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Dossier D ossier L’après-cancer du sein et la reconstruction mammaire : utile ou futile ? The after breast cancer and implant breast reconstruction: useful or futile? M. Perrault de Jotemps * L a reconstruction mammaire (RM) fait partie intégrante du traitement du cancer du sein en reconstruisant l’image corporelle de nos patientes. Il ne s’agit pas seulement de les guérir de leur cancer, mais il faut aussi les inviter à revivre avec leur nouveau corps, les aider à porter le deuil de ce sein malade, puis tenter de leur redonner une image positive de cette rémission, à travers cette nouvelle image qui est le corps “reconstruit”. Certes, ce corps reconstruit a ses défauts et ses limites qui restent liées aux techniques chirurgicales et à l’histoire de la maladie de ce sein. reconstruction et de savoir les encourager dans cette démarche. Cette reconstruction est un autre pas vers la rémission. La reconstruction et le pronostic du cancer Et le surpoids ? En aucun cas, la reconstruction n’aggrave le pronostic de la maladie, elle ne favorise pas les rechutes de cancer et ne modifie pas la survie des patientes (1). Cette intervention ne s’adresse qu’aux patientes qui le désirent et se sentent prêtes. Seul l’accord des oncologues et de l’anesthésiste sont nécessaires. Mais surtout, la patiente doit avoir acquis une bonne compréhension de ce nouvel acte chirurgical et en reconnaître les limites. La reconstruction pour quelle patiente ? Faut-il proposer une reconstruction mammaire à une patiente mastectomisée ? Trop souvent, nous voyons nos patientes venir timidement et s’excuser de consulter, juste disent-elles “pour savoir”. Après enquête auprès de ces femmes, une terrible conclusion apparaît : la reconstruction mammaire est un sujet tabou, car elle est encore trop peu connue et empreinte de mauvaise réputation. Ainsi, pouvait-on estimer, dans les années 1990, qu’une seule patiente mastectomisée sur dix avait une reconstruction mammaire. Il existait certainement un biais de recrutement en fonction de la région, du niveau socio-économique : à proximité de certaines grandes villes où l’offre de soins et d’information est plus grande, ce pourcentage pouvait être augmenté, mais ailleurs... Oui, c’est à nous, médecins – gynécologue, médecin de famille et cancérologue – de leur parler de la possibilité de cette * Chirurgie plastique reconstructrice et esthétique, 18 av. Mac-Mahon, 75017 Paris. Clinique Hartmann, 26, bd Victor-Hugo, 92200 Neuilly-sur-Seine. 22 Quel âge pour une reconstruction mammaire ? Il n’y pas d’âge pour une reconstruction, seul l’état physiologique de la patiente, évalué par l’anesthésiste, décidera de son opérabilité. Une autre constatation nous pousse d’autant plus à proposer ces reconstructions : la plupart d’entre elles ont bénéficié d’une chimiothérapie et ont paradoxalement pris du poids malgré les nausées, la baisse de l’appétit. Pourquoi ? Par un phénomène psychologique, trop peu étudié, ces patientes se sont fabriquées “un bouclier de graisse” et n’arrivent pas à le perdre, malgré tous leurs efforts. En réalité, elles ont le syndrome de Damoclès, c’est-à-dire l’anxiété, voire l’angoisse chronique de la rechute, et font, entre autres symptômes, une prise de poids : “Si je grossis c’est que je vais bien.” Alors, quand un médecin leur propose une reconstruction, c’est-à-dire dans leur langage, leur parle de l’avenir et de quelque chose de plus futile que la chimiothérapie, elles commencent à perdre du poids, abaissent leur bouclier, comme si cette nouvelle étape signifiait, enfin, une certaine rémission physique, et donc… psychique. Il ne faut pas leur demander de perdre 20 kilos immédiatement, mais les inciter à retrouver une hygiène alimentaire et commencer à perdre du poids et envisager une date opératoire pour la reconstruction de leur sein et donc de leur inconscient (2). La reconstruction mammaire n’est pas une restitution : l’information de la patiente Tout ce qui est dit sur la RM à une patiente doit absolument commencer par une information honnête et éclairée : la RM n’est pas une restitution du sein manquant, mais une reconstruction avec ses cicatrices, ses défauts et ses limites. La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007 Objectifs et stratégie de la reconstruction La reconstruction a pour objectif de refaire d’abord un volume mammaire, puis de le rendre le plus symétrique possible en forme, volume et position au sein controlatéral. Il y aura donc souvent un geste chirurgical sur le sein controlatéral et il faudra : – diminuer l’autre sein (cas n° 1) (figure 1) ; – simplement le remonter ; – l’augmenter (cas n° 2) (figure 2). Ce geste dépend des désirs de la patiente et des possibilités chirurgicales locales. Et enfin, la reconstruction a pour but de refaire un mamelon et une aréole. La reconstruction de la plaque aréolomamelonnaire ne pourra pas se faire dans le premier temps opératoire de reconstruction du volume, le sein reconstruit sera “borgne”, sans aréole. Car il faut attendre la fonte de l’œdème et des hématomes de la reconstruction pour juger de la rétraction cicatricielle et réactionnelle des tissus sur les prothèses ou lambeaux, surtout en cas d’antécédent de radiothérapie, et placer le plus symétriquement possible la plaque aréolomamelonnaire, car un simple décalage de plus de 5 mm peut nuire à sa qualité cosmétique finale. C’est pourquoi, nous attendons au moins trois à six mois après la reconstruction des volumes et symétrisation, avant de reconstruire cette plaque aréolomamelonnaire. Il y a donc plusieurs temps opératoires pour finaliser une reconstruction mammaire. Les moyens de la reconstruction Le chirurgien oncoplasticien doit alors maîtriser non pas une technique, mais un éventail de plusieurs techniques chirurgicales, qui lui permettent de s’adapter au mieux à chaque morphologie et à chaque patiente. Ainsi, en fonction de chacune, pourra-t-il décider d’utiliser : – une prothèse mammaire simple ; – un expandeur ; – une prothèse mammaire associée à un lambeau de grand dorsal ; – un lambeau abdominal. Le choix des techniques et leurs indications Dossier D ossier Le choix de la technique chirurgicale sera guidée par : – la qualité de la peau, en particulier si celle-ci a eu de la radiothérapie ; – la quantité de peau du thorax qui reste après la mammectomie ; – la position et la qualité de la cicatrice de mammectomie ; – la morphologie du sein controlatéral et la silhouette de la patiente (cas n° 3) (figure 3) ; – et, bien entendu, les désirs de la patiente (cas n° 4) (figures 4 et 4 bis). Si la peau du thorax du côté de la mammectomie est en quantité suffisante et de bonne qualité, au mieux non irradiée, le chirurgien utilisera alors la technique la plus simple, la reconstruction par prothèse. Il y a le cas intermédiaire où la peau est de bonne qualité, mais en quantité insuffisante, le chirurgien utilise alors une solution intermédiaire : l’expandeur. Le principe est d’augmenter en quantité une peau de bonne qualité. Ainsi, comme la peau abdominale de la femme enceinte, on va expanser la peau thoracique progressivement, en plaçant sous cette dernière, une prothèse qui sera gonflée progressivement de l’extérieur par une valve. À la fin de l’expansion, il sera possible de mettre en place une prothèse définitive au volume voulu. Mais si la peau et le muscle sont en quantité insuffisante et, surtout, si la qualité est insuffisante ou si la paroi thoracique a déjà été irradiée, l’apport d’un lambeau musculo-cutané devient nécessaire et même indispensable. Une reconstruction par prothèse simple sans aucun lambeau exposerait la patiente au risque de coque irréductible, voire d’exposition et rejet de prothèse et donc d’échec. Deux lambeaux sont donc à notre disposition, le lambeau de grand dorsal et le lambeau de grand droit de l’abdomen, choisit en fonction de la morphologie de la patiente. La RM par prothèse ou expandeur Figure 1. Cas n° 1 : patiente désirant une reconstruction mammaire, avec une paroi irradiée de bonne qualité permettant une reconstruction différée par prothèse. Mais la patiente désire aussi une réduction du sein gauche. Résultat à un an. La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007 Dans le cas où la peau est de bonne qualité, le plus souvent non irradiée, le chirurgien pourra donc choisir la technique la plus simple : la reconstruction par prothèse, ou l’ex23 Dossier D ossier Le choix de la prothèse Quant aux prothèses mammaires, elles ont toutes une enveloppe d’élastomère de silicone et le contenu peut varier : nous avons le choix entre une prothèse remplie de sérum physiologique ou de silicone. De même dans la forme de l’implant, entre une prothèse ronde ou anatomique, “en goutte d’eau”. Le contenu de la prothèse mammaire Aujourd’hui, nous avons le choix dans le Figure 2. Cas n° 2 : reconstruction mammaire immédiate par prothèse sur carcinome contenu de l’implant. La prothèse gonflaintracanalaire étendu. La patiente désirait une augmentation du sein gauche qui a permis ble ou “saline”. La prothèse est préremplie aussi la symétrisation du quadrant supérieure des deux seins qui est toujours un peu ou gonflée en peropératoire au moyen bombé avec une prothèse. d’une valve. Cette dernière a l’avantage de permettre une meilleure adaptation du volume du sein à reconstruire. Mais la consistance liquidienne de ces prothèses est beaucoup moins naturelle que le silicone et se rapproche plus “d’une bouillotte remplie d’eau”. Par ailleurs, sous des téguments fins, chez une patiente mince ou irradiée, cette prothèse fait des plis sous-cutanées ou “vagues” très disgracieuses et gênantes pour la patiente. Les fuites et dégonflements de ces prothèses, relativement fréquents – 20 % des cas dans certaines séries –, nécessitent des changements par une nouvelle intervention. Figure 3. Cas n° 3 : paroi irradiée mais souple et de bonne qualité. Premier temps de La prothèse remplie de gel de silicone est réautorireconstruction : reconstruction du volume par prothèse et réduction de symétrisation sée depuis janvier 2001. Son innocuité vis-à-vis du sein gauche. Attendre 6 mois pour reconstruire la plaque aréolomamelonnaire des maladies auto-immunes a été démontrée. pour la situer au mieux sur le cône mammaire. 3 mois après le premier temps de Surtout, le gel plus cohésif limite leur extrareconstruction, reconstruction du mamelon par greffe de mamelon controlatéral et tatouage de l’aréole. Résultat à un an. vasation transmembranaire et vers d’autres régions anatomiques comme le creux axillaire. Grâce à cette hypercohésivité, il existe un meilleur contrôle local en cas de rupture. Leur fabrication a été soumise à un pandeur (qui reste une solution à mon avis trop intermédiaire cahier des charges très strict et contrôlé et ont fait l’objet d’un et sujette à trop de complications et de résultats décevants). marquage CE et d’une AMM. Les prothèses en silicone sont plus naturelles au toucher et font moins de plis que les prothèses La technique salines. Même si elles ne se dégonflent pas comme les prothèses en La patiente est opérée en position semi-assise, les bras le long du sérum, il faut prévenir les patientes de la nécessité de les surveiller corps, pour ne pas mettre les muscles pectoraux en tension. et de les changer tous les 15 à 20 ans en fonction de signes d’usure en échographie. Elles auraient une durée de vie plus longue que les Dissection de loge périprothétique prothèses en sérum physiologique et nécessiteraient donc moins Nous utilisons la voie d’abord de la mastectomie, elle-même de reprise chirurgicale. sans ajout de cicatrice. Le chirurgien doit décoller le muscle grand pectoral pour confectionner une loge périprothétique La forme de l’implant musculaire et redéfinir le sillon sous-mammaire et la ptose En reconstruction mammaire, où la prothèse est directement naturelle, par un décollement cutané se prolongeant sur la sous la peau et le muscle pectoral, sans cône glandulaire, la proparoi abdominale en avant de l’aponévrose du grand droit de thèse dite “anatomique en goutte d’eau” a beaucoup amélioré l’abdomen. Cette région est la réserve cutanée du chirurgien nos résultats : sa base plus large se place mieux dans le sillon et plasticien pour la reconstruction mammaire. L’intervention sa projection maximale de la région inférieure du sein apporte se termine toujours par la mise en place d’un drain de Redon une forme plus naturelle, évitant aussi le côté “bombé” des quaaspiratif pour évacuer l’hématome, mais surtout l’épanchedrants supérieures. Cette forme de prothèse mime mieux le sein controlatéral (cas n° 4). ment de lymphe. 24 La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007 Dossier D ossier Figure 4. Cas n° 4 : patiente ne désirant qu’une reconstruction par prothèse simple, sans geste de symétrisation sur le sein droit. Paroi irradiée à laxité limite. Utilisation d’une prothèse anatomique avec reconstruction du sillon sous-mammaire par des points souscutanés sur la peau abdominale. Les prothèses rondes reconstruisent des seins parfois trop ronds et “trop juvéniles” par rapport au sein controlatéral. Les risques et complications Le risque de coque Comme tout corps étranger implanté dans l’organisme, celui-ci va générer une réaction histologique, dites à “corps étranger”, se traduisant par une membrane périprothétique. Cette réaction est obligatoire, au même titre qu’une cicatrice. Cette membrane est fine et souple et le plus souvent peut être palpable comme un sein un peu ferme. En cas d’antécédent de radiothérapie, d’hématome ou d’infection, voire de la simple persistance d’épanchement périprothétique, cette membrane peut devenir dure, douloureuse, voire même se calcifier. Le sein est déformé et prend une forme trop ronde et surtout très dure. Il s’agit d’une contracture capsulaire ou “coque”. Cet incident peut survenir ou immédiatement en postopératoire, voire plusieurs mois ou années après la mise en place de la prothèse. Le traitement de cette coque est strictement chirurgical : le chirurgien réintervient et tente de briser cette coque ou passe à une autre technique de reconstruction, le lambeau (cas n° 5) (figure 5). Figure 4 bis. Cas n° 4 : résultat de profil où l’on juge mieux du caractère dit “anatomique” de la prothèse avec son profil du segment supérieure moins bombée que sur une prothèse ronde et se rapprochant mieux de l’anatomie d’un sein naturel. La reconstruction par lambeaux Dans le cas d’une insuffisance de qualité et de quantité de la peau restante du thorax, voire en cas d’échec de reconstruction par prothèse (coque périprothétique irréductible) (cas n° 5), mais aussi, si le muscle et la peau sont trop amincis ou quand la position de la cicatrice de mammectomie est trop serrée, trop longue, trop haute (cas n° 6) (figure 6), il faut savoir proposer une reconstruction par lambeau, qui va apporter un tissu de couverture sur la projection de la prothèse. Le principe du grand dorsal Chez les femmes minces, sans excédent cutané au niveau de la région sous ombilicale, il reste une réserve cutanéo-graisseuse quasi constante, le dos. Aussi, le chirurgien va-t-il prélever, dans cette région, une palette cutanée qui reste solidaire du muscle sous-jacent mais totalement détaché de ses insertions osseuses dans le dos. Cet ensemble est vascularisé par le pédicule artérioveineux qui est dans le creux axillaire et qui doit avoir été respecté au moment du curage axillaire. Et tout cet ensemble va pouvoir basculer vers l’avant et permettre la reconstruction. La projection et le volume seront complétés, le plus souvent par une prothèse. Mais cette prothèse est protégée, étant placée derrière ce nouveau muscle dorsal non irradié et sain. Ainsi, le risque Figure 5. Cas n° 5 : patiente adressée pour reprise de reconstruction sur contracture de coque ou de rejet de la prothèse est périprothétique de grade 3 avec déformation-ascension de la prothèse. Indication à une diminué de façon très notable. De plus, reconstruction par lambeau. Aucune laxité abdominale, mais possibilité d’un grand dorsal. cette technique permet de reconstruire Reconstruction par un lambeau de grand dorsal positionné dans le sillon sous-mammaire avec des volumes mammaires plus importants une prothèse en silicone pour la projection. Reconstruction de l’aréole par greffe de mamelon et tatouage de l’aréole. Résultat à 6 ans : le tatouage se décolore mais la forme et le volume de et des seins beaucoup plus naturels qu’avec la reconstruction vieillissent bien. une simple prothèse. Mais ce lambeau de La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007 25 Dossier D ossier grand dorsal se fait au prix d’une cicatrice dans le dos, le plus souvent horizontale, qui peut se dissimuler dans la bretelle horizontale de soutien-gorge. Cette cicatrice va blanchir et s’estompera avec le temps, mais restera toujours visible. C’est le principal inconvénient de cette intervention. Les risques du grand dorsal Le sérome L’incident le plus bénin et le plus fréquent est un épanchement de lymphe dans le dos, comme au moment du curage axillaire. Cet incident est fréquent dans la technique du grand dorsal et est astreignant pour la patiente, mais reste sans aucune gravité ni aucun caractère péjoratif pour la future reconstruction. Figure 6. Cas n° 6 : jeune femme avec paroi extrêmement radique et cicatrice de mammectomie haute et élargie ne permettant pas une reconstruction par prothèse simple. Indication à une reconstruction par lambeau de grand dorsal. Pour privilégier la forme du sein, sur les cicatrices, le lambeau est placé dans le sillon sous-mammaire et laisse en place la cicatrice de mammectomie. Le lambeau de grand droit de l’abdomen En revanche, si la patiente présente un excédent cutanéograisseux abdominal en sous-ombilicale, qui serait une bonne indication à une plastie abdominale, et si elle accepte le principe d’une longue cicatrice abdominale, alors le chirurgien peut lui proposer un lambeau de grand droit de l’abdomen (cas n° 7) (figure 7). Cette reconstruction, la plus séduisante, ne fait appel à aucune prothèse mammaire, mais à une prothèse pariétale abdominale et fait bénéficier à la patiente d’une plastie abdominale avec la reconstruction : soit deux interventions en une. Mais cette intervention est beaucoup plus lourde et associe les risques d’une plastie abdominale, d’une éventration avec plaque Figure 7. Cas n° 7 : patiente avec paroi contre-indiquant pariétale de réparation et d’un lambeau musculo-cutanéo-graisune reconstruction par prothèse seule. La patiente désire seux à pédicule artérioveineux très fragile. une plastie abdominale sur cet abdomen polycicatriciel : Ainsi, il existe un risque phlébogène et donc vital important, indication à un lambeau de grand droit de l’abdomen. car il y a le temps de prélèvement du lambeau, celui de la répaRésultat à 2 ans. ration pariétale et celui du modelage de la reconstruction, soit un minimum de cinq heures d’intervention. Par ailleurs, la plupart des auteurs pratiquent l’autotransfusion du fait des pertes sanguines peropératoires importantes. À court et long termes, les patientes sont très algiques pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, en particulier dans la zone épigastrique de passage du lambeau et au niveau de la plaque abdominale. Du fait de la perte du muscle de la paroi abdominale, même corrigée par une plaque, les patientes Figure 8. Cas n° 8 : patiente présentant un intracanalaire étendu du sein droit. ont au mieux des ballonnements abdominaux et au Possibilité de mammectomie et reconstruction immédiate. Reconstruction pire des éventrations, alors difficiles à traiter. immédiate par prothèse simple. Résultat à 6 mois avec cicatrice encore Et enfin, sur le plan technique, ce lambeau est hypertrophique. de prélèvement difficile, mais surtout présente un pédicule artérioveineux fragile qui expose la patiente à de tissus qu’elle nécessite. Les nécroses étendues et totales ne une nécrose partielle, nécessitant parfois un parage au bloc sont pas rares. opératoire, alors préjudiciable à la reconstruction par la perte Au total, il vaut mieux réserver ce lambeau aux vraies indica26 La Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007 Figure 9. Cas n° 9 : carcinome mammaire bilatérale. Récidive dans le quadrant inférieure droit. Indication à une mammectomie de rattrapage, large avec couverture, en terrain irradié par un lambeau de grand dorsal modelé sur une prothèse. Reconstruction de la plaque aréolomamelonnaire, 6 mois après. Recul à 4 ans sans récidive. toire, c’est-à-dire en cas de carcinome intracanalaire étendu (cas n° 7) (figure 8). Cela peut se discuter sur d’autres rares indications, comme la récidive unique sur sein déjà irradié (4-6) (cas n° 8) (figures 9 et 9 bis). Et cette décision ne sera prise qu’avec l’accord et le consentement de la patiente et celui de l’équipe de thérapeutes oncologues. Donc le plus souvent, la reconstruction mammaire sera différée et débutée environ six mois après la fin de la radiothérapie ou de la chimiothérapie. Dossier D ossier Qui peut faire la reconstruction mammaire ? La reconstruction mammaire se fera par un chirurgien oncoplasticien rompu aux techniques de reconstruction mammaire tant aux techniques des prothèses, mais aussi et surtout, aux techniques des lambeaux. De même, il aura une formation en oncologie mammaire et travaillera au sein d’une équipe multidisciplinaire de cancérologie avec qui il aura un contact permanent pour surveiller et opérer au mieux ces patientes. Figure 9 bis. Cas n° 9 : vue de profil pré- et postopératoire. L’apport du lambeau a optimisé la mammectomie en permettant une résection plus large ; le modelé sur la prothèse a lieu dans le même temps opératoire puisqu’il n’y a pas de radiothérapie complémentaire sur cette paroi déjà irradiée. tions de reconstruction où le grand dorsal est insuffisant et où il n’y a pas d’autre solution de reconstruction. Quand faire la reconstruction ? Proposer une reconstruction immédiate ou différée ? Comme nous l’avons dit plus haut, la reconstruction ne doit surtout pas empêcher les traitements curatifs du cancer, soit la chimiothérapie et la radiothérapie. En cas de traitements lourds postopératoires, le chirurgien devra différer la reconstruction. De même, pour éviter une altération de la reconstruction ellemême, il est nécessaire de différer la reconstruction, à distance de la radiothérapie. Les prothèses de reconstruction et même les lambeaux ne tolèrent pas les rayons (3). Il y a un risque de coque ou de contracture périprothétique, voire de nécroses extensives de la peau ou du lambeau. Aussi, conseille-t-on aux patientes de différer la reconstruction si une radiothérapie secondaire est nécessaire. Et le chirurgien peut aussi récuser une patiente pour une reconstruction immédiate, du fait de mauvaises conditions physiologiques globales (diabète, cardiopathie non équilibrée, etc.). Au total, le chirurgien peut proposer la reconstruction immédiate s’il peut évaluer l’absence de radiothérapie postopéraLa Lettre du Gynécologue - n° 325 - octobre 2007 Conclusion Oui, il faut penser à la reconstruction mammaire et penser ainsi à la reconstruction de l’inconscient de nos patientes et à leur nouvelle image corporelle. Ce n’est pas tout d’éradiquer le cancer, il y a l’après-cancer du sein et il n’est pas futile d’inviter nos patientes à revivre avec leur nouveau corps, les aider au deuil de ce sein malade. Il faut ainsi tenter de leur redonner une image positive de cette rémission à travers cette nouvelle image qui est le corps “reconstruit” mais entier, avec ses limites et sa propre beauté. n Références bibliographiques 1. Petit JY, Le MG, Mouriesse H et al. Can breast reconstruction with gell filled silicone implants increase the risk of death and second primary cancer in patients treated by mastectomy for breast cancer? Plast Reconstr Surg 1994;94: 115. 2. Perrault de Jotemps M. Plaidoyer pour la reconstruction mammaire. Genesis 2003;90:19-20. 3. Krueger EA, Wilkins EG, Strawderman M et al. Complications and patient satisfaction following expander/implant breast reconstruction with and whithout radiotherapy. Int J Radiat Oncol Biol Phys 2001;49:713. 4. Perrault de Jotemps M. La reconstruction mammaire immédiate : ses indications. Genesis 2003;91:25-8. 5. Perrault de Jotemps M. La reconstruction immédiate. Technique et résultat. Genesis 2004;94:9-14. 6. 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