juillet 2009 - Guts Of Darkness
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juillet 2009 - Guts Of Darkness
Guts Of Darkness Le webzine des musiques sombres et expérimentales : rock, jazz, progressif, metal, electro, hardcore... juillet 2009 Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com © 2000 - 2009 Un sommaire de ce document est disponible à la fin. Page 2/107 Les chroniques Page 3/107 ASKEW (Ed) : Ask The Unicorn Chronique réalisée par Dioneo Te doutais-tu, Dylan ? Savais-tu, Zimmerman ? Quelle brèche tu allais tailler ? Quelles traces de toi les jours allaient charrier ? Tout ce que tu rendais possible ? En plantant là, où elle sortait, ta voix de sinus obturés ? En remontant du flot ta poésie de gorge ouverte ? … Avec son air de Brautigan mal luné (pléonasme ?), Ed Askew a tout du barde beat égaré dans l’ère du Verseau. De l’Anormale Évidence qui grippe, imperceptible, le centrifuge des neuves routines. Du Singulier qui s’enkyste, à l’interstice d’une époque, répandant à ses chairs les sécrétions du frottement. Irritant, irrité, sans répit. Libéré par fragments, flottants au gré des fluides, des nuits et de l’histoire qui l’avaient précédé. Qu’on l’écoute aujourd’hui, la question n’est plus la même. Ce qu’il doit à l’acide, aux fleurs de saison, à ce que voulait autours de lui cette jeunesse aux cheveux long… Toutes ces contingences passent au second plan. C’est ailleurs qu’il presse l’énigme. Des doigts, aux fibres de l’acier d’un curieux instrument, ramassé au hasard d’un folklore trouvé. Recréé, approprié aux buts seuls, aux cibles de ses flèches. En Colombie, pour la géographie. Une mandole épuisante, aux cordes triples et dures, au jeu astreignant, exigeant. Et ce choix difficile pousse sa voix, l’oblige à l’arracher. À jeter comme les pierres la douceur de ses mots. À lancer comme un appel ses choses qu’alors encore il fallait taire. Alors que l’Amour Libre -tel on le prétendait- devenait prétexte, excuse à consommer la chair. Mais la chair exogène. Le goût des hommes, de leurs corps indéniables. La nature délicate et forte, insoucieuse des festivals (ô Feuilles d’Herbe, autre poème…). La douleur, le sourire des matins bleuis au sortir des nuits sans repos. Quand il reste à veiller le temps d’un jour entier. Dans ces périodes classiques, parfois presque médiévales, ces morts et renaissances, petites ou capitales, taillées en rocs alexandrins ou ciselés en vers impairs, vibrent un souffle puisé loin. En amont, en tréfonds. Sans résignation pousse un territoire. Terre libre et sans merci, aride peut-être, où toute source prend son sens, où le moindre filet porte le sel d’un vie compacte ou bien défaite, serrée autours de ses manques, articulée aux méandres des nœuds. Il y a dans ce folk isolé toute la force et les brisures de cette musique qui n’est pas un genre mais un mode, un cheminement, une exacte distance. Y foisonne l’individu, l’histoire de l’instant qui toujours est rhizome. La conscience de l’être qui chante : d’être d’un lieu et d’un moment, au cœur, aux marges, aux zones franches d’un monde. L’horreur tranquille ou affolée des liens qui l’ancrent à ce décor. La joie d’être malgré. Ce qui se passe ici ne sera jamais d’aucun musée. C’est un plaisir de contrebande, un courant sous-terrain. On s’y jette avec plaisir ou bien l’on s’en détourne, agacé, rebuté par ces vagues aux reflets incernables. Ce qu’y s’y ouvre est à jamais Question. Inachevé, unique. Le défaut dans l’armure des anthologies, par où s’instille et suinte l’oxygène et le non-pareil… Savais-tu, Déclameur sans pairs, qu’en d’autres sentiers cheminaient d’autres frères, porteur de doutes et de sentences ? Qui nous dira, aux vallées et aux pics, s’ils franchirent comme toi vapeurs et nuées ? Qui entendra, encore, ce qu'ils en ramenèrent ? Note : 5/6 Page 4/107 PROIEKT HAT / BRIGHTER DEATH NOW : Feel / Bad Chronique réalisée par Wotzenknecht Rendons grâce à l'enfant-roi de la pop décédé la semaine dernière en faisant tourner le plus bruyant - à défaut d'être le plus brillant - hommage qu'on ait pu lui rendre dans sa carrière. Servi dans un packaging du meilleur goût (le KKK sur la pochette, une fillette noire serrant son père mutilé au verso), deux variantes de chansons particulièrement idiomatiques : “Can you feel it ?” ramolli et passé dans du goudron puis sous un rouleau-compresseur dans la version no-fi death industrielle de Proiekt Hat et le plus tubesque “Bad” chanté par Roger Karmanik et son Brighter Death Now qui fait ici presque penser à ZymOsiZ tant il est punchy et musclé avec une voix très enjouée (les paroles vont particulièrement bien à Roger, peut-être même mieux qu'à Michael) - “Beause I'm bad, I'm bad, you know it ! You know I'm bad, I'm bad, you know it ! I'm bad, I'm bad, I'm really really baaaad” tellement funk qu'il a tendance à un peu écraser son compère de l'autre face, toujours plus implicite. Ca grince de partout, et ça se rechante même sous la douche. Note : 3/6 Page 5/107 QUINOLINE YELLOW : Cyriack Parasol Chronique réalisée par Wotzenknecht “Skam est le label dont les sorties sont achetées par des geeks ultimes pour une somme ridicule qui les rangent dans un coin sans jamais les écouter puis les revendent lorsqu'ils ont besoin d'argent pour s'acheter de nouveaux composants informatiques.” Voilà une description plutôt bien sentie du label qu'on peut trouver au détour d'internet et qui résume son paradoxe : des sorties de qualité très différentes mais souvent pressées en petites quantités avec des visuels de toute beauté et dont l'aspect nerd explose celui de Warp à qui il ne fera pourtant jamais d'ombre vu les considérations élitistes et les différences dans l'étendue de leurs distributions respectives. Ecrasés sous le poids de Gescom, Bola et Boards of Canada, certains petits noms parviennent tout de même à se faire entendre comme ce Quinoline Yellow qui ravira tout fan d'electronica à séquences malmenées, à mélodies affables et à déstructuration rythmique quasi-compulsive. On pense volontiers à Autechre période 'Chiastic Slide' pour ces beats granuleux, presque rocheux, se promenant sur des nappes qui rappellent quant à elles les Boards ou une forme d'IDM soft comme on peut en apprécier dans l'écurie Boltfish mais avec un travail beaucoup plus avancée au niveau composi... programmation. Le genre de disque bloqué à 4/6 car bourré de qualités mais manquant d'un au-delà ; et l'album 'Dol-Goy Assist' qui s'en suivra est tout à fait dans le même acabit, même si cela ne me dispense pas de lui consacrer une chronique distincte. Quant à vouloir justifier la présence d'un mouchoir dans le packaging ou du pavé sur la toxicologie au verso, je passe mon tour. Note : 4/6 Page 6/107 QUINOLINE YELLOW : Dol-Goy Assist Chronique réalisée par Wotzenknecht J'aurai peine à dire quelque chose de plus que ce que j'ai déjà dit sur la chronique de 'Cyriack Parasol' : Quinoline Yellow tape dans l'intelligent dance music faite par des geeks et pour des geeks (jusqu'aux titres), peut-être avec ici des algorithmes séquentiels encore plus prononcés ; on retrouve l'imitation du vivant comme chez Autechre mais avec des sonorités moins originales ou abstraites qui ramènent en tête les travaux de Darrell Fitton (Bola) ou certains µ-ziq, encore que Mike Paradinas ait trouvé une sacrée voie de traverse ces derniers temps pour sortir du moule (cf le torve et insidieux 'Duntisbourne abbots...'). On se laisse glisser avec régal le long des notes étalées et négligemment posées les unes sur les autres tandis que les structures métalliques ou croustillantes se font et se défont sans heurts ni relâchement tout autour de nos oreilles. 'If Iwastickledbytheruboflove' est le seul titre purement ambient de l'opus et apporte une petite touche nécessaire pour éviter une trop grosse redite sur la seconde partie. A noter que l'objet est de toute beauté et inclut un livret rempli de photos de détails de voitures, à la frontière de l'abstraction, rappelant le travail de Stefan Alt mélangé à la patte inimitable des Designer's Republic. Un visuel de circonstance pour une musique léchée et sur le fil entre émotion et abstraction, complexité et facilité, calcul froid et feeling finalement tout humain. Note : 4/6 Page 7/107 GATE TO GATE : I Turn Black Keys Chronique réalisée par Wotzenknecht Une heure et vingt minutes empêtré dans du goudron à l'image de cette pochette qui fond, voilà en substance ce que propose Gate to Gate, le projet sludge-noise de Greh Holger (Hive Mind) et Connelly (pas Jennifer la bonnasse ; juste Mike de Wolf Eyes). 'I Turn Black Keys' se compose d'un inédit d'une quarantaine de minutes puis de deux rééditions de K7 limitées ce qui donne trois parties plutôt distinctes mais à la qualité constante. D'une, l'affreux bain noir et gluant du titre éponyme, véritable océan de tourbe sonique dégueulasse refusant toute déflagration propre à la harsh noise. On est juste noyé dans des grumaux sonores qui finissent par se décoller sur la fin comme une machinerie de torture prisonnière d'un tarmac encore tiède mais tentant malgré tout de nous charcuter. C'est sale, graisseux et totalement inesthétique. L'autre versant du projet est plus black noise (mais si, la noise satanique de goret comme le font Allegory Chapel Ltd et quelques autres malades en manque de sensations fortes) avec le doublé 'Bane' plus riche en défouraille analogiques que l'on retrouverait chez KK.Null ou Menche lorsqu'ils collaborent avec des noiseux moins raffinés. Plus étrange, le premier chapitre de 'House with the Clocks...' qui avec son aspect décousu et ses chouinements rappelle Stalaggh tandis que la partie II, très violente, clôt le tout sur de la harsh noise bourrée d'effets électroniques psychédéliques à la Astro. Un disque copieux, bourrin et très évocateur pour toutes les bonnes occasions. Note : 4/6 Page 8/107 MILLER (Harry) : Children at Play Chronique réalisée par Hellman Le contrebassiste Harry Miller fait partie de cette génération d'artistes sudafricains venus chercher refuge et gloire au Royaume-Uni à la fin des années soixante. Parmi les plus connus, nous citerons les claviéristes Manfred Mann et Chris McGregor avec lesquels, par ailleurs, il s'est produit à de nombreuses reprises. Mais le background free du personnage lui a rapidement permis d'entrer en connexion avec la scène d'avant garde britannique, cotoyant au plus près des artistes réputés tels que John Surman, Keith Tippett ou Mike Westbrook. Fervent partisan d'une vision farouchement indépendante, il est aussi le fondateur du trop rare label Ogun qui, très logiquement, publiera certains disques signés Brotherhood of Breath, Ovary Lodge ou du doux dingue Lol Coxhill. Quand vient l'heure de son premier manifeste, "Children at Play", Miller choisit de jouer la carte de l'exercice en solitaire. Le disque, paru en 1974, n'est pas aussi impénétrable qu'on pourrait le croire. Miller s'accompagne de quelques percussions pour donner un côté plus organique à ses compositions ("H and H"). "Homeboy" et sa mélodie chantante, doublée par ses soins à la flûte, ne peut pas non plus trahir les origines ethniques du musicien, célébrées ici avec entrain. Restent donc les deux pièces éponymes et "Foregone Conclusion", les titres les plus ambitieux, les plus longs et les plus difficiles d'accès qui mettent en valeur la technicité de l'artiste tout en rendant aussi justice à la grande musicalité de son approche de l'instrument, osant parfois s'aventurer dans les recoins de la musique néo-classique, comme en témoigne le final de toute beauté qui referme ce disque sur une note grave et poignante à la fois. Note : 4/6 Page 9/107 MILLER (Harry) : Family Affair Chronique réalisée par Hellman L'intitulé exact est "Harry Miller's Isipingo". Car il s'agit bien d'un groupe. Et quel groupe ! Marc Charig, Mike Osborne et Malcolm Griffiths, soit un bon trois quart de la section de cuivre du Brotherhood of Breath dans lequel il joue aux côtés du batteur Louis Moholo qu'il retrouve ici par ailleurs et auquel s'ajoute le pianiste Keith Tippett ... "Family Affair" est le titre de leur seul et unique album, un titre qui n'est donc pas usurpé. La plage titulaire nous met tout de suite dans le bain, avec son thème aérien et fringuant, conduit par une rythmique tout en swing et en souplesse, successivement auréolé par une série de chorus flamboyants et passionnés. Les dernières minutes du titre accélère la cadence pour mieux nous préparer à une suite plus chaotique. C'est "Touch Hungry", plus free en essence, où les instruments solilioquent tous ensemble. La basse profonde et lancinante apporte un côté dramatique à cette introduction bigarrée, pronlogeant dans le temps ses accords profonds, alors que le piano de Keith Tippett entre à petits pas de souris, mimant pour ainsi dire l'effet produit par un harpiste. Le morceau s'installe alors dans une espèce d'indolence trouble qui va perdurer jusqu'à sa conclusion à la reprise du thème. La seconde face s'ouvre sur le drive endiablé de "Jumping", version speed des exercices modaux introduits par Miles Davis avec "So What" il y a vingt ans de cela ; mais ce qui rend ce titre particulièrement puissant, c'est le lyrisme incroyable dont il fait preuve, notamment sur le solo de Mike Osborne, soutenu par le binôme contrebasse/piano qui, une fois encore, élève le débat en lui donnant ce goût d'infini. L'album de se conclure sur l'émouvant "Eli's Song" au thème mémorable, sorte d'adaptation pour formation élargie du fantastique "Contemplation" de McCoy Tyner. En conclusion, "Family Affair" ne devrait pas rester dans la sphère strictement privée de quelques privilégiés ; il devrait au contraire devenir l'affaire de tous tant cet album est pétri d'instants de magie et de beauté. Note : 6/6 Page 10/107 MILLER (Harry) : Bracknell Breakdown Chronique réalisée par Hellman Le plutôt rare "Bracknell Breakdown" nous replonge dans une prestation inédite livrée à South Hill Park à l'été 1977 où le contrebassiste Harry Miller s'associe pour un temps au tromboniste autrichien Radu Malfatti, proche collaborateur de Derek Bailey et Evan Parker. Trombone et contrebasse, voilà une combinaison inédite qui, pendant près de quarante minutes, vont trimballer l'auditeur dans les dédales de leurs propres recherches. Ça pince, ça couine, ça s'éparpille dans tous les sens. Ça fait des sons bizarres, parfois métalliques, on se demande comment. Ça évoque des images, c'est certain, "The Audient Stood On Its Foot" terminant même sa longue course sur un bruit de moteur simulé. La complainte déchirante se poursuit sur l'ironique "Friendly Duck" qui suit son petit bonhomme de chemin sur les traces de son grand-frère. Les deux musiciens sont en parfaite adéquation, dans un jeu de questions réponses permanent où l'objectif n'est pas nécessairement de composer quelque chose de neuf, mais d'immortaliser l'instant présent au travers d'interventions parfois saugrenues, mais toujours vectrices d'images. Curieusement, si son parcours est différent, il semble suivre le même parcours, débouchant sur un final à l'identique, laissant peut-être présager qu'il s'agit là de deux interprétations différées d'une seule et même démarche ponctuelle. "Bracknell Breakdown" est donc un disque à mettre entre les oreilles des plus curieux, de ceux qui aiment en permanence entendre la musique capable de se remettre en question. Note : 3/6 Page 11/107 MILLER (Harry) : In Conference Chronique réalisée par Hellman "In Conference" laisse entrevoir les nouvelles perspectives qui s'ouvrent alors à Harry Miller. Un pont se crée entre l'Angleterre et les Pays-Bas, et ce pont porte le nom de Willem Breuker. Le saxophoniste, illustre représentant du Globe Unity Orchestra, va batailler pendant près d'une heure aux côtés de Trevor Watts pour donner au disque ce même souffle lyrique qui rendit l'expérience Isipingo si merveilleuse. Les autres musiciens qui accompagnent Miller pour cette nouvelle réalisation studio ne sont pas en reste. Cette fine équipe, la même qui guidait la destinée de "Family Affair" va installer l'album sur des bases solides. Sans surprises on retrouve donc le fidèle Louis Moholo à la batterie et le pianiste Keith Tippett, auquel s'adjoint son épouse pour quelques exercices vocaux en fin de disque. Nous en reparlerons. "In Conference" s'ouvre sur le bien nommé "Traumatic Experience", tout érigé à la gloire de l'hollandais volant, une pièce de choix qui réussit la gageure d'extérioriser des sentiments de pure introversion, éclatant de vitalité et de mal-être à la fois. Les amateurs retrouveront la patte de Tippett dans ce titre, celui de ses premières réalisations sur Vertigo ou en compagnie du "Septober Energy". La mélodie de "Orange Grove" se fait comme l'écho de "Homeboy" sur "Children at Play" : un manifeste de plus quant aux inspirations premières du compositeur. Détour donc par la case Brotherhood of Breath. En face B, "Dancing Damon", puis "New Baby" introduisent donc le chant de Julie Tippetts, chanteuse étonnante, capable de suivre toutes les inflexions prodiguées par les cuivres, parfois les plus inimaginables. Élements de jazz modal et hard bop se percutent pour un rendu qui n'oublie jamais que briser les règles n'est pas un but en soi, et que ne pas les respecter est tout aussi important que les respecter. Le coda quasi silencieux de "Traumatic Experience Closed" vient mettre un point final à une nouvelle session admirable d'une authenticité à toute épreuve. Note : 5/6 Page 12/107 MILLER (Harry) : Down South Chronique réalisée par Hellman Le temps passe et il est de plus en plus difficile pour Miller de faire valoir son talent sur le sol britannique en cette période de disette. En transit régulier vers la Hollande où il accompagne de plus en plus souvent Willem Breuker dans ses multiples projets à géométrie variable, le sudafricain succombe à cet appel insistant et décide de s'y établir définitivement. C'est là-bas que, cinq longues années après "In Conference", il enregistre "Down South" à la tête d'un tout nouveau quintette. Il y retrouve l'excellent Marc Charig. Il y invite aussi un étonnant et méconnu compatriote en la personne du saxophoniste Sean Bergin. Wolter Wierbos (trombone) et Han Bennink (batterie) constitueront quant à eux l'aile hollandaise du combo. En l'absence de piano, le groupe semble plus arrimé au sol que jamais, l'imposante force de propulsion de Bennink donnant presque une dynamique rock à certains morceaux ("Schooldays"). Dans l'ensemble, il n'y a pas de revirement spectaculaire ; la musique de Harry Miller brasse toujours autant d'influences diverses. Cependant, elle rend peut-être plus que de coutume hommage aux lointaines terres de Capetown qui l'ont vu naître. C'est ce qu'on peut clairement percevoir au travers des mélodies qui égrainent le parcours de "Ikaya", "Opportunities", "Molofo" ou tout simplement la plage titre. Des retrouvailles festives en quelque sorte, pleine de nostalgie et peut-être même un soupçon de regrets. Ce sera aussi hélas le dernier enregistrement du contrebassiste, Miller décédant la même année dans un tragique accident de voiture. Aujourd'hui, la seule manière de rédécouvrir l'oeuvre de ce musicien généreux est de mettre la main sur le box 3cds que son épouse a fait publier sur Ogun fin 1999. Note : 4/6 Page 13/107 BUTTHOLE SURFERS : Brown reason to live Chronique réalisée par dariev stands "There's a time to live and a time to die/I smoke Elvis Presley's toenails when I want to get high." C’est la toute première sortie des Butthole Surfers... A l’époque célèbres pour leurs shows pyrotechniques et bravant les limites de la décence en vigueur de leur texas natal, les surfeurs du troufignon (car c’est ainsi qu’il faut vraiment traduire leur patronyme…), n’avaient pas vraiment d’ambition à devenir un groupe de rock au sens traditionnel du terme. Terroriser les foules de l’Amérique profonde via des shows/happenings entre le cirque déjanté et l’arrosage de premiers rangs avec diverses substances (voire des tirs de balles à blanc…) leur suffisait amplement. Groupe nomade, errant entre San Antonio et New York (Gibby Haynes vivait dans une cabane à l’époque), ils ont du être surpris de voir qu’il existait quelque part un type assez fou pour les signer sur son label et leur permettre d’enregistrer dans un vrai studio (ce qui ne se reproduira plus avant un moment, il n’y a qu’à écouter la prod des albums suivants du groupe). Ce label, c’est Alternative Tentacles, et ce type, c’est Jello Biafra. Le gang de Paul Leary ayant une fâcheuse tendance à se brouiller avec tout ceux qu’ils croisent, les relations seront houleuses pendant quelques années avec le label de l’ex-Dead Kennedys, qu’ils seront l’un des rares groupes à quitter très rapidement, laissant en guise de cadeau ce truc à la pochette proprement insultante (c’était très certainement le but), reprenant l’occupation favorite du duo Leary/Haynes avant la formation du groupe : collectionner des photos d’interventions médicales choquantes ou de maladies rares trashos et les regrouper avec des remarques moqueuses dans un fanzine nommé Strange V.D.. Haynes se fera choper avec au boulot et virer, ce qui l’encouragera à rejoindre Leary en Californie du sud, qui lâche la fac à un semestre de sa fin de cursus pour fonder le groupe. Les deux, brillants étudiants et premiers de la classe, avaient pourtant une carrière de golden boy tout tracée devant eux. Premier message au monde des 4 bouseux chevelus : The Shah Sleeps in Lee Harvey’s Grave. On est dans l’ambiance Butthole jusqu’au cou. Un titre forcément emblématique car il permet d’imaginer le choc ressenti à l’époque par ceux qui l’ont découvert… (il n’y a qu’à écouter la fin du morceau et imaginer la tête du gars). Le groupe avait volontairement placé son morceau le plus agressif et hystérique en intro, avant d’enchaîner 4 tubes d’une bizarrerie totale : habillé d’un son 100% eighties, au côté clean et new wave contrastant avec la musique comme un fond blanc avec un étron (typique du Butthole 1ère période), Hey serait presque entraînant, tandis que Something est carrément jouissif, avec ses parties de guitares noisy à faire pâlir Sonic Youth… Barbecue Pope, derrière ses airs de grosse farce, est encore un tube de plus, habité mine de rien par la guitare super-efficace et mélodique de Leary, que Haynes semble se donner un mal fou à pourrir en poussant divers cris et beuglements. Enfin, y’a ce Wichita Cathedral psychobilly et irrésistible où mêmes les dindes rôties de thanksgiving dandinent du croupion… Où comment réaliser la synthèse résolument post-moderne (rions un peu) entre Chrome et les Forbans. La fin du disque n’est que cacophonie superfétatoire… Inutile de dire que dès ce premier jet (sans aucun calembours), les Butthole se mettaient à dos tous les puristes, que ce soit punk, rock, hardcore… Impossible pour eux de raccrocher le moindre wagon, du moins jusqu’au phénomène Nirvana qui rendra bankable et marketable (et jetable, pour les majors) jusqu’au pire des freaks. Pour la suite, on passe directement au premier album du groupe, je laisse le live PCPPEP de côté car il ne fait que reprendre les chansons de ce premier EP en live, hors elles ont déjà l’air d’être à moitié improvisées en studio, donc pas d'un intérêt fabuleux… Même chose pour les inédits de la réédition cd, moins drôles que le reste, la Farce étant le but avoué du groupe à cette époque, ne Page 14/107 l’oublions pas. De toutes façons, comme l’a fait remarquer Paul Leary a posteriori sur les années de défonce intense du groupe : "On n’avait aucune idée de ce qu’on faisait, mais on le faisait quand même.". Note : 5/6 Page 15/107 BUTTHOLE SURFERS : Psychic, powerless... another man's sac Chronique réalisée par dariev stands “Hey Butt, What the Fuck ?” Voilà typiquement le genre d’album considéré comme un classique par certains, orné d’une pochette tout bonnement faramineuse, mais qui ne fait aucun effet sur ma modeste personne… A l’époque, avec leurs deux batteurs faux jumeaux, Theresa Taylor et King Coffey, les Butthole Surfers avaient vraiment quelque chose du freak show d’avant-guerre… Un Gibby Haynes pas encore tout à fait sorti de l’adolescence en guise de monsieur loyal, accompagné par un Paul Leary aux coupes de cheveux révoltantes… Stylistiquement (j’adore employer ce genre de mot pour un groupe comme les Butthole Surfers, dont l’absence de style est notoire), Psychic, Powerless… est à Brown Reason to Live ce que Confusion is Sex était au premier Sonic Youth : une version plus bruitiste, sous-produite et chaotique, emballé dans une pochette bien DIY qui annonce le début des vraies hostilités. Qualitativement, le premier EP était 100 fois meilleur. L’album ne commence vraiment qu’avec Dum Du, un truc bonnard, pogotant tel foutre, tout à fait représentatif de la folie du groupe à leurs débuts. C’est idiot, mais ça donne envie de sauter sur place. Woly Boly malheureusement, ne sera pas une parodie de Wooly Booly (le classique garage de Sam the sham & the pharaos, aussi con que Surfin’ Bird) mais un morceau casse-noix de plus. Un genre dans lequel les butthole excellaient à ce stade de leur brinquebalante carrière, il faut bien l’avouer. Que ce soit l’entrée en matière Concubine (rien, mais alors rien à voir avec Converge), le faussement pop Negro Observer, ou encore le bourré comme un coing Lady Sniff (premier d’une longue série de chansons destinées à donner la gerbe au malheureux qui écoutera ça au casque), la liste des bidules sans intérêt (si ce n’est celui de nous faire rire… ou pas) est longue. Trop longue. Heureusement, il y a – non, pas Findus, tas d’larves – mais Cherub (encore que ça peut être une marque de surgelés américaine, faut s’attendre à tout), longue diarrhée psychédélique où des démons violacés armés de mégaphones descendent la tête en bas les parois de vos conduits auditifs en frôlant des grappes de cérumen. Oui je sais c’est dégueulasse, mais c’est tout ce que ça évoque, très sincèrement. Autre déception : Mexican Caravan n’est pas une reprise sous délirium tremens de Spanish Caravan des Doors ! C’est dommage, surtout que leurs reprises de Hurdy Gurdy Man et American Woman, quelques années plus tard, les montera très à l’aise dans ce genre d’exercice (le sabordage de standards 60’s). Et au beau milieu de ce foutoir trône fièrement la chanson-titre du groupe, celle par laquelle leur nom est arrivé, un soir où le patron du club, voulant les présenter, confond le titre du machin avec le nom du groupe (ils en changeaient à chaque représentation, du genre Ashtray Babyheads, Dick Clark Five, 9 Foot Worm Makes Own Food ou Vodka Family Winstons…). Au final un album, euh… comment dire : bidon. Ils auraient pu en faire un EP sans problème, d’autant qu’ils feront réellement mieux sur le format album peu après. Note : 2/6 Page 16/107 BUTTHOLE SURFERS : Cream corn from the socket of davis Chronique réalisée par dariev stands Quatre mois après avoir enregistré Psychic Powerless et le premier EP dans le "shittiest studio in the whole world", qui n’est autre que le studio BOSS, auquel il devront de l’argent, ce qui foutra en l’air leur deal avec Alternative Tentacles, le groupe remet ça avec un TROISIEME disque enregistré à crédit dans ce même studio… Un 2ème projet d’album en fait, finalement avorté, ce que le groupe explique par le choix draconien à faire entre payer le studio et s’acheter des drogues et de l’alcool. Ils n’ont pas choisi le studio. Ça s’appelait Rembrandt Pussy Horse, et le groupe n’avait encore rien sorti dans le commerce. En fait, Cream Corn regroupe deux nouvelles chansons enregistrées avec le nouveau 8-pistes du groupe en face A et deux rescapés des sessions de ce fameux Rembrandt Pussyhorse, (notez l’évolution sémantique) bébé avorté qui verra finalement le jour l’année suivante une fois qu’Alternative Tentacles eut retiré ses… tentacules du projet. Du coup, le groupe remplacera To Parter et Tornadoes par deux autres titres enregistrés à la hâte, histoire que Rembrandt reste à 100% un nouvel album. Vous avez suivi ? Pas grave, le seul truc à retenir est le suivant : cet EP dégage une insanité et une insalubrité joyeusement concentrée, ce qui le rend plus trippant que les albums. Un peu comme une bouteille de Monsieur Sale, où de WC pas net. Comment ça, vous ne suivez toujours pas ? Bon, c’est pas compliqué, ces 4 titres sont quasiment les meilleurs de la première période de la troupe (le line-up fluctuait trop pour parler de groupe). Tous des classiques de leurs concerts. Surtout Tornadoes et Two Part, que vous pouvez voir lors d’une hilarante émission de tv avec des Beastie Boys prépubères si vous farfouillez un peu le ToiTube. Cette dernière sonne presque comme une parodie du Noir Dez des débuts ! L’hémaurme Tornadoes, quant à lui, annonçait avec maestria les chevauchées noise rock d’Independant Worm Saloon, façon Dead Kennedys. Les deux nouveaux morceaux de la face A, eux, sont des "chansons à vomir" (à écouter après les chansons à boire) typiques, avec performance authentique de Gibby Haynes (on entend même les grumeaux tomber dans la cuvette, joli). Bref, à ajouter au palmarès des chansons "fingers in the mouth" du groupe, idéal pour se faire vomir après une soirée trop arrosée (Lady Sniff excellait déjà dans ce registre délicat et sensuel). Note : 4/6 Page 17/107 BUTTHOLE SURFERS : Rembrandt pussyhorse Chronique réalisée par dariev stands A l’origine un mini-album, devenu LP à part entière à force d’enregistrements à droite à gauche (deux ans de gestation, tout de même), heures de studio grappillées par ci par là par un groupe tout à fait fauché, notamment sur Creep in the cellar, où ils parviennent à obtenir du temps de studio à l’œil en laissant le proprio jouer du piano sur le titre (et de l’orgue sur Perry)… On y entend également un violon (c’était un studio de country, et le groupe a eu la flemme d’effacer les pistes du groupe précédent !) que le groupe découpera et détournera avec un sadisme torve, profitant ainsi du multipiste local pour développer un son nettement plus abouti que les disques précédents, même si le tout reste plus drogué que Brown reason to live. Résultat : après quelques aventures, le groupe fini par avoir "De quoi faire un album" (sic), ce qui en dit long sur l’hétérogénéité du machin. Un halo de drogues et de questions entoure ce disque, au titre typiquement Buttholien… Jeff Pinkus, le bassiste ex-black flag (de quoi faire remonter une crédibilité), prétend qu’il s’agit des premières chansons écrites par le groupe… Sauf qu’il ne joue même pas sur Pussyhorse ! Les autres confessent n’avoir strictement aucun souvenir des sessions… Ce qui fait fort dans cette période souvent vue comme dorée pour le groupe, c’est l’aspect totalement en roue libre de la carriole Butthole Surfers, à faire passer les pires flaques d’Alice Cooper (voir ses 2 premiers albums) pour des récitals de Maria Callas. C’est ici qu’ils commencent à "reprendre" des vieilles scies des années 70, dont la première victime sera le American Woman des Guess Who (meilleur morceau du disque), entendu depuis dans American Beauty et repris par Lenny Kravitz, laissant éclater le panache de Leary à la six-cordes… Il y a aussi le thème de Perry Mason, qui deviendra Perry après un petit tour par la case tex-mex et orgue foutraque. Black Sabbath et Donovan suivront sur les disques suivants, donnant un avant goût de ce qu’allait pouvoir être le grunge. Si le début de l’album se prête à une sorte de pop déglinguée mais encore comestible, malgré l’ambiance assez dérangeante de Creep in the cellar, on entre, dès Waiting for jimmy to kick, dans un train fantôme où même les quelques éléments familiers du groupe se sont fait la malle… Strangers die everyday propose un petit tour de manège à dada sur paranoïa, comme dirait Gérard Blanc. Whirling Hall of Knives entame une série de recherches sonores pour le groupe qui empile avec succès les couches d’effets de gratte sur 16 pistes (ne jamais sous estimer la technique et l’inventivité de Leary, seul bon musicien du groupe), ce qu’ils appliqueront à la voix grâce aux fameux "Gibbytronics" sur le quasiment flippant Mark says alright (dans un autre contexte, sans doute…), qui rejoint l’hystérie dadaïste des Residents. D’ailleurs Mark n’est autre que le Pitbull du groupe, qu’on peut voir sur leurs photos de presse... La remarquable version dub de Creep in the cellar vient parachever ce disque d’une bargerie totale, qui franchit un nouveau palier dans la déjante du groupe. Nos nerfs sont mis à rude épreuve, et bien que ce genre de projet faussement psyché et authentiquement slacker allait pulluler lors des 90’s, aucun ne parviendra autant à chatouiller les synapses de l’auditeur, la faute peut-être à ce son incroyablement 80’s (avril 86, on est au beau milieu du trou noir), où tout est noyé dans une reverb de supermarché, que personne n’aura l’idée de reprendre pour ce genre de zique, et peut-être pas à tort… Ceux qui avaient d’abord cru à une blague de courte durée commençaient ici à baliser… Butthole Surfers : Un nom qui allait rester dans les anals. Bien profond. Note : 4/6 Page 18/107 BUTTHOLE SURFERS : Locust abortion technician Chronique réalisée par dariev stands “Papa ?” – “Oui, fils” – “ça veut dire quoi, le regret ?” – ‘Eh bien fils, le truc marrant avec le regret c’est qu’il vaut mieux regretter quelque chose que t’as fait, que de regretter quelque chose que t’as pas fait. Au fait, si tu vois ta maman ce week-end, n’oublie pas de lui dire : SATAN !!!! SATAN !!!! SATAN !!!!!!’ TADA !! TADADAMMM !!! TADA !!! TADADAM !!!. Bon, y’a pas à tortiller du butthole pour caguer straight, c’est la meilleure intro d’album de tous les temps ou pas ? Après le viol en règle de la Femme Américaine des Devine Qui (les Guess Who, andouille), c’est au tour du Sweet Loaf de Black Sabbath se faire pécho doggystyle, en mode "j’t’y colle une intro au clavier façon série tv, une voix Zappaïenne à s’y méprendre et un dialogue façon Alain Chabat dans ‘papa c’est quoi cette bouteille de lait’ et c’est bon". Rajoutez y le riff principal répété en boucle et des interludes à la con, et vous y êtes. Enorme. Destroy. Ultime. Poutrallisime. Après ça, l’album pourrait être pourri, on s’en fout, on a eu notre tranche de rigolade sur galette (de vomi). Et d’ailleurs, ça ne rate pas, c’est n’importe quoi jusqu’à l’avant dernier titre. Ah si, y’a Human Canno107all, un bon gros sprint typique des Surfers, dans la lignée de Tornadoes où de Who was in my room last night. Le reste de la face A ne commence à avoir de la gueule que joué en 45 tours, mais du coup la voix de souris gâche tout, les cons. Quoique, même les titre purement dédiés à la torture de l’auditeur comme Hay en deviennent sympa à force d’écoutes répétées. Preuve qu’on peut s’habituer à tout, même à la lie de la lie… La face B, en quelque sorte, ne commence qu’à partir de Graveyard (sorte de version moins sous lexomil du titre de la face A, enfin je crois), premier truc à ressembler à peu près à une chanson de rock (mais c’est comme Didier Bourdon, il ressemble à Alain de loin). USSA est une giclure de rage et de pus jetée à la face de Reagan, The O-Men est une sale blague au son de guitare qui persiste dans le noise régressif et jouissif, Kuntz n’est autre qu’un traditionnel thaïlandais dédié à accompagner la chasse, à peine remixé par le groupe… (c’est à se demander comment ils pouvaient se permettre tous ces "emprunts", pas toujours flatteurs pour les originaux). On peut comprendre le son globalement infâme et craquelé de partout de cet album : le groupe était passé de 16 à 8 pistes depuis le précédent LP, dans un studio muni d’un seul micro et de matériel vétuste, quoique l’album fut comme d’accoutumée enregistré un peu à droite et à gauche. Seule entorse à ce son graveleux, le solo pur comme du cristal qui intervient sans raison aucune sur 22 going on 23, morceau final où une vieille mélasse noise se répand dans vos enceintes tandis qu’on écoute la voix d’une fille qui raconte à la radio le trauma de son agression sexuelle (une légendaire mythomane, parait-il)… Avant que Leary empoigne la 6 cordes donc, et prenne l’omnibus galactique vers l’infini et l’au-delà, façon Durutti Column. C’est BEAU. On pourrait gloser des heures sur ce solo dantesque, instant de beauté pure arrachés à la fange en récompense à tout ceux qui ont eu les nerfs de tenir jusque là. La tête dans les étoiles, le reste du corps immergé dans la fosse sceptique, quelle belle image, n’est ce pas... Du coup non content d’avoir l’intro, on aussi l’une des meilleures outros d’album de tout les temps, pour le même prix, même si ce qui s’est passé entre est glorieusement vermoulu… Du pain béni pour les très jeunes Mr Bungle, qui attraperont un peu de la contagieuse folie exhibée ici, pochette recto verso comme musique. Note : 5/6 Page 19/107 BUTTHOLE SURFERS : Hairway to steven Chronique réalisée par dariev stands Les Butthole Surfers se foutaient de la gueule du monde. Et le monde le lui rendait si bien. Indifférence totale… Du moins jusqu’à ce qu’un certain Cobain ne débarque, lui qui cite "Locust Abortion Technician" parmis ses 50 albums préférés de tout les temps (c’est dire si il était suicidaire, déjà dans ses goûts musicaux), et qui ouvrira la boîte de pandore : des dizaines de groupes à freaks signés sur des majors dans un grand élan d’irréalisme commercial… Et j’ai pas dit "d’idéalisme". Les Butthole avait-ils vu venir le virage, eux qui avaient – comme pour profiter du temps qui leur restait – considérablement corsé leur propos avec l’album précédent, et qui lâcheront un dernier étron irresponsable avec le bien nommé Pioughd ? Entre les deux : ce Hairway To Steven… Pas besoin de relever le jeu de mots. Il fera la légende de l’objet, avec l’artwork. Pour le reste ? Reportez-vous à la première phrase. Cet album est le premier à témoigner de l’obsession de Leary pour les cavalcades acoustiques à la Led Zep III, ce qui explique la forte présence de grattes sèches, permettant à Haynes de se rapprocher un peu plus ce qu’on pourra bientôt appeler du chant, et aux maigres mélodies de mieux s’exprimer. Pinkus expliquera que Hairway était le premier album consistant de vraies chansons, répétées depuis des années, et non de grosses blagues improvisées en studio. Ce qui ne veut pas dire que cet album est plus accessible que ses prédécesseurs. Juste qu’il fait moins mal à la tête. Il ne s’agit pas de l’album "acoustique" du groupe ; simplement, les diarrhées d’effets crunchy tout comme les fluctuations noise en roue libre y copulent avec les délicats arpèges country de Leary. Comme pour le précédent, les titres ne sont écrits que sur le macaron du vynile (comme c’est pratique), sauf que là ce ne sont pas des titres mais des dessins scatos tout pourris ! Sinon, c’était pas drôle. Gibby Haynes : "Je me demande pourquoi on avait fait ça. Mais on pouvait toujours compter les bandes sur le vynile". Du coup, je me prends au jeu et ne vous donnerai pas les titres communément utilisés par les fans depuis la parution du Double Live… La première piste,Jimi (faut avouer que c’est plus pratique), souvent considérée comme l’un de leurs meilleurs morceaux, est probablement le truc le plus inepte et casse-burnes jamais pondu par un être humain. Ah, les samples cache-misère… un gimmick bien connu des années 90 ici annoncé avec quelques années d’avance : chèvre, bowling, rires, voire faux applaudissements sur John E. Smoke… Tout y passe. On peut également un peu déplorer que le son de batterie soit encore et toujours aussi cheap et années 80. Alors certes, la prod est meilleure qu’avant, et un titre psyché comme Backass dévoile de nouveaux aspects de la musique du groupe, qui pour la première fois, réfléchit avant d’enregistrer, sans privilégier la déconne avant tout. Mais le groove brille par son absence. Fort heureusement, la 5ème piste (Rocky sur le Double Live), dont le dessin représente une seringue, est un tube immédiat, qui donne envie de chanter Day Tripper par-dessus, ce qui est en soi un gage de qualité. Premier morceau sortable du groupe, malgré un chant toujours aussi hirsute… Le reste est juste lourd. Bref, un album foncièrement GAY (pour le cirque on repassera, et pour l’efficacité c’est pas encore ça du tout), le cul entre deux périodes antagonistes, à vite ranger dans l’étagère avec un post-it "lui laisser sa chance un jour de défonce léthargique". Note : 3/6 Page 20/107 CREATE : In the Blink of an Eye Chronique réalisée par Phaedream Après le bouillonnant et spectral Lost On An Island Of Adventure, Create continue son exploration des rythmes, parfois sobres ou complexes, qui respirent dans des nébulosités astrales. Masterisé par Ron Boots, In The Blink Of An Eye est divisé en 2 portions; l’une en direct et l’autre en studio. Une approche intéressante nous permettant de saisir les évolutions structurelles des compositions de Stephen Humphries. Commençons par les titres en direct. L’ouverture de No Inhibitions se présente avec des ondes torsadées qui ondulent sur des réverbérations circulaires. Un synthé lyrique, aux souffles flûtés, circule dans cette masse sonore statique, ajoutant une mélodie contrastante dans une marée d’effets sonores caustiques qui crachent des poussières industrialisées. Vers la 4ième minute une lourde séquence émerge de cette fixation sonore, allumant un rythme aux sinuosités constantes qui fraye avec lourdeur sur des strates veloutées, couvant le mouvement de sérénades apocalyptiques. Dès lors, un superbe défilé d’harmonies synthétisées survolent cette structure rythmique sautillante avant de recroiser le mouvement atmosphérique initial en mi-parcours, avant de reprendre un rythme plus mordant sur des synthés plus acuités. Collisions présente une structure séquentielle plus furtive, mais assez lourde, dont la mesure croît sur un synthé aux multiples couches, tant sédentaires que volages, où des vocalises androgynes flirtent avec de brèves intercales harmonieuses. L’intro d’In the Blink of an Eye, la pièce titre, sort tout droit des girons de No Inhibitions. Le rythme s’installe plus rapidement sur un séquenceur circulaire qui ondule parmi de brefs éclats d’un clavier intempestif. Le rythme est lourd, nappé d’un synthé aux ondes flottantes et aux strates valsantes qui enveloppent une structure plus agressive, nourrie de solides solos qui se perdent dans les multi couches d’un synthé aux couleurs agressives en conformité avec les permutations séquentielles. Un bon titre aux directions rythmiques inattendues, marqué par la sonorité synthésiste unique à Create. Plus tranquille et porté à la rêvasserie, A Glimmer of Hope flotte sur des accords carillonnés, ourlé d’un synthé lovant. De fines percussions allument un rythme qui crescende à bout de souffle, d’un rythme statique nourri d’un synthé caustique aux boucles infernales qui stagnent dans une mer très électronique. Rise to the Occasion débute dans un cosmos à chorale mellotronnée. De fines percussions roulantes insufflent un rythme léger qui forme un étrange tchatcha, digne des bons mouvements de Klaus Schulze. In the Blink of an Eye poursuit la tradition sonore de Create. Un album aux rythmes aléatoires qui surprennent tant par leurs permutations que leurs lentes évolutions lascives, notamment sur Rise to the Occasion. Un bel album qui plaira assurément aux amateurs de Create, d’Air Sculpture et de Klaus Schulze, ce qui est tout à fait nouveau chez Stephen Humphries. Note : 4/6 Page 21/107 PROIEKT HAT : Make Sense Chronique réalisée par Wotzenknecht Faire sens. Voilà un axiome qui retombe comme un pavé dans la mare à l'heure où faire le bilan de la scène industrielle revient à vouloir reconstituer l'accident du vol Rio-Paris. Des ruines fumantes de Throbbing Gristle, les japonais auront récupéré l'aspect punk, les finlandais se seront ré-appropriés le terrorisme social, le vieux continent l'aspect culturel et/ou technoïde et les américains la provocation imbécile. Mais l'erreur de Genesis P-Orridge, un brin présomptueux, est de croire que cet échec relatif décrédibilise tout son travail et ses motivations initiales. Une oeuvre appartient au monde dès lors qu'elle est créée et toute interprétation, bonne ou mauvaise, fait avancer la création : sinon, à quoi bon écouter du métal depuis Black Sabbath ? Du rock depuis les Beatles ? Bref, sortir à l'heure actuelle un artefact purement 'industriel' dans le sens original du terme lancé par Monte Cazazza peut paraître autant désuet que rafraîchissant. Dans un gros écrin en vinyle se cache donc une des sorties les plus ciblées de ce projet suédois pro-sioniste dont le logo est, rappelons-le, une étoile de David sertie de deux wolfsangels... Chaque titre est accompagné d'un petit paragraphe sur la capacité qu'a chacun de pouvoir juger et saisir le monde dans toute sa largeur, à l'opposé d'un texte prosélyte ou imprécateur. Il s'éloigne donc d'un esprit rentre-dedans d'un Con-Dom ou The Grey Wolves pour jouer au Zarathoustra nietzschéen : je ne donne rien d'autre que des clefs qui elles-même doivent être soumises à une réflexion avant de se les réapproprier. Et musicalement me direz-vous ? Même constat : on entendra dans le son ce que nous sommes prêts à entendre. L'aplatissement du monde par le néant ? La purification par la pollution ? La victoire des machines ou leurs cris d'agonie ? Un simple signal d'alarme, soulevé par les implacables mécanismes qui nous piétinent sans interruption sur 'On a Solemn Note' et 'Peace without a Soul' ? Faire sens, c'est aussi savoir se positionner aujourd'hui et maintenant. Proiekt Hat n'impose rien, il dispose : charge à nous d'en faire quelque chose. Note : 4/6 Page 22/107 THE ASSOCIATES : The affectionate punch Chronique réalisée par dariev stands Il est des disques que vous avez beau écouter et réécouter, ils vous incitent toujours à y revenir, comme si vous étiez à chaque fois sur le point de les déshabiller de leur dernier voile de mystère… Des disques que vous ne pouvez vous empêcher de tenter d’élucider, encore et encore, et qui se dérobent à chaque fois sous vos oreilles, signe d’une réussite de l’artiste difficile à contester. Ce premier album des Associates est de ceux-là… Un groupe oublié s’il en est, qui s’était taillé une place dans le monde du rock anglais à coup d’audace et de culot : signé sur Fiction, fameux label pour avoir hébergé Cure, sur la foi d’une reprise de Bowie sans autorisation (ce qui, avec Bowie, peut mener loin…), le groupe menaçait ensuite de plaquer sa tournée en première partie de Cure si Fiction ne lui proposait pas un studio pour enregistrer son album ! Grand bien leur en a pris : The affectionate punch est un chef d’œuvre. Prod exceptionnelle de Chris Parry, moins datée que sur les albums des Cure, chant inoubliable, parfois décharné, parfois soulful, toujours sur un fil étrange entre grandiloquence et absence maladive d’émotion, rythmique insaisissable changeant de tout au tout à chaque morceau, et pour finir guitares hyper travaillées, très présentes et agressives… Les ingrédients sont là, magnifiés par la personnalité de Billy MacKenzie, un jeune homme qu’on qualifiera, faute d’un mot existant dans le dictionnaire pour définir son humeur très spéciale, de perturbé. Que trouve-t-on ici ? Désolation, passion, hallucinations, rancœur tenace et mélancolie putride comme seules les 80’s peuvent en secréter. La chanson titre et A Matter of Gender (où McKenzie l’acteur se rêve en amant brûlant à la voix glacée) entament chaque face sur des sursauts de tempéraments d’un romantisme effréné, dansants et catchy sans en négliger les textes, qui cultivent sur tout le disque un mystère épais. On pense au songwriting de Jarvis Cocker (Pulp), à son excès de théâtralité, voire à du cabaret sur Even dogs in the wild, qui aborde l’air de ne pas y toucher un thème sordide et mal défini. Le chant est sanguin, extrêmement singulier, et porté par des textes, encore une fois, époustouflants. L’opacité est ici maniée comme une arme de précision, bien plus que chez Bowie, qui se fait ici doubler dans la dernière ligne droite avant liquidation synthétique (Let’s Dance). De quoi parle-t-il sur la ballade saturnienne Logan Time, au parfum latent de morphine ? "Now my voice deep with age, talks in tongues of younger days". Et Transport to Central, où l’on sent encore une fois que la mélodie tranquille n’est qu’un leurre, couvrant mal ces guitares lacérant l’espace et ces bruits indus en fond (la fin de la face A est quasiment une torture), sans parler de ce pont où l’atmosphère change pour quelques secondes à peine, la voix devenant soudain éteinte. On dirait un pitch de scénario SF, mais rien n’est sûr. On croit bien deviner le malaise d’un futur père sur le troublant Paper House, aux guitares sans pitié, mais que dire des métaphores hirsutes de "A", où McKenzie chante tout l’alphabet tel un possédé ? Une chose est sûre, il est "deeply concerned" par ce qu’il raconte, et nous aussi, par la même occasion. Cette manière de tourner autour du sujet sans jamais l’évoquer peut faire penser aux Talking Heads à première vue, mais tout le côté maladroit, surjoué, et parfois drôle de Byrne a disparu. L’enchaînement des 2 premiers titres fait montre d’une maîtrise parfaite, Amused as Always étant la claque ultime, la seringue qui se casse dans le bras, le tocsin de minuit… Le travail de production est titanesque : le refrain prend un contrepied surnaturel au couplets, et le solo fait décoller la chanson en plein cœur d’un nuage chargé de pluie et d’électricité (cette rythmique doublée à la voix, ugh, c’est écoeurant de brillance). S’il fallait trouver des références, on penserait à Marc Almond, où au Robert Smith de Boys Don’t Cry, qui fait d’ailleurs ici une apparition aux chœurs, comme pour attester qu’à l’époque, la distance entre les Page 23/107 deux groupes n’étaient pas si grande. Un disque qui me laisse perplexe, et c’est la mort dans l’âme que je lui mets 5/6, avec la conviction de n’avoir rien compris du tout mais d’avoir aperçu le Mensonge des mensonges, ou bien la grande Vérité, je ne sais plus très bien, un soir de pleine lune entre les contradictions qui flottent à la surface des choses… "If I threw myself from the ninth storey, would I levitate back to three, well would I ?" Note : 5/6 Page 24/107 EMMENS (Gert) : Nearest Faraway Place Vol. 2 Chronique réalisée par Phaedream Voici le 2ième volet de cette trilogie à compléter, qui a pris forme lors du festival E-Day organisé par Kees Aerts et Ron Boots du label de Groove. Fidèle à ce que Gert Emmens produit depuis des années, ce 11ième opus du synthésiste Hollandais, est rempli de séquences aux rythmes variés, de synthés aux solos ingénieux et aux mélodies accrochantes ainsi que des mellotrons aux arrangements émouvants. Un album où la Berlin School oscille entre la vieille et la nouvelle génération. Divisé en 7 parties, tout comme le Volume I, la partie 8 démarre assez rapidement. Après une courte intro cosmique, une séquence qui sautille avec force donne un tempo constant, enveloppé d’un mellotron qui étale sa douceur sur une cadence très entraînante. Des notes carillonnées filtrent une douce harmonie rêveuse, pavant une nouvelle direction cadencée. Un rythme bifurquant sous un fin synthé aux harmonies lyriques et un mellotron aux chœurs sobres qui coulent dans une ambiance syncrétique. Doucement nous traversons vers la 9ième partie où une guitare cosmique offre ses accords dans une nébulosité enchanteresse avec des voix Espagnoles aux incantations répétitives. Progressivement nous sommes submergés par une séquence agressive qui moule un rythme lourd et hypnotique, appuyé d’un clavier qui se love au tempo. Un tempo lourd, cerné d’une chorale mellotronnée, qui éclate avec des percussions électroniques entouré de bons solos sinueux. Une intro flottante ouvre la partie 10. De lourdes vapeurs cosmiques échappent une séquence nerveuse donc le mouvement en staccato donne une impression échotique qui s’atténue graduellement, offrant une structure rythmique hypnotique noyée dans une ambiance cosmique aux fins mouvements synthétisés. Mais Gert Emmens ne cogite pas trop longtemps dans les sphères minimalismes. Vers la 7ième minute, le mouvement prend une tangente animée d’un rythme plus hachuré et ornée d’une suave chorale mellotronnée. La finale est d’une douceur insoupçonnée, nous guidant vers la délicieuse rumba qu’est la 11ième partie. Une rumba cosmique avec des notes carillonnées qui flirtent avec un fin synthé harmonieux. La 12ième partie nous replonge dans un concept électro cosmique. Intro nébuleuse qui engendre une séquence qui chemine dans une ambiance lourde et musicale. Encore une fois, Gert Emmens multiplie les rythmes séquentiels autour d’un mellotron enveloppant, créant une atmosphère instable sous des harmonies romanesques. La partie 13 offre une intro tapageuse et bigarrée qui fait place à une séquence à la Phaedra, nappée d’un mellotron aux souffles spectraux. Minimalisme, la séquence accélère la cadence, répercutant un genre de percussion échotique qui bouscule un univers sobrement harmonieux où une voix française improvise des paroles sur un rythme plus lourd, plus mellotronné. Un beau titre empreint d’une nostalgie sentimentale, d’un sentiment d’amour perdu. La 14ième partie débute avec un éclat tintamarresque avant de s’assoir sur de lourdes réverbérations circulaires qui flottent avec échos dans un néant sonore. Doucement, une séquence papillote comme les ailes d’une libellule métallique, avant d’épouser le style Emmens qui restructure le mouvement avec des directions cadencées variées sous de grosses vapes synthétisées, créant un univers tantôt peu invitant, tantôt plus harmonieux. Et ainsi se compose l’univers musical de Gert Emmens. Encore une fois le synthésiste Hollandais étonne, même si nous sommes habitués à son style, avec une approche imaginaire que l’on peut vivre comme une Page 25/107 nébulosité fait toujours place à la beauté iridescente. Une autre œuvre majeure dans l’art moderne de la MÉ. Note : 5/6 Page 26/107 M.J. HARRIS / MARTYN BATES : Murder Ballads (The Complete Collection) Chronique réalisée par Wotzenknecht Amis neurasthéniques, bonsoir. Tout le monde sait à peu près en quoi consiste une 'murder ballad' : une comptine macabre et universelle dont les protagonistes finissent inéluctablement dans un bain de sang, au pied d'une falaise ou au bout d'une corde. Si Nick Cave les a déjà brillamment remis à jour avec son album homonyme, lui même n'aurait songé à pousser l'aspect anxiogène et funèbre de ces histoires aussi loin. En entendant ce que Mick Harris offre comme tapis roulant, on pense tout de suite à Lull, son projet d'ambient isolationniste à forte teneur en claustrophobie. Contrairement à son travail sous son premier projet solo Scorn, Mick ne laisse ici aucune place au rythme et pas une seule mélodie ne vient poindre le bout de son nez ; il tisse sa trame avec un nuancier de teintes qui vont et viennent dans des niveaux d'abstraction dont il a le secret. Et Martyn Bates de chantonner les histoires par dessus de sa voix éthérée et androgyne, parfois comme en transe, parfois aidé par quelques overdubs ou échos, parfois pas du tout – et c'est là que l'effet est le pire : sur certains titres, la présence de Martyn semble presque palpable, comme s'il nous sussurrait ses atrocités à l'oreille pour tenter de nous endormir. On est tiraillés entre l'idée de se plonger dans le vide et celle de suivre le dénouement des douze saynètes, heureusement présentes dans le livret pour ceux qui auraient du mal à venir à bout des trois heures ; on craint de s'endormir dans les bras de ces deux vampires qui anesthésient peu à peu notre corps avec leurs vapeurs délétères qui contrairement au monoxyde de carbone ont une fragrance toute raffinée pour mieux nous piéger dans leur sein. Trois disques, trois plantes carnivores qui se referment imperceptiblement mais inexorablement sur nous tandis que l'on repose tendrement sur leur duvet soyeux et chloroformant. Note : 4/6 Page 27/107 LAVA : Demo Chronique réalisée par saïmone Pour un groupe qui s’appelle Lava on ne peut pas dire que ce soit du propre. Par contre tu peux être sûr que ça va te laver les oreilles : le son est DIY as fuck, d’ailleurs on n’entend pas la moindre basse, et la voix est surmixée. Ca c’est cool, parce que la voix, mon salaud, mon coquin, mon loulou, c’est de la vraie balle de bombe… au granulé à clou. Ecorchée à un degré étourdissant, râpeuse comme ta joue qui frotte sur du Placo, qui vient des guts et remonte jusqu’à la throat tout juste cutée. He didn’t bleed. Parce que c’est le premier élément qui poignarde ta poitrine ; et qu’ensuite tu feras attention aux riffs abominables, secouée de secousse noise le temps de quelques harmoniques neo-metal et de solo étouffée au fond de la salle tel un rebus de metalleux qui subsiste en toi – yo Pepper ! Pour qui connait les gaziers, les références font pas dans le doute, les grands anciens sont convoqués – je parle pas de ta merde heroic-fantasy abruti, je parle des vieux – EHG, Iron Monkey, Negative Reaction, Grief (hahaha). Dire que ces même gaziers sont de Paname a de quoi surprendre, tellement l’odeur se rapproche plus de la bouse Vendéenne que du bitume de la Métropole ; encore qu’on oublie les gaz d’échappements et les vieux kebabs malsains. Bon, si t’avais pas capté, Lava c’est du sludge qui poutre old school, celui qui est bon, avec les grosses accélérations soudaines digne du pire des fils de putes ("My god is…"), le gros feeling punk et groovy, les riffs qui t’évitent pas, tout ça porté par un chanteur tout bonnement incroyable – et j’dis pas ça parce qu’il a dormi chez moi, le bougre : il a vraiment une voix pas possible, assez malsaine et haineuse, comme quand on coupe le bras d’un gars avec une scie et qu’on en fait un joli moignon. En fait Lava c’est ça, le pire du pire : de la musique de bad boys jouée par des gars bien comme il faut ; le plus malsain, le plus dérangeant, quand la bienséance refoule le plus crade depuis l’enfance et que toute cette merde te sors d’un coup par jet saccadé. Excellent. Dommage pour le son… Note : 4/6 Page 28/107 VOLAPÜK : Le Feu du Tigre Chronique réalisée par Hellman Volapük, voilà un nom bien singulier pour un projet qui l'est tout autant. Un projet musical donc mené par Guigou Chenevier dont on n'avait plus eu de nouvelles depuis l'aventure excentrique des Etron Fou Leloublan. En dépit des apparences, cette nouvelle entité a bel et bien un sens, à commencer par celui qu'impose son nom, qui est aussi et avant tout celui d'une langue artificielle créée par un prêtre allemand à la fin du dix-neuvième siècle. Il y eut bien un groupe du nom de Esperanto dans les années soixante-dix, alors pourquoi pas Volapük qui, précisément, signifie "langue universelle" ? Belle philosophie de départ qui se traduit dans les faits par la création d'une musique sans nul autre pareil, instantanément identifiable, immédiatement personnelle. Ce trio original n'a pas choisi la facilité en orchestrant son discours autour d'une combinaison inédite : Chenevier à la batterie et aux percussions, Michel Mandel aux instruments à vents (clarinette basse, mais aussi saxophone bien que non crédité) et enfin Guillaume Saurel au violoncelle. Volapük jette donc son dévolu sur l'option acoustique, érigeant une esthétique musique de chambre commune à Fukkaduk, Miriodor ou Univers Zero, formations réunies sous la bannière du rock en opposition. Comme souvent, cette combinaison est propice à l'adaptation de musique inspirées du folklore de l'est européen, avec un soupçon de jazz mais aussi ce côté foncièrement iconoclaste qui donne à cette mise en oeuvre tout son piment. "We Can", "Des objets de la plus grande importance", "Aimables Innomables", "Catafalque" ou "El Sombrero" font partie des tous grands moments du disque où Volapük se réapproprie une manière de créer la musique où l'intensité de jeu et l'intelligence des arrangements prévalent sur tout le reste. "Le Feu du Tigre" marque des points grâce à sa candeur et son originalité. Note : 4/6 Page 29/107 VOLAPÜK : Slang ! Chronique réalisée par Hellman À sa manière, l'illustration de pochette de ce "Slang !" nous confirme ce que nous savions déjà ou, du moins, pensions deviner : que pour son second disque, Volapük ne va pas changer son fusil d'épaule, mais bien continuer sur sa lancée l'exploration des possibilités offertes par une géométrie aux contours si typés. Les premières plages de ce nouvel effort semblent en tout cas indiquer que le groupe ne ménage pas ses efforts et que, plus que jamais, il est tenté de mettre à l'épreuve leur mécanique interne à travers des titres prétextes à toute sorte d'expérimentations. Pure recherche en matière sonore ("La flêche qui vole est immobile" et ses cymbales crissantes, "Na Zdrowie" et son cuir malemené) ou fascination maladive pour les temps composés ("Three Curiously Insubstantial Duets #3" et sa séquence morse en 5-9-4-6 ou encore "Les Enfants de la Guerre", témoin de cette approche rock in opposition reconnaissable entre mille) prennent le pas sur une écriture qui, dès le départ, ne faisait de toute manière aucune concession à la moindre facilité (l'amusante et faussement à côté de la plaque "Chanson du Vô"). "Citron 21", "Une Femme aux Balkans" ou "Dunaj" montrent que l'inspiration des musiques de l'est est toujours tangible ; quelques menus effets électroniques prodigués au gré des titres (sur "Taragot" notamment, presque mécanique) apportent un léger contraste dont il reste encore à déterminer l'intérêt réel. En conclusion, il est bien difficile de départager "Slang !" de son prédécesseur, tous les deux témoins d'une démarche identique, à ceci prêt que la grosse majorité des titres de "Slang !" ont été à la base composés pour un spectacle de la chorégraphe Maguy Marin. C'est dans ce détail, anodin en soi, qu'il faut sans doute aller chercher la raison de l'extrême densité des titres présentés sur ce second essai, tout aussi réussi que "La Faim du Tigre" mais plus demandant. "Slang !" fait donc la différence dans sa complexité. Note : 4/6 Page 30/107 VOLAPÜK : Pukapök Chronique réalisée par Hellman Paru sur un obscur label polonais dans un superbe digipack blanc et argent, ce live inédit, à ce jour le seul témoignage en concert donné par Volapük, se révèle être d'un intérêt considérable. Tout d'abord, il permet de nous familiariser davantage avec l'univers singulier mis en place par le groupe de Guigou Chenevier depuis deux albums déjà dans un contexte moins lisse, promesse d'une nervosité propre à toute prestation publique. Preuve en est l'interprétation tendue de "<<2. 3. 4.>>" qui prend ici d'incroyables proportions, multipliant les chausse-trappes, chose qui, à la base, est une des caractéristiques principales de cette musique pour le moins exigeante. C'est bien simple : le public en reste sans voix ! Tension sourdes, textures travaillées, matières en suspens, combinaisons multiples de rythmiques impaires bien appuyées, juxtapositions improbables d'effets divers, envolées lyriques de l'indispensable Michel Mandel, airs d'inspirations slaves ou d'Extrême-Orient, ce titre résume à lui tout seul toute la philosophie du groupe et la complexité de leur démarche. "Pukapök" fait donc la lumière sur certains des titres les plus emblématiques de "La Faim du Tigre" et "Slang !", respectivement représentés par trois et quatre morceaux, laissant transparaître de manière plus évidente encore la frivolité du premier ("Chandelle Verte", "La Faim du Tigre" et "Bach is Back" en ouverture) et la gravité du second (le terrible "Dunaj", les errances maladives de "Machine à Coudre" ou encore un "Taragot" qui s'émancipe de sa plastique figée). Plus encore, ce nouveau disque nous propose deux titres encore inédits, "L'oeuf d'Apük" et "La Valse Chinoise", à paraître sur "Polyglöt", petits présents symboliques mais peu convainquants. "Pukapök", parution tout à fait recommandable de par son authenticité, n'a finalement qu'un seul défaut : sa rareté. Note : 4/6 Page 31/107 VOLAPÜK : Polyglöt Chronique réalisée par Hellman Le trio devient quartette. C'est sans doute le principal enseignement à tirer de cette nouvelle publication Cuneiform. La violoniste et chanteuse Takumi Fukushima, ancienne After Dinner, élargit donc le groupe et l'enrichit d'une voix supplémentaire qui se fond sans problèmes dans les textures déjà finement ciselées par Volapük. Ce changement sur la durée ("Where is Tamashii ?" en 2003 l'appuiera et le confirmera au-delà de toute attente) ne se fait pourtant pas remarquer tout de suite ; les interventions du violon en contrepoint du violoncelle pendant son solo sur "Vieux Futur" nous mettent certes la puce à l'oreille, mais c'est véritablement sur le référentiel "Nusrat" qu'apparaît cette nouveauté, grâce au chant pour l'instant encore très discret de Takumi. Référentiel, voilà d'ailleurs un adjectif qui sied particulièrement bien à ce "Polyglöt". Sur ce nouveau disque, Volapük se disperse tout en restant extrêmement concentré et visite les folklores étrangers avec une rare aisance ; le déjà cité "Nusrat", les éloquents "Sanza" et "Marimba" aux couleurs africaines, ou encore "Technovo" et sa mélodie d'inspiration asiatique sont autant d'éléments à apporter au dossier. Pour autant, le changement induit par la présence d'un quatrième musicien ne révolutionne pas de manière drastique la mécanique interne du groupe. Tout au plus, Guillaume Saurel reconsidère par instants son approche de l'instrument, tantôt en s'évertuant à prendre en charge les notes fondamentales assurées par une hypothétique basse, tantôt en s'abandonnant plus volontiers aux dissonances et autres textures sonores qu'il affectionne tout particulièrement. Parfois même il troque son violoncelle pour la flûte. En résumé, "Polyglöt" est un album dense et riche qui, s'il montre toute la vitalité et la curiosité dont a toujours su faire preuve Volapük, se donne avant tout pour moyen la pratique d'une musique qui aspire à plus de subtilité et de nuances. Note : 4/6 Page 32/107 VOLAPÜK : Where is Tamashii ? Chronique réalisée par Hellman Lentement mais sûrement, la musique de Volapük s'est laissée glisser sur les traces d'une musique de chambre qui transgresse les barrières sans avoir l'air d'y toucher. Les arrangements précieux de "Polyglöt" donnait à ce disque des airs de changement en douceur dans la continuité, se traduisant par une approche peut-être plus mesurée mais aussi, c'est ce que nous aurons finalement retenu, plus timorée qu'autrefois. Avec la publication quasi confidentielle de "Where is Tamashii ?" à l'automne 2003, "Polyglöt" apparaît désormais plus que jamais comme un disque de transition. Fukushima, jusqu'ici simple invitée, prend désormais fait et cause au sein de Volapük, co-signant tous les titres et s'affirmant sur la plupart d'entre eux. La plage titulaire est à ce titre un bel exemple de cette transgression vers un ailleurs qui se remodèle à chaque nouvelle livraison ; on pourrait presque mettre ce titre en parallèle avec l'esthétique post rock déployée par les américains Rachel's, si ce n'est que celui-ci se pare du chant de la belle japonaise et qu'à chaque série de couplets viennent se greffer des ponts à chaque fois différents, visitant toute une série de styles musicaux dissemblables. Volapük style. "Sasayaki" enfonce le clou dans une approche plus radicalement pop et un chant complètement flippé. Plus étonnant encore, "Chantage", "Mission" et "Nouvelle Vague" introduisent l'apparition d'une basse électrique ! Et si ce n'en est pas une (après tout, elle n'est pas créditée), l'effet désiré reste sensiblement le même ... Dans l'ensemble, la majorité des titres de ce "Where's Tamashii ?" se déploient sur des temps d'expositions plus longs avec, toujours, en ligne de mire, cette volonté farouche de faire éclore le beau de rencontres en apparence saugrenues. Tout en étant forts proches dans leurs intentions, chaque album de Volapük est une aventure à part entière qui vaut le détour. Leur dernier disque en date ne déroge pas à la règle. Note : 4/6 Page 33/107 ASH RA TEMPEL : Schwingungen Chronique réalisée par Phaedream Ouf!!! On parle énormément de Krautrock, de Koshmik Musik et de MÉ ces temps-ci sur GOD (pas toujours dans le respect des opinions des autres) que j’ai décidé d’y mettre mon grain de sel….en tentant une chronique (bien humble, va sans dire) sur le 2ième album d’Ash Ra Temple; Schwingungen. À vrai dire, j’ai jeté (et perdu) une oreille aux Cosmic Jokers…..indénommable à mes oreilles. Donc pourquoi pas ce 2ième opus du délire ‘’Gottschingnien’’ qui n’est pas piqué des vers? Et ce, dans tous les sens du terme. Voici une chronique d’un Nord Américain sur une musique qui déferlera dans un style plus accessible en le rock progressif, que nous découvrirons par la musique de la Côte Ouest Américaine et, plus tard, par Yes, Genesis et surtout Pink Floyd. Et c’est ce que je retiens le plus de Schwingungen. Klaus Schulze partie, Manuel Göttsching ré oriente la musique d’Ash Ra Temple dans des couloirs plus hallucinatoires avec une musique explosive où la folie ‘’vocabulatoire’’ de John L.,ex chanteur d’Agitation Free, s’apparente aux hallucinations vocales d’un Jim Morrison sans le côté poésie. Côté musique? Wolfgang Mueller fait bien oublier Schulze et Ash Ra vogue sur une musique psychédélique aux délires champignonnés. Light: Look at your Sun est la seule pièce comestible sur cet album. Elle s’ouvre sur de fins accords d’une guitare ‘’bluesy’’ de Göttsching et d’une voix frileuse de L. Un beau blues comme il s’en faisait tellement à l’époque. Göttsching est en feu et sa guitare est sulfureuse, témoignant du talent de cet artiste trop effacé. Après cette ouverture aguichante, le verset obscur et délirant de Schwingungen s’organise lentement autour de Darkness: Flowers must Die. Des bongos légers, accompagnées d’un rumine babine aux sonorités tribales débauchent une intro atmosphérique qui est plus près de la nature que du cosmos. Le manche de la six-cordes à Gottsching déchire cette ambiance avec une hachuration qui étend une paisible ambiance où ses accords en boucles s’appuient sur des cymbales papillonnantes. Mais John L. détruit cet univers sonore et prend les devants d’une scène musicale où alto, percussions et basse hachurent un rythme lourd qui épouse à merveille les élucubrations hallucinatoires de L. qui s’époumone comme Jim Morrison sur une musique de Zappa et ses Mothers. Une structure névrotique, campée sur des riffs de guitares et du sax alto, dessine un beat percutant aux effets d’hélices circulaires sur des solos très enflammés de Manuel Göttsching. Fou, incontrôlable. Mais si vous êtes capable de supporter le délire du chanteur, la structure musicale est très digne d’intérêt. Un mélange de Pink Floyd , des Mothers et d’un Morrison totalement ‘’cracké’’. Suche & Liebe est ni plus ni moins un mélange des deux styles très à l’opposé de la face 1. Un beau blues qui percute le mur des drogues hallucinogènes sur une musique endiablée où le rock tasse le blues pour culbuter dans les délires psychédéliques des plus profonds, magnamisée par la superbe guitare de Gottsching qui termine le morceau comme son entré ‘’bluesée’’, avec une touche, mais brève, de spectre atmosphérique. J’ai adoré le côté musical de Schwingungen, mais la folie vocabulatoire de John L., quoiqu’assez acceptable par moments, m’éloigne de l’envie de réécouter ce disque plus souvent. Dommage, car la musique est explosive…. Note : 4/6 Page 34/107 CASTRATI : Let the cat out of the [plastic] bag Chronique réalisée par Twilight S'il y a bien un groupe de la jeune scène actuelle de l'Hexagone qui incarne l'esprit batcave, c'est Castrati. Un nom, des pseudos, une attitude, de l'humour noir, du dandysme...J'avoue qu'après les avoir vus en concert, il eût été facile de manquer d'objectivité; ces gars-là sont taillés pour la scène, à commencer par leur chanteur Onük qui apporte à lui seul, tant par le chant haut perché, limite nonchalant, le look, que la gestuelle, la touche batcave au milieu des riffs plutôt deathrock de ses collègues. Heureusement le groupe me facilite la tâche , ce premier essai sur cd se révèle plutôt réussi. Quelques esprits chagrins me rétorqueront que le son n'est pas neuf, que les influences sont vite identifiables et tralalala. Ce n'est pas totalement faux, ce genre de sons est connu mais il n'empêche, les Castrati maîtrisent pleinement leur univers car il leur est personnel, tant dans les thèmes (cette étrange présence de chats) que les atmosphères. Les compositions sont solides mélodiquement, à commencer par 'How Pugsley killed little Gregory' (savourez l'humour noir de la chose), hit potentiel qui a tout pour embraser les dancefloors deathrock. Pareil pour 'Organic cars' et sa petite intro à l'orgue facilement reconnaissable. La voix décadente de Önuk séduira ou agacera de par son timbre haut perché et ses volutes quasi nonchalantes; personnellement, je la trouve parfaitement adaptée au climat des morceaux. Orientés deathrock à coup de riffs tranchants, ils sont soutenus d'une touche de clavier bien à propos. Bref, un beau premier essai pour un jeune groupe qui ne cesse de progresser et d'affiner sa réputation par ses concerts. 4,5/6 Note : 4/6 Page 35/107 KHOLD : Hundre ar gammal Chronique réalisée par Sheer-khan Khold a beau s'être tu durant trois longues années, il ne revient pas changé, réinventé... non, Khold n'a jamais bougé, et il ne bougera jamais. Un black metal des origines, avec sa dose de rock, de groove mid tempo à la pression misanthropique imparable, ses riffs lourds... Gard domine, comme à son habitude, de toute sa sécheresse malveillante; il insulte avec classe et froideur, il déteste sans limite, il méprise sans scrupule et menace avec précision. "Hundre ar gammal" n'est donc rien d'autre que le cinquième album de Khold. Rien d'autre, qu'un album de Khold. C'est du riff à Headbang à en donner des leçons à Darkthrone, de la lenteur malade à appliquer en couche mince sur les plaies infectées du cerveau, du black metal qui sait se tenir : fier, droit et retenu, sans effet ni prouesse, sans excès, sans une once de pitié. La puissance vient de la maîtrise et du contrôle, l'efficacité de l'évidence; Khold ne va jamais trop vite, il Page 36/107 ne pèse jamais trop lourd; il dévaste à distance, il s'impose par le mépris... même pas la peine de t'éclater la gueule. Trois ans de silence... pour apprendre à être plus retord, plus inspiré, plus multiple. Khold arrive à saisir en exprimant l'ennui; il énergise et fait monter le sang à la tête en n'étant qu'envies mortes et désillusions. Up tempos qui s'en vont prêter allégeance à La Fournaise, mid aux riffs pète-machoires, pesanteurs désolées : "Hundre ar gammal" est une chaîne de collines de cendres où les vapeurs de souffre, le ciel et la poussière de charbon sont les seuls respirables... tant pis pour les poumons. Chez Khold, la rage est comme passée, la haine tenue en laisse, prête à être lâchée comme un pitbull, assise comme un trophée au pied du trône de Gard. Aussi passéiste qu'intemporelle, l'oeuvre de Khold s'alourdit avec "Hundre ar gammal" de son bloc le plus solide et le plus vaste... un black metal des origines, avec sa dose de rock, de groove et de mépris... au sentiment inerte, glacial et désolé comme la surface de la lune. Note : 5/6 Page 37/107 DEEP PURPLE : Highway stars Chronique réalisée par Chris S'il y a un groupe prolifique au niveau compilation, c'est bien Deep Purple ! En effet on ne compte plus les innombrables sorties du groupe parues au fil des années dans cet exercice délicat de la compilation. Parue en 2006, la compilation "Highway stars" se propose de faire "un p'tit tour express" de l'oeuvre de Deep Purple sur la période 1968 à 1975. L'originalité du disque étant de présenter la quasi totalité des morceaux, non pas en version originale, mais en versions "remix" ou remastérisées. Seul le dernier titre de la compilation, "Gettin' tighter" échappe à ce petit lifting bienvenue. Ces enregistrements sont issus de la grande vague de remasterisation de la plupart des grands classiques du groupe. Ces diverses remasterisations se sont étalées sur une petite dizaine d'années entre 1995 et 2004. La tracklist est plutôt bonne, même si certains choix peuvent paraître un peu étrange : il manque en effet à l'appel quelques grands incontournables du groupe, et dans le même temps on se retrouve avec quelques morceaux assez peu emblématiques et donc plus dispensables (mais pas mauvais pour autant), tels que "Rat rat blue" ou encore "Kentucky woman". La compilation n'offre qu'une seule incursion dans le domaine du live par l'intermédiaire de l'énorme "Strange kind of woman" dans une des meilleures versions qu'il m'ait été donné d'écouter : celle du "Made in Japan" sur laquelle Gillian et Blackmore s'éclatent comme jamais ! Au final cette compilation parvient relativement bien à remplir son objectif, mais si elle laisse quand même l'auditeur un poil sur sa fin... Non pas sur la qualité des morceaux, la sélection ici est exemplaire et le son tout simplement excellent, mais tout simplement parce qu'il faut bien reconnaître qu'il n'est pas si évident que cela de faire rentrer tout Deep Purple en un peu plus d'une heure de musique ! Aussi, pour ceux qui souhaiteraient avoir un aperçu plus complet de la carrière de Deep Purple, je ne peux que recommander la compilation double cd "The compact disc anthology" dont la tracklist saura satisfaire le fan le plus exigent... Note : 4/6 Page 38/107 DEEP PURPLE : Greatest hits Chronique réalisée par Chris Et hop ! Encore une p'tite compilation de Deep Purple ! La particularité de celle-ci est quelle se concentre sur la période "BMG" des britanniques, reconnue pour être plutôt insipide artistiquement parlant. Le CD regroupe des enregistrements live et studio parus entre 1990 et 1996 avec au programme, 6 titres live tous directement issus du live "Come hell or high water" de 1994 et 5 titres studios issus des albums : "Slaves and masters" (1990), "The battle rages on..." (1993), et "Purpendicular" (1996). A l'écoute on s'aperçoit rapidement que la compilation est portée par les quelques vieux classiques du groupe, tel que "Highway star", "Child in time" ou encore "Smoke on the water", repris ici dans des versions live tout à fait intéressantes où Deep Purple parvient à raviver une flamme que l'on croyait plus ou moins chancellante. Les autres extraits live, "Anya" et surtout "Perfect strangers", parviennent à tirer honnêtement leur épingle du jeu. La sélection des titres studios à pour sa part bien plus de mal à convaincre, et si "The battle rages on" parvient à faire illusion, que dire d'un "Love conquers all", d'un "King of dreams" ou encore d'un "Aviator", tous aussi fades qu'une vieille laitue sans vinaigrette. Sur tous ces titres on sent un groupe ampoulé, vraiment à la peine au niveau de l'inspiration, avec des mélodies faciles et sans grand intérêt. Bref, n'y allons pas par 4 chemins : la galette est sauvée par sa partie live, point barre. Le reste étant pour le moins anecdotique. Du coup autant acheter le live en question : "Come hell or high water", ce sera à coup sûr une meilleure affaire. Note : 3/6 Page 39/107 DIE FORM : Confessions Chronique réalisée par Wotzenknecht Vous avez des enfants ? C'est l'heure de les mettre au lit. 'Confessions', ou l'album le plus caoutchouteux, lubrique et ouvertement démonstratif du duo. Les apparats dance/electro sont là pour leur simple esthétique, au même titre que le cuir et le latex : un piment libertin ouvertement assumé, porté en étendard de désir, de jeu et de gracieuse désinvolture. Cette fois, on dépasse le cadre de l'évocation ou du tâtonnement coquin pour rentrer dans le vif du sujet : l'acte sexuel ritualisé dans tout ce que le fétichisme a à offrir en matière d'orchestration codifiée. Depuis l'immense 'Silent Order', véritable ouverture sans retour sur fond de beats claquant comme autant de coups de fouet jusqu'à la libido déshumanisée d'un 'Mechanized' (John Zewizz reprenant The Silicon Teens, oui oui), Philippe Fichot laisse de côté sa dramaturgie toute gothique pour s'affairer aux mouvements musculaires quasiment machinaux (le biomécanique 'Blind Obedience'), pour ressasser en tout sens ses obsessions électro-sex jusqu'à hacher menu les interventions de sa belle afin de parfaire sa quête de la forme hybride parfaite ('Deep Skin' ou l'accomplissement du cyborg minimal, maximal, androgyne et hermaphrodite). Le coït procédurier, entre chair et acier, cuir et peau, cyprine et sperme, glace et métal : rarement la psychorigidité n'aura été positivement jouissive, décomplexée et dansante. Note : 4/6 Page 40/107 DIE FORM : Extremum Chronique réalisée par Wotzenknecht Fini de rire : Extremum est le chef d'oeuvre de Die Form. Une oeuvre claustrophobique, impérieuse, noire comme une cage d'acier perdue dans le néant ; c'est une prison désinfectée, aseptisée, beaucoup trop propre : un paradis noir pour automates érotiques abandonnés et autres fantasmagories macabres que seul Hans Bellmer aurait pu mettre en forme sans en perdre la substantifique moelle. Eliane, grands dieux ; LES Eliane tant sa voix est multipliée, déformée, transfigurée chante parfois de façon spectrale, aidée ou non de stupéfiants électroniques abstraits ('Deep Inside'), parfois comme possédée, hypnotisée par la force de volonté d'un Philippe Fichot à l'assurance plus que persuasive (l'étouffant 'Glassphyxie', pur moment d'hypnose dans une chambre froide). L'électronique se fait architecturale, structure métallique et machinerie médicale sophistiquée (retour à l'hosto avec le chirurgical et sublime 'Operating Theater', morgue réchauffée par les chaudières avoisinantes sur l'old school et cauchemardesque 'O.T.E.D.') tout en poussant le paradoxe DieFormien érotisme sulfureux/rigidité cadavérique à un nouvel extrême. Les difformités engendrées par les fantasmes de Fichot remplissent les salles d'op ('Transvocal Mutations') tandis que quelques touches humaines subsistent ici et là (guitare électrique et mélodie romantique sur 'Electronic Brainpan', le refrain envoûtant de 'Suffocations' – on croirait Emma Shapplin perdue en robe de chambre dans un bloc opératoire) mais ne soyons pas dupes, il ne s'agit là que de sujets d'expérimentations n'ayant pas encore mis les pieds dans les bons secteurs, tels 'Radiomorphism' et 'Neurolepsia' – les spots sont manifestement sur nous... Twilight nous parlait d'une tour d'ivoire avec 'Suspiria de Profundis' – 'Extremum' en est la salle d'expérimentations souterraine, et ce n'est pas demain que ses cobayes reverront la lumière du jour. Certains ont même commencé à se reproduire dans leurs cages : écoutez donc les geignement foetaux sur 'Transgressions'... Note : 6/6 Page 41/107 DIE FORM : Rose au Coeur Violet Chronique réalisée par Wotzenknecht Dans le labyrinthe Die Form, il y a nombreux recoins mystérieux et autres cachette secrètes sous forme de side-projects, de mini limités ou de picture-discs ultra léchés - ce mini en fait assurément partie, j'ai craqué pour sa bien étrange pochette et son très beau titre, emprunté à Hans Bellmer, tout comme les anagrammes érotiques dans le packaging, lui même offrant la totalité du corps dénudé de la demoiselle en cage à qui voudra bien soulever la rose au coeur violet... Un bien étrange artefact donc, regroupant deux titres de 'Suspiria de Profundis', une variante des grands 'Silent Order' & 'Savage Logic' ainsi qu'un alléchant aperçu de son side-project Die Form Sadist School sous forme de deux titres plus glauques et sales qu'à l'accoutumée, renouant avec l'ambiance médicale morbide de 'Some Experiences with Shock' : l'impérieux et assuré 'Bite of God' et surtout l'electro-indus noirâtre d'Eclipse', inesthétique au possible tout en conservant une touche bien mélodique. Un objet très réussi pour faire le tour en vitesse de la bête engendrée par Philippe Fichot et ses succubes, depuis le salace et orgiaque 'Slavesex' jusqu'au romantisme crépusculaire de 'Cantique' en passant par les machineries cradingues de sa Sadist School. Gothique, poétique et décadent, what else ? Note : 4/6 Page 42/107 CRUISE [CTRL] : We’ve met before, haven’t we? Chronique réalisée par dariev stands Je tairai les conditions par lesquelles ce cd promo est arrivé jusqu’à moi, par respect pour les protagonistes et pour ne pas jeter l’opprobre sur une musique qui, elle, n’avait rien demandé (elle demande jamais rien, d’ailleurs, la musique, c’est ça qui est bien, notez.). Toujours est-il que les belges de Cruise [ctrl] avaient visiblement très envie de se voir chroniquer sur guts of darkness. Ne les décevons pas, donc. Mais avant, retranscrivons quand même la première expérience du chroniqueur, qui, ayant finalement réceptionné le colis par voie détournée, fait l’erreur habituelle de lire le feuillet promo avant de mettre le cd (difficile d'y couper, à ça, malheureusement). Une fiche promo qui apparaît d’abord comme un exemple de crevardise : se réclamant de David Lynch (à part les titres, rien, absolument rien à voir, mais ça vous étonne ?) et du Dogme de Lars Von Trier, tout ça parce qu’ils ont trouvé un synthé bloqué à 120bpm dans une brocante (ça aura au moins eu le mérite de me faire rire, et faut reconnaître l’effort d’imagination), le groupe en fait des tonnes sur la première feuille, tout en anglais histoire de montrer que ça rigole déjà plus (il faudrait citer le texte en entier mais en un mot, c’est digne de Jean-Claude Van Damme, et si j’arrive à ne pas faire de blagues sur les belges d’ici la fin de cette chro, j’aurai du mérite). Et vient ensuite une deuxième feuille, en français celle-là, visiblement destinée aux tourneurs, qui sont dispensés de parler l’anglais, y’a d’autres arguments pour eux. Le tout est super classe et sérieux. J’insère donc, hilare, le cd dans le lecteur, en me disant que ça intérêt à déchirer après tout ce barda qui prend plus de temps à lire que d’écouter la musique (oui, tout ça pour un 3 titres, teaser du prochain album, How’s Annie). Première écoute : je me poile, la personne dans la pièce avec moi aussi, on remballe le tout dans un coin au rayon "J’ai pas de face" (ah merde, il déborde déjà). Ça pourrait être la fin de l’histoire, mais si vous lisez ces lignes aujourd’hui c’est visiblement qu’il en est autrement, sans quoi l’affaire n’aurait pas grand intérêt. Je tentai donc l’expérience au casque quelque temps plus tard. Les textures granuleuses apparaissent, la musique prend soudain du relief… Si le premier titre reste un peu fade avec son beat répétitif et standard, on plonge, sur The Bunny Room (censé évoquer la scène des lapins dans Inland Empire…), dans un univers arythmique où les oscillations analogiques crades règnent en maître. Where is alice ? alice who ? cumule le meilleur des deux titres pour un genre d’EBM mort-né, glauque à souhait, avec un genre de ventilo qui souffle des basses imprécises en arrière-plan, incitant à monter le son pour se prendre des gros résidus dans la face… Bien cool. A réévaluer à la hausse, sans doute, sur un format plus long, idéal pour apprécier ce genre de trip. Dommage qu’il faille se taper tout l’attirail de l’attrape-chroniqueur avant, l’hameçon rouillé et empoisonné est tellement plus savoureux que ce petit asticot ridicule… Une telle musique méritait mieux. Note : 3/6 Page 43/107 THE ORB : The Orb's Adventures Beyond The Ultraworld Chronique réalisée par dariev stands Avant de commencer à parler de ce premier (et déjà double) album de The Orb, il convient d’apporter une précision qui pourra surprendre l’amateur de musique de ces latitudes, et surtout de cette époque : Adventures beyond the ultraworld, album pratiquement dénué de morceau dansable, fut un carton en son temps (numéro 1 des ventes durant l’année 92, époque bigarrée s’il en est en grande bretagne). On raconte même que les prisonniers l’adoraient car il leur permettait une invasion instantanée, avec seulement une paire d’écouteurs. Si je disais « pratiquement » sans titre dansable, en introduction, c’est parce que Little Fluffy Clouds, tube de fin de rave, a été intelligemment placé en ouverture, et qu’il s’agit du seul morceau un peu uptempo de l’album, avec ses multiples samples non autorisés, allant de Ennio Morricone à Steve Reich. Après ça, c’est calage jusqu’à la fin, comme le verso de la pochette, qui montre Paterson assis comme un prince sur un bouddha doré. La face B étant même un exercice d’ambient presque total, seulement perturbé par le ressac des vagues et les cris des oiseaux (back side of the moon), ou bien par de discrètes clochettes, dissimulées sous des strates mélodiques immobiles et apaisantes (le fantastique Spanish castles in space, qui n’a pas pris la moindre ride). On regrettera un peu de ne pas ressentir la présence des invités sur cet album, pourtant nombreux, de Steve Hillage, accompagné par la claviériste Miquette Giraudy, à Paul Ferguson et Martin Glover alias Youth, échappés de Killing Joke. Ce dernier étant peut-être le seul dont on reconnaît la patte. L’album n’est pas exempt de passages chiants comme ce long ronflement spatial inutile sur Earth, venant souligner un peu lourdement les titres, déjà bien explicites. Le deuxième disque est nettement supérieur au premier, beaucoup plus coloré et influencé par le dub : Perpetual Dawn est une fleur de reggae électronique, annonçant 3 Kilos de Prodigy,et Outlands sample la voix d’allumé de Lee Perry prise sur l’intro de son chef d’œuvre Blackboard Jungle. Et puis il y a la basse rondelette de Star 6 & 7 8 9, morceau cool et planant au possible qui débouche sur ce qui était déjà le manifeste du groupe, sorti en 89 : A huge ever growing brain that rules from the centre of the ultraworld : live mix mk 10 (rien que ça). Une merveille baba cool, où des chœurs béats se posent sur une rythmique spatiale et lourde et des séquences en arpèges typiquement Berlin School, tandis que le fantôme de Minnie Riperton, disparue trop tôt, résonne dans la galaxie (pratiquement toute la chanson Loving You est samplée !)… Un genre d’autobahn interstellaire, qui se termine en piste de décollage vers l’infini et l’au-delà. On a beaucoup parlé de The Orb à l’époque comme du groupe inventeur de l’ambient (considérant Eno simplement comme un « précurseur »). Ils apparaissent bien sûr, aujourd’hui, avec le recul, bien plus comme des bricoleurs surdoués en avance sur la mode et s’étant trouvé au bon endroit au bon moment. Mais ils sont toujours restés, sur tous leurs albums, fidèles à leur ligne directrice, sans jamais s’abaisser à un gimmick commercial ou à un changement de mode ; mode qui n’a pas toujours avantagé le style ambient-house (ou ambient-dub, c’est selon). Il y a d’excellents moments sur ce Ultraworld. Il suffit de savoir les débusquer et les apprécier. Note : 4/6 Page 44/107 PRIMAL SCREAM : Screamadelica Chronique réalisée par dariev stands Attention car là c’est du très lourd. Screamadelica, chef d’œuvre insurpassable de Primal Scream (que faire après ça ?), est et restera le témoignage d’une période de défonce et de délire comme rarement en a connu la musique anglaise. Difficile de trouver une ambiance plus propice à la fête au ralenti sous les étoiles, retranscrivant l’expérience d’une rave en pleine nature, où les montées de trip se conjuguent aux rythmiques tribales de la house music. C’est d’ailleurs au cours d’une rave que le groupe rencontre Andrew Weatherall, DJ et pilier de scène électronique anglaise, personnage culte au rôle déterminant sur cet album. C’est pourtant Alan McGee, parton du label Creation, qui leur fait découvrir l’acid house en 88, lors du fameux "Second Summer of Love". A partir de là, le groupe, alors considéré comme ringard, est associé à la découverte de la house et de l’ecstasy, aux smileys et à la scène Madchester, bien qu’ils viennent à la base de la très artisanale scène indie ecossaise (Jesus & Mary Chain bien sûr, Edwyn Collins, les Vaselines.. que du bon). Ils ne lâcheront d’ailleurs jamais leur fascination pour le rock et la soul, plaçant un Movin’ On Up comme rescapé de l’année 69 en première piste, ainsi qu’une photo de livret qui semble ouvrir sur un monde disparu, dans la lignée des futurs Brian Jonestown Massacre… Et n’oublions pas Slip Inside His House, chanté "trip inside this house", qui reprend en mode house bordélique la chanson-monstre du psychédélisme américain, des 13th Floor Elevators. Inner Flight, lui, invite au voyage intérieur, à l’introspection, et annonce Damaged, I’m Coming Down et Shine Like Stars, quatre ballades magnifiques, instants de beauté capturés sous les étoiles entre les chants des criquets et le carillon du marchand de sable... Trois perles venues d’on ne sait quelle constellation qui justifient à elles seules l’achat du skeud, même si vous n’aimez pas la house old school et les effets dub. Come Together et Loaded, les deux machines à dancefloors (ayant déjà cartonné en single avant la sortie du disque), réveillent l’auditeur pour mieux le plonger dans une transe groggy primale et tribale, une gigue spatiale sans fin, endiablée, aux accents gospel. Les relents acides se confondent avec percussions 60’s et le tout semble avoir macéré assez longtemps pour devenir dangereusement hallucinogène. En effet, Weatherall a travaillé et remixé les bandes du groupe, sans que celui-ci lui ait demandé ! Après avoir écouté le remix de Loaded (à la base un morceau de l’album précédent), Gillepsie, alors écoeuré par l’échec total du groupe sur la scène rock, prend le morceau comme un choc. C’est décidé, son groupe ne ratera pas le train de l’Acid House qui déferle alors telle une avalanche sur la pauvre angleterre. Weatherall, sorcier des loops, justifie ici tout un procédé, en accouchant probablement d’un des plus grands remixes de tous les temps, aux côtés de Paid in Full par Coldcut (même famille, et ça s’entend) et Karmacoma par Portishead. La jonction entre le Summer Of Love ’67 et celui de 88 est faite ici. Entre Acid Rock et Acid House. S’ensuit une descente dans les tréfonds du dub le plus moite et bariolé, et la redescente en douceur façon Gillepsie : Shine Like Stars, comptine cristalline à la Jesus & Mary Chain qui nous laisse chancelant, à peine remis de cette expérience hautement psychédélique. La reprise de Higher Than The Sun à la fin de l’album (A Dub Symphony In Two Parts, rien que ça) propulse l’auditeur dans un maelstrom tribal digne des heures les plus barrées du Floyd 70’s ! Le trip commence vraiment vers 3min30, quand une basse rondelette déboule (Jah Wobble, ladies and gentlemen) et sonne l’arrivée du remix dub de Weatherall. A partir de là, on entre dans un espace sonore inédit, entre respiration de dark vador, chants africains et la voix de Gillepsie, quasiment disparue dans un brouillard d’ecstasy et d’herbe, tandis que Martin Duffy égrène ses lignes de claviers délicieusement vintage, entre Page 45/107 mélodica jamaïcain et orgue à la Booker T... A noter la présence du duo ambient-house The Orb à la production de Higher Than The Sun et Come Together, aux côtés de Jimmy Miller - fameux pour avoir mis en boîte Beggars Banquet des Stones – au mixage. Grand écart improbable, mais improbable n’est pas anglais. “I’m gonna live the life I love/I’m gonna love the life I live” chante Denise Johnson (diva house typique de chez typique de l’époque) sur Don’t Fight It, Feel It, déclaration d’intention hédoniste (“I’m gonna get high ‘til the day I die”)... L’intrusion de voix et d’éléments black dans le rock anglais de l’époque n’était pas dû au hasard : c’était la conséquence de l’influence de la house de Chicago, musique 100% black, qui allait mettre la scène indé anglaise, depuis trop longtemps en autarcie, face à ses vieilles influences 60’s et 70’s. Ainsi on peut entendre le prêche de Jesse Jackson lors du Wattstax de 1972, festival du label Stax désigné comme le Woodstock noir, en ouverture de Come Together, et les maniaques auront peut-être reconnu le rire de Sly Stone à la fin de Slip Inside This House. Si vous voulez savoir comment est sorti le groupe de cette expérience (tout l’album est construit comme un trip, dès la deuxième piste, la sobriété est proscrite et le basculement est irréversible), il suffit d’écouter l’immense Damaged, aux paroles lucides de Gillepsie, qui aura laissé quelques neurones dans l’affaire, avant de déclarer aux anges, les bras grands ouverts "IIiiiiiii’ve neeveeer beeeeen so haaaaaaaappyyyyyy"… Putain de grand disque. Note : 5/6 Page 46/107 COMPILATIONS - DIVERS : Come Again II Chronique réalisée par Wotzenknecht Japanoise ou “exorcisme de la limite” comme le dit avec cynisme le texte du livret, sensé définir en quelques circonvolutions verbales la raison d'être de telles explosions soniques pourtant sur un label reconnu pour ses excentricités ; Furnace étant la sous-division de Silent Records (sur lequel on trouve déjà du PGR, The Haters...). Voici le remède à la “pop mu-sick”, venu d'Extrême-Orient pour parfaire la désorientation extrême de l'Occident, offert par un certain Mishio Teshima après un premier 'Come Again' relevant plus du mythe que de l'objet rare (triple 7” en 63 exemplaires …) cette fois-ci avec un tirage illimité et surtout mieux distribué de par le monde. Un monde ravi de se faire charcuter les oreilles par la harsh noise de Masonna, Merzbow, Monde Bruits ou Incapacitants dépeignant un présent industrialisé sans lumière ni ombres ; un monde curieux de comprendre le mystère que recèlent les musiques concrètes d'Aube, Agencement, S*Core, Abominable Snowman Effuse Anal Tibet (!) ; un monde soucieux de chercher le moindre sens aux ovnis électroniques d'Hatanarash et Violent Onsen Geisha ; un monde apeuré par la puissance des improvisations absurdes reprenant pour certains des éléments rituels ou traditionnels tels les cordes dissonantes de Dislocation ou les barbarismes vocaux de Tatsuya Yoshida ; un monde buvant la tasse dans un élément où il n'a pas pied et où son seul repère de chaos restait jusqu'alors le free jazz. Un monde prenant sa dose d'anti-monde, comme un moule en négatif revenant étouffer la forme qu'il avait mis tant de temps à générer. Et pan dans les dents. Note : 4/6 Page 47/107 THE METEORS : Hymns for the hellbound Chronique réalisée par Twilight The Meteors: près de vingt-cinq ans de carrière au compteur, au moins autant d'albums, sans oublier plus de quatre mille concerts dans le monde entier...Tout ce temps depuis que P.Paul Fenech, dégoûté de la mièvrerie d'un certain rockabilly, injectait au genre une bonne dose de noirceur démoniaque que l'on qualifiera vite de 'psychobilly' d'après les propres termes du groupe. J'avoue que si j'apprécie les Meteors, j'avais un peu oublié d'y jeter une oreille ces derniers temps jusqu'à ce que le label I used to fuck people like you in prison m'envoie à chroniquer le dernier essai solo de leur infatigable leader. Les Meteors, pas sur Guts ? Il fallait y remédier. Oui, mais par où commencer ? Contre toute attente, j'ai opté pour les derniers enregistrements; après tout, n'était-ce pas le meilleur moyen de faire un petit bilan objectif du potentiel de nos rockers de l'enfer après toutes ces années ? Je fus bluffé, ce 'Hymns for the hellbound' est vraiment bon. Si certaines formations psychobilly ont quelque chose de très punk dans le son, l'essence même de celui des Meteors a toujours été et reste le rockabilly, pêchu certes, mais sans excès speed. Le cru 2007 démontre que si le fond n'a pas changé, la forme, elle, est devenue beaucoup plus subtile; le côté un peu brut des débuts a fait place à quelque chose que je qualifierais de 'spectral', quant à l'aspect mélodique, il est meilleur que jamais. Le timbre rocailleux de Fenech se marie à merveille aux climats sombres du disque mais en apportant de véritables émotions...C'est presque une mélancolie résignée qui pointe derrière les lignes de 'Paradise lost', 'My slaughtering ways' porte une touche épique en sa mélodie; ce n'est certes pas du neuf chez les Meteors mais cet aspect s'est perfectionné, sans la moindre impression de dilution de l'essence maléfique qui porte Fenech depuis les débuts. Et dire que la prochaine galette se révélera meilleure encore... Note : 5/6 Page 48/107 THE METEORS : Hell train rollin Chronique réalisée par Twilight Visiblement, les deux nouveaux compères dont P.Paul Fenech s'est entouré, à savoir Wolfgang Hordemann et Simon (The Prince) Lindon, forment avec lui une équipe efficace puisque deux ans après le bon 'Hymns for the hellbound', le trio revient avec ce 'Hell train rollin' qui, s'il reprend la formule du précédent, se montre plus audacieux dans les sons. On y sent toute l'expérience du groupe et les divers essais de son leader en solo, ce qui permet aux musiciens de conserver des bases psychobilly classiques tout en y incorporant quelques touches que ne se permettraient pas forcément de jeunes formations. Cela débute avec les sonorités métalliques des percussions de l'excellent 'Never stop the hate train' et se poursuit avec l'ajout d'un harmonica bluesy sur 'Devilbone fugue', les nuances travaillées (et franchement jouissives) de la guitare de 'This town'. Les bonnes choses ne s'arrêtent pas là pourtant; je citerais l'excellent 'Another day on fire' dont j'adore la mélodie, '4 pound hammer' pour son jeu de basse claquant et rythmé sans parler de la superbe reprise de 'The old man down the road' de John Fogerty. 'Hell train rollin' me semble également se rencentrer sur une pêche toute rockabilly, sans perdre la subtilité des acquis ('It that's the way you want it', 'Psychobilly number 1' le bien nommé ou 'Down and dirty'). Si j'avais un conseil à donner, ce serait celui d'acheter ce cd avec 'Hymns for the hellbound' car les deux opus me paraissent complémentaires. Quoiqu'il en soit, je ne serais par surpris que leur qualité donnent envie à certains de (re)découvrir les débuts de ce groupe mythique. Note : 5/6 Page 49/107 THE METEORS : Wreckin' crew Chronique réalisée par Twilight Voilà un indispensable; il s'agit certes du second album des Meteors mais du premier où P.Paul Fenech assure entièrement le chant (tâche qu'il partageait avec le contrebassiste Nigel Lewis sur l'opus précédent). C'est à ce moment également que le trio confirme son engagement dans ce que l'on baptisera 'psychobilly' en s'éloignant des tentations vaguement garage des débuts; 'Wreckin' crew' reste d'ailleurs considéré comme l'un de leurs meilleurs disques. Il est vrai qu'il regorge de bons morceaux, notamment avec la reprise de 'Johnny remember me', celle de 'Wild thing', 'Blue sunshine' où le titre éponyme. Ce qui selon moi en fait le charme, c'est sa touche 'roots'. En effet, si le psychobilly s'est plus que développé, générant même divers sous-genres, louchant clairement du côté de l'horror punk dans ses déclinaisons les plus violentes, celui des Meteors a toujours puisé son essence dans le rockabilly pur. Certes les thématiques (zombies, science-fiction, spectres et tout le toutim) étaient bien différentes de celles des autres formations du style à cette époque mais au niveau du son, les divergences ne sont pas si notables, excepté le fait que Fenech et ses complices axent l'écriture sur ce qu'on trouve de plus rythmé en la matière. Si le son de guitare est travaillé, nous sommes loin des climats spectraux qu'on trouvera par la suite, quant au chant, il n'a pas encore son aspect rocailleux (nicotine ?), ce qui ne l'empêche pas d'être efficace. La qualité mélodique est une des forces du groupe et cette galette en est un bon témoignage, que ce soit dans les tentations punky de 'Get off my cloud' et 'Axe attack' ou le feeling presque blues de 'I don't worry about it'. Ceux qui privilégient le côté punk du psychobilly pourraient se trouver déçus et dans un sens, je les comprends, il m'avait fallu du temps à moi aussi. J'aurais tendance à dire que c'est plutôt quant à ce que cet album apporte au rockabilly qu'il faut chercher pour en apprécier la saveur; au fur et à mesure des écoutes, on réalise alors que les Meteors, loin d'être passéistes, insufflent un souffle résolument moderne bien plus proche de la tradition la plus barjot du garage que du rockabilly des bals de Papa et Maman. Ils feront bien plus fort par la suite mais cette 'retenue' (vous avez vu la pochette ?) fait de 'Wreckin crew' un enregistrement particulier de leur carrière, un peu comme la véritable pierre de fondation des années à venir. Note : 5/6 Page 50/107 ASH RA TEMPEL : Ash Ra Tempel VI - Inventions for electric guitar Chronique réalisée par dariev stands En 1974, rien ne va plus pour Manuel Göttsching. Son groupe s’est disloqué sous l’effet des excentricités et des escroqueries diverses de Rolf-Ulrich Kaiser. Klaus Schulze, excédé, est parti se perdre dans les limbes de la musique électronique berlin school (j’en connais d’autres), et Harmut Enke, le plus marqué de tous par la philosophie de Timothy Leary, semble avoir pris le même aller simple que Syd Barrett pour les étoiles. Même Rosi Müller, compagne du guitariste, semble absente du tableau. C’est pourtant avec elle qu’il décida, lassé des séances sous trips des studios Dierks organisées par le couple fou Kaiser-Letmann (on en reparlera), de prendre la poudre d’escampette avant que son cerveau grille à son tour. Fini la Koschmische Musik pour lui. Göttsching, malgré la photo de pochette et le packaging encore marqué par cette époque de défonce et d’ultra-productivité (matez moi ces accroches : "galaxy sound", "cosmic symphony", et ce regard de benêt baba cool ultime !), est déjà branché sur les vibrations qui le mèneront au culte E2-E4 quelques années plus tard. Seul avec sa guitare, méditatif, enfin posé, revenu des doutes et des tribulations space-rock furieuses. Il était temps pour lui de faire fructifier sa musique, et de ne plus se faire escroquer. Le "Tempel" d’Ash Ra Tempel, lassé de ces pillages, allait bientôt disparaître sous terre, marquant cette nouvelle orientation. Pour l’heure, étant toujours sous contrat avec Kaiser, Göttsching livre ce qu’il appelle son "Ash Ra Tempel VI", sixième opus du groupe si l’on excepte le divers projets collectifs avec Leary, Wegmuller et toute la smala. La mention "Manuel Göttsching" en plus petit sous le nom du groupe illustre bien l’ambiguïté : comme pour le fameux dernier album de Tubeway Army, le leader est en fait en train de livrer son premier album solo, sans lâcher un nom devenu mythique pour les amateurs. Mais musicalement, le grand changement est déjà intervenu. Les notes de pochettes sont courtes et explicites : après 6 ans de folles expériences, il est temps de retirer des leçons. La voie à suivre pour Göttsching : la musique électronique. Mais à sa façon bien entendu. “Music, effects and sounds are played with electric guitar only. There are no other instruments used.” On a du mal à le croire, au début, mais une écoute attentive corrobore ces dires. "Inventions…" n’usurpe en rien son titre. C’est une merveille de quiétude et d’équilibre : Les basses sont sourdes et machiniques, comme provenant d’un monde souterrain et industriel. Les médiums sont frétillants et percussifs, comme joués par des milliers de doigts qui pianotent en rythme sur les cordes d’acier ; et les aigus sont perçants et légers, comme des confettis d’aluminium… Tout cela tourbillonne, vibrionne, et danse autour de la fée électricité durant de longues minutes, d’une façon qui rapproche plus ce disque de certaines œuvres du courant minimaliste / répétitif de Terry Riley, comme In C, que des sarabandes sous LSD organisées par Rolf-Ulrich Kaiser. Et pourtant, cet album est bel est bien sorti sous la bannière des Cosmic Couriers, comme l’en attestent le petit logo jaune en forme de cible sur la pochette et le superbe macaron du vynile typique de la bannière. L’album est composé de deux longues pièces hypnotiques, vers la fin desquelles intervient un solo de guitare comme filtré à travers une talk-box, flamboyant mais discret, seule rémanence de l’époque des premiers opus. Echo Waves est sublime, parfaite. On sent que Göttsching a trouvé SA formule. Pluralis est un poil moins convaincante, mais l’atmosphère de cockpit de spacecraft est là. Il y a même un superbe morceau purement ambient, Quadrasphere, au titre qui rappelle l’autre grande spécificité de cet album (exigence de l’artiste où caprice de luxe de Kaiser ?) : il est écoutable non plus seulement en stéréo et mono comme tout LP, mais en quadriphonie ! J’ai choisi de le chroniquer sans avoir de système me permettant de tester cette fonctionnalité, Page 51/107 sans quoi il aura sûrement fallu attendre très longtemps avant de trouver. Cette musique n’a de toute façon pas besoin d’artifices pour fonctionner, immédiatement. C’est frais, c’est grand, c’est zen. Note : 5/6 Page 52/107 PANOPTICON : Bootleg 1.3 : Revenge - PaNoPTiCoN Live @ CAFÉ CENTRAL Chronique réalisée par dariev stands On sent d’emblée, en lançant le fichier de playlist .m3u amoureusement concocté par Domenico Solazzo dans Winamp, que le batteur avait en effet une sacré revanche à prendre sur ce fichu Café Central. Théâtre d’une des toutes premières prestations de Panopticon, l’une des meilleures d’après Solazzo lui-même, le Café Central était depuis associé à la déception, celle de ne pas pouvoir écouter ce qui s’est passé ce soir-là, un problème technique ayant empêché tout enregistrement… (Passez quand même voir les vidéos volées ce soir-là sur le blog de Panopticon). Un épisode qui était resté, comme qui dirait, en travers de la gorge du maître de cérémonie, qui revient donc sur les lieux du crime, on imagine, avec plusieurs magnétos tournant ce soir-là… Ce n’est d’ailleurs pas dans l’habitude du groupe de jouer deux fois au même endroit, ce qui peut donner un indice sur le côté nécessaire de ce Revenge. On sent d’emblée, disais-je, que Solazzo est là pour en découdre : Here We Go démarre en trombe, et commence sous les meilleures auspices une performance de… 78 minutes. La revanche est donc complète. La basse est à l’honneur, et les intros de morceaux sont plus nettes, moins évanescentes que d’habitude (Morse Code Delta et ses palpitations synthétiques). Du moins jusqu’à Horripilations, qui semble comme diffuser le doute parmi la formation. Tandis que claviers et batterie entretiennent le suspens d’une nouvelle rincée d’énergie, les deux saxophones minaudent en mode racolage actif sur 364 Days to Say I Love You (allusion à la St Valentin ?). C’est pourtant eux qui invitent la mélodie par la porte de derrière sur le relativement désert Inward travel of the mind. La suite semble déraper vers un free jazz sans pilote, faute de mieux, mais ce qui est bien c’est qu’ils y vont à fond, tandis que le fidèle Antoine Guenet balance des motifs de claviers façon "boss de fin de niveau" (Some place more place). La fin est à ce titre bien explicite, après un "Bury my knee…" qui aura tenté de trouver de l’espace, avec le morceau titre, qui referme le tout dans un paroxysme de désordre amélodique. Un set globalement plus expressif que d’habitude, comme à la recherche d’un renouvellement… Un peu trop long pour écouter d’une traite, mais assez dense pour l’apprécier par petits bouts. Une chose est sûre à propos de ce Revenge : il se prête moins au tapis sonore que ses prédécesseurs. Préférez-y l’autre mode d’écoute idéal de la musique de Panopticon : les yeux dans le vide, en ne faisant que ça, en laissant le son se déverser sur votre fatigue, et la surprenante richesse harmonique vous submerger. Note : 3/6 Page 53/107 GUERRE FROIDE : Nom Chronique réalisée par Twilight Histoire de nous faire patienter en attendant leur nouveau disque, Guerre Froide nous titillent l'audition avec ce mini qui clouera le bec de ceux qui reprochaient à leur son de jouer sur la fibre passéiste. Ces trois savoureuses pièces, si elles restent totalement dans la lignée de leur style, proposent en effet une orchestration plus dure, notamment dans la boîte à rythmes qui claque de manière plus assurée. On sent aussi un travail plus fouillé (je n'ai pas dit compliqué) sur la programmation, ce qui ajoute une pêche bienvenue, évitant une forme de monotonie que j'avais parfois reprochée sur certains anciens morceaux. Que ceux qui aiment le Guerre Froide cold wave se rassurent, ils n'ont pas changé leur fusil d'épaule, ils se sont simplement renouvelés et essayés à quelques nouvelles choses, ainsi le chant de Yves passé aux effets sur le bon 'Planète hurlante'. Voilà donc une petite galette bien réjouissante, gagnant en noirceur ce qu'elle cède en grisaille, prouvant visiblement que l'inspiration est au programme pour nos Français; j'en attends l'album avec d'autant plus d'impatience. Note : 4/6 Page 54/107 DOMINION : Luksa Chronique réalisée par Twilight Avant d'entrer en contact avec Dominion, l'image principale que j'avais des Philippines était celles des bas-fonds de Manille, la pauvreté; jamais je n'aurais imaginé une seconde y trouver une formation goth; comme quoi...S'il n'est pratiquement pas connu par ici, le groupe s'est déjà taillé une bonne petite réputation dans son pays, et ce, même hors des circuits underground habituels. Tout n'a pourtant pas été facile et il aura fallu à Doi Porras, unique membre d'origine, beaucoup de courage et de persévérance pour surmonter les départs successifs, la perte de l'un des ses amis proches, les réenregistrements sans fin...mais 'Luksa' est bel et bien là, album mêlant un gothic rock traditionnel et rythmé dans la veine de Rosetta Stone, Children on stun, Nösferatü , voir Fields of the Nephilim ('Sadness remains') avec des touches nettement plus dark wave comme sur 'Luksa' ici présenté dans plusieurs versions, les plus réussies étant selon moi l'originale et le 'dirge mix'. Pour ma part, j'aime les chansons orientées gothic rock, pas foncièrement originales mais plutôt bien ficelées et maîtrisées; le timbre de Doi colle bien au genre et les lignes de guitare tiennent la route. 'Luksa' plus axé sur le clavier s'aventure dans une voie mélancolique, flirtant avec un feeling trip hop plutôt séduisant; hélas, le 'drowning mix' et surtout l'infect 'heterodyne club mix' (boom boom power !) ruinent totalement la beauté triste de la de la mélodie et se révèlent parfaitement inutiles. Signalons encore deux pistes instrumentales, l'intro 'Paglalakbay', très réussie avec ses atmosphères dark ambient aux parfums asiatiques, et 'From inside act II' plutôt inutile avec ses nappes interminables. Je vais d'ailleurs être direct, retranchez-le ainsi que les deux derniers mixes de 'Luksa' et l'album s'en portera mieux; on ne peut se départir, à cause d'eux, d'une impression de remplissage, voir même d'incohérence au niveau des ambiances. C'est dommage, niveau gothic rock, sans révolutionner le genre, Dominion a toutes les qualités requises pour plaire aux amateurs du genre. Connaissant les difficultés subies par le combo, je ne puis néanmoins que me réjouir de cette sortie que j'attends depuis près de cinq ans, et souhaiter que le mauvais sort cesse de s'acharner sur Doi et ses collègues, d'autant que dans la foulée, leur label pourrait rééditer un ancien album. Soyons positifs, à l'image de leur nouveau nom de site sur lequel le disque peut être commandé. Note : 4/6 Page 55/107 COMPILATIONS - LABELS : In the Butchers Backyard Chronique réalisée par Wotzenknecht Dans l'arrière-cour d'une petite boucherie de Linköping se trouvait un vieux cimetière où nombre de cadavres plus ou moins enterrés à la hâte ont continué à gigoter bien après leur mort. Roger Karmanik a cru bon d'enregistrer le dernier souffle des agonisants de son label K7 Sound Source pour leur offrir un épitaphe digne de ce nom afin que leurs âmes puisse être réincarnées (par des rééditions sur d'autre labels) ou éliminées pour de bon dans le cas d'Un-Core (side-project avorté de Jouni d'In Slaughter Natives, sorte de MZ.412 de porcherie). Il y en a donc, du cadavre qui geint et du marbre qui grince, sur les titres death indus très glauques de Deaf Machine et P/D(B) (pré-No Festival of Light), il y a de l'emportement graisseux sur les hybrides électrocadavériques de Megaptera et Defekt, même du groove avec les grinçants et rythmés Systema – le final de 'Let me Come Inside', funky à souhait – ainsi que sur l'ovni très Residents d'En Halvkokt I Folie (l'unique morceau pouvant prétendre à être musical). Mais ce qui frappe vite, c'est toutes ces intentions ritualistes qui semble grattées à même les tombes, comme des relents de danses macabres et autres rites occultes que les morts réactiveraient sans se douter de la portée de leur acte – quelles portes s'ouvrent lorsque cognent sans relâchement les percussions hypnotiques et abrutissantes d'Archon Satani, qui est donc Stravöstrand pour oser sonner les cloches et jouer avec les tambours de la cité en flammes surplombant le gouffre de l'Enfer (Rest in Hell) tandis que son ex-compagnon de route réveille les premiers souffles sensuels d'Ordo Equilibrio – Quelles portes oubliées Benny Nilsen traverse-t-il dans son parcours sous le nom de Morthond, et pourquoi ConSono et Raison d'être quant à eux préfèrent-ils évoquer des lieux sacrés beaucoup plus sages ? Dans ce cimetière où tout arrive sauf le repos éternel, les vapeurs du “monde d'à côté” se mélangent entre elles en une vague odeur poussiéreuse tout en refermant paradoxalement d'un sarcophage déjà légendaire toute la première époque de l'industrie de la viande froide. Note : 5/6 Page 56/107 þEYR : Mjötviður til fóta Chronique réalisée par Twilight Pour certains, ce fut David Bowie, dans le cas de þeyr, c'est un concert des Clash en Islande en 1980 qui bouleversera les choses. Le groupe, alors encore à ses débuts, décidera dès lors de se tourner vers la new-wave et le punk, ce qui influencera radicalement son écriture. Avant d'aller plus loin, signalons que parmi les musiciens nous trouvons alors un certain Hilmar Örn Hilmarsson qui travaillera plus tard avec Psychic TV, Current 93 ou Sigur Rós ainsi que le batteur Sigtryggur Baldursson qui rejoindra K.U.K.L puis les Sugarcubes aux côtés de Björk. Sous l'influences du premier, les musiciens s'intéresseront à l'occultisme, le paganisme islandais, les Illuminati, l'alchimie tout en s'intéressant en parallèle à la psychologie, à la société islandaise...Leur rencontre avec Jaz Coleman leur permettra de voyager à Londres et résultera même en une collaboration sous le nom de Niceland et l'enregistrement de trois morceaux qui ne verront jamais le jour. Nulle surprise donc si je mentionne dans les influences de þeyr: Killing Joke, Warsaw, Siouxsie and the Banshees mais aussi Talking Heads et Yes. Trois album, des changements de personnel, le split en 1983, un projet de réédition en cd au cours des années 90, hélas sans lendemain puis enfin en 2001 ce 'Mjötviður til fóta' rassemblant les travaux parus sur leur propre label, Esquimaux Management. On y découvre un combo engagé dans une musique post punk sombre et rituelle ('Rudolf', 'Maggasýn', 'Tedrukkinn') mais ne dédaignant pas pour autant quelques expérimentations épileptiques ('þeyr'), une larme de dub froide ('Ópið') et de folie à la Virgin Prunes ('Iss', 'það er nóg'). De mon point de vue, nous tenons en þeyr l'un des meilleurs groupes dark et l'un des plus sombres également de la scène post punk islandaise. Si quelques titres manquent à cette compilation, elle permet néanmoins un regard assez juste sur la qualité de leur travail, l'usage de la langue islandaise ajoutant au caractère de la musique. Notons encore pour les passionnés de la scène de Reykjavik que þeyr apparait à deux reprises dans l'excellent film 'Rokk í Reykjavik', notamment avec le clip de 'Rudolf' et le génial 'Killer boogie' Note : 5/6 Page 57/107 EGO : Í mynd Chronique réalisée par Twilight Bubbi Morthens est l'un des chanteurs favoris des Islandais. Notre homme a débuté dans la musique assez rapidement en enregistrant en 1979 (à 23 ans) son premier disque solo. Ses paroles y reflétaient déjà une préoccupation sincère quant au sort des classes sociales défavorisées islandaise. Nulle surprise à le voir rejoindre ensuite un combo punk, Utangarðsmenn, qui ouvrira notamment pour les Clash à Reykjavik. Bubbi s'en ira après le quatrième album et, accompagné de son frère BergÞór à la batterie et du bassiste þorleifur Guðjónsson, fondera Egó (qui verra pourtant encore bien des changements de personnel). L'Islande est fière de ses groupes, quel que soit leur style; chez Skifán, sorte de FNAC islandaise, je suis tombé sur une rangée de cds intitulée 'les 100 meilleurs albums de musique islandaise de tous les temps'. Intrigué par la pochette, j'ai écouté et acheté. 'I mynd' est le second opus du trio mais les avis sont unanimes, il est meilleur que son prédécesseur; très bien, je m'en contenterai (encore que les titres présents dans le film 'Rokk í Reykjavik' me laisseraient penser le contraire). Pour résumer, je dirais que ce disque est assez typique de musiciens issus du terreau punk qui s'en distancient. Il démarre par deux bons titres (particulièrement 'Við trúðum blint'), assez sombres, un peu cold wave/punk, avant d'enchaîner sur un 'Saetir strákar' aux légers parfums de Peter Murphy; pas mal du tout. L'écriture est simple, la rythmique bien mise en valeur (d'où cette noirceur post punk bien agréable)...La suite se dilue dans quelque chose de plus classique malgré quelques beaux sursauts punky dans les riffs de 'Mescalin'; le problème est que le chant, légèrement rageur au début, a tendance à se faire trop doux à mon goût. La dernière étincelle d'intérêt sera, contre toute attente, 'Dancing reggae with death' dans une veine dub/reggae telle qu'on pouvait la trouver chez les Clash; sa petite pointe de mélancolie rend la chanson plutôt plaisante même si le style n'est pas forcément ma tasse de thé. Un peu mitigé donc, je ne regrette pas mon achat, ne fut-ce que pour la première partie du disque, dommage que la suite ne tienne pas la comparaison et se laisse aller à quelque chose de plus accessible et ennuyeux, même si j'ai déjà entendu pire dans le domaine. Sauf erreur, Egó sortira encore un disque puis Bubbi se lancera en solo. Note : 3/6 Page 58/107 VONBRIGÐI : Eðli annarra Chronique réalisée par Twilight Vo107rigði (déception en français) bien qu'issus de la scène punk de Reykjavik se distinguent avec þeyr par le côté sombre de leur son. Plus directs et moins tribaux que ces derniers, ils n'en flirtent pas moins avec la frange post punk du goth, notamment de par la noirceur des guitares, le plomb de la basse, et l'aspect soigné des atmosphères. Les musiciens débuteront très jeunes (16 ans en moyenne) et splitteront en 1985 après avoir pondu deux EPs. L'histoire pourrait s'arrêter là, sauf que le groupe s'est reformé en 2004 et s'est empressé de retourner en studio pour retravailler les anciennes chansons et enregistrer du nouveau matériel; c'est ce que propose 'Eðli annarra'. N'ayant pas de point de comparaison avec le passé, je jugerai ce cd en tant que tel. Visiblement, les musiciens n'ont pas perdu la fibre, la musique est pêchue à souhait (l'héritage punk) mais fait valoir ses qualités mélodiques et une certaine noirceur ('Sjálfsmord', Holdleg atlot'), limite gothique (l'excellent 'A mörkum hinna heimspekilegu hvunndagskennda', le mélancolique 'Fótspor í köldu herbergi')...On sent les guitares tranchantes, une tension perpétuelle qui éclate parois en rage totale (un 'Farðu !' 100% punk) mais se heurte aussi à un mur d'incompréhension. Profondément urbaine, la musique de Vo107rigði est de celle qui foule le pavé à grand coups de bottes, sans apitoiement sur elle-même, avec pour seule arme une énergie noire tournée vers l'avenir...L'usage de la langue islandaise est parfait, le chant de Jóhann Vilhjálmsson se coulant tour à tour dans le moule de la folie, de la colère, d'une sorte de réflexion maladive qui ajoute à la profondeur des climats. Pas de faiblesse, pas un instant la tension ne retombe au cours de ces dix-sept compositions dont l'aspect glauque contraste singulièrement avec la neutralité de la pochette. Note : 5/6 Page 59/107 THE MAXIES : Greenland is melting Chronique réalisée par Twilight The Maxies, ce sont un peu les coucous du punk rock; dans le nid, ils ont piqué aux Ramones (leur principale influences avec Green Day) le gimmick de la fausse famille (sans parler du fameux logo avec l'aigle et la batte, remplacé chez eux par un ours polaire); au garage surf, ce sont les orgues et les costumes de scène (mais aux couleurs du drapeau groenlandais) qu'ils empruntent. D'ailleurs, leur Groenland natal, ils l'ont quitté pour le soleil de la Californie mais y font sans cesse référence dans leurs paroles ou leur iconographie...Bref, les Maxies sont tout sauf originaux, ils pillent sans vergogne (même Wall of Voodoo y passe sur 'Frustration), et ils assument totalement, jouant la prétention adolescente doublée d'une attitude 'punks de la banquise'. Et si c'était là leur arme, cet humour limite gamin, doublé d'un brin de cynisme ('Greenland is melting', I hate Sundays') ? Quoiqu'il en soit, cette galette s'écoute sans se prendre la tête, bercée qu'elle est entre pêche skate punk et accroche pop. Calibrage MTV ? Presque, sauf que les Maxies ne se prennent pas aux sérieux et sèment quelques beaux morceaux ('Back home in Greenland' et son orgue, 'Sorry' et ses effluves mod/garage), sans négliger de faire rire au passage ('My band'), ce qui leur vaut probablement un peu d'indulgence de ma part. Ce premier enregistrement se déguste donc comme un glaçon plein de bulles: ça pétille, ça rafraîchit et ça fond très vite...jusqu'à la prochaine canicule. Note : 3/6 Page 60/107 KEYROUZ (Soeur Marie) : Chant Traditionnel Maronite Chronique réalisée par Wotzenknecht C'est sûr, les chants traditionnels maronites livrés ici sont loin d'avoir la puissance limpide et mystique des chants byzantins et melchites que Soeur Marie Keyrouz présente dans le même cycle. Plus terrestres, plus humains, ces accompagnements religieux s'accommodent aussi d'instruments proche-orientaux tels que l'oud (proche cousin du luth), le qanun (proche de la cithare), et le nay, sorte de longue flûte en roseau. L'étendue mélodique est restreinte à une quarte ou une quinte et à plusieurs reprises le choeur répond à la soliste, prouvant si besoin était l'évidente fonction liturgique et communautaire de ces pages traditionnelles. Certains textes ont été retranscrits en arabe tandis que d'autres sont carrément empruntés à d'autres répertoires – syro-catholiques et syro-orthodoxe nous dit le livret. Si la cohérence et la qualité de l'ensemble reste confondante, le recueil en entier peut de prime abord dérouter par sa modalité archaïque et sa tonalité soudainement joyeuse au milieu de titres plus austères (c'est le risque à prendre en abordant divers temps liturgiques). Les rythmes lents mais variés font avancer l'auditeur le long d'une procession abordant avec passion et retenue les différentes périodes de l'année, entrecoupés de petits instrumentaux de toute beauté. Sans doute une des meilleures portes d'entrée vers les racines du christianisme avant de se perdre dans les enregistrements les plus forts de S.M.Keyrouz. Note : 5/6 Page 61/107 COVEN : Witchcraft destroys minds and reaps souls Chronique réalisée par Twilight La fin des années 60's et ses paradoxes...Alors qu'on s'éclate en plein 'flower power', 'peace and love', méditation et autres, se développe en parallèle un goût marqué pour l'occultisme et en particulier pour le satanisme. Il suffit de voir les thématiques des films de la Hammer à cette époque et de considérer la création de formations telles que Black Widow, Black sabbath ou Coven. Ceux qui ont lu 'Les Seigneurs du Chaos' se souviennent peut-être du passage consacré à ce groupe américain, à l'origine d'une mini controverse puisque leur bassiste se prénomme Oz Osbourne et une de leur chanson a pour titre 'Black Sabbath', or à la même époque, en Angleterre...Une tempête dans un verre d'eau puisque Ozzy et ses complices révolutionneront la musique en posant les bases du doom metal, tandis que Coven, plus classique en terme de composition, sombrera peu à peu dans l'anonymat. Les Américains bénéficient malgré tout d'un statut culte de par le contenu ouvertement satanique de leur album, 'Witchcraft destroys minds and reaps souls' incluant en dernière piste une messe noire de près de 13 minutes (aaah, le symbolisme des chiffres), un poster montrant les membres préparant la cérémonie sur le corps nu de leur belle chanteuse; il semblerait qu'on leur doive également l'usage du signe cornu de la main devenu si populaire chez les fans de heavy...Tous ces éléments se retourneront d'ailleurs contre eux après les meurtres commis par les illuminés de Charles Manson et leur maison de disques, Mercury, fera retirer l'oeuvre en question des bacs. Fort bien mais la musique dans tout ça ? C'est là, l'objet de cette chronique, lui rendre quelque peu justice car cette galette inclut quelques perles, à commencer par 'Black Sabbath' qui ouvre les hostilités. Il est certain qu'en dehors de leurs thématiques occultes, les compositions de Coven ne se distinguent pas foncièrement d'une forme de rock psychédélique ou de proto-hard rock déjà en vogue à cette époque. On songe tour à tour aux Doors ('For unlawful carnal knowledge'), Alice Cooper, les Yardbirds, Black Sabbath...Quant à Jinx Dawson, elle a tout d'une Janis Joplin moins folle mais plus inquiétante et sa voix a un charisme que je trouve réellement séduisant. Mélodiquement, Coven signe donc quelques belles pièces, 'Black Sabbath' dont je parlais auparavant mais également 'The white witch of Rose Hall', 'Coven in Charing Cross' ou 'Wicked woman', alternant riffs sentis, passages bluesy, atmosphères mystiques. Les petits intermèdes occultes font sourire aujourd'hui mais pour le reste, cet album tient bien la route et on sent battre en ses sillons l'énergie sombre dont se nourriront nombre de formations heavy metal, rock, voir même gothic rock par la suite...4,5/6 Note : 4/6 Page 62/107 HARPER (Roy) : The Sophisticated Beggar Chronique réalisée par Hellman Roy Harper. Ce nom vous dit certainement quelque chose. Led Zeppelin lui a rendu hommage sur leur troisième album ("Hats Off to Roy Harper"). Les intouchables Pink Floyd lui ont tendu le micro pour "Have A Cigar", titre figurant sur leur album "Wish You Were Here" ... Mais qui est donc ce mystérieux Roy Harper qui suscite tant d'attention et de respect de la part d'artistes populaires confirmés ? Se plonger dans sa discographie nous permettra sans doute de récolter quelques éléments de réponse. Quand fût proposé au jeune chanteur folk Roy Harper l'opportunité d'enregistrer dans l'urgence un premier disque, celui-ci ne se fit pas prier. Armé seulement de sa guitare, de sa voix et de sa plume, il emballe une première série de titres qui renferment en chacun d'eux les germes d'une carrière dont la constance et l'intégrité ont été source d'admiration, à défaut d'inspiration, pour bon nombre de ses contemporains. Le disque, produit par l'éphémère label Strike, souffrira hélas d'une assez déplorable distribution, si bien que "The Sophisticated Beggar" est à inscrire dans la longue liste de disques qui finiront par révéler leurs charmes bien des années plus tard, au gré de ses nombreuses rééditions (on en compte plus d'une douzaine à ce jour). Le chant mi-plaintif mi-brouillon, entre Bert Jansch et Donovan, sa verve poétique, et son jeu de guitare qui doit beaucoup au picking ("Blackpool") vont rapidement devenir les éléments prépondérants qui identifieront le monde musical de Roy Harper. Excepté "Mr.Station Master" et "Committed", clairement psychédéliques dans l'esprit, propulsés par une rythmique beat, son orgue et sa guitare, ou encore le délire du titre bonus "Hup Hup Spiral", "The Sophisticated Beggar" ne s'embarasse que très rarement d'effets studio divers (bandes à l'envers, écho) ; juste la dose nécessaire pour agrémenter d'un peu de fantaisie ce parcours autrement linéaire, comme si la douce folie de Syd Barrett venait se frotter à la mélancolie de Nick Drake. Note : 4/6 Page 63/107 HARPER (Roy) : Come Out Fighting Ghengis Smith Chronique réalisée par Hellman Columbia, qui à l'époque faisait encore son boulot avec un minimum de sérieux, repéra le jeune prodige Roy Harper, et décida ainsi de lui donner sa chance. C'est donc en grande pompe que Harper débarque sur la maison de disque de Dylan. "Freak Street" laisse tout de suite entendre l'ampleur des moyens engagés mais aussi l'ambition qui, indirectement, en découlent : sur une mélodie qui emprunte ses variations sur les raga indiens, le morceau jouit de l'apport d'un ensemble de cordes subtilement mis en retrait pour mieux se faire remarquer. Autre fait marquant, Harper bénéficiera tout au long de cette session de la présence d'un batteur attitré en la personne de Laurie Allan (Delivery), présent sur une grande majorité des titres de l'album. Son jeu percussif d'adapte sans problèmes aux différents morceaux, caressant les peaux de ses balais, ou jouant du tambourin quand l'occasion se présente. C'est Shel Talmy que Columbia choisit pour produire le disque. Le parcours du producteur américain (The Who, The Kinks, The Easybeats) laisse entendre que le label mise beaucoup sur cette nouvelle recrue. Tel est pris qui croyait prendre : l'ampleur de l'enjeu, exécuté avec trop d'empressement si on en croit les propos du principal intéressé, ne semble pas impressionner Harper qui, lui, comprend bien qu'il a là une occasion en or pour s'essayer à de nouvelles choses. La seconde face du disque en est l'illustre exemple puisque Harper s'essaye pour la première fois aux longues expositions. Sur "Circle" d'abord, dix minutes, puis la plage titulaire, "Come Out Fighting Ghengis Smith", à une minute près son cadet. Ces essais, ratés en raison de constructions alambiquées et sans cohérence propre, démontrent déjà néanmoins l'intention que possède l'artiste de vouloir explorer d'autres façons de concevoir sa musique, en la confrontant à des formes ou des styles qui pourraient lui apporter une nouvelle dimension. Ce n'est que partie remise. Note : 3/6 Page 64/107 HARPER (Roy) : Folkjokeopus Chronique réalisée par Hellman Le très mitigé en terme de résultats concrets "Come Out Fighting Ghengis Smith" pousse plus rapidement que prévu Harper à la porte de sa maison de disque. C'est Liberty qui accueille le tandem Talmy/Harper à la réalisation de "Folkjokeopus", troisième album du songwriter britannique. On peut déjà le dire : le passage sur Liberty pour Harper sera tout aussi expéditif. Un album, et puis s'en va. Mais à la différence de "Come Out Fighting Ghengis Smith", "Folkjokeopus" négocie brillament sa soif de diversité, rendant l'album pertinent dans ses approches tout en nuances, passionnant dans ses digressions. Et dommage pour Liberty s'ils ne s'en soit pas rendu compte ... Les arrangements dont jouit l'album viennent véritablement en servir les compositions. L'album s'ouvre sur des titres à l'orientation clairement pop, "Sgt.Sunshine" et "She's The One", secondé par la vocaliste Jane Scrivener et les talents d'un réel groupe comportant dans ses rangs piano, basse et batterie. Puis l'album emprunte les chemins de Katmandou avec l'orientalisant "In The Time of Water". On frôle le mysticisme sur "Composer of Life", sa harpe, ses flûtes et sa voix haut perchée comme si nous étions à l'entrée du paradis. Un paradis qui prend forme sur le fabuleux "One for All", pièce quasi instrumentale de toute beauté, jouée seul à la guitare acoustique et qui nous ballade pendant plus de huit minutes à travers des paysages tourmentés. Après une petite pause ("Exercising Some Control") dans cet esprit loufoque si cher à la culture britannique, l'album repart de plus belle avec l'imposant "McGoohan's Blues" : en se reposant sur la mythologie engendrée par le feuilleton "The Prisoner", ce titre hanté pendant plus de quinze minutes par la guitare sèche prend des allures de protest song, de pamphlet ouvertement allumé contre le système, quelque part entre le "Working Class Hero" de Lennon et le Peter Hammill en solitaire. Ainsi, "Folkjokeopus" est le premier disque de Roy Harper à donner du sens à l'aura mystérieuse qui entoure l'artiste. Note : 5/6 Page 65/107 HARPER (Roy) : Flat Baroque and Berserk Chronique réalisée par Hellman Introduit par certains membres de Pink Floyd aux grands pontes de EMI, c'est assez logiquement que Harper se trouve une place de choix dans le catalogue Harvest, inaugurant ainsi une riche collaboration qui s'étalera sur toute une décennie en compagnie de Peter Jenner, nouveau producteur officiellement attitré, et qui suivra fidèlement Harper depuis ce "Flat Baroque and Berserk" jusqu'à l'ultime "The Unknown Soldier" en 1980. Très vite, on s'aperçoit que l'album tâche au mieux de recoller aux origines de la légende Harper, celui du tout premier "Sophisticated Beggar", favorisant l'approche du tout acoustique pour se focaliser sur ce qui fait la force de l'artiste ; ses textes. Dans la plantureuse discographie de Roy Harper, "Flat Baroque and Berserk" restera avant tout comme l'album sur lequel figure le féroce "I Hate White Man" et ses paroles coup de massue où pointent amertume et ironie : "And I Hate The Whiteman / In His Doctrinaire Abuse / Oh I Hate The Whiteman / And The Man Who Turned You All Loose ...". Enregistré dans les conditions du live, son interprétation en est d'autant plus poignante, le public présent à ce moment-là ne s'y trompe pas. Toute la première face possède ce même caractère introverti et tendu à la fois qui vous laissent la mâchoire serrée. La seconde poursuivra dans le même esprit, en faisant toutefois deux entorses à la règle ; il y a tout d'abord, pour l'ouvrir, la superbe ballade "Another Day" que les amateurs de This Mortal Coil reconnaîtront peut-être, et ensuite "Hell's Angel" qui vient refermer le disque sur une note aussi impromptue qu'ouvertement énergique et qui voit Harper accompagné par The Nice, pourtant non crédités à l'origine ! Cette dernière chanson vaut surtout pour le contraste qu'elle impose ; si l'anecdote est amusante, on est en droit de se demander ce que sa présence apporte véritablement à l'ensemble qui, vous l'aurez compris, joue dans une toute autre catégorie, celle d'un spleen élégamment entretenu. Note : 4/6 Page 66/107 HARPER (Roy) : Stormcock Chronique réalisée par Hellman Plus le temps passe, plus "Stormcock" prend de la bouteille, et plus il en impose. C'est définitivement un album à redécouvrir, une de ces oeuvres personnelles qui résonnent comme un de ces lointains souvenirs qu'on a bien failli oublier à tout jamais, dominés par d'autres plus clinquants. C'est que l'époque est fertile et le nombre de créations dignes d'intérêt vraiment important. Le registre de Roy Harper s'écartant quand même de manière assez radicale de nos préoccupations habituelles, pas étonnant que "Stormcock" ou son auteur soient pour nous de véritables énigmes. Que ce soit pour "Come Out Fighting Ghengis Smith", "Folkjokeopus" ou encore "Flat Baroque and Berserk", Harper nous a montré à chaque fois qu'il était viscéralement attiré par les formes d'expositions les plus longues. Mieux encore : avec le temps, il a su nous prouver qu'il pouvait gérer ce genre de tentatives casse-gueule sans devenir ennuyeux ou redondant. Sur "Stormcock", mis en confiance par un producteur qui sait comment au mieux servir sa musique (il l'a prouvé sur son prédécesseur) et des conditions d'enregistrement en tous points optimales (le studio Abbey Road), Harper va donner le meilleur de lui-même pour ainsi aboutir à la réalisation de son album le plus ambitieux de toute sa carrière, articulé autour de quatre longues plages, entre sept et quatorze minutes chacune ! Comme de coutume, le décor ne s'embarasse d'aucun artifice : seules la voix et la guitare de Harper dominent ce monde décharné où ses accords et ses clameurs claquent comme la vindicte de la fatalité. "Me and My Woman", rehaussé des arrangements orchestrés par David Beford qui viennent cisailler le titre dans son parcours, ou "The Same Old Rock", qui se transforme à mi-chemin en débauche guitaristique assurée par un Jimmy Page qui, pour des raisons de droits, se fait alors appeler Flavius Mercurius, sont les deux moments clefs d'un album réellement habité et touché par la grâce. Note : 5/6 Page 67/107 CURRENT 93 / HÖH : Island Chronique réalisée par Twilight 'Island' est le fruit de la collaboration entre David Tibet, lors de son séjour en Islande, avec divers artistes locaux; HÖH bien évidemment qui signe la plupart des mélodies mais aussi God Krist (K.U.K.L.), Björk (comment séjourner dans l'île sans enregistrer avec elle ?), Thór Eldon Jonsson (Sugarcubes), Einar Örn benediktsson (Purrkur Pilnikk, K.U.K.L. et The Sugarcubes)...Sans oublier quelques collaborateurs habituels de Current 93 tels que Rose McDowall, Joolie Wood. Pas besoin d'avoir visité l'Islande pour apprécier ce petit chef-d'oeuvre mais pour ceux qui l'ont fait, il prendra indéniablement une couleur différente. A première écoute, les qualificatifs de 'paisible', 'mystique', 'triste' viennent aux lèvres...Triste ? C'est encore autre chose, ce sentiment d'espace infini, ce ciel aux teintes si particulières, crépuscule sans fin durant l'été, grisaille durant l'hiver...C'en est presque effrayant mais merveilleusement rassurant à la fois. 'Island' est rythmé par des percussions tranquilles, des nappes de synthé, des tintements de clochettes, quelques pincements de corde lointains tandis que la voix de David semble flotter dans une dimension entre deux mondes ('Anyway people die', 'Laments for my Suzanne'); même le classique 'Fields of rape' est ici transfiguré. J'aimerais pouvoir ici arrêter la chronique mais hélas voici qu'en piste 9 apparaît une nouvelle version de 'Crowleymass' très orientée new wave 80's qui brise d'un coup cette quasi transe dans laquelle nous avait plongés les compositions. Et ça ne s'arrête pas ainsi, 'Paperback honey' est typique d'un certain humour 93 avec ses orchestrations variété. 'Falls of Christopher Robin' se rapproche du côté sombre et mordant des débuts, exception faite des mélodies plus synthétiques. 'Fields of rape and smoke' renoue avec les atmosphères mystiques de la première partie du disque avec notamment récitation en islandais par Einar Örn, avant la mélancolie de 'Merry-go-round and around' en parfait final de cette incursion en terre (tête ?) étrangère. J'enrage, ce disque frisait le sans-faute, pourquoi ces trois titres totalement hors de propos au milieu de cette poésie musicale aussi belle et infinie que le ciel sous lequel elle a été enregistrée ? Note : 5/6 Page 68/107 DIE FORM : Bach Project Chronique réalisée par Wotzenknecht Les mélanges contre-nature, ça fait toujours débat et c'est tant mieux. Bach Project est l'essai qui tombe à point nommé pour raviver un peu certaines questions ; j'aurais eu de quoi faire une thèse rien que sur le remake de la célébrissime tocate 'BWV 565-2' si mon directeur me l'avait demandé au lieu de me virer de l'école. Les faits, d'abord : après Laibach, le festival de Leipzig dédié à Bach a commandé à Die Form son interprétation des oeuvres du maître avec pour seule contrainte que les partitions soient reconnaissables à l'oreille, et ce afin d'accompagner un spectacle musical approprié ; du reste : carte blanche. Le résultat : une récupération large d'oeuvres pour piano, d'arias, de sonates, de cantates, pièces individuelles ou tirées de symphonies dans une version électronique froide mais loin d'être macabre, lisse mais pas neutre, psychorigide mais pas cadavérique, sensible mais pas emportée. Une retenue élégante autour d'une appropriation discrète mais manifeste – des bidouillages supplémentaires, des rythmiques technoïdes, et toujours cette approche électronique inhumaine accompagnée de la voix souple mais volontairement impassible d'Eliane. Maintenant, deux points de vue. Soit on est un goth et on s'extasie – car le goth est comme un chat : farouche mais prévisible – du packaging superbe, de la complexité rare des arrangements néoclassiques de Philippe Fichot, de la grâce absolue du résultat tout réservé qu'il soit au milieu d'une discographie qui le considérera comme un cousin étrange. Ou bien on est un partisan de la “grande musique”, ho ho, et l'on s'insurgera de l'hérésie proférée ici, tout hérétiques que furent Jacques Loussier, Pierre Henry et Wendy Carlos en leurs temps en y voyant qu'un abominable simulacre aseptisé d'une musique à l'origine riche et profonde. Oui mais voilà, le monde n'est pas tout noir ou tout blanc. Et Jean-Sébastien Bach, tout humain qu'il était, n'en était pas moins méthodique dans son écriture. Méthodique jusqu'à épuiser parfois un processus de développement systématique que les romantiques s'empresseront d'oublier. Et en cela, il n'est pas si éloigné de la rigidité négationniste de Die Form. Ces derniers exhortent le vivant par son inversion, montrent l'homme sous la machine et la machine sous l'homme, le corps dieformé jusqu'à devenir poupée de désir, allégorie systémique d'un monde se résumant à un livre de mathématiques. Mais les mathématiques sont aussi affaire d'érotisme. Leur complexité refait surgir la beauté soudaine du vivant, le mystère divin, la simplicité d'un monde qui fonctionne, d'un art cinétique total. Et c'est bien là que Die Form a tout bon. Il ne fait pas du goth, pas plus que du Bach – il fait tout bonnement du Die Form. Philippe Fichot a commencé à jouer aux poupées avec la psyché humaine en 1977 avec 'Zoophilic Lolita', et ça n'est pas le plus grand compositeur de l'Histoire occidentale qui l'empêchera de poursuivre trente années plus tard la même obsession. Il n'y a ici nulle matière à s'horrifier, pas plus à s'extasier ; ceux qui le feraient passeraient à côté de l'essentiel, comme indignes de l'indicible subtilité du jeu dévoilé ici. Bach Project ne parle que de systèmes, d'érotisme, de désir et de désindividualisation, que l'on soit vêtu de cuir ou d'étoffe. “Songe aux têtes de mort qui se ressemble toutes.” François Coppée... A méditer. Note : 5/6 Page 69/107 ALLUSTE : The Big Monster Chronique réalisée par Phaedream Après un 1ier album qui laissait entrevoir de belles possibilités, Allsute ne déçoit pas en livrant un 2ième opus encore plus alerte et vivant. The Big Monster offre 8 titres, tous élaborés avec finesse, dans une faune sonore riche où les rythmes percutent sous toutes formes et dans toutes directions, laissant toute la place aux mélodies romanesques. Un style toujours aussi Italien, si charmeur avec un synthé parfois caustique, parfois lyrique sur de superbes arrangements. Une douce intro romanesque, où flûte et chœurs errent dans un néant parfumé, ouvrent The Long Night of the Eagle. Une fine pulsation dessine un tempo lent, ceinturé de strates onctueuses et orné d’effets sonores crotales qui serpente dans un univers flûté. Lentement le titre prend forme sur des pulsations qui sautillent aléatoirement, forgeant un rythme graduel qui croise un synthé aux chœurs vaporeux et aux accords de guitares sur des percussions aux cymbales échotiques à la Jarre. Les percussions s’entrechoquent dans une tension sonore qui s’atténue vers un bref moment atmosphérique. Une batterie ouvre les valves à un séquenceur hoquetant et à une autre ligne séquencée à la mélodie hypnotique, dans une faune sonore dense. Un moment intense où nos oreilles ont peine à capter cette richesse sonore qui prend assise sur une superbe mélodie qui accroche dès les premières pulsations enclenchées. Ce superbe titre dépeint l’univers sonore de The Big Monster; séquences lourdes et aléatoires qui serpentent des structures évolutives en constantes évolutions. Comme sur The Return of the Gods, et sa lourde résonnance sonore, martelée d’accords enclumées, qui débouche vers une nébulosité atmosphérique bigarrée. Une séquence ondulante ourle en cascade, alors qu’un synthé surplombe cette structure de cerceaux aux boucles corrosives. Un titre où le rythme est nuancé par des approches séquentielles multiples, comme sur le mélodramatique Hidden Reality, Follow the Wind et la pièce titre qui flirte sur les cordes d’un western cosmique Italien, avant d’exploser avec une batterie martelante. Une belle guitare acoustique ouvre The Grand Father, suivi d’une basse ourlante qui gruge cette superbe mélodie et d’un synthé aux échos vocables. Des structures séquentielles viennent et vont, ajoutant une profondeur rythmique riche en diversité, mais sans jamais altérer la structure mélodieuse qui coule sur un synthé larmoyant et nostalgique. Un beau titre d’une douceur saisissante, tout comme le très beau Dawn of the New Day qui progresse toutefois avec plus de force. The Defeat of Morality embrasse les effluves d’un Schulze contemporain avec une séquence aux accords secs et légèrement sautillants, sur les soufflés d’une sirène solitaire. Un violoncelle métallique se moule à cette structure qui enlace différents rythmes séquencés, avant de fondre sur un synthé mordant qui s’épanouit sur une finale aux axes sonores qui permutent avec lyrisme et hypnotisme. Un autre gros morceau sur ce 2ième opus d’Alluste. Ce 2ième essai d’Alluste est définitivement plus solide et plus raffiné que l’album éponyme. Une belle réussite pleine d’effluves cosmiques qui s’harmonisent avec des chœurs discrets et des séquences étonnamment déroutantes sur un concept mélodieux très romantique. Un bien bel album de MÉ. Note : 5/6 Page 70/107 BOOTS (Ron) : Current Chronique réalisée par Phaedream Bien que Current, le 16ième album de Ron Boots, date d’une douzaine d’années, il a très bien vieilli. C’est un album percutant avec des structures rythmiques lourdes qui sont en constantes permutations. Un opus qui démontre par-dessus tout l’impact du synthésiste Hollandais sur l’évolution de la Berlin School contemporaine. Un très bon album bourré de rythmes tantôt névrotiques, tantôt hypnotiques où les harmonies se taillent une place onirique. Current (Part I) part le bal avec de brefs chuchotements intrigants. Tranquillement le titre épique installe ses assises avec un séquenceur qui sautille nerveusement, accompagné d’un discret synthé flûté. Sans perdre de temps, Ron Boots manipule les rythmes, ajoutant une ligne de basse qui farandole sèchement sur un séquenceur plus vivant et un synthé aux notes fragilement carillonnées, dessinant une mélodie captivante qui tourne autour d’une structure en constante évolution. Le tempo est lourd, surtout avec les strates enveloppantes qui enrobent cette mélodie qui se veut une semi comptine hypnotique. Subtilement, le rythme devient plus circulaire sur des séquences entrecroisées et un synthé plus lourd qui plongent dans un univers atmosphérique où tout est au ralenti et hésitant. Un univers sonore atonal, avec de magnifiques couches synthétisées, qui s’éveille sur séquenceur au galop lourd et un synthé qui sautille avec plus de force. Current (Part 1) se dirige vers un superbe Berlin School cavalant, avec de bonnes frappes de batteries et des solos qui accentuent autant la cadence rythmique que l’acuité sonore. Un très bon morceau fougueux, tout comme Below Paradise (Current Part 2) qui se veut une suite encore plus lourde, rythmée et explosive. Après une intro atmosphérique lourde et légèrement bigarrée, Ambiguity s’anime sur une ligne de basse flottante et un synthé aux cercles réverbérant, qui s’empilent sur un autre aux courts souffles spectraux. La structure s’active sur une batterie électronique qui agence une cadence semi disco aux éclats qui percutent dans un univers électronique des plus syncrétique. Alignment est notre premier rendez-vous atmosphérique. Un titre lourd se nourrit de ses réverbérations et qui peinent à cacher un synthé donc les solos percent finement cette atmosphère chargée. Sans trop s’en apercevoir, une batterie installe une cadence lascive formant un tempo sensuel. Une cadence qui gravite autour d’un synthé aux solos plus francs, feutré de chœurs discrets. Close Call démarre sec. Percussions sur séquences aux accords sautillants et clairs, Close Call s’enroule autour d’un synthé aux strates atmosphériques où d’étranges voix se multiplient derrière un rythme lent, qui accentuera constamment sa course, aux accords carillonnés sur synthé valsant. Reciprocal débute sur un orage et une ligne de basse qui souffle un tempo lent. Des notes carillonnées échappent des prismes multi sonores, sous une fine couche réverbérante, alors que le tempo se dessine sur une structure hésitante. Une cadence nerveuse, au mouvement hachuré, prisonnière d’un statisme musical quasi atonal et hypnotique sur un lointain synthé lyrique et de fines percussions épars. Un beau titre d’une douceur cosmique, qui recèle de belles sonorités cristallines sur un beau synthé étrangement nerveux. Smiles est une courte pièce énergétique au synthé ‘’siffloteur’’ et au séquenceur nerveux, idéal pour un plancher de danse. Page 71/107 Note : 5/6 Page 72/107 TANGERINE DREAM : Atem Chronique réalisée par dariev stands On peut aimer ou ne pas aimer la musique d’Edgar Froese, mais il faut reconnaître que cet homme savait peindre de sacrées pochettes. Traumatisé par Dali, il illustre ici l’ambiance de la plage titre : une respiration, une intro monumentale au mellotron, façon Indiana Jones dans le desert de Jordanie, et la vie hors du temps d’un bébé immergé dans son œuf aux couleurs surnaturelles (Jerome Froese en fait. J’m disait bien qu’il avait les bajoues d’son Vater). Le groupe s’éloigne ici progressivement du style de Zeit, double album à part, sans percus et radical… à partir de là, les formats seront raccourcis. Atem, la dernière balise avant le grand changement, est un disque dominé par le Mellotron, aux ambiances moins neutres et plus organiques. La pièce-titre en fait d’ailleurs un excellent usage ; longtemps après l’intro évoquée plus haut, elle s’achève sur une liturgie souterraine : tandis que les machines gargouillent et se lamentent comme à leur habitude, sans structure ni mélodie apparente, le mellotron crache en sourdine ce qui semble être un chœur de voix lugubre, comme un murmure caverneux, une sorte de mantra quasiment inaudible, sauf au casque… Très étrange. La face B l’est peut-être encore plus, avec ce Fauni-Gena à l’orchestration typique des BO de films SF des années 70, longue déambulation dans une forêt immobile, aux lourds rideaux de brume, et se terminant par ce qui ressemble déjà à une séquence. Pourtant les seuls rythmes présents dans cette période pré-séquenceur étaient alors des percussions. Circulation of events est encore plus inquiétant, totalement étranger après des premières notes pourtant familières et rassurantes. Le groupe est ici peut-être influencé par Cluster, qui égrenait des ambiances similaires. L’album se clot sur Wahn, où Froese et Franke pètent une durite après tout ce calme, et partent dans un début de cérémonie chamane avant le travelling arrière final sur cette planète tribale, revenant au mellotron orchestral de l’intro. Un opus qui fige le line-up classique du groupe, et la fin des intervenants extérieurs, malgré la parenthèse "Green Desert", enregistré en aout 73 sans Peter Baumann, qui ne sortira qu’en 86. Atem, lui, sera distribué par Polydor en Angleterre, grâce au nez creux de Rolf-Ulrich Kaiser (que j’appellerai dorénavant RUK), qui mettra son logo "Kosmische Musik" sur la galette, ce qui rendra furieux Edgar Froese, qui rompra pour de bon avec RUK dans la foulée. Pourtant, c’est en tombant sur ce disque que John Peel - le légendaire DJ anglais et l’un des plus infatigables découvreurs musicaux de notre siècle tombera amoureux de Tangerine Dream. Il sacralisera Atem album de l’année et le passera en boucle dans son émission (imaginez ça aujourd’hui, pour voir). Résultat : fuyant le label Ohr et la mainmise abusive de RUK, TD se retrouve accueilli à bras ouvert par Virgin (qui rééditera les premiers TD) dès 74 et vend des Phaedra par camions. Avant cela se produit un évènement peut-être plus important encore : Chris Franke acquiert à son tour un Moog 3P, le même que Fricke leur avait "prêté" (il était carrément venu jouer, ce qui se comprend vu que la complexité des réglages que nécessitait l’engin) pour Zeit. C’est celui de Mick Jagger, que le chanteur avait revendu aux ingénieurs du studio Hansa, à côté du mur de Berlin (les mêmes qu’utiliseront Bowie et Iggy Pop plus tard). Les ingénieurs, pas plus doués que Jagger pour réussir à comprendre l’imposant appareil, appelèrent Franke à la rescousse et lui demandèrent s’il pensait qu’on puisse enregistrer des tubes avec cette chose. Franke, comprenant sa chance, lança un "Laissez tomber" de derrière les fagots, et c’est à lui que revint la machine, pour une somme probablement rondelette malgré tout. Après des mois de prise de tête pour faire fonctionner le bidule, Franke découvrit un de ses nombreux modules : le séquenceur, qui permettra à la musique du groupe, qui manquait alors un peu de rythme et de structure, de gagner un squelette qui la rendra Page 73/107 bien plus accessible. The rest is history, et disponible dans l’armoire du grenier de votre papa, entre Santana et l’album à la vache. Si si, cherchez bien. Note : 3/6 Page 74/107 CLUTCH : Transnational speedway league : anthems, anecdotes, and undeniable truths Chronique réalisée par dariev stands Un groupe qui s’appelle Embrayage qui sort un album appelé ‘Transnational Speedway League’... Difficile de faire plus routier dans l’esprit. Et pourtant, Clutch n’avait vraiment rien en commun avec les Guns’n’Roses, par exemple. A l’époque beaucoup plus proches du hardcore que du blues, le groupe faisait partie des nombreux « chanceux » à s’être fait signer sur une major malgré leur musique sans concession, dans la foulée de la nirvanamania. Ils seront peut-être, avec les Melvins, ceux qui auront le plus déçu les espoirs des leur maison de disque, niveau ventes. Des Melvins que les Clutch devait admirer, d’ailleurs, puisqu’ils firent tout le chemin de leur Maryland natal jusqu’à San Francisco pour se faire produire par Jonathan Burnside, un habitué du studio avec les Melvins. La genèse de Transnational est particulière : après une première session de titres lents et très sombres, exhalant la violence désespérée et le vice, le chanteur Neil Fallon réalise que sa musique va plomber l’auditeur, or il voudrait aussi qu’on s’éclate avec sa musique. La décision est prise de retourner en studio pour graver une série de titres plus uptempo et surtout bien funs, aux paroles goguenardes, inspirées par l’environnement haut en couleur dans lequel le groupe a grandi. C’est white trash, et la gouaille de Fallon est digne du personnage de Budd dans Kill Bill. Parmi les titres de cette deuxième session, on trouve A Shogun Named Marcus, El Jefe Speaks, Walking in the great shining path of monster trucks et 12 Ounce Epilogue dont le refrain est un hommage à celui d’It’s Only Rock’n’Roll des Stones : « coca cola and armageddon, I like it, like it, yes I do ». Je vous laisse jauger l’cambouis… Qui a dit que le bon rock de cette époque ne savait pas rigoler ? Nos 4 petites frappes aux cheveux courts étaient de toute façon trop marqués par la bible belt pour faire du grunge. On est plus dans la tradition outrageusement groovante de Grand Funk et de Mountain. On retrouve donc ces quelques titres swinguant au point de faire de l’ombre à RATM période ‘Vietnow’, d’un second degré bienvenu, aux côtés de titres bien sombres et rudes comme il faut, quasiment métal comme ce Bacchanal, tendu et frustré comme du bon Nomeansno. On s’enfonce encore un peu plus avec ce Milk of Human Kindness sans pitié, où nos oreilles hachées menues par les guitares plombées et monocordes se prennent un pleine poire un texte à faire passer les cochonneries de Reznor et Marilyn Manson pour des charades de bambins. Les 4 Clutch tiennent ici à passer pour de vrais durs, des sudistes pur jus, qui préfèrent glorifier et romancer leur déchéance que de s’en plaindre… On peut penser à Eyehategod, d’autant plus quand le groupe se met à accélérer subitement, comme aux trois quarts de l’énorme Binge and Purge, ou le chanteur, après 4 minutes de paranoïa à regarder autour de lui, rôdant comme un tigre, un rugissement coincé entre les moustaches, finit par identifier le ptit con qui lui veut du mal… et là c’est le drame : “COME ON MOTHERFUCKER LET’S THROW DOWN”, “I MAKE YOU WISH THAT YOU’VE NEVER BEEN BORN” hurle-t-il… C’est la baston. Les dents vont voler, les arcades sourcilières péter. Après un tel titre, ou d’autres encore plus oppressant car très opaques comme Heirloom 13 ou Effigy, on comprend assez pourquoi Neil Fallon avait ressenti le besoin d’alléger un peu le propos. Musicalement, si l’on omet ces 4 exceptionnelles chansons « fun » en question, il n’y a rien qui dépasse : les rythmiques sont carrées, ultra dynamiques, au son 100% 90’s (basse gonflée en plus), et les guitares regardent déjà vers l’avenir : Helmet, Faith No More… Les influences 70’s qu’on trouve habituellement dans le Stoner sont absentes, ce qui tend à prouver qu’on est ici en face d’un de ces spécimens hybrides des 90’s (attention, j’ai pas dit fusion). Logique puisque le groupe se déclarait fan de Sleep, de Obsessed, tout comme de la scène Dischord. On aurait quand même souhaité un peu plus de groove cambouiesque, tant les Page 75/107 deux premières chansons foutent la banane directos. Les paroles, elles, d’une maturité stupéfiante pour un premier album, évoquent celles de Mike Patton à la même époque, en plus ‘gros bras’. Neil Fallon est un fin lettré, un samuraï du nouveau monde, mais il n’en est pas moins un redneck, comme il le rappe quasiment dans le refrain du tuant A Shogun Named Marcus (j’ai longtemps lu « A Shotgun named Marcus », ce qui n’est pas si loin de l’atmosphère white trash décrite ici). Y’avait même un clip sur MTV et un parental advisory bleu et transparent, spécialement pour eux. Si ça s’appelle pas donner d’la confiture à des cochons ! Le groupe est aujourd’hui retourné dans son anonymat, mais tient vaillamment la barre, on devrait d’ailleurs leur remettre la légion d’honneur. Je veux. Note : 5/6 Page 76/107 SLEEP : Holy mountain Chronique réalisée par dariev stands Qui, je vous le demande, qui peut résister à l’enchaînement des 3 premiers titres de cet album ci-présent ? Estomaquage et abasourdissement furent mes seuls compagnons lors de ma première écoute. Sleep fait mouche. Sleep sait exactement quels accords jouer pour dégager ce feeling plus vieux que monde, et donner l’impression que leur musique revient des ages farouches. Ces mecs ne sont pas là pour tâtonner, ils ont une mission à accomplir. Dragonaut pourrait à elle seule justifer l’achat de l’album, et une note rondelette pour cette chronique. C’est un des plus grands morceaux cultes du Stoner, gravé dans le marbre, sorti de terre sous cette forme parfaite (si l’on omet ce solo de guitare final, faute de goût dans un tel contexte entièrement dévoué au groove gras et épais comme une peau de dragon). Les paroles émanent directement d’une infusion à base de LSD de trop d’heures passées à jouer à Donjons & Dragons à la lueur orange et bleue d’une lava lamp défectueuse. "Ride the dragon mmgneuh crimson gn’eeeeeeeyyyyeeee". Ouais mec, fais tourner, as-t-on envie de lui répondre benoîtement. Mais on ne peut pas. On est bien trop occupé à hocher du buste en rythme, un sourire idiot rivé sur le visage. Pourtant, en cette très grunge année 92, personne n’écoute encore du stoner. Et pour cause, le mot n’est pas encore utilisé. C’est avec une petite longueur d’avance sur les grands frères du genre, Kyuss - au patronyme tout aussi inspiré de donjons & dragons que le sont les lyrics hilarants de Sleep – que Sleep sort ce Holy Mountain, au beau milieu d’une déferlante made in Seattle qui n’a que faire de leurs tempos lents et de leur chant étouffé, comme celui d’une grenouille au fond d’une baignoire. Mais les artisans de ces genres maudits (Stoner, Doom, Sludge…) ont à l’époque l’habitude de n’exister qu’en marge des musiques lourdes, comme si leur tempos lourds et leurs taux de graisse déraisonnable faisaient d’eux des lépreux, des malformés du genre. Et ce n’est pas avec des disques comme celui-ci, d’une orthodoxie absolue, que le vent médiatique allait tourner. L’album souffre d’ailleurs de sa longueur sur une face 2 nettement inférieure à la première (à partir de la plage titre). Une fois qu’on a compris qu’on rêvait pas, qu’ils étaient vraiment capables de jouer ce groove hors des ages, les répétitions hypnotiques du groupe, qui ne savait alors pas quoi en faire (les expériences Jerusalem/Dopesmoker et Om allaient proposer des solutions radicales) sont un peu lourdes, dans le bon (heavy) et mauvais (littéral) sens du terme. Il faut dire qu’à l’image de Wretch de Kyuss, autre album fondateur du stoner, ce Holy Mountain n’était à la base qu’une grosse démo, dont Earache, subjugué par la nouveauté du truc, a voulu faire un album… On savoure néanmoins toujours ces cymbales délicieuses (seuls sonorités "aigues" ou presque, en fait), et cette basse incroyablement mélodique, raclant les graves extrêmes sur la fin de la chanson titre, qui avec le plus varié From Beyond, dévoile l’attirance du groupe pour les formats longs et immersifs. Cette fois, les solos ne sont pas de trop, sur ce titre stratosphérique et 70’s à souhait. Et sur Inside The Sun, c’est compressés dans une capsule spatiale d’urgence qu’on les imagine, le regard et la voix figés en une expression de terreur, fuyant un soleil qui aurait manqué de peu de les engloutir… Ce n’est plus du tout les joyeux orcs dansant la gigue du début. Une musique qu’on imagine bien servir de bande-son à la lecture d’une vieille bd SF millésimée de Druillet ou Enki Bilal. Seul regret à avoir : que le son n’ait pas plus été à la hauteur de l’ambiance. Pas de Chris Goss à l’horizon ici, et on imagine qu’enregistrer des instruments accordés si bas devait être relativement nouveau à l’époque… La suite les verra abandonner définitivement le format chanson, ce qui rend ce disque d’autant plus précieux. Page 77/107 Note : 4/6 Page 78/107 KYUSS : Welcome to the Sky Valley Chronique réalisée par dariev stands En fait, Welcome to the sky valley ne s’appelle pas vraiment Welcome to the sky valley. Et encore moins « Sky Valley » tout court. Kyuss l’avait vu comme un album éponyme, histoire de le marquer du sceau du « c’est notre meilleur album, on en a conscience et on en est fiers, ils nous représente ». Mais le public en avait décidé autrement et c’est très bien ainsi. Chroniquer un tel objet s’avère extrêmement difficile. Mettre des mots sur cette musique ne paraît pas la chose la plus naturelle à faire à son écoute (j’ai d’ailleurs épuisé toutes les formes de headbanging de salon possibles avant de m’atteler à la tâche). J’ai pensé à une chronique-trip qui mettrait en scène Blondin, Tuco et Sentenza qui viendrait chacun décrire l’un des 3 mouvements de cet album… Car Sky Valley est une cathédrale, bâtie sur trois piliers gigantesques, absorbant chacun plusieurs chansons en tout cohérent, organique, possédant un début façon démarrage en burn, un suspens méditatif et une explosion libératrice (sauf le dernier, qui explose en permanence, toujours plus haut, toujours plus cool). Le premier mouvement s’ouvre sur un riff grand et gros comme l’Ayers Rock, qui nous asphyxie instantanément dans un caldarium de guitares généreuses qui ronronnent comme des réacteurs de fusée et de basses subsoniques qui font trembler la terre. Nuées de skunk, cactus globuleux, hallucinations toxiques… Gardenia est une terre inconnue, comme quand Tintin pose le pied sur cette île aux champignons géants dans ‘L’étoile mystérieuse’. “push it over baybayyyyyyyyy, makin’ luuuuuuuuuuv to you !!”, bouillonne Garcia, nullement perturbé par ces mirages. Quel chemin parcouru depuis Blues for the red sun ! Les structures sont démultipliées, les solos et les ponts psychédéliques aussi, et l’inventivité mélodique (jamais évidente au premier abord avec eux) du groupe a tout simplement explosé, permettant aux ornements 70’s tissés par Josh Homme de croiser le fer avec des assauts métal qui débarquent sans crier gare, puis qui refusent de s’arrêter sur Supa Scoopa and Mighty Scoop (par ici le titre qui tue). Les 4 hommes (sans jeux de mots) se font plaisir, et à nous aussi. Le deuxième mouvement monte d’un cran : les titres s’enchaînent encore plus organiquement ; Space Cadet est peut-être le plus beau morceau du groupe, et sans doute l’une des plus belles chansons jamais enregistrées, comme le rêve d’un crâne de buffle desséché dans sa poussière, un beau soir, tout seul sous le ciel bleu marine. Une ballade psychédélique, satellite de la Planet Caravan de Black Sabbath, découvert en 94 grâce au télescope Kyuss, mais si vous voulez mon avis, il s’écoulera un moment avant d’en trouver un autre. On passe des pionniers aux orfèvres futuristes avec Demon Cleaner, single de l’album au clip ravageur, qui laisse pantois devant la nouvelle orientation vocale de Garcia (plus proche de ce que fera Homme dans les Queens), et surtout devant cette modernité totale, qui inspirera Tool au point de reprendre le titre sur scène plusieurs fois. Le son de Chris Goss est énorme, en avance de 10 ans, bien plus abouti que sur les albums précédents. Quant au morceau, il semble provenir d’une autre dimension, comme si Kyuss avait une face cachée qu’on n’avait jamais vu jusqu’ici. Le mouvement III nous achève dans un sprint final qui pourrait bien constituer l’acmé de l’œuvre de Kyuss. Chacun des 4 titres est un classique définitif du Stoner, ou plutôt du desert rock, car ‘stoner’ est un terme inventé à posteriori qu’Homme et les autres ont toujours rejeté. La musique de Kyuss n’est pas seulement imbibée de la sueur du désert, elle EST le désert. Et cette salve finale ne peut que vous en convaincre. ‘I live my life alooooooooone... never going hoooooome...’ Que puis-je dire d’autre ? A l’instant où Garcia profère ces paroles de sa voix de biker fier comme un roitelet, on sait déjà que Welcome to the sky valley va nous accompagner toute notre vie. On s’y croit, tout comme lui, au volant d’une Page 79/107 harley millésimée, soulevant des rideaux de poussière de sable de 10 mètres de haut dans notre sillage, libéré de toute loi et de toute contrainte. Pour ceux qui auraient du mal à saisir l’esprit, bien particulier, de ce groupe unique, jetez un œil aux témoignages vidéo des « generator parties » organisées par le groupe dans le désert (en gros, une cinquantaine de chevelus se donne rendez-vous au beau milieu du désert californien, avec binouzes et instruments, et ‘branche le groupe électrogène, baby, VRRRROAAAAAAAAAAMMMMMMM’). Si après ça, vous ne pigez toujours pas, secouez vos cheveux. Shake your hair, motherfuckers. L’Homme et le Gosse ont accouché d’un classique du rock’n’roll, au même titre que Led Zep 4 et que le premier Black Sab… Certainement pas indispensable… OBLIGATOIRE. Note : 6/6 Page 80/107 CHRISTIAN DEATH : Skeleton kiss Chronique réalisée par Twilight Dans la liste des objets destinés aux fans uniquement, citons ce maxi. Rozz alors en grand besoin d'argent a signé chez Cleopatra qui souhaitait qu'il réenregistre ses anciens titres, ce qui débouchera sur 'Iron Mask'. Pour ne pas perdre le filon, nous voici dans la foulée avec ce mini (trop souvent vendu au prix d'un album, là est l'arnaque) présentant, nous dit-on, des version remixées de morceaux présents sur l'album (merci, on s'en serait pas douté), soit deux déclinaisons de 'Skeleton kiss' ainsi que 'Spiritual cramp' et 'Resurrection' (ce dernier en concert)...Ok, de très bonnes chansons mais dans des mixes totalement inutiles; on se demande bien ce que l'édition 'Alternate death' avec les guitares coupées apporte de plus à l'édifice. Quant à 'Resurrection', elle a été fournie sans cesse sur tous les live sortis par le label américain, jusqu'à l'écoeurement, c'est dire si on l'écoute distraitement bien que le son soit correct et l'interprétation hantée à souhait. Un objet de fans à se procurer d'occasion éventuellement mais par pitié, ne le payez pas au prix d'un album ! Note : 2/6 Page 81/107 SIOUXSIE AND THE BANSHEES : Superstition Chronique réalisée par Twilight Qu'il vient tardivement celui-là...Forcément, c'est l'album des Banshees que j'apprécie le moins et je viens seulement de l'acquérir pour une bouchée de pain, ce qu'il vaut à mon humble avis. Bon, même un mauvais disque de la Sioux est meilleur que...Oui, mais est-il donc si mauvais ? Non, pas tant que ça en réalité, c'est de la pop et de la bonne d'un point de vue strictement musical. Même une kitscherie comme 'Kiss them for me' a la saveur et les arrangements d'un film made in Bollywood (l'usage des percussions et de la cithare, la touche bhangra des choeurs probablement). Le premier point qui me hérisse un brin, ce sont ces fichus claviers trop légers dans leurs sonorités et leurs mélodies ('Silly thing', 'Fear of the unknown'); ça sonne commercial tout ça et je trouve que même le groupe n'y met pas des tonnes de conviction même si Budgie martèle ses peaux comme un dieu, même si la production est impeccable et que Madame Siouxsie chante toujours aussi bien. Où est le frisson alors ? Pas dans le refrain convenu de 'Fear of the unknown', ni le groove luxuriant de 'Kiss them for me', la banalité de 'Shadowtime', ni même dans les belles tentatives post new wave que sont 'Silver waterfalls' ou 'The Ghost in you'. Et pourtant, il n'existe pas de mauvais album de Siouxsie and the Banshees disais-je...Car nous avons la mélancolie délicate et nocturne de 'Drifter', le désespoir effacé de 'Little sister', sans oublier un 'Softly' qui se pose comme un murmure dans les oreilles. A ce jeu-là, Siouxsie s'est toujours montrée imbattable et elle le prouve. D'ailleurs, comment détester la mélodie de 'Silly thing' quand elle est portée par sa voix ? Les Cure ont eu 'Wild mood swing', les Banshees auront eu 'Superstition' qui est mieux. Pas facile de cracher du venin sur une formation pareille. 3,5/6 Note : 3/6 Page 82/107 SIOUXSIE AND THE BANSHEES : Break up Chronique réalisée par Twilight Ce pirate est constitué de plusieurs parties. La première concerne les sept premiers morceaux qui proviennent d'un enregistrement live à Coventry en 1981; part belle est donc faite aux compositions issues de 'Ju-Ju', exception faite de 'Red light', 'Christine' et 'Eve white Eve black' mal nommée ici 'Son of a bitch'. Le son est très correct, l'interprétation bien pêchue, nous sommes dans la période sombre du combo. Suit une face B, 'Supernatural thing' capturée à Tuil (?!? S'agit-il de la petite localité des Pays-Bas ?), c'est dire si c'est un plus de ce bootleg. Là aussi, bon son. Il n'en va pas de même pour 'Tenant' à Paris où les conditions sont nettement moins réussies; il faut un effort pour reconnaître la chanson, ce qui est bien dommage vu qu'il ne s'agit pas forcément d'un classique des Banshees sur scène. Les pistes suivantes sont indiquées comme 'démos' sans autre explication...En tous cas, le son n'est pas terrible sur 'Make up to break up', 'Carcass', 'Love in a void' mais le feeling plutôt punky. Plus tardifs, les derniers titres bénéficient d'une meilleure qualité d'enregistrement mais ne diffèrent pas foncièrement des versions sur album, sauf peut-être 'Green finger'. L'un dans l'autre, ce bootleg n'est donc pas dénué d'intérêt, sans réel inédit mais avec des titres peu courants, qui plus est avec un son correct. Note : 4/6 Page 83/107 CHRISTABEL DREAMS : Christabel dreams Chronique réalisée par Twilight J'avais connu les formations italiennes plus déchirées; au contraire, les compositions de Christabel dreams semblent empreintes d'une assurance tranquille. S'il émane d'elles une forme de tristesse qu'on trouve dans la cold wave, elles dégagent également une force organique plus typique du post punk, notamment de par une rythmique roulante. On les croirait presque tranquilles, ces quatre chansons, et pourtant derrière ce masque, on sent bien la blessure mais pas celle qui s'apitoie, celle qui relève la tête et plonge son regard au plus profond de l'horizon. Le chant de Christian Gatti y est pour beaucoup dans cette impression de force, les guitares assurant la touche un peu froide du son tandis que la basse bétonne le fond. Pas mal du tout pour un premier essai, on sent que les structures ont été soigneusement travaillés sans perdre une forme d'immédiateté. Ce disque est pourtant de ceux qui sont assez riches pour mériter plusieurs écoutes; pas de tube immédiat mais des chansons profondes ('Candles light') qui ne se dévoilent vraiment qu'à qui veut bien les découvrir. Note : 4/6 Page 84/107 COMPILATIONS - TRIBUTE ALBUMS : Alternative Tentacles Records – Virus 100 Chronique réalisée par dariev stands Tenir un tel objet, sobre et classe, entre les mains, c’est tenir un vrai morceau d’histoire. Le coup de la compil pour fêter la centième référence d’un label, on le connaît, c’est plus où moins un classique inévitable. Mais quand il s’agit d’Alternative Tentacles, l’un des plus grands label indés américains, on tend l’oreille. L’idée est ici de proposer à divers groupes fans d’Alternative Tentacles d’enregistrer une reprise de leur choix des Dead Kennedys, dont le chanteur, Jello Biafra, n’était autre que le co-fondateur du label. Le tout regroupé malgré tout sous le sceau de la fameuse chauve-souris, entre imagerie batcave et l’aigle des ramones. Attention : il s’agit ici bien d’un tribute et non d’une compilation 100% made in Alternative Tentacles, puisque plusieurs artistes figurant ici n’ont jamais été signé sur le label. Ce qui en fait donc l’un des meilleurs tributes au monde, sous ses dehors de compil bête et méchante. Une fois ces précisions apportées, on peut grossièrement classer ces reprises en 3 catégories : les punky qui envoient sec quoi qu’il arrive : L7, Thugs (merveille de punk day-glo, coloré et mélodique dans le sens noble du terme), Steel Pole Bath Tub, Sister Double Happiness, et les méchantes claquasses en ouverture que sont les Didjits et Evan Johns, qui joue de la guitare, du saxo et chante en même temps (« recorded totally live » d’après la pochette, qui ne manque pas de blagues). Ces deux dernières étant franchement GICLATOIRES. Viennent ensuite les reprises totally metal, avec Napalm Death et Sepultura... et puis, enfin, les autres. Les Ovnis. FNM, Neurosis, qui fait – ça vous étonne ? – du Neurosis, Nomeansno, qui surprend avec sa version a cappella, visiblement enregistrée avant toutes les autres à toute vitesse (ils seront remplacés au pied levé par Victims Family, dans le même style), les Disposable Heroes of Hiphoprisy, Kramer (c’est quoi c’truc ?) et enfin Mojo Nixon, qui envoie du country-punk, genre qu’on imaginait pas trouver ici ! Les femmes sont à l’honneur avec Alice Donut et L7, auteurs de versions quasiment ultimes, L7 pour une jouissance pogotante instantanée (meilleure performance purement punk de tout le skeud), et Alice Donut pour la déjante complète, défonce terminale et outro décalée à la Bungle... En parlant d’eux, on à droit à une autre version de Let’s lynch the landlord, celle, complètement loungey (avec l’accordéon de dédé en guest) de Faith No More, où Patton travestit sa voix jusqu’à la rendre méconnaissable, comme souvent. On apprend sur la pochette que « Jim Martin does not appear courtesy of big part music », ce qui en dit long sur l’ambiance qui régnait déjà dans le groupe… Mettons fin au suspens insoutenable : qui donc a eu l’honneur de violenter le tube sacré California Über Alles ? Eh bien comme chez Alternative Tentacles on aime l’anticonformisme, c’est un groupe de rap qui s’y colle ! Les Disposable Heroes of Hiphoprisy, menés par Michael Franti, s’en sortent pas trop mal, façon Public Enemy, en usant du sampler et sans se faire chier à coller à l’original. Bon choix. Sister Double Happiness hérite d’un Holiday in Cambodia qui nous achève après cette succession de réussites éclatantes. En gros, à moins de détester sévèrement les Dead Kennedys ou tous les styles présents ici (ça ferait beaucoup), vous trouverez forcément votre compte sur ce tribute. Mais vous me direz, Alice Donut, Steel Pole Bath Tub, Disposable Heroes of Hipoprisy, L7, Victims Family... autant de groupes qui ont l’air d’envoyer leur maman et absents du site... La chose ne saurait rester trop longtemps ainsi sans être réparée, soyez-en sur... Aussi je retourne au turbin, ragaillardi par cette compile à la fraîcheur manifeste. Aussi fraîche que mon exemplaire est décrépi (la pochette du moins). Ça prouve qu’il a servi, et qu’on ne s’en lasse pas ! (… punaise j’ai failli mettre 6 à un tribute moi, j’ai eu chaud) Page 85/107 Note : 5/6 Page 86/107 ROACH (Steve) : Dynamic Stillness Chronique réalisée par Phaedream L’immobilisme dynamique. C’est tout un tour de force que de créer une telle illusion sonore qui coule comme lourde rêverie. Cet album, Steve Roach l’a mûri au cours des 3 dernières années, au cours desquelles il a aussi réalisé des albums plus percutant. C’est aussi une quête du silence qui se transmet par des ondes sonores atonales, qui sont légèrement en mouvement, personnifiant la force tranquille par l’errance d’un esprit repentant. Nous sommes dans les terroirs de Structures from Silence et A Deeper Silence, mais avec plus de lourdeur, plus de chagrin et plus de nostalgie. Une lourde ondée musicale accentue un mouvement sombre en ouverture de Birth of Still Places. Un monde de réverbérations sonores qui roucoule lentement mais avec une force sonore, comme une hypnose cérébrale. Puissante, mais langoureusement lente, la structure musicale se déploie comme un gros serpent charmeur, prêt à vous happer pour le sommeil, sur une longiligne pièce musicale de près de 61 minutes, divisée en 2 actes soporifiques, mais doucement éthérée; Birth of Still Places et Long Tide. De puissant, le mouvement s’atténue doucement, comme si le sommeil s’emparait de nous. A Darker Light ouvre sur une structure moins tempétueuse, comme un doux vent chaud qui caresse notre ouïe. Un doux vent qui se poursuit sur Opening Sky. Le CD2 ouvre avec la même ‘’chloromorphomité’’ que le CD1 se termine. Nature of Things est un long couloir aux ondes finement oscillantes qui gravitent dans un cosmos sombre, laissant filtrer des chœurs errants. Un voyage cosmique, comme si nous y étions. Toujours dans le confort douillet de l’immobilisme, Further Inside coule doucement, comme des boucles enchanteresses qui voudraient former une cadence invisible. Un long morceau où le rythme tente de jaillir, retenu qu’il est par une force intérieure que Roach contrôle avec l’aide de ses synthés. Une quête mélodramatique qui encourage plus la rêverie nostalgique, que la méditation qui se rattache à Slowly Revealed. Un titre plus doux et plus romanesque avec ses délicieux effluves de tranquillité qui voguent sur une mer harmonieuse avec ses fines ondulations enchanteresses. On ne s’en lasse pas, tant le mouvement coule avec une étrange mélodie soufflée par un romantisme obscur, où filtrent de subtiles essences flûtées dans une ambiance spectrale. Canyon Stillness dépeint la force créatrice de Steve Roach. Ici, comme tout au long de Dynamic Stillness, Roach forge sa musique avec un doigté inouïe pour ses structures nominatives. Tout au long de cette pièce de 23 minutes, on sent les vents sifflés au travers les sillons imparfaits des canyons du désert Roachien. Un désert aux milles facettes utopiques qui bercent les illusions créatrices de Steve Roach. Dynamic Stillness est un puissant album flottant, bourré d’émotions et de sensibilité d’un artiste en constante quête d’un idéal spirituel. Très beau et surtout très sincère. Du Roach à son meilleur. Note : 5/6 Page 87/107 WU-TANG CLAN : Enter the wu-tang (36 chambers) Chronique réalisée par dariev stands Comparer le mouvement de l’air généré par la langue lors d’un rap à un style de combat au sabre, il fallait oser. Et encore plus d’arriver avec un véritable nouveau style vocal. 36 Chambers et 9 MC’s. Certains ont fait de la cabane, tous ont de sales histoires à raconter, comme RZA, le metteur en son, dont le frère s’est fait buter (Raconté dans Tearz). La volonté derrière la concrétisation du projet Wu-Tang (qui, comme GZA se tue à le répéter, s’est élaboré sur le long terme, fusse-t-il peut-être à 3h du mat sous méthédrine dans une cage d’escalier) vient de là : 9 types qui veulent se sortir de la merde et des trafics pour de bon, certains y ayant déjà laissé des neurones (le phénomène ODB, clown mais aussi Illest Motherfucker de la bande). Le déclic ? Le procès pour meurtre de RZA, dont il sera acquitté. Plutôt que de se cotiser pour payer la caution, les neuf durs à cuire mettront chacun 100 dollars pour payer le studio. RZA a un plan. Il décroche un contrat unique, en or massif, avec Loud (MCA) : chacun des 9 membres peut sortir des albums solos sous d’autres labels, clause dont ils useront et abuseront, fort heureusement pour le hip-hop. Après moult brainstormings à base de skunk, donc, le crew Wu-Tang est mis sur pied autour des 3 cousins : RZA, le boss de la bande, GZA alias The Genius et Ol’Dirty Bastard, comme son nom l’indique. Je ne citerai pas les 9, ils sont assez reconnaissables à l’écoute vu leurs flows assez différents, mais sachez que le Wu-Tang est plus qu’un groupe : c’est un mythe, un concept, une sorte de comic book à se faire dans sa tête à l’écoute, un délire à la Tarantino où Staten Island, quartier de NY encore peu représenté dans le hip-hop, devient Shaolin Island. Dialogues de films de kung-fu, bruits de sabres, jeux d’échecs et rapidité d’exécution encore jamais vue à l’époque constituent l’univers du Wu, véritable mise en orbite d’un genre musical souvent trop coincé dans ses clichés et ses propres codes. Première piste : Bring tha mothafuckin ruckus. Saturation de la bande sous le poids de cette armada de MC chauds comme la braise... Les samples s’entrechoquent, le beat est pris de hoquets, la fumée et les étincelles jaillissent, provoquées par la friction des rimes sur le fer du mic. Les tueries sont trop nombreuses : de Protect Ya Neck, au moins aussi chargé et hardcore (on a pratiquement pas le temps d’entendre le beat : les couplets de 8 MC’s défilent et ça poutre !), à l’émouvant Tearz, où les 2 bretteurs ont la voix brisée et font dans la sobriété et l’amertume du deuil mal consommé. Chacun des 9 tarés a son heure de gloire : sur ‘Da Mystery…’, Ol Dirty Bastard et Masta Killa lâchent des couplets ultimes, poussant l’art hip-hop à son niveau maximum… C’est limite si il faut pas une bo107onne d’oxygène au mec une fois le dernier mot craché. De son côté, le GZA, arme secrète du groupe, relativement discret sur les autres morceaux (il pose en général son couplet en dernier, la place la plus difficile) fait cavalier seul sur l’immense Clan in da front (à l’instru anthologique, et le mot est faible), pour lequel il trouve un refrain bien old school et tubesque, après une énumération du Clan au complet par RZA, le grand ordonnateur de cette nouba, qui inclue non seulement les 9 membres principaux, mais aussi la garde rapprochée, les innombrables Killa Beez. Comme dira Akhenaton quelques années plus tard : « petit présomptueux ne vois-tu pas le nombre déployé ». Au-delà des nombreux morceaux dévoués à glorifier la force de frappe du clan, CREAM est peut-être le chef d’œuvre du disque. Ainsi que l’origine du célèbre sample du « Petit Frère » d’IAM. La tristesse dans la voix de method man, exprimant à la fois résignation, colère, et envie d’en découdre malgré tout, et de se faire plein de fric (inutile de le cacher)... Ici, le règne de l’argent est plus déploré que célébré, un choix qui deviendra trop rare dans les années suivantes (y compris dans les Wu-Tang suivants). Raekwon et surtout Inspectah Deck – dont le couplet est à chialer - Page 88/107 semblent raconter l’histoire de types sensibles poussés à bout, comme des animaux traqués qui chercheraient dans le rap un impossible juste milieu entre la misère noire et la richesse indécente, entre le bon vieux temps idéalisé et l’enfer du temps présent (Can it all be so simple). Un refuge pour lécher leur plaies, même s’ils savent qu’il ne durera que le temps de quelques vers. Alors ils donnent tout, sans rémission. Ce que les orgueilleux jeunes MC’s n’avoueront pas, leur fragilité, leur mélancolie, leur désespoir, est magnifiquement retranscrit par les instrus de RZA, véritables poèmes sonores. Parlons-en des instrus. Elles ont rendu l’album révolutionnaire, comme on sait. Samples de vieux vyniles soul bien granuleux et à l’époque passés de mode, qui épousent à merveille le propos des chansons et apportent surtout une touche de délicatesse et de sensibilité féminine dans un univers 100% masculin ou la meilleure preuve d’amitié semble être de se souhaiter des trucs du genre « j’vais t’accrocher par la bite du haut du 12ème étage » (Intro de Method Man). Et puis il y a ces samples de piano dissonant dont seul RZA a le secret, entre musique de dojo moite et bribes de bizarreries sixties… Souvent posés sur des basses riches et délectables, qui font un contrepoint agréable à ces sons inhabituels (pour l’époque on a peine à imaginer), ces instrus sont le tapis parfait pour un rap évidé de toute scorie mélodique ou gimmick old-school, aux paroles la plupart du temps secondaires, chargées d’argot et de phrases assassines. C’est rapide, acrobate, irrégulier, et à des lieues du phrasé bien calibré à la syllabe près des ténors du hip hop d’alors, pour qui la norme était encore d’un seul MC par groupe quelques années avant ! Les détails foisonnent : écoutez les changements d’instrus de fou lors de Wu Tang Clan ain’t nuthin to fuck wit, les tintements lointains de 7th Chamber pendant que les MC’s te cisaillent la face façon Crazy 88, ou encore les ‘ouh ah’ hypnotiques en fond dans Da Mystery of Chessboxin’… 36 Chambers est un album dur, plutôt difficile d’accès, même sur les tubes les plus évidents, excepté Method Man, morceau à part, hallucinant de maîtrise verbale, basé sur 3 pauvres notes de piano de saloon… C’est un gunfight verbal, et l’enculé de Method shoote plus vite que l’ombre de Rakim. Du très grand hip-hop, a faire découvrir à ceux qui aiment prétendre que « rapper c’est facile ». Et le salaud remet ça quelques minutes plus loin avec des rimes différentes ! Cette chronique est longue, saturée de mots, à l’image de l’album finalement, qui sans être parfait mérite la note maximale, simplement pour avoir donné cet incroyable kick dans la fourmilière, et d’avoir gravé ces 15 diamants dans la légende. Et aussi parce que comme on a pu le lire pas loin : « on ne note pas la grande musique comme les autres ». Enter The Wu-Tang c’est de la Grande Musique. Note : 6/6 Page 89/107 JUDAS PRIEST : Demolition Chronique réalisée par Nicko Après un retour aux affaires avec le nouveau vocaliste, Ripper Owens, le Priest doit confirmer après l'honnête "Jugulator" et l'excellent double-live qui a suivi. En ce début de 21ème siècle, le quintette, qui a très souvent joué avec des thèmes de sciences-fiction, arrive avec un album très porté sur les ambiances électroniques et autres éléments futuristes. Judas veut apparaitre comme une groupe au top et tourné vers l'avenir. Il ne veut pas sortir un nouvel album de thrash/power metal lambda, il veut aller de l'avant et proposer de la nouveauté à son public. "Demolition" se présente donc comme un album de heavy metal au son très mécanique, froid et quasiment constamment teinté de claviers et d'ambiances futuristes. Autant le dire direct, on est loin d'un "Screaming for vengeance"... Ici, les compos manquent de mordant, l'album est long, mais long. Les guitares ont un son très moderne, limite indus par moment. Il y a quelques moments sympas comme sur "One on one" (malgré un son pas approprié), le slow "Lost and found" ou "Jekyll and Hyde". De plus, niveau production, ça manque clairement de patate tout ça. Autant on retrouve l'agressivité de "Jugulator", autant la rythmique de plomb a disparu. Ripper chante bien, mais on sent qu'il reste sur la défensive, pas de grandes envolées aiguës ni de grande performance vocale. L'album manque aussi cruellement de rythme avec une très grande majorité de titres mid-tempos, qui rendent l'écoute du disque très ennuyeuse. "Demolition" représente tout à fait le genre d'album qui plombe un retour, là où une grosse baffe aurait définitivement remis le groupe en selle. Au lieu de cela, on se retrouve avec un album médiocre et monotone. A oublier. Note : 2/6 Page 90/107 JUDAS PRIEST : Live in London Chronique réalisée par Nicko Bah voyons, un album studio, un live... Autant rentabilisé à fond le nom Judas Priest. Et encore, devrais-je dire, un album studio, un DVD live puis le live tout cela étalé sur un an et demi. Après, on peut les comprendre, vu la qualité plus que moyenne du dernier album et son échec commercial, autant se focaliser sur les concerts où là, y'a pas de débat possible, "The Priest is back" ! Mais bon, là, quand même, on sent le groupe qui abuse un minimum. Parce qu'après "Demolition", ils nous ont fait le coup du live, ok, mais là, ils nous sortent sur double-CD le même concert que le DVD... mais en version complet ! Car sur le DVD, il manque un tiers des titres (sans compter l'amputage scandaleux de l'intro "The Hellion" avant "Electric eye"). Donc là, même quand on a acheté le DVD (au final pas au niveau de ce qu'on est en droit d'attendre du Priest), on se sent obligé de prendre ce double-live, et ce, même si 4 ans plus tôt était sorti le "'98 live meltdown". A part ces considérations extra-musicales, on ne peut qu'admettre que le Priest, en concert, c'est énorme. Le passage parisien de cette tournée reste pour moi, l'un de mes tout meilleurs concerts toutes catégories confondues, avec un "Painkiller" magique. Donc, oui, le niveau est très élevé, le son est excellent, avec une bonne participation du public londonien. Le groupe assure un max, Ripper est le digne successeur d'Halford, on ne peut que le vérifier à nouveau. Seul bémol, la version allongée de "Victim of changes" avec Tipton qui s'amuse tout seul à rejouer le même riff ad vitam aeternam... Sinon, y'a pas à dire, on est gâté avec près de 2H10 de show et quelques morceaux ressorti des placards pour l'occasion ("The sentinel", "Desert plains" ou "United" - bon, là, ils auraient pu faire l'impasse). Alors, oui, il s'agit d'un très bon live, du niveau du précédent. Après, est-il vraiment indispensable ? Si vous n'avez pas le "'98 live meltdown", oui, donc 5/6, sinon 4/6. Note : 4/6 Page 91/107 JUDAS PRIEST : Angel of retribution Chronique réalisée par Nicko Fallait s'y attendre... The Metal God is back !!!! Après un album décevant, "Demolition", il fallait trouver une "astuce" (bon, ils sont pas allé la chercher loin...) pour faire rebondir à nouveau la carrière du Priest. Rob Halford, qui avait quitté le navire en 1991 pour faire quelques projets divers et variés s'était rapproché du heavy metal traditionnel sur ses précédentes productions solo. Il n'en fallait pas plus pour que durant l'été 2003 l'annonce officielle sorte. Rob Halford est de retour au sein de Judas Priest. Ripper Owens, beau joueur, sort avec les honneurs et sa passage au sein du quintette lui permet de faire bondir sa propre carrière, d'abord au sein d'Iced Earth puis en solo. Le soucis, maintenant que le retour est effectif, c'est de sortir un album qui a de la gueule. Eh bien, autant le dire haut et fort, cet "Angel of retribution" est tout bonnement bluffant ! 10 morceaux et quasiment que des hymnes heavy metal dont certains n'ont absolument rien à envier aux grands morceaux des britanniques. "Judas rising" et "Hellrider" font partie des morceaux incontournables de la carrière du groupe, ni plus ni moins. L'inspiration est de retour, c'est à la fois direct, rentre-dedans, mais aussi recherché et surtout méga-bon. ca donne envie de sauter partout, les riffs restent dans la tête, les arrangements sont au p'tits oignons, y'a du feeling, la production est claire et puissante. Ca donne un peu la même impression que lorsqu'Iron Maiden avait sorti son "Brave new world". Rob Halford n'a (encore) rien perdu de ses capacités vocales. Les morceaux sont variés, bref voilà l'album que le groupe aurait dû sortir après "Painkiller" (même s'il n'a pas la même hargne bien entendu). Le Judas Priest mélodique est véritablement de retour avec des morceaux prenants, taillés pour le live. Qu'y-a-t-il à ajouter si ce n'est que ce retour est, encore une fois, inespéré, grandiose et qu'il montre une nouvelle fois que Judas Priest est un très grand groupe de heavy metal. Alors qu'on ne l'attendait plus revenir à un tel niveau, le voilà bel et bien vivant et prêt à en découdre sur scène. Ajouté à cela pour la version Digipack un DVD bonus avec quelques titres en concert histoire de bien montrer qu'en live, le groupe assure encore, même si Halford commence à lutter dans les aiguës... Ca reste quand même du bonheur, tout comme cet album vraiment fabuleux. Note : 5/6 Page 92/107 HARPER (Roy) : Lifemask Chronique réalisée par Hellman Il aura fallu deux ans pour donner un successeur à l'unique "Stormcock". C'est moins dans le produit fini que dans le cheminement même qui a conduit à sa création qu'il faut peut-être chercher l'origine de ce léger délai. Après s'être tant investi dans la réalisation et la production de "Stormcock", Harper se découvre une maladie congénitale qui a bien failli lui coûter la vie ! À la lumière de ces évènements, la mise au monde laborieuse de "Lifemask" résonne presque comme une renaissance pour l'artiste. Sans atteindre le côté épique et définitif de son prédécesseur, "Lifemask" regorge malgré tout de beaux et poignants moments qui en font un des tous meilleurs disques du singer/songwriter. "Highway Blues" ou "South Africa" sont deux superbes chansons dans la grande tradition des torch songs dont Harper nous abreuve depuis déjà tant d'années. De riches arpèges à la guitare soulignent un chant qui se lamente et erre dans les interstices laissés derrière elles par des paroles faussement affables. De discrètes interventions au synthétiseur ça et là viennent donner en appoint un peu plus de profondeur à des plages qui en soi ne manquent pourtant pas de relief. Bien que cette fois entouré d'un véritable groupe, au sein duquel on retrouve les Laurie Allan, Brian Davison ou encore Jimmy Page, leur contribution reste toutefois minime, réduite pour ainsi dire à un écho lointain, apparaissant et disparaissant au gré des titres comme des des bribes de mémoires qui ont du mal à se fixer. L'album de se conclure sur "The Lord's Prayer", pièce ambitieuse en cinq mouvements de plus de vingt minutes, qui s'évertue à célébrer le côté éclaté d'un album qui, dans son déroulement, était jusque là plutôt cohérent : constellé de superbes mélodies qui s'enchevêtrent dans un labyrinthe dont le désordre volontaire n'est connu que de la raison pure, il laisse à la fin de sa course l'auditeur dans un rare état d'hébétement, se demandant encore longuement quelle est la nature de ce qu'il vient juste d'écouter ... Note : 5/6 Page 93/107 HARPER (Roy) : Valentine Chronique réalisée par Hellman Aussi grotesque que cela puisse paraître, l'album "Valentine" tire bel et bien son nom du fait qu'il ait été publié le 14 février de l'an 1974. Si son propos est des plus délicat en essence, il ne se veut pas pour autant une simple collection de jolies bluettes. Il n'est néanmoins pas erroné de parler de collection à son égard puisqu'il est en réalité la somme des plages les plus courtes réalisées par Harper lors des sessions "Stormcock" et "Lifemask". Si on retrouve un Harper au sommet de sa forme sur certains titres comme "Forbidden Fruit" ou "Twelve Hours of Sunset", l'auteur compositeur s'adonne aussi à des genres rarement visités, comme le jazz ("Acapulco Gold") ou plus simplement le rock avec "Male Chauvinist Pig Blues", la seule occasion qu'il vous sera jamais donné dans votre vie d'écouter Keith Moon et Jimmy Page jouer ensemble ! Si on connaît l'intérêt et la faculté de Harper à s'égarer sans peur dans des endroits peu convenus, ce qui est plutôt malvenu ici, c'est l'enchaînement à priori peu réfléchi dans lequel l'ordre de ces titres se succède. En effet, rien n'est fait pour qu'on puisse échapper à ce sentiment de compilation, ce qui gâche à mon sens le plaisir d'écoute qu'on aurait pu tirer de "Valentine" s'il avait été pensé en d'autres termes. Du coup, le manque de personnalité qui se dégage du disque en fait une oeuvre de seconde zone, et ce malgré la présence de forts beaux moments, mais pris isolément. C'est d'ailleurs à cet effet, pour le seul plaisir d'entendre l'une ou l'autre chanson, qu'on pensera dans un premier temps à se réécouter "Valentine", pour se rendre compte par la suite qu'on fait systématiquement l'impasse sur certains titres. La réédition cd comporte quelques titres bonus figurant originellement sur l'album live qui devait le suivre, "Flashes From The Archives Of Oblivion". Ce qui a pour triste effet de renforcer un petit peu plus encore l'aspect particulièrement décousu de ce malheureux "Valentine". Note : 3/6 Page 94/107 HARPER (Roy) : HQ Chronique réalisée par Hellman Le tapis rouge déroulé depuis ses tous débuts en l'honneur de Roy Harper ne se dément toujours pas. "HQ" comporte la liste la plus impressionnante d'invités prestigieux que le guitariste ait jamais eu sous sa main, faisant par là-même de ce disque son album le plus rock. À cette même époque, Roy Harper venait de fonder le groupe Trigger en compagnie de David Cochran, l'ex-Nucleus Chris Spedding et l'ex-King Crimson Bill Bruford ... Il les retrouve ici, mais pas que eux. Viennent s'ajouter à la liste Messieurs David Gilmour et John Paul Jones qu'il est inutile de présenter, je pense. Mais si pour enregistrer un chef-d'oeuvre il suffisait de réunir un panthéon de musiciens de classe internationale, ça se saurait ... L'histoire a démontré que c'était rarement le cas. Bien qu'étant convenablement produit et exécuté (le contraire eut été impardonnable), apparaîssant comme une oeuvre mûrement réfléchie et pertinente quant à l'objectif visé, "HQ" sonne aujourd'hui comme un disque terriblement daté. En s'écartant peut-être de manière trop drastique de l'univers doucement tourmenté du troubadour des temps modernes, "HQ" se donne des airs d'album faussement progressif qui ne pourra jamais satisfaire les deux parties concernées du public. Les rythmes sont appuyés, les guitares déboulent sur chaque titre, assurant leur petit quart d'heure de gloire à chaque intervenant, et on n'a de cesse de se demander où a bien pu passer toute la profondeur que l'artiste donnait encore il y a peu à ses chansons ? Un non-sens parmi d'autres qui en dit long sur les effets pervers induit ainsi encourus : le rockabilly de "Grown Ups Are Just Silly Children" joué à la batterie par Bill Bruford alors que tout le monde sait que ce batteur n'a aucun sens du groove ! Le bout du tunnel intervient tardivement avec un bien trop court "Forget Me Not", seule plage acoustique de l'album. Suivent la ballade "Hallucinating Light" et "When An Old Cricketer Leaves The Crease" qui viennent définitivement calmer le jeu d'un album qui, dès le départ, semblait s'être trompé de casting. Note : 2/6 Page 95/107 HARPER (Roy) : Bullinamingvase Chronique réalisée par Hellman Il est plus qu'évident que la notoriété dont a pu bénéficier Roy Harper tout au long de sa carrière ainsi que l'appui constant de toute une ribambelle de musiciens parmi les plus respectés d'Angleterre ont eu tout deux une terrible incidence sur son travail. Le décevant "HQ" n'était pas une concession, mais bien une affirmation presque indécente de cette respectabilité acquise naturellement. Il n'y aura, il ne peut pas, il ne peut plus y avoir de machine arrière. Harper a donc pris en cours de route le train de la modernité et s'il lui est tout à fait possible de revenir sur les choix qu'il a effectué alors, il reste que le chanteur folk demeure désormais tributaire d'un mode de production en constante évolution. En ce sens, "Bullinamingvase" est la suite logique de "HQ". Sauf que Harper met définitivement de côté ses aspirations rock pour revenir fort heureusement à un discours plus nuancé. Il y a toujours des chorus de guitare et une section rythmique solide ("Cherishing The Lonesome") mais le jeu plus retenu semble définitivement mieux adapté aux compositions de l'artiste. Le synthétiseur trouve encore sa place sur des plages comme "These Last Days" ou "Naked Flame", renouant avec la gloire passée du Harper de "Folkjokeopus" tout en s'adaptant à l'inéluctable évolution du marché. La pièce finale, "One of Those Days in England (parts 2-10)" vient renforcer ce parallèle probablement inconscient à travers cette longue suite aux dédales labyrinthiques dont seul Roy Harper a le secret, mélodiquement puissant et souvent mystérieux. Il y a du Pink Floyd, du Genesis, du Jethro Tull, du Van Der Graaf Generator là-dedans. Dans tous les cas, un titre qu'il faut avoir écouté un paquet de fois avant de pouvoir en apprécier toutes les subtilités. Par certains aspects, "Bullinamingvase" sonne donc comme un réajustement bienvenu par rapport à la plate nervosité affichée tout au long de la première face de "HQ". Mais l'heure de gloire est définitivement passée. Note : 3/6 Page 96/107 HARPER (Roy) : The Unknown Soldier Chronique réalisée par Hellman Le cas "Unknown Soldier" est peut-être encore plus délicat que "HQ". Mais au moins Roy Harper a-t-il cette fois une excuse valable. En conflit avec sa maison de disque, s'opposant à la publication de bandes qu'il juge en l'état encore impropre à la diffusion (ce qui deviendra "Commercial Breaks" et publié seulement en ... 1994 !), il faudra attendre trois ans avant qu'un nouveau disque puisse paraître sous son nom, et celui-ci marquera la fin de l'ère EMI-Harvest. Ce disque, c'est "The Unknown Soldier" dont une part importante des titres étaient sensés figurer sur ce qui aurait du être son prédécesseur ("I'm in Love with You", "The Flycatcher" et "Ten Years Ago"). Poussé dans le dos par David Gilmour, le guitariste des Pink Floyd contribue à l'écriture d'une bonne moitié du matériel présent sur l'album, le tout débouchant sur un album hybride de plus qui s'enlise définitivement dans les travers de la production de l'époque. "Bullinamingvase" n'aura donc fait rêver qu'un temps. Les claviers criards de "Playing Games" donnent le coup d'envoi et accessoirement le signal d'alarme d'un album qui n'aura de cesse de cacher ses faiblesses derrière une production inadéquate et souvent poussive. "Short and Sweet", qui ouvre la seconde face, en est le parfait exemple. Ce titre qui porte la marque indélébile de Gilmour, et pourtant promis à un bel avenir dans son développement, croule bien assez tôt sous les effets de manche d'une orchestration criarde et des arrangements ternes. "First Thing in The Morning" et "True Story" prolongent tristement cette irrémédiable descente aux enfers. Le comble, c'est que les titres publiés près de quinze ans plus tard sous forme de démos sur l'album maudit "Commercial Breaks" sont plus convaincants que les versions présentes sur "The Unknown Soldier". Seul moment à retenir peut-être : le duo inédit entre Roy Harper et une toute jeune Kate Bush pour "You", chanson dont le déroulement et l'atmosphère générale semble trouver sa source dans les chutes studio de "The Wall". Note : 2/6 Page 97/107 COSMIC HOFFMANN : Hypernova Chronique réalisée par Phaedream Voici le 3ième volet d’une collection d’archives du mentor de Mind Over Matter. Constitué de 9 titres, Hypernova est un voyage musical divisé entre l’ambiant cosmique et les rythmes lents à tendance hypnotique. Des pulsations séquencées, accompagnées d’un synthé sifflotant, ouvrent le cosmique Looking for Space. Un fin rythme sur un synthé aux accords solistes ondule dans les sphères nébuleuses d’une galaxie musicale avec un effet hypnotique. Un peu comme une éternelle danse lascive qui nourrit l’insomnie, Looking for Space coule avec une douceur cadencée sur un synthé truffé de superbes solos, ceinturé d’un mellotron dense et sinueux, qui alimentent le cosmos d’effets sonores analogues. Requiem For A Dying Star est une lente agonie où le mellotron inonde les astres de lentes strates enveloppantes. Un titre cosmique lent, quasi atonal, comme le lourd Alienapolis qui nous trempe dans de lourdes atmosphères d’un suspense galactique. Cosmic Garden est légèrement plus cadence. Un rythme souple avec de légers riffs de guitare qui vrillent en boucles, échappant de bons solos. Hypnotic est animé de percussions tablas qui instaurent un rythme de danse tribale très hypnotique. Le mellotron y est délicieux et charme avec son essence flûté. Floating in Time ourle sur des percussions feutrées et une ligne mellotronné lourde, forgeant un étrange rythme sans percussions, ni séquenceurs rythmiques. Un immense prisme sonore où le synthé échappe de brefs solos aux sonorités acuitées qui dérivent dans un cosmos dessiné par un mellotron aux ondes enveloppantes. Un beau titre qui reflète les années électroniques psychédéliques, tout comme Spiral Nebula et sa fusion guitare/synthé sur percussions tribales cosmiques ainsi que son lourd manteau mellotronné qui traîne dans un cosmos aux étoiles filantes. Start Riders est le plus bouillant titre sur Hypernova. Un rythme lourd circulaire qui tournoie comme un galop giratoire ceinturé d’un mellotron aux ondes spectrales qui pourraient être aussi les ailes d’un cavalier sans nom. Le tempo monte et descend fébrilement dans une spirale sonore aux multiples serpentins synthétisés qui hurlent tel des sorcières, sur un mellotron aux ondes imperturbable. Du ‘’space rock cosmique’’ qui galope avec ardeur dans une sphère sonore pimenté de sonorités chamarrées. Un excellent titre. Mercury termine cette collection de Cosmic Hoffman dans une mer de prisme scintillante qui nous guide vers un synthé légèrement symphonique aux accords austères. La nébulosité s’éprend d’une intro à l’eau de rose, pour nous plonger dans un statisme musical qui tournoie tel un cyclone sonore. S’ensuit une marche funèbre qui conclut cet album dans une ambiance planante, céleste et éternelle. Encore une fois, Klaus Hoffmann-Hook nous fait le coup de la séduction dans un univers sonore où plusieurs échoueraient. Cette collection d’archive démontre l’influence que cet artiste trop méconnu a eu sur la MÉ, tant séquencée que spirituelle (tout comme cette collection d’ailleurs), ainsi que la musique progressive. Note : 4/6 Page 98/107 YOUNG MARBLE GIANTS : Colossal youth Chronique réalisée par dariev stands Il était une fois, mais pas deux, comme disait la femme fontaine. Les Young Marble Giants, n’ayant enregistré qu’un seul album, (ceci en est une réédition – au son parfait - avec des bonus d’égale qualité, soit les EP Test Card et Final Day), resteront comme un one shot miraculeux, ovni mélancolique, même au milieu de cette scène indie galloise naissante, qui allait donner naissance à tant de merveilles. Leur musique n’est que formes et traits enfantins sur fond de nuit silencieuse, comme le "3 personnages sur fond noir" de Miro. Bleu, blanc et noir. Il y a tant à méditer ici. Entendez ces exquises guitares western à la Shadows sur Choci Loni, qui ne seraient rien sans l’aération que leur donne Stuart Moxham. Elles occupent même le premier plan sur les 7 courts instrumentaux de la fin du cd, qui font penser à un genre de surf music acoustique. Ainsi, les compositions sont toutes mises en valeur par la production, dont on ne soulignera jamais assez l’importance pour un disque pop, fusse-t-elle réalisée avec peu de moyens. Ici, elle confère à ce réservoir à mélodies apaisantes une aura de disque intemporel, à la cohérence infaillible, plein de haïkus sortis de nulle part et de notes anthracite, entre miel et bo107on amer. Une alchimie près de l’os, qui aura une influence considérable sur les Breeders, par exemple, dont l’amateurisme "de bon aloi" ne peut que faire penser aux 3 gallois, que ce soit via la basse simpliste et géniale de Philip Moxham ou la voix d’Alison Statton. La première dévale dans les aigus comme sur un escalier (Constantly Changing), et la deuxième semble dans la lune en permanence, rêveuse, à côté de ses pompes. Reste la guitare, plus ancrée dans le son post-punk de son époque, jouée par Stuart Moxham, également responsable des parties d’orgue et de boite à rythme, jouées sur un vieux synthé archaïque appelé le "synthophone", ou quelque chose comme ça. Un instrument probablement rare et désuet, fabriqué par le cousin ingénieur téléphonique des Moxham, un certain Peter Joyce, qui devient alors le quatrième membre du groupe (il était à la mode à l’époque, de donner un petit nom à un synthé ou une boîte à rythme, histoire de se sentir plus nombreux). Le résultat est unique au monde, et le restera à jamais. C’est comme si chaque chanson exprimait un moment bien précis de notre vie, une humeur particulière, avec une acuité et une vérité parfaite, immaculée. Searching fo Mister Right serait une nuit d’insomnie à chasser les ombres chinoises sur le papier peint, tout en chuchotant pour ne pas réveiller la lune. La chanson-titre semble un vrai petit traité de philosophie à l’intention de tout les égocentriques, le tout sur une mélodie imparable. Pourtant, les jeunes géants de marbre et la jeunesse colossale, tout ceci ne provient que d’une minuscule note du musée d’Athènes, en dessous d’une statue du temple de Poséidon. Elle est d’ailleurs reproduite dans le livret. Colossal Youth est l’un de ces albums cultes si captivant dans leur simplicité qu’il en incite à s’emballer, à y voir des secrets et des significations qui n’y sont pas. Tout le monde y est allé de sa transposition, y a collé ses fantasmes et ce qu’il voulait bien y voir, tant les vignettes de Moxham savent se faire à la fois désincarnées, discrètes, lovées dans un coin de votre chambre sans qu’on sache si elles ont peur où vous jugent, et en même temps, si intimes et si familières. C’est le même talent qu’on les astrologues, celui de vous faire croire à un miracle alors que c’est vous qui assimilez tout ce qu’ils vous disent comme adressé directement à votre âme. Les chansons des Young Marble Giants, pourtant, ne sont pas la chronique d’un monde déshumanisé, comme certains ont voulu le voir… Elles ne sont pas contre le monde, ou contre le système : elles sont en dehors, elles sont déjà de l’autre côté. "Go for credit in the real world", lance Alison Statton, ‘moi j’ai déjà donné’, pourrait-elle ajouter. En dehors de cette hypothèse, difficile d’avancer quoi que ce soit, tant la fascination Page 99/107 qu’exerce cette musique tient à son mystère, à son absence de repères traditionnels, à cette osmose surnaturelle entre chaque instrument, qui semble nous faire croire qu’il serait possible de faire aussi bien, là, tout de suite, dans la cuisine, avec les poêles, les casseroles et les cuillères. En parlant de casseroles, tout ceci était trop beau pour durer, il fallut donc bien que le groupe se sépare :Alison sort avec Philip, Stuart qui fait absolument tout dans le groupe (compos, textes, arrangements…), est jaloux, d’autant plus qu’elle attire toute la gloire à elle, pensez donc : personne n’imagine une seule seconde que ces chansons ne viennent pas du fond de son cœur, à elle. Furax, il envoie péter le groupe alors qu’ils allaient sans doute devenir énormes, leur popularité aux USA s’avérant dépasser l’entendement, et tente une carrière solo, soldée d’un échec, bien entendu. Il aura un grave accident de moto en 81 qui l’handicapera longtemps. Un banal vaudeville, mais qui aura pour conséquence de cultifier encore plus les 2 albums et quelques EP et singles du groupe, qui resteront à jamais son unique testament (pas de reformation, les gens, ou on tue le chien). Le cd s’achève par une Ode à Booker T., hommage appuyé à celui qui est peut-être finalement la seule influence traçable du groupe, l’organiste de Otis Redding, avec ses sonorités 60’s si reconnaissables. Toujours avec ce chant et ces accords à la frontière exquise entre justesse et fausseté, à l’équilibre précaire. "Life is so much better when you’re toeing the line" seront les mots de la fin. Note : 5/6 Page 100/107 EL_VIS : Esse Conceptus Chronique réalisée par Phaedream EL_VIS c’est Piotr Lenart, un synthésiste Polonais, ainsi qu’un animateur de radio, qui s’est fait connaître sur la superbe compilation Ticket To Mars avec Mars Reflection. Sa musique est légère, pas vraiment compliquée, et aussi mélodieuse que chaleureuse. De l’électro pop, comme Kraftwerk aurait sans doute créé si le quatuor Allemand avait été plus créatif. Paru en Pologne en 2006, Esse Conceptus est déjà le 10ième album d’EL_VIS et le 1er sur le label Syngate. Une belle collection de 12 titres très entrainants et très enjôleurs qui flirtent avec les styles rétros de Space Art, Jean Michel Jarre, Kraftwerk, Peter Baumann et Frédéric Mercier sur son sublime Music from France (vous connaissez?...tout simplement superbe). La pièce titre ouvre sur un séquenceur nerveux et lourd. Le rythme est suavement frénétique, pavant la voie à un synthé flûté aux lamentations torsadées qui se dandinent sur une boîte à rythme aux tambours roulants. Le synthé est parfumé d’arpèges xylophonées, ainsi qu’un beau chant harmonieux. Un titre qui accroche à cause de sa finesse et qui nous entraîne dans des pensées nostalgiques, tout comme le splendide J&A qui est néanmoins plus mélodramatique sur une structure musicale plus arquée et Marsjanska Kwarantanna ainsi que Gwiezdny Adres. Reflect-Ion est une douce mélodie qui se love sur un très beau synthé musical. Un synthé qui filtre quelques belles nappes célestes, ceinturant des arpèges qui sautillent sur un rythme sobre. Un titre à saveur rétro comme il en pleut un peu partout sur tout l’opus. Je pense notamment à Immanuel Kwant, Kosmiczna Strefa Kontrolna, Ostatni Kwark et Moon No 51 avec ses rythmes changeants sur des spirales synthétisées bouclées. Obiekt Spoza Ukladu est dans la plus pure tradition Kraftwerk, alors que Lot Orbitalny vogue avec quiétude sur de belles nappes onctueuses sur un rythme langoureux ceinturé d’arpèges nerveux. Un très bon titre, sans doute le plus progressif sur Esse Conceptus. Sans verser dans la traditionnelle MÉ de style England ou Berlin School, EL_VIS nous propose un univers musical doucereux aux synthés charmeurs et aux séquences souples. Avec ses 12 titres qui s’écoutent en boucle sans verser dans une quelconque redondance, Esse Conceptus est un bel album, idéal pour amadouer les oreilles novices à la MÉ. Note : 4/6 Page 101/107 DRIFTIN’ THOUGHTS : Nightshifts Chronique réalisée par Phaedream Conduit par l’énigmatique Marcus Hildebrandt, Driftin’ Thoughts a réalisé 4 albums depuis sa formation en 1987. Selon les experts, Nightshifts serait la référence en ce qui a trait à la carrière de Driftin’ Thoughts. Produit initialement sur l’étiquette de Spheric Music en 1998, Syngate réintroduit Nightshifts en Mai 2007. Une collection de 12 titres aux essences très variées, délaissant le classique Berlin School pour œuvrer dans des sillons plus entraînants, plus près du côté électrifiant de l’England School. In Motion débute avec un serpentin mélodieux qui s’enfonce dans les girons d’un soft techno sur des percussions rock et un mellotron aux arrangements orchestraux valsants sur un rythme semi débridé. Une bonne séquence sautillante ceinture un rythme couvert de mélodieuses strates synthétisées. Un morceau qui tangue entre le rock électronique et la techno, comme The Intruder, qui est plus sauvage, Games 99 qui sort d’un moule de Mark Shreeve, Touch of Infinity qui a du Frédéric Mercier dans le nez, Vortex Flight, les bouillants et énergiques Terminal Threshold, Offbeat Challenge et Back Through The Vortex. En fait, Driftin’ Thoughts explore les rythmes aux travers différents facettes et inspirations musicales, mais la base reste toujours collée à du rock, bien plus que du pop, ou de la pure MÉ. C’est plutôt de la MÉ mixée à de la musique de danse aux mellotrons qui valsent et enrobent des structures très animées. Certes il y a des petites perles de tranquillité comme Flying Free et ses arrangements romanesques à la Yanni, Midnight Sky et son envoûtement hypnotique sur de beaux accords mélodieux. Il y a aussi des moments atmosphériques, plutôt des intros, qui se glissent vers des mouvements animés d’une souplesse plus pop comme Gravito Waves. Nightshifts de Driftin’ Thoughts est un bel album d’une MÉ plus vivante qui est capturée dans un univers à peine spatiale, mais juste assez pour apprécier ses effets sonores qui gravitent autour de morceaux où l’on peut danser sans contraintes. Une juste réédition, qui a bien vieillie, pour un opus qui peut influencer une génération à la recherche d’une MÉ pas compliquée mais bien agencée. Note : 4/6 Page 102/107 PEOPLE UNDER THE STAIRS : The Om Years Chronique réalisée par dariev stands Je sais que vous attendez du lourd, du hip-hop féroce, du east coast brutal et bruitiste, mais que voulez-vous, l'été approche... Fausse excuse pour vous parler d'une de mes formations hip-hop chéries, le duo People Under The Stairs, dont The Om Years est une double compilation. L'avantage des best-of, dans le hip-hop, c'est of course la disparition de tout les interludes et featurings opportunistes... Ce "Om Years" est une véritable somme, regroupant 30 titres sans défaut ni déchet de People Under The Stairs, d'une cohérence et d'un bagoût à toute épreuve. L'objet se présente comme suit : un premier cd gonflé à bloc des meilleurs titres du groupe, choisis par les fans (qui ont bon goût), et un deuxième cd de "B-Sides & Rarities" inédits en cd, très honnête, entre instrus jazz et tubes cachés. Le tout n'inclue pas de titres de leur dernier album, Fun DMC, sorti en 2008. Pourquoi acheter cette compile d'un groupe inconnu au bataillon de la plupart ? Eh bien c'est simple, surnommé The P ou encore "The dopest of dope", People Under The Stairs est l'un des plus grand groupes de hip-hop au monde, qu'on le crie haut et fort ! Et cette compile ne fait que le confirmer. Tout respire ici l'honnêteté et la simplicité, cette même simplicité qui fait défaut à la plupart des groupes de hip-hop ayant rencontré un succès commercial depuis ces 15 dernières années. Le groupe a toujours cultivé une image artisanale, à dimension humaine, quitte à passer le plus souvent pour de gentils second couteaux. Leur nom fait référence aux appartements en demi-sol bon marchés dans lesquels vivent les désargentés - à moins que ce soit le film de Wes Craven. Pourtant, pas une once de rancoeur ou de colère dans leur musique... Les deux laurel et hardy du rap (un petit péruvien tout skinch' et un gros black qui ne se prennent pas au sérieux) oscillent tranquillement entre un rap old-school et tendrement rétro à la Ugly Ducking ou Jurrasic 5 et un hip-hop jazz classe au possible initié par Gangstarr et perpétué par des noms comme Digable Planets, Madlib ou The Roots (un de ces 4 en ces pages). Les lyrics sont positifs, contrastant avec la vanité et la violence des groupes west coast, posés sur des instrus toujours lumineuses et finement ciselées, comme sur le très smooth et planant The Cat, le mélancolique The Breakdown, orné par la sublime et mélodieuse basse de Headnodic (Mighty Underdogs...) Acid Raindrops, ode à la marijuana et à un certain esprit chill-out, décontracté du gland, de la côte ouest, dont People under the stairs se font les fervents apôtres. L'intro et de nombreux passages dans les lyrics ne manquent pourtant pas de nous le rappeler : s'il y a bien une dope pour laquelle les deux MC's font du prosélytisme, c'est la musique. Après des dizaines et des dizaines d'écoutes, on ne peut que les approuver, surpris par le plaisir d'écoute sans cesse renouvelé, et par la constante richesse de leurs morceaux, qui gardent une fraîcheur inattendue là où tant de groupes nous auraient déjà fait décrocher... J'en oublie presque de vous parler du flow, tiens : c'est juste l'un des meilleurs qu'il m'ait été donné d'entendre - souple, élégant, mettant l'accent sur les rimes et sur la musicalité plutôt que sur l'agressivité ou la monotonie, il s'inscrit dans la tradition des Rakim, A Tribe Called Quest et autres De La Soul... Achetez-le au moins pour le plaisir d'entendre le très sly stonesque San Francisco Knights surgir de la brume de samples dès le début du disque : un moment nutella, comme on dit dans le jargon journalistique. Et probablement l'un des plus grands morceaux de hip-hop de tout les temps, à frémir de bonheur... à chiper, à choper. Note : 5/6 Page 103/107 Informations Vous pouvez retrouvez nos chroniques et nos articles sur www.gutsofdarkness.com. © 2000 - 2009 Page 104/107 Table des matières Les chroniques ........................................................................................................................................................................... 3 ASKEW (Ed) : Ask The Unicorn....................................................................................................................................... 4 PROIEKT HAT / BRIGHTER DEATH NOW : Feel / Bad .............................................................................................. 5 QUINOLINE YELLOW : Cyriack Parasol........................................................................................................................ 6 QUINOLINE YELLOW : Dol-Goy Assist ........................................................................................................................ 7 GATE TO GATE : I Turn Black Keys............................................................................................................................... 8 MILLER (Harry) : Children at Play ................................................................................................................................... 9 MILLER (Harry) : Family Affair..................................................................................................................................... 10 MILLER (Harry) : Bracknell Breakdown ........................................................................................................................ 11 MILLER (Harry) : In Conference .................................................................................................................................... 12 MILLER (Harry) : Down South....................................................................................................................................... 13 BUTTHOLE SURFERS : Brown reason to live .............................................................................................................. 14 BUTTHOLE SURFERS : Psychic, powerless... another man's sac................................................................................. 16 BUTTHOLE SURFERS : Cream corn from the socket of davis ..................................................................................... 17 BUTTHOLE SURFERS : Rembrandt pussyhorse........................................................................................................... 18 BUTTHOLE SURFERS : Locust abortion technician..................................................................................................... 19 BUTTHOLE SURFERS : Hairway to steven .................................................................................................................. 20 CREATE : In the Blink of an Eye.................................................................................................................................... 21 PROIEKT HAT : Make Sense ......................................................................................................................................... 22 THE ASSOCIATES : The affectionate punch ................................................................................................................. 23 EMMENS (Gert) : Nearest Faraway Place Vol. 2 ........................................................................................................... 25 M.J. HARRIS / MARTYN BATES : Murder Ballads (The Complete Collection)......................................................... 27 LAVA : Demo .................................................................................................................................................................. 28 VOLAPÜK : Le Feu du Tigre.......................................................................................................................................... 29 VOLAPÜK : Slang ! ........................................................................................................................................................ 30 VOLAPÜK : Pukapök...................................................................................................................................................... 31 VOLAPÜK : Polyglöt ...................................................................................................................................................... 32 VOLAPÜK : Where is Tamashii ?................................................................................................................................... 33 ASH RA TEMPEL : Schwingungen ................................................................................................................................ 34 CASTRATI : Let the cat out of the [plastic] bag ............................................................................................................. 35 KHOLD : Hundre ar gammal........................................................................................................................................... 36 DEEP PURPLE : Highway stars ...................................................................................................................................... 38 DEEP PURPLE : Greatest hits......................................................................................................................................... 39 Page 105/107 DIE FORM : Confessions ................................................................................................................................................ 40 DIE FORM : Extremum ................................................................................................................................................... 41 DIE FORM : Rose au Coeur Violet ................................................................................................................................. 42 CRUISE [CTRL] : We’ve met before, haven’t we? ........................................................................................................ 43 THE ORB : The Orb's Adventures Beyond The Ultraworld............................................................................................ 44 PRIMAL SCREAM : Screamadelica ............................................................................................................................... 45 COMPILATIONS - DIVERS : Come Again II ............................................................................................................... 47 THE METEORS : Hymns for the hellbound ................................................................................................................... 48 THE METEORS : Hell train rollin................................................................................................................................... 49 THE METEORS : Wreckin' crew .................................................................................................................................... 50 ASH RA TEMPEL : Ash Ra Tempel VI - Inventions for electric guitar ........................................................................ 51 PANOPTICON : Bootleg 1.3 : Revenge - PaNoPTiCoN Live @ CAFÉ CENTRAL..................................................... 53 GUERRE FROIDE : Nom ............................................................................................................................................... 54 DOMINION : Luksa ........................................................................................................................................................ 55 COMPILATIONS - LABELS : In the Butchers Backyard.............................................................................................. 56 þEYR : Mjötviður til fóta ................................................................................................................................................. 57 EGO : Í mynd ................................................................................................................................................................... 58 VONBRIGÐI : Eðli annarra............................................................................................................................................. 59 THE MAXIES : Greenland is melting ............................................................................................................................. 60 KEYROUZ (Soeur Marie) : Chant Traditionnel Maronite .............................................................................................. 61 COVEN : Witchcraft destroys minds and reaps souls ..................................................................................................... 62 HARPER (Roy) : The Sophisticated Beggar ................................................................................................................... 63 HARPER (Roy) : Come Out Fighting Ghengis Smith..................................................................................................... 64 HARPER (Roy) : Folkjokeopus ....................................................................................................................................... 65 HARPER (Roy) : Flat Baroque and Berserk.................................................................................................................... 66 HARPER (Roy) : Stormcock ........................................................................................................................................... 67 CURRENT 93 / HÖH : Island.......................................................................................................................................... 68 DIE FORM : Bach Project ............................................................................................................................................... 69 ALLUSTE : The Big Monster.......................................................................................................................................... 70 BOOTS (Ron) : Current ................................................................................................................................................... 71 TANGERINE DREAM : Atem........................................................................................................................................ 73 CLUTCH : Transnational speedway league : anthems, anecdotes, and undeniable truths .............................................. 75 SLEEP : Holy mountain ................................................................................................................................................... 77 KYUSS : Welcome to the Sky Valley.............................................................................................................................. 79 CHRISTIAN DEATH : Skeleton kiss.............................................................................................................................. 81 Page 106/107 SIOUXSIE AND THE BANSHEES : Superstition ......................................................................................................... 82 SIOUXSIE AND THE BANSHEES : Break up .............................................................................................................. 83 CHRISTABEL DREAMS : Christabel dreams................................................................................................................ 84 COMPILATIONS - TRIBUTE ALBUMS : Alternative Tentacles Records – Virus 100............................................... 85 ROACH (Steve) : Dynamic Stillness ............................................................................................................................... 87 WU-TANG CLAN : Enter the wu-tang (36 chambers) ................................................................................................... 88 JUDAS PRIEST : Demolition.......................................................................................................................................... 90 JUDAS PRIEST : Live in London ................................................................................................................................... 91 JUDAS PRIEST : Angel of retribution ............................................................................................................................ 92 HARPER (Roy) : Lifemask.............................................................................................................................................. 93 HARPER (Roy) : Valentine ............................................................................................................................................. 94 HARPER (Roy) : HQ ....................................................................................................................................................... 95 HARPER (Roy) : Bullinamingvase.................................................................................................................................. 96 HARPER (Roy) : The Unknown Soldier ......................................................................................................................... 97 COSMIC HOFFMANN : Hypernova .............................................................................................................................. 98 YOUNG MARBLE GIANTS : Colossal youth ............................................................................................................... 99 EL_VIS : Esse Conceptus .............................................................................................................................................. 101 DRIFTIN’ THOUGHTS : Nightshifts .......................................................................................................................... 102 PEOPLE UNDER THE STAIRS : The Om Years ........................................................................................................ 103 Page 107/107