse
200 ng/ml : il est en effet possible de prendre un mélange de testosterone et d’epitestosterone
d’épitestostérone ce qui permet de maintenir le rapport T/Een dessous de 4. Cette technique
est également préconisée lorsque le taux urinaires de l’androsterone ou de l’éthiocholanolone,
métabolites de la testostérone, ou bien encore celui de la DHEA sont élevés.
La méthode consiste en la mesure par spectrométrie de masse du rapport carbone 13/carbone
12 après séparation par chromatographie gazeuse et combustion des composés. Le CO2 est
produit par la pyrolyse de l’échantillon.
Paris, les 16 et 17 mars 2007
19
7ème colloque national
Fondation Sport Santé
GC-C-IRMS
Consite en la mesure par spectrométrie de masse
du rapport 13C/12C aprés séparation par GC et
combustion des composés
séparation
combustion
CO 2
m/z 44
12C 16 O
2
m/z 45
13C 16 O
2
analyse
m/z 44
12C 16O
2
m/z 45
13 C 16 O
2
12 C 16O 17 O
m/z 46
12C 17O 17O
13C 16O 17O
12C 16O 18O
On mesure ensuite l’écart (négatif) de ce rapport à celui d’un CO2 de reference. Cette
méthode se fonde sur le fait que la testostérone exogène est fabriquée à partir de stérols de
plantes à faible incorporation de carbone 13. Les stéroïdes endogènes, provenant du
cholestérol qui provient lui-même d’une alimentation diversifiée, sont plus riches en cet
isotope que les stéroïdes issus de l’hémi synthèse. On mesure donc l’écart entre
l’appauvrissement en carbone 13 d’un précurseur de la testostérone (puisqu’il n’est pas
affecté par la prise de testostérone) et celles de plusieurs métabolites du composé (2 à 4).
Selon les critères de l’AMA, la prise de stéroïdes exogène est prouvée lorsque la valeur
mesurée pour au moins un métabolite diffère d’au moins 3 unités pour mille du stéroïde de
référence endogène sélectionné, ou bien lorsque la déviation isotopique mesurée est inférieure
à – 28 ‰.
Testostérone exogène (et
ses précurseurs) sont
obtenus par hémisynthèse
à partir de stérols de plantes
(soja)
Precurseur:
composé endogène non
affecté par la prise
de testostérone ou de
l’un de ses précurseurs
Testostérone naturelle et
ses précurseurs sont
synthétisés dans notre
organisme principalement à
partir du cholestérol fourni
par l ’alimentation
Métabolites (ou
composé lui même)
Les stéroïdes endogènes sont plus riches en
13 C que ceux issus de l ’hémisynthèse
• Undecanoate de
testosterone
Critères de l’AMA:
L’analyse isotopique indique une prise de steroïde exogène
lorsque la valeur mesurée pour le(s) métabolite(s) diffère de
au moins 3 unités ‰ du stéroïde de reference endogène
selectioné
δ13C précurseur - δ13Cmétabolite >3‰
ou bien lorsque la déviation isotopique mesurée est inferieure à
-28‰
δ13Cmétabolite <-28‰
Avantages: bien plus performant que le rapport T/E
• 80 mg
• 3 fois/ semaine
• 4 semaines
• Analyses J24
(11iémecp)
temps 0,4,8,24h
• précurseur:
androstenol
• métabolites:
androsterone
ethiocholanolone
BEAUME et al. Steroids 2006
Paris, les 16 et 17 mars 2007
20
7ème colloque national
Fondation Sport Santé
La méthode GC-C-IRMS présente l’avantage d’être bien plus performante que la mesure du
rapport T/E dans la mesure ou elle permet la détection spécifique de la prise de testostérone
exogène. En revanche, elle est longue et difficile, son appareillage présente un coût élevé et
elle consomme une grande quantité d’urine : entre 8 ml et 32 ml suivant le nombre de
métabolites étudiés. Si l’on ajoute les 15 ml nécessaires au test de l’EPO, il ne reste qu’une
faible quantité pour les autres contrôles. Il est donc difficile de l’utiliser de manière routinière.
Inconvénients : critères de positivité peuvent varier
Inconvénients: longue
difficile
appareillage onéreux
consomme beaucoup d’urine (8-32 ml)
URINE
centrifugation
SPE C18
Élution MeOH
évaporation
HYDROLYSE ENZYMATIQUE
(β Glycuronidase (E. Coli)
le choix du (des) composés endogène(s) et surtout du (des)
métabolite(s) laissé à l’appréciation du laboratoire peut
conduire à des résultats différents (à l’avantage de l’athlète)
Précurseurs :
androstenol
11-kétoèthiocholanolone
5β pregnanediol
centifugation
Fraction 1
Fraction 2
d’un laboratoire à l’autre
SPE C18
Élution Eau/ACN
évaporation
évaporation
ACETYLATION
SPE C18
Élution ACN
métabolites :
Fraction 3
GC-MS (scan, EI)
GC-C-IRMS
Ref. LNDD
androstérone
éthiocholanolone
5α androstanediol
5β androstanediol
Cette méthode a elle aussi ses limites. La fenêtre de détection peut être de l’ordre de 24heures
seulement si la testosterone est prise à relativement faible dose (ce qui est le cas pour un reéquilibrage hormonal) et par voie orale. Les précurseurs habituellement choisis sont
l’androstenol, le 11-kétoèthiocholanolone et le 5β pregnanediol. Les métabolites principaux
sont l’androstérone, l’ethiocholanolone, et les dérivés 5α androstanediol et 5β androstanediol.
Or, suivant le couple précurseur-métabolite utilisé, l’analyse peut fournir des résultats
différents, ce qui en clair signifie qu’un sujet peut être positif dans un laboratoire et négatif
dans un autre (mais la méthode ne fait pas de faux positifs).
On peut appliquer la méthode GC-C-IRMS au dépistage de la nandrolone, de la DHEA, et
peut être dans un proche avenir à la détection de la prise des corticostéroïdes endogènes.
La détection de la nandrolone n’est plus un problème aujourd’hui. Elle est détectée à partir de
ses métabolites, notamment la 19-norandrostérone (NA), le seuil de positivité est fixé à
2 ng/ml, cette valeur étant éventuellement corrigée en fonction de la valeur de la densité des
urines. Des précautions doivent cependant être prises quand le sujet contrôlé est de sexe
féminin : la grossesse ou la prise de certains contraceptifs pouvant élever le taux de NA. La
valeur du seuil a été décriée dans certaines publications, mais il est maintenant avéré que ni
l’exercice ni le fait de manger de la viande de sanglier ou d’animaux traités à la nandrolone,
peut conduire à un taux urinaire de NA de 2ng/ml. Cependant la démetylation de
l’ethiocholanolone et de l’androsterone dans l’urine peut également conduire, dans certains
cas, à des cas faussement positifs. Une confirmation par spectrographie de masse isotopique,
lève toute ambiguïté.
Je conclurai mon intervention en évoquant une nouvelle méthode de dopage : un long papier
vient d’être publié dans une revue scientifique et conclut en effet aux effets dopants de
l’orchiectomie unilatérale (ablation d’un testicule) et qui serait la raison des exploits de Lance
Armtrong!Je me garderai toutefois de la recommander !
Paris, les 16 et 17 mars 2007
21
7ème colloque national
Fondation Sport Santé
Questions de la salle
Jean-Yves PETIT, professeur de pharmacologie, université de Nantes
J’attire l’attention sur le problème que constitue la variabilité nycthémérale de la sécrétion de
GH, qui s’ajoute aux variations liées au stress ou à l’effort physique. Dans ces conditions, il
me paraît difficile d’établir une norme précise.
Michel AUDRAN
Ces variations diminuent la fenêtre d’application du test mais ne le remettent pas en cause. Le
traitement à la GH réduisant la sécrétion endogène de toutes les formes, le rapport demeure
élevé.
Alain GARNIER, directeur médical de l’Agence Mondiale Antidopage
On pour ces analyses la méthode ELISA . La prise de GH diminuant la production endogène
pituitaire, la sensibilité du test s’en trouve renforcée. Je signale que la méthode de détection
de la GH est utilisée, certes avec parcimonie, seuls quatre laboratoires dans le monde pouvant
l’appliquer. Aucun sportif n’a encore été pris en faute, notamment en raison de la fenêtre de
détection réduite. Néanmoins, une autre méthode complémentaire par approche indirecte
devrait améliorer les résultats.
Jean-Claude LAPOSTOLLE, médecin fédéral de la FF de Tir à l’Arc
Dans le cas de deux jeunes présentant des taux élevés de testostérone et d’androstérone, la
spectrographie de masse n’a pas révélé de prise de médicaments. Je souhaite donc connaître la
conduite à suivre dans ce cas, notamment s’il faut mettre en place un suivi.
Michel AUDRAN
Le seuil de 4 pour le rapport T/E semble inadapté à de nouvelles formes d’utilisation comme
les patches ou les pommades. Dans l’impossibilité d’effectuer systématiquement une analyse
IRMS, il faut se contenter de cette solution.
Alain GARNIER
Le rapport T/E constitue non un critère de positivité, mais simplement un seuil de
déclenchement d’analyses complémentaires. De plus, l’IRMS ne met pas en évidence de faux
positifs mais beaucoup de faux négatifs. Par conséquent, l’absence de résultat à l’IRMS ne
prouve pas que les sportifs n’aient pas pris de médicaments. Enfin, les experts reconnaissent
l’insuffisance du rapport T/E et la nécessité d’analyses plus complètes du profil stéroïdien,
tout en réaffirmant l’importance de la méthode IRMS.
Nhu Uyen NGUYEN, médecin du CDOS du Doubs
Je confirme que la concentration de GH connaît des fluctuations journalières. En revanche, les
IGF permettent de détecter un traitement à l’hormone de croissance.
Paris, les 16 et 17 mars 2007
22

Documents pareils