français de suisse
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MIEUX COMPRENDRE∑39 50 Chronique de Jacques Pilet 52 Opinon de Charles Poncet 54 Finance «PARIS EST UNE VILLE INVIVABLE QUAND ON A DES ENFANTS ALORS QUE, EN SUISSE, NOUS DISPOSONS D’UNE QUALITÉ DE VIE INCROYABLE.» Frédéric, 44 ans, employé dans la finance Français de Suisse Qui sont-ils? ous avez dû être surpris en arrivant en Suisse. C’est tout petit ici.» Le général Jean-Philippe Ganascia, ex-commandant de la Force européenne ALAN HUMEROSE REZO Les Français qualifiés pallient la pénurie de cadres dans les sociétés internationales. Page 42 démocratique des armées – un organisme créé par la Suisse – l’officier supérieur français a le sentiment que son interlocuteur lui prête, sans même en avoir conscience, une arrogance qui lui est bien étrangère. Féru d’histoire, La vision de six jeunes Français aux carrières helvétiques. Pages 43-45 ¬REPORTAGE La communauté française à Zurich forme un îlot soudé. Pages 46-47 ¬PRÉSIDENTIELLE UMP et PS draguent les Français de Suisse. Pages 48-49 MIEUX COMPRENDRE «V au Tchad, est perplexe. La réflexion de ce chef de bureau, en l’accueillant à Genève, traduit un complexe qu’il n’avait aucunement l’intention de susciter. Depuis juin 2011 conseiller du directeur du Centre genevois pour le contrôle ¬PROFILS ¬PORTRAITS Les Français sont toujours plus nombreux à venir s’installer durablement en Suisse romande. A la faveur d’un climat incertain favorisé par les prochaines élections présidentielles, ils apprennent à s’intégrer à un monde helvétique aussi proche que lointain. PHILIPPE LE BÉ SOMMAIRE 40∑FRANÇAIS DE SUISSE MIEUX COMPRENDRE Naturalisations en vogue. Signe tangible d’un regain d’intérêt des Français pour la Suisse, depuis quelques mois ces derniers semblent se bousculer au portillon de la naturalisation. C’est notamment le cas dans le canton de Fribourg: en 2011, le nombre de dossiers en cours de traitement (pour une naturalisation ordinaire) a atteint 96, dont 31 ont été finalisés, contre seulement 10 en 2007 et 7 en 2005. Au cours du premier trimestre 2012, pas moins de 15 dossiers ont déjà été déposés, regroupant parfois plusieurs INSTITUTIONS CULTURELLES Des postes clés Proche de son équivalente française, la culture romande attire les talents d’outre-Jura. En particulier pour diriger ses institutions. Une fois prise, la responsabilité n’est pas une sinécure: «Il faut au moins deux ans d’apprentissage pour passer d’une culture normative, typiquement française, à une culture de la concertation, note Jean-Yves Marin, directeur du Musée d’art et d’histoire de Genève. Les rapports hiérarchiques sont différents de ceux qu’on a en France: on n’impose pas, on convainc. Quant à l’engagement, parfois, de collaborateurs français, qui peut nous être reproché, la réponse est simple: c’est une question de formations spécialisées. Le bassin lémanique est trop petit pour produire toutes les compétences dont nous avons besoin.» A Genève, des Français dirigent le Mamco (Christian Bernard), le Musée de la Réforme (Isabelle Graesslé), la Fondation Bodmer (Charles Méla), la Comédie (Hervé Loichemol) ou le Théâtre de Carouge (Jean Liermier, FrancoSuisse). A Lausanne, des Français pilotent le Musée de l’Elysée (Sam Stourdzé), le Théâtre de Vidy (René Gonzalez), l’Opéra (Eric Vigié), le Béjart Ballet (Gil Roman), la Manufacture-Haute Ecole de théâtre (Frédéric Plazy). A Vevey, le théâtre sera bientôt dirigé par Brigitte Romanens-Deville, actuellement à l’Echandole d’Yverdon.√LUC DEBRAINE personnes d’une même famille. «C’est une surprise et une véritable explosion», commente Jean-Pierre Coussa, chef de service de l’état civil et des naturalisations, à Fribourg. Pour les autres cantons, faute d’informations précises sur les demandes de naturalisation les plus récentes, il est encore difficile de confirmer ce phénomène. Qu’est-ce qui peut bien pousser les Français sur les terres helvétiques? L’historien Alain-Jacques Tornare, «100% Gruérien, 100% Français» comme il aime lui-même se qualifier, fait un rapprochement avec les années 1780. Pressentant un grand chambardement, maints Français avaient alors pris le chemin de la Suisse, à l’image de François-Claude Gigot de Garville, écuyer royal et administrateur général des domaines du roi de France. Les blocages qui semblent aujourd’hui paralyser la France de même que la conscience plus ou moins diffuse de son relatif déclin pourraient à nouveau inciter certains de ses concitoyens à franchir les Alpes. Sentiment de reconnaissance. Dans le passé, ce sont les bouleversements politiques successifs en France qui ont entraîné une forte poussée d’immigration en Suisse: en 1789 avec la Révolution, puis en 1815 avec le débarquement de Napoléon Bonaparte, en 1830 avec l’arrivée de Louis-Philippe et en 1848 avec la naissance de la Deuxième République. Aujourd’hui, ce sont surtout les offres d’emploi et les études qui attirent les migrants, plus que des considérations exclusivement fiscales qui ne touchent qu’une petite minorité de gens fortunés non actifs au bénéfice d’un forfait dans certains cantons. Les Français en Suisse sont plutôt jeunes: 55% ont moins de 40 ans, 23% moins de 18 ans. Certains joignent l’utile à l’agréable. Ainsi, profitant en 2008 d’une mutation en Suisse alors qu’elle collaborait à Paris au sein du groupe Bombardier, la Franco-Suisse Joanne Bourgeois, aujourd’hui secrétaire générale adjointe ad interim à la toute nouvelle Fondation romande pour le cinéma, affirme avoir quitté la capitale française, souhaitant vivement s’éloigner des complications de la vie parisienne et se rapprocher de la nature. «En Suisse, relève-t-elle par ailleurs, le fédéralisme nous place très vite au cœur des enjeux et des décisions. Depuis que j’y habite, je m’intéresse beaucoup plus à la politique.» Il n’est certes pas nécessaire d’en vouloir à la France pour se sentir bien en Suisse. Pascal Vallet, directeur associé du cabinet d’ingénieurs consultants Antaès, à Lausanne, fait volontiers la promotion du commerce extérieur de l’Hexagone. Ce Bourguignon d’origine n’a pas hésité à acheter un drapeau français pour soutenir l’équipe tricolore de rugby à Cardiff le 17 mars dernier. Mais, reconnaissant aux Suisses de l’avoir si bien accueilli quand il a créé sa société en 2007, avec le soutien des milieux bancaires, il a décidé de demander sa naturalisation dès cet été. Au vrai, la communauté française de Suisse a du mal à être distinguée de la communauté suisse de France. Ce sont souvent les mêmes personnes. Les L’HEBDO 12 AVRIL 2012 12 AVRIL 2012 L’HEBDO MIEUX COMPRENDRE Jean-Philippe Ganascia a déjà visité la plupart des musées de Suisse, un pays dont il avait déjà avant sa venue une image positive et libre de tout préjugé. Deuxième surprise, cette Genève internationale où il pensait goûter à «une vie trépidante» et qui, finalement, «n’est pas plus ouverte que les autres villes». D’une voix calme et généreuse, bien décidé à développer un maximum de contacts, le général avoue avoir été un moment déstabilisé. «En arrivant en Suisse francophone, je ne m’attendais pas à vivre ce creux relationnel.» Deux pays pourtant si proches, partageant la même langue, la France et la Suisse romande sont en réalité deux mondes. Lesquels se désirent, parfois ardemment, sans pourtant s’aimer vraiment quand ils ne se connaissent pas, mais finissent par s’aimer raisonnablement à force de se connaître. Aux yeux des Français qui n’ont jamais mis les pieds en Suisse, celle-ci exhale du bienêtre, de la stabilité et de la prospérité, mais aussi de l’argent sale des fraudeurs, mafieux et dictateurs de tout poil. Mais pour la plupart de ceux qui décident de s’y installer, le côté clair de leur pays d’adoption finit, avec le temps, par estomper le côté obscur. Ces résidents de nationalité française sont toujours plus nombreux: 157 000 inscrits sur les listes consulaires en 2011, en hausse de 7,3% par rapport à 2010 et de 25% en regard de 2005. A ce chiffre, il faut ajouter quelque 20 000 personnes non inscrites officiellement. C’est en Suisse que figure la plus importante communauté de Français expatriés, qui pour la première fois élira son propre député à l’Assemblée nationale, lors des législatives de juin prochain. FRANÇAIS DE SUISSE∑41 42∑FRANÇAIS DE SUISSE LINDA BOURGET P armi les Français qui se fondent dans le paysage helvétique se trouve un nombre croissant de travailleurs qualifiés, formés en particulier à l’ingénierie et au commerce dans l’Hexagone voisin. Certains dirigent même des fleurons de l’industrie helvétique, à l’instar de François Thiébaud, à la tête des montres Tissot, ou d’Alexandre Sacerdoti, patron des chocolats Villars. Les autres sont plus discrets, occupant des postes de cadres ou de managers. «L’évolution est nette: on observe de plus en plus de jeunes, juste diplômés ou au bénéfice d’une première expérience professionnelle, qui viennent travailler en Suisse et qui y développent un projet de vie, observe Romain Duriez, directeur de la Chambre France-Suisse pour le commerce et l’industrie. Le phénomène est similaire à ce que l’on observe avec les Allemands du côté de Zurich.» Auteur de Travailler et vivre en Suisse, David Talerman analyse la situation en des termes simples: «La France a la spécificité de produire beaucoup de diplômés, notamment beaucoup d’ingénieurs. Mais elle ne parvient pas à les absorber. En Suisse, il y a au contraire une forte pénurie de certaines catégories de main-d’œuvre qualifiée. Logiquement, on voit arriver beaucoup de jeunes trentenaires sur le marché suisse.» Réponse aux changements suisses. Leur présence est particulièrement marquée dans le génie civil et la construction en général, la finance ou l’hôtellerie. Un phénomène qui tient en partie à l’évolution du tissu économique suisse, analyse Dimitri Djordjèvic, directeur romand de la société de recrutement Mercuri Urval. «La situation a énormément changé ces quinze dernières années. Avant, le tissu romand était surtout constitué de PME qui recrutaient localement. Aujourd’hui, dans l’arc lémanique en tout cas, on trouve beaucoup de sociétés internationales qui ont besoin de personnel très qualifié, disposant de compétences pointues. Mais le vivier romand ne s’est guère étendu. Du coup, les entreprises doivent aller chercher ailleurs et, pour des raisons de proximité évidentes, la France est l’une des zones de recrutement importantes.» Ces immigrés très profilés sont également nombreux dans le milieu académique. A l’instar de Philippe Gillet, vice-président de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et ex-directeur de cabinet de la ministre française de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse. «Quelque 12% des professeurs de l’EPFL viennent de France, ce n’est pas anodin, explique le géophysicien. Le taux est également significatif au niveau des étudiants et des doctorants. Les hautes écoles suisses sont de plus en plus attractives pour les Français, parce qu’il y a ici des moyens pour la recherche que l’on ne trouve pas facilement ailleurs. Mais entrer dans les universités et EPF n’est pas évident. En général, ce sont donc des talents qui arrivent ici.»√ L’HEBDO 12 AVRIL 2012 JORIS HEYMAN, 24 ANS, ASSISTANT DOCTORANT À L’EPFL, LAUSANNE «Je vois ce pays comme une île magique» Il avait l’embarras du choix. Au sortir de ses études d’ingénieur à l’Institut national de sciences appliquées de Rennes, Joris Heyman décide de poursuivre son cursus dans la recherche. Deux postes de doctorant s’offrent à lui: l’un à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et l’autre à l’Université de Grenoble. Décidé à se faire connaître au sein du milieu académique français, il privilégie l’Isère mais déchante rapidement: MARIE-HÉLÈNE RHEIMS, 39 ANS, CONSULTANTE, GENÈVE «Je ne suis pas venue en Suisse pour des questions fiscales» Lorsqu’elle était enfant, MarieHélène Rheims passait régulièrement ses vacances en Suisse pour y retrouver une partie de sa famille. Cette Parisienne, qui a grandi en Lorraine, a fini par s’installer à Genève il y a trois ans «pour des raisons personnelles et professionnelles. En aucun cas pour des motifs fiscaux, la cité du bout du lac appliquant des taux d’imposition similaires à ceux de la France.» Après avoir acquis une longue expérience en marketing dans le monde du luxe, vécu dans de nombreux pays, notamment en Angleterre, cette avocate de formation décide de lancer dans la 12 AVRIL 2012 L’HEBDO Cité de Calvin son entreprise, Rheims Consulting SA. «J’aide des sociétés à définir leur stratégie et leur positionnement afin d’optimiser leur développement. La plupart de mes clients sont des firmes suisses ou anglaises.» Aux prochaines élections présidentielle puis législative, MarieHélène se rendra aux urnes: «J’ai toujours voté et je vais continuer, d’autant que je suis assez inquiète pour l’avenir de la France.» Cependant, elle ne sait pas si elle retournera un jour vivre dans son pays d’origine. «Je suis parfaitement bien en Suisse; la création de mon entreprise en est la meilleure preuve.»√BERTRAND BEAUTÉ MIEUX COMPRENDRE remarque le Français Henri Muhr, CEO du groupe de construction Steiner depuis trois ans, «les Français viennent en Suisse notamment pour combler un déficit de cadres, d’experts et de managers». Et Didier Forget, CEO de Fläkt Woods (lire son portrait en page 45) de confirmer: «J’ai recruté une assistante de direction non pas grâce à son passeport français, mais en raison de son expérience à l’international. Il n’est pas facile de trouver ces compétences dans le seul vivier de la Suisse romande.» Qui plus est, comme le marché suisse est souvent considéré par les entreprises françaises comme un marché test (ce qui réussit en Suisse réussit ailleurs dans le monde!), ce n’est pas demain la veille que la présence tricolore va s’affaiblir. Reste aux nouveaux venus à se mettre au diapason des mœurs et coutumes helvétiques. Demandant un conseil à un banquier dès son arrivée en Suisse, Pascal Vallet s’est entendu dire: «Ne répondez pas aux questions que l’on ne vous pose pas.» Les Suisses ne supportent pas la rhétorique de certains Français qui leur donne des complexes d’infériorité, au demeurant injustifiés, comme tous les complexes. Mais si le renard français prend le temps d’apprivoiser le petit prince suisse, s’ensuit à coup sûr une belle histoire dans l’histoire de leurs étroites relations.√ Profils Le pendant des Allemands de Zurich «Quelques semaines avant de commencer, tous les financements ont été supprimés. C’est ça, la France d’aujourd’hui.» Il peut se rattraper en rejoignant le laboratoire d’hydraulique environnementale de l’EPFL, où l’autre poste est toujours libre. «Ce que je voulais, c’était faire une thèse. Si j’étais resté en France, je serais encore en train de chercher un emploi car les budgets dévolus à la recherche s’amenuisent de plus en plus.» Une décision par défaut qu’il ne regrette pourtant pas. A présent, il vante le bienêtre de la vie helvétique, largement soutenu par le niveau élevé des salaires: «Je vois ce pays comme une île magique, épargnée par les problèmes qui touchent ses voisins.» Pour autant, la Suisse ne représente qu’une étape dans la vie du Breton: «A terme, j’espère pouvoir trouver du travail en France. C’est mon pays et j’y ai mes racines.»√KEVIN GERTSCH ALAN HUMEROSE REZO MIEUX COMPRENDRE Déficit de cadres. Quoi qu’il en soit, De nombreux Français qualifiés occupent des postes de cadres pour lesquels la main-d’œuvre suisse fait défaut. ALAN HUMEROSE REZO binationaux représentent en effet presque la moitié des Français immatriculés en Suisse. Ces derniers provoquent-ils des réactions de rejet auprès des Suisses romands comme les Allemands auprès des Suisses alémaniques? Si une certaine mauvaise humeur est parfois perceptible à l’égard des frontaliers, notamment à Genève, elle ne touche pas vraiment les Français détenteurs d’un permis d’établissement de longue durée et encore moins les binationaux. Et pour cause: «Les Germains de langue française», selon l’expression d’Alain-Jacques Tornare, parlent la même langue que «la minorité non visible des Français». Avec leur Hochdeutsch fluide et rapide, les Allemands se font quant à eux singulièrement remarquer par les Suisses alémaniques sur les terrasses des restaurants zurichois. FRANÇAIS DE SUISSE∑43 44∑FRANÇAIS DE SUISSE FRANÇAIS DE SUISSE∑45 DIDIER FORGET, CEO DE FLÄKT WOODS, GENÈVE PDG du groupe genevois Fläkt Woods, spécialisé dans les techniques de ventilation et de traitement de l’air, Didier Forget travaille pour, ou à l’étranger depuis l’âge de 23 ans. A l’aise dans la mondialisation industrielle, cet ingénieur ancien cadre dirigeant d’Alstom préfère nettement identifier «la France qui gagne» au TGV plutôt qu’à la «Je me sens très Français et, bien sûr, j’irai voter aux élections.» Même s’il vit en Suisse «La reconnaissance du travail bien fait est très motivante» depuis plus de treize ans, Florian Guy reste très attaché au pays qui l’a vu naître. «Je suis originaire de Bourg-en-Bresse. J’avais 17 ans quand toute ma famille est venue s’installer en Suisse.» Si cette dernière est rentrée, il a préféré rester. Un choix qu’il ne regrette pas: «J’adore ce pays, il y a vraiment très peu d’inconvénients à vivre ici. J’y apprécie le côté paisible que l’on ne trouve pas en France, la qualité de vie extraordinaire, la mentalité moins stressée des gens. De plus, la Suisse ne fait pas partie de l’Union européenne et je trouve très bien qu’elle n’y adhère pas car je suis vraiment déçu par l’UE.» La question ne lui a pas même effleuré l’esprit. «Il n’était pas imaginable que ce soit mon ami qui s’installe en France», Florian avoue cependant avoir été affecté par le débat sur les frontaliers: «Les Français sont un peu les têtes de Turc des Suisses. Même s’il y a certains traits de caractère qui sont vrais, comme le chauvinisme ou encore le côté grande gueule, ce front antifrançais, je l’ai senti.»√BB FRÉDÉRIC, 44 ANS, EMPLOYÉ DANS LA FINANCE, LE PETIT-SACONNEX «Si nous le pouvons, ma famille et moi resterons en Suisse.» Frédéric, salarié dans une grande banque à Genève depuis cinq ans, n’a aucune envie de retourner en France. «Paris est une ville invivable quand on a des enfants alors que, ici, nous disposons d’une qualité de vie incroyable avec le lac et les montagnes. De plus, le système de santé est plus perfor- mant et les écoles de meilleur niveau.» Ni les impôts ni le salaire ne sont des raisons qui ont poussé Frédéric à quitter la France. «J’ai découvert la Suisse lors de mon service militaire que j’ai effectué à Genève dans le cadre du volontariat à l’étranger. La ville m’a séduit. Plus tard, lorsqu’une opportunité professionnelle s’est présentée, je n’ai pas hésité à y revenir.» Aux prochaines élections, Frédéric ne sait pas encore pour qui il votera, déçu des propositions de Nicolas Sarkozy et de la stigmatisation du milieu bancaire et des Français de Suisse par les politiciens: «Au lieu de toujours critiquer, ils seraient bien inspirés de regarder ce qui se fait de bien ici.»√BB L’HEBDO 12 AVRIL 2012 ALAN HUMEROSE REZO ALAN HUMEROSE REZO «Il y a beaucoup d’avantages à vivre en Suisse» MIEUX COMPRENDRE Genève où Didier Forget a acquis un appartement, le siège social de Fläkt Woods baigne dans un «environnement multiculturel qui attire les meilleurs talents».√PHILIPPE LE BÉ 12 AVRIL 2012 L’HEBDO explique Sophie Bornand, qui a rencontré, au début de l’année 2010, un Suisse travaillant dans l’horlogerie. Après des mois de relation à distance, cette œnologue diplômée de l’Université de Bordeaux quitte Châteauneuf-du-Pape, où elle gérait un domaine viticole, et pose ses valises à Etoy en octobre dernier. Non sans avoir auparavant décroché un emploi chez Fonjallaz SA à Epesses. Elle en est persuadée: son compagnon aurait eu beaucoup de peine à trouver du travail si spécialisé en France. Mais la Provençale avait surtout très envie de quitter son emploi. «Dans le monde viticole, les problèmes financiers monopolisent les discussions. C’était oppressant.» Son arrivée en Suisse lui apporte une bouffée d’oxygène. «Il est vrai que les salaires sont plus élevés ici mais, plus que tout, la reconnaissance du travail bien fait est très motivante. Cela, on l’a un peu oublié de l’autre côté de la frontière.» Si elle se sent bien dans le canton de Vaud, l’atmosphère du sud de la France lui manque: «C’est certain, j’y retournerai un jour.» Mais la jeune femme n’est pas pressée. «Au plus tard à ma retraite.»√KG MIEUX COMPRENDRE «J’adore la Suisse» j’apprécie le positionnement neutre de la Suisse», reconnaît le CEO. Pas question donc de céder à «la tentation d’aller ailleurs», notamment en France. Déménagé de Zurich à SOPHIE BORNAND, 29 ANS, ŒNOLOGUE, ETOY ALAN HUMEROSE REZO FLORIAN GUY, 30 ANS INGÉNIEUR CHEZ NESTLÉ, VERSOIX baguette et au béret basque. Avec ses 3500 collaborateurs dans le monde répartis dans 35 filiales, affichant un chiffre d’affaires de 720 millions de francs, Fläkt Woods, issue d’ABB (d’où sa présence en Suisse), est l’alliance plus récente de deux sociétés, d’origines suédoise et britannique. «Marier ces deux cultures n’a pas été facile. C’est pourquoi ALAN HUMEROSE REZO «J’apprécie le positionnement neutre de la Suisse» 46∑FRANÇAIS DE SUISSE MATHIAS KEMPF CHRISTINE BÄRLOCHER EX-PRESS RDB FRANÇAIS DE SUISSE∑47 GAETAN BALLY KEYSTONE d’Hexagonaux. Cette association doit d’ailleurs sa création à une Française. PERCEPTION Trentenaires très qualifiés et mobiles, attirés par les salaires, les expatriés français vivent Zurich comme une cité internationale plutôt qu’alémanique. Toujours plus nombreux dans la capitale économique, les Français constituent une communauté structurée, avec un lycée, des associations et des lieux de rencontre. Ce sont eux, et non les Romands, qui incarnent la francophonie chez Zwingli. Français à Zurich Un îlot soudé MIEUX COMPRENDRE TASHA RUMLEY F rancophone est un terme qui prête à confusion à Zurich. Prenez les «jeudis» du même nom, ces apéros mensuels fréquentés par une bonne centaine de cravates relâchées et de talons hauts et vernis. Ne comptez pas y demander un numéro de «natel». Car vous avez toutes les chances de faire figure d’unique Romand parmi ces trentenaires certes francophones, mais Français de France. Une communauté bien établie et en croissance, inestimable avec précision – 6000 inscrits (volontaires) à Zurich et 26 000 sur toute la Suisse alémanique selon le consulat. Sans doute bien plus dans la réalité. La communauté n’est pas fraîchement débarquée. La preuve, en 1956 déjà, des parents y ont ouvert une école française. Le Lycée Marie-Curie a grandi jusqu’à ac cueillir 700 élèves aujourd’hui et offrir le cursus français complet, de la maternelle au baccalauréat. «Chaque année, nous ouvrons une nouvelle classe pour faire face à la croissance de la communauté», souligne le proviseur Brigitte Renn. Jeunes cadres dynamiques. Cepen- dant, les familles constituent l’exception plutôt que la règle. Les Français débarquent généralement à Zurich dans la fleur de l’âge, seuls, appâtés par un emploi. «Nos membres sont de jeunes cadres dynamiques», observe Claire Chave, présidente de l’association des Jeudis francophones, qui compte 3000 inscrits sur son site. Rarement ils ont choisi Zurich en soi, mais y ont trouvé un emploi sur une L’HEBDO 12 AVRIL 2012 plateforme internationale ou dans une filiale d’une boîte française, comme Carrefour, Société Générale ou Alstom. Alice Delage, urbaniste de 28 ans, a par exemple saisi l’opportunité du VIE – Volontariat international en entreprise – par lequel l’Etat subventionne des stages en entreprise française à l’étranger. Elle est arrivée en octobre pour un an chez Losinger Marazzi (Bouygues). «Je gagne ici plus avec mon stage qu’avec un CDD en France. Si on me proposait une place fixe, je serais tentée de rester.» Le salaire, c’est la motivation première de ces jeunes professionnels. «Quand je suis parti en Suisse, mes copains m’ont dit “Tu vas gagner plein de sous!”», rigole Bruno Agostini, chercheur chez ABB. Bons salaires, mais aussi fiabilité et professionnalisme, le climat séduit. «En France, il y a une conception du travail péjorative qui ne me convient pas, explique Jérôme Delmotte, du comité des Jeudis francophones. Dès que tu entres dans la vie professionnelle, tu penses déjà à la retraite.» Trentenaires, très qualifiés et mobiles, ces Français vivent Zurich «comme une cité internationale plutôt qu’alémanique», observe Franç oisFerdinand Bozso. S’il peut parler l’allemand, il préfère l’anglais au travail. «J’en connais qui sont là depuis dix ans mais ne parlent pas un mot», note-t-il. Car pour les ennemis historiques des Allemands, la langue de Goethe ne va pas de soi. «A l’école, il 12 AVRIL 2012 L’HEBDO ÉDUCATION Le Lycée Marie-Curie, qui offre un cursus complet, ouvre chaque année une nouvelle classe pour répondre à la croissance de la communauté. m’est arrivé d’entendre: “L’allemand, c’est la langue des nazis!”», se souvient Alice Delage. Si elle l’a choisi avant l’anglais, c’est selon une règle tacite. «On considérait que les bons élèves devaient faire de l’allemand.» Il est arrivé la même chose à Bruno Agostini. Mais ses cinq ans de cours ne lui «EN FRANCE, DÈS QUE TU ENTRES DANS LA VIE PROFESSIONNELLE, TU PENSES DÉJÀ À LA RETRAITE.» Jérôme Delmotte, comité des Jeudis francophones ont pas servi pour autant. «Quand je suis arrivé à Zurich, j’ai vite compris que les gens ne parlaient pas l’allemand!» lâche-t-il, dépité par le dialecte. Et quand j’essaie de parler Hochdeutsch, les gens ont pitié de moi et passent à l’anglais ou au français après 30 secondes.» Antithèse des Allemands. Ces difficul- tés linguistiques poussent au communautarisme. Pas moins d’une dizaine d’associations réunissent les Français, qui peuvent ainsi vivre dans une bulle. Ils ont leur Stamm, comme le Café des Amis, où commander des crêpes ou du tartare aux serveurs francophones, le Cabaret Voltaire ou la Brasserie Lipp. Ce côté «incestueux», selon Bruno Agostini, l’a poussé comme d’autres à se tourner vers la communauté internationale anglophone. Quant aux inte- ractions avec les autres francophones que sont les Romands, elles sont étonnamment rares. «Ce sont deux communautés qui se côtoient sans s’intégrer, note Jérôme Delmotte. On est mieux accueillis par les Alémaniques que par les Romands.» La plupart perçoivent un agacement antifrançais des Romands. Alors qu’auprès des Alémaniques, ils peuvent jouer la carte du charme et du savoir-vivre, qui en fait de «bons» étrangers, antithèse des «mauvais» Allemands. Cette communauté semble en mutation. Elle garde son côté «expat», marqué par un fort tournus des séjours de deux-trois ans, avant que d’autres aventures appellent ces professionnels à Londres ou à New York. «Il y a onze ans, quand je suis arrivé, la plupart étaient des mercenaires, qui savaient qu’ils repartiraient», se souvient Jérôme Delmotte. Or, la crise économique a encore renforcé le côté île miraculeuse – ou miraculée – de la Suisse. Des nombreux Français à qui nous avons parlé, aucun n’a émis le souhait de rentrer au pays. S’ils quittaient Zurich, ce serait pour une nouvelle destination. Mais même ceux-là deviennent rares. «Quand on vient ici, on ne repart jamais», pense Bruno Agostini. Bercé depuis 2004 par la qualité de vie et de bonnes conditions de travail, il n’a jamais planifié son départ. «Et maintenant, les autorités vont me donner un permis C!», souritil, ravi que la vie ait tranché pour lui.√ MIEUX COMPRENDRE RÉSEAUTAGE Les Jeudis francophones attirent chaque mois nombre 48∑FRANÇAIS DE SUISSE législatives pour la circonscription Suisse-Liechtenstein. On ne les connaît pas électoralement parlant. Il est donc difficile de prédire pour qui ils vont voter.» Présidentielle UMP et PS draguent les Français de Suisse Effets collatéraux. Surtout, la stigma- endredi 23 mars, 21 heures. Dans la salle cossue du Restaurant du Théâtre à Lausanne, une dizaine de personnes de la section locale du Parti socialiste français dînent avec Hélène Conway-Mouret. La sénatrice PS des Français établis à l’étranger a fait le déplacement depuis Paris. Objectif: récolter des suffrages pour François Hollande. A la table, l’ambiance est conviviale, presque amicale. Il ne s’agit pas d’un meeting de campagne mais d’une réunion informelle où les confidences de la sénatrice alimentent les débats des militants, renforcent leur mobilisation. L’importance de la Suisse n’a pas échappé aux candidats à l’élection présidentielle: avec une communauté estimée à près de 160 000 personnes, sur les 2,5 millions d’expatriés français dans le monde, la Confédération représente en suffrages l’équivalent d’une ville moyenne telle que Dijon. «C’est un enjeu très important, confie Nicolas de Ziegler, vice-président de l’UMP Suisse. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Suisse n’est pas acquise à l’UMP.» En 2007, Nicolas Sarkozy avait remporté facilement le pays avec 57% des suffrages exprimés contre 43% pour sa rivale, Ségolène Royal. Depuis, la donne a changé: «Quarante pour cent des Français de Suisse inscrits aujourd’hui sur les listes électorales ne l’étaient pas en 2007, souligne Claudine Schmid, candidate UMP aux BENOIT TESSIER REUTERS V DUEL L’importance de la Suisse n’a pas échappé aux candidats à l’élection présidentielle Nicolas Sarkozy et François Hollande. tisation récurrente par Nicolas Sarkozy de la Suisse et des Français qui y vivent a fini par dégoûter une population qui lui était jusque-là acquise. Retour en arrière. Lors du sommet de Cannes en 2009, auquel la Suisse n’est pas invitée, Nicolas Sarkozy dénonce les «déficiences» et les «sérieuses carences» de la Confédération en matière de fiscalité, alors que le pays a déjà adopté les standards de l’OCDE. «Quand le président a commencé à débiter des stupidités, j’ai rendu ma carte alors que je m’étais inscrit à l’UMP en 2007, raconte Frédéric, employé depuis cinq ans dans une grande banque à Genève. Et je ne pense pas être une exception. Désormais, je me demande si voter utile, ce n’est pas voter pour François Bayrou. L’abstention reste aussi une option.» «L’électorat est particulier en Suisse, explique Nicolas de Ziegler, de l’UMP. Plus de 50% des inscrits sont des binationaux. Lorsque le pays est attaqué, ils réagissent comme des Suisses. Ils ont mal vécu la manière dont l’Etat a été traité durant le quinquennat. D’autant, il faut l’avouer, que sur la forme le discours n’a pas toujours été adapté.» Conscient de ce déficit d’image, le candidat-président tente de reconquérir l’étranger tout en multipliant, en France, les propositions destinées à séduire les classes populaires. Ainsi, le lundi 12 mars, Nicolas Sarkozy annonce sur TF1 la création d’un nouvel impôt pour les exilés fiscaux. Quatre jours plus tard, les Français de Suisse reçoivent un courriel de l’UMP expliquant que «le président a opéré une distinction très nette entre “exilé fiscal” et “expatrié” […]. Cet impôt ne touchera pas les expatriés qui, par leur activité professionnelle à l’étranger, font rayonner la France hors de ses frontières.» Suivront, la même semaine, deux autres courriels signés L’HEBDO 12 AVRIL 2012 Nicolas Sarkozy. En parallèle, le candidat-président a lancé un site, La France forte à l’étranger, qui comprend un bilan de son action en termes de politique étrangère, ainsi que des témoignages de Français expatriés. François Hollande n’est pas en reste. Le socialiste a lui aussi exprimé le souhait de taxer les exilés fiscaux, mais en renégociant les conventions fiscales bilatérales avec la Suisse afin d’imposer les hauts revenus. Pour rassurer les Français de l’étranger, ses équipes ont elles aussi procédé à du mailing et le candidat s’est adressé directement à ces derniers par un message vidéo. De quoi convaincre les Français de Suisse? Les énerver plutôt. «Cela fait dix jours que je me fais “spammer” ma boîte mail par les candidats à la présidentielle. J’en ai assez, martèle une Française installée à Lausanne. L’ambassade ne m’a jamais prévenue que mon adresse serait distribuée aux candidats lorsque je me suis inscrite sur les listes électorales.» «Les Français de l’étranger supportent assez mal de recevoir des courriels de campagne», confirme Louis Lepioufle, secrétaire de la section de Genève du «DITES À FRANÇOIS HOLLANDE DE NE PAS NOMMER FABIUS PREMIER MINISTRE. NOUS AVONS BESOIN DE TÊTES NOUVELLES.» Une militante socialiste à Lausanne Parti socialiste français. Le meilleur moyen de les convaincre reste les rencontres avec des acteurs politiques de premier plan. A la table du Restaurant du Théâtre à Lausanne, la sénatrice Hélène Conway-Mouret raconte son voyage en Suisse, durant lequel elle s’est notamment entretenue avec des fonctionnaires internationaux, a visité le Théâtre de Vidy et déjeuné à l’Ecole hôtelière de Lausanne. «J’ai été particulièrement impressionnée par le professionnalisme des étudiants de cette institution. Ils nous ont servi un déjeuner savoureux.» Une visite pas complètement désintéressée: 40% des élèves de l’EHL sont français… 12 AVRIL 2012 L’HEBDO «Pour aider François Hollande, je vais partout où il me dit d’aller», poursuit Hélène Conway-Mouret. Depuis le début de la campagne, son agenda s’est ainsi transformé en tour du monde: 20 mars à Dublin, 22 à Genève, 23 à Lausanne, 26 à Bruxelles, 28 à Paris, 3 avril aux Pays-Bas… «Contrairement à ce que prétendait un article paru dans la Tribune de Genève, selon lequel “François Hollande snobe la Suisse”, le Parti socialiste n’a jamais laissé ce pays de côté, précise Louis Lepioufle. La venue de la sénatrice Hélène Conway-Mouret en est la preuve. Après elle, Catherine Trautmann, présidente de la Délégation socialiste française au Parlement européen, viendra en avril à Genève s’adresser aux Français de Suisse.» Prise de conscience. Côté UMP, l’am- biance semble plus morose: «A Paris, ils considèrent, à tort ou à raison, que le vote suisse est acquis, lâche Nicolas de Ziegler, vice-président de l’UMP Suisse. Jusqu’ici, ils ne prévoyaient pas d’envoyer quelqu’un.» Preuve d’une prise de conscience au sein du parti présidentiel, la donne vient de changer: «Michèle Alliot-Marie se déplacera à Genève le 16 avril pour soutenir le président. Et je serai à ses côtés, révèle Claudine Schmid, candidate UMP aux législatives, qui vient de recevoir la confirmation de la venue de l’exministre. J’informerai nos militants ainsi que la communauté française.» Une visite importante fixée opportunément avant le premier tour de la présidentielle: «En Suisse, MAM est particulièrement appréciée, détaille Nicolas de Ziegler. Lorsqu’elle était ministre, à chaque fois qu’elle venait dans le cadre de ses fonctions, elle prenait toujours le temps de passer dire bonjour aux militants locaux. C’est l’une des rares politiciennes à avoir ce genre de geste.» Dans la salle du Restaurant du Théâtre à Lausanne, la fin du repas approche. C’est l’heure des requêtes: «S’il vous plaît, dites à François Hollande de ne pas nommer Laurent Fabius premier ministre, demande une militante à la sénatrice. Nous avons besoin de têtes nouvelles...»√LARGEUR.COM LÉGISLATIVES Enfin des députés de l’étranger! En juin, après la présidentielle se tiendront les élections législatives. Pour la première fois, les Français de Suisse et du Liechtenstein éliront un député. Entre les huit candidats déclarés (voir la liste), la joute politique commence à peine, mais elle promet d’être intéressante. Sans surprise, les deux poids de la campagne sont la Zurichoise Claudine Schmid, qui défend les couleurs de l’UMP, et la Genevoise Nicole Castioni, pour le PS. Deux candidates qui n’ont pas été parachutées depuis Paris par leur parti respectif. «Je tire ma légitimité du terrain et de mes expériences», martèle Claudine Schmid. «Au PS, il n’y a pas eu de parachutage, mais des négociations», embraie Nicole Castioni. Les autres? «Les candidats indépendants des partis ne me font pas peur, explique Claudine Schmid. Que faire d’un député qui n’appartient à aucun groupe? Il n’aura aucun pouvoir.» Côté PS, on se montre moins affirmatif vis-à-vis des candidatures dissidentes: «J’espère que la division de la gauche pour les législatives va s’arrêter là», souffle Louis Lepioufle, secrétaire de la section de Genève de la Fédération des Français à l’étranger du PS. Pour autant, les autres candidats ne partent pas battus d’avance: «C’est parce que la gauche va gagner la présidentielle que j’ai de réelles chances d’être élue, estime la Lausannoise Ximena Kaiser Morris, candidate des Verts. Après la présidentielle, les Français passeront du vote utile au vote du cœur et de la raison.»√ Huit candidats sur la ligne de départ: Claudine Schmid (UMP) , Nicole Castioni (PS), Ximena Kaiser Morris (EELV, les Verts), Marie-Françoise d’Anglemont de Tassigny (Parti radical), Magali Orsini (Front de gauche), Laila Barki (Parti radical de gauche), Pierre-Jean Duvivier (indépendant), Didier Salavert (indépendant). MIEUX COMPRENDRE Après avoir stigmatisé la Suisse, les grands partis de l’Hexagone tentent par tous les moyens d’imposer leurs candidats aux électeurs installés dans la Confédération. BERTRAND BEAUTÉ MIEUX COMPRENDRE FRANÇAIS DE SUISSE∑49