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Cas clinique : aspergillose naso-sinusale associée à des troubles nerveux chez une chienne C. SPILMONT1, C. ESCRIOU2, T. MARCHAL3, M. HUGONNARD2* 1 2 3 Clinique vétérinaire, 4 Boulevard du Maréchal Lyautey, 13 470 Carnoux en Provence, FRANCE. Unité de Médecine, Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Université de Lyon, 1 Avenue Bourgelat, 69 280 Marcy l’Etoile, FRANCE. Unité d’Anatomie Pathologique, Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon, Université de Lyon, 1 Avenue Bourgelat, 69 280 Marcy l’Etoile, FRANCE. * Auteur chargé de la correspondance : [email protected] RÉSUMÉ Une chienne croisée Husky de 5 ans est présentée à la consultation pour un jetage chronique unilatéral mucopurulent. Une atteinte de la sphère oculaire ipsilatérale est également notée. Des radiographies de la cavité nasale et des sinus couplées à une rhinoscopie antérograde et rétrograde permettent de suspecter une aspergillose naso-sinusale. Le diagnostic est confirmé par l'analyse histologique des biopsies réalisées sous contrôle endoscopique. La chienne présente deux jours après la rhinoscopie des troubles nerveux d'apparition brutale (crise convulsive, démarche automatique et altération de la vigilance). L'examen neurologique est diagnostique d'une atteinte corticale focale gauche, confirmée à l’autopsie. L’examen histologique de l’encéphale conclut à une lésion ischémique localisée. L’hypothèse d’une embolie fongique est privilégiée. Mots-clés : Aspergillose, chien, jetage, radiographie, rhinoscopie, encéphalopathie, embolie, accident vasculaire cérébral. Introduction Cet article présente un cas d’aspergillose naso-sinusale associée à des troubles nerveux secondaires à une lésion encéphalique chez un chien. L’hypothèse d’une embolie fongique est discutée à la lumière des données de l’examen nécropsique macroscopique et histologique de l’encéphale. L’aspergillose naso-sinusale est une cause fréquente de jetage chronique chez le chien dont l’approche diagnostique n’est pas univoque. Les auteurs proposent une réflexion sur l’intérêt respectif des examens d’imagerie et de la rhinoscopie dans l’établissement du diagnostic de certitude et la réalisation du bilan d’extension. Les rares descriptions de complications encéphaliques d’aspergillose naso-sinusale chez le chien concernent des maladies associées à un effondrement de la lame criblée par le champignon. Ce cas original par l’absence d’atteinte de la lame criblée est l’occasion d’évoquer une autre modalité de complication à distance de l’aspergillose, bien connue chez l’homme : l’embolie fongique. Cas clinique Une chienne croisée Husky de 5 ans, stérilisée, vaccinée et Revue Méd. Vét., 2010, 161, 2, 61-66 SUMMARY Case report: nasosinusal aspergillosis associated with neurologic signs in a dog A 5 year-old crossbreed husky female dog is presented for a unilateral mucopurulent chronic nasal discharge. Abnormalities of the ipsilateral ocular area are also noted. Radiographs of the nasal cavity and paranasal sinuses combined with an anterograde and retrograde rhinoscopy support the hypothesis of naso-sinusal aspergillosis. The diagnosis is confirmed by histological examination of rhinoscopic biopsies. The dog develops acute onset of neurologic signs two days after the rhinoscopy (seizures, wandering, pacing and depression). The neurological diagnosis of a left cortical focal lesion is confirmed by autopsy. The brain histopathological analysis reveals a focal ischemic lesion. The hypothesis of a fungal embolism seems to be the most consistent. Keywords: Aspergillosis, dog, nasal discharge, radiography, rhinoscopy, encephalopathy, embolism, stroke. vermifugée est référée à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon (ENVL) pour un jetage muco-purulent unilatéral évoluant depuis cinq mois. Quelques éternuements, une toux faible épisodique et un épisode ponctuel d’épistaxis sont également rapportés. La chienne est amaigrie et abattue. Deux traitements antibiotiques (association amoxicilline et acide clavulanique puis marbofloxacine) et un détartrage n’ont pas apporté d’amélioration sensible et durable. L’examen clinique révèle une hyperhémie gingivale et sclérale gauche, un épiphora de l’œil gauche, une dépigmentation et une ulcération de la narine gauche (figure 1) ainsi qu’une sensibilité du chanfrein. Le palais dur n’est pas déformé et la dentition ne présente pas d’anomalies. La température est normale (38.8°C). L’analyse d’urine recueillie par miction naturelle révèle une densité urinaire supérieure à 1.050, un pH urinaire de 7, une protéinurie légère (1+) et une faible bilirubinurie (1+). Les radiographies thoraciques ne montrent pas d’anomalie. La numération et la formule sanguines ainsi que le bilan biochimique sont conformes aux valeurs usuelles. Les radiographies de la cavité nasale montrent une destruction des cornets nasaux rostraux à gauche épargnant le septum nasal, une opacification liquidienne en région moyenne et caudale de la 62 HUGONNARD (M.) ET COLLABORATEURS partie gauche de la cavité nasale, et une opacification du sinus frontal gauche. De plus, l’os frontal gauche est irrégulier (figure 2). La rhinoscopie antérograde confirme la disparition subtotale des cornets nasaux à gauche. Elle permet de visualiser un volumineux amas blanc compatible avec une plaque fongique (figure 3). L’examen histologique des biopsies endoscopiques de la muqueuse nasale montre un enchevêtrement dense et exclusif de filaments mycéliens de diamètre régulier, septés et rarement ramifiés (aspect fortement évocateur d'Aspergillus) à la surface de l’épithélium respiratoire (figures 4A et 4B). L'identification précise du champignon en culture n'a pas été réalisée. FIGURE 1 : Vue rapprochée de la truffe de la chienne croisée Husky de 5 ans. Noter la dépigmentation et l’ulcération de la narine gauche. FIGURE 3 : Vue rhinoscopique d’une plaque fongique dans la cavité nasale gauche de la chienne croisée Husky de 5 ans. FIGURE 2 : Radiographie (vue de face) de la cavité nasale de la chienne croisée Husky de 5 ans. Noter la disparition des cornets nasaux à gauche (étoile). FIGURE 4 : A. Coupe histologique d’une biopsie de la cavité nasale gauche de la chienne croisée Husky de 5 ans (coloration Hémalunéosine, objectif 20). Noter l’enchevêtrement de filaments mycéliens (flèches) (plaque mycosique) à la surface de l’épithélium respiratoire. B. Détail d’une plaque mycosique (coloration PAS, objectif 40). Revue Méd. Vét., 2010, 161, 2, 61-66 ASPERGILLOSE NASO-SINUSALE CHEZ UN CHIEN Le chorion est oedémateux et infiltré de manière diffuse par des plasmocytes accompagnés ponctuellement de granulocytes neutrophiles en voie de dégénérescence. On peut également observer en profondeur des lésions vasculaires avec accumulation de fibrine autour des vaisseaux lésés (figure 5). Un diagnostic d’aspergillose naso-sinusale est établi et des balnéations de la cavité nasale à base d’énilconazole sont planifiées. Cependant, deux jours après la rhinoscopie, l’apparition brutale de symptômes nerveux (crise convulsive suivie de troubles comportementaux) justifie une consultation en urgence à l’ENVL. A l’admission, la chienne présente des troubles de la vigilance et une marche automatique : elle déambule en cercles à gauche et chute parfois à droite. L'examen neurologique révèle des déficits proprioceptifs sur l’hémicorps droit et une amaurose sur l’œil droit. Ces anomalies permettent de conclure à une atteinte corticale focale 63 gauche. Les propriétaires déclinent la proposition d’un examen d’imagerie de l’encéphale et optent pour l’euthanasie. Le liquide céphalorachidien (LCR) prélevé post-mortem par voie haute est inflammatoire (protéinorachie : 0.51 g/L ; cellularité : 15x106 cellules/L). L’autopsie met en évidence des plaques mycosiques au contact de l’ethmoïde et comblant le sinus frontal gauche (figure 6). Aucune extension à la partie droite de la cavité nasale n’est décelable macroscopiquement. La lame criblée est intacte et les lobes olfactifs sont normaux. Une lésion circulaire bien délimitée, nécrotique et hémorragique, de 1,5 cm de diamètre est observée dans la substance blanche du cortex gauche (figure 7). L’analyse histologique de cette lésion met en évidence un foyer nécrotico-hémorragique avec cavitation centrale, astrocytose et microgliose ainsi que de multiples sphéroïdes axonaux (figure 8). En périphérie du foyer sont observées des lésions vasculaires (nécrose fibrinoïde, hémorragies périvasculaires, extravasation de fibrine). Une infiltration périvasculaire lymphoplasmocytaire méningée et intraparenchymateuse est également observée de façon disséminée dans l’encéphale (figure 9). La coloration de Grocott ne met en évidence aucun élément fongique. FIGURE 5 : Coupe histologique de la biopsie de la cavité nasale gauche de la chienne croisée Husky de 5 ans (coloration Hémalun-éosine, objectif 20). Noter l’œdème du chorion (étoile), l’infiltrat inflammatoire diffus (pointe de flèche) et la vascularite (flèche). FIGURE 6 : Coupe sagittale de la tête de la chienne croisée Husky de 5 ans. Noter les plaques mycosiques (flèches) au contact de l’ethmoïde et comblant le sinus frontal gauche. FIGURE 7 : Coupe transversale de l’encéphale de la chienne croisée Husky de 5 ans à hauteur des hémisphères cérébraux. Noter la lésion circulaire hémorragique et nécrotique (flèche) dans la substance blanche du cortex pariétal gauche. FIGURE 8 : Coupe histologique de l’encéphale de la chienne croisée Husky de 5 ans en périphérie de la lésion corticale (coloration Hémalun-éosine, objectif 10). Noter la cavitation centrale (étoile), les hémorragies (losange), la nécrose fibrinoïde (flèches). Revue Méd. Vét., 2010, 161, 2, 61-66 64 HUGONNARD (M.) ET COLLABORATEURS même qu’une sérologie négative ne l’exclut pas [2]. Plusieurs techniques sérologiques sont disponibles pour le diagnostic d’aspergillose dont la plus courante, la plus éprouvée et la plus fiable est l’immunodiffusion sur gel d’agarose [6, 11, 14]. Dans une étude conduite sur 58 chiens présentant un jetage et 26 chiens sains, la sensibilité de cette méthode était de 68% et sa spécificité de 98% [21]. La sensibilité de l’immunodiffusion sur gel d’agarose dépend directement du nombre d’antigènes inclus dans la préparation mise en présence du sérum à tester. Or, les tests sérologiques proposés en routine ne contiennent pour la plupart qu’un antigène unique [14]. FIGURE 9 : Coupe histologique de l’encéphale de la chienne croisée Husky de 5 ans (coloration Hémalun-éosine, objectif 40). Noter l’infiltrat inflammatoire périvasculaire (flèche) (la lumière vasculaire est identifiée par une étoile). L’origine possible des lésions cérébrales responsables des troubles nerveux est abordée dans la discussion. Discussion L’aspergillose naso-sinusale canine est une affection de la cavité nasale et des sinus causée par un champignon, le plus fréquemment Aspergillus fumigatus. Elle est caractérisée par une rhinite et une sinusite destructive [3, 35]. Cette maladie est relativement fréquente puisqu’elle représente 12 à 34% des causes d'affections sinusales chroniques chez le chien [8, 10]. Sur le plan épidémiologique, les chiens d'âge moyen de races dolichocéphales semblent plus fréquemment touchés (notamment les Bergers allemands et les Rottweilers) sans qu'il y ait de prédisposition sexuelle [33].Les symptômes d’appel de l’aspergillose naso-sinusale sont un jetage unilatéral ou bilatéral, chronique, souvent abondant, mucopurulent ou hémorragique (qui peut alterner avec des épisodes d’épistaxis), une décoloration et une ulcération de l’aile du nez et une douleur lors de la palpation de la région faciale [2]. Cette affection naso-sinusale peut être une infection primaire opportuniste, ou survenir secondairement à un traumatisme facial, la présence d’un corps étranger ou d’une tumeur de la cavité nasale [2, 38]. Le diagnostic définitif d’aspergillose naso-sinusale requiert des examens d’imagerie et/ou une rhinoscopie. En effet, la démonstration d’éléments fongiques dans la cavité nasale par mise en culture d’un écouvillonnage nasal ne suffit pas à établir le diagnostic, même dans un contexte clinique évocateur : ainsi, Aspergillus peut ainsi être isolé de la cavité nasale de chiens sains ou atteints de tumeur nasale dans 30 à 40% des cas [2, 7, 33]. Par ailleurs, les performances diagnostiques de la sérologie pour le diagnostic de cette affection sont imparfaites, quelle que soit la technique utilisée. Ainsi, une sérologie positive n’est pas pathognomonique d’une aspergillose de Une démarche diagnostique exhaustive lors de suspicion clinique d’aspergillose comprend un examen d’imagerie de la cavité nasale et des sinus, suivi d’une rhinoscopie avec biopsies [12, 20]. Trois techniques d'imagerie sont envisageables : la radiographie, la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Les lésions radiographiques observées lors d’aspergillose sont une augmentation uni ou bilatérale de la radio-transparence de la cavité nasale, liée à la destruction des cornets nasaux par le champignon. Une augmentation de la radio-opacité du sinus frontal et de la partie caudale de la cavité nasale (due au comblement de la cavité nasale par le champignon, à des mucosités et/ou à une hypertrophie réactionnelle de la muqueuse) est également parfois observée [37]. La destruction des cornets nasaux est appréciée plus finement par l’examen tomodensitométrique. Son observation systématique, même en présence de sécrétions ou d’hypertrophie réactionnelle des tissus mous, améliore nettement la sensibilité diagnostique par rapport à la radiographie [23, 24]. Globalement, les lésions observées par IRM sont du même type que celles révélées par examen tomodensitométrique. L’IRM permet en plus de faire la différence entre un épaississement muqueux d’une part et des sécrétions nasales et colonies fongiques d’autre part. En revanche, elle ne permet pas de distinguer les sécrétions nasales des amas mycosiques [26]. Parmi les trois examens d'imagerie possibles, la radiographie est de loin la méthode la moins sensible et la moins spécifique pour diagnostiquer une aspergillose [24, 26] comparativement à l’IRM et la tomodensitométrie dont les performances diagnostiques sont similaires [26]. Le choix de l’une ou l’autre dépend de sa disponibilité. L’examen tomodensitométrique a été proposé comme unique examen complémentaire pour diagnostiquer une aspergillose étant donné sa grande sensibilité, estimée à 92% pour un diagnostic probable à certain d’aspergillose [24]. Cependant, certaines lésions observées par tomodensitométrie peuvent mimer une aspergillose et conduire à un diagnostic erroné, notamment lors de corps étranger [24]. C’est pour cette raison que le diagnostic de référence d'une affection nasale fongique reste aujourd’hui la visualisation directe des plaques fongiques par rhinoscopie associée à la preuve microscopique (biopsies nasales) de l’invasion de la muqueuse par des filaments mycéliens [2, 9, 26, 40]. L’histologie permet également parfois de mettre en évidence un processus néoplasique sous jacent, ayant fait le lit de l’affection fongique. En toute rigueur, le diagnostic d'aspergillose nasale requiert enfin l'identification du champignon en culture. Au-delà du diagnostic, la réalisation soigneuse du bilan d’extension est particulièrement importante lors d’asperRevue Méd. Vét., 2010, 161, 2, 61-66 ASPERGILLOSE NASO-SINUSALE CHEZ UN CHIEN gillose : elle permet de préciser le pronostic et d’adapter la stratégie thérapeutique. L’option thérapeutique communément privilégiée aujourd’hui est la balnéation de la cavité nasale par des antifongiques topiques (énilconazole ou clotrimazole, à la dilution habituelle de 1 à 2%) [13, 28, 40], mais la technique d’irrigation susceptible d’offrir les meilleures chances de guérison dépend probablement du bilan d’extension. Ainsi, un placement intra-sinusal de la sonde de balnéation, éventuellement après trépanation et curetage des sinus frontaux, est recommandé en cas d’atteinte sinusale associée alors qu’un simple placement intra-nasal (insertion nasale antérograde de la sonde) suffit en cas d’atteinte limitée à la cavité nasale [13, 15, 22, 40]. Par ailleurs, si le bilan d’extension révèle une atteinte de la lame criblée, un risque de complications nerveuses par diffusion cérébrale de l’antifongique topique existe. Le cas échéant, ce risque conduit le plus souvent à préférer un protocole thérapeutique alternatif (kétoconazole par voie orale à la dose de 5 mg/kg 2 fois par jour pendant 6 à 18 semaines ou itraconazole à la dose de 5 mg/kg 2 fois par jour pendant 10 semaines [12, 32]). La fiabilité du bilan d’extension est donc essentielle pour la prise en charge d’une aspergillose naso-sinusale. La radiographie est beaucoup moins précise que le scanner et l’IRM dans l’établissement de ce bilan d’extension. En effet, la superposition des structures osseuses rend l’interprétation radiographique imprécise [4]. Ainsi, la radiographie ne permet pas de garantir une atteinte unilatérale de la cavité nasale, de visualiser le septum nasal, et d’observer de façon satisfaisante et systématique la lame orbitaire des récessus maxillaires, la lame criblée, l’os vomer et la cloison naso-orbitale [23, 27, 30, 31, 36, 37]. Pour toutes ces raisons (fiabilité du diagnostic et précision du bilan d’extension), l'examen tomodensitométrique ou d’imagerie par résonance magnétique associé à la rhinoscopie est l’examen d’imagerie médicale le plus pertinent lors de suspicion d’aspergillose [2, 26]. Dans le cas présenté, on peut s’interroger sur le lien entre les troubles nerveux et l'affection fongique. L’extension locorégionale des lésions aspergillaires nasales et naso-sinusales à l'encéphale a été rapportée occasionnellement chez le chien, par effondrement de la lame criblée [3, 23, 34]. La lyse osseuse semble dans ce cas causée par la réponse inflammatoire de l'hôte et la production de toxines nécrosantes fongiques [19, 25]. Les symptômes nerveux sont alors la conséquence de l'atteinte méningée et/ou encéphalique et varient suivant l’importance et la localisation des lésions : ataxie, paralysie, céphalées, mydriase aréflexive, convulsions... [3]. Dans le cas décrit, l’examen nécropsique permet d’écarter l’hypothèse d’une infiltration fongique de l'encéphale par extension locorégionale (la lame criblée ainsi que les lobes olfactifs sont demeurés intacts). La lésion corticale focale de l'hémisphère gauche permet d'expliquer les signes nerveux et correspond sur un plan histologique à une lésion de nécrose ischémique. Dans ce contexte, l'éventualité d'un thrombus mycosique doit être évoquée, même si des coupes sériées de l'encéphale à proximité du site lésionnel n'ont pas permis de la confirmer. Un argument indirect en faveur de cette hypothèse est la présence d'un infiltrat lymphoplasmocytaire périvasculaire multifocal témoignant d’une réaction inflammatoire des structures vasculaires. Par ailleurs, nous n’avons pas identifié d'arguments cliniques et biologiques en faveur d'une autre affection prédisposant aux thrombo-embolies Revue Méd. Vét., 2010, 161, 2, 61-66 65 chez ce chien (absence en particulier de coagulation intravasculaire disséminée, anémie hémolytique à médiation immune, ou glomérulopathie). Seul l’examen rhinoscopique impliquant des saignements inhérents à la procédure aurait pu favoriser une thrombo-embolie par analogie avec ce qui est décrit pour certaines chirurgies sanglantes. A notre connaissance, un seul cas de complication à distance d’aspergillose naso-sinusale a été décrit chez le chien. Six mois après trépanation des sinus frontaux et balnéations à l’énilconazole est survenue une boiterie marquée d’un membre pelvien secondaire à une ostéomyélite fongique du tibia (les hyphes isolés avaient une apparence typique d'Aspergillus). Les auteurs concluaient à une complication métastatique de l’aspergillose [16]. Des cas d’aspergillose d’emblée systémique affectant plusieurs organes tels que rate, rein, foie, poumon, cerveau, vertèbres…ont par ailleurs été décrits chez le chien. Ils impliquent Aspergillus terreus, deflectus ou niger [29]. Dans ce cas, la voie de dissémination est clairement hématogène et des infarctus septiques (fongiques) sont observés dans les différents organes atteints. Chez l’Homme, des cas d’aspergillose cérébrale de présentation clinique similaire à un accident vasculaire cérébral sont décrits comme une complication possible bien que peu fréquente d’aspergillose systémique, mais également d’aspergillose sinusale [1, 18, 39]. L’imagerie par résonance magnétique ou l’histologie de l’encéphale de tels patients met en évidence des lésions d’infarctus cérébraux associés à des thromboses. Dans certains cas, le caractère fongique de l’embole a pu être confirmé [1, 5, 17, 18, 39]. Chez l’Homme, la nature angioinvasive d’Aspergillus est bien connue. Elle est due à sa capacité à produire une élastase qui attaque les parois vasculaires. Cette particularité physiopathologique explique les lésions hémorragiques, ischémiques (suite à l’occlusion artérielle par un thrombus fongique ou aux lésions d’artérites) ou anévrismales fréquemment rapportées lors d’aspergillose humaine. Il semble plausible que les mêmes mécanismes puissent exister chez le chien. Le caractère essentiellement locorégional de l’aspergillose canine (par opposition aux aspergilloses invasives des patients immunodéprimés humains) pourrait expliquer que de telles lésions soient moins fréquemment observées chez le chien. En conclusion, l’aspergillose naso-sinusale est une affection chronique de la cavité nasale et des sinus relativement fréquente dans l’espèce canine. Son diagnostic nécessite une démarche rigoureuse et une bonne connaissance des examens complémentaires disponibles (en particulier leurs sensibilités et spécificités respectives). La rhinoscopie couplée à l’examen histologique de biopsies nasales demeure aujourd’hui le diagnostic de référence. Les examens d’imagerie médicale (et en particulier la tomodensitométrie ou l’imagerie par résonance magnétique) sont indispensables dans la réalisation du bilan d’extension, étape fondamentale pour décider de la stratégie thérapeutique. Ce cas clinique souligne la possibilité d’embolisation des agents fongiques à l’origine d’une atteinte à distance du site primitif de l’infection. Remerciements Dr. Vétérinaire Marianne COLLE, Maître de Conférences 66 à l’ENVN, pour son expertise dans la lecture des coupes histologiques. Bibliographie 1. - ABENZA-ABILDUA M.J., FUENTES-GIMENO B., MORALESBASTOS C., AGUILAR-AMAT M.J., MARTINEZ-SANCHEZ P., DIEZ-TEJEDOR E.: Stroke due to septic embolism resulting from Aspergillus aortitis in an immunocompetent patient. J. Neurol. Sci., 2009, 284, 209-210. HUGONNARD (M.) 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