carte blance ‹ noa - Philharmonie de Paris
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carte blance ‹ noa - Philharmonie de Paris
François Gautier président Brigitte Marger directeur général Dans le cadre de la saison Israël au miroir des artistes, la cité de la musique est heureuse d’accueillir la chanteuse Noa et le groupe de jazz Esta qui incarnent aujourd’hui la nouvelle tendance de Tel-Aviv : celle qui cherche à intégrer plutôt qu’à opposer les différentes traditions musicales d’Israël. De son vrai nom Achinoam Nini, Noa est aujourd’hui la chanteuse-phare d’Israël, accueillie comme une enfant prodigue à 17 ans pour être revenue au pays, après une enfance passée à New York où elle s’est forgé la voix. Depuis, le succès de ses albums ne s’est jamais démenti : trois l’ont consacrée dans son pays, puis deux autres - Noa et Calling - ont fait connaître au reste du monde son timbre envoûtant. Partenaire de Gil Dor pour ses tournées en Europe, Asie, Afrique du Sud et États-Unis (Carnegie Hall, Avery Fisher Hall), puis du chanteur Sting pour une tournée européenne en 1997, elle s’est produite récemment avec l’Orchestre philharmonique d’Israël, montrant une fois de plus que les contacts musicaux les plus divers l’attirent toujours plus. Esta est d’autre part un groupe de jazz très particulier, tel qu'il s'invente aujourd'hui en Israël. Les quatre musiciens se sont rencontrés pendant leur service militaire au sein de la « Laquât Tsvait », l'orchestre de l'armée. Pour parfaire leur apprentissage du jazz, ils sont ensuite partis cinq ans aux Etats-Unis. De retour à la terre promise, ils ont imaginé un « world jazz » original et festif, bariolé de rythmes et de couleurs, où se croisent librement, à travers une panoplie hétéroclite d'instruments variés, toutes les influences des musiques méditerranéennes et orientales. concert donné dans le cadre du programme culturel Israël au miroir des artistes coordonné par l’AFAA avec le soutien du ministère des Affaires étrangères et du département des affaires internationales du ministère de la Culture et de la Communication samedi 24 octobre - 20h dimanche 25 octobre - 16h30 salle des concerts Esta : Amir Gwirtzman, saxophones, cornemuses, zorna, ney, orgue à bouche chinois, penny whistle, flûte à bec, flûte bulgare, zornaphone Ori Binstock, guitares électriques, bouzouki, jumsbush, saz Shlomo Deshet, batterie, congas, bongos, darbuka, riqq, bendhir, framedrum, percussions africaines Bentzi Gafni, guitare basse, guitare acoustique entracte Noa, chant Gil Dor, guitares Gil Zohar, claviers Yoray Oron, basse Yaki Yaakov Levy, batterie Zohar Fresco, percussions durée du concert : 2 heures et 10 minutes entracte de 30 minutes avec le soutien de France Musique technique Noël Le Riche, régie générale Eric Briault, Pedro Caetano, régie plateau Roland Picault, régie lumières Didier Panier, régie son carte blanche à Noa Esta Esta est le plus talentueux d’une famille de groupes apparus il y a une dizaine d’années en Israël - à l’instar de Mizrakh-Maarav (Est-Ouest), Boustan Abraham (Le Jardin d’Abraham), Habreura Hativit (Le Choix Naturel) - lesquels prirent le parti de croiser influences stylistiques orientales et occidentales, écho des multiples immigrations issues de quatre-vingt pays. C’est en 1983, durant leur service militaire au sein d’une fanfare de l’aviation, que les fondateurs d’Esta se sont rencontrés. Par la suite, chacun a suivi sa propre trajectoire, accompagnant des chanteurs de renom comme Ofra Haza, Yehuda Poliker ou Shlomo Artzi, et participant à de nombreux enregistrements de studio. En 1987, le groupe définitif s’est engagé résolument dans une recherche acoustique conclue, trois ans plus tard, par un album salué par la critique. Dans la foulée, Esta décide alors de s’installer à New York. Dans le creuset de la grosse pomme, le groupe peaufine une musique hybride qui combine les beats des musiques du monde, l’énergie du rock et l’esprit du jazz. Une musique qui, avec gourmandise, use des couleurs d’une large panoplie d’instruments : saxophones, bag-pipes, zorna, nay, orgue à bouche thaï, penny whistle sud-africain, guitares électriques, bouzouki, saz, percussions, basse ou guitares acoustiques. En témoigne Mediterranean crossroads, dernier enregistrement qui sous la houlette de Steve Boyer (producteur/ingénieur pour Eric Clapton, Bob Dylan, Brian Ferry) mélange parfums de la Mare Nostrum ou des Balkans, épices d’Afrique ou d’Asie et couleurs celtiques. Noa « A un moment de ma vie, je suis devenue vraiment malheureuse. J’étais déchirée entre la culture traditionnelle de mes parents et le monde extérieur. J’avais besoin de comprendre qui était cette fille de couleur, juive, israélienne, yéménite ou américaine. Je voulais savoir qui j’étais vraiment. » Née à Haïfa il y a vingt-neuf ans, Achinoam Nini, alias notes de programme | 5 carte blanche à Noa Noa, fille d’une enseignante et d’un chimiste d’origine yéménite, vécut jusqu’à son adolescence aux EtatsUnis. Grandie entre Bronx et Broadway, elle aurait pu épouser les canons de l’american way of life. Scolarisée dans les établissements juifs privés, elle aurait pu être encline à suivre les préceptes parfois sourcilleux du judaïsme. Et de retour en Israël à dix-sept ans - quête des racines oblige - se conformer à une certaine orthodoxie qu’épousent souvent ceux qui reviennent sur la terre sacrée. Mais la « rebelle » Noa a développé un parcours personnel moins convenu. C’est en effectuant son service militaire au sein de Tsahal que la « chanteuse-sergent » qui divertit les troupes découvre le plaisir de la scène et appréhende les redoutables contradictions de la situation géo-politique régionale (on est à l’époque en pleine Intifada). Puis avec le guitariste Gil Dor (son directeur musical actuel), rencontré sur les bancs de la Rimon school of jazz and contempory music, elle publie en 1991 une compilation de standards de jazz et de reprises pop en hébreu. Deux ans plus tard, un travail plus personnel prend appui sur les textes de grands poètes israéliens. Et au fil des années la songwriter, excellente musicienne (elle passe avec talent des congas à la derbouka) s’aguerrit et donne naissance à l’album Noa, qui sera un important succès discographique. En visite en Europe ou aux Etats-Unis, la belle chanteuse aux cheveux de jais et son groupe font mouche aussi bien auprès du grand public que de nombre d’artistes comme Stevie Wonder, Sting, Pat Metheny (qui produira son premier album international), Maurane. Calling, album ultérieur, évocation en filigrane de la situation des femmes de toutes cultures, se révélera plus sombre. « Je crois qu’il existe des albums extérieurs et des albums intérieurs. Calling était un album dur, politique, social. Le prochain sera plus intérieur, personnel, plus tourné vers l’amour des êtres. Et retrouver le fond social et politique nécessitera de gratter un peu plus la surface des choses », dit-elle 6 | cité de la musique carte blanche à Noa aujourd’hui pour situer son évolution. Ambassadrice de charme d’Israël (elle alla chanter en 1994 l’Ave Maria devant le Pape, elle a enregistré récemment avec l’Orchestre philharmonique d’Israël), elle n’hésite pas cependant à réagir lorsque des problèmes la touchent. De fait, de Uni à Manhattan-Tel Aviv, les chansons de Noa imaginent des tolérances, des lucidités à venir, des paris sur la sagesse des hommes. « Je veux élever les esprits, emmener les gens ailleurs, les secouer, leur faire voir ce qu’ils refusent de voir. Si je parviens à faire passer mon message et à transmettre mon inspiration, je crois que je peux faire la différence. C’est pour celà que je me suis toujours battue », précise-t-elle, simplement. Franck Tenaille notes de programme | 7