Les universités marocaines et les classements internationaux

Transcription

Les universités marocaines et les classements internationaux
Les universités marocaines et les classements internationaux : réflexion et
défis à relever (cas de l’UCA)
Les classements internationaux des universités sont de plus en plus prisés depuis quelque temps et
suscitent l’intérêt non seulement des académiciens et des médias, mais aussi des universités qui se
soucient d’améliorer leur position. A l’instar de leurs homologues internationaux, les universités
marocaines affichent l’ambition de progresser dans les différents classements annoncés chaque année
par les organismes spécialisés. Ces classements suscitent plusieurs interrogations : Quelles sont les
critères utilisés ? Quelle est la position des universités des pays émergents (cas du Maroc) ? Quels sont
leurs limites ? Comment une université peut elle améliorer son classement ?
Ayant une population estudiantine dépassant les 400000 étudiants, l’enseignement supérieur au Maroc
est caractérisé par la prédominance de l’enseignement supérieur universitaire (82% des inscrits dans
les 15 universités publiques). Durant les dernières années, le nombre des étudiants n’a pas cessé de
s’accroitre alors que la capacité d’accueil des établissements universitaires n’a pas connu pas la même
croissance.
A l’image des universités marocaines, l’Université Cadi Ayyad, considéré comme première université
du royaume, a connu une hausse considérable du nombre des étudiants dans ses 13 établissements
passant de 35000 en 2010-2011 à plus de 63000 en 2012-2013.
Le présent document se veut un portrait du cas du classement des universités marocaines dans le
classement international qui regroupe plus de 12000 universités du monde entier (Webometrics
Ranking of World Universities).
Piloté par le laboratoire Cybermetrics, un groupe de recherche appartenant au Consejo Superior de
Investigationes Cientificas (CSIC) plus grande institution publique de recherche en Espagne, le
classement Webometrics est réalisé 2 fois par an et classe les 12000 premières institutions
d’enseignement supérieur. L’édition juillet 2012 a connu le classement de 93 établissements
marocains d’enseignement supérieur et de recherche scientifique.
Le tableau ci-après dresse une comparaison entre les critères utilisés par Webometrics et ceux utilisés
par l’Academic Ranking of World Universities (Shanghai) :
Critères Webometrics
Critères Shanghai
1. la taille du développement électronique de
1. les diplômés qui ont reçu un Prix Nobel ou des
l’institution (size) (10%)
médailles dans leurs domaines scientifiques
2. la visibilité électronique / les visites au site de
l’institution (visibility) (50%)
2. le personnel de l’institution qui a gagné des prix
Nobel et des médailles dans leur domaine scientifique
(20%)
3. Le dépôt de matériau académique et d’édition
3. les chercheurs les plus cités dans 21 domaines
produit sur le réseau (rich files) (10%)
scientifiques
4. la quantité de publications de travaux (scholar)
4. les articles publiés dans Science et Nature (20%)
(30%)
5. Les références à Science Citation index et à Social
Science Citation index
6. le performance académique par tête (selon les
indicateurs ci dessus) d’une institution (10%)
Webometrics propose une approche différente des autres classements internationaux. Il a pour but
d'évaluer la présence des universités sur internet, et non leur niveau d'enseignement ou de recherche.
Ils se basent avant tout sur la quantité du contenu présent sur le net, et l'accessibilité du site de
l'université en question. Si le classement semble intéressant à consulter, il faut savoir interpréter sa
réelle utilité, plusieurs critiques peuvent lui être reprochés :
•
Manque d’encadrement des classements universitaires: peu de convergence entre les principes
mis en avant par la déclaration de Berlin (2006) et les indicateurs retenus par les organismes
responsables des classements
•
Surreprésentation des établissements anglo-saxonnes comme dans les autres classements
universitaires (Shanghai, Times, QS)
•
La majorité des universités dans le top 500 sont situés dans les pays industrialisés: le
classement d’une université dépend du niveau de développement économique du pays
•
Absence d’une multitude de facteurs dans la grille des critères pour refléter plus fidèlement
l’état des universités: histoire, économie, cadre législatif, démographie
•
Prédominance des universités en sciences exactes par rapport aux sciences humaines: les
publications de ces dernières sont souvent en langue nationale
Tenons compte de ces éléments nous essayeront d’analyser l’évolution du classement d’une université
marocaine en l’occurrence l’Université Cadi Ayyad. Le graphique ci-dessous montre l’évolution de
son classement depuis 2009 :
2009 1 10 2010 2011 2 2 1 2 21 28 20 25 24 29 100 2 4 38 42 World rank Africa rank Arab rank Maghreb rank 1000 10000 2012 3956 2996 2364 Morocco rank 2921 Sans surprise l’UCA n’occupe pas une place avancée dans le classement au niveau mondial (2961 en
2012) ni au niveau continental (38 en 2012) alors qu’elle bien placée au niveau régional (4ème au
Maghreb). En effet, que ce soit au niveau mondial ou continental les premières universités du
classement sont des universités anglophones, alors qu’au niveau du Maghreb où domine la langue
Française l’UCA est bien classée. Ce classement au niveau du Maghreb est plus plausible tenant
compte des similitudes économiques, légales, culturelles et sociales.
Divers facteurs peuvent alors expliquer la difficulté d’une université a occupé des rangs avancés dans
le classement Webometrics:
•
La présence d’une université sur internet dépend en grande partie de sa renommée pour les
internautes, plus le site d’une université a de liens pointant vers elle sur le net, plus elle semble
populaire.
•
Le nombre de pages du site indique aussi la quantité de contenu mis à la disposition des
internautes, idem pour les fichiers disponibles en téléchargement
•
Les moteurs de recherche favorisent les textes anglophones et privilégient les établissements
anglo-saxons ce qui explique en partie leur position dominante dans le classement
•
Le classement proposé est plus ouvert et comporte des textes hors revues conventionnelles
contrairement aux autres classements comme Shanghai
•
Certains chercheurs de l’université ne font pas mention de leur appartenance à l’UCA ou
n’écrivent pas la dénomination exacte de l'université.
•
Le classement fait ressortir certains établissements de l’UCA comme établissements
indépendants (exp: ENSA Marrakech et ENS Marrakech)
Bien entendu, les principales critiques portent sur les choix méthodologiques et sur les limites à
comparer des institutions universitaires issues d’environnements nationaux différents. Cependant, ces
classements introduisent indirectement le concept de benchmarking dans le monde universitaire et
incitent les responsables de ces institutions à réfléchir sur les outils pour faire face à la concurrence de
plus en plus accrue dans ce domaine. L’enjeu principal des classements d’université est d’aboutir à
rendre compte de l’intensité de l’activité scientifique et de la qualité de la formation en tenant compte
des spécificités locales. Il est aussi important que les principes de la déclaration de Berlin soient
respectés par les organismes opérant le classement des universités.