magazine Propriété : "Les promotions immobilières"

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magazine Propriété : "Les promotions immobilières"
GROS PLAN LES PROMOTIONS IMMOBILIÈRES
Le promoteur,
un véritable
chef d’orchestre
De la recherche du terrain à la remise du logement à son propriétaire, le
promoteur immobilier doit savoir dialoguer aussi bien avec les ouvriers du
chantier qu’avec le notaire, le banquier, les autorités communales ou cantonales.
Les nouvelles normes en matière de construction impliquent également une
professionnalisation de plus en plus exigeante du métier. Une profession
somme toute mal connue qui demande de nombreuses compétences.
branche s’accordent à dire qu’il est celui
qui va prendre le risque à un moment
donné de construire un bien et de l’assumer quelles que soient les difficultés.
Sandra Giampetruzzi
Les Jardins de
Chailly s’adressent
à des personnes
urbaines, mais
qui recherchent
une atmosphère
s’avoisinant à une
zone villa.
ui se cache derrière le promoteur?
Existe-t-il un profil type? Souvent
mal perçu auprès du grand public, le
terme de promoteur immobilier est en
réalité méconnu car il englobe une multitude de facettes. Finalement, pour faire
un raccourci, le promoteur immobilier
est un peu comme le chef d’orchestre
dont l’objectif est d’accorder chaque instrument pour offrir une œuvre musicale
harmonieuse. Le promoteur devra donc
s’entourer de personnes compétentes
dans des domaines précis et variés qui
permettront d’aboutir à la construction
d’un bien immobilier conforme au projet initial tout en respectant un certain
nombre de règles qui rendront son projet viable. Si le métier de promoteur immobilier semble difficile à définir en
une seule phrase, tous les acteurs de la
«Le promoteur n’est pas forcément celui
qui met l’argent. Trop souvent on fait cette
confusion. C’est celui qui porte le projet...»
Catherine Dubey,
directrice générale de la Régie du Rhône
© Jardins de Chailly
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GROS PLAN LES PROMOTIONS IMMOBILIÈRES
Q
«Le promoteur immobilier est quelqu’un
qui va trouver un terrain et qui va y développer un projet. Il peut en être le financier. Il va apporter les fonds nécessaires pour acheter le terrain, mais il
peut aussi faire appel à d’autres investisseurs. A ce moment-là, il va prendre un
risque. C’est le seul qui va le prendre
d’ailleurs. Un développement de projet
va ensuite être réalisé sur la parcelle en
question. Il faudra obtenir un plan de
quartier ou directement un permis de
construire. Ensuite, il faudra mandater
un architecte pour dessiner les plans,
sans oublier de chiffrer le projet afin de
pouvoir fixer les prix de vente. Ce processus peut durer plusieurs années, au
minimum six mois, mais parfois aussi
jusqu’à 20 ans. Il faut en avoir conscience», prévient Pierre Aguet, administrateur du groupe Cogestim. «Le promoteur n’est pas forcément celui qui met
l’argent. Trop souvent on fait cette
confusion. C’est celui qui porte le projet,
GROS PLAN
© Immeuble Marcelin
Les domaines abordés lorsqu’on veut
construire un bien immobilier sont
nombreux. Il faut donc posséder un minimum de connaissance pour limiter les
risques. Pour Annick Vauthey, directrice
de la société Vauthey Travaux SA à Châtel-St-Denis, il y a des qualités indispensables à avoir pour réaliser une bonne
promotion immobilière: «Il faut tout
d’abord bien connaître la région, se renseigner lors de l’achat d’un terrain sur
les possibilités de construire, ce qui implique des connaissances en la matière.
La personne devrait aussi bien connaître
la construction. Si on ne connait pas le
métier, c’est difficile de mener à bien ce
genre de projet. A mon avis, il faudrait
être au départ entrepreneur, connaître
le domaine de la construction avant
d’être promoteur immobilier.» Pierre
Aguet ajoute: «Il doit absolument maîtriser le financement, le programme et la
vente sur une période donnée. En cinq
ou six ans, le marché peut changer. Il
devrait donc être aussi économiste et
statisticien. L’aspect légal du projet est
«Ce n’est pas une science exacte.
Certaines fois, on pense que le projet
va passer comme une lettre à la poste
et ce n’est pas le cas.»
Pierre Aguet, administrateur du groupe Cogestim
comme pilote de projet. Elles réunissent
autour d’elles toutes les personnes qui
rendront possible la réalisation d’un
bien immobilier, mais ne le financeront
pas ou alors si elles le font, ce sera par
le biais d’une société distincte de la régie dont les comptes sont bien séparés.
GROS PLAN LES PROMOTIONS IMMOBILIÈRES
Un métier à plusieurs casquettes
également important. A titre d’exemple,
la nouvelle loi vaudoise sur l’énergie, qui
entrera en vigueur au mois de juillet, a
nécessité que nous adaptions certains
de nos projets en cours. Il y a très peu
de personnes capables de suivre le processus d’une promotion de A à Z. C’est
pourquoi, on s’entoure de gens compétents pour nous épauler.» Souvent,
les régies immobilières se positionnent
Comment dénicher
la bonne opportunité?
«Quand on achète un terrain, il est difficile de savoir si c’est une bonne opportunité ou pas. Car du moment de l’achat
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qui va faire en sorte que tout le monde
adhère au projet», précise, quant à elle,
Catherine Dubey, directrice générale de
la Régie du Rhône à Echandens.
Les Vergers de
Marcelin à Morges
se situent idéalement dans un
cadre de verdure
tout en étant
proches des
commodités.
© Résidences du Lac Morges
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GROS PLAN LES PROMOTIONS IMMOBILIÈRES
Le site de l’ancienne fonderie
Neeser à Morges
impose beaucoup
de contraintes
liées à sa situation
géographique.
jusqu’à la vente des logements, il peut
se passer trois, cinq voire dix ans. Il faut
pouvoir tenir. Moi je dis qu’un bon promoteur est celui qui peut acheter un
terrain sans faire une hypothèque», avoue
Annick Vauthey.
«Le tissu économique et la situation du
terrain font qu’on croit en un projet,
qu’on se donne les moyens d’y croire et
qu’on va se battre. Ensuite, l’analyse
entre en jeu. Il faut connaître le tissu local, l’économie régionale, le revenu
moyen des habitants. On réalise des
«Quand on achète un terrain, il est
difficile de savoir si c’est une bonne
opportunité ou pas»
Annick Vauthey, Vauthey Travaux SA
statistiques sur le tissu local et les
manques. On demande aussi des expertises pour avoir une vision plus globale par rapport à la concurrence et à
l’horizon temps. Mais il est vrai que ça
devient très délicat quand on a un terrain nu. Avant, il y avait l’incertitude au
niveau du marché et maintenant il faut
y ajouter les incertitudes vis-à-vis du législatif. Les domaines deviennent de
plus en plus pointus. Aujourd’hui les
risques sont plus grands pour les promoteurs», reconnaît Catherine Dubey.
Finalement, la connaissance du terrain
et l’expérience sont les maîtres-mots.
«Le risque que le promoteur connaît
le mieux est celui qu’il arrive à éviter.
Pour les autres, il a besoin de s’entourer
de spécialistes locaux, mais aussi de
connaître la région et d’y être à l’aise.
Ainsi, il est possible de limiter les risques»,
résume Olivier Bory, sous-directeur de
Gérofinance-Dunand et responsable du
développement.
Un cas d’école à Morges
Le projet de logements sur l’ancienne
fonderie Neeser à Morges est un cas
d’école. De prime abord tous les indices
étaient défavorables pour y développer
une promotion immobilière, mais Cogestim et l’entreprise générale Implenia
y ont cru. Le projet s’étale sur 16 000 m2
avec «la présence d’une route cantonale
qui passe devant la parcelle; d’un autre
côté, il y a le lac qui fait qu’on se trouve
avec une nappe phréatique très proche;
le sous-sol est pollué à cause de l’ancienne friche industrielle. Il a d’ailleurs
fallu qu’on change la zone d’affectation.
Et pour couronner le tout, la voie CFF
passe en amont du terrain. Malgré
toutes ces contraintes, le projet des «Résidences du Lac» imaginé par le bureau
d’architecture al30 à Lausanne reste
une super affaire», affirme l’administrateur de Cogestim. «Il faut savoir se projeter dans l’esprit des futurs acquéreurs.»
Mais le chemin a été long avant d’arriver
à la phase concrète qui est la mise à
l’enquête publique du projet. «Le premier projet de quartier englobait une
zone beaucoup plus grande, puis divers
éléments ont réduit l’intérêt de ce développement. On a donc dû reprendre
toutes les études à zéro. Le canton a
son mot à dire, tout comme la commune. C’est un processus qui est long.
GROS PLAN LES PROMOTIONS IMMOBILIÈRES
Quand la situation est idéale
D’autres promotions présentent moins
de contraintes et leur situation privilégiée permet de limiter fortement les
risques. Tel est le cas des «Jardins de
Chailly» sur les hauts de Lausanne. La
situation est idyllique car la parcelle se
situe à proximité du centre en zone villas. «L’idée était de créer un projet pour
les urbains, mais aux normes d’une
zone villa. Dans ce cas précis, la situation géographique donnait de l’intérêt
au projet tout comme son aspect architectural. Il s’agit d’un projet à taille hu-
«On travaille sur des marchés
qui, du jour au lendemain, peuvent
bouger. Qui peut prévoir ce qui va
se passer en Suisse dans les trois
prochaines années? Personne.»
Olivier Bory, sous-directeur de Gérofinance-Dunand
maine, proche du centre et des transports
publics, mais sans avoir les nuisances de
la ville, tout cela à un prix correct. Le potentiel existe pour ce genre d’objet», relève Olivier Bory.
© Le Verger
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Le Verger de
Champlong-Marbriers sur la commune de Lancy est
un projet réalisé
pour le compte
d’une coopérative
d’habitation sous
le pilotage de la
Régie du Rhône.
Le plan de quartier devait être prêt il y a
cinq ans, finalement nous l’avons reçu il
y a six mois et nous avons pu déposer la
mise à l’enquête publique en avril. Mais
entre-temps, de nouvelles normes fédérales sont arrivées, notamment celles
sur l’énergie et on doit mettre à l’enquête en tenant compte des nouvelles
normes. Nous avons donc dû reprendre
une partie du projet pour pouvoir intégrer en toiture le nombre de panneaux
solaires exigés, 2524 m2, alors que le
règlement communal nous impose des
toitures végétalisées, ce qui est impossible à faire avec la nouvelle loi sur
l’énergie. Les législations viennent se
contredire, donc ça ralentit tout le processus. Quant au règlement communal
sur les déchets, il nous impose d’installer des conteneurs à ordures enterrés
dans un terrain où il y a seulement 1,50
mètre de terre et en dessous duquel se
trouve le lac. Il faut donc prévoir des
structures spéciales. Pour la mobilité
douce, nous sommes obligés de prévoir
400 places de parc pour vélos. On sait
pertinemment que ces locaux ne seront
jamais totalement utilisés si ce n’est
pour entreposer tout et n’importe quoi.
Mais ce sont les lois. Tout ça devient
très compliqué.»
Ecknauer+Schoch ASW
© Jardins de Chailly
Savoir répondre aux besoins
La Régie du Rhône a la particularité de
monter des opérations immobilières
dont l’objectif est la mise en location et
non pas la vente de logements. Pour ce
faire, elle prend régulièrement la casquette de pilote de projet pour le
compte de coopératives. «Nous sommes
plutôt spécialisés dans la promotion des
immeubles locatifs, car l’attente du public se situe à ce niveau-là. Mais souvent
nous sommes consultés trop tard dans
l’avancement des projets pour analyser
les attentes. Plus on peut prendre part
au projet en amont pour pouvoir discuter et orienter les besoins, mieux c’est»,
avoue Catherine Dubey. Pour le projet
«Le Verger de Champlong-Marbriers» sur
la commune de Lancy, la Régie du
Rhône a piloté l’implantation de 38 nouveaux logements en coopérative.
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Auprès de l’Union suisse des professionnels
de l’immobilier (USPI), il existe une formation
spécifique de promoteur immobilier. «Elle existe
en théorie, mais elle n’a jamais été réalisée en
Suisse romande car il n’y a eu que très peu de
demandes jusqu’à maintenant et le réservoir
romand n’est pas assez important», explique
Olivier Anchieri, membre de la structure USPI
formation, «mais en Suisse alémanique le cours
a déjà été mis sur pied. Avec les connaissances qui demandent à être de plus en plus
pointues, c’est une formation qui a du sens».
A l’Association suisse de l’économie immobilière
(SVIT), Sébastien Troutot, membre, confirme
qu’un «brevet fédéral en tant que promoteur
immobilier existe depuis deux ans». Mais il
n’est pas mis en place chaque année faute de
participants. Cet automne, il sera donné pour
la Suisse romande. Entre 15 et 20 candidats
pourront s’y inscrire. La formation s’étend sur
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GROS PLAN LES PROMOTIONS IMMOBILIÈRES
La promotion immobilière en trois étapes clés
1. La recherche du terrain. Elle nécessite d’avoir
un bon réseau social et de posséder de
bonnes notions d’urbanisme.
2. Le montage opérationnel. Il faut pouvoir définir un prix de vente en fonction du tissu social
et économique afin de définir la viabilité du
projet. L’idéal est de déjà pouvoir effectuer
des préventes pour une partie des logements.
Certaines banques l’exigent d’ailleurs.
3. Les travaux. C’est l’étape concrète où il s’agit
d’édifier l’immeuble selon les plans établis.
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Les conseils de professionnels
Annick Vauthey, Vauthey Travaux SA
«Chez les promoteurs immobiliers, il y a ceux qui ont eu du
nez tout simplement, qui ont su
acheter au bon moment, et
construire en s’accordant avec
des gens de confiance spécialisés dans le métier. Il y a aussi
des gens qui se sont formés
dans la construction, par
exemple une entreprise de maçonnerie, puis qui ont pu avoir
une opportunité de construire,
puis une autre et ainsi de suite. Ce n’est pas un parcours
linéaire, comme dans la banque. C’est assez ouvert.
Après il faut se faire une bonne réputation et la garder. Si
tel ne devait pas être le cas, la banque aura tendance à
freiner le projet ou à être plus prudente. Si vous ne payez
pas vos intervenants, vos sous-traitants, la réputation est
vite cassée. Ça se sait très vite ce genre de situation; il faut
donc être sérieux car on change difficilement une image
négative.»
Pierre Aguet, Cogestim
«L’élément essentiel dans une
promotion immobilière est d’avoir
un large réseau de connaissances pour avoir les bonnes
personnes au bon endroit. Il faut
connaître la situation géographique du site, étudier l’historique du terrain. Nous avons une
check-list à contrôler à chaque
fois qui concerne la qualité du
sous-sol, à savoir la pollution, un
sol instable, des problèmes de bruit, des zones historiques, etc. Il faut tout contrôler pour ne pas prendre de
risque. Mais, on ne pourra pas régler tous les risques avant
d’avoir acheté le terrain. À un moment donné, il faudra
cibler les risques. C’est là qu’on fera la différence entre un
bon et un mauvais promoteur immobilier. Ce n’est pas
une science exacte. Certaines fois, on pense que le projet
va passer comme une lettre à la poste et ce n’est pas le
cas. Il faut prendre en considération les intérêts de chacun
et travailler en fonction de ça.»
Catherine Dubey, Régie du Rhône
«Dans tout projet immobilier, le
premier élément à prendre en
considération est la situation
géographique. Le coefficient du
bâti et l’analyse du marché sont
également des éléments importants à prendre en compte. Certaines régions ne sont pas porteuses, d’autres oui. Je dirai, qu’il
faut surtout anticiper les besoins
futurs et donc avoir une vision à
long terme car dans l’immobilier, nous construisons pour l’avenir. Il faut par conséquent
prendre le temps d’analyser les différents paramètres correctement. L’expérience des personnes qui pilotent les
projets est donc primordiale. Il faut bien connaître les différentes phases d’une promotion immobilière et être
conscient du temps que tout ce processus peut prendre.»
Olivier Bory, Gérofinance-Dunand
«On travaille sur des marchés
qui, du jour au lendemain, peuvent bouger. Un promoteur
achète un terrain qui dans le
meilleur des cas sera construit
et livré dans trois ans. Qui peut
prévoir ce qui va se passer en
Suisse dans les trois prochaines
années? Quelles seront les modifications législatives ou économiques? Personne. On mesure
le risque et on s’entoure de l’expérience qu’on a et des celle de professionnels de
confiance. La première question que je me pose lorsqu’on
me propose une affaire, c’est pourquoi ce dossier vient
jusqu’à moi? Comment est-il arrivé? L’analyse de dossier
consiste pour beaucoup à lever des doutes. Que peut-on
réaliser comme programme sur ce terrain? Combien cela
va-t-il coûter? Existe-t-il un marché pour ce projet? Toute
cette série de petits questionnements nécessite beaucoup de suivi de l’économie locale, de la presse locale et
nationale, ainsi que des données économiques plus générales. L’ensemble fait que l’on a envie ou pas d’investir
dans un projet.»