Détection et typisation des papillomavirus humains en biologie

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Détection et typisation des papillomavirus humains en biologie
CABINET
Forum Med Suisse No 42 16 octobre 2002
1002
Détection et typisation des
papillomavirus humains en biologie
moléculaire pour le dépistage
des cancers gynécologiques
B.-C. Padberga, C. Rodriguesb, D. Zimmermannc
La mise en évidence de papillomavirus humains de types à haut risque contribue à élever
la sensibilité des examens cytologiques de dépistage du cancer.
Introduction
a
b
c
FIAC, Abteilung Zytologie
CFIAC, Abteilung Zytologie
Labor für Molekularbiologie,
Institut für Klinische Pathologie,
Departement Pathologie,
Universitätsspital Zürich
Correspondance:
Dr Barbara-Christina Padberg
Departement Pathologie
der Universität
Abteilung Zytologie
Universitätsspital
Schmelzbergstrasse 12
CH-8091 Zürich
[email protected]
Figure 1.
Selon les plus récentes études
moléculaires, une infection persistante aux types HPV à haut risque
représente le principal facteur de
risque pour le développement
d’un carcinome du col utérin,
tandis que les variantes de HPV à
bas risque n’entraînent que des
lésions épithéliales réversibles.
Les infections à papillomavirus humains (HPV)
se manifestent dans la région anogénitale sous
forme de lésions condylomateuses dysplasiques et néoplasiques. Les études épidémiologiques et moléculaires ont montré que les infections par les types de HPV dits à haut risque
sont en rapport étroit avec le développement
du carcinome du col utérin [1–3], tandis que les
variantes à bas risque sont simplement liées à
des lésions épithéliales réversibles (fig. 1). Le
carcinome du col est le carcinome génital le
plus fréquent sur toute la planète. Au cours des
quarante dernières années, on a cependant
observé une régression nette de ce cancer, surtout en Europe [4, 5]. Le frottis cytologique du
col utérin – en combinaison avec la colposcopie
– constitue actuellement la meilleure méthode
de dépistage des stades précurseurs et précoces
du carcinome du col (néoplasies intra-épithéliales du col (NIC) = lésions pavimenteuses
intra-épithéliales). Un moyen d’élever encore la
sensibilité du frottis de dépistage est la mise en
évidence d’HPV de types à haut risque.
Cytologie combinée au
diagnostic biologique
moléculaire du HPV
Dans le cadre des examens gynécologiques de
dépistage du cancer, le diagnostic des altérations épithéliales associées à l’HPV au stade
d’infection subclinique ou cliniquement manifeste repose actuellement sur les observations
cytologiques. Mais la détermination du type
d’HPV permet, en plus du diagnostic morphologique, d’estimer le potentiel oncogène (types
connus d’HPV à haut risque: 16, 18, 26, 31, 33,
35, 39, 45, 51, 52, 55, 56, 58, 59, 66, 68, 73,
MM4 et MM7; types d’HPV à bas risque: 6, 11,
40, 42, 53, 54, 57 et MM8). C’est pourquoi on
demande toujours plus fréquemment de pratiquer un examen virologique de biologie moléculaire en complément à la mise en évidence
cytologique des altérations épithéliales liées à
l’HPV (test cytologique HPV combiné). Au département de pathologie (laboratoire de biologie moléculaire) de l’hôpital universitaire de
Zurich, la détection de l’HPV et sa typisation ont
Modèle du développement tumoral dans le carcinome du col utérin
Frottis d’épithélium sans particularité
Infection HPV
lésion de bas degré
persistance du virus
influence de l’expression du
gène
lésion de haut degré
induction d’instabilité
génétique
intégration du virus
immortalisation de
la cellule infectée
carcinome invasif
carcinome avec métastases
accumulation d’aberrations
génétiques, p.ex. dans
les gènes oncogènes et
suppresseurs tumoraux
Type HPV
à haut risque
Type HPV
à bas
risque
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Examens cytologiques et de pathologie moléculaire
Frottis cytologique
Extraction de DNA
Polymerase-chain-reaction
PCR positif
Koïlocytes
VC
2
HP 68/5
89
V
HP MY
V 09
L1 /11
C1
/2
VC
26
HP 8/5
89
V
HP MY
V 09
L1 /11
C1
/2
Appréciation
microscopique
VC
2
HP 68/5
89
V
HP MY
V 09
L1 /11
C1
/2
Figure 2.
Lors d’un examen de dépistage
gynécologique, on prélève un
échantillon de cellules qui sont
étalées sur un porte-objet puis
colorées (frottis cytologique
conventionnel). Cette préparation
est soigneusement inspectée au
microscope, à la recherche de
cellules suspectes de
dysplasie/néoplasie pavimenteuse
(screening). En cas d’indice cytologique d’infection par des papillomavirus humains (mise en
évidence de koïlocytes), on utilise
des techniques de biologie moléculaire (PCR, séquençage) pour
détecter dans le matériel correspondant la présence éventuelle
de DNA-virus et de quel type de
HPV il s’agit. Dans cet exemple,
on a identifié HPV du type 59.
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Epithelium pavimenteux
normal
patiente
- contrôle + contrôle
Séquençage du DNA
Comparaison par les banques de
données et typisation
>ref|NC_001635.1| Human papillomavirus type 59,
complete genome Length = 7896
pris beaucoup d’ampleur dès la 2e moitié de
l’an 2000 (fig. 2). La mise en évidence est
effectuée au moyen de deux «chain-polymerase-reaction» (PCR) indépendantes. Ces deux
analyses PCR permettent de détecter tous les
types d’HPV connus à ce jour. La typisation
des papillomavirus par analyse séquentielle et
comparaisons à partir des banques de données
via Internet s’est également bien établie. Elle
permet une caractérisation exacte du type
d’HPV non seulement en cas d’infection par un
germe unique, mais aussi en cas d’infection par
plusieurs types ou d’infection mixte. Les deux
analyses PCR permettent aussi la détection de
nouvelles ou rares variantes de virus. On pense
que la proportion de types rares d’HPV génitaux est encore sous-estimée, car les tests à disposition dans le commerce ne permettent encore de mettre en évidence qu’un spectre limité
de formes rares d’HPV. Tandis qu’on connaît
un potentiel oncogène élevé pour certains de
ces types de virus, l’oncogénicité d’autres types
de virus de ce groupe n’est pas encore caractérisée de manière fiable.
Problématique et controverses
actuelles
La persistance, respectivement la disparition
d’un type d’HPV à haut risque a une signification pronostique considérable pour l’évolution
ultérieure d’une lésion dysplasique du col. La
mise en évidence de l’HPV combinée à une
typisation de routine est actuellement discutée
pour l’affinement du procédé thérapeutique en
cas de NIC 1-2 (dysplasie légère à modérée) [6],
ainsi que comme examen de contrôle après
traitement chirurgical [7]. Dans notre système
de prévention (Allemagne, Autriche, Suisse
[Groupe de travail «Guideline frottis du col» de
la Société suisse de gynécologie-obstétrique
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[4]), la mise en œuvre du diagnostic HPV n’est
pour l’instant recommandée que dans le cadre
d’études contrôlées, en raison de son coût (état
au début 2002: mise en évidence HPV y compris prestation médicale: CHF 217.80; typisation en cas de résultat PCR positif: CHF 103.95)
et de sa pertinence encore sujette à controverse. Bien que le pourcentage de femmes HPVpositives avec mais aussi sans NIC et que les
taux de guérison spontanée par élimination
virale (HPV-clearance) en l’espace de quelques
mois soient tous deux relativement élevés [8],
l’utilité de l’examen de biologie moléculaire réside dans la possibilité d’une différentiation
exacte entre types individuels d’une infection
HPV à bas ou haut risque. D’une part, chez les
patientes avec une infection HPV à bas risque,
il ne faut pas s’attendre au développement de
lésions précancéreuses NIC 3 [2, 8, 9], d’autre
part une infection HPV à haut risque persistante avec un sous-type restant le même
signifie une intégration du virus dans le génome
de l’hôte. L’expression constitutive des protéines virales E6 et E7 qui en résulte élève le
potentiel oncogène des cellules pavimenteuses
infectées. Ainsi, le principal objectif du diagnostic HPV spécifique de type est la surveillance des
patientes à risque de développer une NIC de
degré élevé, respectivement de détecter la progression vers un carcinome invasif. Dans les
pays où le screening est bien organisé avec un
Figure 3.
Des études contrôlées recommandent des périodes «wait and see»
avec des intervalles de temps
entre les examens dont la durée
est déterminée par le résultat
des épreuves cytologiques et de
biologie moléculaire: chez tous les
patients positifs à l’examen
cytologique, il convient de procéder au diagnostic HPV. Les cas
nécessitant des contrôles et un
traitement sont principalement
ceux avec des lésions épithéliales
associées aux types de HPV à haut
risque, persistant plus de 6 mois.
Exemple de procédure pratique
Intervalle entre les examens
longue
durée
durée
moyenne
courte
durée
Cytologie sans
particularité
Cytologie positive
HPV-PCR positif, type à
faible risque
”wait
and
see”
Cytologie sans
particularité, PCR négatif
Cytologie positive
HPV-PCR positif, type
HPV à haut risque
Cytologie positive
persistant identique
pendant au minimum
6 mois
traitement
Quintessence
Le frottis de l’exocol combiné à la colposcopie constitue actuellement la
meilleure méthode de détection des stades précurseurs ou précoces du
carcinome du col utérin.
Grâce à la typisation des papillomavirus humains (HPV) rendue possible
par des procédés de biologie moléculaire, il est possible d’élever
la sensibilité du frottis de dépistage du cancer du col utérin (test combiné
cytologique/HPV).
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bon système de surveillance (Scandinavie), il
est possible d’allonger à 5–7 ans les intervalles
entre les examens cytologiques, en cas d’absence d’infection HPV à haut risque [10]. Chez
nous, le test HPV spécifique de type peut être
une bonne méthode et une base de décision
utile pour le choix du traitement. En plus de son
utilité médicale, il comporte aussi des avantages économiques: il évite les frais de frottis et
colposcopie fréquemment répétés [10]. Le diagnostic HPV, qui entre aussi en ligne de compte
avant tout en cas de résultats histologiques peu
clairs (lésions cervicales pavimenteuses/glandulaires atypiques de signification indéterminée) [5, 11, 12] acquiert, grâce à la méthode
PCR permettant la typisation, une valeur pronostique de la présence d’HPV in situ jusqu’ici
inégalée, car seule la méthode basée sur la PCR
peut apporter la preuve d’une infection HPV à
haut risque persistante avec un sous-type demeurant identique. Si en plus on venait à disposer sur le marché – ce qu’on peut d’ailleurs
espérer pour un avenir proche – d’une vaccination thérapeutique [13], la typisation HPV
acquerrait encore plus de valeur [10].
Recommandations issues
des études contrôlées
Les résultats des études contrôlées [2, 12, 14]
suggèrent entre autres l’introduction d’une période de «wait and see» (cf. exemple à la fig. 3):
chez toutes les patientes avec un NIC 1 ou 2 et
des lésions cervicales pavimenteuses/glandulaires atypiques de signification indéterminée
(LCPASI/LCGASI), on recommande de procéder
au diagnostic HPV; les patientes avec NIC 1, 2
ou également avec LCPASI/LCGASI et avec une
infection HPV à haut risque initialement positive et persistant plus de 6 mois avec un soustype inchangé, devraient être assignées à une
colposcopie et, le cas échéant, au traitement
correspondant. Au contraire, les patientes HPVnégatif aux deux échéances ou les patientes
HPV-positif initialement mais dont le test est négatif 6 mois plus tard, devraient être à nouveau
assignées au programme de screening normal
sans traitement ultérieur et soumises à une surveillance ultérieure par des contrôles cytologiques/colposcopiques. La pertinence de cette
procédure est en cours d’évaluation rétrospective dans le cadre des typisations HPV déjà effectuées à l’hôpital universitaire de Zurich.
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Données pour l’envoi
d’échantillons
La recherche d’HPV peut se faire aussi bien à
partir de matériel conditionné pour analyse cytologique (frottis conventionnel et/ou préparation en couche mince) qu’à partir de matériel
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d’analyse bioptique (tissu frais ou fixé au formol). Etant donné la haute sensibilité de la méthode, il existe un risque de contamination non
négligeable. Il faut donc faire très attention à
bien séparer les frottis de patientes différentes,
aussi bien pour l’envoi que pour toute autre manipulation.
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