Histoire des Arts Résister et le Surréalisme Liberté de Paul Eluard I
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Histoire des Arts Résister et le Surréalisme Liberté de Paul Eluard I
Histoire des Arts Résister et le Surréalisme Liberté de Paul Eluard I – Je présente et je situe l’œuvre et son auteur Paul Eluard (1895-1952) poète de l'avant-garde et ami des cubistes, dadaistes et surréalistes. Grand résistant. Eluard a fait la connaissance d'André Breton et Louis Aragon en 1919 et ensemble ils participaient au mouvement Dada. La même année Eluard, Aragon, et Breton rompaient avec les Dadaistes. Eluard faisait partie activement du mouvement surréaliste, fondé par Breton en 1924 avec le premier "Manifeste du surréalisme." Comme les autres surréalistes il a choisi d'adhérer au parti communiste en 1926. Eluard avec les autres surréalistes prenait une position contre les dangers du fascisme. "L'ami des peintres", Eluard s'est lié avec Picasso, Ernst, Dali, Man Ray comme des amis et pour illustrer ses recueils. En même temps il s'inspirait de leurs peintures. Il a écrit les préfaces des expositions artistiques de Paul Klee, Man Ray, Max Ernst et des autres. Eluard s'est éloigné des surréalistes pendant les années 1936-1937 et a rompu avec le groupe en 1938. Pendant l'occupation allemande de la deuxième guerre mondiale, Eluard faisait partie de la Résistance active et publie le fameux poème « Liberté ». Se cachant dans un hôpital psychiatrique, en Lozère, Eluard continuait de publier jusqu'à la Libération de France en 1945. Paul Eluard est mort le 18 novembre 1952. 1) Présente le document à analyser : nature, genre, date de rédaction et de publication, résumé bref du poème, et renseignements brefs sur l’artiste qui a illustré ce poème, Fernand Léger. (cf pages 2-3) 2) Présente l’auteur (rapidement) en t’aidant de cette biographie et indique quel élément de sa biographie a motivé cette œuvre. II – Je présente et comprends le contexte de l’œuvre Contexte artistique : Le poème s’inscrit dans le mouvement surréaliste, mouvement artistique et littéraire qui se définit comme « dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale. » (Manifeste du surréalisme) Le poème fait donc appel à de nombreuses images qui sont présentées sous la forme d’une énumération mais sans ponctuation, ce qui est une autre caractéristique de l’écriture surréaliste. Le manifeste du Surréalisme : « Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Ecrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu’à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu’à s’extérioriser. Il est assez difficile de se prononcer sur le cas de la phrase suivante ; elle participe sans doute à la fois de notre activité consciente et de l’autre, si l’on admet que le fait d’avoir écrit la première entraîne un minimum de perception. Peu doit vous importer, d’ailleurs ; c’est en cela que réside, pour la plus grande part, l’intérêt du jeu surréaliste. Toujours est-il que la ponctuation s’oppose sans doute à la continuité absolue de la coulée qui nous occupe, bien qu’elle paraisse aussi nécessaire que la distribution des nus sur une corde vibrante. Continuez autant qu’il vous plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. Si le silence menace de s’établir pour peu que vous ayez commis une faute : une faute, peut-on dire, d’inattention, rompez sans hésiter avec une ligne trop claire. A la suite du mot dont l’origine vous semble suspecte, posez une lettre quelconque, la lettre l par exemple, toujours la lettre l, et ramenez l’arbitraire en imposant cette lettre pour initiale au mot qui suivra. » André Breton, extrait du Manifeste du Surréalisme Contexte historique : Le poème a été publié en avril 1942, dans le recueil Poésie et vérité. Paru dans le premier numéro de la Revue Choix, journal d’information des alliés, il sera parachuté la même année à des milliers d’exemplaires par des avions britanniques de la Royal Air Force au dessus du sol français. En effet, après l’appel du 18 juin initié par De Gaulle des intellectuels comme Eluard se joignent aux soldats et à la population et intègre la Résistance. Oeuvre : livre-objet Titre : Liberté Auteur : texte de Paul ELUARD, illustration de Fernand LEGER Date : Avril 1942 pour le texte, 1953 pour son illustration Lieu de conservation : une version sur toile avec des variations est conservée à Paris par le Musée National d’Art Moderne, centre Georges Pompidou (crayon, huile sur toile, hauteur : 0,318m x longueur : 1, 300m ,1953) III- Je resitue l’œuvre dans le(s) thème(s) choisi(s) « Résister » ou « le surréalisme » 3) Je définis rapidement l’expression « résister » ou surréalisme. 4) J’explique en quoi ce poème Liberté s’inscrit dans ces thématiques. IV- J’analyse l’œuvre : Liberté Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres 5 Sur le sable sur la neige J’écris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre 10 J’écris ton nom Sur les images dorées Sur les armes des guerriers Sur la couronne des rois J’écris ton nom 15 Sur la jungle et le désert Sur les nids sur les genêts Sur l’écho de mon enfance J’écris ton nom Sur les merveilles des nuits 20 Sur le pain blanc des journées Sur les saisons fiancées J’écris ton nom Sur les sentiers éveillés 45 Sur les routes déployées Sur les places qui débordent J’écris ton nom Sur la vitre des surprises 70 Sur les lèvres attentives Bien au-dessus du silence J’écris ton nom Sur la lampe qui s’allume Sur la lampe qui s’éteint 50 Sur mes maisons réunies J’écris ton nom Sur mes refuges détruits Sur mes phares écroulés 75 Sur les murs de mon ennui J’écris ton nom Sur le fruit coupé en deux Du miroir et de ma chambre Sur mon lit coquille vide 55 J’écris ton nom Sur l’absence sans désir Sur la solitude nue Sur les marches de la mort 80 J’écris ton nom Sur chaque bouffée d’aurore Sur la mer sur les bateaux Sur la montagne démente 35 J’écris ton nom Sur mon chien gourmand et tendre Sur ses oreilles dressées Sur sa patte maladroite 60 J’écris ton nom Sur la santé revenue Sur le risque disparu Sur l’espoir sans souvenir J’écris ton nom Sur la mousse des nuages Sur les sueurs de l’orage Sur la pluie épaisse et fade J’écris ton nom Sur le tremplin de ma porte Sur les objets familiers Sur le flot du feu béni J’écris ton nom 40 Sur les formes scintillantes Sur les cloches des couleurs Sur la vérité physique J’écris ton nom 65 Sur toute chair accordée Sur le front de mes amis Sur chaque main qui se tend J’écris ton nom Sur tous mes chiffons d’azur 25 Sur l’étang soleil moisi Sur le lac lune vivante J’écris ton nom Sur les champs sur l’horizon Sur les ailes des oiseaux 30 Et sur le moulin des ombres J’écris ton nom 85 Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1945, Les Editions de Minuit Lis le poème ci-dessus puis réponds aux questions suivantes qui pourront être la trame de ton analyse pendant l’oral de l’Histoire Des Arts : 1) Résume en deux phrases l’extrait à analyser ( n’oublie pas le jour de l’oral de lire les premières strophes de ce poème). Un poème structuré : 2) Analyse la construction du poème : poème régulier ? nombre et type de strophes ? 3) Quelle logique interne peut-on lire d’une strophe à l’autre ? Un poème surréaliste : 4) En quoi la profusion d’images rapproche-t-elle ce poème du mouvement surréaliste ? Une litanie porteuse d’espérance : 5) Relève le leitmotiv qui rythme le poème 6) Sur quelle anaphore le poème est-il construit ? 7) Relève trois allitérations qui rythment ce poème. 8) En quoi ces jeux de sonorité donnent-ils au poème un pouvoir incantatoire ? 9) Comment le mot liberté est-il mis en valeur, ici ? (emplacement et figure de style) 10) Synthèse : en quoi ce poème est-il un acte de résistance ? V- Je mets en relation avec d’autres œuvres et je conclus Voici quelques œuvres qui peuvent être mises en relation avec « Liberté » de Paul Eluard : L’ange du foyer de Max Ernst : Mouvement surréaliste commun Max Ernst Né en Allemagne, cet artiste abandonne rapidement ses études de philosophie et d'histoire de l'art, pour se consacrer à ses différentes passions : la sculpture, la poésie et enfin la peinture. S'il commence par s'intéresser à l'expressionnisme allemand, en rejoignant et exposant avec le groupe Der Blaue Reiter, Max Ernst change rapidement d'horizon artistique en fondant le groupe des Dada de Cologne avec deux activistes sociaux. A partir de 1913, il se rend à Paris et apprend de nouvelles techniques auprès des artistes surréalistes de Montparnasse. Il sert aux côtés de l'armée allemande durant la 1ère Guerre mondiale. Ce n'est qu'après celle-ci, en 1919, que Max Ernst commence à peindre de façon professionnelle. Durant ses débuts artistiques, il produit principalement des œuvres à base de collages. Dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Max Ernst est arrêté comme étranger ennemi et interné dans le camp des Milles près d'Aix-en-Provence duquel il ne réussira à sortir qu'en 1941. Il s'en ira alors pour les Etats Unis jusqu'en 1953, date de son retour en France. Max Ernst est un artiste qui aura su marquer de son influence le grand mouvement surréaliste des années d'entreguerre. De plus, lors de son séjour en Amérique, il aidera au développement de l'expressionnisme abstrait. Oeuvre : L'Ange du foyer (Le triomphe du surréalisme) Artiste : Max Ernst Année : 1937 (pendant la guerre d’Espagne) Technique : Huile sur toile Epoque : Contemporaine Mouvement : Surréalisme Lieu : Collection privée Si c’est un homme : Primo levi (cf travail effectué en HIDA) : thématique de la résistance commune L’armée des ombres (cf travail effectué sur la musique de Melville et le film en Education musicale et en Histoire) : thématique de la résistance commune L'Armée des ombres est un film franco-italien de Jean-Pierre Melville sorti sur les écrans en 1969, adapté du roman du même nom de Joseph Kessel. Synopsis : Arrêté pour « pensées gaullistes », Philippe Gerbier (Lino Ventura), qui dirige un réseau de résistants, s'échappe lors d'un transfert vers la Gestapo parisienne. Mais les arrestations des membres de son réseau se suivent et les tentatives de libération ne sont pas toutes fructueuses. Le chant des partisans (cf travail effectué en éducation musicale) : thématique de la résistance commune C‘est l’hymne de la Résistance française durant l’occupation par l’Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale. La musique, initialement composée en 1941 sur un texte russe, est due à la Française Anna Marly, ancienne émigrée russe qui en 1940 avait quitté la France pour Londres. Les paroles originales en français ont ensuite été écrites en 1943 par Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon qui venaient tous deux de rejoindre les Forces françaises libres. Des chansons engagées contemporaines aux attentats de Charlie Hebdo : thématique de la liberté commune et de l’urgence de la défendre même s’il est question ici de liberté d’expression « Charlie » de grand Corps Malade Fabien Marsaud, dit Grand Corps Malade a écrit un slam hommage aux victimes de l'attentat à Charlie Hebdo. La chanson est intitulée Je Suis Charlie, la musique est de John Mamann http://www.koreus.com/video/grand-corps-malade-je-suis-charlie.html « Charlie » de Tryo Tryo, groupe de chanson française à forte influence reggae, rend lui aussi hommage aux victimes de l’attentat à travers une chanson intitulée « charlie ». Le style est différent mais la valeur engagée et la thématique de la défense de liberté d’expression reste la même. http://www.tryo.com/site/post/2015/01/11/charlie Si tu choisis de présenter ce texte sur ta liste d’histoire des arts n’oublie pas de réfléchir aux deux questions suivantes : Pourquoi as-tu choisi cette œuvre ? En quoi te touche-t-elle ? Histoire des Arts Résister et le Surréalisme Liberté de Paul Eluard I – Je présente et je situe l’œuvre et son auteur Paul Eluard (1895-1952) poète de l'avant-garde et ami des cubistes, dadaistes et surréalistes. Grand résistant. Eluard a fait la connaissance d'André Breton et Louis Aragon en 1919 et ensemble ils participaient au mouvement Dada. La même année Eluard, Aragon, et Breton rompaient avec les Dadaistes. Eluard faisait partie activement du mouvement surréaliste, fondé par Breton en 1924 avec le premier "Manifeste du surréalisme." Comme les autres surréalistes il a choisi d'adhérer au parti communiste en 1926. Eluard avec les autres surréalistes prenait une position contre les dangers du fascisme. "L'ami des peintres", Eluard s'est lié avec Picasso, Ernst, Dali, Man Ray comme des amis et pour illustrer ses recueils. En même temps il s'inspirait de leurs peintures. Il a écrit les préfaces des expositions artistiques de Paul Klee, Man Ray, Max Ernst et des autres. Eluard s'est éloigné des surréalistes pendant les années 1936-1937 et a rompu avec le groupe en 1938. Pendant l'occupation allemande de la deuxième guerre mondiale, Eluard faisait partie de la Résistance active et publie le fameux poème « Liberté ». Se cachant dans un hôpital psychiatrique, en Lozère, Eluard continuait de publier jusqu'à la Libération de France en 1945. Paul Eluard est mort le 18 novembre 1952. 1) Présente le document à analyser : nature, genre, date de rédaction et de publication, résumé bref du poème, et renseignements brefs sur l’artiste qui a illustré ce poème, Fernand Léger. (cf pages 2-3) 2) Présente l’auteur (rapidement) en t’aidant de cette biographie et indique quel élément de sa biographie a motivé cette œuvre. II – Je présente et comprends le contexte de l’œuvre Contexte artistique : Le poème s’inscrit dans le mouvement surréaliste, mouvement artistique et littéraire qui se définit comme « dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique et morale. » (Manifeste du surréalisme) Le poème fait donc appel à de nombreuses images qui sont présentées sous la forme d’une énumération mais sans ponctuation, ce qui est une autre caractéristique de l’écriture surréaliste. Le manifeste du Surréalisme : « Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Ecrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu’à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu’à s’extérioriser. Il est assez difficile de se prononcer sur le cas de la phrase suivante ; elle participe sans doute à la fois de notre activité consciente et de l’autre, si l’on admet que le fait d’avoir écrit la première entraîne un minimum de perception. Peu doit vous importer, d’ailleurs ; c’est en cela que réside, pour la plus grande part, l’intérêt du jeu surréaliste. Toujours est-il que la ponctuation s’oppose sans doute à la continuité absolue de la coulée qui nous occupe, bien qu’elle paraisse aussi nécessaire que la distribution des nuds sur une corde vibrante. Continuez autant qu’il vous plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. Si le silence menace de s’établir pour peu que vous ayez commis une faute : une faute, peut-on dire, d’inattention, rompez sans hésiter avec une ligne trop claire. A la suite du mot dont l’origine vous semble suspecte, posez une lettre quelconque, la lettre l par exemple, toujours la lettre l, et ramenez l’arbitraire en imposant cette lettre pour initiale au mot qui suivra. » André Breton, extrait du Manifeste du Surréalisme Contexte historique : Le poème a été publié en avril 1942, dans le recueil Poésie et vérité. Paru dans le premier numéro de la Revue Choix, journal d’information des alliés, il sera parachuté la même année à des milliers d’exemplaires par des avions britanniques de la Royal Air Force au dessus du sol français. En effet, après l’appel du 18 juin initié par De Gaulle des intellectuels comme Eluard se joignent aux soldats et à la population et intègre la Résistance. Oeuvre : livre-objet Titre : Liberté Auteur : texte de Paul ELUARD, illustration de Fernand LEGER Date : Avril 1942 pour le texte, 1953 pour son illustration Lieu de conservation : une version sur toile avec des variations est conservée à Paris par le Musée National d’Art Moderne, centre Georges Pompidou (crayon, huile sur toile, hauteur : 0,318m x longueur : 1, 300m ,1953) III- Je resitue l’œuvre dans le(s) thème(s) choisi(s) « Résister » ou « le surréalisme » 3) Je définis rapidement l’expression « résister » ou surréalisme. 4) J’explique en quoi ce poème Liberté s’inscrit dans ces thématiques. IV- J’analyse l’œuvre : Liberté Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige 5 J’écris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J’écris ton nom 10 Sur les images dorées Sur les armes des guerriers Sur la couronne des rois J’écris ton nom Sur la jungle et le désert 15 Sur les nids sur les genêts Sur l’écho de mon enfance J’écris ton nom Sur les merveilles des nuits Sur le pain blanc des journées 20 Sur les saisons fiancées J’écris ton nom Sur les sentiers éveillés Sur les routes déployées Sur les places qui débordent 45 J’écris ton nom Sur tous mes chiffons d’azur Sur l’étang soleil moisi Sur le lac lune vivante 25 J’écris ton nom Sur la lampe qui s’allume Sur la lampe qui s’éteint Sur mes maisons réunies J’écris ton nom Sur les champs sur l’horizon Sur les ailes des oiseaux Et sur le moulin des ombres J’écris ton nom 50 Sur le fruit coupé en deux Du miroir et de ma chambre Sur mon lit coquille vide J’écris ton nom 30 Sur chaque bouffée d’aurore Sur la mer sur les bateaux Sur la montagne démente J’écris ton nom Sur mon chien gourmand et 55 tendre Sur ses oreilles dressées Sur sa patte maladroite J’écris ton nom Sur la mousse des nuages 35 Sur les sueurs de l’orage Sur la pluie épaisse et fade J’écris ton nom Sur les formes scintillantes Sur les cloches des couleurs 40 Sur la vérité physique J’écris ton nom Sur le tremplin de ma porte 60 Sur les objets familiers Sur le flot du feu béni J’écris ton nom Sur toute chair accordée Sur le front de mes amis 65 Sur chaque main qui se tend J’écris ton nom Sur la vitre des surprises Sur les lèvres attentives Bien au-dessus du silence 70 J’écris ton nom Sur mes refuges détruits Sur mes phares écroulés Sur les murs de mon ennui J’écris ton nom 75 Sur l’absence sans désir Sur la solitude nue Sur les marches de la mort J’écris ton nom Sur la santé revenue 80 Sur le risque disparu Sur l’espoir sans souvenir J’écris ton nom Et par le pouvoir d’un mot Je recommence ma vie 85 Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté Paul Eluard, Au rendez-vous allemand, 1945, Les Editions de Minuit Lis le poème ci-dessus puis réponds aux questions suivantes qui pourront être la trame de ton analyse pendant l’oral de l’Histoire Des Arts : 1) Résume en quatre phrases l’extrait à analyser ( n’oublie le jour de l’oral de lire les premières strophes de ce poème). P. Eluard avait d’abord écrit ce poème pour Nusch (la femme aimée), mais ensuite il a remplacé son nom par ce qui compte le plus pour lui : la liberté ; il a écrit ce poème contre l’occupation nazie en France. Il y énumère les lieux, réels ou imaginaires, sur lesquels il écrit le mot liberté. Un poème structuré : 2) Analyse la construction du poème : poème régulier ? nombre et type de strophes ? Un poème régulier de 21 strophes. Ce sont des quatrains constitués de 3 heptamètres (vers de 7 syllabes) et un tétramètre (vers de quatre syllabes). 3) Quelles logiques internes peut-on lire d’une strophe à l’autre ? On constate une évolution vers des supports de plus en plus abstraits (des cahiers à l’espoir). On peut observer aussi une évolution chronologique : de l’enfance à la vieillesse. C’est un voyage dans l’espace et le temps : Le poème suit une progression chronologique : Strophes 1 à 4 : l’enfance et son champ lexical (« écolier, pupitre, pages, livres, images dorées, écho de mon enfance ») Strophes 5 à 11 : les années de formation, de découverte du monde (champ lexical de la nature : « saisons, étang, champ, mousse, nuages », du voyage : « horizon, bateaux, sentiers, routes »), du bonheur familial qui se crée (« fiancées, des nuits, pain blanc) Strophes 12 à 16 : la vie d’homme mûr : avec l’emploi des déterminants possessifs et le champ lexical du foyer (maison, chien fidèle, objets familiers…) et de l’amour et de l’amitié (« mes amis, chaque main, Lèvres attendries ») Strophes 17 à 19 : le moment présent et la guerre avec le champ lexical de la destruction (« refuges détruits, phares écroulés, marches de la mort ») Strophes 20 et 21 : l’espoir, le futur (« risque disparu, espoir, recommence ma vie ») Un poème surréaliste : 4) En quoi la profusion d’images rapproche-t-elle ce poème du mouvement surréaliste ? Poème surréaliste car c’est une accumulation d’images abstraites. Suite d’images qui se rapprochent du Surréalisme par leur aspect très divers et surprenant (le Surréalisme aimait rapprocher des images très éloignées pour provoquer la surprise et stimuler l’imaginaire). Une litanie porteuse d’espérance : 1) Relève le leitmotiv qui rythme le poème : le dernier vers de chaque strophe (en tétramètre). C’est une épiphore. 2) Sur quelle anaphore le poème est-il construit ? Sur + CC, c’est à la fois une anaphore et un parallélisme syntaxique. 3) Relève trois allitérations qui rythment ce poème : On note des allitérations (répétitions d’une même son « consonne » dans plusieurs strophes) ex, le« r » : dorées / guerriers /couronne / roi ; allitérations en « p » pages/papier/pierre ; allitération en « l » l’étang/soleil/le lac/ lune. 1) En quoi ces jeux de sonorité donnent-ils au poème un pouvoir incantatoire ? L’aspect répétitif de certains sons, la simplicité du refrain en font quelque chose de simple à retenir et percutant. Le rythme est alerte, dynamique car les vers sont courts et le vocabulaire est parfois simple afin de marquer les esprits. 2) Comment le mot liberté est-il mis en valeur, ici ? (emplacement et figure de style) Mise en évidence à la toute fin du poème avec un blanc typographique. Le poète s’adresse à la liberté celle-ci prend donc forme concrète : c’est une allégorie. 3) Synthèse : en quoi ce poème est-il l’illustration d’un acte de résistance ? Par la volonté affichée d’écrire le mot liberté sur tous les supports possibles et imaginables le poème nous montre que la privation de la liberté est à l’époque d’écriture de ce texte absolue (la censure sous l’occupation faisait rage). Ce poème s’érige aussi contre cette restriction de liberté comme un acte de résistance. Le poète malgré les interdits dit être « né pour connaître » le mot liberté. Il est ici le gardien d’une valeur humaine universelle et inaliénable. C’est un texte très engagé. V- Je mets en relation avec d’autres œuvres et je conclus Voici quelques œuvres qui peuvent être mises en relation avec « Liberté » de Paul Eluard : L’ange du foyer de Max Ernst : Mouvement surréaliste commun Max Ernst Né en Allemagne, cet artiste abandonne rapidement ses études de philosophie et d'histoire de l'art, pour se consacrer à ses différentes passions : la sculpture, la poésie et enfin la peinture. S'il commence par s'intéresser à l'expressionnisme allemand, en rejoignant et exposant avec le groupe Der Blaue Reiter, Max Ernst change rapidement d'horizon artistique en fondant le groupe des Dada de Cologne avec deux activistes sociaux. A partir de 1913, il se rend à Paris et apprend de nouvelles techniques auprès des artistes surréalistes de Montparnasse. Il sert aux côtés de l'armée allemande durant la 1ère Guerre mondiale. Ce n'est qu'après celle-ci, en 1919, que Max Ernst commence à peindre de façon professionnelle. Durant ses débuts artistiques, il produit principalement des œuvres à base de collages. Dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Max Ernst est arrêté comme étranger ennemi et interné dans le camp des Milles près d'Aix-en-Provence duquel il ne réussira à sortir qu'en 1941. Il s'en ira alors pour les Etats Unis jusqu'en 1953, date de son retour en France. Max Ernst est un artiste qui aura su marquer de son influence le grand mouvement surréaliste des années d'entreguerre. De plus, lors de son séjour en Amérique, il aidera au développement de l'expressionnisme abstrait. Oeuvre : L'Ange du foyer (Le triomphe du surréalisme) Artiste : Max Ernst Année : 1937 (pendant la guerre d’Espagne) Technique : Huile sur toile Epoque : Contemporaine Mouvement : Surréalisme Lieu : Collection privée Si c’est un homme : Primo levi (cf travail effectué en HIDA) : thématique de la résistance commune L’armée des ombres (cf travail effectué sur la musique de Melville et le film en Education musicale et en histoire) : thématique de la résistance commune ombres est un film franco-italien de Jean-Pierre Melville sorti sur les écrans en 1969, adapté du roman du même nom de Joseph Kessel. Synopsis : Arrêté pour « pensées gaullistes », Philippe Gerbier (Lino Ventura), qui dirige un réseau de résistants, s'échappe lors d'un transfert vers la Gestapo parisienne. Mais les arrestations des membres de son réseau se suivent et les tentatives de libération ne sont pas toutes fructueuses. L'Armée des Le chant des partisans (cf travail effectué en éducation musicale) : thématique de la résistance commune C‘est l’hymne de la Résistance française durant l’occupation par l’Allemagne nazie, pendant la Seconde Guerre mondiale. La musique, initialement composée en 1941 sur un texte russe, est due à la Française Anna Marly, ancienne émigrée russe qui en 1940 avait quitté la France pour Londres. Les paroles originales en français ont ensuite été écrites en 1943 par Joseph Kessel et son neveu Maurice Druon qui venaient tous deux de rejoindre les Forces françaises libres. Des chansons engagées contemporaines aux attentats de Charlie Hebdo : thématique de la liberté commune et de l’urgence de la défendre même s’il est question ici de liberté d’expression « Charlie » de grand Corps Malade Fabien Marsaud, dit Grand Corps Malade a écrit un slam hommage aux victimes de l'attentat à Charlie Hebdo. La chanson est intitulée Je Suis Charlie, la musique est de John Mamann http://www.koreus.com/video/grand-corps-malade-je-suis-charlie.html « Charlie » de Tryo Tryo, groupe de chanson française à forte influence reggae, rend lui aussi hommage aux victimes de l’attentat à travers une chanson intitulée « charlie ». Le style est différent mais la valeur engagée et la thématique de la défense de liberté d’expression reste la même. http://www.tryo.com/site/post/2015/01/11/charlie Si tu choisis de présenter ce texte sur ta liste d’histoire des arts n’oublie pas de réfléchir aux deux questions suivantes : Pourquoi as-tu choisi cette œuvre ? En quoi te touche-t-elle ?