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Chroniques bleues
Ces Bleus coupés du monde
lundi 14 mars 2011, par Bruno Colombari
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Ils ont écrit l’histoire de l’équipe de France, enfin, plus la petite que la grande. Ces joueurs-là n’ont en effet participé
à aucun des 54 matches de coupe du monde des Bleus, même pas sur le banc. Les regrets sont éternels.
Dans la grande foule des internationaux français, il y a deux catégories : ceux qui ont participé à au moins un match de coupe du
monde, et les autres. On pourrait même diviser la première deux sous-catégories, ceux qui ont joué, ne serait-ce que quelques
minutes, et ceux qui n’auront que ciré le banc. Pour l’instant, nous allons nous intéresser à ceux qui, à cause d’une blessure, d’un
choix du sélectionneur ou d’un calendrier défavorable, n’ont jamais connu le grand frisson d’une phase finale mondiale.
Nous avons sélectionné 23 joueurs dont le point commun est d’avoir eu un niveau au moins similaire, voire supérieur à celui des
mondialistes. S’ils avaient joué un mondial, leur carrière aurait-elle été différente ? Nul ne le sait, mais il n’est pas interdit de leur
rendre hommage.
Jules Dewaquez
né en 1899, 41 sélections et 12 buts entre 1920 et 1929
Quarante-et-une sélections : dans l’équipe de France d’avant-guerre, c’est un total considérable, qui a même fait de Jules Dewaquez
le premier recordman du genre. Débutant en 1920, la carrière internationale de cet ailier qui ne répugnait pas, déjà, à repiquer dans
l’axe et à tenter sa chance, a duré neuf ans. Assez pour participer aux trois tournois olympiques des années 20, mais un peu trop
courte pour aller jusqu’en Uruguay où l’équipe de France a joué sa première coupe du monde, en juin 1930.
Larbi Ben Barek
né en 1914, 17 sélections et 3 buts entre 1938 et 1954
Ce premier joueur est surtout connu pour avoir battu un record de longévité, avec une carrière étalée sur seize ans et un dernier
matches à quarante ans, quatre mois et un jour. Malheureusement pour Larbi, sa première sélection arrive six mois après la coupe
du monde 1938 en France, contre l’Italie, champion du monde en titre alors qu’il joue à l’OM. Après l’interruption de la deuxième
guerre mondiale, Ben Barek intègre le Stade français, joue régulièrement entre 1945 et 1948 et part à l’Atletico de Madrid. Il sera
rappelé six ans plus tard en sélection, quatre mois après la coupe du monde en Suisse, pour un ultime match en Bleu contre
l’Allemagne, encore un champion du monde en titre, et alors qu’il est revenu à l’OM ! Cette dernière sortie ne durera que 27
minutes, mais elle contribuera à faire entrer ce magnifique technicien dans l’histoire.
Paul Nicolas
né en 1899, 35 sélections et 20 buts entre 1920 et 1931
C’est le premier grand buteur de l’histoire des Bleus, avec 20 réalisations en 35 matches joués, ce qui le met à la onzième place au
classement des buteurs, aux côtés de son homonyme Jean Nicolas et d’Eric Cantona. Il jouait avant-centre dans un système de cinq
attaquants qui lui donnait plutôt un rôle de meneur de jeu [1] et ne se gênait pas, par son influence, à imposer des partenaires dans
la sélections. Il manquera la coupe du monde 1930, les joueurs (officiellement amateurs) n’étant pas tous disponibles pour deux
mois (dont un de voyage aller-retour) en Uruguay. Il reviendra comme sélectionneur entre 1949 et 1958, contribuant avec Albert
Batteux et Jean Snella au beau parcours des Bleus en Suède.
Julien Darui
né en 1916, 25 sélections entre 1939 et 1951
Et voici un des meilleurs gardiens de but français. Il débute en Bleu en 1939, mais la guerre le prive de cinq années de sélections (il
jouera deux matches contre la Suisse et l’Espagne en 1942). Il retrouve son poste à la Libération, mais l’équipe de France ne
participe pas à la coupe du monde 1950, la seule organisée pendant les douze années de sa carrière internationale. Très en avance
sur son temps, il a beaucoup travaillé la précision de son jeu au pied et se considérait comme un libéro derrière sa défense. Il a été
retenu avec une sélection continentale pour affronter la Grande-Bretagne à Glasgow en 1947.
René Vignal
né en 1926, 17 sélections entre 1949 et 1954
C’est le successeur de Julien Darui. Gardien kamikaze et casse-cou, il n’a peur de rien et gagne même l’admiration de la presse
anglaise qui le qualifie de flying frenchman lors de sa deuxième sélection. Mis en concurrence avec Abderrahman Ibrir après l’arrêt
de Darui, René Vignal se fracture le bras quelques jours avant la coupe du monde 1954 en Suisse. Sa carrière de gardien terminée, il
se spécialisera dans l’attaque... à main armée, ce qui lui vaudra sept ans de prison dans les années 70.
Georges Lech
né en 1945, 35 sélections et 7 buts entre 1963 et 1973
Ce n’est pas le plus connu des internationaux de cette liste, loin de là. Et pourtant, le Lensois, qui débute avec les pros à 17 ans et
fait des ravages sur son aile droite est l’un des joueurs français les plus prometteurs dans ce trou noir que furent les années
soixante. Il a 18 ans et quatre mois quant il inaugure sa première sélection en octobre 1963 et à peine plus quant il marque son
premier but contre la Suisse. En 1966, malgré ses 17 buts marqués en championnat avec Lens, il ne fait pas partie de la liste des 22
pour la coupe du monde en Angleterre. Il sera encore appelé après cette date 24 fois en équipe de France jusqu’en 1973, mais sa
chance était passée.
France-Pologne 1966 : but de Georges Lech au Parc des Princes, avec devinez qui au micro ? Thierry Roland, bien sûr.
Charly Loubet
né en 1946, 36 sélections et 10 buts entre 1967 et 1974
Attaquant de l’OGC Nice avec un passage de trois ans à l’OM, Charly Loubet a débuté en Bleu un an après l’échec de la coupe du
monde en Angleterre. Il fait partie de la génération perdue qui ne verra que de loin le Mundial 70 au Mexique et le Weltmeisterschaft
de 1974 en Allemagne. Fin technicien, il avait même été sollicité par le Feyenoord Rotterdam, champion d’Europe en titre, en 1971,
mais il s’était déjà engagé à Nice.
France-Suède 1969 : occasion de but pour Charly Loubet.
Georges Bereta
né en 1946, 44 sélections et 4 buts entre 1967 et 1975
Milieu offensif de la grande équipe stéphanoise, Georges Bereta et sa terrible frappe du gauche arrivent en équipe de France en
1967. Jusqu’au terme de sa carrière internationale en 1975, il ne manquera que cinq matches avec les Bleus, alignant même 24
sélections consécutives à partir de fin 1971. Comme Charly Loubet, il verra de loin les coupes du monde 1970 et 1974, et manquera
même l’épopée européenne des Verts en 1976 : le président stéphanois Roger Rocher l’avait transféré contre son gré à l’OM l’année
précédente.
France-Roumanie 1974 : quatrième et dernier but de Bereta en Bleu sur coup-franc.
Hervé Revelli
né en 1946, 30 sélections et 15 buts entre 1966 et 1975
L’aîné des frères Revelli (Patrick jouera aussi en sélection) a fait ses débuts en Bleu après la coupe du monde 66. Avant-centre
opportuniste et efficace, il a pâti d’un manque de bons passeurs au milieu de terrain et d’un grand numéro 10 sur qui s’appuyer.
Buteur dès sa première sélection (contre la Hongrie), il est l’auteur de deux triplés, contre la Norvège en 1969 et la CONCACAF
(sélection d’Amérique centrale) en 1972.
Jean-Michel Larqué
né en 1947, 14 sélections et 2 buts entre 1969 et 1976
Avant d’inaugurer le statut de consultant pour la télévision (en 1979), Jean-Michel Larqué a été joueur international, et plutôt bon.
Comme les trois précédents, le capitaine de l’AS Saint-Etienne est arrivé en sélection au mauvais moment, même s’il aurait pu, à 31
ans, être du voyage en Argentine, mais son étrange saison d’entraîneur-joueur au PSG l’avait mis hors du coup. Et l’arrivée de
Michel Platini en équipe de France lui aura été fatale.
Omar Sahnoun
né en 1955, 6 sélections entre 1977 et 1978
C’est le joueur le moins capé de cet article, mais certainement pas le moins doué. Issu de la génération dorée de 1955 (celle de
Platini, Rocheteau, Tigana, Bossis), il sait tout faire et peut jouer à plusieurs postes (demi défensif, défenseur ou meneur de jeu)
avec une technique très au-dessus de la moyenne. Iil intègre les Bleus à la faveur de la très belle saison nantaise de 1976-1977,
participe à la tournée en Argentine et au Brésil un an avant la coupe du monde, mais une alerte cardiaque fin 1977 l’éloigne des
terrains pendant quelques mois. Il participe à deux matches de préparation au printemps 1978, mais Michel Hidalgo ne le retient
pas pour l’Argentine. Deux ans plus tard, il s’effondre lors d’une séance d’entraînement avec Bordeaux.
France-Portugal 1978 : Omar Sahnoun amène l’action du but de Baronchelli. C’est lui que l’on voit se replacer après le centre
(numéro 6).
Jacques Zimako
né en 1955, 13 sélections et 2 buts entre 1977 et 1981
Quinze ans avant Christian Karembeu, Jacques Zimako (Atre de son vrai nom) a été le premier kanak en équipe de France.
Techniquement brillant mais très irrégulier, il pouvait aussi bien marquer sur corner direct que frapper à côté à trois mètres de la
ligne de but. Il débute lors de la tournée sud-américaine de 1977 mais n’est plus retenu pendant deux ans, manquant la coupe du
monde en Argentine. Il revient fin 1979 et participe aux éliminatoires de l’édition 1982, mais Michel Hidalgo l’écarte une deuxième
fois au profit du monégasque Couriol. Plus tard, le sélectionneur regrettera de n’avoir pas emmené le Kanak en Espagne. Nous aussi.
France-Irlande 1980 : Sur un contre joué par Six et Rocheteau, Zimako marque le second but français.
José Touré
né en 1961, 16 sélections et 4 buts entre 1983 et 1989
De toute cette liste, c’est celui qui laissera le plus de regrets. Débutant à 22 ans en 1983, il laisse voir un talent pur comme le
football français en a rarement connu, un mélange de souplesse et de puissance que l’on retrouvera plus tard chez Henry ou
Ronaldo. Blessé une première fois en 1984, il manque l’Euro, sans conséquences pour les Bleus portés par un Platini qui marche sur
l’eau. Il revient à l’automne, gagne sa place en 1985 et montre contre l’Uruguay une bande-annonce de ce que pourrait être le
mondial mexicain. On ne le saura jamais : blessé une nouvelle fois au genou en mars 1986 contre l’Inter, il ne retrouvera plus son
niveau de jeu.
Franck Sauzée
né en 1965, 39 sélections et 9 buts entre 1988 et 1993
Bien sûr, ce n’est pas le plus technique du lot, loin de là. Mais l’Ardéchois, champion d’Europe avec l’OM en 1993 et présent l’année
précédente à l’Euro suédois avec les Bleus n’a jamais démérité en sélection. Victime de la déroute de l’automne 1993, il ne sera
jamais retenu par Aimé Jacquet à partir de l’année suivante.
Basile Boli
né en 1967, 45 sélections et 1 but entre 1986 et 1993
Défenseur central puissant dans le style de Marius Trésor, Boli s’impose très vite en défense centrale après la coupe du monde au
Mexique, profitant de l’arrêt de Max Bossis. Henri Michel et Michel Platini lui confient l’organisation du secteur défensif, mais la
mauvaise année 1992 et l’Euro raté lui seront fatals autant que l’avènement de Laurent Blanc en défense centrale, épaulé par Alain
Roche puis par Marcel Desailly.
Bruno Martini
né en 1962, 31 sélections entre 1987 et 1996
Doublure de Joël Bats à Auxerre, il le relaie en équipe de France à partir de l’été 1987. Il participe à l’Euro 1992 et garde les buts des
Bleus jusqu’à l’arrivée de Bernard Lama en 1993, et finira sa carrière en sélection comme troisième gardien à l’Euro 96 derrière
Barthez.
Eric Cantona
né en 1966, 47 sélections et 20 buts entre 1987 et 1995
Quand il débute avec les Bleus à l’été 1987, Eric Cantona vient de croiser de peu la trajectoire de Platini, qui vient à peine de mettre
un terme à sa carrière. C’est Platini qui le rappelera en 1989 après un an de suspension et qui, en l’associant à Papin, créera la
doublette d’attaque la plus redoutable depuis Fontaine et Kopa. Pas suffisante pour aller aux Etats-Unis en 1994, d’autant qu’Aimé
Jacquet repart sur de nouvelles bases. Et quand Zidane arrive, c’est Cantona qui part, à 29 ans. Sa suspension de huit mois en 1995
à Manchester lui vaut sa place pour l’Euro 1996. Il met un terme à sa carrière à l’été 1997, à 31 ans. (Lire l’article Eric Cantona, une
histoire en points de suspension)
David Ginola
né en 1967, 17 sélections et 3 buts entre 1990 et 1995
Le playboy varois est passé en équipe de France en touriste, ce qui est regrettable compte tenu de son indiscutable talent, mais
sans doute inévitable vu son individualisme forcené. Il finira acteur, mannequin et déormais danseur à la télévision, ce qui lui va très
bien.
Jocelyn Angloma
né en 1965, 37 sélections et 1 but entre 1990 et 1996
Ses stats en équipe de France sont impressionnantes : deux défaites seulement en 37 matches, et encore ce n’étaient que deux
matches amicaux, contre l’Angleterre et la Suisse en 1992. Il a été l’un des bâtisseurs de la série record d’invincibilité entre 1994 et
1996 (30 matches). Mais il perd sa place de titulaire à l’Euro 96 au profit d’un autre très grand défenseur, Lilian Thuram.
En voilà donc dix-neuf. Pour compléter notre liste des 23, voici quatre joueurs de l’équipe de France actuelle qui ont déjà manqué
deux coupes du monde pour le premier (Mexès) et une pour les trois autres (Nasri, Benzema et Ben Arfa). Ce n’est sans doute que
partie remise, même si des quatre, le Romain a le profil qui se rapproche le plus de ses malheureux prédécesseurs.
Notes
[1] source : J-M et P. Cazal, M. Oreggia, L’intégrale de l’équipe de France de football, First Editions, 1998