la peine de mort au japon

Transcription

la peine de mort au japon
LA PEINE DE MORT AU JAPON
[ Contexte historique ]
Tout au long de l'histoire du Japon, la mort, ouvertement administrée, a été la principale sanction
criminelle appliquée.
La pratique de la peine de mort a cependant été interrompue lorsque le Japon est devenu la
première nation abolitionniste de 810 à 1156. Cette situation trouvait son origine dans deux faits
sociaux: la paix dont le Japon a bénéficié au cours de la période Heian, et le développement du
bouddhisme. Bien que la peine de mort n'ait jamais été officiellement abolie pendant cette période, le
Japon était abolitionniste de fait.
Les exécutions ont repris en 1156, à la suite de la violente rébellion Hogen à Kyoto. Pendant les
sept siècles suivants, sous le règne des Samouraï, la peine de mort est redevenue une sanction
commune. La plupart des crimes - du plus modeste larcin au meurtre - étaient punis de mort.
[ Chefs d'accusation passibles de la peine capitale ]
Le droit criminel japonais prévoit la peine de mort pour 13 chefs d'accusation différents, mais en
pratique les condamnations à mort sont uniquement attribuées pour meurtre.
[ Statut de la peine de mort au regard du droit international ]
Le Japon a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en 1979.
En décembre 2007, le Japon a voté contre la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies
en faveur d'un moratoire sur la peine de mort, et s'est associé à la déclaration de dissociation initiée
par Singapour.
[ Méthode d'exécution ]
Les éxécutions, au Japon, sont effectuées par pendaison.
[ Chiffres ]
Après une période de 15 mois pendant laquelle aucune exécution n'a eu lieu, 4 personnes ont été
exécutées en décembre 2006.
3 hommes ont été pendus le 27 avril 2007, dans les centres de détention d'Osaka, de Fukuoka et de
Tokyo.
3 hommes ont été exécutés le 7 décembre 2007 – l'un deux avait 75 ans.
3 hommes ont été exécutés le 1er février 2008.
4 hommes ont été pendus le 10 avril.
Plus récemment, le 17 juin, 3 hommes ont été pendus, dont l'un âgé de 73 ans.
Plus de 100 condamnés actuellement dans le couloir de la mort au Japon ont terminé leur
processus d'appel et peuvent être exécutés à tout moment, soumis à l'autorisation du Ministre de la
Justice.
[ Évolutions récentes ]
Entre 1989 (à l'apogée de son boom économique) et 1993, le Japon a connu un moratoire de fait
de 40 mois, au cours duquel quatre ministres de la justice successifs ont refusé de signer des ordres
d'exécution. Les pro-peine de mort n'ont pas significativement protesté pendant ce moratoire.
Sous le nouveau Ministre de la Justice Hatoyama Kunio, arrivé au pouvoir le 27 août 2007, 13
exécutions ont été déplorées en moins de 6 mois. Ce ministre a publiquement annoncé en septembre
2007 qu'il envisageait d'abolir la loi du Code de procédure criminelle qui requiert la signature du
Ministre de la Justice pour procéder à une exécution - ce qui signifierait que les condamnés à mort
pourraient être automatiquement exécutés moins de six mois après la fin de leur processus d'appel.
En 2007, les cours ont confirmé la condamnation à mort de 23 personnes - le chiffre le plus élevé
depuis 1962.
Jusqu'en 1999, le gouvernement ne faisait aucune annonce à la suite des exécutions. Depuis
décembre 2007, le Ministère de la Justice dévoile l'identité des personnes exécutées, donnant parfois la
description de leur crime. Pourtant, la politique du secret reste fortement ancrée, puisque les
condamnés ne sont prévenus de leur exécution que quelques heures en avance.
[ Spécificités du pays ]
Amnesty International affirme que le système judiciaire japonais repose principalement sur les
aveux, alors que ceux-ci peuvent être obtenus sous la contrainte, dans des conditions très pénibles
(dans des cellules de police, où les accusés peuvent être maintenus pendant 23 jours, sans représentant
fourni par l'État, ils sont interrogés 12 heures par jour. Aucun avocat n'est présent, aucun
enregistrement n'est effectué, et les accusés subissent une pression constante visant à les faire avouer).
Selon la position officielle du gouvernement japonais, la peine de mort doit être maintenue car une
très grande majorité de l'opinion publique la soutient. Cependant, selon les Nations unies, “l'une des
principales raisons pour laquelle la peine de mort n'est pas abolie est le secret maintenu autour du
sujet et le manque d'information qui en découle pour débattre de l'abolition.”
La peine de mort au Japon est effectivement caractérisée par bien des zones d'ombre:
•
Entre la condamnation à mort et l'exécution, les condamnés à mort sont “socialement
anéantis” par les restrictions extrêmement sévères imposées par l'État pour les visites et les
correspondances. Selon un rapport de la FIDH, les condamnés se voient refuser des communications
avec leurs proches ; les visites des membres de leur famille ou de leur représentant légal sont rares et
surveillées de près. Ils n'ont pas le droit d'avoir une télévision, l'éclairage est contrôlé par le personnel
de la prison, et les cellules manquent de lumière naturelle, de chauffage et d'air conditionné.
•
Le procureur du Ministère de la Justice choisit les dates d'exécution de manière
stratégique, afin de minimiser le risques de manifestations suivant l'exécution, et d'éviter tout débat au
Parlement. Parmi les autres paramètres pris en compte, les exécutions doivent toujours se produire
pendant les vacances parlementaires, l'été et à la fin de l'année, souvent le jeudi ou le vendredi
(proches du week-end).
•
Le Ministère de la Justice ne fournit aucune explication ou justification du choix des
condamnés qui vont être exécutés. La décision reste entourée de secret et aléatoire, puisqu'aucun
schéma logique ne peut être discerné dans le choix des condamnés qui sont exécutés.
•
Les condamnés du couloir de la mort japonais ne sont avertis de leur exécution qu'une
heure avant celle-ci, ce qui implique pour eux la crainte constante de pouvoir être exécutés à tout
moment. Habituellement, le condamné est averti le matin même de son exécution, mais parfois certains
sont pendus sans aucun avertissement préalable.
•
Les proches du condamnés sont informés de l'exécution une fois celle-ci effectuée ; ils ont
alors 24 heures pour récupérer le corps.
Les avocats de la défense ne reçoivent aucun avertissement.
•
•
Le public japonais ne reçoit aucune information préalablement aux exécutions, ce qui
diminue le risque de protestations et permet d'éviter un débat public.
•
Dans de nombreux cas, l'équipe chargée de l'exécution n'est pas non plus préalablement
avertie, en partie par peur de l'absentéisme du personnel si il venait à être informé à l'avance. En effet,
les exécuteurs ne peuvent se dérober à leur tâche.
•
Un ‘conseiller spirituel’ peut assister à la pendaison mais les condamnés ne sont pas
autorisés à le désigner.
•
Aucune ‘personne extérieure’ n'est autorisée à assister aux pendaisons: ni journalistes, ni
proches ou amis de la victime, ni famille ou amis du condamné à mort.
•
en usage.
Les citoyens et les médias ne sont pas autorisés à voir les potences lorsqu'elles ne sont pas
•
Après que le condamné ait été exécuté, l'État envoie aux agences de presse une notification
par fax. Jusqu'en décembre 2007, l'identité des personnes exécutées n'était pas révélée et le fax pouvait
même ne pas indiquer son origine.
•
Les universitaires et les journalistes n'ont pas accès aux documents concernant la peine de
mort – incluant les enregistrements des procès – qui devraient pourtant, comme l'exige la loi, être
publics.
•
L'État japonais tente de soustraire la peine de mort de l'attention internationale.
L'ensemble des pratiques décrites ci-dessus remplissent cet objectif, tout comme le refus de l'État de
coopérer avec les visiteurs étrangers intéressés par le sujet, et de ratifier les traités et protocoles
internationaux qui mentionnent la peine capitale.
[ Sources :
•
•
•
•
“Amnesty International Annual Report” (2008) http://thereport.amnesty.org/eng/Homepage
"Will this day be my last?" The death penalty in Japan” (2006)
http://www.amnesty.org/fr/library/info/ASA22/006/2006
“The Death Penalty In Japan, A Practice Unworthy of a Democracy” (2003)
http://www.fidh.org/spip.php?article123
“Where the state kills in secret: Capital punishment in Japan” de David T. Johnson dans la revue Punishment
Society 2006; 8; 251 ]