Cora, une saga - Associations 21

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Cora, une saga - Associations 21
Cora, une saga : le cas de Mouscron
Récit rédigé par l’asbl Eco-Vie
http://www.eco-vie.be/
Introduction
Nous commençons cet exposé par un bref récapitulatif des premières moutures du projet
d’implantation commerciale pour poursuivre ensuite par quelques éléments spécifiques au contexte
mouscronnois. La troisième partie est consacrée aux différents rebondissements du dossier. La
conclusion est (malheureusement) provisoire…
Il faut d’emblée retenir que le dossier s’étend sur tant d’années que la législation a eu le temps de
changer. Ainsi, le permis socio-économique (pour le dire vite, le permis relatif à la faisabilité
commerciale) et le permis d’urbanisme délivrés séparément en début de « saga » ont été fusionnés
ensuite sous le nom de « permis unique »… On le verra plus loin, en 2003, le permis socioéconomique a fait l’objet d’une recours déposé par une association essentiellement composée de
petits commerçants (les Amis du Quevaucamp) et le permis d’urbanisme a lui été attaqué par des
riverains appuyés par des associations à vocation environnementale. Plus tard (en 2007) les recours
ont été introduits contre le « permis unique »…
I.
Et, au début, il y eut Excelsius…
C’est en 1998 qu’est apparu le premier projet d’implantation commerciale géante à Mouscron. A
l’époque, il s’agit d’un « machin » (cf. tableau ci-dessous) baptisé Excelsius. Le nom même du projet
était une référence explicite à l’Excelsior de Mouscron, un club de football dont le bourgmestre de
l’époque, Jean-Pierre Detremmerie, ambitionnait de faire un cador de la division 1 belge.
Au vu des difficultés successives en termes de lieu d’implantation, d’études diverses à réaliser, de
complications administratives ainsi que des fortes oppositions locales, Excelsius n’a pas vu le jour. Ni
même l’ombre d’un début de commencement. Qu’à cela ne tienne… Le monstre ressurgissait dès
septembre 1999 et il s’agissait cette fois d’un « Cora Excelsius », très vite rebaptisé « Cora
Botanique » (on verra pourquoi).
Une brève comparaison des deux projets montre qu’on parlait sensiblement de la même chose
(même si l’emballage différait quelque peu).
Excelsius
Surface brute totale : 120 000 m²
Répartition :
Sports et loisirs +/- 20 000 m²
Superficie
de
vente
(avec
« locomotive » un Cora de 17 000m²)
Galerie commerçante +/- 65 000 m²
Cora-botanique
Surface bâtie au sol : 95 420 m²
Restauration : 5 220 m²
comme Cora 16.700 m²
Promenade (mall) : 14 000 m² + 80 boutiques : 12 900
m² +15 moyennes surfaces spécialisées 36 700 m²
Parking : 12 000 emplacements
Parking : 5 500 places
Emplois : 2 500
Emplois : +/- 2.000
Investissement total : 10 milliards Feb (250 Investissement total : 6 milliards Feb (150 millions d’€)
1
millions d’€)
Situation : nombreuses expropriations agricoles
Situation : le zoning d’activités mixtes dit « du
Quevaucamp » ; les terres ont déjà fait l’objet
d’expropriations et appartiennent à l’IEG (cf. ci-dessous
et note de bas de page n°2)
Le promoteur est un fonds d’investissement Le projet Cora est présenté comme un projet wallon
anglais
capable de générer non seulement de l’emploi, mais
également de récupérer du PIB (produit intérieur brut)
en s’adressant à une clientèle flamande et wallonne qui
fait ses achats en France et en attirant la clientèle
française friande de « fun-shopping »
II. Une certaine vision du « développement »
1. L’intérêt marqué par M. Detremmerie pour la création d’un club sportif de « haut niveau »
n’est pas séparable des « affaires » au sens commercial du terme. Il ne faut donc pas s’égarer : on
parle bien ici d’une « logique de développement », au sens où une niche d’activités (supposée être
créatrice des emplois et des richesses y afférentes) est appuyée sur la renommée d’une élite sportive
laquelle élite s’appuie en retour sur le sponsoring des marques impliquées dans la « niche ».
Dans cette histoire, on sait donc que les autorités communales de l’époque, entièrement dévolues à
M. Detremmerie (bourgmestre CDH de Mouscron de 1980 à 2006), souhaitaient attirer des sponsors
pour le club de football. En l’espèce, le projet Excelsius était porté par le groupe britannique Stadium
(tiens donc), propriété à 100 % de la famille Healey (le Stadium Group, gère quelque chose comme 3
milliards d’euros d’actifs). Le club de football de la Ville de Mouscron s’appelait l’Excelsior. Le projet
portait donc comme nom une forme de superlatif -construite sur le modèle de la langue latine, le
club de foot endossant quant à lui un nom construit sur la forme d’un simple comparatif (toujours en
latin) - le procédé était un peu grossier, le terme Excelsius a fini par disparaître…
De même au demeurant que M. Detremmerie a disparu du paysage politique et que l’Excelsior de
Mouscron a été rayé des chroniques sportives1. Excelsior, dans les locaux duquel des perquisitions ont
été menées dès 2007. Au terme d’une longue enquête, M. Detremmerie a été inculpé en 2011 pour
« détournement, faux, usage de faux et abus de biens sociaux dans la gestion financière de
l’Excelsior ». Il a été contraint par ses pairs d’abandonner l’ensemble de ses mandats (dont celui de
président de l’IEG…). Même si M. Detremmerie est présumé innocent, la simple existence d’une
inculpation montre que la gestion combinée d’opérations foncières et immobilières, d’un club de
football et d’une entité communale n’est pas des plus simples.
On soulignera encore, et à titre d’exemple, qu’un immeuble du centre-ville (le « Sarma ») appartenant
à la ville de Mouscron a été vendu à un certain M. Dufermont pour 670 000 €. Même si les versions
divergent sur les raisons et les modalités de ce versement, il se fait que cet argent s’est retrouvé sur
les comptes du club de football et non dans les caisses de la commune… Et que M. Dufermont a
présidé un temps le club de football…
1
Peu importent ici les histoires de fusion et de remontée en division 1, l’Excelsior n’existe plus en tant que tel.
2
2. Pour mener ses projets politico-économico-sportifs, M. Detremmerie s’appuyait sur l’IEG2,
l’intercommunale de développement économique de la zone Comines / Estaimpuis/ Mouscron.
On a vu dans le tableau ci-dessus que les premières moutures du projet, portant encore le nom d’Excelsius,
visaient à s’implanter en zone agricole (ce qui explique pour une bonne part le renoncement du groupe
Stadium). Le projet Cora pour sa part entendait s’implanter au lieu-dit le « Quevaucamp », reconverti en
zone d’activités mixtes - les deux zones étant, ceci dit, assez proches.
Il faut savoir que l’IEG s’était portée acquéreuse des terrains destinés à l’implantation du Cora, pour la
somme de 460 millions de Feb (un peu plus de 11 millions d’€). L’intercommunale entendait revendre ces
terrains aux promoteurs et réaliser une importante plus-value, qui lui servirait à « mener ses projets ».
Il est important de retenir que, dans toute cette affaire (comme dans bien d’autres toujours en cours
aujourd’hui), jamais l’intercommunale n’a abandonné son rôle de spéculateur foncier. Notons encore que
ce tour de passe-passe soustrait toutes les opérations au contrôle démocratique du conseil communal…
2
L’Intercommunale d’Etude et de Gestion (IEG) est constituée des villes de Mouscron et Comines-Warneton
sises dans l’arrondissement de Mouscron-Comines, ainsi que de la commune d’Estaimpuis située dans
l’arrondissement de Tournai.La zone IEG a une superficie de 13.293ha.
L’intercommunale IEG est subdivisée en six secteurs
1. Expansion économique
Animation économique
- Information, sensibilisation
- Conseil, accompagnement
- Assistance TPE/starters
- Assistance Management/ADI
- TIC
Parcs d’activités économiques
Infrastructures d’accueil
M.I.M
Passeport compétitivité agroalimentaire
2. Production et distribution d’eau
Qualité de l’eau
- Paramètres
- Eau de pluie
3. Maîtrise d’ouvrage
Les Infrastructures
4. Infrastructures de loisirs
Les Dauphins – Mouscron
Aqualys – Comines
Flipper - Mouscron
Académie Mouscronnoise d'Equitation :
Futuro Sports
5. Structures associées
COPIT
ACTE
6. Conseils, Etudes
Guichet de l'énergie
S.H.A.
3
3. Tout ceci s’inscrit encore dans une vision (si l’on peut dire) du développement économique
basée sur l’implantation massive d’activités industrielles sur le territoire mouscronnois, ce que l’on a
coutume d’appeler ici le « tout aux zonings ».
Extrait de la revue d’Eco-Vie (n°272, mai - juin 2012).
« 15 % des terres mouscronnoises sont occupées par des « zonings » : c’est le taux d’occupation le plus
élevé en Wallonie ! Alors que nous avons une très forte densité de population, l’intercommunale de
gestion économique ne cesse de dire qu’elle a besoin de nouvelles zones d’activités économiques. Et
cette boulimie de zonings ne s’arrêtera jamais : l’intercommunale a besoin de nouveaux terrains pour
pouvoir les vendre en réalisant au passage une belle plus-value. L’intercommunale se comporte en fait
comme un agent immobilier : les ventes de terrain constituent pour elle un marché avantageux et,
d’ailleurs, l’une de ses principales sources de revenus … Pourquoi dès lors s’arrêterait-elle en si bon
chemin ? »
III. La saga
1. Préalable
L'opposition à l'implantation d'un centre commercial à Mouscron (quelle que soit son nom et son
promoteur) a très vite pris la forme d'une sorte d'union sacrée réunissant les locales d'Ecolo de
Mouscron et d'Estaimpuis ainsi que Groen! (au départ encore appelé Agalev), l'asbl Eco-Vie, les
représentants des classes moyennes, une association de petits commerçants et de riverains créée
pour l'occasion (« Les Amis du Quevaucamp »), les Amis de la terre, etc. Une mention spéciale doit
être décernée à Inter-Environnement Wallonie pour le suivi que la fédération a assuré tout au long du
dossier.
Première réunion
En novembre 98, Ecolo organisait un forum de réflexion citoyenne « Faut-il craindre Excelsius ? ». A
cette réflexion, participaient l’Union des Classes Moyennes, la Chambre de Commerce, le MOC, la
FGTB, l’Union professionnelle agricole et l’Alliance agricole.
Les actes de forum ont été largement diffusés.
2. Deuxième salve d’interventions
En juin 1999, alors que des rumeurs font état d’un nouveau projet au lieu-dit du Quevaucamp, Sylvia
Vannesche, conseillère communale Ecolo à Mouscron, interpelle Monsieur Detremmerie,
bourgmestre. Ce dernier lui répond qu’il en dira plus à la rentrée en septembre…
Et à la fin du mois de septembre 1999, une commission communale dévoile le nouveau projet « CoraBotanique ».
Cette présentation est remarquablement mise en scène… Monsieur Detremmerie est flanqué de Monsieur
Schoon (professeur à la Fucam), de Monsieur Eggermont (administrateur-délégué de Cora) et d’un
architecte-paysagiste chargé de l’élaboration d’un jardin botanique inséré dans le projet. Des documents
extrêmement soignés sont remis à toutes les personnes présentes : une présentation générale du projet,
une étude réalisée par la Fucam sur l’opportunité du projet « Cora-Excelsius » et un mémoire d’étudiant
dont le sujet est « La concurrence frontalière et les grandes surfaces commerciales ».
4
Pour les opposants, il s’est alors agi non seulement d’analyser l’ensemble de ces documents et les
études afférentes et de diffuser aussi largement que possible les résultats de ce travail.
A ce stade-ci du dossier, la communication s’est essentiellement basée sur les conférences de presse
d’une part et sur le relais privilégié dont disposaient les opposants en la personne de M. Luc
Tiberghien, député wallon Ecolo.
Pour ne pas mourir idiot… : les principaux arguments avancés par les opposants au terme de
l’analyse des documents (encore provisoires et incomplets) qui leur avaient été remis…
« 1. Ce type d’implantation est en contradiction avec l’option du Contrat d’Avenir de la Région
Wallonne qui préconise de faire du S.D.E.R. (Schéma de Développement de l’Espace Régional) un
outil de référence et d’orientation en matière d’octroi des permis. Or :
- l’une des options du S.D.E.R. est de ne plus autoriser l’implantation de centres commerciaux et de
grandes surfaces commerciales à l’écart des villes et des noyaux d’habitat : le S.D.E.R. dit que les
autorités locales doivent privilégier le commerce de proximité en encourageant par exemple la
réouverture de petits commerces ;
- le S.D.E.R. veut que l’on se déplace moins et autrement, pourtant ce complexe commercial
privilégie les déplacements en voiture en excluant donc une partie de la population ;
- le S.D.E.R. préconise l’utilisation parcimonieuse du sol or, c’est une surface de 30 hectares qui va
être engloutie pour un seul projet. Cela veut dire, qu’à moyen terme, il faudra de nouveau
exproprier des terres agricoles pour créer de nouvelles zones d’activités.
2. On parle de la création de 1.500 emplois minimum. Bien, mais les grandes et moyennes surfaces
commerciales implantées à Mouscron et dans la région ainsi que le petit commerce de proximité
vont forcément souffrir de cette concurrence nouvelle (…) l’installation d’un complexe de ce genre
ne pouvant se faire au détriment des commerces existants ! Cela engendrera des restrictions de
personnel, voire la fermeture de certaines surfaces commerciales.
Où seront alors les emplois gagnés ?
3. Pour rassurer les commerçants de l’entité, qui craignent à juste titre la présence d’un mastodonte
comme Cora, on promet un projet de revitalisation du commerce local, celui-ci devant idéalement
être finalisé pour juin 2000, au plus tard pour la fin de l’année 2000.
Cela fait des années qu’on vit l’échec cuisant de la rénovation urbaine et du complexe commercial
des Moulins à Mouscron et on n’a jusqu’ici rien imaginé pour remédier à cette situation ; voilà que
d’un coup de baguette magique tout deviendrait possible ?
Il nous semble qu’un projet de revitalisation (comme il est dit dans le S.D.E.R. d’ailleurs) doit
s’appuyer sur un plan de mobilité et de déplacement, il doit être un plan global et ne pas inclure
uniquement le centre-ville. Il doit être mûrement pensé et réfléchi et ne pas seulement servir de
prétexte à l’installation d’un supermarché périphérique.
A l’heure où il est urgent d’aider le commerce local, pourquoi lui infliger un handicap
supplémentaire en attirant Cora ? L’accès facile via l’autoroute, les RN 511 et 512 feront que les
clients éventuels pourront se rendre directement sur le site sans passer par Mouscron ; puisqu’ils se
trouveront dans une logique de « fun-shopping », pourquoi reviendraient-ils ensuite à Mouscron ?
4. On prétend que l’implantation de Cora est une opportunité à saisir pour récupérer la clientèle
flamande et wallonne qui effectue ses achats en France, mais tant qu’une harmonisation ne
régnera pas entre la Belgique et la France en matière de TVA et d’accises, une partie des Belges
continuera d’acheter de l’eau, des limonades et du vin en France et Cora ne pourra rien y changer. A
proximité des frontières, il est normal que des flux frontaliers se croisent selon les intérêts respectifs
qu’offrent les pays…
5. On nous brandit sans cesse le spectre du « si ce n’est chez nous, ce sera ailleurs et nous en
subirons les conséquences sans en avoir les avantages ». C’est l’argument classique, la menace
idéale qui est avancée à chaque fois : il est pourtant très difficile de croire que Courtrai (avec son
« ring shopping » de Kuurne) ou Tournai (avec son complexe commercial de Froyennes et les
5
Bastions) accueilleront avec enthousiasme un nouveau méga-centre ; ce serait du suicide pur et
simple ! Reste alors l’autre côté de la frontière mais comme le Nord-Pas de Calais est la deuxième
région en termes d’implantations commerciales, il est peu probable qu’on y accepte encore d’aussi
grands centres commerciaux.
6. Enfin, pour conclure, nous dirons qu’en nous proposant le concept du « fun-shopping », on nous
propose un choix de société auquel nous ne pouvons souscrire. En effet, ce type de commerce
s’ingénie à ne plus faire de nous que des consommateurs « branchés » occupant leurs loisirs à faire
des emplettes pour le plus grand profit des mégacentres commerciaux… »
3. Un travail d’éducation permanente (ou « populaire »)
Un dossier tel que celui de Cora présente des aspects extrêmement techniques (on retiendra que les
réformes de l’état et de certaines procédures ont modifié les éléments exposés ci-après ; néanmoins,
le fond demeure sensiblement identique). Un très important travail d’explicitation a été fourni par
Eco-Vie. Des réunions publiques ont été organisées pour diffuser les résultats de ce travail dans le but
de permettre à la population de s’approprier cette matière et ce, essentiellement en vue de faciliter
la participation aux enquêtes publiques. Le succès a été remarquable.
Par ailleurs des affiches, des autocollants, des flyers, etc. ont été imprimés et diffusés en grande
quantité.
4. Chronologie (partie 1)
1* En décembre 2001, la SA Cora dépose auprès des Communes de Mouscron et Estaimpuis
deux demandes de permis d’urbanisme, ainsi qu’une demande de permis d’exploiter (cf. page 10)
auprès de la Députation permanente du Hainaut.
2* En 2001, le fonctionnaire remet un avis favorable (voir ci-après intervention de Luc
Tiberghien)
3* Avant de délivrer ce permis, les Collèges échevinaux des deux Communes décident en janvier
2002 d’imposer à la SA Cora la réalisation d’une étude d’incidences de son projet sur
l’environnement. Cette étude est réalisée par le bureau Poly’Art, bureau agréé par la Région
wallonne. Notons que la réalisation d’une telle étude n’était pas obligatoire pour ce type de projet,
mais les Communes avaient la faculté de l’imposer, ce qu’elles ont fait. (voir ci-après le projet sur
quoi portait l’étude)
6
4* L’étude est achevée fin mai 2002 et soumise à une enquête publique dans chacune des
communes ; cette enquête a suscité 2 828 réclamations à Mouscron et 2 682 réclamations à
Estaimpuis.
5* Les études d’incidences sont soumises à la Commission consultative communale
d’aménagement du territoire (CCAT) ainsi qu’au Conseil wallon de l’environnement pour le
développement durable (CWEDD), organe consultatif de niveau régional.
-Le 24 juin 2002, le CWEDD remet un avis défavorable sur l’opportunité de ce projet, relevant
notamment que le projet Cora n’est pas conforme aux documents d’aménagement du territoire
que sont entre autres le Schéma de développement de l’espace régional (le SDER, « bible »
wallonne en matière d’aménagement) et le schéma de structure communal de Mouscron. Le
CWEDD estime aussi que certains éléments manquent pour se forger une opinion exacte des
impacts environnementaux du projet, ces éléments n’ayant pas été fournis par le demandeur.
-La CCAT d’Estaimpuis a également remis un avis défavorable sur l’opportunité du projet (le
9/9/2002).
- La CCAT de Mouscron a, quant à elle, remis un avis favorable le 24 juin.
6* En septembre 2002 se tiennent les deux réunions de concertation, réunions prévues par la
législation lorsqu’il y a étude d’incidences et que le nombre de réclamants est égal ou supérieur à
25.
7* En février 2003, les deux Collèges des Bourgmestre et Echevins remettent l’un et l’autre un
avis favorable conditionnel sur la demande de permis Cora ; le Fonctionnaire-délégué remet de
même un avis favorable conditionnel le 7 mars 2003.
8* Le 8 mars 2003, la Ville de Mouscron délivre le permis d’urbanisme à la SA Cora et la
Commune d’Estaimpuis fait de même.
A ce stade-ci de l’évolution du dossier, il convient de marquer une pause. On l’a vu des associations,
des partis politiques, des organisations corporatives se sont opposées au projet. Pendant des années,
toutes et tous ont déployé une énergie considérable. Sur le plan citoyen, le résultat a été
parfaitement remarquable : 5510 réclamations officiellement enregistrées, c’est un chiffre record
(notamment eu égard à la taille des villes concernées - à l’époque environ 10 000 habitants pour
Estaimpuis et 55 000 pour Mouscron).
Le rappel chronologique le montre, malgré cette mobilisation et bien que les organes consultatifs se
soient majoritairement prononcés contre le projet la « machine » ne s’est pas arrêtée.
Intervention de M. Tiberghien
Dès 2001, avant l’étude d’incidences et les enquêtes publiques qui y sont liées3, l’intervention de M.
Luc Tiberghien, qui interpellait au parlement wallon M. Foret, alors Ministre de l'Aménagement du
Territoire, de l'Urbanisme et de l'Environnement, reflétait le fait qu’il semblait bien que l’on avait
affaire à un rouleau compresseur (dont il était difficile de comprendre tant la logique et les intérêts
3
Pour être précis, rappelons qu’en 2001 une première procédure complète a lieu, avant que les communes
concernées, seules habilitées à délivrer le permis d’urbanisme, ne décident de demander une étude
d’incidence. Cette première procédure avait suscité 430 réclamations (à comparer avec les 5510 de l’étape
suivante, suscitées par l’’important travail d’« éducation populaire » mentionné).
7
que la mécanique)… L’avis du Fonctionnaire délégué déposé en 2001 mentionnait en effet le fait que
M. Foret avait donné une « suite favorable » à la demande de certificat d'urbanisme introduite par la
S.A. Cora.
Extraits de l’interpellation de M. Tiberghien
« Le 7 septembre 2001 est parvenu aux administrations communales d'Estaimpuis et de Mouscron
un courrier les informant de l'avis favorable que le fonctionnaire délégué réservait à la demande
d'un Certificat d'Urbanisme »4
Note : ce qui est le plus intéressant ici c’est que le fonctionnaire délégué note que l’administration
dont le Ministre avait la charge (le DGATLP) avait remis un avis défavorable.
Monsieur Tiberghien poursuit : « la DGATLP précise -je cite- que le projet est en totale opposition
avec les principes d'aménagement retenus par le SDER. (…)Ces « Autorités supérieures » affirment
ensuite, tout aussi nettement, que ce projet est (…) en contradiction avec le Contrat d'Avenir pour la
Wallonie, tant en ce qui concerne le cadre et la qualité de vie, que pour les aspects relevant d'une
mobilité efficace, sociale et respectueuse de l'environnement. De plus, disent-elles, « les aires de
coopération transrégionales intégrant des aires métropolitaines » dont la Wallonie se doit de tenir
compte pour réussir son intégration dans l'Europe (toujours selon le Contrat d'avenir) sont
totalement négligées. L'avis de la DGATLP s'attache enfin à réfuter la « principale justification du
projet » qui viserait à enrayer l'évasion du pouvoir d'achat de la Belgique vers la France et
démontre nettement en quoi le Cora aurait des effets négatifs sur le commerce local. Il apparaît
enfin au département dont vous avez la charge (Monsieur le Ministre) que le nombre d'emplois
prévu est largement surestimé et ne tient pas compte, en outre, des « centaines d'emplois » qui
seront supprimés dans les commerces existants.
Que voilà un avis intéressant, motivé, global… tel que vous l'appeliez de vos vœux. Mais cet avis est
négatif. Alors, Monsieur le Ministre, je ne comprends pas. Vraiment, je vous l'affirme : je ne vous
comprends pas et je vous le demande : pourquoi donc, dans ces conditions, avez-vous permis
l'octroi d'un certificat d'urbanisme ? »
4
Le « fonctionnaire-délégué » est le directeur du service provincial de l’administration de l’aménagement du
territoire, du logement et du patrimoine.
8
Etude d’incidence : la description du projet
Le projet que la SA Cora (filiale de Louis Delhaize) souhaite installer au lieu-dit « Quevaucamp » est
composé des éléments suivants :
1. un hypermarché de 15 500 m2 de surface de vente, incluant :
1*
la vente au détail alimentation, frais, textile, électroménager, bazar
2*
les fabrications boulangerie, pâtisserie, boucherie, poissonnerie, en ateliers spécialisés :
2 280 m2
3*
le stockage en réserve : 4 150 m2
4*
un drive-in pour boissons : 800 m2
5*
des bureaux (à l’étage) : 2 715 m2
6*
les locaux techniques (à l’étage) : 1 520 m2
2. une galerie commerciale comportant:
7*
110 boutiques : +/- 18 214 m2
8*
10 moyennes surfaces spécialisées : +/- 14 489 m2
9*
12 restaurants avec terrasses : +/- 4 620 m2
10*
un bowling : +/- 2 400 m2
11*
une jardinerie : +/- 9 180 m2
12*
et les mails de circulation (sortes de rues) : +/- 16 196 m2
3. un complexe de cinémas composé de 17 salles pouvant accueillir 4 517 spectateurs :
+/- 13 634 m2
4. une station-service de 300 m2
5. un parking planté d’arbres d’environ 4 500 places : +/- 128 600 m2
5. Après le 8 mars 2003, que restait-t-il à faire ?
On le sait, les Français en particulier le démontrent, il est possible de recourir à l’action directe nonviolente et aux occupations, par exemple en installant des « ZAD » (« zones à défendre »)… En 2003,
et eu égard aux modes d’action jusque-là privilégiés, ce type de lutte n’était pas envisageable. C’est
donc la voie légale qui a été choisie. On change ici de logique : l’opposition politique, philosophique
ou idéologique tend à s’estomper derrière l’argutie juridique. L’exposé qui suit des dates marquantes
du combat mené entre autres par Eco-Vie ne doit pas masquer le discours de fond que nous avons
toujours continué à tenir par ailleurs (c’est-à-dire hors des cabinets d’avocats et des chambres du
Conseil d’Etat).
A la fin du mois mai 2003, les associations* introduisaient un recours devant le Conseil d’Etat ; elles
lui demandaient de suspendre et d’annuler les permis d’urbanisme délivrés par les deux communes à
la SA Cora.
* Les associations concernées sont : Futurenvironnement, une a.s.b.l. qui avait pour objet la
défense de l’environnement et du cadre de vie et dont l’activité s’exerçait sur les territoires
géographiques de Mouscron, Estaimpuis et Courtrai. et Inter-Environnement Wallonie ;
elles accompagnent évidemment les riverains qui font valoir le préjudice qu’ils auront à
subir.
Les Fraternités Ouvrières a.s.b.l. / La Communauté Consommateurs (deux asbl oeuvrant
dans le domaine de l’éducation populaire sur base de la permaculture et des achats
groupés, entre autres nombreuses activités) / Eco-Vie soutiennent l’action.
9
Il importe de savoir que choisir la voie juridique n’est pas non plus chose aisée : il s’agit pour
commencer de s’adjoindre les services d’un avocat spécialisé dans les matières environnementales et
qui juge de la recevabilité des plaintes ainsi que de la solidité du dossier et qui puisse ensuite suivre
l’ensemble de la procédure. En général, les services d’un tel avocat sont assez coûteux, les
interventions se calculent en milliers d’euros (suivant la lourdeur et la complexité de l’affaire).
Les frais annexes atteignent très vite le millier d’euros.
Il faut ajouter que la loi de nos états « bourgeois » (au sens, notamment, où ils sont fondés sur la
propriété privée) est ainsi conçue qu’il faut à chaque fois pouvoir démontrer que des intérêts
particuliers pourraient être lésés : les plaintes basées sur la défense de l’intérêt général ne sont en
effet pas recevables. Il est essentiel que les associations ou les collectifs désireux d’ester en justice
s’appuient sur les riverains, les agriculteurs, etc., en bref : sur toute personne qui puisse témoigner
d’un dommage qu’elle aurait à subir…
Il donc toujours essentiel de garder et d’entretenir des contacts citoyens…
6. L’évolution du dossier
Note préalable. Tout au long du dossier Cora, divers permis sont exigés ; nous nous attardons ici
particulièrement sur le permis d’urbanisme (avant l’instauration du « permis unique »). Un mot
cependant du « permis d’exploiter », qui devait constituer la dernière étape du dossier.
Les cinémas sont soumis au permis d’exploiter : ils sont considérés comme des établissements de
classe 2 et c’est la commune qui délivre le permis d’exploiter. Pour le pôle « loisirs », il y avait donc un
permis d’urbanisme + un permis d’exploiter. La législation n’imposait pas que les deux demandes
soient introduites simultanément, il y avait cependant une jurisprudence selon laquelle les deux
permis ne peuvent être considérés séparément.
Comme il s’agissait d’un établissement récréatif dont la capacité était de plus de 2 000 personnes par
jour, il y devait encore y avoir étude d’incidences et enquête publique.
Un recours est possible auprès de la députation permanente, dans les 10 jours qui suivent l’affichage
de la décision d’accorder le permis d’exploiter.
Septembre 2003
1. Début septembre, les travaux ont commencé sur le site : cela n’a rien d’illégal car ce n’est pas
parce qu’il y a plusieurs recours au Conseil d’Etat, que Cora ne peut pas débuter les travaux.
Note : Deux types de recours ont été introduits auprès du Conseil d’Etat :
les recours en suspension, qui sont introduits dans le but de faire stopper les
travaux
les recours en annulation, qui sont en principe définitifs (mais peuvent parfois
intervenir quand une grosse partie (voir l’entièreté) des travaux sont terminés)
2. Les Classes Moyennes Flamandes (UNIZO) de la région de Courtrai ont décidé d’introduire un
recours en référé auprès du tribunal de Tournai pour faire stopper les travaux.
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3. L’auditeur du Conseil d’Etat dans le cadre du recours contre le permis socio-économique5
introduit par les Amis du Quevaucamp (avec les villes de Roubaix et Wattrelos - France)
admet que ce recours est recevable et demande la suspension du permis socio-économique.
L’auditeur dit que la chronologie entre les différents permis n’a pas été respectée (dans le cas
présent, le permis socio-économique a été délivré alors que le permis d’urbanisme ne l’était
pas encore). C’est un pas important pour nous bien que l’on ne puisse pas encore crier
victoire car rien n’oblige le Conseil d’Etat à suivre l’avis de l’auditeur, même si c’est ainsi que
cela se passe dans 95 % des cas.
Octobre 2003
Le Conseil d’Etat a statué sur le recours en suspension introduit par des commerçants riverains du
Quevaucamp et les villes de Roubaix et Wattrelos.
Il n’a pas suivi l’avis de l’auditeur qui considérait recevables les recours des commerçants.
Le Conseil d’Etat a rejeté les recours en déclarant que les commerçants n’avaient pas prouvé que le
préjudice subi serait irréparable…
Les recours en annulation doivent encore être examinés et le fait que les recours en suspension
soient rejetés n’a aucune incidence sur la suite. Lors du recours en annulation, le Conseil d’Etat aura à
se prononcer sur le fond et donc sur le respect des procédures.
22 septembre 2004
Le recours introduit par Futurenvironnement et 2 riverains, recours soutenu par Ecolo et les
associations Inter-Environnement Wallonie, Eco-Vie, les Fraternités Ouvrières, la Communauté
Consommateurs et les Amis de la Terre d'Estaimpuis, vient d'aboutir.
Motif de l'annulation : les 2 administrations communales ont mis comme condition à l'octroi du
permis « un fait futur et incertain » dont la réalisation ne dépend pas de l'autorité des communes, en
l’espèce, un rond-point à l’intersection de la A17 et la RN 511... Le Conseil d’Etat conclut que les
communes n’ont pas pu analyser les incidences sur la mobilité de façon correcte.
Conséquence : le fait que ce recours aboutisse à l'annulation des permis implique que tous les autres
recours ayant trait au permis d'urbanisme deviennent sans objet.
18 avril 2005
Les deux communes, Estaimpuis et Mouscron, accordent à nouveau le permis d’urbanisme et
essayent de tenir compte des avis du Conseil d’Etat dans leur nouvel octroi.
Juillet 20056
5
Cette autorisation est ici encore délivrée par le collège échevinal, notamment sur avis du comité socioéconomique pour la distribution, il s’agit d’un permis relatif à la faisabilité commerciale d’un projet.
6
A chaque recours en particulier, à chaque rebondissement du dossier en général, des conférences de presse
ont été organisées (ou des communiqués, envoyés). Le dossier, quoique complexe, a fait l’objet d’un suivi
tout à fait remarquable dans la presse régionale et souvent nationale.
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Les associations, Ecolo et deux riverains s’unissent pour introduire au Conseil d’Etat, et pour la
deuxième fois, un recours en suspension et en annulation des permis d’urbanismes.
Décembre 2005
1. L’Auditeur du Conseil d’Etat rejoint nos arguments et demande l’annulation pure et simple des
permis d’urbanisme délivrés en avril 2005 par les communes de Mouscron et d’Estaimpuis. En effet,
l’Auditeur estime que les communes et la Région wallonne n’ont pas suffisamment expliqué et prouvé
en quoi le fameux rond-point, qui était à l’origine de l’annulation des permis précédents, n’était plus
indispensable actuellement. L’Auditeur ajoute que les explications qui ont été remises par les
communes et la Région wallonne semblent être taillées sur mesure pour répondre aux arguments
énoncés par le Conseil d’Etat précédemment.
Mais, par ailleurs, Cora a déjà introduit une demande de permis unique (permis d’urbanisme +
permis d’exploiter ; cf. en introduction le changement de législation).
2006
Le Conseil d’Etat nous donne à nouveau raison. Il annule pour la deuxième fois les permis. Nous
pensions alors avoir gagné… Mais, on l’a vu, Cora avait introduit alors une nouvelle demande de
permis (unique, cette fois)
12 octobre 2006
Réunion d'information organisée par Eco-Vie et relative à l'enquête publique exigée par la demande
de permis unique introduite par la SA Cora.
Le Ministre Antoine, alors en charge de l'Aménagement du Territoire, accorde le permis.
Avril 2007
« La date fatidique pour l'introduction des recours contre le permis unique demandé par Cora et
octroyé par le fonctionnaire technique et le fonctionnaire délégué est échue ... Tous les recours
devaient être rentrés auprès du Ministre compétent et de son administration pour le 26 avril ... C'est
fait !
Eco-Vie a bien entendu introduit son recours mais également Futurenvironnement, InterEnvironnement Wallonie et deux riverains. Voilà pour les associations environnementales. D'autres
recours ont aussi été introduits.
Nos arguments sont toujours les mêmes : illégalité du plan de secteur / contradiction entre
l'implantation demandée et le Schéma de Développement de l'Espace Régional Wallon, etc. »
Septembre 2007
Malgré les recours, le Ministre Antoine confirme le permis accordé à la société Cora pour la
construction de son mégacentre commercial
Nous portons à nouveau notre cause devant le Conseil d'Etat.
12
Août 2008
Dans son arrêt prononcé le 5 août, le Conseil d'Etat estime que, compte tenu des arguments
nouveaux développés à l'audience par l'avocat de Cora, ceux-ci doivent faire l'objet d'un débat
contradictoire et ne peuvent être examinés sur base de débats succincts.
En effet, la thèse amenée par la défense de Cora a été exposée après la rédaction du rapport, or elle
mérite d'être analysée par toutes les parties (de même que par l'auditeur rapporteur) dans le cadre
d'un débat contradictoire.
Les débats tenus à l'audience ne permettaient donc pas que l'affaire soit tranchée et la décision a
donc été renvoyée à ce qu'on appelle la procédure ordinaire.
Octobre 2008
Une fois de plus, le recours soutenu par les associations environnementales, dont Eco-Vie, a fait
l'objet d'un arrêt du Conseil d'Etat qui a ordonné la suspension du permis unique accordé à la société
Cora pour l'implantation d'un mégacentre commercial sur la zone du Quevaucamp.
Cela fait maintenant 10 ans que nous nous battons contre cette implantation et par 3 fois le Conseil
d'Etat nous a donné raison !
Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'annulation de permis, mais bien de suspension pour inadéquation de la
zone (la zone du Quevaucamp serait toujours zone agricole au plan de secteur à cause d'une erreur
de procédure lors du passage de la zone agricole à la zone d'activités mixtes).
Concrètement, cela veut dire que pour que Cora puisse s'installer à l'endroit projeté, il faut un
changement de plan de secteur, ce qui en soi, n'est pas insurmontable si la Région wallonne et les
deux communes concernées en ont la volonté.
Septembre 2009
Coup de théâtre ! Le Ministre Antoine fait voter un décret qu’on appelle d’ailleurs en coulisses
« décret Cora ». Très clairement, ce dossier est taillé sur mesure pour permettre à Cora de s’installer
le plus rapidement possible dans la zone pressentie. Ce décret modifie le Code Wallon de
l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme et du Patrimoine et valide ainsi certaines zones des
plans de secteur. Ce décret a officiellement pour mission de réparer les erreurs commises lors des
révisions des plans de secteur ; erreurs qui ont été relevées par le Conseil d’Etat en octobre 2008 : la
suspension n'est dès lors plus fondée et Cora pourrait s’installer… Mais…
27 novembre 2009.
Le Conseil d’Etat décide de renvoyer la balle à la Cour Constitutionnelle. Il pose les questions
suivantes, relatives au « décret Cora » :
-
« Peut-on oui ou non, valider le contenu de plans de secteur sans que le citoyen ait eu ni
l’occasion de s’exprimer dans une enquête publique, sur une étude d’incidences ni la
possibilité de contester la légalité de la décision ? »
-
« Peut-on par la promulgation de ce décret traiter différemment les citoyens ? »
-
« Pareil décret peut-il avoir un effet rétroactif ? »
Dès lors, Cora n’ose pas prendre le risque de commencer la construction (alors que la loi, le lui
permet puisque le Conseil d’Etat n’a pas encore annulé son permis, mais ce serait prendre un risque
énorme et Cora le sait).
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Janvier 2010
Lors de la séance des vœux au personnel de l’administration communale d’Estaimpuis, Monsieur
Senesael pose un ultimatum à Cora : il clame haut et fort dans la presse, ce jour-là et par la suite
encore, que « Cora se fera en 2010 ou ne se fera pas ». Et de conclure, qu’il vendra les terrains à
quelqu’un d’autre le cas échéant.
Cora rétorque qu’il compte introduire un nouveau dossier, un autre projet qui répondra mieux aux
habitudes actuelles de consommation mais qui restera un projet phare pour la région.
Seulement voilà …, entre 1999 et 2010, les lois ont changé et notamment en matière de délivrance de
permis socio-économique et donc tout est à refaire pour Cora. S’il présente un nouveau projet, il
repart bien de zéro.
IV. Conclusions toutes provisoires…
En 2010, nous pouvions écrire : « Là où on leur prédisait un échec cuisant, les associations
environnementales ont pu tenir tête à Cora et aux administrations démontrant qu’il n’est pas vain,
lorsqu’on a un dossier costaud, d’oser porter l’affaire devant le Conseil d’Etat. Quoi qu’il arrive, Cora
ne sera jamais le mégacentre commercial tel qu’imaginé en 1999. Nous avons été le petit caillou
qui a grippé la belle mécanique que tout le monde donnait gagnante… »
Hélas, hélas… le 25 juin 2014, la société Audima procédait à la présentation publique du projet
« Mozaïk », toujours destiné à s’implanter sur le site du Quevaucamp… Si le projet « Mozaïk » est plus
petit que ce que nous avions déjà vu, il reste pour le moins conséquent : 10 500 m² dédiés au Cora,
28 500 m² aux galeries et 2 000 m² pour le « drive point » (le point d’enlèvement des marchandises).
Extraits de la revue d’Eco-Vie n° 279 (juillet-août 2014)
« La société Audima (Cora), le bureau d’études Aries (bureau qui sera chargé de la confection de
l’étude d’incidences) et le bureau d’architecture Aavo (Van Oost) étaient présents lors de la réunion
publique.
Audima est le concepteur et le promoteur du projet. Il faut savoir que la société Audima est une des
branches du groupe Louis Delhaize (pas le Lion, donc !) dont Cora fait partie.
Monsieur Storme (porte-parole de Cora), qui présentait le projet, a longuement insisté sur la
« conception innovante » de son « bébé » puisqu’il serait le résultat d’une démarche auprès des
utilisateurs (c’est-à-dire des clients potentiels, présentant des profils différents et sélectionnés par des
bureaux spécialisés en sondage marketing), des collaborateurs et des employés afin que le projet
puisse répondre aux attentes des uns et des autres (remarquez qu’on a bien dit « attentes » et non
« besoins »). Tous ces gens se seraient retrouvés plusieurs fois au sein d’ateliers de conception et
d’ailleurs le nom « Mozaik » serait issu de ces ateliers.
« Novateur », le parking – immense : 750 emplacements - serait installé tout autour des galeries, au
centre desquelles on retrouverait le supermarché Cora (le plus petit de Belgique, nous dit-on). Le
parking du personnel serait lui aménagé en sous-sol ainsi que la zone de livraison. Cela présenterait
l’avantage, toujours d’après Monsieur Storme, d’avoir de partout une vue agréable sur les galeries
Le dépôt du permis devrait avoir lieu vers la fin de l’année 2014.
La suite au prochain épisode donc… »
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On finit en rappelant encore que Monsieur Storme. (celui-là-même qui, le 25 juin, avait assuré la
main sur le cœur que la grande distribution revoyait sa politique d’emploi et commençait à privilégier
les temps pleins) annonçait au début du mois de juillet qu’« il était apparu nécessaire (à la direction
de Cora) d'entamer une procédure de notification de restructuration ».
M. Storme ne manque pas d’un certain culot… Outre qu’il faut en effet de l’« audace » pour venir
présenter les plans d’un nouveau Cora alors qu’on licencie par ailleurs, on hésite à qualifier les propos
de M. Storme relatifs à l’emploi quand on apprend que les discussions avec les syndicats ont débuté
dès le mois de… février 2014 !
On apprenait ensuite que, dans l’optique du plan « Cora-venir » (sic), 447 personnes seraient
concernées par les licenciements » et, plus globalement, qu’un accord doit être trouvé qui
« permettra à l'entreprise de se concentrer sur ses objectifs de croissance commerciale, et ce en
offrant plus de service et de meilleurs prix à ses clients tout en prévoyant des investissements
importants dans ses divers hypermarchés », selon le communiqué de la direction. Dans sa revue
n°279 toujours, Eco-Vie concluait : « Comment peut-on présenter un projet d'implantation d'un
nouveau Cora (fût-il le plus petit de Belgique) et parler de la perspective de l’embauche de 1.000 (!)
personnes, alors que l’on s’apprête dans le même temps à licencier du personnel dans des CORA
existants (rappelons que tout au plus deux semaines se sont écoulées entre les deux évènements
montrant toute l'indécence du discours). C'est tellement « gros » que ça en devient surréaliste ! Et
cela ne fait que confirmer ce que l'on pensait déjà : pour les investisseurs, seule la rentabilité
financière d'un projet compte. Qu'importe si cela détruit un paysage, qu’importe si le projet ne
répond qu'à la seule logique de l'argent et certainement pas à un besoin. Qu'importe si pour
conserver les dividendes des actionnaires, on licencie en même temps qu'on promet ailleurs de
l'emploi qui sera tout aussi soumis à la machine « rendement » ! Comment les responsables
politiques de Mouscron et d'Estaimpuis pourront-ils encore accorder du crédit à de telles promesses
après ça ? »
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