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Management international / International Management / Gestión Internacional Fondateur / Founder / Fundador Rédacteurs en chef / Editors / Editores Taïeb Hafsi Patrick Cohendet Bachir Mazouz Rédacteurs en chef adjoints / Associate Editors / Editores adjuntos Jean-François Chanlat Jean-Claude Cosset Pascal Grandin Michel Kalika François Leroux Pierre Romelaer Comité scientifique / Scientific Committee / Comité científico Zabid Abdul Rashid Centre for Graduate Studies Open University, Malaysia Franck Aggeri MINES Paris Tech, France Boualem Aliouat Université de Nice, France David Arellano CIDE, Mexique Jean-Luc Arrègle EM Lyon, France Marie-José Avenier CNRS-CERAG, France Rodrigo Bandeira-de-Mello FGV, Sao Paulo, Brésil Christoph Barmeyer University of Passau, Allemagne Isabelle Barth École de Management de Strasbourg, France Jérôme Barthélemy ESSEC Paris, France Annie Bartoli Université de Versailles, France Anissa Ben Hassine ESSECT Tunis, Tunisie Christophe Benavent Université Paris X, France Faouzi Bensebaa Université Paris XII, France Luiz Bignetti Universidade Federal do Rio Grande do Sul, Brésil Olivier Boiral Université Laval, Canada Jean-Pierre Boissin Université de Grenoble – Pierre Mendez, France Dominique Bouchet Université d’Odense, Danemark Hamid Bouchikhi ESSEC New Business School, France Stefano Brusoni Université Bocconi, Italie Thierry Burger-Helmchen BETA, EM Strasbourg, Université de Strasbourg, France Enrique Cabrero Mendoza Centro de Investigación y Docencia Económicas, Mexique Louise Cadieux Université du Québec à Trois-Rivières, Canada John Cantwell Rutgers Business School, États-Unis Jamil Chaabouni FSEG Sfax, Tunisie Valérie Chanal Université de Grenoble – Pierre Mendez, France Jean-François Chanlat Université Paris Dauphine, France, HEC Montréal Stéphanie Chasserio Skema Business School, France Jean-Charles Chebat HEC Montréal, Canada Elie Chrysostome SUNY at Plattsburgh, États-Unis Stewart Clegg University of Technology of Sydney, Australie Patrick Cohendet HEC Montréal, Canada Bernard Colasse Université Paris Dauphine, France Annie Cornet UCL, Belgique Jean-Claude Cosset HEC Montréal, Canada Éric Davoine Université de Fribourg, Suisse Maria Ester de Freitas Escola de Administração, FGV, São Paulo, Brèsil François-Xavier De Vaujany Université Paris Dauphine, France Jean-Philippe Denis Université Paris 10 – Nanterre, France Ludovic Di Biaggio Skema Business School, France Yves Doz INSEAD, Campus Europe, France Thomas Durand CNAM, France Pierre Dussauge Groupe HEC, France Yves Emery IDHEAP Lausanne, Suisse Mehdi Farashahi Université de Concordia, Canada Philippe Faucher Université de Montréal, Canada Alain Fayolle EM Lyon, France Tania Fischer Université fédérale de Bahia, Brésil Pierre-Yves Gomez EM Lyon, France Pascal Grandin Skema Business School, France Gilles Guieu Aix-Marseille Université, France Taïeb Hafsi HEC Montréal, Canada Louis Hébert HEC Montréal, Canada Isabelle Huault Université Paris Dauphine, France Marc Ingham ESC Dijon, France Henri Isaac Rouen Business School, France Dominique Jolly Skema Business School, France Michel Kalika Université Paris Dauphine, France Emmanuel Kamdem Université de Douala, ESSEC, Cameroun Christian Kœnig ESSEC Paris, France Gérard Kœnig Université Paris 12 – Val-de-Marne, France Gilles Lambert École de management de Strasbourg, France Ann Langley HEC Montréal, Canada Xavier Lecocq IAE Lille, France Albert Lejeune UQAM, Canada François Leroux HEC Montréal, Canada Brigitte Lévy Université d’Ottawa, Canada Alain Charles Martinet Université Lyon 3 – Jean Moulin, France Ulrike Mayrhofer IAE Lyon, Université Lyon 3, France Bachir Mazouz ENAP, Université du Québec, Canada Ababacar MBengue Université de Reims, France John McGee University of Warwick, Royaume-Uni Pierre-Xavier Meschi Université de la Méditerranée / Euromed Marseille, France Géraldine Michel Université du Maine – Le Mans, France Danny Miller HEC Montréal, Canada Philippe Monin École de Management de Lyon, France Caroline Mothe Université de Savoie, France David Oliver HEC Montréal, Canada Mustafa Ozbilgin Brunel Business School, Royaume-Uni Philippe Pailot IAE de Lille / Skema Business School, France Jean Pasquero UQAM, Canada Véronique Perret Université Paris Dauphine, France Andrew Pettigrew Saïd Business School, Royaume-Uni Alain Pinsonneault Université McGill, Canada Sébastien Point EM Strasbourg, Université de Strasbourg, France Salvador Porras UAM Iztapalapa, Mexique Ravi Ramamurti University Northeastern, Etats-Unis Emmanuel Raufflet HEC Montréal, Canada Joanne Roberts Newcastle Business School, United Kingdom Pierre Romelaer Université de Paris Dauphine, France Alan M. Rugman Henley Business School, Royaume-Uni Anne-Laure Saives UQAM, Canada Éric Simon ISC Paris, France Howard Thomas Singapore Management University, Singapour Zhilong Tian Huazhong U. of Sci. And Techno., Chine Olivier Torrès Université de Montpellier 3, France Marie-France Turcotte UQAM, Canada Sabine Urban Université Robert Schuman, France Thierry Verstraete Université Montesquieu Bordeaux, France Shaker Zahra Carlson School of Management, États-Unis Assistante à la publication et à la diffusion / Publication and Distribution Assistants / Asistentas editorial y de distribución Sandra Lefrère Réviseurs et traducteurs / Copy editors and translators / Revisores y traductores Cecilia Fasola, Nancy Dunham Publié par / Published by / Publicado por HEC Montréal et Université Paris Dauphine ISSN 1206-1697 Table des matières / Table of Contents / Índice 2013 Vol.17 – Numéro spécial Management et Diversité : lignes de tension et perspectives Jean-François Chanlat, Stéphanie Dameron, Jean-Pierre Dupuis, Maria Ester de Freitas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 The paradox of diversity in leadership and leadership for diversity Diane Bebbington, Mustafa Özbilgin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Which foot first: diversity management and affirmative action in Brazilian business Eliane Barbosa da Conceição, Peter K. Spink . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Quel processus d’apprentissage de la gestion du fait religieux dans les entreprises françaises ? Géraldine Galindo, Joëlle Surply . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Exemple de pratique de gestion de la diversité à la française : réalité, opportunité et aliénation Eléonore Marbot, Brigitte Nivet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 Appartenance syndicale et âgisme : approche comparée en Europe Yvan Barel, Sandrine Fremeaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif Maria Giuseppina Bruna, Mathieu Chauvet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70 Enjeux techniques, symboliques et politiques de la mesure de la diversité dans les entreprises et les organisations ? Hedia Zannad, Annie Cornet, Pete Stone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 La mise en œuvre d’une démarche diversité en PME – Quelques enseignements d’un centre d’appel spécialisé Christine Naschberger, Sana Guerfel-Henda . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98 Notes biographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113 iv Mot de remerciements e numéro spécial sur « Management et Diversité : lignes de tension et perspectives », est particulièrement important pour la revue Management International à plus d’un titre. Tout d’abord, il porte sur un sujet tout à fait central aujourd’hui pour les sciences de gestion comme le montre l’excellent article introductif de cette publication. Ensuite, ce numéro résulte d’une collaboration exemplaire de nos collègues Jean-François Chanlat, Stéphanie Dameron, JeanPierre Dupuis, Maria Ester de Freitas et Mustafa Ozbilgin qui sont les rédacteurs en chef invités de ce numéro. Leur collaboration réunit ainsi trois professeurs appartenant à la chaire ‘Management et diversité’ de l’Université ParisDauphine (Jean-François Chanlat, Mustafa Ozbilgin et Stéphanie Dameron), un professeur d’HEC Montréal (JeanPierre Dupuis) et une professeure de l’université brésilienne FGV-EAESP, Maria Ester de Freitas, qui est membre du comité scientifique de Management International. À tous les cinq, et à tous les auteurs de ce numéro, la revue souhaite exprimer ses plus chaleureux remerciements pour la réalisation de ce numéro dont nous sommes très fiers. De nombreux colloques et séminaires dans les prochains mois, traiteront de ce thème de la diversité et du management. En particulier, ce sera le cas du Colloque Atlas/AFMI qui organise sa conférence annuelle 2013 « Ancrages culturels et dynamiques du Management International » qui sera accueillie par HEC Montréal les 8 et 9 juillet 2013. Il est certain que ce numéro sera un apport très riche aux discussions qui animeront ces événements. Bonne lecture ! T his special issue “Management et Diversité: lignes de tension et perspectives” (Management and Diversity: tensions and perspectives), is particularly important for our journal for several reasons. First, it focuses on a theme which is quite central today for management sciences, as shown by the excellent introductory article of this publication. Then, this special issue is the result of an exemplary cooperation of our colleagues Jean-François Chanlat, Stephanie Dameron, Jean-Pierre Dupuis, Maria Ester de Freitas and Mustafa Ozbilgin who are the guest editors of this issue. This collaboration brings together three teachers from the Chair ‘Management and Diversity’ at the University ParisDauphine (Jean-François Chanlat Mustafa Ozbilgin and Stephanie Dameron), a professor at HEC Montreal (JeanPierre Dupuis) and a professor at the Brazilian university FGV-EAESP, Maria Ester de Freitas, who is a member of the Scientific Committee of International Management. To our five colleagues, and to all authors of this issue, International Management wishes to express its gratitude for the realization of this special issue. We are particularly proud of the result of this collaboration. Numerous conferences and seminars, in the coming months, will address the theme of diversity and management. In particular, it will be the Symposium Atlas / AFMI which holds its annual conference in 2013 «cultural anchors and dynamic International Management» which will be hosted by HEC Montreal on July, 8th and 9th 2013. It is certain that this issue will be a rich and unique contribution to the academic discussions during these events. Enjoy the reading! E ste número especial sobre « Gestión y diversidad: las líneas de energía y puntos de vista, » es particularmente importante para la Gestión Internacional por diferentes motivos. En primer lugar, se centra en un tema fundamental que ocupa hoy a las ciencias de la gestión, como lo muestra el excelente artículo introductorio de esta publicación. A continuación, este número es el resultado de una cooperación ejemplar de nuestros colegas Jean-François Chanlat, Stephanie Dameron, Jean-Pierre Dupuis, Maria Ester de Freitas y Mustafa Özbilgin que son los editores invitados de este número. La colaboración academica reúne a tres profesores de ‘Gestión y Diversidad’ de la catedra de esta materia de la Universidad Paris-Dauphine (Jean-François Chanlat Mustafa Özbilgin y Stephanie Dameron), de HEC Montreal (Jean-Pierre Dupuis) y la Profesora de la universidad brasileña FGV-EAESP, Maria Ester de Freitas, quien es miembro del Comité Científico de la International Management. A todos y cada uno de los colaboradores en este número, la revista desea expresar su sincero agradecimiento en la realización de esta edición, de la cual estamos muy orgullosos. Numerosas conferencias y seminarios en los próximos meses, abordarán el tema de la diversidad y la gestión. En particular, el Simposio Atlas / AFMI que lleva a cabo su conferencia anual en 2013 sobre « La dinámica de la gestión internacional y sus anclajes culturales », que será organizado por HEC Montreal el 8 y 9 de julio de 2013. Que estamos seguros este tema será un aporte muy rico para los interesantes debates que producirá este evento. Disfrute la lectura! © MI 2013 C Introduction au dossier spécial Management et Diversité : lignes de tension et perspectives Jean-François ChanlatStéphanie Dameron Université Paris-Dauphine Université Paris-Dauphine Jean-Pierre Dupuis Université Paris-Dauphine Maria Ester de Freitas Université FGV-EAESP (Brésil) Mustafa Ozbilgin Université Paris-Dauphine « C’est par la diversification des « rencontres », par l’épreuve des mises en relation fréquemment renouvelées, que se saisit et se vérifie ce qui est la nature même du social : son mouvement de création, de production continue » (Georges Balandier, 2003, p33) D ans la plupart des pays industrialisés, la diversité est un mot en ce moment fort à la mode. La presse s’en fait largement écho, l’élection du sénateur Barack Obama comme Président des Etats-Unis en 2008 en étant devenu un symbole international. Or, l’engouement pour un mot est toujours en lien avec des questions qu’une société se pose à un moment donné de son histoire. Si la nôtre ne fait pas exception à la règle, il nous faut rappeler d’entrée que la question de la diversité n’est pas en soi nouvelle et que l’intérêt de l’univers gestionnaire à son égard, non plus. En effet, d’un point de vue anthropologique, la diversité renvoie à deux problèmes fondamentaux que tout groupe humain rencontre : 1) la question du rapport à l’autre (l’altérité) (Balandier, 2003) et 2) la question du vivre ensemble (la socialité) (Durkheim, 1930). Depuis que le management existe en tant que corps de principes, cette question de la coopération entre les différentes composantes sociales d’une organisation a été posée. Et la question du comment faire en sorte que des gens différents par l’âge, le sexe, l’origine sociale, l’origine ethnique, la culture, la formation et le métier travaillent ensemble en vue de l’objectif commun a été dévolu aux gestionnaires. Tel est bien le problème qui se pose à toute action organisée et que les gestionnaires ont depuis toujours eu pour objectif de résoudre au quotidien (Chanlat, 1998, 2002, 2005). La question de la socialité est donc, elle aussi, au coeur de la dynamique managériale (Dameron, 2004). C’est au cours des deux dernières décennies où l’esprit gestionnaire anglo-saxon s’est particulièrement diffusé dans le monde que le vocable « diversité » s’est imposé, peu à peu, dans le domaine de la gestion (Kirkon et Greene, 2004). Dans les sociétés développées, son usage est le fruit de la rencontre de quatre grands mouvements de fond observés depuis l’après-Guerre : • u ne présence désormais massive et permanente des femmes sur le marché du travail (Méda, 2008); • u n brassage démographique entraîné par les divers mouvements migratoires (Héran, 2007); • une mondialisation des échanges; • u ne culture plus tolérante et libérale à l’égard des différences; • E t d’un certain nombre de constats observés à des degrés divers dans de nombreux pays (Robertson, 2006; Ozbilgin et Tatli, 2008; Healey et Oikelome, 2011; Vassilopoulou, 2011; de Freitas et Dantas, 2012; Bell, 2012; Klarsfeld, 2012), et notamment en France (Barth et Falcoz, 2007; Chanlat, 2010; Falcoz et Barth, 2010; Bender, Klarsfeld et Laufer, 2012). Ces constats touchent • d es discriminations sociales multiples d’accès à l’emploi; • u ne division très sexuée du travail et une faible représentation féminine dans les sphères dirigeantes (Laufer, 2007); • d es conflits interculturels plus médiatisés (Davel, Dupuis et Chanlat, 2008); • la difficulté de nombreux jeunes à s’insérer dans le marché du travail; • l’éviction des salariés de plus des 50 ans de la vie active; • les difficultés d’insertion rencontrées par les personnes handicapées. En France, l’intérêt des cercles gestionnaire pour cette question est encore plus récent que dans les univers anglosaxons (Barth et Falcoy, 2007; Chanlat, 2010; Bender, Klarsfeld et Laufer, 2012). Mais il reste que, au cours des dernières années, nous avons assisté à une multiplicité d’actions dans ce sens, par exemple : à la création de la Halde (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité.), à la fondation du Club du XXI siècle et d’une association des managers de la diversité (l’AFMD) qui visent à accroître la représentativité de différents groupes peu ou mal représentés dans la vie sociale, à la création 6 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial toute récente d’un Haut Commissariat à la diversité et de plusieurs chaires universitaires de recherche dédiées à ce thème, dont une à Dauphine1, à de nombreux colloques et débats concernant cette question, à un programme de labellisation des organisations (Le label diversité) et à la signature de chartes de la diversité par de nombreuses grandes entreprises (Point, 2006). Au Québec, influencé par les pratiques nord-américaines, cet intérêt est plus ancien mais il a parfois dépassé le modèle anglo-saxon, par exemple avec la loi sur l’Équité salariale adoptée en 1996. Cette loi, unique en Amérique du Nord, oblige les employeurs à offrir aux femmes de leur entreprise des salaires équivalents à ceux des hommes pour des emplois équivalents mais différents. Ainsi, les emplois féminins doivent être comparés à des emplois majoritairement masculins équivalents comme ceux de policier (infirmière), de menuisier (secrétaire) ou de concierge (gardienne d’enfants) et être rémunérés comme le sont les hommes occupant ces emplois. La gestion étant un monde où l’on voit apparaître régulièrement des modes, d’aucuns peuvent considérer cet engouement actuel pour la diversité comme une autre illustration de ce phénomène. Tout comme la qualité était, par exemple, un des slogans populaires dans les entreprises des années 80, la diversité semble être devenue avec le développement durable, celui du monde managérial de ce XXI siècle naissant. Si le débat sociétal sur la diversité trouve un écho particulier en entreprise c’est que celle-ci connaît des évolutions fondamentales. Quatre d’entre elles nécessitent une réflexion renouvelée sur le management de la diversité. L’entreprise du XXIème siècle est en effet multipolaire, les centres de décisions sont répartis dans différents territoire; elle est multiculturelle, ses employés, ses fournisseurs et ses clients sont de différentes origines; elle est multigénérationnelle – les stages et les formations en apprentissages se généralisent et commencent plus tôt tandis que l’âge de départ à la retraite recule; elle est enfin distribuée et virtuelle, ses équipes et son encadrement travaillent à distance utilisant abondamment les technologies de l’information et de la communication à leur disposition. De ce fait, les processus actuels, notamment de recrutement, de gestion des parcours professionnels et de diffusion et partage des connaissances, sont appelés à évoluer radicalement. Après avoir présenté le caractère polysémique de la notion de diversité suivant une perspective comparée, l’objectif de cette introduction à ce numéro spécial est de repérer les tensions exercées sur les organisations par le management de la diversité et de dégager les perspectives de recherche sur cette thématique, tout en insérant dans notre 1. La chaire ‘Management et diversité’ de l’Université Paris-Dauphine est sous la responsabilité des Professeurs Jean-François Chanlat et Mustafa Ozbilgin lequel a succédé à Stéphanie Dameron il y a de cela un an et demi. Elle a été fondée en partenariat avec le Club du XXI propos les différentes contributions faites et sélectionnées pour ce numéro. La diversité : un élément de la gestion d’entreprise Dans le contexte actuel, la diversité est devenue un élément de la stratégie de nombreuses grandes entreprises, notamment si l’on en juge le discours qu’elles tiennent à ce sujet. Elle est aussi perçue par certains gouvernements comme un instrument d’une politique sociétale plus large, en matière d’égalité des chances et d’équité de traitement, à poursuivre dans les différentes sphères de l’économie, des medias, de la culture, de l’administration et de la politique. Le dénominateur commun de ce management de la diversité part d’un postulat, partagé par tous les acteurs de la mise en place de telles politiques, que les différences, quelles quelle soient, peuvent représenter à la fois des ressources et un atout indispensable à la bonne marche des organisations. On peut définir ainsi le management de la diversité comme le dernier développement d’un ensemble de stratégies managériales dont le but est non seulement d’améliorer la présence et le sort, dans certains contextes professionnels, de personnes appartenant à des minorités discriminées ou exclues mais aussi de rendre l’organisation plus efficace en exploitant au mieux ces différences (Sabeg et Charlotin,2006). Cette stratégie se distingue quelque peu des programmes d’égalité en emploi. Car, contrairement à ces derniers qui cherchent à promouvoir d’abord et avant tout une égalité des chances face à l’emploi, la gestion de la diversité vise d’abord et avant tout à améliorer la compétitivité et l’efficacité des entreprises en mettant l’accent sur la reconnaissance et l’apport des différences sociales et en mettant en place des pratiques dans ce sens. La gestion de la diversité cherche à faire du lieu de travail un endroit intégrateur pour tout le monde, et à promouvoir une culture qui accepte les différences afin de rendre l’organisation plus performante, plus efficace et plus créative dans le contexte qui est le sien; autrement dit, les différences doivent faire la différence. En anglais, la notion de « diversity » recouvre par ailleurs plusieurs acceptions. Elle peut signifier à la fois l’hétérogénéité du personnel et la gestion de la diversité de ce personnel. Elle peut également renvoyer à n’importe quelle politique concernant les immigrants ou les minorités, aux programmes d’accès à l’égalité, ou encore faire référence à toute pratique mise en place pour faire face à l’hétérogénéité sociale. Comme le montre, par exemple, une étude récente qui a comparé 241 sites internet d’entreprises européennes siècle et quatre entreprises : EADS, GDF-SUEZ, LE GROUPE LA POSTE et LA MACIF qui lui apportent leur soutien financier et lancée en janvier 2009 . 7 Management et Diversité : lignes de tension et perspectives sur cette question, les entreprises britanniques sont, celles qui ont le discours le plus large et le plus proactif dans ce domaine alors que les autres se contentent de valoriser essentiellement l’accès à l’emploi et d’améliorer les chances de promotion des personnes appartenant à des catégories exclues ou discriminées (femmes, minorités ethniques, seniors, handicapés, homosexuels..) (Point, 2006). Le contexte sociohistorique jouant donc un grand rôle dans la construction différencié des discours (Tatli, Vassilopoulou, Al Ariss et Ozbilgin, 2012), voyons par exemple, comment cette question est vue dans le contexte français auquel font référence plusieurs articles présentés dans ce numéro. Comme nous l’avons déjà rappelé plus haut, la question de la diversité et de sa gestion, prise dans son acception anglo-saxonne, est en effet une question tout à fait récente dans le contexte français. Même si nous avons eu tout un débat il y a quelques années sur la parité dans le domaine politique, notamment entre hommes et femmes et des lois cherchant à lutter contre le racisme et les discriminations sociales, le recours au mot diversité dans notre contexte hexagonal est un fait social nouveau. Outre l’influence qu’exerce l’expérience anglo-saxonne à ce sujet et que nous venons d’évoquer brièvement, son usage en France a émergé à l’occasion de deux grandes questions sociales : • les problèmes liés aux discriminations vécues par les jeunes des banlieues dites sensibles; • la faible représentation dans les positions de pouvoir (notamment économique et politique) de personnes issues des minorités ou ayant des profils atypiques. Pourquoi cette question, largement discutée par exemple en Amérique du Nord depuis des années, ne s’est-elle donc pas posée de la même manière en France qu’OutreAtlantique ? Pour une raison bien simple, c’est que la France ne définit pas tout à fait la citoyenneté de la même manière (Weil, 2005; Schnapper, 2007). Depuis la Révolution française, les responsables politiques français ont toujours défendu en effet une conception universelle de la citoyenneté et n’ont jamais fait référence aux origines ou au genre. Il fallait constituer l’unité de la Nation et cette unité ne pouvait pas se fonder sur des différences communautaires de quelque nature que ce soit. Toute l’expérience politique a été de renforcer cette notion d’unité de la Nation et donc l’assimilation pleine et entière des immigrés ou des provinciaux à la culture commune (affirmation du français comme seule langue nationale, francisation de toutes les régions du pays via l’école publique obligatoire, loi sur la laïcité, défense des idéaux de la République, loi sur le voile, etc..). Comme le rappelle fort justement Pascal Combemale (2009, p77), le préambule de notre Constitution hérité de celui de 1946 en fait foi : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion, ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. » Si l’expérience française en la matière est singulière par bien des aspects, notamment par la manière dont s’est fabriqué la République, il reste que de nombreux pays sont traversés par trois grandes et mêmes lignes de tension. Les principales lignes de tension de la gestion de la diversité Le management de la diversité renvoie fondamentalement à la socialisation au sein d’un groupe. Pour reprendre le sociologue E. Durkheim, la socialisation résulte à la fois de processus d’intégration et de processus de régulation. L’intégration sociale nécessite que les membres d’une même entité, et même si c’est avec une intensité inégale, partagent une identité commune, entendue comme un ensemble de valeurs, croyances et normes de comportement. L’intégration implique également que ses membres soient en interaction les uns avec les autres. Elle nécessite enfin qu’ils soient voués à des buts communs. Par ailleurs, la régulation sociale, seconde dimension de la socialisation, renvoie au pouvoir qui règle les activités des individus. Socialisation ne veut donc pas dire acceptation aveugle des différences, relativisme absolu et laissez-faire. Bien au contraire, elle exige de définir un ensemble de référents partagés stables à partir desquels la variation des comportements est acceptable. Dans ce cadre, trois grandes lignes de tension parcourent à des degrés divers, selon les pays, la gestion de la diversité. La première touche la tension égalité/diversité, la seconde, la tension universalité/diversité et la troisième, performance/diversité. Tous les articles présentés ici s’inscrivent parfaitement sous l’une ou l’autre de ces tensions. La tension égalité/diversité Nos sociétés démocratiques étant fondées sur l’égalité des droits, la gestion de la diversité, par certaines de ses pratiques, revisite la question de l’égalité. Ce qui suscite des débats fort nombreux, notamment en France. Depuis Tocqueville, nous savons que nous vivons dans des sociétés qui aspirent à l’égalité sociale. Mais nous savons aussi par Marx que les droits formels ne sont pas toujours réels. Le principe d’égalité est donc toujours un idéal à poursuivre et toute inégalité fortement ressentie peut alimenter le mouvement social. C’est donc en son nom que l’on a mis en place, comme nous l’avons vu précédemment, des politiques d’ « affirmative action » aux Etats-Unis, lesquelles devaient permettre aux minorités discriminées (Noirs et femmes notamment) d’améliorer leurs chances. Mais c’est aussi au nom de l’égalité que certaines de ces pratiques associées à 8 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial ce mouvement : mises en place de quotas, discrimination positive ont été particulièrement critiquées (Calvès, 2004).. En France, la loi sur la parité hommes/femmes en politique a subi le même type de critique, de la part de féministe, comme, par exemple, Elisabeth Badinter qui, dans le cas français, s’appuyait sur l’esprit républicain pour rejeter le projet de loi proposé. L’idée d’établir des ‘statistiques ethniques’ suscite actuellement des débats vigoureux et des critiques similaires. Car la mise en place éventuelle de tels indicateurs dans notre contexte ne va pas de soi. Elle rentre non seulement en contradiction avec la conception de la citoyenneté à la française que nous venons d’évoquer, mais aussi pose des problèmes particulièrement ardus sur le plan méthodologique et peut enfin avoir des effets redoutables sur la définition de soi. Il ne faut jamais oublier en effet que, selon la recherche dans le domaine des relations ethniques, ce sont les interactions que les groupes ont entre eux et les limites qu’ils établissent dans un contexte donné qui constituent le niveau d’analyse pertinent. A une analyse à partir de catégorisations de type ethnoracial tendant à enfermer les personnes dans des cadres naturels et essentialistes, il faut donc préférer une analyse en termes d’ethnicisation des rapports sociaux. Les représentations d’une génération d’enfants français de parents immigrés ne sont pas en effet analogues à celles de leurs parents en raison de conditions socio-historiques différentes (taux de chômage, degré de ségrégation spatiale, maîtrise de langue, niveau d’instruction, etc..). Les rapports sociaux sont par définition dynamiques et historiquement datés (INSEE et Ined, 2011). On ne peut donc les enfermer dans des catégories figées (Combemale, 2009). Si une telle conception républicaine de l’indifférenciation raciale est particulière à la France, il nous semble important de nous attarder à ce qui est fondamental : analyser les logiques ui concourent, comme nous y invite Robert Castel (2007), aux discriminations négatives et à l’exclusion sociale dans chacun des contextes étudiés. Outre la posture philosophique, propre à la conception française du vivre ensemble, que nous venons de rappeler, l’attachement des Français envers une vision égalitaire et universelle du citoyen bénéficie également par ailleurs de solides fondements historiques et anthropologiques. La notion d’égalité entre les frères et les soeurs qui est au coeur de la structure familiale dominante française, est peut-être une des explications de cette passion bien française pour l’égalité. Ce qui n’est pas le cas de la structure familiale dominante en Angleterre, laquelle accepte volontiers depuis plusieurs siècles l’inégalité entre les frères et les sœurs avec la règle de la primogéniture en matière d’héritage (Todd, 1984). D’autres critiques, plus radicales encore, en appellent à l’égalité contre la diversité. Ils voient dans la popularité croissante de l’idée de diversité un écran de fumée qui masquerait la montée des inégalités sociales que nos sociétés ont connues au cours des trente dernières années. La présence de représentants des minorités à des postes de responsabilité ne serait pas alors synonyme d’une amélioration de l’égalité sociale mais bien le signe d’une accession de certains d’entre eux ou d’entre elles aux groupes dominants (Michaels, 2009). Cette politique, si elle ne change pas la mécanique fondamentale des inégalités, permet d’améliorer en revanche sa légitimation auprès des groupes socialement défavorisés. Les cercles du pouvoir et le système social ne seraient pas globalement plus ouverts mais en sortiraient renforcer. Face à de telles critiques, les défenseurs des législations et des pratiques mises en places au nom de la diversité défendent l’idée que si nous laissons les choses en l’état, il n’y aurait que des améliorations fort lentes et que les personnes concernées seraient toujours exclues de nombreux emplois et postes hiérarchiques. En d’autres termes, la parité, les quotas et la discrimination positive seraient des réponses pragmatiques à l’inégalité sociale ambiante. Les résultats obtenus par les pays scandinaves en ce qui concerne la parité hommes/femmes (Méda, 2008), et ceux obtenus aux EU dans les universités semblent leur donner en partie raison. Dans ce numéro, l’article de Mustafa Ozbilgin et de Diane Bebbington met justement en lumière ces questionnements dans le cadre de la Grande Bretagne, notamment au niveau de la représentation dans les instances dirigeantes des institutions d’enseignement supérieur et celui de Peter Spink et Barbosa, dans le cadre des entreprises bancaires brésiliennes; tous deux défendent ici l’idée d’un renforcement de la législation pour assurer une meilleure représentativité des groupes sous-représentés. Si cette mise en perspective historique et sociologique plaide pour de telles interventions, il n’en demeure pas moins qu’elles continuent de poser des problèmes au principe d’égalité, qu’elles peuvent entrainer des effets pervers pour ceux et celles qui en sont les bénéficiaires et qu’elles rentrent parfois en contradiction avec certains principes de base de la vie commune. Ce qui nous amène au deuxième type de tension. La tension universalité/diversité Une deuxième tension a en effet surgi dans de nombreux pays en relation avec la gestion de la diversité. C’est la tension entre diversité et universalité. Elle a été provoquée à la fois par l’apparition de pratiques et de comportements religieux observés en milieux de travail et dans certaines institutions publiques et par les revendications de la reconnaissance de certains droits et pratiques dans les univers professionnels qui remettent en cause l’universalité des droits, telle qu’elle est vue par la tradition occidentale. Si, en matière religieuse, la question du foulard à l’école ou de la burqua en a cristallisé dans les dernières années en Europe, notamment en France et en Belgique, voire au Canada, l’essence, d’autres cas moins médiatisés 9 Management et Diversité : lignes de tension et perspectives mobilisent régulièrement les gestionnaires et les responsables administratifs : mise en place de lieux de prière sur le lieu de travail, respect des interdits alimentaires, prise en compte des périodes de jeûne, port de signes religieux, exigence de séparation des sexes, contestation du contenu des enseignements... Ces situations que l’on retrouve également dans de nombreux pays industrialisés, sont vécues de manière particulière en France car elle pose le rapport à la laïcité. Comme chacun le sait, la France est un pays qui reconnaît la liberté de croyance mais qui a séparé dans la plus grande partie de l’Hexagone, les départements concordataires d’Alsace-Moselle faisant exception à cette règle, les confessions religieuses et l’Etat. Ce qui veut dire, que les institutions publiques sont, par définition, laïques, la laïcité garantissant l’exercice de la liberté de conscience, notamment en matière religieuse. C’est donc influencé par cet esprit républicain que la commission Stasi a été l’inspiratrice d’une loi passée en 2004 qui a interdit dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse. Trois articles de ce numéro, celui de Géraldine Galindo et Joëlle Surply, celui de Eléonore Marbot et de Brigitte Nivet et celui de Yvan Barel et Sandrine Frémeaux s’inscrivent parfaitement, chacun à leur manière, dans les débats qui ont cours actuellement dans le contexte français où la conception républicaine du vivre ensemble et le définition du citoyen sont interpellées par différentes demandes d’ordre religieux ou sociales (Barth, 2012, Banon et Chanlat, 2012). Mais de tels débats se retrouvent aussi en Amérique du Nord (Hicks, 2003), notamment au Québec (Bouchard et Taylor, 2008) et dans d’autres pays européens (Ozbilgin et Tatli, 2008), voire ailleurs dans le monde, notamment en Israël ou en Tunisie. La situation se vit toutefois autrement en Amérique du Nord où la notion d’accommodement raisonnable est venue baliser le rapport entre le religieux et le profane dans des États aussi laïcs. Par exemple, des accommodements (port du foulard, lieu de prière, congé, etc.) peuvent être autorisés dans la mesure où ils n’imposent pas de coûts irraisonnables à l’entreprise ou à l’organisation et s’ils n’entraînent pas de conséquences négatives pour les autres employés ou d’autres bénéficiaires de services. La loi québécoise, par exemple, encadre ces pratiques par l’intermédiaire du Tribunal des droits de la personne. S’il se dégage une jurisprudence de ces décisions, celle-ci fait force de loi seulement si la décision d’accommoder ne cause aucun préjudice à l’entreprise (à l’organisation) ou à d’autres personnes. Chaque cas est traité séparément, et il s’agit chaque fois d’un cas individuel (une personne) et non pas d’un droit accordé à une collectivité. La tension performance/ diversité La question de la gestion de la diversité, comme nous l’avons vu, est dans une large mesure poussée par des objectifs d’efficacité et de performance. Si, selon la nature de l’organisation (privée, publique, coopérative ou associative), les finalités peuvent bien sûr variées, il reste que le bon fonctionnement demeure une exigence permanente pour le management. Plusieurs éléments de la diversité peuvent alors jouer pour ou contre ces impératifs. En effet, la diversité culturelle n’est pas toujours un atout. Elle peut susciter de nombreux problèmes. C’est la raison pour laquelle une sous-discipline du management, le management interculturel (Barmeyer et Chanlat, 2004; Davel, Dupuis et Chanlat, 2008) s’est constituée, au cours des vingt dernières années, pour y faire face. La recherche met bien en évidence combien les relations interculturelles ne sont pas toujours sources d’enrichissement mais peuvent être problématiques et affectées la performance des organisations concernées (Chevrier, 2000; 2012; Dameron et Joffre, 2007). La mondialisation des échanges, le nombre de fusions et acquisitions, la cosmopolitisation de nos sociétés, les nombreuses négociations internationales et la formation d’unions régionales, notamment la construction européenne, servent de cadre à de telles réflexions. La volonté des uns rencontre en effet toujours celle des autres. Or, chacune de ces volontés reposent la plupart du temps sur des représentations fort différenciées de la manière de vivre ensemble. Dans le cas de la gestion de la diversité, le postulat de base est bien sûr que celle-ci est tout à fait positive pour toute organisation. Et qu’il faut donc mettre en place les conditions adéquates pour exploiter ces différences sources d’enrichissement, d’innovation et de performance. Car il est un fait également noté par la recherche que l’innovation passe par les déviants (Alter, 2002; 2012), que la diversité est essentielle dans un environnement varié, que des regards multiples sont sources de développement et qu’une organisation qui est ouverte aux différences est mieux perçu par le corps social. Pourtant, la diversité n’est pas nécessairement source de performance dans les organisations; la diversité pose question. Si celui qui est différent peut être source de richesse et d’innovation par le fait de penser autrement, ou encore d’être connecté à d’autres formes de réseaux sociaux, il a également un déficit initial de socialisation et porte en lui le risque du communautarisme et de l’enfermement. En ce sens, les recherches sur la performance de groupes diverses présentent des résultats ambivalents. Certains travaux mettent en exergue leur capacité d’innovation et de créativité. Les travaux de Crozier et Friedberg (1977) par exemple mettent en évidence le rôle du marginal sécant, capable de connecter deux réseaux dans une organisation. De même, les recherches de Watson et alii (93) ou Distefano (2000) révèlent la richesse du processus de décision au sein 10 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial de groupes diverses, et la capacité de trouver des solutions plus innovantes quand des points de vues différents peuvent être connectés. Cependant, d’autres travaux soulèvent les difficultés de la gestion d’équipes diverses. Les théories de l’identification sociale montrent combien l’existence de différents sous groupes, différentes communautés au sein d’une même équipe, peut exacerber le clivage communautaire et renforcer le sentiment d’appartenance au sous groupe. (Hogg et Abrams, 1999; Hewstone, Rubin and Willis, 2002). L’équipe étant perçue comme une menace à l’appartenance identitaire au sous groupe, l’inclusion des différentes communautés peut générer des réactions défensives et affaiblir la capacité d’intégration au sein d’un groupe plus large (Milliken and Martins, 1996; Hornsey and Hogg, 2000; Shapiro et al., 2002; Jayne and Dipboye, 2004). Une explication à cette ambivalence de la littérature en sciences de gestion dans la relation entre diversité et performance peut se trouver dans les travaux fondateurs de Durkheim sur la division du travail social et la mise en évidence de deux formes de cohésion sociale : la solidarité organique, fondée sur la différenciation, et la solidarité mécanique, basée sur la ressemblance (Durkheim, 1930). Cette dualité du social permet d’éclairer la nature des relations coopératives suivant un double mécanisme : la coopération complémentaire et la coopération communautaire (Dameron 2002; Dameron, 2004) La coopération complémentaire repose sur la différenciation des individus et la recherche de ressources complémentaires. Elle se développe suivant des modalités stratégiques, c’est-à-dire de calcul individuel dans la relation à autrui. Si la coopération complémentaire repose sur la différence, c’est la quête de ressemblance qui génère la coopération communautaire. En effet, cette coopération est fondée sur l’appartenance à un groupe auquel l’individu s’identifie. Elle se développe dans la construction, la protection et la défense de cette identité perçue comme commune. Les travaux sur l’identité sociale (Ashforth & Mael, 1989; Hogg & Abrams, 1999; Tyler, 1999) analysent les mécanismes cognitifs sous-jacents à la coopération communautaire. Suivant la forme de coopération étudiée, souvent peu explicitée dans les travaux de recherche, les avantages ou les difficultés seront mis en avant. La coopération complémentaire reposant sur la diversité des ressources, elle est favorisée par la diversité des membres. La coopération communautaire étant fondée sur le besoin d’appartenance, la diversité des membres, à travers les différentes valeurs qu’ils portent, sera perçue comme une menace à l’appartenance identitaire des différents sous groupes. Il s’agit alors de différencier l’analyse en fonction de la nature des relations coopératives étudiées. L’article présenté dans ce numéro par Margie Bruna et Mathieu Chauvet fait à cet égard un tour exhaustif de cette question, celui de Annie Cornet, Pete Stone et Hédia Zannad montre combien la construction d’indicateurs pour mesurer les évolutions en la matière sont à la fois nécessaires mais aussi des construits sociohistoriques situées et celui de Christine Naschberger et Sana Guerfel-Henda met l’accent sur un réalité moins étudiée, celle de la PME française, en montrant par ailleurs que l’intégration de la diversité peut amener celles-ci d’une approche traditionnelle en ressources humaines (RH) vers une approche renouvelée dite stratégique. Quelles perspectives de recherches dans le domaine du management de la diversité ? Les travaux qui existent aux Etats-Unis pour mesurer l’efficacité des programmes et politiques en matière de diversité débouchent toutefois sur des résultats mitigés. En effet, une grande étude longitudinale américaine portant sur la période 1971-2002, menée auprès de 708 grandes entreprises privées, a montré que des trois type de pratiques étudiées, les pratiques les plus efficaces en matière de diversité étaient celles qui assignaient des responsabilités organisationnelles très précises (autorité et expertise) à travers la mise en place de programmes, d’équipes, de comité et de managers dédiés spécialement à la diversité. Ces stratégies de type organisationnel étaient efficaces pour accroître la proportion d’employés et de managers noirs (hommes et femmes) et de femmes. En revanche, les séances de formation pour combattre les préjugés et les stéréotypes, tout comme les séances individuelles de feedback, ont montré peu d’efficacité à cet égard. Dans certains cas, elles entraînaient même une réaction négative en retour. Enfin, les résultats concernant le dernier type de pratiques, mis en place pour rompre l’isolement social des femmes et des minorités discriminées via le mentorat et la mise en réseau, se sont également avérés décevants. En Europe, la réflexion met aussi l’accent sur une stratégie organisationnelle intégrée, certains insistant sur la création d’espaces de parole adéquats d’une part, pour échanger sur les pratiques et d’autre part, pour exprimer ces propres difficultés dans la gestion au quotidien de cette diversité. La dynamique sociale au travail se fondant sur une authentique reconnaissance des apports de chacun, il est en effet essentiel de s’assurer de créer des médiations expressives dans les univers professionnels. C’est la seule façon de dire aux autres qu’ils ou elles existent et leur éviter de rester invisibles aux yeux de tous.(Cornet, Warland et Pinson, 2008; Mutabazi et Pierre, 2008)) Dameron et Joffre (2007) montrent que les représentations des différences culturelles sont souvent mobilisées dans un sens négatif, avec effets miroirs. En mettant en évidence les facteurs modérateurs de la perception négative de la diversité et son impact dans le développement de la coopération au sein d’un groupe (Dameron et Joffre, 2007), il est possible de repérer quatre voies de recherche qui peuvent s’avérer potentiellement riches d’enseignements pour la gestion de la diversité. Premièrement, la connaissance intuitu personae s’avère être un modérateur puissant de l’usage de stéréotypes 11 Management et Diversité : lignes de tension et perspectives négatifs. Pour favoriser cette connaissance interpersonnelle, une meilleure compréhension de la construction des réseaux sociaux, notamment en dynamique pour pouvoir les favoriser et les orienter, est nécessaire (Ingram et Morris, 2007). En parallèle, les recherches sur les relations affectives dans les organisations, comme l’amitié par exemple, restent trop rares en sciences de gestion et sont pourtant également nécessaires pour comprendre l’envie de coopérer (Alter, 2009). . Les effets structurels et de management du groupe peuvent être de puissant vecteur pour éviter le sentiment d’injustice et développer le sentiment d’appartenance : les travaux sur l’identité sociale constituent ainsi une troisième voie de recherche pour repérer comment favoriser l’identification à ce groupe secondaire qu’est l’entreprise, pour reprendre la classification des groupes d’Anzieu et Martin. Enfin, dans un univers moins hiérarchisé, plus en réseau, le leadership et le rôle du leader sont des dimensions clefs pour favoriser et animer l’esprit d’équipe. Il s’agit de réinventer, dans cet univers organisationnel plus flou du point de vue de sa structure, où les lignes de rattachement sont multiples, des modalités de leadership qui dépassent très largement une légitimité de statut. ****************** Comme nous venons de le rappeler, la question de la diversité et du management n’est pas une question récente pour les sciences du social, voire pour le management luimême. Faire du collectif avec un ensemble varié de personnes est par définition l’objet même de la gestion. Car tout groupe humain est toujours plus ou moins diversifié en termes de sexe, de classe d’âge, de formation, de métier, d’origine sociale, et d’origine ethnique. Si l’impératif gestionnaire vise justement, depuis l’émergence du management en tant que corps de principes institués, l’efficacité d’un collectif organisé, nous avons vu que les transformations sociales des trente dernières années ont amené des interrogations et des débats dans de nombreux pays industrialisés et notamment en France, autour de l’idée de gérer ces nouvelles différences. Ce numéro spécial de Management international à travers les différentes et riches contributions qui sont présentées en est une autre illustration. Or, penser la diversité, c’est, nous venons de le voir dans cette introduction, plusieurs choses à la fois. C’est tout d’abord comprendre les différences en rendant intelligible les cadres symboliques dans lesquels les personnes pensent (D’Iribarne, 2008).. Tel est l’objet du management interculturel (Davel, Dupuis et Chanlat, 2008. Penser la diversité, c’est ensuite rendre compte des inégalités et des problèmes vécus par des personnes qui dans un contexte social donné se retrouvent discriminés, victimes de racisme, d’homophobie, voire exclus (Barth et Falcoz, 2008; Cornet, Warland et Pinson, 2008; Ozbilgin et Tatli, 2008)). Tel est l’objet des sciences du social s’intéressant à la diversité et en particulier à son management. Penser la diversité, c’est enfin tenter d’équilibrer au mieux les différences de chacun (groupes et ou individus) avec les principes du vivre ensemble dans une société démocratique (Weil, 2005; Schnapper, 2007). Tel est l’objet de la gouvernance politique. En d’autres termes, penser la diversité aujourd’hui, c’est, comme le montrent chacun à leur manière les articles regroupés dans ce numéro, participer à la construction d’un vivre ensemble qui tiennent compte dans chaque contexte concerné à la fois des nouvelles réalités du monde, des aspirations individuelles de chacun et des idéaux démocratiques qui nous guident. Les organisations et les entreprises, en raison du rôle qu’elles jouent dans la dynamique socioéconomique contemporaine et les gestionnaires qui en ont la responsabilité ne peuvent pas l’ignorer. Car les pratiques managériales, en tant que pratiques sociales situées, exigent pour les comprendre une double anthropologie, une anthropologie générale qui s’intéresse à l’être humain générique et une anthropologie singulière qui s’intéresse aux personnes concrètes et en situation. Ces pratiques étant au cœur des questions débattues de nos jours autour de la notion de diversité, la réflexion managériale ne peut pas éviter de faire ce détour anthropologique. Car, au-delà de cette question, nous avons vu qu’un autre impératif d’ordre éthique et politique se dessine : construire des mondes sociaux qui respectent à la fois les valeurs qui nous guident et les individus et groupes concernés qui en font partie. Tel est le défi que les acteurs sociaux du monde des organisations du XXI siècle devront également surmonter. Par la même, nous remettons au premier plan, comme le réclamait déjà Marcel Mauss en 1920, l’étude et la discussion de ce qui fonde l’harmonie sociale dans ces nouveaux mondes organisés que nous sommes en train de construire où la définition culturelle de soi a pris une importance croissante. 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Nous étudions les formes saillantes de l’inégalité en matière de leadership dans l’enseignement supérieur, y compris la recherche sur le genre, l’origine ethnique, la classe sociale, l’orientation sexuelle ainsi que le handicap. Nous démontrons que la diversité dans le leadership demeure un défi important dans l’enseignement supérieur. A travers cet exemple, nous démontrons que le leadership occupe un espace contradictoire en termes de diversité démographique, à la fois en tant qu’objet de critiques en raison de son profil homogène mais également en tant que force essentielle pour progresser vers une plus grande égalité. Nous étudions le paradoxe de la relative homogénéité du leadership dans l’enseignement supérieur contre ses rôles de champion et de promoteur de l’égalité. Il s’agit d’identifier les moyens par lesquels la diversité démographique ainsi que le potentiel du leadership dans l’enseignement supérieur peuvent être encouragés. Mustafa Özbilgin Université Brunel de Londres, Université Paris-Dauphine, Université Koç à Istanbul Abstract The paradox of diversity is that successful diversity interventions require leadership support when diversity in leadership positions is so evidently lacking. In order to explore this paradox in the UK, we examine progress towards demographic diversity in leadership roles in the higher education sector, a sector in which there is much espoused support for diversity. Through a critical and comprehensive review of the literature, we illustrate the persistent nature of inequalities that hinder diversity and inclusion in leadership. We examine studies on salient forms of inequality in higher education leadership including research on gender, ethnicity, class, sexual orientation and disability. We show that leadership diversity remains a significant challenge for the higher education sector. Drawing on the example of this sector, we demonstrate that leadership occupies a contradictory space in terms of demographic diversity, both as the focus of criticism due to its homogeneous profile and counter-intuitively as an essential force for progress towards greater equality. We investigate the paradox of the relative homogeneity of higher education leadership set against its role for championing and promoting equality and identify ways in which demographic diversity as well as the progressive potential of higher education leadership may be fostered. Keywords: diversity, equality, leadership, higher education, gender, ethnicity, disability Mots clés : Diversité, égalité, leadership, enseignement supérieur, genre, origine ethnique et handicap T Resumen La paradoja de la diversidad trata de que las intervenciones exitosas de la diversidad requieren apoyo de la direccion cuando la diversidad en las posiciones de liderato està obviamente faltando. Para explorar esta paradoja en Gran Bretana, examinamos el progreso hacia la diversidad demografica en los papeles del liderato en el sector de la educacion/ensenanza superior, sector en el cual se encuentra mucho apoyo para la diversidad. A través de una resena critica y comprensiva de la literatura, ilustramos la naturaleza persistente de las inegualdades que dificultan la diversidad y la inclusion en el liderato. Examinamos los estudios sobre las formas salientes de inegualdad en la direccion de la educacion/ensenanza superior incluso la investigacion en campos de genero, etnicidad, clase, orientacion sexual and discapacitad. Ensenamos que la diversidad del liderato sigue siendo un desafio significativo para el sector de la ensenanza superior. tomando ejemplo en este sector, demostraremos que el liderato ocupa un espacio contradictorio en términos de diversidad demografica, ambos como el enfoco de una critica debida por su perfil homogeneo y, de forma contraintuitiva, como fuerza essencial para el progreso hacia una igualdad mas grande. Investigamos la paradoja de la homogeneidad relativa de la direccion de la educacion/ ensenanza superior en oposicion con su papel de lucha y promocion de la igualdad y identificamos maneras de una posible instigacion tanto de la diversidad demografica como el potencial progresivo de la direccion de la educacion/ensenanza superior. Palabras claves: Diversidad, Igualdad, Liderato, Direccion, Educacion/Ensenanza Superior, Género, Etnicidad, Discapacitad he diversity management literature suggests that leadership support is a prerequisite for the effective design and intervention of diversity interventions (Nishii and Özbilgin 2007). However, the literature fails to consider that the leaders from whom we expect support for diversity interventions are not themselves from a diverse group. We * We would like to thank Jamila Alaktif and Dimitri Esteves Gonçalves for translating the abstract to French and Spanish respectively * We thank the Leadership Foundation for Higher Education (LFHE) who commissioned the report on which this paper is based (LFHE 2009). 15 The paradox of diversity in leadership and leadership for diversity demonstrate in this paper that where leadership is homogeneous, leadership support may remain a naïve expectation. We have chosen the higher education sector as a case example, given that it is a sector characterised by its readiness to embrace the liberal values of equality and diversity, despite scant evidence of change in the demographic diversity of its leadership. In particular, we seek to address the question of why, in spite of various initiatives, the leadership of higher education is starkly lacking in diversity (Race for Opportunity 2010) and at the same time why ‘inequality regimes’ (Acker 2006), processes through which gender, class and ethnicity-based inequalities are entrenched, persist within the sector. Disabled people, women and ethnic minorities are, for example, still markedly underrepresented in positions of authority, including as Vice-Chancellors in UK higher education institutions. While demographic data are not yet available on those in senior management positions in the UK, it is well-known that only one minority ethnic ViceChancellor has ever been appointed as head of a British institution (Bahra 2011). Key objectives of the research on which this paper is based, were to synthesise the literature on leadership and diversity primarily with reference to disability, race, gender, religion or belief, sexual orientation, age and socio-economic group in order to explore the paradox of diversity and leadership in the higher education sector. The lack of demographic diversity in the upper echelons of higher education as highlighted in recent reports (Leadership Foundation for Higher Education 2009, Race for Opportunity 2010) contradicts the strengthening legal and policy contexts of anti-discrimination that render many forms of inequality illegitimate and unlawful in the UK. The Equality Act 2010 aims to harmonise existing discrimination laws, strengthen them and enhance progress towards equality. The Equality Bill was introduced following the amalgamation in 2007 of the Commission for Racial Equality, the Equality Opportunities Commission and the Disability Rights Commission into the Equality and Human Rights Commission (EHRC). The EHRC has also taken on responsibility for other aspects of equality including sexual orientation, age, religion and belief and human rights. Set in this context, the paucity of progress towards diversity in leadership positions in higher education deserves careful scrutiny. Aside from the persistent underrepresentation of certain groups, it is crucial to consider the role of leadership itself in tackling inequalities, a point that has been made in two key studies on the experiences of disabled and black staff in further and higher education (Commission for Black Staff in Further Education 2002, NIACE 2008). Both reports highlight the vital role of leadership in tackling inequalities. Throughout the NIACE report’s recommendations, emphasis is placed on the key importance of good leadership stating for instance, that: The key message flowing from our findings and other evidence is that there is widespread institutional discrimination in the lifelong learning sector. Indeed, some organisations are not compliant with their Disability Equality Duty. This is in large part the result of the systematic failure in public policy to address the needs of disabled staff. Effective leadership and management will be needed to counter this and achieve disability equality. (p.11, NIACE 2008) Lumby (2007) not only concurs with this view, but in addition states that the role of leadership with regard to equality is coming under increasing scrutiny. Though leaders may not hold all the power and access to resources, they have the potential to disrupt power relations through their formal role of authority and access to other sources of power. They can validate the experiences of disempowered groups and provide support in times of backlash to equality initiatives. The management of diversity in higher education seems increasingly justified, given that higher education institutions are becoming more diverse in terms of the student body with women for example, now constituting more than half of all UK undergraduates (Higher Education Statistics Agency 2012). Furthermore, the higher education workforce is becoming more diverse as a result of the globalisation of knowledge and the crossnational transference of professionals engaged in academic research (Smetheram et al 2010). Brown (2004) contends that given the inevitability of more diverse staff and student bodies, higher education institutions ‘…do not only have a responsibility but must assume leadership position on this crucial issue of preparing citizens for the world they now face’ (p.21). We first explain the methods of our review and go on to explore the paradox of leadership and diversity through a number of themes that emerged in our review of the extant literature. Methodology This study draws on a review of the literature which was funded by the Leadership Foundation for Higher Education, a body set up in 2004 to provide support and advice on leadership, governance and management for UK universities and higher education colleges. The research comprised of two elements – convening an expert group of academics experienced in areas relating to the topic being studied and carrying out an in-depth literature review. An expert panel was convened in order to include experts across salient strands of diversity such as gender, ethnicity, religion, sexual orientation, disability and age. Members of the panel were invited to suggest leads for the literature review across significant themes, to comment on drafts of the report and highlight areas for further development. This is common practice in the UK for national reports and serves to solicit critical peer review for the research. The panel was made up of five experts chosen 16 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial on the basis of their significant contributions to the field of equality and diversity. They had extensive knowledge of their fields, having published widely in disability studies, women’s employment, diversity and leadership, the sociology of race and ethnicity and diversity management. The panel attended two face-to-face meetings with the first held at the start of the project and the second, four months later. Members were asked to give an overview of their own perspectives on the issues and project. This was followed by a discussion of key themes emerging from the literature. A note of the meeting was then circulated together with a list of articles and books mentioned at the meeting. The group kept in touch via email. This method of communication proved to be a valuable forum for debate and discussion as well as providing a space to post other relevant publications. Contact amongst the group members was maintained almost to the point at which the final draft of the report began to be drafted. The group met a second time to discuss a draft interim report that the researcher had prepared (the first author of this paper). Members were asked to give feedback on the final report, which then informed the development of the final document. The guidance of the expert group was critical to the success of the project. Key issues emerged in the course of the discussions, including the variety of meanings associated with concepts such as ‘diversity’, ‘identity’ and ‘diversity management’, the sorts of problems that marginalised groups face when studying or working in higher education and the types of experience they encounter when promoted to leadership positions. An extensive literature search was carried out using journals on the sociology and psychology of education, educational administration and public sector management, management in general, higher education studies, disability studies, race studies, women’s studies and comparative education. These were identified using the collections of the Newsam Library and Archives of the Institute of Education, University of London that holds extensive collections of current and historical materials on education and related areas of social science. Further journals were identified through citation in our initial database of publications. All back numbers in the years 2002-09 were searched using the journal publishers’ websites. From this search around 200 key papers were identified. Key reports were identified, particularly those published by commissions set up to investigate the experiences of minority groups in higher and further education. Books and book chapters relevant to the topic were also identified. The literature was then grouped into thematic areas and used as a basis on which to structure the final research report. Key themes that emerged from the literature review included the nature of organisational inequalities on the basis of disability, gender, sexual orientation, race, class and other factors, leadership theory and the suppression of ‘difference’, challenges to traditional leadership theory emanating, for example, from the disability movement, contextual issues such as new managerialism and neoliberalism and their impact on higher education, equity-related themes in higher education research including scholarship and equity and issues around career advancement and diversity. The final theme was around leading for diversity in educational contexts. While these themes emerged in the main report, we focus in this paper on the paradox of leadership. Our analysis begins by examining the leadership of higher education through the lens of diversity. We look at chief executive level (Vice-Chancellor), governance and management. We then consider what the evidence has to say about organisational practices that appear to perpetuate inequalities. Next, the paper seeks to explain why inequalities persist and even appear to be worsening. Finally, we consider initiatives and research to which the sector can look in order to assist it in better championing equality and fostering demographic diversity. Diversity in higher education leadership Gender, ethnic and class penalties are reflected in the demographic characteristics of UK vice-chancellors (VCs). Breakwell and Tytherleigh (2008) analysed the characteristics of this group using data from the period 1997 to 2006 inclusive and found that almost all VCs appointed since 1997 were white, twenty-three per cent had been undergraduates of either Oxford or Cambridge and 28 per cent had been postgraduates at these universities. Furthermore, VCs in the pre-92 universities, those institutions reputed to be more research focused, were twice as likely to have been to Cambridge or Oxford as VCs in post-92 universities, many of which were polytechnics before acquiring university status. Additionally, the post-92 institutions have played a key role in widening access to higher education. In terms of gender, 85 per cent of VCs were male. Fewer women VCs were married or living with a partner (68 per cent) compared with 96 per cent of the male VCs. A further difference in personal circumstances was that half of female VCs had children compared with 81 per cent of male VCs. Disciplinary backgrounds also varied by gender; though the majority of VCs appointed in this period came from social science backgrounds, all 17 women VCs who took up post were social scientists. The male VCs additionally had backgrounds in science, business administration, arts and humanities, medicine, law and accountancy and technology and engineering. As mentioned earlier, only one non-white VC is leading a UK higher education institution and given that ethnic minorities are better represented as students in higher education as a proportion of their total population, albeit concentrated in the less prestigious institutions (Race for Opportunity 2010), it must be asked why this is not mirrored in the leadership of higher education institutions. The paradox of diversity in leadership and leadership for diversity A critical locus of influence in higher education institutions is the governing body (or Court as it is termed in Scotland), defined by the Committee of University Chairs (CUC) (2009) as having collective responsibility for overseeing the activities of institutions, determining its future path and nurturing an environment that will achieve the institution’s mission and maximise the potential of students. In addition, governing bodies should ensure compliance with the statutes, ordinances and provisions regulating institution and their frameworks. The CUC guidance states that the governing body should ‘ensure non-discriminatory systems are in place to provide equality and diversity of opportunity for staff and students (p.10). In terms of the diversity of the governing bodies themselves, data on their demographic profile is not collected on a regular basis, thus necessitating reliance on survey data and anecdotal evidence. A report by Equality Challenge Unit (2008) acknowledged the limitations of the data in this area. A snapshot produced for research by Cranfield University on how governing bodies engage with equality and diversity issues (Anderson et al 2009) showed that not all the governing bodies who participated in their research monitored for gender composition (73 per cent), and even fewer monitored for race (46 per cent), age (40 per cent), disability (33 per cent) and religion (eight per cent). As regards the actual composition of the governing bodies, women were just over 30 per cent of governors and 17 per cent of chairs. The demographic profiles of governors by ethnicity and disability were not available due to incomplete data. Similarly, few data are available at management level, although a study of Scottish further and higher education (McTavish and Miller 2007) produced a wealth of quantitative data on the gender balance of management in these sectors indicating that women in Scotland are 25 per cent more likely than men to enter higher education as students but they make up only 40 per cent of academic staff. Women in higher education in Scotland are underrepresented in the highest positions and are overrepresented in non-permanent, part-time jobs. Women make up 14 per cent of professors in Scotland. Seventy per cent of Court members are men. There is a gender pay gap of 18 per cent. There are only three women principals of Scottish universities, which is 15 per cent of the total. The Scottish statistics thus also display a dismal picture of gender disparities across the sector including in roles at leadership level. Gaining a professorship is clearly an important stepping-stone to a senior position in higher education, Breakwell and Tytherleigh (2008) for instance, found that 82% of the VCs in their study were professors. Recent data indicate that white men continue to dominate the professoriate; an analysis of the 2009-10 HESA dataset showed that 76 per cent of UK national staff and 67 per cent of non-UK national staff in professorial roles were white males (ECU 2011). This contrasts starkly when ethnicity is taken into 17 account; black and minority ethnic (BME) UK national men made up three per cent of the professoriate, BME UK national women made up one per cent, non-UK BME men made up five per cent and non-UK BME women were one per cent. While there is progress in terms of gender representation, though slow, when gender and ethnicity are considered together, representation remains severely lacking for minority ethnic women in the sector. While quantitative data are useful in providing an overview, qualitative data exploring the experiences of women and minority groups in higher education reveal ways in which inequalities are enacted and reproduced at the micropolitical level of organisations. Feminists and Black researchers emphasize the importance of experiential knowledge in uncovering and confronting many forms of discrimination in the workplace. Maylor (2009) notes that experience is valued both in Black Feminism and Critical Race Theory and argues that the task of applying these concepts to the experiences of Black women is crucial to develop knowledge, understandings of Black women’s research experiences, meanings that they give to these and the forms of discrimination that they face. Maylor (2009) discusses the experiences and challenges that Black female researchers encounter when they carry out research, particularly when the research focuses on such issues as equality, diversity and race. She describes one incident in which her identity as a black academic researcher is not recognised. A white, European visiting academic assumes Maylor is a helper, leading Maylor to speculate that her skin colour has caused this women to assign her to a slower status position. This is in spite of the fact that the visiting academic is a specialist in citizenship, a field which upholds (or pertains to uphold) such values such as tolerance, respect and understanding of different cultures and religions. Maylor contends that as a Black researcher working in higher education where the majority of researchers are white, and the expectations of funders and institutions are that the researcher is white, she is placed with additional burdens: Developing researcher/interviewee relationships can take much longer when one is placed in an environment, which only serves to undermine your well-being and positive sense of being Black. The experiences I have encountered as a Black researcher have not only made me more self-consciously aware of my identity as a Black person, they have also set me apart as being ‘different’ and as being perceived as such by ‘outsider’ groups with whom I engage/undertake research with. (p.60). Maylor concludes that naming one’s experiences is a positive way of dealing with experiences of racism while undertaking academic research. The approach of examining people’s experiences at micro level is employed by Morley in her study of women 18 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial academics in Greece, Sweden and the UK (Morley 1999). She contends that the conceptual framework of micropolitics reveals the subtle ways in which dominance is achieved in academic organisations. She points out that it is in the everyday practices of negative behaviours such as bullying, manipulation and sabotage that competition and domination are perpetuated, even though these behaviours may seem inconsequential. Morley examines for example, the role of feminism in pedagogical and teaching methods areas which feminists consider sites for potential change. Morley’s analysis reveals tensions and contradictions in pedagogy that aims to be empowering but at the same time may be based on simplistic notions of change (Morley 1999). In the next section we explore a number of overarching themes and perspectives that may account for multiple, persistent forms of inequality in higher education and organisations generally. from Acker (2006) who argued that organisations are sites of much economic and social inequality in the U.S. and other industrial countries. Acker proposed the concept of ‘inequality regimes’ as a feature of all organisations that could be characterised as ‘…loosely interrelated practices, processes, actions and meanings that result in and maintain class, gender and racial inequalities within particular organisations” (p.443). Inequalities are manifested in the way leaders, managers and heads of department have more power and pay than secretaries, production workers, students and so on. Acker points out that organisations vary in the extent to which these differences exist and that inequality regimes are influenced by historical, political, social and cultural factors. A wide array of political, social and economic patterns affects the way diversity and equality are regulated at work (Özbilgin and Tatli 2011). In order to reframe the paradox of relying on leadership to deliver diversity when leaders tend to come from homogeneous backgrounds, we need to explore historically significant patterns which have explanatory power in their specific context (Syed and Özbilgin 2009) Acker places less emphasis on disability as a disadvantage in the labour market, even though it is well-documented that people with disabilities face substantial barriers in the workplace (Danieli and Wheeler 2006). Absent from Ackers’ analysis is any consideration of religion, sexual orientation and other aspects of difference. Neither is there a thoroughgoing analysis of intersectionality. The dangers of overlooking intersecting forms of inequality are highlighted by Crenshaw (1991) who noted the feminist practice of politicizing the experiences of women and the antiracist practice of politicizing the experiences of people of colour as if they were mutually exclusive. Marginalisation can occur not only through material practices but also through exclusion from discourses of equality and diversity. In the particular context of Britain, patriarchy as an on-going historical social system, Black Feminism as collective resistance against the tyranny of multiple forms of inequality and neoliberalism as a political system deserve our attention. In this section we explore how these social, political and ideological patterns shape our understanding of diversity and leadership. In order to explore how these three historical patterns complicate our current understanding of leadership and diversity in the UK, we have selected four contemporary assumptions that collude to retain homogeneity in leadership positions in the UK. These assumptions are the value- neutrality of leadership, elitism in leadership, marketization and the neo-liberal turn in higher education. Arguing that these assumptions are fundamentally flawed, we illustrate their negative consequences on leadership diversity in the UK. Notwithstanding the above critique, Acker’s analysis provides a useful reference point for examining inequalities in higher education. Data from the higher education sector, both routinely-collected information and empirical studies, indicate that the sector is riven with inequalities on the basis of the factors mentioned above. Consonant with Crenshaw’s research, people in higher education with intersectional identities are required to negotiate multiple barriers in order to achieve successful careers (Carter et al 1999, ECU 2011). Morley (1999) usefully points out that organisations interact with the wider society in which power relations operate on the basis of patriarchy, heterosexism and racism. Mills argues, for instance, that ‘organisational life exists in a dialectical relationship to the broader societal value system, each is reshaped by the other’ (Mills 1988, quoted in Morley 1999). The paradox of diversity and leadership reframed Assumption one: value-neutrality of leadership Patterns of inequality in higher education, to a great extent, echo those found in organisations in general. Classical organisational theory in the Weberian tradition depicted bureaucracy in its idealised, rational form, as impersonal, rule-governed and value-neutral (Pringle 1989). A major challenge to this view, in particular the claim of valueneutrality and the lack of acknowledgement of racialised, classed and gendered practices within organisations, came Leadership theory, in common with organisational theory, has tended to suppress ‘difference’. Parker (2005), for instance, points out that race and gender are suppressed and neutralised in both traditional and feminist analyses of leadership. The value-neutrality of leadership is clearly questionable when considering who occupies the most powerful positions in organisations and how behaviours within these spaces reflect the cultural norms of the dominant group. It has been pointed out in relation to disability, that the dominant construction of leadership connotes a leader who is not disabled, with disabled leaders seen as a contradiction in 19 The paradox of diversity in leadership and leadership for diversity terms (Foster-Fishman et al. 2007). This view is manifested in data collected by the Disability Rights Commission (DRC) (Disability Rights Commission 2006) that found disabled people were less likely to be working as managers and senior officials in the general workforce than their nondisabled counterparts. One of the most shocking findings of the DRC briefing was that people with disabilities were a small minority in senior positions in disability-related charities with the RNID for instance, having only 13.6 per cent of its managers with a hearing loss. Further empirical evidence bringing into question the value-neutrality of leadership comes from research in the arena of British politics. The House of Commons provides a stark example of how the norms of the dominant group are woven into everyday organisational practices. In research carried out by Whitehead (1999) the culture of the House tends towards a ‘macho’ rather than consensual approach, with one MP in Whitehead’s study commenting that The macho, schoolboy’s way of doing things leaves a lot to be desired. At times parliament just sounds a real rabble – you can’t believe the heckling (p.23). Several female MPs with whom Whitehead spoke had experienced physical, emotional and verbal abuse by male politicians in the parties. This included being groped and called ‘whores’ and ‘slags’. A further manifestation of the dominant masculinist culture was the atypical lifestyle required of female MPs involving constant travelling, high pressure, and for women with families, an apparent role reversal in the traditional sexual division of labour, with partners carrying out the majority of domestic work and childcare. This research led Whitehead to conclude that the House of Commons ‘remains a culture in which the masculine subject is privileged……….and where competition, aggression and adversarial practices are constitutive of ‘the way we do things around here’ (p.24). Several studies undertaken in the 1990s highlighted the presence of sexual harassment experienced by women academics in UK universities (Bagilhole and Woodward 1995, Morley 1999). Bagilhole and Woodward identified a range of experiences in response to direct and indirect questioning including verbal comments, physical conduct and verbal requests. They suggested that sexual harassment was likely to be underreported and underestimated and that experiences of harassment could have a detrimental effect on women’s confidence and commitment to the academy. The strong presence of gender as a construct in academic work and the dominance of masculinity was highlighted by one of the research participants in this study: A certain way that academics behave is defined by men because they were there first. You have to divorce oneself from one’s femininity in order to be taken seriously as an academic. You have to be harder, more professional because of all the preconceptions about your ability which you have to overcome before people actually see you (p.49). To sum up, value-neutrality remains a widespread assumption in the ways leadership is practiced when the evidence suggests that leadership practices suffer from a wide array of biases. While contemporary studies reveal power imbalances on the basis of class, gender, race and so on in the practices of leadership, the next section highlights how the founding assumptions of elitism in leadership continues to haunt its enactment in the present day. Assumption Two: Elitism Leadership is a concept founded upon elitist assumptions. Elitism is also a historically significant pattern in the higher education sector. Leadership in higher education, therefore, is predicated on doubly strong assumptions of elitism. The bourgeois university has its roots in the Ancient Greek gymnasia, libraries and academies. Reserved for the elite, the Greek universities were, according to Faulkner (2011), developed in part as ‘..a wider elite reaction against democracy’ (p.29). Faulkner points out that in spite of challenges from popular movements at various points in history, the possibility for revolutionary change was hampered by knowledge compartmentalisation and limiting access to the social elite, an elite that was predominantly male (Rich 1979). This elitism was not seriously challenged until after the Second World War when the mass expansion of higher education gave rise to the entry of students from relatively ordinary backgrounds. This placed pressure on the rigid frameworks that constrained knowledge production and was one of the factors that led to the international student revolt in 1968 which Faulkner argues was mounted ‘….against academic structures and curricula that marginalised radical and generalising social theory’ (p.33). Faulkner’s analysis is corroborated by Rich (1979) who similarly describes the university up until the 1960s as a privileged enclave, though somewhat more defensible than other sites of privilege. According to Rich, the university was not sufficiently in touch with power abuses and uses and was ‘….romanticized as a place where knowledge is loved for its own sake, every opinion has an open-minded hearing’ (p.132). Rich also notes the radical critique of higher education that emanated from the student movement of the sixties, exposing the racism of higher education and its curriculum, its support for political, economic and military activity, its use as a base for weapons research and its role as a site for the reproduction of the power of white, middle-class men. Elitist assumptions in higher education and its leadership appear to be here to stay as the current government in the UK is concentrating funding towards a small number of elite, ‘world-class’ research universities. Research funding in England will be further concentrated in large researchintensive universities because of a redistribution of funds 20 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial allocated by the Higher Education Funding Council for England (Times Higher Education 2012). Unpacking elitist assumptions across multiple levels of social, economic and political life and in higher education leadership is one of the first steps towards questioning the interlocking mechanisms that foster the otherwise invisible causalities between inequalities and elitist assumptions made around leadership. Assumption three: marketization can improve regulation The last three decades have witnessed the exposure of economic sectors in the UK that were previously sheltered from market and financial logics to marketization and financialisation. These include health care, higher education, the railways and, more recently, the probation service. Morley (1999) charts the broadening of the higher education market in the post-war period, asking whether ‘more means less?’ (p.32). In the period before the Second World War only three per cent of the UK population, mainly young men from the ruling classes, attended university. Driven by the view that improving access to higher education would invigorate the economy, the 1950s and 1960s saw the beginning of the mass expansion of the university sector, so that by 1962/3, seven per cent of the population were attending higher education (Ainley 1994). Morley argues that the 1963 Robbins Report (Robbins 1963), that recommended that all young people qualified by ability and attainment should go to university, reinforced the notion of age-related meritocracy. Furthermore, Robbins failed to problematize power relations arising from gender, class and race. The expansion of the sector has continued apace in recent decades as a result of widening access to women, mature students, people of working class backgrounds and those from minority ethnic groups. By 1994 women made up half all students. Morley is, however, guarded in viewing this as a triumph for equality and feminism, saying that: ‘It is debatable whether this came about as a commitment to equity or as a market strategy to widen the consumer base’ (p.32, Morley 1999). While increased participation has been achieved for many groups, it has been well-documented that ‘non-traditional’ students are clustered in the lower status institutions, in particular the post-1992, former polytechnics. In addition, there may be poorer outcomes for some students, such as lower degree attainment for black and minority ethnic students even when school attainment is taken into account (Broecke and Nicholls 2007). Notwithstanding the critique of higher education policy in the second half of the 20th century, higher education institutions have purported to service the public good and been able to justify public funding. Lynch (2006) states that universities …are seen and claim to be seen as the watchdogs for the free interchange of ideas in a democratic society; they claim to work to protect freedom of thought, including the freedom to dissent from prevailing orthodoxies (p.1). Lynch notes, however, that in recent decades universities have transformed into consumer-focused corporate networks. Although marketization as we described above appears to be innocuous at first sight in terms of its implications for leadership, the reality appears to be different. The marketization of higher education and the increasing emphasis on managerialism has implications for gender. Deem (2003), in a study of gender, organizational cultures and the practices of manager-academics in the UK, finds that while greater emphasis on management has provided some benefits for women through promotion, their perceptions of their practices and expectations that other people have of them are still marked by gender. Lumby (2007) has argued that power differentials have been intensified in organisations as a result of managerialist practices, with leaders using more coercive power through controlling resources and making greater use of surveillance techniques such as audit and quality assurance. Lumby asserts that the current emphasis on performativity and accountability have affected education on a global scale and that leadership contextualised in this way represents a profound embodiment of masculinity. Given this scenario, it is not difficult to account for the lack of women in leadership positions. Assumption four: The neoliberal turn can foster better leadership Neoliberalism, which is having far-reaching effects on universities both in the UK and abroad, has been characterised as ‘….a set of ideas and practices centred on an increased role for the free market, flexibility in labour markets and a reconfiguration of state welfare activities’ (p.1, Willis et al 2008). The rise of neoliberalism according to Willis et al, has important implications for social justice, with the privatisation of virtually all services creating a climate of winners and losers as well as various movements for social justice to contest and deal with neoliberal change. Lynch points out that in a marketized higher education system, access will depend on the capacity of the market and the ability to pay. In democratic, publicly-organised systems, people’s rights to education are protected, even if partially. Globally, education is being redefined as a commodity that can be traded on the worldwide market. This is driven by the potential profitability of education which in the year 2000 was estimated to be worth $2 trillion. In Lynch’s opinion, there are global efforts to change the role of the university from a centre of learning to a business organisation characterised by an operational rather than academic focus. Giroux (2011) views neoliberal reform as constituting a devastating and dangerous attack on the democratic values and freedoms of the university which has: 21 The paradox of diversity in leadership and leadership for diversity ….weakened if not nearly destroyed those institutions that enable the production of a formative culture in which individuals learn to think critically, imagine other ways of being and doing, and connect their personal troubles with public concerns. Matters of justice, ethics and equality have once again been exiled to the margins of politics. (p.145-146). While Giroux is aware that the history of higher education is not untarnished through, for example, its relations with the military and corporate business, he states that the political nature of education has been viewed by the American public and intellectuals as central to a democratic society as well as to the civic mission of the university. The rapidity and far-reaching impacts of neoliberal reform are remarkable when juxtaposed against very slow change in gender equality in the academy (Morley 2011). Women may be seen as winners and losers; visible as students and mostly invisible as leaders or as producers of knowledge. The invisibility/visibility, student/staff parallel has also been used to describe the experience of black women academics (Mirza 2006). The impact of neoliberal reform on equality in higher education has been explored with regard to gender and leadership in Irish higher education (Grummell et al 2009). The introduction of marketization into all levels of education and public policy in Ireland has led to a shift from democratic accountability to a market model of education with profound implications for gender. Based on interviews with seven women and men appointed to top-level positions, Grummell et al. find that there is a care ‘ceiling’ resulting from women’s caring work in the home. This is associated with a strong, imperative for the women but not for the men. The care ceiling is carried into the workplace and acts to disadvantage women where the demands of the performance culture require senior leaders to be ‘care-free’ and thus able to give the level of commitment demanded. We have considered organisational, historical and contemporary influences on higher education and its power to perpetuate inequalities on the one hand via hierarchical organisational practices, and to challenge them on the other through democratic processes and critical pedagogy, the latter described by Giroux (2010) as an ‘..educational movement, guided by passion and principle, to help students develop consciousness of freedom, recognize authoritarian tendencies, and connect power to knowledge and the ability to take constructive action’. The four fundamentally flawed assumptions in the organisation of leadership in the higher education sector have far-reaching, negative consequences in terms of the lack of diversity both as a leadership demographic and a leadership practice. The assumption of valueneutrality, elitism, marketization and the neo-liberal turn appear to have dismantled some of the progress accrued since the 1960s and while opportunities have opened up for many, there is still resistance to allowing non-traditional groups to access power in the form of leadership and senior positions in academia. We now examine the possibilities for change. Leading for diversity Leading for diversity is not a well-theorised field, particularly in the context of higher education. Cross (2004) examines the challenge of institutionalised campus diversity in the South African context whose post-apartheid Constitution aimed broadly to create a society which was non-racial, non-sexist and non-discriminatory. People were required to recognise their differences while living in peace and harmony. The Constitution also recognised the right to equality regardless of difference or distinction and disallowed any form of discrimination. The abolition of rights defined by race and the new Constitution meant that South African universities were required to participate in the change process, including by protecting national cultures that were disintegrating, by restoring traditions and reinventing identities based on cultural heritage. Cross states that this is becoming more difficult as globalisation impacts on the South African economy and has meant gearing the curriculum more towards the labour market and adopting a more business-like approach. Cross highlights the need to sustain research and intellectual activity in the diversity field in spite of the pressures of globalisation and marketization. He emphasises the need for an integrated approach that is driven from the highest levels of institutions: ………the paper reaffirms the need for a leadershipdriven integrated approach within an institutional planning framework which sets parameters, targets, priorities and clear lines of accountability and responsibility for the diversity project. (p.407) Cross distinguishes three approaches to diversity – the ‘add-on’ approach that involves adding diversity or diverse groups into the existing curriculum, the affirmative approach which questions the Eurocentricity of the curriculum and brings in the experience, voices, etc. of marginalised groups and the transformative approach that not only challenges existing curricula but provides ‘……….a paradigm shift and enables students to view concepts, issues, themes and problems from different perspectives’ (p.404). Struggles for the legitimacy of knowledge domains that challenge the status quo have been noted elsewhere. Coate (2006), using archival data and interviews, describes how boundaries are maintained around curricular innovations, arguing that the history of women’s studies provides a revealing perspective on how knowledge is socially constructed. This is played out, for example, in the difficulties women’s studies has had in establishing adequate resources. Professorships in this area were personal chairs not established posts and this, Coate argues, was an indication of the lack of universities’ commitment to the continuation of 22 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial this area. She suggests, however, that women’s studies may have had an enduring impact through better acceptance of feminist scholarship, pedagogy and theory. A further challenge to be overcome in relation to the politics of knowledge production is in academic publishing. Özbilgin (2009) argues that journal ranking is yet one more form of discrimination in the higher education system structured by gender, class and race inequalities. Perhaps one of Özbilgin’s conclusions – that the emancipatory potential of research that improves our understanding of the world poses a threat to institutionalised forms of white, patriarchal domination – in part explains Coate’s analysis of the apparent ‘failure’ of women’s studies to survive as a mainstream academic discipline. Cross, as was pointed above, highlights the importance of planned, strategic interventions to bring about change with actions at the highest levels of educational institutions. There is evidence to suggest, however, that in the UK at least, leaders in the sector vary in the extent to which they acknowledge equality as a problem. A study by Deem and Morley (2006), which included interviews with senior managers in higher education institutions, identified three main groups of respondents: those who felt the main changes with regard to equality and diversity had already happened, those who felt some change was still required and those who had more imaginative but not very radical ideas. Ironically it was found that in those institutions whose equality policies were least comprehensive, the senior managers held strong views about equity. Lumby (2006) points out that homogeneity and shared vision are desirable goals in leadership, with leaders often seeking appointees who are like themselves, as one respondent in her study of leaders in the learning and skills sector remarked: Somebody from a different ethnic background or disability might see things quite differently to you. Making the team more representative of society would make it much more difficult to manage. (p.162, Lumby 2006). The notion of privilege may offer an explanation as to why leaders express such views. It is doubtful whether the research participant above was conscious of the privilege bestowed on her/him on account of her/his whiteness and able-bodiedness. Leonardo (2004) points out that being white accrues unearned advantage but at the same time he argues that whites engender an ‘..utter sense of oblivion to their privilege’ (p.138). The privileged group, according to Choules (2006) has the power to violate humanity and equality of people outside the groups. She provides examples of privilege as having the power to name the world, the ability to ignore less powerful people with no comeback, and the power to organise things using one’s own frame of reference. This paper has set out formidable challenges for equality and diversity which face higher education and its leaders in the 21st century. In the UK context, there is a need to change the demography of the leadership towards a group of people that is more diverse and inclusive. This recommendation is not easy to achieve as it requires political will. Although the political will does not exist in the UK at present, the European Commission plans to impose a 40 per cent female quota on listed company boards, a move supported by France but not by Britain (Financial Times 2012). Another recommendation that we have is for introducing voluntary measures. Britain has a strong culture of adopting voluntary measures which are built around a repertoire of rationales, including social, economic, business, legal, and moral cases for diversity. There is a strong case for recognising that the talent pool for leadership is becoming more diverse. Therefore, there are multiple cases for releasing the untapped potential of diversity for leadership. This will require programmes to train leaders for succession planning and the recruitment, retention and development of talent from diverse backgrounds. Starting with awareness-raising, there is a need for stronger interventions at the institutional level to challenge homogeneity amongst leaders in the sector. It would be naïve to expect a homogeneous group of leaders to effectively champion diversity. Therefore, in order to tackle the paradox of leadership and diversity, work has to focus on both changing the composition of leaders based on the principles of meritocracy and to raise awareness and develop the skills of leaders for the effective championing of diversity interventions in the sector. This dual agenda, although complicated by power relations, is essential if we are to expect long-lasting changes towards equality and diversity in higher education. Current strategies for training leaders for championing diversity should be supplemented with efforts to change the composition of the leadership elite in the sector. We are going through testing times. It remains to be seen, for example, whether the leadership of the sector can reverse the negative impacts on equity caused by government policy, including the introduction of tuition fees. The most radical challenge to the new funding regime has not come from higher education leadership but from the student movement whose actions culminated in the 2010 student revolt (Rees 2011). Leadership represents huge potential for change, but it is an open question as to whether this potential will be realised in the coming decades. Bibliography Acker, J. (2006) Inequality Regimes: Gender, Class, and Race in Organizations. Gender and Society 20: 441-464. Ainley, O. (1994) Degrees of Difference. London: Lawrence Wishart. Anderson, D., Rutherford, S., Sealy, R. and Vinnicombe, S. 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Which foot first: diversity management and affirmative action in Brazilian business Eliane Barbosa da Conceição Escola de Administração de Empresas de São Paulo Fundação Getulio Vargas Résumé Cet article traite de l’importance relative des programmes de gestion de la diversité et des initiatives gouvernementales pour réduire les inégalités d’accès à l’emploi. Il met en contraste le processus de gestion de la discrimination positive-diversité aux États-Unis avec celui du Brésil, où l’inégalité raciale persiste encore beaucoup. En utilisant le cadre relationnel (Syed; Özbilgin, 2009), il examine comment les banques brésiliennes traitent la diversité et la discrimination positive à la suite des initiatives du Bureau du Procureur Public Fédéral du Travail. Les résultats suggèrent que, à titre individuel, ni la gestion de la diversité ni les initiatives juridiques sont suffisantes pour assurer l’efficacité de la justice sociale, mais, en termes d’inégalité durable, des initiatives juridiques fermes sont une première étape nécessaire. Mots clés : Brésil, gestion de la diversité; inégalité; accès à l’emploi; perspective relationnelle Peter K. Spink Escola de Administração de Empresas de São Paulo Fundação Getulio Vargas Abstract This paper discusses the relative importance of diversity management programs and government initiatives in reducing job access inequalities. It contrasts the affirmative action-0diversity management process in the USA with that of Brazil, where racial inequality has remained extremely persistent. Using the relational framework (Syed; Özbilgin, 2009) it examines how Brazilian banks are dealing with diversity and affirmative action following initiatives from the Federal Public Prosecutor’s Office for Labor. The results suggest that, individually, neither diversity management nor legal initiatives are sufficient to ensure effective social justice but, in settings of durable inequality, firm legal initiatives are a necessary first step. Keywords: Brazil; diversity management; inequality; job access; relational perspective T he organizational research agenda in the USA and EU countries has been dedicating increasing attention to issues of managing a diverse workforce. For some of the proponents, the arguments for diversity are restricted to questions of social demography and the need to accept that today’s workforce is no longer the homogenous workforce of the management training literature. For others, concern with diversity is also derived from concern with equality in the workplace and the need to move on from previously proposed remedies – usually around affirmative action for dealing with issues of inequality and discrimination. Important here has been the longitudinal work by Dobbin and his colleagues (see Dobbin, 2009) in the USA which has shown how government action itself towards federal contractors and a new generation of personnel professionals combined to socially construct new patterns of practices, manuals and procedures, which in their turn became guidelines for court decisions. How to seek a balance between diversity, inequality and discrimination tends to divide contemporary management and organizational scholars. The mainstream is occupied by those for whom diversity management theory and practice Resumen En este trabajo se analiza la importancia relativa de los programas de gestión y las iniciativas del gobierno para la reducción de las desigualdades en el acceso al empleo. Contrasta este proceso de acción positiva de gestión de la diversidad en los EE. UU. con la de Brasil, donde la desigualdad racial sigue siendo extremadamente persistente. Usando el marco relacional (Syed; Özbilgin, 2009) se examina cómo los bancos brasileños tratan la diversidad y las acciones positivas siguiendo las iniciativas de la Oficina Federal del Ministerio Público para el Trabajo. Los resultados sugieren que, de forma individual, ni la gestión de la diversidad ni las iniciativas legales son suficientes para garantizar una justicia social efectiva pero, en contextos de desigualdades durables, resulta un primer paso necesario. Palabras claves: Brasil; gestión de la diversidad; desigualdad; acceso al trabajo; perspectiva relacional represent a positive development of the previous literature on inequality in the workplace; correcting mistakes whilst remaining in tune with affirmative action (Zanoni et al.; 2010; Tatli, 2011; Özbilgin; Tatli, 2011). A more critical approach can be found amongst those who argue that mainstream diversity management discourses and suggested practices actually represent a threat to the conquest of a workplace free of discrimination and inequalities, since their principle pillars are those of individual differences and the business environment performance, essentially putting aside issues of structural inequalities that by certain degree inform organizational practices (see for example, Noon, 2010). These questions are key to the contemporary Brazilian organizational scene and we place ourselves in this debate for very practical reasons. Brazil has still a long way to go in terms of racial equality both for black people in general and black women in particular, as a recent special article in the Economist confirmed (28th, Jan 2012). A recent study by Wood, Carvalho and Horta (2010) has shown clearly how, despite general improvement in life expectancy at birth for the population as a whole over the last fifty years, the 26 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial difference within this as expressed by child mortality statistics has remained constant for white and black children. Unfortunately, Brazil’s booming management and organizational science scholars are still way behind their USA and European colleagues in the discussion of such persistent and durable inequalities (Tilly, 1999) and to the study of inequality regimes in work settings (Acker, 2006; Healy; Bradley; Forson, 2011). Our interest in the comparison with the USA experience has a number of reasons. Brazil has currently the largest African origin population of any nation other than Nigeria. Like the USA, its afro-descendants were not voluntary migrants but slaves (more than 3 million in the seventeenth and eighteenth century and still amounting for over 50% of the current population). This was some ten times the number that were shipped to North America where the current black population is approximately 12%, yet the actions taken by government, academics and by business professionals in the USA to overcome inequalities based on race has been more vigorous. Like the US, Brazil has a federal structure and a number of its institutions are modeled directly or indirectly on this approach to governance. Brazil is home to a number of USA companies and its management practices are very much inspired on USA management manuals. Yet, in Brazil, the process of adopting diversity or affirmative action practices has unfolded in very different ways from that of the US. In Brazil, and still with generalized reluctance, it is the diversity discourse that, if anything, first attracted the attention of the more progressive business community and it is the failure to achieve results that has led institutional actors, in this case the Federal agency of the Public Prosecutor’s Office for Labor, to pressure for an affirmative action approach to policy implementation. As we say in the title of our paper: which foot first? Can diversity management programs make it possible to overcome structural inequalities or is it necessary to have government imposing measures and sanctions – within an affirmative action framework – in order for organizational policies and practices to change? What is more, how does this play out in other societies where some groups are historically treated in an unfair way both in terms of recognition and redistribution (Fraser, 1997)? Bringing the Brazilian case to the table provides, we feel, an important setting in which to test these questions for, as we later comment, the social and political dynamics of racial inequality are certainly enduring and demonstrating considerable resistance to different discourses and strategies of change. From this point on this paper is divided into more five parts. The first section briefly reviews diversity management literature, given special attention to the change in the tendency from affirmative action towards diversity management. The following section discusses our methodology. In the third section some aspect of Brazilian history and culture, especially those that are credited with having determined relations between blacks and whites in the labor market, are briefly presented. In the fourth section, we will set out the factors at the three levels of analysis that contribute to the way Brazil-based companies approach diversity management and race relations. The fifth section will discuss the data presented in the previous sections, and the conclusions. Diversity Management in debate The concept of diversity management was first employed in the USA during the late 1980s, signaling a shift away from affirmative action as a lever for change in the human resources and management arena (Tomlinson; Schwabenland, 2010; Özbilgin, 2005; Wrench, 2005; Humphries; Grice, 1995). Affirmative action, linked to the forceful and more immediate action frame of rights had emerged in the post second world war period as a consequence of the civil rights movements fight for social justice, and was based on such moral values as equality and fairness (Tomlinson; Schwabenland, 2010, Wrench, 2005). Even if the Wagner Act of 1935 had already signalized a new direction for relationship of the public sector and private organizations, since it established some mechanisms to protect trade union workers from being dismissed, affirmative action as it is discussed today was a result of title VII of the 1964 Civil Rights Act. This prompted employers to experiment with a number of antidiscrimination approaches, including numerical employment quotas for disadvantaged groups and making it illegal for employers with 100 or more employees to discriminate on the basis of race, color, national origin, sex, and religion (Dobbin et al., 1993; Dobbin, 2009). Nevertheless, despite such forceful arguments, affirmative action began to loose popularity amongst the criticism that it had led to a lowering of educational standards – for example in college access –, and that, by threatening the principle of equality it was meant to produce, had exacerbated rather than relieved racial tension (Dworkin, 2002, p. 387; Chanlat; Dameron , 2009). There is no doubt that the drift away from a more hardline rights perspective was influenced by the shift from liberal to more conservative policies in the USA (seen in various court rulings), but it is also the case that diversity management came along at a time when the business in USA as well as in EU countries was facing a very different labor climate characterized by a growth in the number of ethnic minorities in society as well as the increasing presence of white women in senior positions (Chanlat; Dameron, 2009; Humphries; Grice, 1995; Cox; Blake, 1991). Additionally, international trade was at the front of the management discussion with new trading blocks, new forms of business partnerships and joint ventures that crossed cultural boundaries, reinforcing the demand for greater flexibility in organizational performance and a more micro level approach to differences that was possibly also influenced by the difficulty business had with the more direct and explicit affirmative action approach (Gilbert; Stead; Ivancevich, 1999; Özbilgin, 2005; Wrench, 2007). Which foot first: diversity management and affirmative action in Brazilian business The relatively rapid acceptance of the “diversity management” approach should not however be seen as a rejection of the principles and values of “affirmative action”, since amongst practitioners there are those who see the former enabling the latter to be accomplished in practice (Kirton; Greene; Dean, 2007). Indeed, as Tatli (2011) has suggested, most of the time there is a decoupling between the diversity management discourse and practice, with the latter remaining strongly based on affirmative action values present often in a very material way in manuals and procedures (Dobbin, 2009). Nevertheless, at a visible and explicit level the diversity management discussion is about the challenge of leading heterogeneous workgroups and the effective use of a variety of resources to accomplish this task rather than the ethical challenge of protecting rights of minority groups. However the order is clear, within the USA the diversity discourse is – at least for the moment – in the spotlight and affirmative action has been pushed into the shadows. In European Union countries, the history is partly similar in the sense that a number of countries had also experienced affirmative action policies before the arrival of the diversity management discussion on problems of discrimination at the labor market. The difference is that here, much of the early legislation was concerned with gender issues. At the broader level of the growing European Community as a whole, there was concern since 1961 with pay parity between women and men, and in 1975, through Directive 117, the first legal steps toward harmonizing legislation on the prevention of gender inequality in the labor market were taken. Affirmative action came in 1984, with the publication of Recommendation 635 on the promotion of positive action for women in the labor market (Cappellin, 2000). It was in the 1990s that EU countries, as a community, began to face up to discrimination based on ethnic and racial origin (individual countries had already been working on these questions for some time). During this period non-governmental and immigrant organizations published studies showing that immigrants lack of language fluency and work abilities were not the reasons behind the growing inequalities in the EU labor market. A new directive came into force in 2000 that, amongst others, prohibited discrimination on the basis of racial and ethnic origin in the labor market and urged each national state to integrate the directive into their national legal systems by 2003 (Wrench, 2002). The directive and the subsequent campaigns for organizations to embrace anti-discrimination policies coincided in Europe with a growing awareness of USA discourse and practice of diversity management and, as in the USA, the diversity management discourse prevailed over that of affirmative action (Wrench, 2002). However in both regions, there remained significant groups of academics and practitioners who continue to defend the affirmative action perspective. As we commented in the introduction, contemporary research literature on both sides of the Atlantic north can be 27 classified into two major blocks (Zanoni et al., 2010; Tatli, 2011; Özbilgin; Tatli, 2011). On one side are those studies that fall into what has been called the mainstream approach, making the business case for diversity management and the benefits an organization can yield from a diversified workforce. Here the concern is often with performance, and thus justifying diversity practices by their potential of improving both business operations and outputs as well as financial results (for example: Chanlat; Dameron 2009; Cox; Blake; 1991; Frimousse; Paretti, 2007; Gilbert; Stead; Ivancevich, 1999; Leroux et al, 2008; Tatli; Özbilgin, 2009). A second block argues that the mainstream studies tend to draw from the neoliberal well of ideas, assuming social action to be totally explicable through theories of maximizing self-interest. Despite their multiple perspectives, researchers here take a more critical approach, showing concern about the moral case for equality and the dangers that the loss of emphasis on moral values can have for social justice. Here, affirmative action is seen as the most effective route for organizations to achieve a diversified workforce (for example: Greene; Kirton; Wrench, 2005; Humphries; Grice, 1995; Mor Barak; Findler; Wind, 2003; Noon, 2007; Perriton, 2009; Sinclair, 2000; Wrench, 2005; 2007). Critical diversity management research emerged in the mid-1990s in response to the quickly rise in studies using the mainstream approach to diversity. Critical scholars put a spotlight on the issues of structural inequalities, discrimination in the workplace, and the way one is related to the other. They contest that it is not concern about performance, respect to individual differences, and positive organizational outcomes that must be addressed in discussing diversity management. On the contrary, they argue, it is the perpetuation and reproduction of inequalities in marketplace that should come in first place. These scholars show considerable discontentment with mainstream approach. Amongst reasons given are that it: obscures unequal power relations in organizations and hampers the possibility of action (Zanoni, et al., 2011); is based on an instrumental and individual view of differences (Noon, 2010; Özbilgin, Tatli, 2011; Zanoni, et al., 2011); is a tool to undermine identity-based collectivism in organizations and to obscure group-based systematic inequalities in access to power and resources (Özbilgin, Tatli, 2011; Tatli, 2011; Zanoni, et al., 2011); rejects the need for structural intervention, adopting a (neo)liberal approach of self regulation through assuming that market forces would provide the best way to achieve equality (Noon, 2010); and is used to prioritize soft rather than hard practices to enhance diversity or equal opportunity practices (Wrench, 2005). Some critical empirical studies on diversity management sought to bridge the gap by suggesting that harder diversity practices – here understood as those that promote changes in the organizational structures – generate a more diversified workforce than softer ones. Kalev and Dobbin (2006), for example, showed that policy interventions that stimulate 28 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial change in organizational routines – such as those derived from the compliance review established by chapter VII of the USA Civil Rights Act of 1964 – appear to have more significant and lasting effects on workforce diversity than those that just create disincentives to discriminate, such as lawsuits. Following this same direction, Kalev, Dobbin and Kelly (2006) showed that, for private organizations, diversity programs that aim at altering organizational structures by establishing responsibilities, such as affirmative action plans, diversity committees, and diversity staff positions, are followed by significant increases in managerial diversity. That is, through effectively allowing the beneficiaries – in the USA case, white and black women and black men – to reach managerial positions. Softer programs, such as diversity training and diversity evaluation, are not followed by increases in diversity in the workforce, whilst, programs that address social isolation amongst women and minorities – such as networking and mentoring programs – are followed by modest changes. To be fair, as Tomlinson and Schuwabenland (2010) highlight, there are also those in both the mainstream and critical groupings that will accept some coexistence and argue that business pragmatics can extend themselves to social justice and that diversity management programs can promote social equality. Equally, some scholars on the mainstream side will contend that diversity management policies and practices should be seen as a step towards affirmative action, given that in a number of cases they themselves are a result of the fight against discrimination (Frimousse; Peretti, 2007; Leroux; Frimousse; Peretti, 2008); certainly the reaction to HIV/aids discrimination at work would back this up. However there are others, especially those from the critical side, who take the opposite path and contend that equal rights legislation and affirmative action are prerequisites for the development of diversity management since they create the social, legal and organizational environment and incentives which administrative initiatives require (Greene; Kirton; Wrench, 2005; Wrench, 2007). Theoretical framework and Method Given our concern to look more carefully at some aspects of the Brazilian case and to do so in a setting in which both affirmative action and diversity management discourses and practices are present, we chose to structure our investigation by using “relational framework” approach of Syed and Özbilgin (2009) (See similar comments by Jonsen; Maznesviki; Scheneider, 2011 and Tatli, 2011). This opens useful directions for analysis by proposing to bridge the gap between macro(national), meso (organizational) and micro (individual) level policies and actions. As they argue, the single level mainstream conceptualization of diversity management, which considers either the legal or the organizational domain of the policy, fails to grasp the relational interplay of structural and agentic-level concerns of equality (Syed & Özbilgin 2009, p. 2435). The authors’ theory is based on the ideas of such social theorists as Bourdieu and Layder who assume reality as a multi layered phenomenon, governed by hidden and underlying structures not easily grasped by more surface level observations (Reed, 1997; Syed; Özbilgin, 2009; Tatli, 2011). The agency/structure debate brings important questions about the nature of social reality, the way in which people conceive it and the theoretical means available to explaining the relationship between its constituent parts, raising questions about the nature and the link between human activity and its social context. As Reed has argued, (1997), the way in which we conceive the nature of and relationship between social action and structural constraint will shape our visions of organizations. Simplifying, what has been called the critical realist perspective, argues that society, and its institutions and organizations, is a socially constructed phenomenon, being something outside the mind and relationship of individuals. They also agree that it is not impartially built. On the contrary, for these scholars, society is made up of a variety of social groupings, which are constantly fighting to shape its institutions and rules according to their interests. The “social reality” of society is by no means a static affair and change is very much part of its complexity. For the purpose of this paper, that is to analyze a process of social change in face of durable inequalities, taking the Syed & Özbilgin model within a hard diversity perspective (see Özbilgin; Tatli, 2011) provides a powerful theoretical framework from which to attempt to unpack the Brazilian case. Developed for the discussion of the international transfer of diversity practices, the model encourages comparisons between the approaches adopted in different countries in managing a culturally diverse workforce (see for example Syed; Kramar, 2010 on Australia). Brought more forcefully within a critical perspective, it may help us to understand what the possibilities for action may be in a setting where these are very much needed. In our case study, we examine the factors that concurrently shape the way Brazil-based companies deal with diversity management and, more specifically, racial inequality at the three levels of analysis proposed. At the macro-national level, we will examine Brazil’s laws and public actions on equality of treatment, especially those aiming at promoting equality in the workplace. At the meso-organizational level, we will discuss the configuration of the workforce in the labor market and the way Brazilian-based business organizations approach the problems of equality and diversity; and at the micro-individual level, the focus of the investigation will be the Brazilian black people, their historical role in the labor market and the factors that contribute to their subordinate participation. Our focus on Brazilian Banks is both opportune and representative. Firstly, the Banks through the national Federation of Brazilian Banks (FEBRABAN) were the objects of direct pressure from the Federal Public Prosecutor’s Office Which foot first: diversity management and affirmative action in Brazilian business for Labor. Secondly, the Banks are also large and very visible employers and in many respects highly modernized. Over recent years – following similar trends elsewhere – the financial services sector has seen a number of significant mergers and acquisitions and a small number of public and private high street banks control a large amount of the market. They may not be at the leading edge of personnel practices but they are certainly within the top quartile. We adopt a multidisciplinary approach (Kamenou, 2007) informed not only by the diversity management literature but also by the discussion on inequality and Brazilian racial relations. The paper draws on a multiple source of secondary data, published until 2011, from both Brazilian official research centers (Brazilian Institute of Geography and Statistics – IBGE and Institute for Applied Economic Research – IPEA), and specialist research centers for black studies (Laboratory for Economic, Historical, Social and Statistical Analysis of Race Relations, Federal University of Rio de Janeiro – LAESER-UFRJ), as well as on publically available surveys and qualitative studies carried out by non-profit organizations (Ethos Institute) and employee organizations, including social responsibility data from the FEBRABAN. We have also included evidence from nineteen in-depth interviews that were carried out between 2010 and 2011. Five of these were with representatives of Brazilian black social organizations that were involved in the Bank case. Two other interviews were carried out with the then general prosecutor from the Federal Public Prosecutor’s Office for Labor at different points in time, one in 2010 and the other more recently (August, 2011) and an earlier interview with the prosecutor’s key advisor in 2010. Finally, we have also been helped by interviews with two personnel managers from leading São Paulo companies and eight students involved in a program to place black students as trainee interns, developed by a São Paulo based black students college. A further interview was carried with the College President. Black people in Brazilian society and its labor market Brazil is internationally known as a culturally diverse country and this is also the image that can be found on official posters and photographs. However what is less known is that this diversity consists basically of two sets of peoples: the whites, by and large European and Asian descendants whose arrival in the country was broadly voluntarily, and the Afro-descendants whose forefathers were brought to Brazil in slavery. Figures from the last official statistical survey accomplished in 2010 by the IBGE, show that approximately 50.74% of the Brazilian population selfcategorize themselves as black or mulatto (semi-black) and that the whites accounts for 47.73%. The remainder was made up of people classifying themselves as indigenous or Asiatic in some way (Japanese, Chinese and Korean, 29 Instituto Ethos, 2010). In general, Asian descendents tend to be seen as white. Even if Brazil has until recently had a fame of being a “racial democracy”, the relationship between the two major groups (whites and blacks or “negros” as they are described) has never been egalitarian. Again simplifying, whites have always been at the top level of society, dominating the governmental, political, economical, professional and social arenas. Figures from de last census (2010), for example, show that black people earn 45% less than whites. Whilst a few afro-descendant have recently reached more visible social positions, they are until now disproportionally underrepresented in all the important arenas, including the labor market. Given that they form, in number, the majority, the question that inevitably arises is why and how? Some answers can be found in the history of ideas, especially in the late XIX century and the period surrounding the abolition of slavery in 1888. Accordingly to Schwarcz (1993), it was in the XIX century that the polygenic perspective of humanity began to take over from previous monogenic ideas. The polygenic followers believed that humankind’s intellectual capability as well as its moral character was determined by its genetic inheritance. They also believed that humanity could be divided into races, with the Negro being the less endowed. Following this line, some Brazilian intellectuals argued that the miscegenation between black and white would lead to total degeneration. Others argued the opposite: that miscegenation was the only solution, since, in terms of social identity, it would lead to all differences (including blacks and indigenous people) “disappearing” (Schwarcz, 1993; Skidmore, 1976). The force of the arguments, for and against, strengthened the polygenic perspective and their echo could be found amongst the country’s political leaders and its citizens and present in reports of racial discrimination following abolition. The years between 1930 and 1950 witnessed the emergence of a new school of thought, arguing that Brazilian racial diversity instead of being a disaster, as it was commonly thought, was in fact an advantage. Gilberto Freyre, one of the most prominent thinkers of this period, and his contemporaries proposed that Brazil’s weakness was not its black people and their mixed descendants, but instead its culture. Brazilians were used to attaching too much importance to foreign cultures rather than to their own (Dávila, 2006, p. 30). The cultural proposal did not change convictions about black inferiority, and even Freyre would argue that black people would gradually “disappear” and all Brazilian people would become white (Jaccoud, 2008). The cultural argument did however change the racial discourse, bringing in the idea of “racial democracy” (Guimarães 2008, p. 180). That is, that, all Brazilian, no matter their race, are first and above all Brazilian and therefore all Brazil’s inhabitants were able to live together without distinction (Jaccoud, 2008, p. 52). 30 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial The fame of “racial democracy” was such that after the Second World War, a Unesco study team was sent to investigate how the country had managed to build such a harmonious and well-integrated society. Expecting to find a model that could be imported to other racially diverse Western countries, what they found was disappointment. The research results revealed that the Brazilian social fabric was completely undermined by inequalities and that even after over fifty years of abolition, black people remained in almost like slave conditions. They were discriminated against by whites and had no chance for upward mobility and advancement (Andrew, 1992; Munanga, 2001. The result was the emergence of a third and more critical school of thought about race relations in Brazil, whose representatives claimed that its interracial relations were still based on the values of slavery (Munanga, 2001). By the 1980s, with the advent of racial relations research programs, it became clearer that white prejudice against blacks was based not only on the former slave relations but also on social inequalities that are reproduced continuously every day by the people themselves and the country social and political institutions, the two come together in a complex manner, creating a dialectical systems of discrimination, which relies upon both social class and ethnic-racial relations (Dávila, 2006; Henriques, 2001; Munanga, 2001). Focusing the labor market, Theodoro (2008) argues that abolition resulted in former slaves being excluded from the most dynamic regions of the country and from its more prominent economic sectors. Many of them ended up working in unpaid jobs as a mean to guarantee minimum needs. Government agents, following the polygenic perspective and concerned to purify Brazilian society, set up a program through which white immigrants from Europe were encouraged, and many times monetarily subsided, to enter the country. Arriving here, even without the necessary technical training and experience, they were promptly hired by the recent opened industrial plants. Today, more than 120 years since the 1888 abolition of slavery, the condition of Brazil’s black population has hardly changed since that of the first half of the XX century. Afrodescendants are extremely underrepresented in the more desired professional and social positions and extremely overrepresented in poverty settings, low-paid jobs, jails and criminal gangs. With relation to the labor market, black people with the same or superior educational level as white people (men or women) occupy positions of lower status, lower pay and less influence. They are rarely promoted, are more often dismissed and remain unemployed for a longer time (Castro; Guimarães, 1993; Henriques, 2001; Myers, 2003; Sá Barreto 1988). Discrimination against black women in the labor market is even greater and they are by far the worst off (Andrews, 1992; Castro; Sá Barreto, 1988; Instituto Ethos, 2010; Paixão; Carvano, 2008). Whilst the Brazilian black social movement had always raised its voice in favor of the complete integration of the afro-descendants in society, it was from the1980s onwards that the country witnessed an inflexion in their agenda from a claim for the integration of the afro-descendants in society toward demands for social justice and policies aimed to promote equal opportunities (Guimarães, 1999: 110). According to some of the interviews, black social movements in the country began to discuss affirmative action in the first half of the 1990s, seeing it as a mean to guarantee blacks the opportunity to enter university and maybe the labor market. In terms of university entrance, a number of public universities have moved towards quotas – but not without considerable controversy (Penha-Lopes, 2008). In terms of the labor market, in November 2003 a group of black social organizations presented petitions to each of the 26 states and the federal district agencies of the Federal agency of the Public Prosecutor’s Office for Labor (MTP - Ministerio Público do Trabalho) against Inequality in the Labor Market. The goal was to denounce the differences in treatment practiced in the labor market and need for action to correct such imbalances under penalty of “threat to the core principles of the legal democratic state” (Lopes, 2006). This was to prove an important trigger for future events when in 2005 the MPT began to develop its own program for promoting equal opportunity for blacks and white women in the labor market that would lead to the events that are discussed in the next section. Diversity management in Brazil: the Syed and Özbilgin model in practice We begin the analysis by concentrating on the macrolevel organizational context, the institutional framework and the institutions themselves involved with the equality and diversity legislation. In the second subsection we will examine how business organizations in the banking sector have responded to diversity management concept and practices. Finally, in the micro-individual level subsection we will discuss data on the educational backgrounds of black people in Brazil and their readiness for the labor market. Macro-national level factors Given that until recently the ideology of racial democracy has been quite successful in maintaining the denial of social inequalities based on race – including amongst blacks themselves – Brazilian society has never had to engage with the creation of mechanisms to overcome racial inequality. At the federal level, the first law on racial discrimination was passed in the year of 1951. It prescribed racial discrimination against foreign blacks as a misdemeanor, and was motivated by complaints from some influential foreign black visitors who faced racial discrimination whilst travelling around the country. However it said nothing about Brazilian’s own black people (Jaccoud et al, 2009). Which foot first: diversity management and affirmative action in Brazilian business At a constitutional level, although former Brazilian constitutions have also formally considered the principle of equality, it is only in the current 1988 charter that equality of opportunity and treatment is required to be substantive for all its citizens and the state is required to be proactive in order to attain this objective. The constitution establishes racism as a crime subject to prison and for which bail is not allowed (Brasil, 2007). It also requires equal remuneration and a quota for disabled workers in the public service (Brasil, 2007; Sarmento, 2008; Silva, 2008). The underlying assumption in the 1988 Constitution that Brazilian is an unfair society opened the door to a number of anti-racial discrimination laws and other measures (Jaccoud, 2009; Sarmento, 2008). Largely as a result of the black social movement, the last twenty years have witnessed not only the passage of laws on racial issues at both the federal and states levels but also the implementation of official programs. Unfortunately, many of them were discontinued in part for lack of experience and those that continued have been poorly implemented and controlled (Conceição, 2010; Jaccoud, 2009). Although Brazil ratified two ILO conventions on discrimination in the labor market and the workplace (Convention 100 and 111), its governments have never encouraged public and private organizations to adopt any form of affirmative action for black people, even after approval of the 1988 Constitution. More recently from the late 1990s onwards, a number of public and trade union research organizations published statistical studies with clear evidence of inequality, confirming that racial discrimination is a characteristic of the labor market. Despite this, neither the executive nor the legislative branch of the state has created any explicit policy to guarantee equal opportunity in the labor market for black people (Conceição, 2010; Jaccoud 2009). In contrast, the Brazilian parliament passed a bill in 1999 to require companies with more than a hundred employees to adopt affirmative action in favor of the disabled (Bahia, 2006). In response to the State’s lack of action to benefit other discriminated groups as well as to respond to the black movement’s demands for fair treatment in the labor market, the Federal Public Prosecutor’s Office for Labor (Ministério Público do Trabalho- MPT) decided in 2005 to develop a program for promoting equal opportunity for blacks and white women in the labor market. The program was to be implanted in all major areas of the Brazilian economy beginning with the financial services sector and the banks (Conceição, 2010; Varella, 2009) (Brazil’s macro-level institutional structure included the classical three powers, legislative, executive and judiciary, as well as the independent public prosecutor’s office, which is seen in the constitution as the guardian of the democratic state. A specific branch of the agency deals with labor matters.) The plan was for a Program for the Promotion of Equal Opportunity for All (Programa de Promoção da Igualdade 31 de Oportunidade para Todos -PPIOT) to be implemented in two stages. First the MPT would contact the most prominent companies of a given economic sector and required them to make available information on workforce composition and earnings with respect to race and gender. In the second stage the MPT would assess the information provided by the companies and, if this showed an overall underrepresentation of black women and men amongst the work force as a whole and underrepresentation of black men, and black and white women in middle to senior management, the companies would be offered the option of signing a collective consent agreement (Termo de Ajustamento de Conduta, hereafter referred to as TAC) rather than face prosecution. In the TAC, the companies would commit themselves to adopt measures to increase the number of black people amongst their work force as a whole and also to increase the number of black men and white and black women in middle and senior management positions. If the companies did not meet the terms of the agreement, the MPT would move to prosecution (Conceição, 2010). The next subsection will present data on the program outcomes so far at the meso-organizational level of analysis. Meso-organizational level factors Brazil-based business organizations, as with many others around the world, are always prepared to argue that their actions are based on the principles of rationality, equality and merit: the dominant managerial discourse. But this is far from the case. A number of studies have shown that racial inequality is commonplace in Brazilian companies and that they have done and continue to do almost nothing to change the situation (FEBRABAN, 2011; Castro; Guimarães, 1993; Fleury, 2000; Henriques, 2001; Instituto Ethos, 2007; 2010; Jaime, 2010; Myers, 2003; Sá Barreto 1988; Varella, 2010). On the subject of diversity management, a more recent focus for research, evidence tends to show there is more acceptance of the requirement to employ the disabled. There have also been some moves to promote equal opportunity for women (Fleury, 2000). Unfortunately no data is available on the gender and racial distribution of disabled employees. Recent data from the Ethos Institute (a leading NGO for business ethics) shows that amongst the higher level managers of the 500 best companies in Brazil only 5.3% are Afro-descendants (with varying skin colors) and just 0.2% is completely black. This same study showed that only 3% to 6% of these companies have policies to promote racial diversity amongst their workforce (Instituto Ethos, 2010). The Brazilian commercial bank association (FEBRABAN) publishes annually a consolidated social balance sheet for its affiliates, the biggest commercial banks. The 2009 report shows that African descendants make up to 15% of the total workforce. These figures are hardly different from those of 2005 (14%), the year in which PPIOT was implemented (Febraban, 2006; 2010). 32 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial In reaction to the PPIOT, each of the five leading commercial banks to which the program was first applied refused to sign the TAC proposed by the MPT. They argued that as law abiding Brazilian companies they did not discriminate against blacks. In the resulting prosecutions, the MPT – facing a largely conservative judiciary – lost the battle in the lower courts. However, under pressure by the Prosecutor’s Office, FEBRABAN agreed to undertake a full census of the workforce. Afterwards, the higher courts followed the lower courts and also ruled against the MPT (Varella, 2009), but by this time the census had been taken showing the almost complete absence of afro-descendents, especially in the highest level positions. The result of the survey was released in July 2009. Its conclusions confirmed what was already suspected: (i) white women earned 78% of white men’s wages and reported more obstacles to career opportunities in the banks hierarchy, (ii) only 20.6% of employees in the financial system were black (black or brown), (iii) this group earned on average 84.1% of the salary of whites, (vi) the discrimination was still higher to black women, since they amounted to a total of only 8% of the population employed in the banking sector, and (v) whilst only 60% of all bank employees had been working in the banks for at the most ten years, for the blacks workers, 66% had been there for less than three years (Contraf-Cut, 2009; FEBRABAN, 2011). The results also showed that whilst the proportion of white man and women with postgradaute education was the same (approximately 50%), only 19% of those in higher positions surveyed were women (nearly always white). In the same way, although blacks are a little behind whites in respect to professional training, they accounted for only 4,8% of the executives in higher positions. As the aide of the chief prosecuting attorney reported when interviewed, as a result of these figures, FEBRABAN (on behalf of the bank´s involved) agreed to: (i) increase the number of blacks, especially black women, on the bottom line; (ii) expand the mechanisms of career advancement for white women; (iii) create a diversity committee for sensitize former employees, especially those on the top, on the diversity values (iv) encourage suppliers to take part in the process by creating mechanisms to achieve the same goals in their own business; and (v) create mechanisms to oversee whether the goals were attained, not only by the banks themselves but also by the companies in their supply chain. By this time, advocacy organizations in the disability arena had also managed to include the rights of the disabled on a separate and parallel MPT agenda. In this case, however, the MPT was able to convince FEBRABAN to ratify a collective consent agreement (TAC) with relation to the inclusion of disabled (October, 2008). These were later to be included in the broader agreement on human resource policy. On its side, the MPT temporarily suspended the lawsuit as recognition of the changes in place. Additionally, from the interviews carried out for this study, the then chief prosecuting attorney and creator of the PPIOT program, saw the chances of the MPT winning the legal battle as remote, arguing that Brazilian judges were still over inclined to deny racism, even when evidence proves the contrary. The situation today continues very much the same. A close examination of the FEBRABAN site and published documents reveals very little, if any, action on the inclusion of black employees. Data on the census and the accompanying concerns is present but there is no evidence of plans. In contrast there are at least two special programs devoted to social inclusion through education and professional qualification for people with disabilities. The 2010 consolidated social balance sheet from FEBRABAN (published in August, 2011) did not show any data about black employees – discontinuing a practice that had been in place since 2002. The report was restricted to figures about gender, age and educational level of the new entrants, as well as the resulting composition of the workforce. The only mention of black men and women is a reference to a statement that one of FEBRABAN’s priorities is to encourage a greater participation within the banking systems of women, blacks, young trainees, and person who are disabled, and that FEBRABAN has signed a partnership with some governmental secretariats to strengthen and create policies directed to women and the black population, as well as to other vulnerable groups, with the purpose of increasing their number in the labor market (FEBRABAN, 2011). Micro-individual level factors Historically there is an educational gap between black people in Brazil when compared with their white fellow citizens (IPEA 2007), making it more difficult to find well-paid and higher-status jobs. A longitudinal study by Paixão and Carvano (2008) compared blacks and whites in the educational system in Brazilian from 1995 to 2006. The result shows that even if black people are gradually overcoming the educational deficit at elementary and high school levels as well as at university, there are still great differences especially in the higher levels and in grade performance. In relation to undergraduate degree programs, Paixão and Carvano reported a significant growth rate (415%) in black students. However the greater part are enrolled in the lower rated fee paying schools and universities and those that are in the top rated public and private universities are majoring in easier access courses such as humanities and social service and are extremely underrepresented in medicine, engineering and other higher status courses (PenhaLopes, 2008). At the level of a simple non-causal observation, the data describes part of the lack of success of black people in the labor market, since academic performance is highly correlated with both opportunity and payment level in the labor market (IPEA 2007: 282-290). This is also the Which foot first: diversity management and affirmative action in Brazilian business argument – lack of academic qualification – that employers use regularly to justify the nearly complete absence of blacks in higher-paid positions and the absence of diversity programs (Fleury, 2000; Myers, 2003). As a causal implication, the argument is flawed as it disregards the institutional and structural racism of the country and the literature and data on durable inequalities (Tilly, 1999). It is worth recalling that the IPEA annual report on Brazil’s social policy performance has always demonstrated that discrimination against blacks is an important variable in the explaining of inequalities in the labor market. Its 2007 edition brought together a range of statistical data on educational level and labor market wage for blacks and whites in the period from 1994 to 2005. This compared blacks and whites of similar educational levels and showed that blacks with the same educational level as that of whites always earn less. This is the case throughout the educational spectrum: from those who don’t finish elementary school, through those who did high school on to those who went to university and beyond to postgraduate training. Black people as a whole enter the labor market in disadvantage to whites (Paixão and Carvano, 2008) and in situations when this disadvantage is removed and they are educationally equal, they earn less. Thus, as the IPEA study concluded, the unequal treatment given to black people in the labor market cannot be explained on the behavioral grounds of a lack of education but needs to be seen in terms of racial discrimination both in the market and in relation to access to education (IPEA, 2007, p. 282-290). Discussion and Conclusions The purpose of this article was to examine, in the Brazilian case and by extension to other countries where groups have been historically treated unfairly, whether diversity management programs can make it possible to overcome structural inequalities or if it is necessary to have government imposing measures and sanctions – based on affirmative action values – in order for organizational policies and practices to change. To address this question we presented evidence about the way diversity management concepts and practice developed in the USA and EU countries and an empirical study of recent events in Brazil surrounding a very visible part of its economy (its high street banks). Our analysis used the Syed and Özbilgin (2009) model within a critical perspective. In section two, we looked at the current debate on diversity management and noted the critical theorists arguments that organizational diversity programs based on mainstream diversity management approach could both obscure unequal power relations in organizations by treating differences on an individual base rather than something related to social groups (for example, Noon, 2010; Wrench, 2005). The analysis of the Brazilian case suggests that at least in circumstances such as ours, these concerns are valid. That is, that work organizations in Brazil will not adopt a diversity 33 program aimed at including blacks (even though a number may be USA or EU subsidiaries) unless, similar to the early USA experience, they are forced to do so. There, chapter VII of the Civil Rights Act of 1964 created an environment for organizational compliance and the resulting policy intervention stimulated change in organizational routines that have had significant and lasting effects on workforce diversity (Kalev, Dobbin and Kelly, 2006). In other words, the case seems to be for harder diversity management practices rather than softer ones. Our findings contribute to diversity management literature in the sense that they offer evidence that the way Brazil has chosen to deal with the problem of managing a diverse workforce seems not work to solve racial inequalities in its workplace. Besides, by bringing the Brazilian case to the table, the paper allows the diversity management literature to be enriched by a country specific study. The Brazilian case demonstrates the usefulness of the multilevel framework for managing diversity in bringing together for comparative purposes overlapping levels of explanation. Rather like the parts of the proverbial onion – where neither is the beginning or the end but each is part of the whole - all are relevant and, in this case, interract unfavorably for the country’s afro-descendants. As we have seen, there is great resistance to affirmative action in the country not just as a post WWII liberal proposition – as in the case of the USA – but set within a long term refusal to face a matrix of ideas that at times are close to racially inscribed social apartheid. When the country moved out of millitary rule, the transition to democracy was not an easy process. In Brazil, as elsewhere in Latin America, democracy was at first a superficial rather than substantive institutional and action frame. As a number of scholars have commented (O’Donnel, 2001; Carvalho, 2001), the constant ruptures in latin america’s institutional frameworks have produced a setting in which, whilst some social rights had been secured largely as a result of populist governments in the 1940s and 1950s, political rights were frequently under threat and basic civil rights, including the right to have rights, often lagged considerably. Thus the evocative notion of rights can often be found being expressed emotionally in relation to health and housing but without any reaction in relation to judicial access or prison conditions. Perhaps, for these and similar reasons, including the continued pervasiveness of the ideology of “racial democracy”, where movement by personnel officers happens, it tends to follow the soft diversity approach and takes the easier route of discussing other vulnerable groups such as the disabled. But even here, it has been the legislation and the Public Prosecutor’s Office collective consent agreement that has tipped the balance.There is little sign of an effective fight against racial discrimination in the workplace. The creation of the first black college in São Paulo may make it easier to force the issue of internships for black students and those involved are hopeful on this score. But without the hard policies on occupational 34 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial and workforce composition and opportunities it is not likely to succeed on its own. The question now becomes – which way forward. Whilst the diversity frame offers space for different versions of managerial good conduct (and being a “good place to work” now gains points in business magazines), the rights based approach is more harsh and direct. As has been commented (Ignatieff, 2001) human rights are difficult to carry forward at the best of times, based as they are on a social agreement about the freedom from degradation and deal with dimensions that may be difficult for courts to assume. Outside the courts, human rights methodology is still very much based on the concept of “naming and shaming”. That is, by making explicit use of the moral high ground to make the position of those who deny rights publically uncomfortable; in our case, by turning the organizations and those who work in them object of public scorn. This might seem excessive and aggressive in the current business context, but it has been used to effect in discussing the working conditions of labor employed by the suppliers of worldwide household name brands and, when employed in the European boycott of South Africa by the many groups in the anti-apartheid movement, it certainly had an effect on both the organizations themselves and who worked in them. 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Nous identifions différents niveaux, différentes phases, le recours à une instrumentation permettant d’appréhender la gestion du fait religieux selon divers processus d’apprentissage influencés, tant au plan organisationnel que professionnel, par la place conférée à l’intime par les managers, salariés, dirigeants. Joëlle Surply Université Paris-Sud 11 Laboratoire PESOR – Faculté Jean Monnet Abstract Debates on religious issues are in the public sphere in France as well as in business. Thus, in the professional world, some employees have religious claims. The purpose of this exploratory research is to analyze the process of integration of religion in the management practices of big French companies, according to the perspective developed by learning theories. We identify different levels and phases, the implementation of tools to understand the management of religion according to various learning processes, influenced both organizationally and professionally, by the individual private space of the managers, employees, directors. Keywords: Religion – diversity – professional world – management of religion – learning process Mots clés : Religion – diversité – monde professionnel – gestion du fait religieux processus d’apprentissage U ne véritable révolution culturelle est initiée depuis le début du XXIème siècle grâce à la mondialisation des économies (Banon et Chanlat, 2011). Cette globalisation de la circulation des personnes est associée à une mondialisation des religions, que l’on retrouve dans le contexte français « en un siècle s’est affirmée une diversité religieuse sans précédent. Les quatre cultes historiquement les plus représentés en 1905 (catholicisme, protestantismes réformé et luthérien, judaïsme) côtoient aujourd’hui des religions géographiquement ou historiquement nouvelles (…) La France est ainsi le pays européen qui compte le plus grand nombre de musulmans, de juifs et de bouddhistes » (Machelon, 2006). La question religieuse se positionne ainsi au cœur des débats dans des pays qui pensaient définitivement avoir réglé cette question, à tous les niveaux de la société, que ce soit dans la sphère publique (école, services publics) ou au niveau des entreprises (Banon et Chanlat, Ibid.). En effet, si le sentiment religieux irrigue la vie des salariés, alors « les employeurs ne peuvent-ils s’attendre à ce qu’il reste à la porte » de l’entreprise (Kutcher et al, 2010). 1. La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) a été supprimée par une loi adoptée le 15 mars 2011. Elle est désormais intégrée dans les attributions du Défenseur des droits. Resumen Los debates sobre las cuestiones religiosas en Francia pertenecen tanto a la esfera pública como a la de los negocios. Así, en el mundo profesional, algunos empleados desean afirmar su religion. El objetivo de este estudio exploratorio es analizar los métodos de gestión de la integración de la religión en las empresas francesas, desde el punto de vista desarrollado por las teorías de aprendizaje. Se identifican diferentes niveles y fases, el uso de herramientas para comprender la gestión de la religión según los diferentes procesos de aprendizaje, los cuales se encuentran influenciados tanto a nivel organizativo como profesional, por la vida intima de los gerents, empleados y directores. Palabras claves: Religión – diversidad – mundo profesional – Gestión de la religión – aprendizaje En France, l’expression religieuse n’est certes pas nouvelle dans le monde du travail. Nombre d’usages, de règles qui définissent par exemple le repos hebdomadaire ou fixent certains jours fériés, prennent racine dans une culture marquée par le catholicisme tout en étant appréhendés comme des évidences inscrites dans des valeurs partagées. La nouveauté réside dans les revendications qui visent à prolonger dans la vie professionnelle un engagement religieux affirmé dans la vie personnelle et jusqu’ici ignoré au travail. La Halde1 rapportait ainsi un essor des réclamations en matière de convictions religieuses, passées de 1 % à 3 % entre 2006 et 2009. Les revendications religieuses présentées aujourd’hui ne semblent ainsi pas toujours se fondre aisément dans le corpus de règles existantes et des logiques sous-jacentes. Les entreprises et leurs managers se sentent alors démunis face à ces attentes inédites et surtout diverses (Galindo et Surply, 2010). D’autant qu’entre le respect de la laïcité qui ne s’applique pas aux entreprises privées, et celui plus large de liberté religieuse institués par la loi, « en matière religieuse, le vide juridique est sidéral »2. Les 38 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial différents acteurs doivent alors construire ou aménager à la fois le cadre de pensée et l’instrumentation pour gérer les revendications religieuses de plus en plus complexes et multiples (Machelon, Ibid.). Les entreprises doivent donc tenter de résoudre les questionnements introduits par le phénomène nouveau et récent, de montée et de diversité des revendications religieuses dans le contexte du travail. Ces entreprises semblent ainsi s’engager dans un processus d’apprentissage organisationnel (Nonaka, 1999). Nous étudierons justement cette démarche à travers une question : quel est le processus d’apprentissage construit par les acteurs managers de proximité et les dirigeants en France, pour identifier et reconnaître d’abord, expérimenter ensuite, institutionnaliser peut-être enfin des modalités de gestion du fait religieux ? Nous souhaitons ainsi éclairer un sujet considéré comme embryonnaire d’un point de vue académique en France (Galindo et Surply, Ibid.), alors même qu’il est traité de façon croissante dans les magazines grand public et qu’une division « Religion and Spirituality » a été récemment créée au sein de l’Academy of Management aux Etats-Unis. Nous montrons comment se déroulent et s’articulent, dans le temps, différentes phases de déstabilisation, de tâtonnements, de recherche de repères, d’interprétation, d’émergence et de consolidation de solutions nouvelles pour répondre à un problème nouveau. Nous rapprocherons dans un premier temps la littérature sur l’apprentissage (Argyris, 2000; Crossan et al., 1999) de notre thème d’étude. Nous présenterons et discuterons, dans un second temps, les résultats issus d’une recherche exploratoire conduite depuis novembre 2009 dans les grandes entreprises françaises. Nous mettrons ainsi en évidence que le processus d’apprentissage remet en question les « manières de voir » le fait religieux, et partant les manières d’agir pour gérer ce fait religieux. Cet article permet de rapprocher la gestion du fait religieux de tout autre processus d’apprentissage, en identifiant les phases, les niveaux et les outils, mais aussi en mettant en évidence les freins individuels et organisationnels à l’acceptation de l’intime dans le monde du travail. Revue de la littérature Le rôle de l’apprentissage organisationnel face à un fait nouveau L’apprentissage est posé comme un processus dans lequel les individus, les collectifs ou les organisations cherchent à résoudre un problème nouveau ou à faire face à un dysfonctionnement alors que les routines existantes ne fournissent 2. « Le fait religieux s’invite dans l’entreprise, comment concilier pratique religieuse et organisation du travail », Nouveleconomiste.fr, cahier n° 2, 4 mars 2010. pas de solution « toute faite ». L’apprentissage organisationnel peut être considéré « comme un phénomène collectif d’acquisition et d’élaboration de savoirs qui modifie la gestion des situations et les situations elles-mêmes » (Koenig, 1997, p. 174). Il représente la dernière étape d’un processus initié par l’individu car « le nouveau savoir commence toujours par l’individu (Nonaka, 1999, p. 41). Il se transforme en apprentissage organisationnel quand il est reconnu, formalisé, diffusé dans l’entreprise et sert de cadre de référence pour un type d’action. Si les règles de gestion sont une simple adaptation de pratiques à un cadre de pensée existant, l’apprentissage est qualifié de « simple boucle ». Il aboutit à gérer un problème nouveau par ajustement des routines existantes, sans en changer le fondement, « les valeurs directrices ». (Argyris et Schön, 1974). L’apprentissage serait qualifié de « double boucle » s’il permettait la mise en place de solutions appuyées sur de nouveaux schémas mentaux de référence. Cet apprentissage organisationnel se construit dans le temps par la mise en relation de sous-processus. Crossan et al., (1999) en identifient quatre : – l’intuition se réfère à la reconnaissance de possibilités inscrites dans l’expérience ; – l’interprétation consiste à traduire les intuitions par des mots ou des actes, pour soi-même ou pour les autres ; – l’intégration est le processus qui vise à développer, d’une part, une compréhension partagée entre individus, et, d’autre part, une coordination par ajustement mutuel ; – l’institutionnalisation, concerne la dernière phase et celle qui confère le caractère organisationnel à l’apprentissage. Il s’agit des règles, des routines, pertinentes pour permettre la diffusion et la répétition, dans l’organisation, des actions construites par apprentissage individuel et/ou collectif. Plusieurs éléments caractérisent donc le processus d’apprentissage : – les niveaux : individuels, collectifs et organisationnels – la dynamique : avec le passage d’une intuition vers la possibilité d’une institutionnalisation des pratiques. Il est cependant nécessaire de souligner le caractère non linéaire des étapes d’apprentissage identifiées par Crossan et al., (Ibid.). Gauthier (2000) pointe la difficulté dans l’apprentissage individuel et collectif, de changer son regard, sa manière de penser et donc son comportement en profondeur. Les individus (salariés, managers, dirigeants) peuvent ainsi manifester de la résistance essentiellement pour l’apprentissage « double boucle », qui requiert de penser autrement, de transformer les schémas mentaux (Berry, Quel processus d’apprentissage de la gestion du fait religieux dans les entreprises françaises ? 1983), les visions du monde. Un apprentissage conduit inévitablement à une modification dans les règles et induit un changement de perspective quant à l’image que nous avons de nous même, de notre statut, de notre place dans le collectif. Ces modifications peuvent entraîner des résistances et des refus mais aussi, parfois, des solutions innovantes pour résoudre des problèmes nouveaux. Un processus d’apprentissage est initié par des situations inédites face auxquelles les individus et l’organisation n’ont pas de réponses pré-établies. La question religieuse représente justement un enjeu d’apprentissage dans les entreprises privées françaises, afin d’apporter des réponses claires, homogènes et justifiées aux revendications religieuses diverses. La gestion de la diversité religieuse vue comme un fait « nouveau » dans les entreprises françaises En France, la gestion de la diversité fait une percée récente sous différentes impulsions (Barth et Mahieu, 2011). Des contraintes réglementaires obligent, d’une part, les entreprises à se saisir de ces questions souvent sur des facettes de la diversité considérées comme visibles (genres, âge, handicap par exemple). D’autre part, gérer la diversité peut-être vu comme une opportunité d’affaires selon l’approche anglo-saxonne du « business case » (Cox et Blake, 1991). Les entreprises françaises se sont engagées dans un processus pour repenser leurs politiques et leurs pratiques en se centrant sur les diversités portées par le législateur ou tout simplement considérées comme « utiles » pour une approche managériale (Sanders et Belghiti-Mahut, 2011). Cependant, le champ des diversités est à la fois glissant et foisonnant, et évolue au fur et à mesure des transformations de la société (et des différences qui s’y affirment et/ ou s’estompent) et de son environnement juridique. La religion, définie par le Larousse (2010) comme « un ensemble déterminé de croyances et de dogmes définissant le rapport de l’homme avec le sacré » c’est-à-dire un « ensemble de pratiques et de rites spécifiques propres à chacune de ces croyances », s’impose comme une nouvelle facette de la diversité à considérer. En effet, si 65 % des français se déclarent catholiques, un nombre croissant d’entre eux s’estiment être agnostiques (25 %), musulmans (6 %), protestants (2 %) ou juifs (600 000), dans le rapport Machelon (Ibid.). La France, marquée par une longue (et parfois complexe) histoire en matière d’immigration de sa main d’œuvre (Al Ariss et Özbilgin, 2010), connaît par conséquent une diversification des croyances de ses salariés. Depuis la fin des années 90, les entreprises françaises sont ainsi confrontées à des nouvelles demandes liées à la diversité religieuse, qui relèvent non seulement des RH mais plus largement du management comme le recense l’encadré 1 : 3. Expressions recueillies auprès d’un intervenant juriste lors d’une réunion consacrée à ce sujet. 39 Encadré 1 : Demandes partagées par les salariés de différentes confessions religieuses (Galindo et Surply, 2010) Sans entrer dans le détail des différentes pratiques religieuses, il est possible de distinguer les règles de pratiques religieuses, qui permettent d’identifier une communauté de pratiquants : – Les habitudes alimentaires : certains aliments sont proscrits de l’alimentation selon les croyances (le porc par exemple dans la religion juive ou musulmane), la pratique du Ramadan pour les musulmans. – Les jours de fêtes : Pessa’h ou Yom Kippour dans la religion juive, l’Aïd pour les musulmans. – L’organisation de la prière – Les signes visibles d’appartenance religieuse : la croix pour les catholiques, la kippa pour les juifs – Les autres pratiques liées à la religion : autres rites ou coutumes de vie (relations entre individus par exemple). Si la religion renvoie à l’intime et à la face cachée de l’individu, elle peut être ainsi dévoilée aux yeux de tous, notamment dans le contexte du travail, par le biais de manifestations ou de la religiosité de chacun (King et al., 2009) comme le précise le tableau précédent. Plus que de simples demandes, il s’agit souvent de revendications. Les salariés qui revendiquent, considèrent réclamer une ou des choses dues au nom de la liberté de conscience et de culte posée par la loi de 1905, qui institue le principe que la France est un pays dans lequel il ne s’agit pas simplement de tolérer mais de permettre l’expression d’un choix religieux. En ce sens, ces revendications renvoient à la fois au droit à l’indifférence, à « être traité comme les autres », et à « un certain droit à la différence »3�. Ces revendications se diffusent en outre dans toutes les sphères des entreprises : « Le fait nouveau, réside dans la diversité religieuse dans le secteur d’ingénierie » (un responsable des ressources humaines d’une grande entreprise automobile). Des directeurs des ressources humaines constataient plus largement une hausse des revendications religieuses dans 37 % des entreprises basées en Ile-de-France, et de 26 % sur l’ensemble du territoire4. L’enjeu pour les entreprises est de savoir apporter des réponses à ce type de dévoilement de l’intime, qui sont loin d’être évidentes pour nombres d’entre elles, comme le rappelle un récent avis de la Halde « les entreprises soulignent la difficulté de déterminer le champ des restrictions de l’expression religieuse sur le lieu de travail »5. 4. 393 DRH interrogés en avril 2008, Sondage Ifop- Les Echos. 5. La Halde, « Clarification sur le port du signe religieux », 29/03/2011. 40 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial Les limites des pratiques existantes face à la diversité religieuse L’apprentissage naît à partir du moment où les pratiques et routines existantes ne fournissent pas de solution « toute faite » à la gestion des situations. Dans le cas de la religion, les routines reposent notamment sur des règlementations historiquement mises en place. En France, les croyances et pratiques religieuses sont en effet profondément marquées par une valeur fondatrice et un principe essentiel de la République, le principe de laïcité, qui consacre en 1905 la séparation des Eglises et de l’Etat. Cette laïcité s’incarne depuis dans de nombreuses obligations juridiques. Le Préambule de la Constitution française du 27/10/1946 précise ainsi que « nul ne peut être lésé dans son travail et dans son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances », tandis que l’article 2 de la Constitution de 1958 affirme que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ». La liberté de croire, mais aussi de ne pas croire, en des religions diverses est ainsi inscrite dans les gènes de la société française. Respecter cette liberté de croyance religieuse était d’autant plus aisée dans un contexte où la France était dominée par « l’infrastructure culturelle du christianisme » (Willaime, 2007) 6. Le calendrier chrétien des jours fériés et le rituel du poisson le vendredi dans les restaurants d’entreprises en sont les exemples les plus visibles. Un modèle dominant s’est ainsi imposé en France, associant liberté de croire et domination de la religion catholique, et ce, à tous les niveaux de la société, y compris les entreprises. Et face aux « nouvelles » revendications religieuses exposées précédemment, seul le principe de liberté de croyances prime dans les entreprises privées. La Halde a rappelé en 2009, que le principe de laïcité s’impose à l’Etat et aux intervenants publics, et non aux personnes privées. Les salariés du secteur privé sont ainsi régis par le principe de liberté de conscience inscrit dans la Constitution. Une entreprise, une association ou un particulier, ne peut alors invoquer le principe de laïcité pour limiter la liberté religieuse d’autrui. Toute la question est de savoir quelles sont les limites de cette liberté dans les entreprises. Dans un récent rapport, le Haut Conseil à l’Intégration entretient l’ambiguïté, en notant qu’il s’agit « d’affirmer que, dans l’entreprise privée […], on a le droit de vouloir travailler dans un cadre religieusement neutre, les individus pouvant y être préservés de toute pression communautaire » (2011, p.6)7. 6. Rappelons que la loi de décembre 1905 « concernant la séparation des églises et de l’état » s’applique aux quatre confessions alors représentées en France métropolitaine : le catholicisme, la confession d’Augsbourg (les protestants luthériens), les réformés (les protestants calvinistes) et les pratiquants du judaïsme. Dès lors, ce qui était auparavant réglé de manière informelle, doit aujourd’hui comme nous l’avons souligné précédemment, s’appuyer sur des droits concrets. Et les entreprises n’ont pour l’instant que peu de références juridiques sur ce sujet. La loi du 4/08/1982 précise seulement que le règlement intérieur ne peut comporter des éléments entravant la liberté des salariés. L’article L. 1121 du Code du Travail, rappelle que « nul ne peut apporter (…) des restrictions qui ne seraient justifiées par la nature des tâches à accomplir, ni proportionnées au but recherché ». Par exemple, un arrêt du Conseil d’Etat (25/01/89) a censuré un règlement intérieur interdisant les « discussions politiques ou religieuses ». En 2004, une décision individuelle du Ministère du Travail a également précisé que l’interdiction de tout signe religieux ou politique ostentatoire dans le règlement intérieur, ne répond pas aux exigences de l’article 1121-1 du Code du Travail. Six limites à la liberté d’exercice de la religion dans le cadre du travail sont cependant acceptées. – T rois concernent directement l’entreprise : la revendication de la religion ne doit pas entraver des aptitudes pour le travail, l’organisation de la mission, l’intérêt commercial de l’entreprise. – T rois concernent l’individu dans l’entreprise : le respect des règles de sécurité et d’hygiène doit pouvoir être assuré, et le prosélytisme est également interdit sur son lieu de travail. La question, à l’intérieur des entreprises, est alors non pas de revenir sur les principes de laïcité et d’égalité érigés par les lois successives, mais plutôt de trouver une voie pour ne pas faire de la laïcité une quasi-religion, sans tout accepter d’un autre côté (Galindo et Surply, Ibid.). Question de recherche L’irruption de manifestations de la diversité des croyances religieuses en entreprise correspond finalement à des revendications pour faire évoluer et/ou changer les règles existantes, qui peuvent affecter la répartition du travail (ex. attribution de congés pour de fêtes religieuses, refus d’appartenir à une équipe « mixte » hommes/femmes) ou encore les comportements au travail (ex. manière de se saluer, rapport à l’autorité). Ces revendications peuvent être considérées comme un élément « déclencheur » d’un processus d’apprentissage, et, notamment, d’apprentissage organisationnel susceptible d’aboutir à l’institutionnalisation de certaines pratiques. L’objectif de cet article est de s’intéresser au processus d’apprentissage de la gestion du fait religieux dans les entreprises françaises. Nous l’étudierons en nous appuyant sur une question : quel est le processus 7. « Expression religieuse et laïcité dans l’entreprise », Haut Conseil à l’Intégration, Avis, 1/09/2011. 41 Quel processus d’apprentissage de la gestion du fait religieux dans les entreprises françaises ? d’apprentissage construit par les acteurs managers de proximité et les dirigeants, en France, pour identifier et reconnaître d’abord, expérimenter ensuite, institutionnaliser peut-être enfin des modalités de gestion du fait religieux ? Nous proposons ainsi une lecture de la gestion de la diversité religieuse par le biais des théories de l’apprentissage, afin d’envisager les niveaux individuels, collectifs et organisationnels de ce processus. Choix méthodologiques et présentation du terrain « Quand on aborde le sujet [du fait religieux] avec des dirigeants de haut niveau tout le monde est silencieux. Les gens ne parlent pas. Les gens ont peur de s’exprimer » (une consultante diversité). Cette citation résume le caractère à la fois récent et tabou de la question du fait religieux en entreprise, et les difficultés que l’on peut rencontrer en France, lorsqu’une recherche est conduite sur ce sujet. Pour ce faire, nous avons privilégié une recherche qualitative et exploratoire, fondée sur des données primaires et secondaires recueillies entre septembre 2009 et mars 2011. 11 entretiens semi-directifs ont été menés, d’une durée moyenne d’1 h 30, auprès de différents acteurs dans des grandes entreprises mondialisées appartenant aux secteurs automobile, bancaire, agro-alimentaire, de l’intérim, informatique, logistique, de la restauration collective et des télécommunications. Nous avons interrogé des dirigeants, managers de proximité et responsables des ressources humaines, que nous avons rencontrés par effet « boule de neige » (Al Ariss et Özbilgin, Ibid.) ou par démarchage direct. Pour appréhender le processus d’apprentissage, nous avons recueilli auprès de ces répondants les antécédents, les modalités mais aussi les effets de la montée des revendications religieuses, à travers des questions du type « quels sont les événements qui vous ont conduit à considérer la question religieuse dans votre organisation ? », « pouvezvous nous décrire les phases d’évolution de la prise en compte de ce phénomène dans votre entreprise ? ». Nous avons conduit une forme d’approche longitudinale, dans la mesure où les personnes interrogées au cours de l’année 2009, ont pour certaines participé ensuite à des travaux collectifs (par exemple au sein d’organismes tels l’Association Française des Managers de la Diversité, AFMD) et auxquels nous avons eu accès. Des documents internes à ces entreprises ont également pu être recueillis afin de comprendre les orientations instaurées et diffusées dans ces organisations. Nous avons ainsi suivi l’évolution de leurs politiques et pratiques en matière de diversité religieuse. Cinq observateurs privilégiés de ce phénomène, journaliste, syndicaliste, conseiller culturel, consultants, ont également été interviewés, afin de recueillir leur vision englobante et moins impliquée, du fait religieux dans l’entreprise. Nous avons triangulé nos données en nous appuyant sur des données secondaires (rapports d’étude, actes de conférences) émanant d’organisations diverses (Halde, ANDRH, cabinets conseil, colloques AFMD) et sur des articles de presse (spécialisée ou généraliste) qui nous ont permis de suivre l’évolution de certaines politiques. Pour traiter ces données primaires et secondaires, nous avons procédé à une analyse thématique en isolant les thèmes dans un texte afin de permettre sa comparaison avec d’autres textes traités de la même façon (Ghiglione et Matalon, 1991). Certains thèmes renvoient à des dimensions clefs de la gestion du fait religieux en entreprise (organisation du travail, conditions de travail par exemple) tandis que d’autres émergent de notre analyse (pratiques collectives/ individuelles, rôle des RH/ des managers de proximité, stéréotypes, étapes et modalités du processus). L’analyse de la diversité de ces informations nous a permis de trianguler nos données, en recueillant plusieurs exemples des résultats trouvés, auprès de différentes sources (Miles et Huberman, 2003). Cette triangulation a combiné le recours aux récits collectés lors des entretiens, car « raconter, c’est déjà expliquer » (Ricoeur, 1985), et, l’utilisation de sources secondaires. Elle permet de relever les ambiguïtés et entretient la vigilance. Résultats Si pour Argyris (2000), nous apprenons quand nous détectons une erreur et que nous la corrigeons, ici l’erreur est d’abord perçue au niveau du « terrain » comme une difficulté à répondre aux revendications religieuses par absence de règles, de pratiques appropriées à la situation. Les managers de proximité sont les premiers à capter les signaux et à être soumis à des situations réelles alors que la question religieuse n’a pas encore été observée et analysée par les responsables RH ou par les pilotes diversité. Le plus souvent également, le fait religieux provoque au niveau « central » « affolement et philosophie sur ce sujet, et c’est même parfois tour à tour » (responsable diversité d’une entreprise de services). A l’issue de notre recherche exploratoire, émerge un processus, que nous pouvons maintenant caractériser en reprenant la typologie de Crossan et al. (Ibid.) exposée précédemment. L’intuition ou les déclencheurs de l’apprentissage Dans un premier temps, les managers de proximité se trouvent confrontés à des revendications locales sous la forme de demandes d’aménagements d’horaires de travail, de tenue vestimentaire ou de relations professionnelles : « On demande aux managers des aménagements d’horaires pour le Ramadan. En région parisienne, certains salariés refusent de parler à une supérieure hiérarchique qui serait une femme. Des femmes ont des problèmes lors des visites médicales quand ce sont des hommes, on nous a aussi demandé des salles de prière. J’ai aussi eu il y a quelques années un autre cas. Un juif qui ne voulait pas travailler le samedi alors que son travail le demandait » (Responsable diversité 42 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial entreprise de logistique). Il s’agit alors bien de la phase « d’intuition » puisqu’il s’agit pour eux de progressivement reconnaître la nécessité de traiter cette question et d’envisager la diversité religieuse comme une dimension à gérer au même titre que les autres types de diversités. Ces managers rencontrent alors cependant des difficultés à se référer à des principes et à des pratiques existants dans leur entreprise. L’interprétation ou les prémisses d’un apprentissage La récurrence de demandes liées à la diversité religieuse fait progressivement entrer les managers locaux et les directions dans la phase d’interprétation : « La question religieuse est toujours l’objet d’interprétations » (consultant sur ce thème). Ce qui pouvait jusque-là être considéré comme marginal et ponctuel, devient un sujet à traiter tant au niveau local qu’organisationnel. Les managers locaux pratiquent souvent ce que l’on peut qualifier de « bricolages clandestins » : faute de solutions proposées au niveau supérieur, ils construisent eux-mêmes leurs propres principes pour répondre et parfois endiguer les revendications religieuses, avec une intrusion alors de l’opinion personnelle dans le professionnel : « quand on s’y intéresse [à la diversité], il y a souvent une dimension personnelle. Le raisonnement purement rationnel ne suffit pas. Il faut aussi de l’émotionnel » (consultante en diversité). S’ils entrent ainsi dans un processus d’apprentissage individuel face à la question religieuse, ils résolvent souvent cette question au cas par cas. La pression du « business » (répondant) impose alors de rapides prises de décision. Ce sont des éléments qui contribuent à la variété des solutions adoptées localement, et donc aussi, souvent, à leur manque de visibilité voire de lisibilité. Le manager de proximité aménage ainsi des horaires, des postes de travail : « Le bons sens quotidien fait que les managers locaux ont l’habitude de laisser leurs collaborateurs musulmans s’organiser sur le sujet, s’organiser pour trouver un lieu » (Responsable diversité dans la restauration collective). Pour autant, il tente de s’inscrire dans les « schémas d’exécution » existants, sans bouleverser l’ordre de l’entreprise. Un répondant (secteur industriel) affirme ainsi « On agit à l’amiable, on a une discussion, ça se passe plutôt bien. On se rapporte aux règles », celles de l’entreprise (par exemple, celle qui concerne le nombre de jours de congé) ou celles qui sont imposées par la loi (par exemple celles se rapportant à la non discrimination), que l’on aménage de manière contextuelle… voire subjective : « En même temps, c’est évident qu’on va s’adapter au niveau de la production. En période de ramadan, les ouvriers sont moins vaillants en milieu d’après-midi et on en tient compte » (Responsable RSE entreprise industrielle). L’apprentissage du manager de proximité peut se cantonner au niveau individuel. En effet, les savoirs construits pourront rester sans effet sur le reste de l’organisation pour diverses raisons. Par exemple, le manager de proximité n’est pas visible dans l’organisation ou bien la pertinence des savoirs pour répondre aux problèmes est elle-même en cause. Plus encore, les savoirs peuvent ne pas correspondre au positionnement de l’entreprise sur l’opportunité et la manière de prendre en compte le fait religieux. Toutefois, lors de cette phase, les directions diversités et/ou RH des entreprises commencent à être confrontées aux remontées de managers en quête de repères : « C’est par exemple, le cas où un manager vient me voir et dit, mon équipe a accueilli une jeune femme voilée, quelles vont être les réactions de mon équipe. Le manager avait fait sa connaissance quand elle ne portait pas le voile, et devait l’accueillir en stage. Est-ce que je dois lui demander d’enlever le foulard… » (Responsable diversité, industrie). L’apprentissage se construit alors au niveau des directions représentées par le pilote diversité et/ou le DRH des grandes entreprises, lorsque des revendications religieuses se font plus nombreuses, plus pressantes aussi et que des pratiques pour faire face aux problèmes se mettent en place au niveau des opérationnels : « la difficulté, c’est le outing : quand une personne en poste change son apparence physique. C’est la même chose que le piercing, si une personne arrive du jour au lendemain toute piercée, il faudra voir si c’est compatible avec l’entreprise. Il faut avoir la bonne réserve par rapport à un signe » (responsable diversité, entreprise intérim). Au niveau du top management (niveau « central » ou niveau « corporate »), l’apprentissage peut s’appuyer sur des solutions déjà en cours d’expérimentation. Mais il se construit aussi sur de nouveaux savoirs en bénéficiant de ressources, comme l’appui de la direction générale, l’accès à l’information dans l’entreprise et celle de réseaux « d’experts » (ex. AFMD, IMS entreprendre pour la cité, les avis du Haut Conseil à l’Intégration). Cet apprentissage pourrait bien être qualifié « d’hybride ». En effet, il est partiellement individuel, parce que le responsable diversité et/ou le DRH, lui-même démuni de référentiel préalable pour gérer le fait religieux, doit être capable de se construire individuellement une représentation du phénomène afin d’en dessiner des principes et des pratiques nouveaux mais cohérents avec les valeurs idiosyncrasiques de son organisation. Cette phase d’interprétation initie finalement plusieurs processus d’apprentissage : au niveau local, de la part des managers, et à un niveau plus global voire inter-entreprises, entre les managers de la diversité. La plupart des grandes entreprises terrains de cette recherche, se positionnent dans cette phase où deux niveaux d’apprentissage co-existent sans nécessairement se rencontrer et s’accorder. Certaines d’entre elles font alors un choix délibéré de rester à ce stade du processus : « Il faut donc dédramatiser. Ne pas en parler. Je préfère que ça reste tabou, peu répandu et que cela ne soit pas grave si ça reste marginal, plutôt que cela ne soit pas tabou, répandu et pas réglé. C’est pire » (Responsable RSE, banque). Quel processus d’apprentissage de la gestion du fait religieux dans les entreprises françaises ? L’intégration ou l’apprentissage croisé entre les différents niveaux d’apprentissage 43 s’inscrivent pas forcément ni dans les mêmes temporalités, ni dans les mêmes objectifs. La phase précédente avait dessiné les contours de l’intégration en favorisant les échanges entre les managers et responsables diversité de l’organisation. La phase « d’intégration » est synonyme d’interactions croissantes entre les différents niveaux, notamment à l’occasion de réunions locales sur des thèmes plus généraux de RH et/ou de diversité, en vue d’aller vers l’homogénéisation des réponses : « On a aussi des difficultés par rapport à la taille de notre entreprise. Il faut que tout le monde ait les mêmes réponses (et non pas des arrangements, même si certains se sont accommodés de ça) » (Responsable diversité, distribution). Les réponses portent alors sur l’affirmation des principes de liberté religieuse tout en respectant l’organisation de l’entreprise : « Dès qu’un manager nous pose une question sur ce sujet, ça fait immédiatement l’objet de mails avec les RH. Les questions se posent et on y répond avec le règlement intérieur et ce qui y est prévu » (Responsable diversité entreprise industrielle). L’apprentissage devient collectif pour deux raisons principales. D’une part, il s’intègre et se combine, même de manière très incomplète, à l’expérimentation conduite par les managers de proximité. D’autre part, l’apprentissage des directeurs diversité ou RH se construit aussi dans les échanges avec les homologues d’autres entreprises au sein de réseaux. Le tableau 1 synthétise la manière dont les situations sont appréhendées aux différents niveaux opérationnel et central et leur incidence sur les principes et les pratiques. Ce tableau souligne la confrontation des deux niveaux concernés par la gestion de la diversité religieuse, qui ne Une institutionnalisation partielle Aucune entreprise rencontrée dans cette recherche n’est dans la phase « d’institutionnalisation » décrite par Crossan et al. (Ibid.), avec la mise en place de routines et de principes partagés dans l’entreprise. En revanche, nous pouvons avancer que quelques entreprises se sont engagées dans une « institutionnalisation modérée ou partielle », au sens où les directions (diversité ou RSE), commencent à construire des règles pouvant s’appliquer à la gestion du fait religieux. Il s’agit alors plutôt d’une réaffirmation de règles existantes face à ce thème émergent de la diversité. A l’occasion de réunions, certains principes ou règles sont alors rappelés. L’élaboration d’outils en interne tels que des guides, permet de proposer des réponses appropriées aux managers face aux revendications religieuses. « L’idée de ce guide est de donner quelques repères légaux, des délibérations de la Halde, des situations concrètes, et de dire quelle est la position à tenir » (Responsable diversité, distribution). Ces guides récapitulent par exemple les fêtes et coutumes des différentes religions, et proposent des situations concrètes dans lesquelles peuvent se retrouver les managers et les attitudes à adopter. Il s’agit alors de diffuser dans l’organisation des règles homogènes et claires pour que les managers puissent faire face aux différentes situations de gestion « On est dans une politique sur voilà ce qu’il faut faire et ne pas faire » (Responsable diversité entreprise agro-alimentaire). A notre sens, cette institutionnalisation reste cependant modérée puisque les entreprises considérées concentrent souvent ce genre d’actions à quelques niveaux ou services Tableau 1 Les deux niveaux de gestion du fait religieux Caractéristiques de la situation Niveau opérationnel : managers de proximité Niveau central : Directeurs de la diversité ou DRH Mission Produire des biens ou services Produire des règles transverses à l’organisation Objectif Opérationnel Stratégique Temporalité Court terme Moyen et long termes Appréhension de la situation de gestion du fait religieux Située, locale Globale, transverse à l’organisation Elaboration des principes (dans la gestion du fait religieux) Pragmatisme Recherche d’homogénéisation (par rapport aux principes existants ou dans la construction de nouveaux principes) Construction de pratiques (dans la gestion du fait religieux) Variabilité (cas par cas) Recherche de standardisation 44 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial de l’entreprise : « Il y a un bon guide édité par IMS sur ce sujet, que je voulais diffuser aux managers. Les RH n’ont pas été d’accord, pour ne pas créer un problème (…) Mais c’est quand même un débat avec les RH » (Responsable diversité industrielle). Comme le résume le schéma 1, cette recherche exploratoire permet d’identifier les deux niveaux impliqués, ainsi que le processus d’apprentissage initié dans les entreprises françaises étudiées. Ce schéma représente un idéal-type au sens de Weber, du processus d’apprentissage organisationnel. Il caractérise les traits essentiels et cohérents des phases et niveaux d’apprentissage de la gestion du fait religieux issus de notre étude terrain. Une réflexion peut être maintenant menée, partant de cet idéal-type, pour caractériser ce processus d’apprentissage mais aussi affiner son analyse. étude, et dans ce cadre, les règles sont modifiées à la marge, en conformité avec la loi (respect de la liberté religieuse) et les avis de la Halde. L’apprentissage serait qualifié de « double boucle » s’il permettait la mise en place de solutions appuyées sur de nouveaux schémas mentaux de référence. Sans atteindre ce modèle d’apprentissage, des interrogations, pointées par certains de nos répondants, pourraient bousculer l’ordre existant et être à l’origine d’un nouveau cadre de pensée. Ainsi, un « pilote diversité » nous déclare « on est avant tout dans une société laïque, même si c’est difficile et une entreprise n’est pas exempte de convictions » ou encore « on ne décrète pas de jours de congés religieux, même, si le calendrier est fortement inspiré de la religion catholique ». La question de la légitimité des règles existantes est posée même si leur socle est encore protégé. Un apprentissage « émergent » Discussion Nous considérons ainsi que le processus étudié (l’apprentissage de la manière de répondre à des revendications religieuses) correspond à un « apprentissage émergent » pour plusieurs raisons. Quel type d’apprentissage ? Un changement de pratiques ou une construction de nouveaux principes d’action Si les règles de gestion du fait religieux sont une simple adaptation de pratiques à un cadre de pensée existant, l’apprentissage est qualifié de « simple boucle ». Il aboutit à gérer un problème nouveau par ajustement des routines existantes, sans en changer le fondement, « les valeurs directrices ». (Argyris et Schön, 1974, 1978). Dans notre D’abord, l’apprentissage ne résulte pas de situations voulues par la direction mais imposées par un contexte importé de la société civile : « On a des salariés qui sont pratiquants, ont besoin d’aller vers nous, pour pouvoir respecter les devoirs de leur religion la religion fait irruption dans l’entreprise de manière très forte » (Responsable diversité entreprise agro-alimentaire). C’est pourquoi, « les DRH ont été surpris »8. Schéma 1 La gestion du fait religieux vue comme un processus d’apprentissage Phases repérées du processus d’apprentissage Phase 4 : Institutionnalisation Echanges et construction de repères Phase 3 : Intégration Phase 2 : Interprétation Phase 1 : Institution Formalisation des règles produites par les managers, combinées à des règles produites par la direction Compétences personnelles Accommodements managériaux & réflexions inter-directions Revendications localisées Apprentissage individuel Niveaux d’apprentissage Apprentissage organisitionnel Quel processus d’apprentissage de la gestion du fait religieux dans les entreprises françaises ? Ensuite, la Direction RH s’est trouvé « démunie » (selon plusieurs répondants), sans cadre de pensée de référence pour affronter la situation : « Les RH sont paumés par rapport à ces sujets, par rapport aux autres. C’est un peu comme une armée en route, sur les quatre autres thèmes, ils y vont comme un seul homme parce-qu’il le faut. Mais par rapport à la religion ou à l’orientation sexuelle, ils sont paumés » (Responsable RSE, banque). Enfin et surtout, les managers de proximité, confrontés à des situations inédites, ont bricolé et contribué à inventer des solutions aux problèmes nouveaux. Un focus sur eux est donc indispensable pour comprendre l’évolution du processus, comme d’autres recherches sur la gestion de la diversité ont pu le montrer (Roberson et Kulik, 2007). Développer le processus d’apprentissage jusqu’à l’apprentissage organisationnel aboutit à stabiliser certaines des règles construites par les managers de proximité et par les directeurs diversité et RH pour les étendre à l’organisation. Le processus d’apprentissage des situations pour agir est donc aussi processus pour construire, aménager, voire transformer les règles. Deux variables clefs dans l’apprentissage organisationnel L’apprentissage quant aux faits religieux en entreprise peut s’appuyer, comme nous l’avons précédemment souligné, sur un processus déjà avancé de la gestion d’autres types de diversités (handicap, sexuelle, âge…). Il peut être aussi facilité ou au contraire freiné par deux phénomènes identifiés lors de notre étude terrain. En effet, la question de la religion renvoie les entreprises aux frontières instituées entre les sphères privées et professionnelles. Elle interroge aussi les managers sur leur propre identité face au dévoilement de l’identité personnelle de leurs subordonnés. Au niveau organisationnel : la porosité vie privée – vie professionnelle Kreiner et al. (2006) identifient trois manières pour les salariés d’articuler identité au travail (ce qu’ils font) et identité personnelle (ce qu’ils sont). Ils peuvent choisir de les séparer, et ils n’auront alors pas de volonté d’exprimer leurs convictions religieuses de quelque manière que ce soit. Ils peuvent aussi tenter d’équilibrer ces deux facettes de leur identité ou même de les fusionner. D’autres sont, à cette occasion, renvoyés à leur système personnel dans le contexte du travail. Dans ces cas, les entreprises sont interrogées sur leurs propres frontières entre ce qui relève du privé ou de l’intime, et ce qui est professionnel. De la même manière qu’au niveau individuel, trois postures sont observées dans la littérature (Kirchmeyer, 1995), et peuvent dans le cas de notre recherche, entraver ou au contraire faciliter le processus d’apprentissage décrit dans le schéma 1 : 8. Titre d’un article du Nouveleconomiste.fr, paru en 2010 et cité précédemment. 45 – la « séparation » : l’organisation se tient alors à l’écart de la vie privée de ses salariés pour des motifs économiques, idéologiques, par carence de modèles ou par peur d’une réaction négative des salariés. L’apprentissage ne dépassera alors pas la phase d’intuition, et on entendra alors « La religion, c’est l’affaire privée des salariés, pas de l’entreprise » (un manager). Cette posture constitue alors une sorte de barrière à l’entrée empêchant tout processus de considération collective de la question religieuse dans la sphère professionnelle. Le processus se cantonnera alors à la phase d’intuition et d’interprétation au niveau uniquement des managers, qui doivent alors gérer (seuls) le refus de toute revendication religieuse. – l’« intégration » : à l’autre extrême, l’entreprise cherche alors à réduire la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle sur le modèle de l’employeur paternaliste. Le processus d’apprentissage sera alors facilité par la mise en place antérieure de pratiques permettant aux salariés d’affirmer leur identité personnelle sur leur lieu de travail. Cette posture risque de ne pas conduire à l’institutionnalisation de pratiques. La fusion entre professionnel et personnel apparaît alors si naturelle qu’elle ne requiert pas la mise en place de pratiques formelles et surtout homogènes au niveau de l’organisation. – le « respect » : l’entreprise est alors dans une posture intermédiaire. Ce cas est a priori le plus propice à la mise en place d’un processus d’apprentissage organisationnel. La question du fait religieux fait alors l’objet de réflexions spécifiques tant aux niveaux individuels que collectifs : « On a eu des négos l’année dernière. Moi je pilotais celle sur la négociation vie privée-vie professionnelle. Est sortie les autorisations spéciales d’absences pour fêtes religieuses » (responsable diversité entreprise de télécommunications). Rien ne garantit cependant que le processus aboutisse à l’institutionnalisation de pratiques. Cette posture a pour objectif de maintenir une frontière entre vie au travail et vie privée tout en reconnaissant le fait religieux et en tenant compte des contraintes personnelles des salariés dans la gestion des ressources humaines (par exemple, l’organisation des congés ou l’aménagement d’espaces de prière). On rencontre alors des discours du type : « Nous essayons systématiquement de trouver des solutions permettant aux salariés désireux de pratiquer leur religion, de le faire sur le lieu de travail » (un dirigeant). Les avancées dans le processus d’apprentissage organisationnel sont ainsi conditionnées par le positionnement préalable du curseur de séparation vie privée-professionnelle. Notre étude terrain nous permet de constater que plutôt que de remettre en cause cette frontière, les revendications religieuses vont au contraire renforcer les postures existantes. La diversité religieuse n’est ainsi jamais dans 46 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial notre recherche-terrain, le prétexte (de la part des managers, et contrairement à ce que certains salariés revendiquent) pour déplacer les frontières instituées préalablement entre privée et professionnel. cas, les stéréotypes sont occultés des échanges. Dans d’autres cas, ils sont caractérisés différemment ou viennent heurter le déni de certains managers, aboutissant à une incompréhension réciproque. La porosité organisationnelle entre professionnel-personnel n’est cependant pas le seul facteur facilitateur ou frein au processus d’apprentissage. Les stéréotypes sont en effet prégnants lorsqu’est évoquée la question religieuse en entreprise. Les stéréotypes représentent un enjeu majeur pour le management de la diversité. Il s’agit de changer les attitudes et les comportements managériaux, afin de réduire les attitudes négatives, stéréotypes et les préjudices contre les membres de différents groupes. « On ne stigmatise pas une communauté par rapport à une autre. On travaille sur les stéréotypes pour que les gens soient droits dans leurs bottes. On va faire prendre conscience que les gens sont discriminatoires, parce que c’est comme ça » (un responsable diversité dans les télécommunications). Mais changer les attitudes et réduire les stéréotypes est une entreprise de long-terme, dans la mesure où ils sont ancrés dans la culture et sont renforcés par la vie hors travail (Roberson et Kulik, Ibid.), comme le souligne un théologien dans un groupe de réflexion conduit sur ce sujet : « Beaucoup des questions qui apparaissent dans l’entreprise sont des sujets de société et ne peuvent être entièrement résolues par celle-ci. Il y a interaction perpétuelle entre société et entreprise ». L’entreprise ne peut ainsi seule faire évoluer les mentalités des individus. Qui plus est, le travail et/ou les formations centrés sur ces stéréotypes sont parfois difficiles face au caractère tabou de ce sujet, comme le souligne une consultante spécialisée dans le management de la diversité : « Dans l’organisation d’une table ronde sur le fait religieux avec des animateurs internes, les « gens se regardaient en chien de faïence ». A la pause, ils ont commencé à raconter « off » leurs histoires ». Enfin, ce processus de déconstruction des stéréotypes se heurte de plein fouet aux tendances à l’uniformisation et l’assimilation des individus (Sanders et Belghiti-Mahut, Ibid) et à la standardisation de la GRH (Barth et Mahieu, Ibid.). Au niveau individuel : le poids des stéréotypes Comme nous avons pu le souligner précédemment, les managers de proximité sont les acteurs clefs au début du processus. Ils sont les premiers à capter et à recevoir les revendications religieuses (phase 1 d’intuition) auxquelles ils doivent répondre dans la phase d’interprétation. C’est aussi par eux par que passe nécessairement la phase d’institutionnalisation des pratiques et/ou leur mise en œuvre. Cependant, ces managers sont porteurs de différents stéréotypes, définis comme « une croyance concernant les groupes sociaux » (Rudman et al., 2008 dans Landy, 2008). Ils peuvent alors associer des attributs à un groupe par exemple en matière de religion (Roberson et Kulik, Ibid.). Les musulmans sont ainsi parfois l’objet de stéréotypes négatifs (Ghumman et Jackson, 2010), notamment lorsque leur appartenance religieuse est rendue visible par le port d’un signe religieux, tel le voile islamique (Al Ariss et Özbilgin, Ibid.). Plus largement, tout croyant s’expose à des stéréotypes dès lors qu’il revendique sa religiosité, comme le soulignent les cas de demandes d’obtention d’un jour de congé pour le vendredi saint. Le salarié passera ainsi d’un statut de potentiellement discréditable au sens de Goffman (1963), dans la mesure où sa différence n’est pas immédiatement perceptible dans la vie courante, à celui de discrédité (en affichant son « stigmate »). Les organisations ont alors certes la possibilité de mettre en place des politiques pour prévenir l’influence ces stéréotypes. Mais force est de constater qu’ils existeront toujours dans la société et qu’il paraît difficile tant pour les managers que pour leurs collaborateurs de laisser leurs croyances sur le pas de la porte de leur entreprise (Landy, 2008), comme le confirme un responsable diversité d’une entreprise d’intérim : « Ca fait référence d’une part à l’intime, et d’autre part au subjectif. Ca renvoie aussi au débat public ». Ces stéréotypes jouent alors un rôle à deux niveaux du processus : – L ors de la phase d’intuition, les managers de proximité peuvent écarter d’emblée ou au contraire accepter directement les revendications de leurs salariés selon les stéréotypes positifs ou négatifs qu’ils peuvent avoir, consciemment ou pas, vis-à-vis des pratiquants de certaines religions. – L ors de la phase d’intégration, une rupture dans le processus d’apprentissage peut survenir. Dans certains Ces deux phénomènes remettent en cause, chacun à leur niveau le processus d’apprentissage. La porosité de l’organisation à la vie privée de ses salariés est du ressort des politiques de l’entreprise, elle peut être initiée sous l’impulsion de pratiques et d’exemples, et ainsi favoriser l’intégration du fait religieux dans l’organisation. La volonté de l’organisation peut en ce sens jouer en faveur de l’apprentissage décrit dans le schéma 1. Les stéréotypes sont plus ancrés dans l’intime et l’inconscient parfois de chaque salarié. Si l’entreprise peut engager le dialogue et la reconnaissance de ses stéréotypes, il s’agit aussi d’un processus individuel et parfois long de prise de conscience. Quelle évaluation de l’apprentissage ? Observations et perspectives de recherche Dans cette dernière partie de la discussion, nous nous intéressons à l’évaluation de l’Apprentissage Organisationnel (AO) pour questionner la pertinence des réponses apportées aux revendications religieuses et la faisabilité de leur mise 47 Quel processus d’apprentissage de la gestion du fait religieux dans les entreprises françaises ? en œuvre. Cette dimension de l’AO offre l’opportunité de perspectives de recherche, de travaux empiriques afin de développer et d’enrichir cette analyse. Le passage entre apprentissage individuel et apprentissage organisationnel s’effectue –ou non- quand l’organisation s’engage dans un processus social d’interactions (Ingham, 1994). L’entreprise construit alors de nouvelles connaissances et de nouveaux savoir faire qui lui sont utiles pour « élargir son répertoire de comportements » (Dodgson, 1993) afin d’agir dans la situation nouvelle créée par la nécessité de gestion du fait religieux. Pour autant, l’apprentissage organisationnel ne se produira que si les membres de l’organisation (et pas seulement des individus isolés) ont appris, c’est-à-dire ont fait évoluer leur comportement relatif à la gestion du fait religieux (cf. paragraphe précédent sur les stéréotypes). Cette observation ne présume pas de la nature des logiques ou de la typologie des comportements induits par l’AO. A titre d’exemples, en se fondant sur des logiques de laïcité ou de sécurité professionnelle ou encore d’acceptation, voire de valorisation de la différence, il peut s’agir d’accepter vs refuser des tenues religieuses, d’accorder vs d’interdire la prière sur le lieu de travail. Pour notre recherche, l’évaluation d’une démarche d’AO peut s’apprécier, dans une première approche, à la mesure des effets sur la gestion du fait religieux, telle que l’entreprise a souhaité la concevoir puis la mettre en œuvre. En effet, nous pointons que l’application du droit français en matière d’expression religieuse laisse aux organisations la latitude managériale de définir et d’opérationnaliser les modalités de gestion, comme celle d’y consacrer des ressources, humaines et financières, telles des équipes dédiées, des correspondants sur différents sites s’appliquant à rédiger une charte ou à équiper les salariés d’un « kit des bonnes pratiques » dans un cadre de référence idiosyncrasique. L’efficacité de l’AO pourrait ainsi se mesurer à l’adéquation des comportements induits par les nouvelles routines instaurées dans l’organisation ou encore à la réduction des conflits… pour autant que des indicateurs en autorisent le repérage. Dans un grand groupe français, considéré comme exemplaire en matière de diversité en France y compris celle religieuse, Barth et Mahieu (Ibid.) remarquent que « le déficit de capitalisation et de mutualisation des expériences concrètes de traitement de la diversité » conduites dans les différents établissements du groupe entraîne « des effets organisationnels […] limités et, en quelque sorte, en patchwork ». L’apprentissage organisationnel ne se serait donc pas produit. Ce constat incite à une seconde approche de l’évaluation de l’AO interrogeant le processus lui-même considéré processus de changement. Pour notre recherche, nous appréhendons le changement comme un cheminement dynamique visant à l’évolution des routines, fondées sur les savoirs et les connaissances relatifs au fait religieux et à sa gestion. Deux catégories d’obstacles peuvent gêner l’apprentissage. Le premier, relevé par Barth et Mahieu (Ibid.) se rapporte à l’inadaptation des mécanismes favorisant l’AO. En l’absence de vision systémique de l’AO, la responsabilité pourrait en incomber principalement à l’entreprise elle-même. Il s’agit, le plus souvent, d’une mise à l’écart d’acteurs qu’il conviendrait d’impliquer dans la démarche, ou d’un cadre et d’une organisation du travail, insuffisamment propices aux interactions sociales et cognitives. Alors, en l’absence d’échanges et de confrontations de points de vue, il devient impossible de construire une compréhension commune des enjeux, des représentations du phénomène et des possibilités d’action. Le second obstacle, corrélé au premier, pointe les résistances au changement, les « routines défensives » (Agryris et Schön, Ibid.) qui permettent de conserver le statu quo, c’est-à-dire, de continuer à agir selon ses croyances, en garantissant les avantages perçus dans cette situation. La responsabilité est alors partagée entre l’ensemble des acteurs. Selon Fray (2008), la mise en œuvre de la diversité suppose une responsabilisation individuelle et collective. S’il appartient à l’entreprise de « poser le cadre, donner les moyens » aux différents acteurs (ex. managers de proximité mais aussi salariés), il convient que ces acteurs s’impliquent à la fois dans « la prise de conscience [et dans] la mise en œuvre » des routines qui font évoluer la gestion du fait religieux. Cependant, cette démarche, qui conduit à repenser et à changer ses propres visions du monde, est bien la plus difficile, donc aussi la plus incertaine car elle déstabilise le socle des valeurs qui guident notre action. Dans cette approche, l’acteur perçoit davantage ce qu’il peut perdre (ex. nouvelle organisation du travail, changement d’équipe… à la suite de refonte du système de congés considérés comme facteurs de stress) que ce qu’il pourrait gagner à la mise en œuvre de nouvelles routines, fondant de nouvelles relations et de nouveaux comportements. Notons encore que la démarche d’AO peut aussi conduire à un apprentissage « superstitieux » (Moingeon, 1998), à des solutions inadaptées quand le problème est mal identifié, donc mal résolu. Or, les revendications religieuses, comme nombre de questions touchant à la diversité, affectent les domaines touchant à la vie en société, à la représentation de l’autre, soit à une dimension de subjectivité susceptible d’induire de l’incohérence, voire un manque de pertinence par rapport aux dispositifs et à la culture de l’organisation. Chez les salariés, qu’ils soient pratiquants ou non, les nouvelles routines peuvent alors être perçues comme des règles injustes, trop individualisantes (ex. : en accordant des congés supplémentaires pour fêtes religieuses sans compensation pour les non pratiquants versus en refusant d’accéder à ce type de revendications pour les pratiquants). Conclusion La mise en place de règles de gestion du fait religieux peut être considérée comme un processus d’apprentissage qui est le plus souvent initié par les questions auxquelles est 48 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial confronté le manager de proximité à propos de ce qui est acceptable ou pas (tenues, horaires, relations professionnelles notamment) et qui touche à l’organisation du travail et à la cohésion des salariés. L’apprentissage se poursuit et l’organisation peut s’en emparer, notamment par du formalisme, dès lors que le phénomène prend sens au niveau organisationnel. Les deux trajectoires d’apprentissage (celles des managers de proximité et des responsables diversité et/ou RH) peuvent conduire à de l’apprentissage organisationnel sous certaines conditions. D’abord, le savoir nouveau doit être identifié, visible et accepté au niveau « corporate » dans le cadre de la recherche que nous avons conduite. Ensuite, le nouveau savoir doit se révéler « potentiellement utile » à l’organisation, en lui offrant les possibilités pertinentes de décision et d’action (Huber, 1991). Alors, l’apprentissage organisationnel peut être rendu possible par la formalisation des nouveaux savoirs, leur encodage dans des routines, leur diffusion, leur appropriation par les autres acteurs de l’entreprise. C’est ainsi qu’il contribue à cheminer vers une nouvelle régulation dans l’entreprise. Toutefois, notre recherche souligne le défi que représente la gestion collective des faits religieux notamment pour les managers de la diversité. Il ne s’agit en effet pas de se cantonner à certains effets d’annonce (désignation d’un référent diversité, ajout d’une dimension dans le référentiel managérial, comme le soulignent Barth et Mahieu, Ibid.), mais de pousser à une réflexion collective sur la manière de traiter ces questions et d’y apporter des réponses homogènes. Si, notre recherche exploratoire permet de mettre en lumière un processus d’apprentissage émergent dans les grandes entreprises françaises face à une diversité religieuse de plus en plus affirmée, plusieurs limites peuvent être soulignées, notamment liées à la contextualisation de notre recherche. D’une part, les entreprises interrogées sont des grandes entreprises qui ont déjà mis en place des politiques consacrées aux autres types de diversités (sexe, âge, handicap…) et qui ont des moyens humains et financiers susceptibles de pouvoir se saisir de cette « nouvelle » thématique de la diversité. Le processus d’apprentissage identifié ici est certainement beaucoup moins avancé dans nombre de PME, pourtant tout autant confrontées à des revendications religieuses croissantes. Le caractère mondialisé des entreprises étudiées fournit également des repères aux responsables diversité ou RSE à travers les politiques mises en place dans d’autres pays (Etats Unis et Grande Bretagne essentiellement), afin de souligner le caractère de « non problème » de cette question de la diversité religieuse (tout en reconnaissant la spécificité française). D’autre part, nous avons essentiellement conduits dans cette recherche exploratoire des entretiens auprès de responsables diversité, RSE, RH. Ce choix nous a permis de cerner les étapes du processus d’apprentissage et ses niveaux. Les résultats restent cependant dans l’analyse du discours de ces responsables. Le prolongement naturel de cette première phase de cette recherche réside maintenant dans le recueil de données auprès de salariés des entreprises afin de cerner dans quelle mesure le phénomène d’apprentissage par rapport à la diversité religieuse est initié, et pourrait être qualifié d’apprentissage organisationnel. L’objectif est ainsi d’aller au-delà du discours pour interroger les faits. Bibliographie Al Ariss A.; Özbilgin M. (2010). «Understanding self-initiated expatriates: Career experiences of Lebanese self-initiated expatriates in France», Thunderbird International Business Review, Jul/Aug, Vol. 52, Issue 4, p. 275-285. Argyris C. (2000). Savoir pour agir, surmonter les obstacles à l’apprentissage organisationnel, Dunod. Argyris C.; Schön D. (1974). Theory in practice: increasing professional effectiveness, Jossey-Bass. Argyris C.; Schön D. (1978). Organizational learning : a theory of action perspective, Addison-Wesley,; Organizational learning II. Theory, method and practive, Addison-Wesley, 1995. Banon P.; Chanlat J-F. (2011). «Vers un management des ressources humaines durable et bienveillant ?», Actes du 22e Congrès de l’AGRH, Marrakech, Maroc, 26 au 28/11/2011. Barth I.; Mahieu C. (2011). «La fabrique de la diversité et de l’organisation», Humanisme et Entreprise, n° 305, p. 5 –20. 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Cette contribution est une réflexion sur l’émergence de cette notion de diversité comme principe de gestion dans les organisations à travers un inventaire des pratiques de gestion et leur analyse et au regard de la conception républicaine de l’égalité. Abstract For a decade businesses have been implementing diversity policies. The celebration of diversity has invaded every corporate sphere - developing the notion of diversity and the practices for dealing with it “French style” : Republican equality recognises diversity but while disregarding every difference (Renaut, 2009) and transforms it into a paradoxical stipulation – to value differences by not taking them into account. This contribution is a reflection on the emergence of this notion of diversity as a managerial principle in organisations. Keywords: diversity “French style”, diversity management practices, discrimination, equality, alienation, social justice Mots clés : diversité « à la française », pratiques de gestion de la diversité, discrimination, égalité, aliénation, justice sociale L e concept de diversité a pénétré la sphère organisationnelle depuis quelques années, faisant écho au concept de compétence, de capital humain et de talent. Depuis le traité d’Amsterdam et les Directives Européennes de 1999, un certain nombre de textes encadre la diversité en France. Du label diversité aux initiatives spontanées, les entreprises mettent en œuvre des pratiques de diversité. L’entreprise prendrait enfin, en compte le développement humain dans toute sa richesse. La célébration de la diversité envahit toutes les sphères sociétales en faisant évoluer la notion et les pratiques de gestion de la diversité « à la française » : L’égalité républicaine reconnaît la diversité mais par abstraction de toutes les différences (Renaut 2009) et se transforme en une injonction paradoxale, valoriser les différences et ne pas les prendre en compte. Comment les entreprises se saisissent-elles de cette injonction ? S’agit-il d’un simple effet de mode managériale, comme ont pu l’être les cercles qualité, les pratiques d’« incentive », les stages « hors limites », ou d’un changement profond qui va bouleverser les pratiques managériales, organisations et stratégies des entreprises ? Cette contribution est une réflexion sur l’émergence de cette notion de diversité comme principe de gestion dans les organisations. À cette fin, les principes stratégiques et Resumen Hace ya una década que las empresas aplican prácticas de diversidad. La celebración de la diversidad invade todas las esferas empresariales haciendo evolucionar el concepto y las prácticas de gestión de la diversidad « al modo francés » : La igualdad republicana reconoce la diversidad pero haciendo abstracción de todas las diferencias (Renaut, 2009) y se transforma en una conminación paradójica, revalorizar las diferencias y no tenerlas en cuenta. Esta contribución es una reflexión sobre la aparición de este concepto de diversidad como principio de gestión en las organizaciones. Palabras claves: diversidad « al modo francés », prácticas de gestión de la diversidad, discriminación, igualdad, alienación, justicia social juridiques de la diversité seront rappelés. Puis, les « bonnes pratiques » de gestion de la diversité en entreprise seront illustrées afin d’analyser les opportunités que ce nouveau paradigme offre aux entreprises. Enfin il s’agira de s’interroger sur le caractère aliénant de cette nouvelle idéologie. Les principes stratégiques et juridiques de la diversité La diversité s’est immiscée dans l’organisation, sous l’apanage d’un enjeu stratégique et juridique. Stratégie de la diversité La diversité est d’abord un enjeu économique : il existe déjà une pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs (BTP, services à la personne). Les entreprises doivent apprendre à élargir leur panel de recrutement et s’adresser à tous les viviers de compétences. La notion de diversité est donc salutaire pour leur survie. La liste de l’argumentaire des entreprises en faveur de la diversité est longue, comme le montre l’étude suivante. Exemple de pratique de gestion de la diversité à la française : réalité, opportunité et aliénation Selon la Communauté Européenne, la diversité est un enjeu économique dans la compétitivité mondiale. Des études ont démontré « que la création et la gestion de la diversité au sein de l’entreprise étaient génératrices d’avantages réels ». La mise en place de stratégies de gestion de cette diversité permet d’établir un lien entre les aspects internes et externes de l’activité d’une organisation. Les avantages retirés sont les suivants : – « La sélection, le recrutement et la fidélisation d’individus provenant d’un vivier plus large de « talents »; – L a réduction des coûts de rotation du personnel et d’absentéisme; – Une plus grande souplesse et réactivité du personnel; – Un meilleur engagement et moral du personnel; – U ne meilleure gestion de l’impact de la mondialisation et des bouleversements technologiques; – Une meilleure capacité de créativité et d’innovation; – Une meilleure connaissance des différentes cultures; – U ne meilleure compréhension des besoins des clients actuels; – U ne meilleure compréhension des besoins des nouveaux clients; – U ne assistance dans la mise au point de nouveaux produits, services et stratégies marketing; – L e renforcement de la réputation et de l’image de marque de l’entreprise auprès des acteurs externes; – L a création d’opportunités pour les groupes défavorisés, et donc la contribution à une meilleure cohésion sociale.1 » Le discours dominant des institutions européennes et de leur centre de recherche est que l’absence de diversité est pénalisante : sans effort massif pour encourager la diversité, l’uniformisation aura raison de la compétitivité de l’image et de l’attractivité des entreprises. D’ailleurs, les chercheurs sur la diversité rappellent que la communication sur la diversité permet de tirer des avantages commerciaux et sert la réputation de l’employeur (Hon et Brunner, 2000). Point (2010) analyse « la promotion d’une marque diversité » à travers les discours de l’entreprise sur son implication dans cette problématique, grâce à « l’amélioration des relations avec la communauté locale ou encore la création d’un véritable contrat social entre les salariés et les clients ». Consciente et sensible aux évolutions de son environnement, l’entreprise s’engage sur les trois piliers que sont l’économique, l’environnement et le social. Sa raison 1. http : //ec.europa.eu/employment_social/fdad/cms/stopdiscrimination/diversity_in_the_eu/diversity_business/benefitsofdiversity. html ?langid=fr 51 d’être est bien de croître et de créer de la richesse mais en cherchant à satisfaire ses actionnaires, ses dirigeants, ses employés et ses clients tout en respectant son environnement. En outre, elle s’engage à proposer à ses employés des conditions de travail stimulantes prenant en compte leurs aspirations individuelles et collectives, préservant leur identité et leurs différences dans le souhait de créer une communauté de travail harmonieuse. Le droit de la diversité Parallèlement à la montée de ce discours économico-stratégique, le législateur a développé un véritable arsenal juridique pour promouvoir et encadrer la diversité. La diversité est au croisement de deux préoccupations collectives : la reconnaissance dans l’espace public des identités culturelles religieuses ou nationales et de l’existence de discriminations qui atteint les membres de groupes et en particulier ceux qui relèvent des « minorités visibles » (Wieviorka, 2008). « La mise en œuvre, le déploiement des politiques de lutte contre les discriminations en France ont été marqués, ces dix dernières années, par des processus de redéfinition multiple, agissant notamment par extension, déplacement et euphémisation de leur action ». (Dotytcheva et al, 2007). En dix ans, selon Sénac (2010) il y a eu un déplacement de la problématique des discriminations, vers l’égalité des chances puis vers la diversité. « On assiste progressivement à la construction d’une politique publique de contribution à la construction d’une norme managériale, entre le secteur privé, les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. (…). La légitimation et le travail de diffusion par les pouvoirs publics du modèle de la gestion de la diversité, ont modelé la gestion même de la diversité et l’ont clairement adossée, comme au niveau européen, aux politiques de lutte contre les discriminations et d’égalité des chances qu’elle est censée compléter » (Van de Walle et al, 2008). En 1997, l’article 14 du traité d’Amsterdam oblige les pays de l’Union Européenne à se doter d’outils pour combattre les discriminations. Sous l’angle juridique, la diversité est abordée par le prisme des discriminations. Discriminer c’est distinguer, établir une différence entre des individus ou des choses. Une discrimination est une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé par la Loi, comme l’origine, le sexe, le handicap etc., dans un domaine visé par la Loi, comme l’emploi, le logement, l’éducation, etc. La Loi française liste une série de 18 critères ne devant pas influencer le recrutement, ni les décisions relatives à l’évolution, la sanction, le départ d’un collaborateur : l’origine, le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle, l’âge, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l’appartenance à une ethnie, l’appartenance à une nation, l’appartenance à une race, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutua- 52 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial listes, les convictions religieuses, l’apparence physique, le patronyme, l’état de santé, le handicap, l’état de grossesse. Rappelons que la Constitution de 1945 avait engendré des politiques de lutte contre les discriminations et le respect de l’égalité des droits dans toutes les sphères de la vie publique en prohibant la reconnaissance et la valorisation des différences individuelles ou communautaires. Depuis 1999, la Directive Européenne sur la diversité, mise en œuvre progressivement dans les différents états européens, a impulsé en France l’élaboration de nombreuses lois ou accords nationaux interprofessionnels. La législation a créé des catégories de diversité pour combattre les discriminations qui les touchent. Le droit français commence à reconnaître les différences communautaires ou d’identité individuelle qui n’avaient pas le droit de cité dans l’espace public afin d’assurer l’égalité, la fraternité et la liberté, bien qu’il soit difficile pour le législateur de distinguer les qualités qui sont discriminées parmi toutes les qualités d’un individu (Dubet, 2010). Ce principe est fondateur de l’universalisme « français »2. Seul l’individu s’intégrait et c’est à lui que la République était censée assurer l’égalité de droit (Marbot, 2010). Ainsi, le législateur, sous l’impulsion européenne, donne des armes différentes à l’entreprise pour qu’elle combatte des comportements (racistes, exclusifs, aliénants) que la République n’a pas su annihiler. Nous ne recensons que celles qui ont vu le jour au XXIe siècle : – 2 001 : transposition en droit français des Directives Européennes de 2000 et du Traité d’Amsterdam sur la diversité (L 122-45). Elle renforce le dispositif de lutte contre les discriminations au profit des salariés et aménage la charge de la preuve dans la procédure civile. La loi Génisson instaure l’obligation pour les entreprises sous peine de délit d’entrave de diffuser des indicateurs précis sur la situation des hommes et des femmes, de négocier l’égalité professionnelle et d’inclure ce thème dans les négociations sociales (L 2001-397). – 2 002 : la Loi de Modernisation Sociale condamne le harcèlement moral et comporte des dispositions prohibant la discrimination dans l’accès au logement (L 2002-73). – 2 004 : la HALDE (Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité) est créée. Ses missions sont d’accompagner les victimes de discrimination dans leurs parcours de justice, de favoriser le progrès des procédures et de sensibiliser la société française dans son ensemble. La charte de l’égalité des hommes et des femmes traite, notamment de la notion d’égalité professionnelle. de promouvoir leur maintien et leur retour à l’emploi est signé. Enfin, la Loi de programmation pour la cohésion sociale (Loi n°2005-32) comporte trois volets : mobilisation pour l’emploi, dispositions en faveur du logement, promotion de l’égalité des chances. – 2 006 : la Loi pour l’égalité des chances offre de nouveaux outils pour lutter contre les discriminations et promouvoir la diversité. La Loi légalise la pratique du « test de discriminations » comme moyen de preuve d’éventuelles discriminations. Cette dernière prévoit la mise en place du CV anonyme dans les entreprises de plus de 50 salariés selon des modalités d’application qui restent à fixer par le Conseil d’État. Elle demande au CSA de veiller à ce que la programmation des radios et télévisions reflète la diversité de la société française (Loi n°2006-396). La Loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes prône la suppression des écarts de rémunération, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et l’accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles. – 2 008 : une loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est votée (Loi n° 2008-496). Un décret porte sur les conditions dans lesquelles des associations de lutte contre les discriminations peuvent mener des actions en justice en faveur d’une victime d’une discrimination (Décret n° 2008-799). Enfin un décret crée le label en matière de promotion de la diversité et de prévention des discriminations dans le cadre de la gestion des ressources humaines et la mise en place d’une commission de labellisation. Ce décret crée un « label diversité « qui sera décerné aux entreprises, services publics, collectivités territoriales et associations promouvant la diversité (Décret n° 2008-1344). – E nfin, la LFSS 2008 pour 2009 (Loi de Financement de la Sécurité Sociale) contraint également les branches à négocier un accord senior avant le 1er janvier 2010. Si aucun accord de branche n’est négocié ou si aucun plan d’action senior n’est prévu avant cette date, les entreprises de plus de 50 salariés subiront une pénalité financière : 1 % de la masse salariale. – 2 005 : la Loi sur le handicap pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est promulguée. L’accord national interprofessionnel relatif à l’emploi des seniors en vue La diversité est donc devenue une obligation juridique mais aussi pour toutes entreprises, « stratégiquement bien pensantes », une obligation économique. Comment se traduit-elle concrètement ? 2. Déclaration des Droits de lHomme et du Citoyen du 26 août 1789, Art 6 : « Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admis- sibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » Exemple de pratique de gestion de la diversité à la française : réalité, opportunité et aliénation Identifications des « bonnes pratiques » de gestion de la diversité De ces grands principes stratégiques et juridiques découlent des principes de gestion de la diversité : « ils visent les changements d’attitudes et de comportements : promouvoir le respect et la tolérance et de sensibiliser aux différences possibles au regard du travail » (Bender, 2004). C’est à la gestion des ressources humaines et donc au management que revient la charge de mettre en œuvre ces principes. La diversité devient un levier de management pour prévenir, accroître la cohésion interne, attirer et fidéliser de nouveaux talents, développer la fierté d’appartenance et entretenir la motivation des salariés et donc leur performance. Selon Igalens et Sahraoui (2010) « le management de la diversité a pour but que chaque employé maximise son potentiel et sa contribution à l’entreprise » en valorisant les différences individuelles. Pour Bender (2004) les politiques de gestion de la diversité se fondent sur l’intégration de tous dans le but de servir la culture d’entreprise la satisfaction du personnel et la réalisation d’objectifs. La DRH insiste sur les principes de tolérance, d’égalité de traitement car ils apportent une meilleure cohésion sociale et favorisent la concertation interne (Joras et Souillard, 2010). Toujours, selon Bender (2004) toutes les politiques de gestion de la diversité sont guidées par deux grands principes : la satisfaction des différentes attentes de catégories de salariés et le principe d’inclusion (l’environnement de travail doit être adapté à tous les travailleurs). En 2008, le label diversité a permis de formaliser le consensus existant sur la diversité et de formaliser un référentiel des bonnes pratiques. Ces pratiques ont été recensées par types de fonction Ressources Humaines3 en les illustrant par des exemples d’entreprises qui ont toutes obtenues le label diversité. Les pratiques présentées sont celles relayées par les médias (ou autres leaders d’opinions). Ces données secondaires sont considérées comme emblématiques des bonnes pratiques de gestion de la diversité (Deloitte, 2010). Dans le cas d’une épistémologie interprétativiste, « Silverman (2000) souligne plusieurs fois que l’analyse de données est de manière décisive plus importante que la collecte de données elle-même, de telle sorte que, pour raccourcir ou faciliter cette phase, il encourage à travailler sur des données recueillies et traitées par d’autres chercheurs (analyse secondaire) ou trouvées dans la sphère publique (documents). » (Chabaud et Germain, 2006). Nous considérons de ce point de vue que les pratiques mises en valeur par le label diversité et la presse sont des données valides. Il ne s’agit pas de faire un inventaire à la Prévert des pratiques 3. Ignorant toutes celles concernent les parties prenantes et ne correspondant pas complètement au coeur de métier de la fonction RH. 4. Désormais Pôle Emploi. 5. www.accord.com 53 de GRH, d’autant plus qu’elles doivent être contingentes, mais de lister les « Best Practices » (meilleures pratiques), qui servent aujourd’hui de référence en matière de gestion dans l’objectif d’interroger les fondements qui sous-tendent ces choix de gestion des RH : Le recrutement Le changement le plus visible s’est opéré dans le processus de recrutement. Grâce à l’introduction de la gestion des compétences, les recruteurs développent leur vivier : aucune restriction n’est portée sur des critères de diversité. La fonction recrutement se focalise sur l’adéquation poste/ compétence et non poste/personne. Le service ressources humaines crée des descriptions de poste qui prennent à la fois en compte les compétences et l’expérience requises, écartant ainsi tous critères pouvant être discriminants. Mais plus largement grâce aux principes de diversité tout le processus de recrutement a été revisité en se basant sur les compétences de la personne. Par exemple la méthode développée par l’ANPE4, le recrutement par simulation (1995) permet de mettre la bonne personne à la bonne place et d’ouvrir sur des profils qui jusqu’alors étaient écartés d’office. Dans ces méthodes, les critères d’évaluation éliminent les dimensions personnelles et donnent ainsi une deuxième chance à un public jusqu’à présent exclu de l’entreprise. Enfin, les méthodes de recrutement de la diversité ont permis de faire prendre conscience aux entreprises que l’intégration était une étape à part entière du processus de recrutement, qu’elle pouvait être source de discrimination et même d’échec du recrutement. Les managers sont également impliqués dès la définition du poste jusqu’à la dernière étape du processus de recrutement, pour faciliter l’intégration de la nouvelle recrue. Ainsi, certains groupes, comme Accor5 ont adopté le CV anonyme. BNP Paribas6 met en place des procédures de recrutement permettant d’apprécier « les personnalités plus que les cursus ». En association avec un cabinet spécialisé dans la promotion de la diversité, les jeunes de banlieue sont formés pendant trois jours à passer des entretiens de recrutement. Lors de cette session de formation (ante recrutement), la banque, le métier de conseiller en patrimoine et le rapport annuel de la banque sont également présentés. Le résultat sur 2009-2010 n’est que de deux embauches de femmes sur 200 CV, ce qui équivaut chez BNP Paribas aux 2 % de « diversité », recrutés chaque année par le processus de recrutement classique7. 6. www.pourunmondequichange.com 7. Observatoire des métiers et des qualifications et de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la banque 54 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial La GPEC La loi de cohésion sociale (2005) a institutionnalisé les pratiques de gestion des compétences à l’intérieur de l’entreprise. Les décisions de mobilité et de gestion des carrières sont abordées dans la mesure du possible sous l’angle des compétences et non plus sur des critères subjectifs. Cette vision compétence a permis à une réflexion sur les métiers d’émerger. Ainsi, le concept de compétence ouvre l’accès pour certaines populations à des métiers dont elles étaient écartées. Elle encourage également à dépasser le débat désuet de l’orientation prédéterminée. Cette démarche compétence oblige les entreprises à effectuer une étude systématique des postes de travail pour adapter si besoin est, le poste à la personne. Pour ce faire, une réflexion ergonomique s’est introduite dans les pratiques de gestion de ressources humaines. L’organisation du travail, les aménagements des postes et les adaptations des horaires deviennent des leviers de la GRH afin de concilier vie professionnelle et vie privée dans le respect de la diversité. Auchan8 constitue ainsi un vivier de directrices. L’enseigne a constaté qu’elle manquait de candidates à des postes de directeurs de magasins (5 femmes directrices de magasins sur 116) alors qu’ils intéressent 4 % des femmes. Ces salariées n’osent pas exprimer leur souhait en sus d’éprouver de la difficulté à concilier vie familiale et vie privée. Une première promotion a été constituée pour les aider à définir un projet professionnel et les faire réfléchir à ce que l’entreprise doit mettre en œuvre afin de développer le nombre de femmes à la direction de l’entreprise. Dans cette même logique de gestion de la diversité, Thales9 a instauré des entretiens individuels dans les deux mois qui suivent le retour de ses salariées de congé de maternité afin d’évaluer les besoins éventuels de formation de celles-ci et de pouvoir répondre à l’ activité avec de bonnes perspectives professionnelles et un réajustement salarial est proposé si le congé a eu un impact défavorable sur la rémunération. La Gestion des carrières et l’Évaluation Les outils de la gestion des carrières deviennent transparents pour retenir les talents. La fonction RH effectue un travail considérable en amont sur les critères d’avancement et les indicateurs de promotion, désormais décorélés de toutes références à des critères personnels. Les fiches de poste sont ainsi diffusées à tous dans un souci d‘égalité et d’accès équitable aux postes vacants. La fonction RH transmet également ces principes à l’ensemble du management afin que l’évaluation s’inscrive dans une logique d’appréciation de la performance transparente et efficiente. Les Gentils Employés (GE), portant un prénom discriminant sont surreprésentés à la plonge. Cette discrimination cesse au bout de 20 ans d’ancienneté. Les GE ne portant pas de prénom discriminant évoluent avec l’ancienneté dans les services techniques. Mais le sexe et le prénom jouent un rôle également. Les hommes GE portant un prénom discriminant accèdent en moindre proportion à un contrat permanent, même avec de l’ancienneté. Face à ce constat, les professionnels RH du Club Méditerranée vont donc être sensibilisés pour qu’ils suscitent des mobilisations de la part des managers et des personnes « discriminées » et les salariés seront formés en interne aux risques de discrimination. La Formation Que tous, sans discrimination, accèdent à la formation devient une des préoccupations principales de la fonction. Des indicateurs sont créés pour vérifier que toutes les « catégories de personnes » sont représentées dans la formation. Des actions correctives sont envisagées pour les publics discriminés. Pour certaines catégories de personnel, des formations spécifiques peuvent être créées (femmes manager, tutorat..). Parallèlement les cadres sont formés au management de la diversité. Les salariés sont responsabilisés dans le choix de leur formation pour assumer pleinement cette diversité (Joras et Souillard, 2010). La formation à la non-discrimination permet également de renforcer une vision partagée. Ainsi, Senge (1991) identifie 5 strates qui permettent de passer d’une vision interindividuelle à une vision partagée dans l’entreprise apprenante : la construction d’une vision partagée, la recherche de la maîtrise personnelle, la remise en cause de schémas mentaux existants, l’utilisation de la pensée systémique et l’apprentissage en équipe. Selon Drummond Abdala et Chanlat (2010) la formation permet, au-delà de la construction de l’identité organisationnelle de renforcer la construction identitaire, de « discuter des différences entre les cultures et de mettre ainsi en place plus facilement des pratiques de transversalité des équipes ». SFR11 a mis en place un programme massif de formation à la non-discrimination et au management de la diversité en direction de ses 9 950 salariés. La Rémunération Par exemple, le Club Méditerranée10 a analysé les trajectoires de ses 26 000 salariés au regard de la discrimination. Dans cette même logique, afin d’éviter le turnover et pour maintenir la motivation des salariés et leur engagement dans l’entreprise, la mise en place de politiques de rémunération transparentes, liées avant tout à des critères objectifs, est essentielle. 8. www.groupe-auchan.com/ http : //newsletter.charte-diversite.com 10. www.clubmed-corporate.com.2009 9. http : //thalesis.cfecgc.free.fr/Siege/hezacc.pdf 11. www.sfr.com Exemple de pratique de gestion de la diversité à la française : réalité, opportunité et aliénation La fonction RH s’efforce alors de neutraliser les effets de la diversité (maternité, heures de délégation..) sur les augmentations salariales et met à disposition des managers des outils d’analyse et d’aide à la décision efficients et personnalisables, pour les aider à prendre les bonnes décisions, améliorer ainsi leur politique salariale et le pilotage de leur masse salariale. 20 % des bonus des dirigeants de Starwood dépendent d’objectifs concernant la diversité (Point et Singh, 2005) Le dialogue social Les partenaires sociaux sont sensibilisés à la gestion de la diversité et voient dans cet enjeu la possibilité de raviver les autres politiques sociales en intégrant la diversité dans leurs thèmes de négociation. Ce qui se traduit dans des entreprises par la signature de nombreux accords notamment sur l’égalité entre les hommes et les femmes, sur l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées, la charte de prévention des harcèlements. C’est ce que confirme le Directeur Diversité et Égalité des chances d’AREVA lors d’un colloque sur la Diversité12 : à la question qui lui est posée : « Comment négocier des politiques égalité/discrimination/diversité avec les partenaires sociaux ? », il répond « C’est un sujet sur lequel on ne peut être que d’accord ! ». Ce qu’approuvent les partenaires sociaux (CGT et CFECGC) présents à cet échange. Maintenance de la diversité Les entreprises se dotent d’outils car il leur revient de prouver qu’elles n’ont pas discriminé, la loi de 2001 inversant la charge de la preuve. Ainsi, la création d’une cellule de gestion de la diversité permet de regrouper divers instruments : – C réation de réseaux officiels de la diversité (femmes chez Michelin13). Ces réseaux permettent de nouer de fortes relations, de diffuser des valeurs, et de faire évoluer l’équilibre social (Thévenet, 1987). Un référent d’un réseau (formel ou informel) est souvent chargé d’impliquer toutes les parties prenantes. 55 – É valuation des actions conduites par des indicateurs ou par les intéressés au travers d’un baromètre social, qui s’en trouve « recrédibilisé ». Le bilan diversité de l’Oréal a été diffusé aux 67 000 salariés du Groupe. Il permet de constater que la diversification des sources a progressé, que 418 jeunes de moins de 26 ans issus de zones difficiles ont été accueillis en stages, en apprentissage en CDD ou CDI, que 38 % des femmes sont dans le comité de direction, que les écarts de salaires se sont réduits depuis 2004. Ce bilan est aussi à destination du grand public et des interlocuteurs de l’Oréal (Igalens et Sahraoui, 2010). – A ctions citoyennes. Par exemple, certaines entreprises vont dans les lycées montrer que certains métiers ne sont pas uniquement réservés aux femmes ! Ainsi le groupe Colas14 a réalisé plusieurs films sur le handicap, l’insertion et la présence des femmes dans des métiers très masculinisés. Avec la gestion de la diversité, l’entreprise se donne le plus de chance possible pour retenir les compétences et attirer les personnes, au-delà de toute catégorisation. C’est une véritable stratégie, fondée sur une rationalité économique éthique, qui permettra peut-être enfin de mettre en œuvre une véritable gestion des ressources humaines. Mais pour que ces pratiques, soient mises en place, il faut qu’il y ait un triptyque gagnant : salariés, clients, dirigeants. La coopération et la performance, entre et pour ces trois acteurs doivent donc être interrogées. Les modèles fondamentaux de gestion, le lien de subordination, le dialogue social, la performance économique humaine, sont-ils à revisiter à la lumière de la diversité ? La partie suivante tentera d’identifier les opportunités de la diversité. Les opportunités d’une diversité « à la française » Par le principe de diversité, l’entreprise prend donc en compte l’évolution sociétale et s’inscrit dans le courant de l’histoire. Elle essaye de devenir exemplaire et remplit sa fonction d’institution. Mais l’entreprise a-t-elle les moyens et la volonté de saisir les opportunités offertes par la diversité ? – S ensibilisation des parties prenantes (dont les dirigeants). Elles sont formées sur les stéréotypes, mais aussi sur la façon de fixer des objectifs non discriminants et de manager la diversité. Ainsi EDF a divulgué à ses managers et à ses RH un document interne de 35 pages pour donner des repères et les aider dans le traitement des questions religieuses (Angelini et Pignatel, 2010). La notion de diversité interroge, le vivre ensemble puisqu’elle questionne le rapport à la différence. Aristote15 explique que « la plus grande des injustices est de traiter également des choses inégales et la nature propre de 12. L’IAE Lyon a accueilli le 2 février 2012 un colloque interdisciplinaire sur les questions de la diversité, de la parité et de la discrimination dans les situations de travail, en partenariat avec l’AFMD et l’ANDRH. 14. Colas SA - « Communiquer en langue des signes ! » – Réalisé par Sébastien Glass. Colas a signé la chartre diversité mais n’a pas encore le label. http : //video.handicap.fr/index.php/show_video/358 13. Observations effectuées par les deux auteurs en 2010. 15. L’Ethique à Nicomaque est un ouvrage d’Aristote qui traite de l’éthique. Il est, avec l’Éthique à Eudème et la Grande Morale, l’un des trois principaux livres exposant la philosophie morale d’Aristote. La liberté et la justice sociale, conditions de la diversité ? 56 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial l’équité consiste à corriger la loi dans la mesure où celle-ci se montre insuffisante en raison de son caractère général ». Aristote réfléchissait à la « communauté16� » comme cadre de vie naturel dans lequel chacun peut s’accomplir. Le contrat assure la cohésion de cette communauté : il désigne l’effort collectif (con) pour mener à bien une action (trahere). L’idée de contrat suppose celle de mutualité et de solidarité pour mener à bien les actions structurant la société. Si l’on reprend ces raisonnements au niveau organisationnel, le salarié ne devrait pas se définir par ses caractéristiques d’appartenance sociale mais par le contrat qu’il passe avec les autres individus et l’organisation. Le questionnement du vivre ensemble, et donc de la coopération devrait pouvoir interroger le contrat de travail, la justice organisationnelle sous l’angle de l’égalité, et donc la liberté. La diversité repose sur une vision de l’égalité de traitement et de l’égalité des chances : les différences ne doivent pas devenir un facteur d’exclusion, mais un atout pour être traité comme un égal. Il semble donc impossible d’aborder la question de la diversité sans approfondir les fondements de l’entreprise et notamment le lien de subordination qui régit les rapports sociaux en entreprises. La diversité organisationnelle doit être envisagée en interrogeant le vivre ensemble et la justice dans l’entreprise. Les acteurs qui défendent la diversité doivent déterminer en premier lieu, le contrat social le plus adapté à la « restauration », de l’égalité entre les salariés. D’autant plus que l’entreprise n’est pas une démocratie et le contrat qui la transcende n’est pas social mais économique. Il se traduit par un lien de subordination. Et ce contrat, par définition soumet la liberté de l’un au « bon vouloir » de l’autre. Qui osera ouvrir cette boîte de pandore pour répondre à l’injonction d’égalité dans l’altérité, essence de la diversité ? De la Loi à la soft Low, une obligation de consensus social En matière de diversité, pour l’entreprise, il s’agit d’abord de respecter et d’appliquer la Loi. Et ainsi, de se prémunir d’une perte de réputation. Face au flot législatif produit, nous pouvons alors nous interroger sur l’efficacité de ces textes. La dynamique des relations entre l’État, les employeurs et les salariés (également citoyens) exerce une influence certaine sur le niveau de diversité en organisation. D’abord parce qu’elle pèse sur la définition ou la révision des règles et politiques institutionnelles. Ensuite parce qu’elle agit sur la légitimité accordée à ces règles par les différents acteurs. Or la performance d’une règle dépend de son acceptabilité 16. Dans le sens de société. par les acteurs et de son interprétation. Lorsque le consensus est fort, les règles sont parfaitement appliquées. Au travers de la logique d’acteur, ce ne sont pas la qualité des mesures et leur efficacité qui sont évaluées, mais le degré de consensus qu’elles recèlent. Ainsi, l’entreprise peut être le lieu ou les acteurs construisent ce consensus, grâce à leur proximité. La législation en faveur de la lutte contre les discriminations a mis en exergue la force juridique de la charte. La « soft Low » a pour but d’amorcer le dialogue social au niveau local et de créer un consensus organisationnel fort. Ainsi, le label diversité incite à un partage de diagnostic et à une concertation avec les partenaires sociaux. Parallèlement, en 2010, 149 accords ont été signés sur l’égalité professionnelle entre homme et femme, ce qui place ce thème en quatrième position du dialogue social en France (Ministere du Travail, 2011). Une opportunité s’ouvre : la protection du bien commun ne serait plus seulement une responsabilité de l’État mais de tous et donc également des organisations, lieux dans lesquels, elle s’élabore et se concrétise. Gérer les différences individuelles et assurer l’équité collective L’objectif d’un service RH d’une entreprise est de disposer à tout moment des ressources nécessaires aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif pour satisfaire ses objectifs de développement. Intégrer la diversité, c’est gérer la richesse d’une communauté humaine forte de l’inter générationnel de l’inter genres, de tous les styles de pensée... C’est disposer sur le marché de l’emploi de ressources correspondant aux besoins en compétences sans a priori subjectifs. C’est construire des équipes plurielles dont la différence enrichit les points de vue et les idées innovantes au profit de l’entreprise. Cet équilibre précieux est la garantie du pacte social. En effet, la diversité questionne en premier lieu : soi et l’autre. L’altérité doit donc être à la base du compromis social. « Dans l’existence, Platon l’a souligné, les réalités sont des mélanges, des mix de Même et d’Autre. C’est pourquoi elles peuvent être déterminées et appartenir, comme déterminations distinctes, complémentaires, à un même système dans lequel l’unité englobe la différence sans s’y perdre ». L’altérité est un témoignage de compréhension de la particularité de chacun, hors normalisation, individuelle ou collective. Le paradigme de la diversité, donnerait pour missions à la GRH, de réaliser l’alchimie entre le droit des individus d’être soi et différents, mais égal à l’autre. En choisissant de gérer la diversité, l’organisation répond concrètement aux questions philosophiques millénaires telles que : la place du travail dans le développement de l’homme, le rapport entre l’individuel et le collectif, l’unicité, l’altérité et l’universel, la coopération malgré Exemple de pratique de gestion de la diversité à la française : réalité, opportunité et aliénation 57 les différences individuelles, etc. Ainsi aujourd’hui, l’entreprise est ouverte a tous (jeunes, femmes, vieux, handicapés, noirs, etc..) et ce, à tous les niveaux hiérarchiques. Et pour n’importe quelle fonction. « Réussir avec tous17 », insérer socialement et professionnellement tous les individus fonde un nouvel ordre du travail. La gestion de la diversité rend possible le dépassement du modèle constitutif de la République Française, de la recherche de l’égalité par l’abstraction de toutes les différences, en s’autorisant à valoriser les multiples facettes de nos identités. pas avoir les attributs de la diversité que recherchent les entreprises pour leur performance. Parallèlement certaines qualités vont être affectées à des types de populations au détriment d’autres catégories, dont les normes de performances organisationnelles seront moindres. Selon Laufer (2001), « les femmes et les hommes n’occupent pas généralement les mêmes emplois, les emplois à ‘majorité féminine’ sont globalement moins qualifiés, moins valorisés, moins rémunérés que les ‘emplois masculins’, plus souvent à temps partiel et n’offrant pas les mêmes carrières ». Et pourtant ce nouveau modèle de gestion attendu tarde à venir. Les nouvelles pratiques ne constitueraient-elles qu’un vernis et un alibi pour les Services de Communication des Grands Groupes du CAC 40 ? La gestion de la diversité ne servirait-elle pas fondamentalement les transformations sociales promises ? Ne serait-elle qu’un nouvel opium sociétal ? La diversité renforce la logique organisationnelle dominante et ne soutient que ceux qui contribuent à la performance économique de l’entreprise. La diversité est le nouveau paradigme de la performance maximale. L’entreprise valorise et reconnaît les performances individuelles d’individus divers à performance normée. D’ailleurs des différences de traitement sont acceptées par la Loi. L’ART 1133-1 du code du travail « ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ». Même les chartes, au nom de l’éthique de la diversité, mettent à distance les valeurs républicaines en faisant, de la performance, l’indicateur « objectif et universel » de ce qui est juste. Or pour que la diversité individuelle ou organisationnelle, émerge il serait souhaitable de ne pas juger, hiérarchiser et exclure selon l’unique norme de la performance. La diversité : l’opium des parties prenantes ? Selon Vateville (2010) : « l’engagement en faveur de la diversité présente un fort contenu idéologique et coïncide avec le moment libéral vécu par notre pays entre 1983 et 2008. » Michaels l’explique par le fait que : « La diversité, c’est ce qui remplace l’égalité dans les sociétés néolibérales. Et plus les inégalités se creusent, plus ces sociétés ont intérêt à promouvoir la diversité ». La dimension idéologique de la diversité peut être décortiquée selon l’analyse marxiste : • La diversité est hallucinogène : elle propose l’entreprise comme un paradis artificiel. « Contrairement à l’approche par l’égalité, qui raisonnait en termes de régulations entre groupes, la diversité relève de la philosophie libérale, individualiste et méritocratique » (Bender, 2004). Derrière ce paradis artificiel, des changements de système apparaissent : l’individu est privilégié au détriment du groupe et la performance individuelle devient la pierre angulaire de l’organisation qui intègre la diversité. La Charte de la Diversité en entreprise, lancée fin 2004 par Claude Bébéar et Yazid Sabeg18, est un texte d’engagement proposé à la signature de toute entreprise, qui définit la gestion de la diversité comme « Une approche centrée sur l’individu, de reconnaissance et de valorisation des différences individuelles, comme atouts pour la performance de l’entreprise ». La diversité est source de performance (Cox, 1993; Dass et Parker, 1999; Rosenzweig, 1998). Considérer que la performance est le moteur et l’objectif de la diversité, implique d’exclure ceux qui ne rentrent pas dans la norme de cette performance. Certaines personnes ne vont peut-être 17. Guide réalisé par la préfecture de la Seine Saint Denis (Deloitte, 2010) En outre, le postulat de performance et de créativité des équipes diverses est un postulat qui n’a jamais été démontré (Barth, 2007). Les leviers de l’instauration de la diversité en entreprise relèvent davantage d’une croyance. N’est-ce pas pour cette raison que la diversité est bien mieux intégrée dans le discours que dans les faits ? À partir d’un diagnostic des discours théoriques sur la performance des politiques de diversité, Robert-Demontrond et Joyeau (2010) apportent la réserve suivante : « Il parait actuellement compte tenu du trop faible nombre de recherches effectuées, peu raisonnables de vouloir identifier la part contributive de la diversité dans la performance économique des entreprises, quand on sait la complexité des facteurs qui concourent à cette performance. » La diversité n’est acceptée en entreprise qu’à travers le prisme de la performance. Ce prisme de la performance comporte un biais : « seule l’inégalité d’accès au marché est perçue comme une injustice, tandis que les inégalités produites par les marchés eux-mêmes, sont-elles considérées comme tout à fait acceptables, voire méritées » (Michaels, 2009). C’est la nouvelle approche, nommée « business Case » (Barth, 2007). • La diversité est dormitive : elle endort les consciences en les installant dans un système de valeurs décrétées. 18. Respectivement l’un est Président du Conseil de Surveillance du groupe AXA et Président de l’Institut Montaigne et l’autre est Commissaire à la diversité et à l’égalité des chances auprès du Premier Ministre. 58 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial En dehors de la diversité point de salut. Ce dogme entrave toutes autres lectures de l’altérité. « Les politiques de management de la diversité impliquent également la création d’un respect mutuel et d’inclusion » (Point, Charles-Fontaine et Berthélémé, 2010). La diversité semble donc être à la fois les moyens et la finalité de toutes politiques ressources humaines des entreprises, ce qui permet de ne plus se questionner sur la légitimité de l’organisation et de ses modes de management. L’injonction de diversité en RH serait « révélatrice d’une conviction forte : celle selon laquelle la reconnaissance des valeurs de la diversité, non seulement serait devenue politiquement correcte, mais ferait désormais partie intégrante de ce que l’opinion publique estimerait non négociable au point d’y voir une condition nécessaire de légitimité et de réussite pour les organismes privés ou publics appelés à gérer des ressources humaines » (Renaut, 2009). Par exemple, un comité de réflexion a été créé pour savoir si le principe de diversité ne devait pas être introduit dans le préambule de la Constitution pour lui donner une valeur constitutionnelle. Ce groupe de réflexion a conclu que le cadre constitutionnel qui prohibe la reconnaissance et la valorisation des différences individuelles ou communautaires pour assurer l’égalité de droit permet de combattre les inégalités actuelles. Ce groupe de sages rappelle que la gestion de la diversité est un des paradigmes de réduction des inégalités, mais qu’il en existe d’autres. • La diversité est anémiante : elle produit des consensus, la lutte contre les discriminations a remplacé la lutte contre les inégalités. « Les discriminations sont toujours une pathologie de la distance sociale et de l’absence de mixité sociale » (Mutabizi et Pierre, 2010). La discrimination est devenue l’explication principale de toutes les inégalités et difficultés rencontrées par les individus. La diversité est un cache-misère des inégalités sociales. D’un point de vue historique, la notion de diversité a émergé avec la notion de minorité identifiée après la seconde guerre mondiale aux États-Unis. En France, le nouveau paradigme des différences est apparu dans les années quatre-vingt dans toutes les sphères sociales en remplaçant le paradigme des inégalités sociales et économiques. La notion de diversité a pu naître à travers l’aggravation des inégalités, l’augmentation des exclusions et l’émergence des nouvelles revendications identitaires et culturelles (femmes, gays et lesbiennes, black, beurs….) pour contrer ces inégalités. La diversité a l’avantage pour les entreprises de ne pas aborder la question de l’inégalité sociale. Le sujet permet donc d’éluder les rapports de pouvoir et les questions de régulation collective. Selon Vateville (2010) la diversité est un moyen de gérer l’inégalité. Ainsi dans la société, les décideurs déplacent le problème des classes sociales et le nient, pour le remplacer par celui de critères identitaires. Sur le 19. Interview de Walter Benn Michaels dans Marianne, n°728, 2 au 8 avril 2011 plan économique, l’identité telle que définit par la diversité, conduit à repenser « les différences : matérielles qui existent entre les gens (« j’ai plus que toi, tu as moins que moi, tant pis pour toi ») comme des différences de culture (« J’ai la mienne, tu as la tienne et tout le monde est content »). Alors que le problème posé est l’inégalité, la solution proposée est l’identité…. Pendant ce temps l’idée d’une redistribution des richesses devient quasi impensable19 » Si les déterminants des inégalités ne sont plus traités, en sus un phénomène de victimisation individuelle s’amorce. L’entreprise est déresponsabilisée des inégalités économiques produites alors que l’individu est sur-responsabilisé : la diversité performante est l’affaire de tous et particulièrement de soi-même. En s’inspirant de Dubet (2010), plus le cadre de la diversité est prégnant moins les salariés peuvent se consoler en attribuant leurs échecs à d’autres facteurs qu’à eux-mêmes : « pour que les vainqueurs ne doivent leurs succès qu’à eux-mêmes, il faut bien que les vaincus ne s’en prennent qu’a eux-mêmes ». • La diversité est hallucinante : elle confisque l’identité des comportements au travail et les soumet à l’arbitraire des dirigeants. Les tableaux de bords constituent la seule méthode permettant de rendre compte de l’efficacité des pratiques mises en place. Ceux-ci présentent un risque de réduire l’être humain à 18 critères et de nier la complexité de la diversité humaine. Même si Point et Singh (2005), recensent une trentaine de dimensions inhérentes à la notion même de diversité, définir l’individu selon un critère, et le faire rentrer dans une case figée, c’est contester le concept d’évolution de l’individu et celui de résilience. Au regard des autres, les critères de diversité enferment dans des rôles. C’est nier l’humanité, qui réside en chaque individu (Mutabazi et Pierre, 2010). Ces critères renforcent également les penchants taxinomistes mais réducteurs et aveuglants de la pensée humaine. La diversité devient la seule différence acceptée. Si les 18 critères sont devenus des facteurs identitaires de discussion sans tabou, ils renforcent les stéréotypes et ne permettent pas d’évoquer les faces obscures de la différence ou d’assumer les appartenances multiples des identités. Or, « partout se fait sentir la nécessité d’une réflexion sereine et globale sur la meilleure manière d’apprivoiser la bête identitaire » (Maalouf, 1998). Les pratiques de diversité organisationnelle éradiquent la complexité de la question identitaire. Elle renoue avec le concept « d’universalisme à la française » : les 18 critères de la diversité deviennent des critères identitaires. Enfin si la vocation première de la Charte était d’amorcer le dialogue social, elle a en fait renforcé le pouvoir discrétionnaire des dirigeants (Castel, 2007), avec le consentement des partenaires sociaux. Le législateur met en exergue les « soft Low », règles autoproduites dans les 59 Exemple de pratique de gestion de la diversité à la française : réalité, opportunité et aliénation entreprises qui s’intègrent dans des lois qui n’ont pas de caractère obligatoire et contraignant (Bodet et Lamarche, 2007). Ces pratiques volontaires ne relèvent plus de l’intérêt commun, ni donc d’une logique protectrice et égalitaire. La charte ne contraint en rien les signataires à respecter leurs engagements. La lutte contre les discriminations dépend de la bonne volonté des dirigeants. Au-delà de la pertinence des mots marxistes, cette critique a l’intérêt de proposer un cadre d’analyse qui convient à la fois à l’échelle de l’individu, de l’entreprise, de la nation et du monde. La globalisation de l’économie, a structuré tant notre système de pensée que nos comportements, via les entreprises. Le concept de diversité a permis l’abandon de la lutte collective pour l’égalité et la justice sociale à travers le contrat social au profit de l’ « épanouissement » humain, via un contrat individuel. Pour conclure, le républicanisme à la française, dans sa constitution voulait faire abstraction des différences pour intégrer toute la variété des profils humains, individuels ou collectifs. Ce principe n’a pas évité les exclusions de celles ou ceux, qui ne correspondent pas à la « norme standard dominante ». Pour lutter contre la domination de l’homo-economicus (homme blanc, 25/40 ans, occidental…) prototype crée par l’entreprise taylorienne, des mesures correctives ont été mises en place, en se fondant sur le principe de diversité. Mais la diversité est une construction économique et sociale. « Le rapport à la différence est une construction qui s’applique dans un contexte particulier. Et les différences se ressentent par rapport à une référence sociale historique, culturelle, géographique économique » (Haas et Shiomada, 2010). La référence Française de la construction de la diversité s’appuie sur les concepts économiques néolibéraux. Aujourd’hui, les pratiques de gestion de la diversité « à la française » valorisent les différences individuelles tout en assurant à chacun une égalité de traitement sans prise en compte de leurs différences. Les pratiques de GRH, décrites dans la partie 2, valorisent la diversité de chacun tout en assurant l’égalité de tous et en neutralisant les effets de la diversité (congés maternité, parentaux, heures de délégation, etc..). Ce principe est aussi flou que paradoxal. Pour dépasser ce paradoxe, l’organisation a associé diversité et performance. Or, la performance est intrinsèquement liée aux normes, à la compétition et donc à l’exclusion. C’est parce que l’entreprise a exclu, que la diversité est devenue une nécessité. Mais cette nécessité d’ouverture à l’autre, via la diversité, s’enferme sous le joug de la norme de performance économique libérale. Sous couvert de diversité, l’entreprise n’exclut plus les mêmes. Les questions d’égalité de traitement, de sécurité de la vie au travail, de conditions d’adaptation du travail à l’homme, s’effacent au profit des préoccupations majeures de la diversité : l’implémentation de l’individualisme, la valorisation quantitative de caractéristiques qualitatives et la mise en concurrence des individus dans un collectif. Certes, l’entreprise affiche aujourd’hui, une certaine diversité. Mais le processus amorcé n’est-il pas voué à l’échec, tant que les acteurs ne se confronteront pas à la question préalable de l’égalité et de la justice sociale et que la diversité devra être comptabilisée, normée et évaluée à travers le prisme de la doctrine gestionnaire ? Il reste aujourd’hui à repenser les notions d’entreprise, de contrat social, de performance et de productivité avec diversité. Bibliographie Angelini C, Pignatel I (2010) « La responsabilité sociale d’Entreprises, un accélérateur de la prise en compte du genre », Revue Management et Avenir, n°38, octobre. Barth I, (2007). « La face cachée du management de la diversité. Effet de mode ? Recherche de légitimité ? Discours ? », Communication AGRH. Bender A-F, (2004). « Egalité professionnelle ou gestion de la diversité. Quels enjeux pour l’égalité des chances » Revue française de gestion, /4 – n° 151. Bodet C, Lamarche T, (2007). « La responsabilité sociale des entreprises comme innovation institutionnelle. 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Bien que l’appartenance syndicale dans les pays d’Europe du Nord est souvent expliquée par les avantages matériels auxquels elle ouvre droit, elle réduit davantage l’âgisme dans ces pays que dans les autres pays d’Europe. Abstract If the weight of trade unions is an important contextual variable in terms of diversity management, the impact of union membership itself is less known. Based on the 2008-2009 ESS survey requested by the European Commission and conducted among 48,141 people in 25 European countries, this study aims to assess the negative impact of union membership on ageism towards the elderly. Although union membership in the countries of Northern Europe is often explained by the material benefits which it opens up, it further reduces ageism in these countries compared to other European countries. Resumen El peso de los sindicatos es una variable contextual importante en términos de gestión de la diversidad. Con base en la encuesta ESS 2008-2009 llevada a cabo entre 48.141 individuos repartidos en 25 países europeos, este estudio tiene como objetivo evaluar el impacto negativo de la afiliación sindical en la discriminación por edad hacia las personas mayores. Aunque la afiliación sindical en los países del norte de Europa se explica a menudo por los beneficios materiales a los que ella da derecho, también reduce aún más la discriminación por edad en estos países, comparado con otros países europeos Keywords: ageism, diversity, unionization, aging Palabras claves: discriminación por edad, diversidad, sindicalización, envejecimiento Mots clés : âgisme, diversité, syndicalisation, vieillissement L ’Europe constitue un terrain d’observation pertinent pour une analyse comparée des cultures de la diversité (Barmeyer et Chanlat, 2004; Davel et al., 2008). Bien qu’il soit possible de parler d’un modèle social européen caractérisé par des droits minimaux, une protection sociale universelle, un dialogue social et des services publics (Vaughan-Whitehead, 2005), il existe des contextes nationaux très différents : certains États ayant retenu l’option libérale accordent moins d’importance aux politiques sociales et au dialogue social; d’autres pays se caractérisent soit par l’importance de la régulation étatique soit par la force de l’action syndicale. Esping-Andersen (1999) a mis en place une typologie des États européens en fonction des modes de régulation, de développement du bien-être et de la protection sociale. Il distingue le régime libéral des pays de langue anglaise comme le Royaume-Uni fondé sur la centralité du marché, le modèle nordique fondé sur la recherche du bien commun des contemporains et des générations futures, le modèle bismarckien typique de la France et de l’Allemagne fondé sur les assurances publiques ou sociales obligatoires et le modèle familialiste fondé sur les solidarités familiales qui caractérise les autres pays d’Europe méditerranéenne. D’autres études utilisent une typologie similaire en s’appuyant sur les modes de coordination du marché, distinguant les systèmes marchands fondés sur le libre-jeu du marché, les systèmes corporatistes typiques des pays du Nord et fondés sur une bonne coordination des acteurs économiques et les systèmes de relations industrielles à fort degré d’implication de l’État (Ebbinghaus et Manow, 2001). Dans la continuité de ces études, Edlund et Grönlund (2008) ont mis en évidence une variable contextuelle, le rôle des syndicats, afin de distinguer les différents environnements européens. Les auteurs observent que les taux de syndicalisation sont élevés dans les pays d’économie libérale et nordiques et faibles dans les pays continentaux, méditerranéens et transitionnels. S’inscrivant dans la continuité de l’étude menée par Edlund et Grönlund (2008) sur la variété des modèles syndicaux en Europe, notre étude se place au niveau individuel de l’appartenance syndicale et vise à mieux comprendre l’incidence de la syndicalisation sur les émotions et représentations négatives envers les séniors. En Europe, la question de l’emploi des séniors est le fruit de deux dynamiques qui sont souvent l’objet d’une confusion. D’un côté, l’objectif est celui d’une augmentation du taux d’emploi des séniors qui, selon le sommet de Stockholm de 2001, devait atteindre 50 % pour les 55-64 ans en 2010. Cette orientation a une visée essentiellement 62 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial économique liée à la question du financement des retraites et au coût que représentent les retraites anticipées ou le chômage des quinquagénaires et sexagénaires. Elle est l’objet d’une régulation étatique dans les différents pays. D’un autre côté, l’objectif est une lutte anti-discriminatoire qui trouve sa source dans l’article 13 du traité d’Amsterdam et la directive emploi (2000/78) du Conseil de l’Union Européenne. Cette seconde orientation s’appuie davantage sur l’action des syndicats; elle ouvre la voie vers une lutte contre l’âgisme menée aux niveaux européen, national et local et intéresse pour cette raison notre étude. Résultant des travaux de Butler (1978), de Traxler (1980) et de Palmore (1999), l’âgisme peut être défini comme un processus à la fois cognitif et affectif contre ou en faveur d’un groupe d’âge. En nous appuyant sur des données recueillies lors de l’enquête ESS 2008-2009 sollicitée par la Commission européenne et l’European Science Foundation et menée auprès de 48 141 individus répartis dans 25 pays européens, nous dégageons des résultats inédits sur le lien entre appartenance syndicale et âgisme. Après une revue de littérature sur les notions d’âgisme et de vieillissement et une présentation de la problématique du lien entre appartenance syndicale et âgisme, nous abordons les aspects méthodologiques et les résultats de l’enquête ESS et proposons un modèle d’analyse explicatif. Les résultats font apparaître un lien négatif entre l’appartenance syndicale et l’âgisme, lien qui est renforcé dans les pays dans lesquels les taux de syndicalisation sont élevés. La notion d’âgisme Le terme d’âgisme est généralement attribué à Butler (1978) qui le définit comme un désordre psychosocial caractérisé par des préjugés, des stéréotypes et un évitement des personnes plus âgées. Traxler (1980) considère l’âgisme comme une assignation des rôles sociaux sur la seule base de l’âge et montre que l’âgisme n’est pas toujours négatif mais peut être positif. Palmore (1999) introduit la dimension affective en intégrant une analyse des sentiments en faveur et en défaveur d’un groupe d’âge. Ainsi, l’étude de l’âgisme permet d’aller au-delà des comportements discriminatoires visibles et quantifiables pour envisager les idées, émotions, sentiments relatifs aux différents âges de la vie (Fraboni et al., 1990; Nussbaum et al., 2005; Rupp et al., 2005). Selon Johnson et Neumark (1997), si l’âgisme était réduit à une analyse des pratiques discriminatoires, il serait plus difficile de l’évaluer, tant les discriminations peuvent être liées à d’autres causes que l’âgisme. Les études managériales ont cependant montré que les pratiques discriminatoires sont en lien avec les stéréotypes liés à l’âge (Rosen et Jerdee, 1976; Cleveland et Shore, 1992; Chiu et al., 2001). Parce que les salariés âgés sont jugés plus rigides à l’égard du changement organisationnel, les employeurs leur offrent moins de chances d’améliorer leur performance et leur promotion (Rosen et Jerdee, 1988). Dans une étude internationale, Chiu et al. (2001) affirment que les salariés âgés sont moins concernés par les politiques de formation, promotion et rétention. Les travaux académiques ont tenté de dégager différents critères de mesure de l’âgisme. Tuckman et Lorge (1953) ont bâti une échelle de mesure portant sur les préjugés à l’encontre des séniors. Les préjugés sont évalués à partir d’expressions antipathiques, révélant des fausses conceptions, des informations erronées ou des mythes. Fraboni et al. (1990) se sont intéressés aux préjugés suivants : manque d’ouverture vis-à-vis de personnes plus jeunes, enfermement dans le passé et tendance à se plaindre. Ils ont également mis en valeur une autre dimension, la discrimination. Enfin, Rupp et al. (2005) ont mis en exergue le rôle de la dimension affective dans l’analyse de l’âgisme. C’est à la lumière de ces trois composantes de l’âgisme, les préjugés (Tuckman et Lorge, 1953), les sentiments (Rupp et al., 2005) et la discrimination (Fraboni et al., 1990) que les données de l’enquête ESS seront analysées. La distinction entre vieillissement et âgisme Se distinguant du processus biologique, psychologique et social du vieillissement (Kanfer et Ackerman, 2004), l’âgisme est dénoncé dans de nombreux travaux. L’altération des fonctions cognitives (Greller et Simpson, 1999; Segrave, 2001) comme le déclin de la motivation (Kanfer et Ackerman, 2004; Gordon et Arvey, 2004; Rabl, 2010) reposeraient sur des préjugés erronés. Il est vrai que les capacités de traitement de l’information, en particulier la vitesse de traitement (Salthouse, 1996), peuvent diminuer avec l’âge (Ilmarinen, 2006). Mais l’expérience permet de développer des capacités mentales complexes (Baltes et Smith, 1990; Greller et Simpson, 1999; Ilmarinen, 2006) qui peuvent être exploitées notamment dans les activités prospectives et les décisions de changement de l’organisation. La théorie du déclin de la motivation est également contestée (Kanfer et Ackerman, 2004). Des études anglosaxonnes ont montré que le désir d’acquérir de nouvelles compétences n’est pas moins fort avec l’âge (De Lange et al., 2010). Des études européennes ont également décrit la démotivation des salariés âgés comme une image injustifiée (Rabl, 2010). De façon générale, les travaux académiques s’accordent sur l’idée que les difficultés d’adaptation des séniors résultent le plus souvent de dysfonctionnements organisationnels. Les situations de surcharge de travail, le manque de reconnaissance des savoirs et expertises ainsi que l’insuffisance de formation continue sont à l’origine d’une fragilisation des liens tissés entre des salariés d’âges différents (Levy et Banaji, 2002; Snape et Redman, 2003; Bytheway, 2005; Rabl, 2010). 63 Appartenance syndicale et âgisme : approche comparée en Europe La syndicalisation à l’échelle de l’Europe L’intégration professionnelle des séniors est plus ou moins forte selon les pays européens pour des raisons en partie liées au rôle joué par les syndicats. Les meilleures performances obtenues en Europe du Nord en matière d’emploi des séniors s’expliquent par les stratégies optées durant ces dernières décennies. Alors que l’Europe continentale a choisi d’indemniser la sortie anticipée des salariés âgés, la Suède, la Norvège et le Danemark ont privilégié le développement de politiques actives de l’emploi en vue de réhabiliter les salariés âgés particulièrement vulnérables. Le succès des pays nordiques met en évidence l’absence totale de contradiction entre la quantité et la qualité de l’emploi : le maintien en emploi des séniors a été favorisé par l’amélioration de la qualité de l’emploi rendue possible par l’extension de la formation, par l’amélioration des conditions de travail des séniors et par la promotion de la mobilité horizontale en fin de carrière. La Suède est souvent montrée en exemple, dans la mesure où elle a accompagné sa réforme des retraites d’un ensemble de mesures, non coercitives, visant à rendre le travail plus attractif pour les séniors et à proposer des formules de cumul emploi - retraite dans le cadre de la promotion du temps choisi. La Finlande est parvenue à s’extraire de la culture de la sortie précoce grâce à une politique volontariste visant la formation des séniors, l’amélioration des conditions de travail et une communication positive à l’égard des séniors auprès des chefs d’entreprise, des responsables de ressources humaines et de l’encadrement. Le plan national finlandais se reflétait dans le mode d’ordre adopté : « L’expérience est une richesse nationale ». Ces différentes stratégies nordiques d’insertion professionnelle des séniors ont reposé sur un axe commun, celui de l’inclusion des partenaires sociaux et de l’importance de la négociation collective. Le rôle ainsi joué par les syndicats invite à une considération des taux de syndicalisation par pays. Edlund et Grönlud (2008) distinguent les pays dans lesquels la protection de l’emploi relève de la responsabilité de l’État qui agit unilatéralement à travers la législation et les pays dans lesquels la régulation émane principalement de la négociation collective. Selon ce critère, les auteurs précités distinguent cinq groupes de pays : le régime libéral, le régime nordique, le régime continental, le régime méditerranéen et les pays du groupe transitionnel. Les taux de syndicalisation sont élevés dans les régimes libéraux et très élevés dans les pays nordiques, avoisinant 70 % de la force de travail. Les syndicats jouent un rôle important au niveau national mais aussi au niveau des entreprises, dans lesquelles ils participent au processus de décision stratégique. Dans le régime continental que les auteurs opposent au régime nordique, les accords collectifs jouent un moindre rôle. L’accent est davantage mis sur les droits individuels qui sont protégés par la loi. Les conventions collectives ne laissent pas toujours la possibilité d’une renégociation au sein de l’entreprise en fonction des besoins spécifiques de celle-ci (Wallerstein et al., 1997). Surtout, dans ces pays, le taux de syndicalisation est très faible, en décalage avec le champ d’application étendu des conventions collectives. Edlund et Grönlud (2008) rapprochent le groupe méditerranéen du groupe continental, les pays méditerranéens accordant un rôle important à l’État et faible aux syndicats (Molina Romo, 2006). Le groupe transitionnel est également opposé aux pays d’Europe du Nord, dans la mesure où le taux de syndicalisation y est faible. Ces États ont connu une chute des taux de syndicalisation dans les années quatre-vingts mais aussi quatre-vingt-dix en raison de la diminution des salaires et des prestations sociales et de la montée du chômage (Vaughan-Whitehead, 2005). Si le classement des pays par taux de syndicalisation est relativement stable, l’écart entre le pays le plus syndiqué et le pays le moins syndiqué se creuse (Waddington, 2005). Problématique de l’étude Que l’appartenance syndicale puisse jouer un rôle important en matière de diversité peut sembler douteux dans le contexte européen. D’une part, la syndicalisation recule dans bon nombre de pays. La hausse du chômage, la réticence des employeurs au syndicalisme mais aussi les insuffisances internes des syndicats, dont les pratiques sont parfois trop formelles et déconnectées de la réalité de l’entreprise, sont les principales explications de la baisse des taux de syndicalisation. S’ajoutent d’autres raisons qui sont l’importance des rapports conflictuels entretenus par les syndicats et l’importance qu’ils accordent parfois euxmêmes à la loi plutôt qu’à la négociation collective. D’autre part, si dans les pays du groupe nordique, le taux de syndicalisation est supérieur à la moyenne européenne, ce serait simplement parce que, dans ces pays, les syndicats jouissent de règles qui incitent les salariés à se syndiquer : adhésion automatique dans les entreprises couvertes par une convention collective, pouvoir des syndicats d’administrer les prestations de chômage et autres prestations sociales… Inversement, si dans les autres pays, les taux de syndicalisation sont faibles, ce serait parce que les taux de couverture des conventions collectives sont élevés (Wolff, 2008). Se sentant protégés et n’ayant pas d’intérêt économique à se syndiquer, les salariés auraient moins besoin de s’impliquer personnellement dans l’action syndicale. En d’autres termes, dans certains pays, la syndicalisation ne serait forte que parce qu’elle ouvre la voie à des avantages matériels (mutuelle, indemnisation du chômage…), alors que l’affiliation à un syndicat reposerait sur les convictions dans les autres pays. De ce point de vue, l’appartenance syndicale ne serait pas un critère pertinent d’évaluation du rôle des syndicats en matière de diversité. Seul le pouvoir des syndicats de conclure des conventions collectives constituerait un critère pertinent. Il ne fait aucun doute que les négociations collectives conclues par les syndicats aient effectivement une incidence positive sur le pouvoir des salariés (Edlund et Grönlud, 2008), sur la flexibilité du travail et sur l’évolution 64 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial des compétences (Dobbin et Boychuk, 1999). Selon Edlund et Grönlud (2008), le poids des syndicats a une influence sur les choix en matière de protection de l’emploi et d’organisation du travail. Ils peuvent agir à l’occasion des négociations en faveur de l’amélioration des conditions de travail, de la sécurité de l’emploi à long terme et de la formation des séniors. Si les syndicats ont incontestablement un pouvoir de négociation en matière d’intégration des séniors, nous n’écartons cependant pas que l’appartenance syndicale en elle-même puisse réduire l’âgisme envers les individus âgés. En effet, certaines études portant sur le niveau individuel (Wilson et al., 1982) ont montré qu’il n’était pas toujours aisé de mesurer l’action des syndicats sur les processus décisionnels au sein des entreprises, leur rôle ne pouvant pas être réduit au pouvoir de négociation dont ils disposent. L’appartenance syndicale serait également efficace comme figure de sensibilisation, dans la mesure où elle engage personnellement les individus. Ce ne serait donc pas seulement l’action collective des syndicats mais aussi le partage de valeurs et les sensibilités communes des adhérents qui auraient une incidence sur les perceptions et les comportements en matière de diversité. La question qui se pose est de savoir dans quelle mesure le fait d’être adhérent à un syndicat influence l’âgisme contre les personnes âgées. Cette étude envisage donc sous l’angle des perceptions individuelles le lien entre l’appartenance syndicale et les trois composantes précitées de l’âgisme – préjugés, sentiments et discrimination – ainsi que l’incidence des variables sociodémographiques et contextuelles – genre, âge et groupe de pays – sur ce lien. Échantillon et mesures Les informations requises pour évaluer l’âgisme proviennent de la base de données constituée à l’occasion de la quatrième vague de l’European Social Survey (ESS)1. Réalisée tous les deux ans depuis 2002 auprès d’environ 40 000 individus, l’ESS est un programme de production d’une enquête comparative européenne destinée à mesurer les comportements, les attitudes et les croyances des citoyens des pays membres de l’Union européenne (mais aussi de quelques pays non membres) sur un ensemble de thèmes socio-politiques. Ce programme a été développé à l’initiative de l’European Science Foundation (ESF) qui l’a inscrit parmi ses actions prioritaires depuis 2001. Certains thèmes socio-politiques sont permanents, intégrés au questionnaire à chaque vague d’enquête. Il en va ainsi de la « confiance dans le gouvernement, les hommes politiques et autres institutions », des « valeurs morales, politiques et sociales », ou encore du « bien-être, santé et 1. Belgique, Bulgarie, Suisse, Chypre, République tchèque, Allemagne, Danemark, Estonie, Espagne, Finlande, France, RoyaumeUni, Grèce, Croatie, Hongrie, Israël, Lettonie, Pays-Bas, Norvège, sécurité ». D’autres thèmes sont rotatifs. C’est précisément le cas de la « perception des groupes d’âge » qui figure exclusivement dans la quatrième vague réalisée en 2008 et qui contient des questions sur les composantes cognitives et affectives de l’âgisme.Les questions envisagées pour les besoins de notre étude concernent les stéréotypes, les sentiments ainsi que les volontés de discrimination à l’encontre des personnes âgées. La population retenue se limite aux cinq groupes de pays élaborés par Edlund et Grönlund (2008), à savoir le groupe d’économie libérale (Royaume-Uni), le groupe nordique (Suède, Danemark, Finlande et Norvège), le groupe continental (Allemagne, Suisse, Belgique et Pays-Bas), le groupe méditerranéen (France, Espagne, Portugal et Grèce) et le groupe transitionnel (Hongrie, République Tchèque, Slovaquie, Pologne, Slovénie et Estonie). Par ailleurs, cette étude portant sur le rôle de l’appartenance syndicale, nous limitons l’analyse à la population active relevant de la tranche d’âge 18-65 ans ayant répondu à la question de l’appartenance syndicale et du genre. Aussi, l’échantillon représente au final 28 080 TABLEAU 1 Caractéristiques de l’échantillon nombre fréquence Groupe continental 5 332 23,40 % Groupe transitionnel 5 269 23,12 % Groupe nordique 4 616 20,26 % Groupe méditerranéen 6 217 27,29 % Groupe d’économie libérale 1 351 5,93 % Hommes 10 774 47,29 % Femmes 12 011 52,71 % De 18 à 29 ans (inclus) 5 739 25,19 % De 30 à 45 ans (inclus) 8 629 37,87 % De 46 à 65 ans (inclus) 8 417 36,94 % 22 785 100 % Groupes de pays Genre Âge Effectif Source : ESS 2008 (calculé par les auteurs) Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Suède, Slovénie, Slovaquie, Turquie, Ukraine. 65 Appartenance syndicale et âgisme : approche comparée en Europe individus dont les caractéristiques par groupe de pays, genre et classe d’âge sont présentées dans le tableau 1. On retrouve dans l’enquête ESS les trois composantes précitées de l’âgisme : préjugés, attitudes affectives et volonté discriminante. Pour obtenir des réponses tranchées et non ambigües, l’enquête se réfère aux idées et émotions contre une population d’âge extrême, les plus de 70 ans, et non contre les séniors souvent envisagés dans la littérature comme les plus de 50 ans (Perry et al., 2003). La mesure des préjugés à l’encontre des personnes âgées est évaluée en fonction des seuils d’âge à partir desquels ces derniers sont perçus comme âgés (V1), en fonction de l’opinion sur la contribution aux modes de vie (V2) et à l’économie (V3) des personnes de plus de 70 ans. La mesure des attitudes affectives résulte d’une analyse du caractère positif ou négatif des sentiments inspirés par les personnes de plus de 70 ans (V4). Enfin, la mesure de la discrimination s’appuie sur une analyse de la volonté d’avoir un comportement non discriminant (V5) et/ou d’être vu comme ayant un comportement non discriminant (V6). Nous nous sommes appuyés sur le test de Fisher (F) qui établit le rapport entre la variance « inter-groupes » qui mesure les différences entre les catégories de la variable explicative étudiée (par exemple, Homme/Femme pour le genre), et la variance « intra-groupes » qui mesure les différences à l’intérieur de chaque catégorie (par exemple, degré d’homogénéité des opinions des hommes). Si la valeur F est supérieure au seuil de la table de Fisher, l’estimation est considérée comme très significative (à 1 %), significative (à 5 %) ou peu significative (à 10 %). Résultats Le lien négatif entre appartenance syndicale et âgisme est vérifié (voir tableau 2). Nous observons que les préjugés des membres d’un syndicat à l’encontre des individus âgés sont moindres. La population syndiquée fixe l’âge à partir duquel les individus deviennent âgés à un seuil plus élevé (59,15 ans au lieu de 55,37 ans). Elle partage une vision plus positive de la contribution aux modes de vie et de la contribution économique des personnes de plus de 70 ans. Concernant les attitudes affectives, le sentiment à l’égard des personnes âgées est en moyenne sensiblement plus positif chez la population syndiquée. Enfin, concernant la discrimination, les individus syndiqués sont plus attachés à ne pas avoir de comportements discriminants à l’égard des personnes des autres groupes d’âge et à être perçus comme tels. TABLEAU 2 Lien entre l’appartenance à un syndicat et l’âgisme V1 V2 V3 V4 L’âge auquel les gens commencent à être considérés comme âgés L’influence des plus de 70 ans sur les habitudes et modes de vie La contribution des plus de 70 ans à l’économie Le sentiment à l’égard des personnes âgées de plus de 70 ans V5 V6 La volonté d’avoir La volonté d’être un comportement perçu comme ayant non discriminant un comportement à l’égard des non discriminant personnes des à l’égard des autres groupes personnes d’autres d’âge groupes d’âge Echelle de 1 Echelle de 1 Echelle de 1 (très négative) (très négative) Echelle de 1 (pas (très faible) à à 11 (très à 11 (très du tout) à 10 (très) 11 (très forte) positive) positive) Modalités de réponse Ouverte numérique Moyenne 56,41 8,01 5,27 8,50 8,76 8,41 Répondants syndiqués 59,15 8,21 5,48 8,76 9,16 8,75 Répondants non syndiqués 55,37 7,93 5,20 8,40 8,61 8,28 Ecart des moyennes* +3,78 +0,28 +0,28 +0,36 +0,55 +0,47 Test de Fisher p=0.01*** p=0.01*** p=0.01*** p=0.01*** p=0.01*** p=0.01*** * L’écart des moyennes se calcule en faisant la différence entre l’opinion moyenne des syndiqués et celle des non syndiqués. Un écart positif signifie que l’âgisme des syndiqués est moins élevé que l’âgisme des non syndiqués.) Echelle de 1 (pas du tout) à 10 (très) 66 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial TABLEAU 3 L’incidence des trois variables sur le lien entre l’appartenance syndicale et l’âgisme Homme Genre Femme 18-29 ans Âge 30-45 ans 46-65 ans continental transitionnel Groupe de pays nordique méditerranéen d’économie libérale V1 V2 V3 V4 V5 V6 L’âge auquel les gens commencent à être considérés comme âgés L’influence des plus de 70 ans sur les habitudes et modes de vie La contribution des plus de 70 ans à l’économie Le sentiment à l’égard des personnes âgées de plus de 70 ans La volonté d’avoir un comportement non discriminant à l’égard des personnes des autres groupes d’âge La volonté d’être perçu comme ayant un comportement non discriminant à l’égard des personnes d’autres groupes d’âge Modalités de réponse Ouverte numérique Echelle de 1 (très négative) à 11 (très positive) Echelle de 1 (très faible) à 11 (très forte) Echelle de 1 (très négative) à 11 (très positive) Echelle de 1 (pas du tout) à 10 (très) Echelle de 1 (pas du tout) à 10 (très) Moyenne 56,41 8,01 5,27 8,50 8,76 8,41 Ecart des moy. +3,71 +0,24 +0,29 +0,33 +0,48 +0,40 Test de Fisher F=77,96 p=0.01*** F=38,73 p=0.01*** F=38,55 p=0.01*** F=80,87 p=0.01*** F=81,87 p=0.01*** F=48,86 p=0.01*** Ecart des moy. +4,05 +0,32 +0,28 +0,40 +0,66 +0,58 Test de Fisher F=83,28 p=0.01*** F=74,00 p=0.01*** F=38,89 p=0.01*** F=133,87 p=0.01*** F=185,27 p=0.01*** F=127,96 p=0.01*** Ecart des moy. +3,11 +0,33 +0,11 +0,3 +0,32 +0,28 Test de Fisher F=17,78 p=0.01*** F=21,99 p=0.01*** F=1,80 p=17.57 F=19,07 p=0.01*** F=12,03 p=0.07*** F=8,55 p=0.36*** Ecart des moy. +4,09 +0,21 +0,2 +0,26 +0,57 +0,55 Test de Fisher F=69,96 p=0.01*** F=25,77 p=0.01*** F=14,60 p=0.02*** F=42,24 p=0.01*** F=99,58 p=0.01*** F=78,56 p=0.01*** Ecart des moy. +2,76 +0,25 +0,14 +0,38 +0,61 +0,49 Test de Fisher F=30,69 p=0.01*** F=36,44 p=0.01*** F=7,50 p=0.62*** F=102,05 p=0.01*** F=117,54 p=0.01*** F=69,04 p=0.01*** Ecart des moy. +0,61 -0,17 +0,10 -0,09 -0,16 -0,16 Test de Fisher F=1,33 p=24.71 F=11,26 p=0.10*** F=2,35 p=12.09 F=3,68 p=5.21* F=4,50 p=3.20** F=3,66 p=5.25* Ecart des moy. +0,19 +0,09 -0,06 +0,16 +0,19 +0,18 Test de Fisher F=0,04 p=81.83 F=1,32 p=24.97 F=0,49 p=49.15 F=4,14 p=3.95** F=2,68 p=9.74* F=2,47 p=11.14 Ecart des moy. +2,51 +0,17 +0,31 +0,23 +0,32 +0,30 Test de Fisher F=28,52 p=0.01*** F=10,18 p=0.16*** F=20,16 p=0.01*** F=23,38 p=0.01*** F=26,65 p=0.01*** F=16,20 p=0.01*** Ecart des moy. +1,27 +0,25 -0,04 +0,26 +0,45 +0,20 Test de Fisher F=1,33 p=24.77 F=9,06 p=0.28*** F=0,12 p=72.26 F=11,00 p=0.11*** F=16,94 p=0.01*** F=3,50 p=5.82* Ecart des moy. +3,09 +0,25 +0,13 +0,31 +0,71 +0,90 Test de Fisher F=11,47 p=0.09*** F=4,62 p=3.01** F=1,11 p=29.27 F=9,10 p=0.28*** F=24,07 p=0.01*** F=25,69 p=0.01*** (L’écart des moyennes se calcule en faisant la différence entre l’opinion moyenne des syndiqués et celle des non syndiqués. Un écart positif signifie que l’âgisme des syndiqués est moins élevé que l’âgisme des non syndiqués) Appartenance syndicale et âgisme : approche comparée en Europe Concernant l’incidence du genre sur le lien négatif entre appartenance syndicale et âgisme, l’enquête révèle que le fait d’être une femme accroît ce lien. Si l’écart entre l’opinion des syndiqués et celle des non syndiqués reste très significatif (p=0.01) dans les strates masculine ou féminine (voir tableau 3), il est plus important au sein de cette dernière (valeur F supérieure pour toutes les variables). Concernant l’incidence de l’âge, le phénomène de réduction de l’âgisme lié à la syndicalisation est plus important pour les séniors (46-65 ans), mais aussi pour les tranches d’âge intermédiaire (30-45 ans) que pour la population jeune en activité (18-30 ans). Enfin, l’analyse comparée par groupe de pays révèle que le lien négatif entre appartenance syndicale et âgisme est plus important dans les pays d’Europe du Nord que dans les autres groupes de pays. Discussion Cette étude montre que l’appartenance syndicale en ellemême joue un rôle dans la lutte contre l’âgisme, en particulier pour les femmes, les moins jeunes et dans les pays du groupe nordique. L’incidence du genre sur le rôle de l’appartenance syndicale en matière d’âgisme était prévisible. Selon Fabroni et al. (1990), Gordon et Arvey (2004) et Kite et al. (2005), les femmes ont des taux d’âgisme moindre que les hommes. De plus, si la syndicalisation des femmes est en constante augmentation, elle demeure moins élevée que chez les hommes (Silvera, 2009). Moins souvent syndiquées et généralement plus positives à l’égard des séniors, les femmes seraient particulièrement sensibles aux effets d’ouverture générés par une appartenance syndicale. L’incidence de l’âge sur le rôle de l’appartenance syndicale en matière d’âgisme va dans le sens des travaux de Gordon et Arvey (2004), Kite et al. (2005) et Rupp et al. (2005) qui avaient déjà constaté que plus les individus sont jeunes, plus les scores d’âgisme sont élevés à l’encontre des séniors. Notre étude met en évidence que la démarche consistant à appartenir à un syndicat diminue l’âgisme envers une catégorie d’âge éloignée de la sienne. Il est surprenant en revanche que dans les pays du groupe nordique, le lien négatif entre appartenance syndicale et âgisme soit renforcé. Certes, à l’échelle nationale, ces pays bénéficient de meilleures performances en termes d’emploi (Eurostat, 2010) et de mesures visant à rendre le travail plus attractif pour les séniors (Delteil et Redor, 2005). Mais à partir du moment où l’appartenance syndicale dans ces pays repose plus souvent sur une visée matérielle (mutuelle, indemnisation du chômage…), on aurait pu penser qu’à l’échelle individuelle son impact sur l’âgisme serait moindre que dans les pays où la syndicalisation moins massive prend sa force dans les seules convictions des individus adhérents. Cela montre que dans les pays nordiques, l’appartenance syndicale ne repose pas seulement sur des visées matérielles (bien que celles-ci soient réelles et aisément objectivables), mais aussi et sur- 67 tout sur des convictions et des sensibilités, notamment dans les domaines de la diversité. Comment expliquer que l’incidence de l’appartenance syndicale sur la lutte contre l’âgisme est renforcée par le phénomène de syndicalisation massive ? Dans les contextes à fort taux de syndicalisation, même si l’appartenance syndicale ne résulte pas toujours d’un choix libre, les personnes syndiquées ont la possibilité de jouer un rôle plus opérationnel, pouvant plus aisément renégocier les accords au sein de l’entreprise en fonction des besoins spécifiques de celle-ci (Wallerstein et al., 1997), avoir une influence sur les processus stratégiques et décisionnels (Wilson et al., 1982) et se libérer de la stricte application des conventions collectives négociées en amont de l’entreprise (Edlund et Grönlund, 2008). Ainsi, notre étude révèle que lorsque le rôle opérationnel des personnes syndiquées est plus important, leur engagement personnel est également plus fort. Dans les pays d’Europe du Nord, la problématique de la diversité est davantage basée sur la lutte contre les discriminations (Davel et al., 2008), alors que dans les pays méditerranéens, l’application équitable des règles légales et des conventions collectives en matière de diversité est première : si la protection issue des conventions collectives a le mérite de concerner une très large tranche de la population, il se peut que le niveau d’exigences et d’engagement dans la dénonciation au quotidien des discriminations soit plus élevé dans les pays nordiques, facilitant le développement d’un management de la diversité. Notre étude suggère donc que les taux de syndicalisation élevés participent à une dynamique de lutte contre les discriminations qui, sans pour autant conduire à des politiques d’ « affirmative action » souvent critiquées (Calvès, 2004; Weil, 2005; Kellough, 2006; Schnapper, 2007), ne se suffit pas du principe de l’égalité des chances. En d’autres termes, le contexte de forte syndicalisation favorise l’engagement de chacun au service de l’intégration des séniors. La transformation des mentalités et des comportements qui en résulte est certes moins visible que les règles légales ou les conventions collectives, mais il se peut qu’elle soit plus efficace pour faciliter l’adhésion de l’ensemble du personnel à des pratiques de diversité ayant pour objet la formation et la promotion des séniors. Il ne s’agit ni d’une égalité sans diversité qui risque de se contenter d’une interprétation minimaliste des droits, ni d’une diversité sans égalité qui risque d’exploiter l’hétérogénéité des salariés (Özbilgin, 2009). Il s’agit alors d’une diversité dans l’égalité qui propose d’appuyer le management de la diversité sur l’engagement de tous dans un contexte de forte syndicalisation. Elle peut ainsi plus facilement transformer les pratiques de gestion des ressources humaines, en particulier, des pratiques de transmission de la mémoire d’entreprise, de l’expérience et du savoir-faire des séniors. Notre étude offre également à réfléchir sur la perception des syndicats et de la syndicalisation (Bryson, 2001; Laroche et Schmidt, 2004; D’Amadieu, 2006). Notre étude révèle la syndicalisation comme un élément positif du 68 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial management de la diversité, à la condition que l’entreprise ne se prive pas de cette dynamique collective fondée sur des convergences de sensibilités liées à la syndicalisation de ses acteurs. Dans la continuité des travaux d’Amadieu (2006), notre étude fait de la syndicalisation un allié précieux pour la mise en place de pratiques visant une meilleure intégration professionnelle des séniors ainsi que l’évolution des mentalités des responsables et de leurs collaborateurs (Kirkon et Greene, 2005; Mor Barak, 2005; Cornet et Warland, 2008). Limites et prolongements de la recherche La principale limite méthodologique de cette étude tient aux choix des items. Fondés sur une enquête préexistante, certains critères de mesure utilisés diffèrent des questions de Fraboni et al. (1990) ou Rupp et al. (2005), ne permettant pas de parler de score d’âgisme. Cette enquête porte toutefois sur les composantes de l’âgisme dégagées par la littérature. Si cette limite méthodologique nuirait à une étude centrée sur les scores d’âgisme, elle ne fausse pas une analyse comparée du lien appartenance syndicale et âgisme. Une seconde limite vient de ce que le résultat de notre étude ne peut pas être aisément transposé à tous les domaines de la diversité. Si l’appartenance syndicale réduit fortement l’âgisme envers les personnes âgées, c’est aussi pour des raisons liées au profil des salariés syndiqués qui sont en moyenne assez âgés. Ainsi, lorsque les thématiques de la diversité répondent aux attentes des profils-type des salariés syndiqués, l’appartenance syndicale peut être un moteur d’évolution des idées en faveur de l’intégration professionnelle et même un catalyseur de bonnes pratiques managériales en matière de diversité. Pour cette raison, la volonté des syndicats d’être tout aussi actifs en matière d’intégration professionnelle des jeunes peut également profiter aux directions d’entreprises. De futurs travaux de recherche pourront donc explorer l’impact de l’appartenance syndicale sur les préjugés, sentiments et discriminations ainsi que sur les pratiques managériales dans d’autres domaines de la diversité, et évaluer l’incidence des phénomènes de syndicalisation massive sur l’âgisme en Amérique du Nord. Bibliographie Amadieu, J.F. (2006). « L’évolution des relations sociales », Cahiers français, La gestion des ressources humaines, n° 333, p. 14-21. Baltes, P.B.; Smith, J. (1990). « The psychology of wisdom and its ontogenesis », dans R.J. Sternberg (sous la direction de), Wisdom : Its nature, origins, and development, New York : Cambridge University Press, p. 87-120. Barmeyer, C.; Chanlat, J-F. (sous la direction de) (2004). Cultures, nations et gestion, numéro thématique, Management international, printemps. Bryson, A. (2001). 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Afin de transmuer la diversité en levier de performance, les organisations sont invitées à concevoir des politiques diversité soucieuses d’inscrire le changement dans la durée (perspective sociétale), de promouvoir un management intégrateur attentif aux dimensions culturelles et identitaires (niveau organisationnel), de développer la pratique du mentoring et du leadership (échelon individuel). Abstract The wide heterogeneity of conclusions of the studies addressing diversity and performance is well explained by the multimeaning nature of these notions and their tight connection to the historical and environmental context. The time and culture, the management practices, the professional integration modes, the conjuncture and the inter-organisational context, as well, affect the performance of diversified teams. To make diversity a real performance vector, organisations are committed to conceive and adopt policies which inscribe the change in long-duration (societal perspective), promote integrating-management practices, sensitive to the culture and the identity of individuals (organisational level) and adopt mentoring and leadership practices (individual level). Mots clés : Diversité, performance, management, intégration, contexte, conjoncture, temps, culture, leadership, mentoring A Keywords: Diversity, performance, management, integration, context, conjuncture, time, culture, leadership, mentoring lors que l’articulation entre les leviers économiques et sociaux de la performance des organisations constitue un objet central d’investigation scientifique, la question de la diversité s’est progressivement érigée en problématique sociétale et paradigme d’action. Introduite en France à la faveur d’un saisissement par les hautes sphères patronales (Bébéar, 2004; Sabeg & Mehaignerie, 2004), elle a été rapidement relayée par les sphères professionnelle, associative (Charte de la Diversité, IMS Entreprendre pour la Cité, A.N.D.R.H., A.F.M.D…) et académique (Peretti, 2007; Barth & Falcoz 2007; Barth & Falcoz, 2010). Répondant à un impératif de développement éthique, le lancement de ces programmes d’action positive s’est inscrit dans la filiation des réflexions rawlsiennes sur l’équité et la justice sociale ainsi que dans un mouvement de fond destiné à lutter contre les discriminations et à promouvoir l’égalité des chances dans le champ professionnel (Laufer, 2009). Au final, les organisations sont donc appelées à conjuguer une fonction productive, de nature économique, avec une mission intégratrice, d’estampille sociale, en (re)devenant des espaces privilégiés où se joue une partie du rituel républicain d’intégration (Sabeg & Mehaignerie, 2004; Bruna, 2011a). Erigée en norme, la diversité a fait l’objet d’une institution- Resumen Las dimensiones culturales y temporales, el tipo de gestión adoptado las formas de inserción profesional, la coyuntura económica y el contexto interno a la organización influyen en los rendimientos de equipos diversos. Para transmutar la diversidad en palanca para los rendimientos, las organizaciones son invitadas a concebir políticas de diversidad con vistas a inscribir el cambio en el largo plazo (perspectiva en términos sociales, “societales”), promover una gestión integradora que tome en cuenta las dimensiones culturales y de identidad (nivel organizativo), desarrollar la práctica de la tutoría (mentoring) y del liderazgo (nivel individual). Palabras claves: Diversidad, rendimiento, gestión, integración, contexto, coyuntura, tiempo, cultura, liderazgo, tutoría (mentoring) nalisation matérialisée par l’introduction de dispositifs de labellisation reconnus par les autorités publiques. Si la notion de diversité interpelle, c’est qu’elle mène à un triple questionnement à la fois notionnel (contenu et frontières du concept de diversité), procédural (formes des dispositifs pro-diversité) et vocationnel (finalité des politiques de diversité). Elle demeure, néanmoins, un sujet difficile à aborder puisqu’elle se situe à l’orée du juridique (lutte contre les discriminations et les inégalités de traitement), du politique (mise en place de conditions propices à la réalisation de l’égalité des chances entre tous les citoyens) et du sociétal (impératif de cohésion sociale). Malgré tout, les implications économiques potentielles d’une diversification du profil des collaborateurs, et notamment des cadres, font l’objet d’une attention croissante tant dans le champ académique que professionnel. Aussi est-il désormais courant d’associer, parfois un peu hâtivement, les concepts de diversité et de performance, tant dans les discours publics que dans la rhétorique managériale. C’est pourquoi interroger scientifiquement le lien entre valorisation de la diversité et performance implique, de prime abord, de dépasser une perspective purement éthico-sociale pour se focaliser sur une analyse intégrant la diversité - soit-elle La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif d’âge, de genre, d’origine ou de condition - parmi les ressources mêmes de l’organisation. En d’autres termes, cela appelle à reconnaître que des facteurs extra-économiques peuvent exercer un impact significatif sur la performance : la diversité des collaborateurs, de leurs modes de socialisation, des structures de coopération interne (Dameron, 2004) et des modes de management mobilisés seront autant de facteurs identifiables. Pourtant, malgré la pluralité d’études consacrées à la question, nul consensus n’a pu se dégager quant à l’articulation entre la diversité sociologique des personnels et la performance des équipes et des entreprises auxquelles ils appartiennent. L’objectif premier de cet article est donc d’interroger les notions de diversité et performance en tant que construits socio-historiques se caractérisant par une polysémie et une polyvalence certaines. S’appuyant sur une revue de la littérature explorant l’impact de la diversité sur la performance des organisations sur la période 1990-2010, ce document cherche également à éclairer l’hétérogénéité des conclusions des études empiriques à la lumière de paradigmes théoriques multiples, notamment la Resource-Based-View, la Théorie de la dépendance aux ressources, la Théorie de l’identité sociale et les Critical Management Studies. Bien que les résultats d’études empiriques testant l’impact d’une ou plusieurs dimensions de la diversité sur la performance des organisations brillent par leur hétérogénéité comme le dévoilent les méta-analyses de Jackson et al. (2003) et McMahon (2010), un début de convergence se fait jour entre chercheurs en stratégie et GRH quant à l’importance de la diversité en tant que facteur potentiel et conditionnel d’accroissement de la performance des entreprises. Au croisement des apports de la littérature et de recherches empiriques en cours, s’appuyant aussi sur la fréquentation régulière des entreprises partenaires de la Chaire « Management et Diversité » de la Fondation Dauphine et de l’Association Française des Managers de la Diversité, cet article met en relief l’effet modérateur des dimensions temporelles, culturelles et managériales et relationnelles dans la transmutation de la diversité des équipes en levier de performance économique. Rappels des notions de diversité et de performance En tant que construits sociaux soumis à des requalifications continues, les concepts de diversité et de performance ne sauraient se plier à une unité de définition ni une unité de mesure. Afin de mieux cerner ces concepts polysémiques et polyvalents, il s’avère indispensable de revenir sur leur usage au sein de la littérature académique. Définition de la diversité Notion de plus en plus mobilisée tant dans la sphère professionnelle, politique, scientifique ou associative, la diversité 71 s’avère pourtant dépourvue d’une définition universelle. Cette absence de convergence conceptuelle de la diversité est illustrée par la pluralité des définitions qui lui sont, tour à tour, affublées : les caractéristiques susceptibles de la qualifier (ethnie, nationalité, genre, handicap, âge…) ainsi que les politiques mises en œuvre en vue de la promouvoir dépendent fortement du secteur d’activité de l’organisation, de son environnement, de sa taille, de sa stratégie, de sa culture… Alors comment penser le management de la diversité en entreprise ? Si l’on suit le sens commun, manager la diversité consiste dans le déploiement de dispositifs appelés à intégrer et faire coopérer de manière efficace des individus présentant des caractéristiques sociologiques différentes. Concept apparu aux Etats-Unis aux débuts des années 1990 pour contrer les critiques adressées aux politiques d’égalité des chances et d’affirmative action (Kelly & Dobbin, 1998; Bender & Pigeyre, 2004), la notion de diversité renvoie en fait à trois phénomènes macro-sociaux majeurs (Cornet & Warland, 2008) : 1. la différentiation croissante de la clientèle et des usagers impliquant pour les entreprises un effort accru en matière d’identification, compréhension et traitement de leurs exigences; 2. la diversification croissante de la main-d’œuvre sur le marché de l’emploi allant de pair avec un environnement institutionnel, social et économique de plus en plus complexe; 3. la diversification (en termes de genre, d’âge, d’origines, de culture, de conditions) du profil des travailleurs à l’intérieur des organisations. Derrière ce foisonnement d’éléments constitutifs de la diversité se cache une difficulté réelle à appréhender les frontières de ce concept à la fois problématique et en perpétuelle renégociation (Haas & Shimada, 2010). Globalement, la diversité renvoie à la différence telle qu’elle est perçue et traitée au sein d’un collectif. Tantôt analysée sous le prisme de la séparation ou de la disparité, la diversité est le plus souvent perçue comme synonyme de variété (Harrison & Klein, 2007). A cet égard, cette notion devrait être envisagée au travers de la notion d’altérité, renvoyant au saisissement et à la reconnaissance d’autrui dans son intarissable et irréductible singularité. Définition de la performance La performance s’affirme comme l’un des concepts-clés du management des organisations. A ce titre, elle affiche une pluralité de définitions selon que l’on s’intéresse à sa dimension individuelle ou collective, économique ou sociétale, politique ou systémique. Finalement, le concept de performance figure parmi les notions les plus abstraites et 72 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial floues de la littérature académique organisationnelle, à tel point que certains auteurs s’interrogent même sur la possibilité de la définir (Bourguignon, 1995; Gauzente, 2000). Or, l’étape définitionnelle s’avère indispensable pour penser, mesurer, mais aussi évaluer les impacts de la diversité sur l’efficacité et l’efficience des équipes. Historiquement et contextuellement situé, ce concept est, de plus, sans cesse ré-envisagé et renégocié. Lorsque l’on croise les principaux travaux scientifiques consacrés à l’articulation entre diversité et performance des équipes, c’est la perspective économique de la performance qui est abordée de façon majoritaire (Caby et al., 1996). Or, appréhender les effets de la diversité sur les organisations appelle à dépasser une perspective purement financière de la performance. Toute une littérature adopte ainsi une approche sociale de la performance : elle s’intéresse principalement aux dimensions humaines de l’organisation. La morale et la cohésion y sont considérées comme primordiales et essentielles, et donc privilégiées au sein de l’entité considérée. Dans cette perspective, l’atteinte des objectifs sociaux s’avère le préalable et la condition principale de réalisation des objectifs économiques et financiers (Gauzente, 2000). L’approche systémique de la performance, quant à elle, met au centre du débat l’harmonisation ainsi que la pérennité des sous-systèmes d’une entreprise. Dans cet environnement, les capacités de l’organisation sont mises en valeur et la performance est alors définie comme « le degré auquel une organisation, en tant que système social disposant de ressources et moyens, remplit ses objectifs sans obérer ses moyens et ressources et sans mettre une pression indue sur ses membres. » (Georgopoulos & Tannenbaum, 1957). Enfin, la perspective politique de la performance (Morin et al., 1994) met en avant une optique beaucoup plus relativiste où aucune référence absolue n’est identifiable et où tout individu peut avoir ses propres critères pour juger la performance d’une organisation. L’appréciation de la performance (donc son évaluation tant qualitative que quantitative) se fait alors à la fois discrétionnaire et nonuniversellement généralisable. De ce foisonnement définitionnel ayant trait aux notions de diversité et de performance découle la nécessité de développer un prisme analytique dual à même de faciliter l’appréhension des résultats multiples et contradictoires auxquels aboutissent les recherches empiriques consacrées à cette problématique. En effet, un jeu dialectique de binômes constitue l’un des principaux outils de considération de la performance qui est utilisé dans les études académiques interrogeant le lien entre diversité et performance : économique/sociétale; financière/commerciale; efficacité/ efficience; court-terme/long-terme. Identifier ces différents binômes s’avère être un préalable méthodologique important afin de saisir et expliquer les résultats contrastés de ces différentes études. Théories mobilisables pour appréhender le lien performance-diversité Malgré l’absence d’une unité définitionnelle des notions de diversité et de performance, de nombreux auteurs ont tenté de les associer en se penchant sur la relation diversité-performance. Pour ce faire, ils ont mobilisé des modèles théoriques différents tels que la Resource-Based View, la théorie de la dépendance aux ressources, la théorie de l’identité sociale ou des perspectives inspirées des Critical Management Studies. La « Ressource-Based View » Extension de la théorie classique des avantages comparatifs, la Ressource-Based-View (Penrose, 1959) confie au management la tâche d’identifier et d’exploiter au mieux les ressources et les compétences, les forces et les faiblesses de chaque organisation afin d’en optimiser la performance (Tywoniak, 1998). Dans cette approche, les différences de performance sont principalement expliquées au regard de la capacité de l’organisation à identifier, mobiliser et développer un portefeuille de ressources-clés (Hansen & Wernerfelt, 1989). Dans un cadre hautement concurrentiel, promouvoir une politique de diversité reviendrait pour l’entreprise à élargir son sourcing à des collaborateurs au profil atypique (femmes, étrangers, personnes issues des minorités ethniques et/ou culturelles, handicapés…) et, de facto, à augmenter sa probabilité d’attirer à elle les ressources humaines et les compétences les plus pertinentes. La Resource-Based-View souligne ainsi la dimension créatrice de valeur propre à la diversification (ethnique, culturelle, sociale, de genre, d’âge…) des équipes. Et cela, aux dépends d’une analyse des risques (condamnation pour discrimination, déperdition d’image alors même que la diversité a été érigée en norme collectivement appropriée) qui pourtant constitue l’un des mouvants essentiels de la politique diversité des organisations. De surcroit, la Resource-Based-View, dans ses modèles les plus étroits, ne permet pas de cerner un des motifs essentiels de promotion d’une politique diversité : la légitimation de l’entreprise. Or, comme le souligne la théorie de la construction de la légitimité, « le management de la diversité peut être un levier dans une stratégie de légitimation de l’entreprise auprès de ses parties prenantes » (Barth et Falcoz, 2007, p.275) au travers d’un processus de triple légitimation morale, pragmatique et cognitive (Suchman, 1995; Barth, 2007). C’est ainsi que la diversification des équipes peut constituer un message adressé aux parties prenantes de nature à accroître la légitimité de l’entreprise, à améliorer sa réputation et sa confiance et, par ricochet, accroître son attractivité et donc sa performance. Théorie de la Dépendance aux Ressources S’inscrivant dans le prolongement des théories de la contingence, la Théorie de la Dépendance aux Ressources considère les organisations comme des « systèmes ouverts » La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif (Scott, 2003) dont il est impossible de comprendre les comportements ou la structure sans prendre en considération le contexte dans lequel elles évoluent. Ces dernières cherchent donc à s’adapter à leurs environnements pour d’abord assurer leur survie, puis améliorer leur situation (Pfeffer & Salancik 1978). La performance d’une organisation est perçue comme dépendant du niveau de ressources fournies par l’environnement extérieur; elle est appréciée principalement à la lumière du critère d’efficacité, et non pas d’efficience. De manière similaire aux doctrines institutionnelles, cette théorie suggère l’adoption d’une politique d’aménagement professionnel pour retenir les employés et attirer les candidats les plus prometteurs (Milliken et al., 1998). La diversification du profil des collaborateurs est alors perçue comme pouvant contribuer à en accroître la productivité, ce qui aurait une incidence positive sur la performance (Arthur & Cook, 2003). Néanmoins, la Théorie de la Dépendance aux Ressources met surtout en relief la dépendance de l’entreprise à l’égard de ressources fournies par l’environnement extérieur. Or, la diversité n’est pas seulement une donnée exogène à l’entreprise propre à l’environnement social et sociétal dans lequel elle évolue. Elle constitue aussi une réalité endogène à l’organisation puisqu’elle renvoie au rassemblement d’individus aux profils sociologiques, appartenances et fonctions différents. Théorie de l’identité sociale La Théorie de l’identité sociale (Tajfel & Turner, 1986) propose des instruments de pensée, in primis la catégorisation sociale et la comparaison entre groupes, destinés principalement à élucider les processus d’identification sociale et d’affiliation des individus. Selon cette théorie, l’appartenance des individus à un groupe découlerait d’un double processus d’auto-positionnement d’un individu au sein d’un groupe social institué, et de la reconnaissance extérieure de son appartenance à cette instance d’affiliation. Cependant, la Théorie de l’identité sociale repose sur des présupposés sociologiques (homophilie des acteurs, rassemblement groupal basé sur une recherche d’endogamie…) qui enferment finalement les stratégies relationnelles des acteurs dans une logique quelque peu binaire. Ainsi, cette théorie ne conçoit l’identité d’un individu qu’en rapport à ses appartenances. A l’inverse de la sociologie néo-structurale où l’acteur-stratège est assimilé à un marginal-sécant ou à un poly-statutaire (Lazega, 2008, 2011), l’individu n’est présenté dans la Théorie de l’Identité Sociale que comme étant le prisonnier de choix relationnels contraints, souvent binaires. Critical Management Studies Les théories critiques cherchent à remettre en cause l’idéologie contemporaine du capitalisme, ses processus de domination à travers la déformation de la connaissance. Elles poursuivent l’émergence d’une connaissance émancipatrice 73 permettant aux individus de conscientiser et de décortiquer les situations de domination et de répression, pour mieux les contrer. Dans ce cadre, des caractéristiques structurelles de la société contemporaine telles que la recherche impérative du profit, la patriarchie, les inégalités sociales, les discriminations raciales et l’irresponsabilité écologique induiraient les organisations à se comporter comme des instruments de domination et d’exploitation. Le but des Critical Management Studies est donc de permettre le développement d’interprétations critiques et de proposer des alternatives radicales (CMIG, 2012). Dans l’optique de la diversité au travail, les théories critiques identifient l’existence de centres et de périphéries dans l’expression du pouvoir organisationnel. A savoir, la reconnaissance d’identités considérées comme étant centrales ou marginales (Meyerson & Scully, 1995). A cet égard, la diversité peut être « résistée » et le pouvoir récupéré ou retiré par les personnes le détenant au travers de stratégies telles que la cooptation, la marginalisation ou la « poudre aux yeux » (Jones & Stablein, 2006). Ce mouvement constant de résistance entre individus centraux détenteurs du pouvoir et individus marginalisés amène à inscrire l’appréhension des différences au sein des organisations dans une dimension politique (par le biais de pratiques de management proches des théories radicales du post-colonialisme ou des problématiques anti-racistes ou féministes). Dans cette optique, Humphries et Grice (1995) appréhendent la diversité comme une problématique certes séduisante mais fondée sur l’exploitation, notamment commerciale comme le révèle l’étude de cas de Subeliani & Tsogas (2005) portant sur la Rabobank, des individus dits « marginalisés ». Cette conception de la diversité reste rigoureusement centrée sur la structure de pouvoir au sein des organisations. Or, les théories critiques sollicitées s’appliquent surtout aux relations de genre ou inter-ethniques au travail, plus qu’aux autres formes de diversité. De plus, au sein de la structure organisationnelle, il convient de distinguer le pouvoir fort (pouvoir de contrôler l’allocation de ressources dans les organisations) du pouvoir souple, de fait plus en rapport avec le management de la diversité. On qualifie de pouvoir souple un pouvoir symbolique tiré de la possession d’un patrimoine de savoirs légitimes, jamais remis en cause et tenus pour acquis, ayant trait à un comportement décrit comme naturel car, plus ou moins consciemment, approprié et/ou autorisé par les autres individus de l’organisation (Kossek et al., 2006). Au final, on constate que, en tant que construits sociaux soumis à des requalifications continues, les concepts de diversité et de performance ne sauraient afficher ni une unité de définition ni une unité de mesure. C’est pourquoi le lien entre ces deux notions ne saurait être ni univoque ni mono-orienté. Les théories présentées ci-dessus ne pouvant rendre compte de l’éventail de facteurs historiques, contextuels et situationnels à même d’influencer cette relation, on comprend mieux l’hétérogénéité des conclusions 74 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial auxquelles aboutissent les nombreuses études empiriques testant l’impact de la diversité sur la performance. Diversité-performance, une articulation à penser, des tests non-convergents L’existence, la significativité et le sens de la relation entre diversité des équipes et performance sont loin d’être évidents, systématiques ou univoques. Aussi, comme le rappellent Ely et Thomas (Ely & Thomas, 2001), nombre d’études académiques abordant l’impact d’une forme particulière de diversité (l’ethnicité, l’origine culturelle, le genre) sur la performance aboutissent à des conclusions non-convergentes. La dimension contextuelle des implications de la diversité sur la performance Bien qu’une certaine littérature managériale s’appuyant sur la Théorie des Ressources et des Compétences (Thomas, 1991; Morrison, 1992; Cox, 1993) plaide en faveur de la reconnaissance de l’impact significatif et positif de la diversité, notamment culturelle, sur l’efficacité des groupes de travail, les recherches empiriques s’avèrent moins optimistes et concluantes. Et ce car, en tant que construits sociaux, les notions de diversité et de performance sont fortement dépendantes des contextes historiques dans lesquels elles émergent, évoluent et se diffusent. Ces concepts sont sans cesse remodelés au gré des rapports de force et des acteurs engagés dans leur définition et mobilisation. Aussi font-ils l’objet d’une requalification continue qui en traduit l’historicité et la contextualité intrinsèques. L’appréciation de l’articulation entre diversité et performance implique dans un premier temps d’appréhender un ensemble de conditions pouvant modérer l’impact de la première sur la seconde - dimensions conjoncturelles, contextuelles, temporelles et organisationnelles - (Ely & Thomas, 2001; Bender & Pigeyre, 2004; Belghiti & Rhodain, 2001; Cornet & Delhaye, 2006; Landrieux-Kartochian, 2007; Peretti, 2007; Hermont & Joras, 2007). De par cette multidimensionnalité des notions de diversité et de performance, nombreuses sont les études qui mettent en relief l’existence d’effets balancés, tantôt positifs tantôt négatifs, d’une diversification des équipes sur leur performance. Face à ces conclusions, un constat s’impose : le contexte s’avère crucial pour déterminer la nature de l’impact de la diversité sur la performance. Car si la diversité est de nature à exercer une influence sur la performance des organisations, cet impact doit être apprécié au regard du contexte institutionnel, économico-social et organisationnel de l'entité étudiée. Au final, si la diversification des équipes constitue une ressource stratégique pour les organisations, elle ne constitue un avantage concurrentiel que si elle s’intègre dans une politique de responsabilisation sociétale (Igalens & Joras, 2002). Dans ce cadre, faire du développement d’une politique globale de diversité (Özbilgin & Tatli, 2008) un processus créateur et non une invention dogmatique (Alter, 2005) invite à l’insérer dans une dynamique sociale de signification et d’appropriation collectives. Cela appelle ainsi à intérioriser la politique diversité dans le patrimoine réglementaire et processuel de l’organisation, ce qui passe par son institutionnalisation, une remise en question des croyances initiales et une inversion normative. Inscrire une politique diversité dans une dynamique créative invite à édicter de nouvelles normes au regard de la nouveauté organisationnelle que représente la promotion de la diversité ainsi qu’à adopter une perspective d’amélioration continue. Ainsi, seul le développement d’une politique de diversité globale et transversale (Özbilgin & Tatli, 2008) à la fois intégrée (pilotage centralisé) et collectivement portée (décentralisation opérationnelle) peut stimuler la performance. Nombre d’organisations renoncent néanmoins à porter des politiques diversité globales (Pitts, 2005, Jackson et al., 2003, Cox & Blake, 1991) car jugées trop engageantes. Comme l’atteste une étude empirique menée dans le secteur bancaire hollandais par Subeliani & Tsogas (2005), ces organisations se contentent alors de politiques diversité sectorielles, promulguées uniquement dans le but d’accroître l’attractivité de l’entreprise auprès d’un secteur particulier (dans le cadre de cette étude de cas, les clients d’origine étrangère) plutôt que pour améliorer la qualité de la vie professionnelle et les perspectives de carrière de leurs employés issus des mêmes minorités ethniques. L’impact bénéfique de la politique diversité s’avère ici sectoriel (rentabilité financière et diversification « locale » des bas échelons hiérarchiques), ne contribuant finalement qu’à développer une stratégie d’affichage de la « responsabilité sociale » de l’entreprise sans améliorations en son sein de la position des employés issus de minorités ethniques. C’est donc bien l’objectif spécifique de la politique diversité qui détermine son impact effectif sur l’épanouissent professionnel des collaborateurs (Subeliani & Tsogas, 2005). Si la démarche diversité n’est orientée que marketing, elle sera de nature à accroître la performance économique de l’entreprise tout en renforçant le phénomène de plafond de verre en son sein. Diversité, cohésion et performance des équipes. Bâtir l’unité organique d’une entreprise à la fois respectueuse des singularités et soucieuse de sa cohésion nécessite un changement de paradigme destiné à appréhender la diversification comme le fruit de processus sociaux, politiques et économiques. Transmuer la diversité des équipes en levier de performance économique implique alors de prendre le temps d’accompagner ce changement perspectif et processuel, de ressouder l’organisation autour d’une culture inclusive, d’un partage normatif, d’un mode de management responsable et d’un leadership transformatif. La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif S’appuyant sur 24 études empiriques, la méta-analyse de Webber & Donahue (2001) interroge l’impact de différentes dimensions de la diversité sur la cohésion et la performance d’équipes de travail. Allant à l’encontre des résultats des dernières études sur le sujet (Milliken & Martins, 1996), les auteurs observent que la diversification des équipes n’influe pas réellement sur leur cohésion et leur performance. La spécificité de leur recherche consiste en la distinction de la diversité professionnelle en attributs mesurant le degré d’expériences, de compétences et de perspectives pertinentes en rapport aux activités cognitives recquises par la fonction excercée. Ce degré de job-relatedness (relationnalité au travail) distingue les différentes formes de diversité au regard de critères fonctionnels, d’éducation ou de parcours professionnel plutôt que de critères démographiques ou de nationalité : ces attributs s’avèreraient, selon les auteurs, bien plus pertinents en vue d’éclairer l’activité d’un groupe de travail et la performance de ses membres. Or, malgré la mobilisation d’une taxonomie originale fondée sur le degré de job-relatedness, les auteurs n’identifient aucun impact de la diversité sur la cohésion ou la performance du groupe. Ils avancent un certain nombre d’arguments pouvant expliquer ces résultats. L’influence modératrice du temps est notamment évoquée. Plus spécifiquement, la longévité du groupe de travail pourrait modérer la relation entre des groupes ayant une faible diversité en termes de job-relatedness et la cohésion de ces mêmes groupes. Il a déjà été démontré (Harrison et al., 1998; Watson et al., 1993) qu’avec le temps, les aspects négatifs généralement associés à la diversité décroissent considérablement car les individus apprennent à se connaitre et acquièrent une meilleure compréhension de leurs différences au sein du groupe. Dans une perspective similaire basée à la fois sur la relation entre la diversité démographique et cognitive des équipes et sur les effets réciproques de la diversité sur la performance des organisations, Kilduff et al. (2000) montrent que les membres des équipes hautement performantes tendent à présenter une multiplicité d’orientations interprétatives en début du cycle de vie de l’équipe. Puis, au fur et à mesure du murissement de l’équipe, autrement dit qu’elle se rapproche de la fin de son cycle de vie, ils ont tendance à s’approcher d’une plus grande clarté de perspective. Ces équipes affichent ainsi une initiale ambigüité interprétative reconductible justement à la distance « cognitive » entre les acteurs qui cède la place progressivement à un éclaircissement perspectif, au fur et à mesure du consolidement de l’équipe de top-management. Le temps joue donc une fonction modératrice de la relation entre diversité cognitive des acteurs et performance de leurs équipes. La gestion du temps constitue l’une des prérogatives essentielles du manager qui se doit de posséder un fort degré de leadership temporel (team temporal leadership) afin de permettre une claire planification 75 des deadlines, la synchronisation des comportements des membres de l’équipe et une allocation satisfaisante des ressources temporelles (Mohammed et Nadkarni, 2011). En agissant de la sorte, le manager s’avère, non seulement à même de modérer la relation entre diversité temporelle et performance de l’équipe, mais également d’influer positivement sur l’efficacité de son collectif de travail. La diversité culturelle, levier de créativité sous contrainte de management Depuis des décennies, l’accroissement de la diversité culturelle au sein de l’entreprise constitue l’un des défis majeurs du management moderne de par ses implications tant sur les processus de gestion des ressources humaines (recrutement, sélection, mobilisation du capital humain et fidélisation des collaborateurs) que sur les dynamiques organisationnelles (Richard, 2000). A cet égard, l’affirmation de l’impact positif de la diversification ethnique et/ou culturelle des équipes sur leur performance constitue une croyance managériale aux accents performatifs. Ainsi, de par la pluralité de leurs enracinements (nationaux, ethniques, culturels, linguistiques…) et de leurs trajectoires, les collaborateurs issus de la diversité seraient porteurs d’une sorte d’altérité cognitive (Bruna, 2011b). Favorisant un brassage de perspectives et d’opinions, la diversité culturelle profiterait à la performance de l’organisation dont elle stimulant la créativité, la capacité prospective, la réactivité et l’adaptabilité. Là où « la diversité des personnes [constitue… selon Bellard (2005)] une source intarissable de créativité, particulièrement utile dans le cadre de travail en projet ou en équipe », cette croyance n’en reste pas empiriquement prouvée. Certes, l’étude pionnière de Cox et Blake (1991) a démontré l’existence d’un effet robuste et positif de la diversité culturelle sur la compétitivité. La généralisation des conclusions n’en demeure pas moins problématique de par la pluralité de facteurs pesant sur la relation diversité/ performance (contexte géographique et historique, culture nationale et organisationnelle, mode de management des équipes, échelle temporelle choisie, critères d’appréciation et indicateurs mobilisés…). La littérature en management interculturel a, certes, mis en relief l’impact positif de la diversité sur la créativité des équipes-projets, elle n’en a pour autant pas caché les risques potentiels et les effets pervers. Si certains travaux ont dévoilé l’existence à court terme d’effets négatifs de la diversification culturelle sur la performance des équipes, traduisant ainsi des phénomènes d’incommunicabilité, d’incompréhension réciproque et de crispation identitaire, les recherches de Watson et al. (1993) et Jackson et al. (2003) ont souligné qu’à long terme les équipes diverses affichent une performance supérieure aux équipes homogènes de par un supplément de créativité. Malgré la pluralité de recherches concluant à l’impact positif de la diversification (cognitive plus que démographique) des équipes sur leur créativité et la qualité de leur processus décisionnel (Milliken et Martins, 1996 ; Milliken 76 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial Tableau 1 Diversité-performance, des résultats empiriques contrastés Ely & Thomas (2001) Richard (2000) Roberson & Park (2007) 3 perspectives : ⇒ perspective intégrative et d’apprentissage ⇒ perspective d’accessibilité et de légitimité ⇒ perspective d’équité et de discrimination 2 hypothèses : ⇒ diversité culturelle source de performance car promoteur de ressources et de compétences ⇒ lien diversité/performance modéré par la stratégie économique adoptée 2 études : ⇒ c orrélation réputation en termes de diversité / performance ⇒ c orrélation diversité ethnique des managers / performance 3 arguments : ⇒volonté d’attirer les meilleurs profils ⇒ meilleure adaptation à une clientèle diverse ⇒ stimulation de la créativité des équipes • conclusion : impact positif pour la seule perspective intégrative et d’apprentissage • conclusion : pas de corrélation directe, positive et systématique, mais forte sensibilité de la relation diversité/ performance à l’égard de la stratégie économique adoptée • conclusion : pas d’impact significatif de la réputation sur le revenu net ou le chiffres d’affaires, mais relation avérée entre diversité des managers et performance (courbe en U) • conclusion : fossé avec la réalité; les employés apprécieront moins de travailler avec un individu au profil sociologique très différent qu’avec un collègue sociologiquement plus similaire et al, 1998; Kilduff et al., 2000; Jayne & Dipboye, 2004; Landrieux-Kartochian, 2005, 2007), toute un autre pan de la littérature (Richard, 2000; Ely and Thomas, 2001; Pitts, 2005 ; Kochan et al., 2003) conteste l’existence d’une relation causale directe et significative entre la diversification des équipes et l’accroissement de leur performance. Il en ressort donc que si dans certaines configurations la diversité peut constituer une ressource clé pour l’organisation, elle peut, dans d’autres contextes, constituer un facteur d’accroissement des tensions, des rivalités et des conflictualités internes (Klarsfeld, 2010). Le tableau récapitulatif ci-dessus retraçant les résultats contrastés des principales études menées sur le sujet du lien diversité/performance nous conforte dans cette observation (Tableau 1). Cela nous amène à souligner le caractère nongénéralisable des conclusions (non-reproductibilité des études empiriques, dimension contextuelle des résultats obtenus) et leur sensibilité à l’égard de la conjoncture politique et économique, de l’échelle temporelle adoptée (analyse de court, moyen ou long terme), de la présence ou non d’une masse critique de la diversité1 et du contexte et de la culture organisationnels. 1. Si l’on suit Roberson & Park (2007) et Roberson (2012), le point d’inflexion à partir duquel la diversification ethnique des équipes produirait une amélioration de la performance serait situé entre 25 et 30 % des collaborateurs). Jayne & Dipboye (2004) Origines de l’hétérogénéité des résultats dans la littérature La forte sensibilité des résultats à la conjoncture politique et économique, à l’échelle temporelle d’analyse mobilisée (court, moyen ou long terme) ou au contexte organisationnel empêchent la généralisation des conclusions de ces travaux empiriques. C’est pourquoi Kossek et al. (2006) et initialement Cox (1993) recommandaient d’apprécier le « climat de la diversité » d’une organisation à la lumière de trois dimensions principales : individuelle (structure d’identité des acteurs, type de personnalité, préjugés dominants), groupale (différenciation culturelle, dynamiques psychosociologiques de groupe, ethnocentrisme/altéro-phobie…), organisationnelle (culture d’entreprise, dynamiques intégratives structurelles vs informelles, processus d’acculturation professionnelle, « partialité institutionnelle »). De plus, le lien diversité/performance est modérée par la « performance égocentrée » des acteurs (carrière professionnelle) et le niveau d’efficacité de l’organisation. Il convient donc de dévoiler l’influence exercée par une pluralité de facteurs (Jackson et al., 2003) sur la relation diversité/performance : le contexte sociétal, le contexte organisationnel (secteur, taille, histoire, stratégie, culture de l’entreprise…), les dynamiques groupales se déployant au sein de l’entreprise (modes d’intégration et de régulation - hiérarchique, endogène, conjointe-; formes de La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif 77 leadership…), la structure des relations et des interactions dyadiques entre collègues et enfin les comportements individuels. Par conséquent, il sera préjudiciable d’enfermer la diversité dans les seules dimensions méso-organisationnelles (entreprises/équipes) en ne considérant ni le niveau sociétal (macro) ni l’échelle individuelle (micro) (Jackson et al., 2003). la diversité de manière intrinsèque qui est source de performance, mais bien son management. Inscrit dans de multiples conditionnalités, l’impact de la diversité sur la performance s’avère d’autant plus contextuel que ces deux notions manquent d’une unité définitionnelle et conceptuelle. Ce constat peut concrètement être relevé dans la littérature récente consacrée au sujet. En effet, par le biais de sa revue de littérature effectuée sur la période 2000 – 2009, McMahon (2010) constate un délaissement des seules dimensions démographiques (la « race », l’ethnicité ou le sexe notamment) au profit d’une perspective pluridimensionnelle. La différenciation liée aux fonctions exercées dans l’entreprise (parcours, ancienneté et expérience), les caractéristiques psychosociologiques des acteurs (amabilité, ouverture à l’expérience, contacts, sentiments et comportements) ainsi que les capacités d’interaction avec l’équipe (attitude envers les autres, acceptation des différences…) constituent en effet autant de facteurs de diversification à même d’influencer la performance plus significativement que les dimensions démographiques. A l’aune des analyses présentées ci-dessus, manager la diversité s’avère une activité complexe, engluée dans un cadre multifactoriel nécessitant la prise en compte d’éléments contextuels multiples. Développer une approche diversité au sein d’une organisation requiert donc une prise en considération globale, à tous les niveaux de l’entreprise (Kossek et al., 2006; Cox, 1993). En effet, appréhender le lien performance-diversité incite à mettre en place des propositions managériales envisagées à un niveau de généralité du plus ample (niveau sociétal) au plus restreint (niveau individuel). Pour cela, il convient d’adopter un mode de management transversal de la diversité et de l’encastrer dans une refonte globale des procédures RH, destinée à la fois à définir une nouvelle gouvernance des entreprises et un nouveau modèle de leadership soucieux de la pluralité des profils et des parcours individuels. Simultanément, les recherches récentes révèlent un élargissement de la notion de performance au-delà du seul champ financier. Bien que l’estimation des résultats d’une entreprise continue de reposer sur des indicateurs chiffrés de performance financière (retour sur actif, rendement des ventes, parts de marché…), les chercheurs intègrent comme critères d’appréciation du lien diversité/performance des descripteurs extra-financiers tels que la qualité des résultats, le niveau d’intégration sociale et de créativité des équipes, la qualité de la prise de décision et des modes de résolution de problèmes, en sus d’indicateurs plus traditionnels tels que les compétences, les capacités, les expériences, les conflits relationnels ou liés au périmètre d’action des acteurs. Ainsi observe-t-on une redéfinition des termes de diversité au travail et de la performance d’entreprise. On retient donc au final que la diversité à elle seule ne peut rendre compte du différentiel de performance existant entre les entreprises, puisque certains facteurs tels que les ressources, les capacités et les compétences sont beaucoup plus à même d’expliquer ces variations. Seul un management des ressources humaines, soucieux de l’intégration et de la valorisation des collaborateurs « a-typiques » (au sens d’Alter, 2012), saurait convertir la diversité en avantage concurrentiel pour l’organisation via notamment ses implications sur la propension à innover. Ainsi, ce n’est pas 2. Le propos de cet article de recherche est avant tout théorique puisqu’il s’inscrit dans une revue de littérature. Même si nous présentons ici un certain nombre de recommandations pour le management de la diversité et que celles-ci sont corroborées par des recherches empiriques adjacentes à la réalisation de ce document, ces propositions managériales sont avant tout tirées d’une revue de littérature relative Manager la diversité pour qu’elle soit source de performance : niveau sociétal, niveau organisationnel, niveau individuel En s’appuyant sur une analyse conséquente de la littérature scientifique, des études de cas issues de recherches en cours (Bruna, 2012; Bruna, Dang, Vo, 2012; Chauvet & Fernandez, 2010; Chauvet, 2012) ainsi que sur la fréquentation d’entreprises partenaires de la Chaire « Management et Diversité » de la Fondation Dauphine et/ou membres de l’Association Française des Managers de la Diversité et de l’Observatoire Social International2, les recommandations suivantes s’adressent prioritairement à de grandes entreprises confrontées à une diversification croissante de leurs équipes. Elles se nourrissent tant de la participation à des réunions professionnelles que de séances d’observation participante et d’entretiens individuels avec des directeurs et responsables diversité et des managers opérationnels de grands groupes, de culture organisationnelle tant française qu’anglo-saxonne. Au niveau sociétal, prendre le temps d’accompagner le changement Fortement reliée à des enjeux sociétaux multiples et de grande envergure, la gestion de la diversité amène à réinvestir trois champs majeurs de réflexion et d’action : 1. le Juridique, à savoir comment s’assurer que les pratiques des entreprises ne contreviennent pas au principe d’égalité de traitement et de non-discrimination; à l’articulation de la diversité et de la performance. Le lecteur pourra cependant obtenir plus d’éléments d’information concernant les méthodologies employées ou autres modalités de collection des données dans le cadre de nos respectives recherches de terrains en se référant aux études citées ci-dessus. 78 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial 2. l’Economique en percevant la diversité comme une ressource organisationnelle susceptible de créer, sous condition de management, un avantage compétitif pour l’entreprise3. Une telle perspective amène à réinsérer la gestion de la diversité dans la problématique générale du management des ressources humaines. 3. le Management, au travers de la mise en place d’une politique RH soucieuse de la diversité. Il s’agit là d’interroger l’impact des politiques de recrutement, rétention et mobilisation de collaborateurs aux profils sociologiques de plus en plus différenciés au regard des évolutions démographiques affectant les sociétés civiles. Ainsi, le management de la diversité peut contribuer à répondre aux défis du vieillissement de la population active, de l’exclusion tendancielle des jeunes (en particulier ceux issus de l’immigration) du marché du travail, de la pénurie de main-d’œuvre sur certains sous-marchés de l’emploi (avec pour conséquence une nécessaire diversification des sources de recrutement…) mais aussi aux enjeux de prévention des discriminations subies par certaines catégories de collaborateurs. Or, les politiques diversité ne sauraient avoir un impact sociétal significatif si elles ne prenaient pas suffisamment en compte un facteur primordial : le temps. La variable temporelle s’avère essentielle en vue d’interroger l’impact de la diversité sur la performance (Watson et al., 1993; Roberson & Park, 2007) : il s’agit là de saisir, au travers de la dichotomie classique court terme / long terme, l’importance de la permanence au sein des organisations. De plus, cela amène à ré-envisager l’impact sur la performance de la diversité des collaborateurs à l’aune d’un principe central en sciences des organisations : lorsque l’on entame un processus de changement (ici l’introduction et la promotion de la diversité), l’impact de court terme diffère souvent de celui de long terme. Comme le soulignent Robert-Demontrond & Joyeau (2006), la diversification des équipes est susceptible d’accroître à long terme la performance des entreprises après une période transitoire d’apprentissage organisationnel. Ainsi, les organisations sont appelées à développer un management intégré des ressources humaines soucieux d’internaliser la dimension temporelle dans l’appréciation des effets de la diversité sur la performance (Chanlat & Bruna, 2011). Ré-envisager l’introduction et la valorisation de la diversité sous le prisme du changement (Alter, 2005) plaide en faveur d’un renforcement de l’attention portée envers les dimensions temporelles. Et ce, car le temps est 3. Selon Robertson (2012), le management de la diversité contribuerait ainsi notamment à : 1) améliorer le processus de recrutement (acquisition des profils les plus pertinents); 2) réduire les coûts organisationnels afférents au turn-over et à accroître l’investissement, la motivation et la satisfaction professionnelle des salariés; 3) stimuler la créativité collective; 4) faciliter la résolution des problèmes stratégiques et 5) accroître une ressource stratégique au sein des organisations : sa maîtrise partielle et toujours oligopolistique confère à ses détenteurs du pouvoir et de l’autorité relationnelle (Crozier & Friedberg, 1977; Osty et al., 2007; Lazega, 2008). Les acteurs s’emploient donc, dans un contexte concurrentiel, à en acquérir un contrôle partiel. Zone d’incertitude par excellence, le temps (de la latence comme de l’action, de l’entre-deux comme de la date-boutoir) est un enjeu sans cesse renouvelé de négociation au sein des entreprises. En tant que nouveauté organisationnelle, la promotion de la diversité est appelée, pour être collectivement signifiée et appropriée, à s’inscrire dans une dynamique sociale de longue durée. Cependant, cette prise en compte temporelle n’est pas aisée dans les entreprises. En effet, comment satisfaire à un impératif de permanence (Dameron, 2002) alors que la société tout entière idolâtre l’instantanéité qu’elle prétend atteindre moyennant l’utilisation des nouvelles technologies interconnectées ? Comment négocier et accompagner le changement que représente l’introduction et la nouvelle valorisation des diversités dans les dispositifs managériaux tout en satisfaisant à l’injonction court-termiste que la publication trimestrielle des comptes pour les entreprises cotées en bourse incarne de manière impérative ? De manière pourtant évidente, apprécier l’impact de la diversité sur la performance sonne comme une injonction à inscrire les programmes d’égalité des chances dans la longue durée, à ne pas remettre en cause des politiques déjà engagées au gré de résultats de court-moyen terme jugés pas assez satisfaisants. Par ailleurs, l’introduction d’une politique de diversité se doit d’être préalablement concertée avec les représentants des personnels ainsi que co-construite et co-portée avec les collaborateurs de l’organisation. C’est seulement à ce prix que la diversité peut se révéler un réel atout pour l’entreprise. La mise en exergue du rôle du temps dans le management de la diversité invite à adopter, à l’échelle organisationnelle, dans une perspective transversale. Au niveau organisationnel, culture d’organisation et management global des R.H. On l’a vu, « promouvoir la diversité dans l’entreprise devrait conduire « naturellement », à augmenter le nombre de rapports sociaux entre des salariés possédant des profils plus diversifiés » (Falcoz (2007, p.258). Si la similitude entre acteurs constitue un facteur puissant de socialisation, la recherche de complémentarités (de compétences, croyances, profils…) pousse à la socialisation hétérogame, ne fusse que pour satisfaire aux besoins et pallier aux insuffisances la flexibilité du système organisationnel au travers d’une « pluralisation » des équipes de conception et de top-management; 6) développer de nouvelles stratégies marketing attentives à la diversité et, in fine, 7) améliorer la relation-client en diversifiant les profils des vendeurs (enjeux de l’homophilie). La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif de chaque acteur. Cette dynamique relationnelle basée sur la complémentarité n’en est pas moins freinée par la stéréotypie et le conformisme (Falcoz, 2007). Malgré tout, la socialisation professionnelle induit un tissage identitaire marqué par l’interaction avec les différences de chacun. Ces différences sont généralement reconductibles à deux catégories : « attributs de surface » comme le phénotype, l’âge, le sexe, et « attributs plus profonds » à l’instar du système de valeurs, des croyances et de la culture (Harrison et al, 1998; Falcoz, 2007). Ainsi, les crispations identitaires et les germes de la conflictualité inter-groupale se structureront, dans un premier temps, autour des « attributs de surface » pour se focaliser, au fur et à mesure du murissement de la relation, sur les « attributs culturels » des acteurs. Là où la « diversité d’attributs » induit des impacts fortement différenciés (en intensité, significativité et signe) d’un facteur à l’autre, la différence de métiers s’avère bien plus fréquemment source de conflits au sein des équipes (Pelled et al., 1999). Ce qui plaide finalement en faveur de l’adoption d’un management intégrateur, fondé sur une culture d’organisation forte et cohésive, sans être annihilatrice des singularités. Le déploiement d’un management transformatif est d’autant plus essentiel qu’en l’absence d’une intégration professionnelle suffisante, le potentiel de créativité propre aux « acteurs-minoritaires » ne saurait alimenter la propension collective à l’innovation. Comme le prévoit la théorie de l’identité sociale, il faut veiller à ce que le renforcement du sentiment d’appartenance groupale des individus ne sombre ni dans l’ethnicisation des relations sociales ni dans la communautarisation des équipes. Et ce car de telles dérives identitaires seraient susceptibles d’engendrer à la fois une intensification des luttes de positionnement entre groupes de statuts différents, une moindre efficacité de la collaboration entre collègues, une hausse de la conflictualité interne, voire même une désagrégation du collectif de travail (Jehn et al., 1999). Pour cela, seule une culture organisationnelle inclusive, à la fois suffisamment structurée et nécessairement poreuse, serait à même de contrer la tendance naturelle à la socialisation par proximité (culturelle, statutaire…). A cet égard, une attention particulière doit être portée à la culture organisationnelle définie comme un ensemble cohérent de postulats sédimentés dans le temps et érigés en paradigme normatif par les membres de l’organisation (Schein, 1992). Celle-ci exerce en effet une influence déterminante quant à l’impact de la diversité sur la performance des équipes-projets (Dameron & Joffre, 2007). Cette assertion mérite d’être mise en parallèle avec l’importance de la culture nationale (et singulièrement de la langue) dans les processus d’identification des membres à leur organisation, ainsi que dans la mise en œuvre de stratégies de coopération entre collègues. Jouant un rôle déterminant dans la construction identitaire et sociale des individus, la langue interagit avec la culture organisationnelle de l'entreprise 79 (Vaara, et al. 2005). La prise en compte des dimensions linguistiques et culturelles amène à interroger la pertinence d’un management global des R.H. dans le cadre d’entreprises multinationales (Özbilgin & Nishii, 2007). Il s’en suit que la réussite d'une politique globale de diversité nécessite de la prise en compte de « l'identité », de la culture et des pratiques de l'organisation étudiée (Chanlat et al., 2008) ainsi que de tout un ensemble de drivers aux niveaux national, sectoriel, organisationnel, discursif et individuel (Özbilgin & Tatli, 2008). Ainsi, aux côtés du déploiement d’une politique diversité cohérente et durable, à la fois top-down et bottom-up (Bruna, 2012), l’adoption d’un management transformatif, l’investissement des compétences collectives (au sens de Retour et Krohmer, 2006) et des coopérations transversales, la capitalisation des savoirs constituent autant de conditions pour tirer partie d’une diversité qui, sinon, pourrait freiner la performance. L’approche business case de la diversité illustre bien ce type de développement, notamment à travers la perspective de management des ressources humaines appliquée à la diversité des équipes de travail qu’elle préconise (GarnerMoyer, 2006). Selon l’approche business case, les organisations diversifiées en termes de genre, d’âge ou d’origines ethniques seraient plus à même d’augmenter leur performance globale (Cornet & Warland, 2008). Les enjeux en termes de management des ressources humaines se constitueraient d’abord en enjeux stratégiques pour l’entreprise avant de stimuler, à moyen-long terme, la performance de ces mêmes organisations. Erigeant la conduite de politiques diversités en défi stratégique de l’entreprise, l’approche business case permet notamment d’expliquer le lien entre, d’une part, le déroulement des processus de recrutement, de sélection et d’animation des ressources humaines ou, encore, la diversification des équipes de travail et, de l’autre, l’atteinte d’objectifs économiques ou la réalisation d’éventuels avantages comparatifs. Kossek et al. (2006) proposent ainsi une vue globale des stratégies de management de la diversité impliquant la mise en place d’objectifs précis au niveau organisationnel -mais aussi individuel et de groupe-, leur transformation en programmes et initiatives RH concrètes au sein de l’organisation et l’identification d’instruments de mesure ou indicateurs permettant de savoir si les objectifs ont finalement été atteints. Si, par exemple, l’objectif stratégique RH d’une organisation est de développer des programmes et des politiques s’adaptant à la diversité de profils démographiques de ses employés, cela appelle à prendre en compte l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience de ces programmes par ces mêmes employés, ou l’établissement d’intéressements valorisant la diversification des équipes (en termes d’attentes personnelles, de besoins familiaux…). Le niveau de turnover, la rentabilité, l’augmentation des parts de marché ou l’appui accordé par les top-managers à la politique diversité vont constituer autant d’indicateurs permettant de mesurer l’impact des initiatives RH mises en place dans 80 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial la perspective de promouvoir la diversité à l’échelle intraorganisationnelle. L’approche business case de la diversité permet finalement de concilier prospective de long-terme et quotidienneté de l’exigence managériale, inscrivant ainsi la thématique même de la diversité dans les grilles traditionnelles de la stratégie et de la GRH. Au niveau individuel : concevoir un leadership transformatif et développer le mentoring A l’orée des paragraphes précédents, il apparaît clairement que la gestion de la diversité doit être considérée comme une compétence managériale à développer au sein des organisations. Le rôle du leadership au sein des démarches de promotion de la diversité s’avère là absolument central car le leader est appelé à reconnaître et à valoriser la diversité des membres de ses équipes. Outre un positionnement hiérarchique élevé lui permettant d’exercer un impact réel sur le management en entreprise, le leader se doit d’afficher une propension personnelle à la reconnaissance de la diversité, ainsi qu’une crédibilité à promouvoir une appropriation collective de la diversité -processus créateur (Alter, 2005). Son rôle est enfin également de justifier l’importance de mener une politique pro-active de la diversité, à la fois au nom de la mission intégratrice et sociétale de l’entreprise, mais aussi et surtout de l’intérêt stratégique de l’organisation (Mutabazi et al., 2008). L’amélioration du management de la diversité doit passer par une attention particulière accordée aux capacités de leadership des individus, et notamment l’adoption d’un style de leadership transformatif. A cet égard, l’accent sera mis sur quatre mécanismes fondamentaux développés à l’aide d’activités de mentoring ou de formation (Bennis & Nanus, 1985) : – le ralliement par la vision, en proposant aux individus une projection claire du futur; – la transmission d’une vision partagée de manière à susciter l’adhésion de tous; – la capacité à gagner la confiance en promouvant la stabilité, la sincérité et la fiabilité; – l’auto-déploiement, consistant pour le leader à promouvoir son « auto-image » positive, représentant l’adéquation entre ses points forts et les besoins de l’entreprise. Parmi les pratiques concrètes de leadership appropriées à la gestion de la diversité, le mentoring et la formation s’avèrent cruciaux car permettant à l’organisation de tirer un profit supérieur des compétences et des potentialités des collaborateurs issus de la diversité. S’appuyant sur la capacité des leaders à faciliter les relations entre individus aux profils diversifiés, le mentoring facilite leur acculturation et leur intégration organisationnelle. Cela passe par un processus de médiation relationnelle et symbolique par lequel le mentor, à la fois supérieur hiérarchique et figure tutélaire, confère au mentoré une légitimité de transfert et accroît son patrimoine relationnel (Kram, 1988). Ces initiatives de mentoring s’inscrivent directement dans la perspective de Burt (1998), décrivant deux stratégies possibles du point de vue relationnel pour faire carrière en entreprise : – l’auto-construction d’un capital social basé sur un réseau large, dense et riche en trous structuraux : cette stratégie qualifiée d’entrepreneuriale serait privilégiée par les cadres-hommes, – la mobilisation d’un capital social d’emprunt induisant une hiérarchisation du réseau égocentré du mentoré. En supportant l’accès aux ressources-clés de son protégé, le mentor contribue finalement à positionner cet individu dans une relation d’égalité des chances – aux niveaux symbolique (légitimation) et pragmatique (accès à des ressources stratégiques) – par rapport à ses collègues. Mais cette pratique s’avère également être une stratégie de réduction des risques, la fréquentation des candidats permettant de mieux apprécier leurs capacités et aptitudes (Athey et al., 2000; Persson, 2009). Malgré tout, comment peut-on s’assurer du succès et de la mise en place concrète de telles pratiques de mentoring au sein de l’organisation ? Répondre à cette question amène à interroger indirectement l’articulation entre la performance égocentrée des acteurs (carrière, promotion symbolique, augmentation de salaire…), leur performance collectivement-orientée (productivité, créativité du salarié) et la performance globale de l’organisation (Kram, 1988). Du point de vue d’un management de la diversité, un leadership favorisant le mentoring permettrait à l’entreprise de mobiliser au mieux des collaborateurs à fort potentiel issus de la diversité qui pourraient être tentés par le retrait par la peur de se voir refuser des postes à responsabilités (Athey et al., 2000). La collaboration entre équipes diverses reposant sur la sédimentation d’un sentiment d’appartenance et sur une once de pression sociale, le mentoring favorise à la fois l’intégration et l’acculturation organisationnelle des acteurs issus de la diversité et l’épanouissement des dynamiques de groupe. Conclusion Notions polysémiques et plurivalentes sans cesse requalifiées, la diversité et la performance font l’objet d’une réinvestigation constante au sein du champ académique. A la lumière d’une telle observation, il est d’autant plus aisé de comprendre l’hétérogénéité relative des conclusions auxquelles aboutissent les études empiriques testant l’impact de la diversité sur la performance. Soulignant le rôle central joué par la culture organisationnelle, ces recherches insistent sur l’impact exercé par des facteurs contextuels, temporels, organisationnels et La diversité, un levier de performance : plaidoyer pour un management innovateur et créatif relationnels sur la performance d’équipes diversifiées. La diversité se révèle ainsi une ressource-clé pour l’entreprise, une gestion avertie de celle-ci étant susceptible de constituer un avantage compétitif. A l’encontre de la rhétorique du volontarisme désintéressé des organisations et de l’illusion de leur pure soumission aux contraintes légales, il s’agit là d’envisager la promotion de la diversité comme un double vecteur de légitimation de l’entreprise (Barth, 2007) et de stimulation de sa performance économique. S’inscrivant à la confluence de l’éthique, du normatif et de l’économique, la diversité se constitue ainsi en problématique centrale pour les entreprises dont elle conduit à réinterroger la stratégie tout autant que le management. Par delà l’hétérogénéité des résultats auxquels aboutit la littérature académique, cet article conclut que la diversité n’est pas de manière automatique et intrinsèque source de performance pour les organisations. Au-delà de la nécessaire prise en compte de dimensions contextuelles, c’est bien la manière de manager la diversité qui peut être source, ou non, de performance pour les entreprises. Ainsi les organisations ont-elles tout intérêt à concevoir des politiques diversité en prêtant attention aux dimensions temporelles à l’échelle sociétale, aux dimensions managériales au niveau organisationnel et aux dimensions intégratives et relationnelles à l’échelle individuelle. Et ce afin d’ériger la diversité en levier potentiel et conditionnel de performance économique. Bibliographie Alter, Norbert (2012). La force de la différence. Itinéraires de patrons atypiques, Paris, P.U.F., 276 p. Alter, Norbert (2005). L’innovation ordinaire, Paris, P.U.F. / Quadrige, 284 p. Arthur, Michelle; Cook, Alison (2003). « The relationship between work-family human resource practices and firm profitability : A multi-theoretical perspective », Research in Personnel and Human Resource Management, Vol. 22, p. 219-252. Athey, Susan; Avery, Christopher; Zemsky, Peter (2000). « Mentoring and diversity, » American Economic Review, Vol.90, N 4, p.765-787. Barth Isabelle; Falcoz, Christophe (2007). 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Notre objectif est de montrer la complexité de la démarche, liée à la difficulté de trouver les bons indicateurs mais aussi de leur donner du sens, considérant les préoccupations des dirigeants et managers, les contextes internes (culture organisationnelle, modes d’organisation du travail et politiques de GRH, secteur…) et externes (contexte socio-culturel, légal, économique) et des objectifs recherchés. Abstract This article aims to identify the technical, symbolic and political issues related to the choice of indicators used in a diversity management policy. They should allow an organization to make a diagnosis, to monitor and measure the performance of these policies. Our goal is to show the complexity of the process, due to the difficulty of finding good indicators but also of giving them meaning considering the concerns of leaders and managers, internal contexts (organizational culture, modes of work organization and HRM policies, industry), external contexts (socio-cultural, legal, economic) and the objectives set. Keywords: Diversity, Management, Diagnosis, Indicator Mots clés : Diversité, management, diagnostic, indicateur Pete STONE Just Different Resumen Este artículo tiene como objetivo identificar las cuestiones técnicas, simbólicas y políticas que surgen a la hora de elegir los indicadores movilizados en una política de gestión de la diversidad. Los indicadores deben permitir elaborar un diagnóstico, asegurar el seguimiento y la medición de los resultados de las políticas de gestión de la diversidad. Nuestro objetivo no sólo es mostrar la complejidad del enfoque que resulta de la dificultad en encontrar los buenos indicadores sino también darles sentido al tener en cuenta las preocupaciones de los dirigentes y managers. Insistimos en la relevancia de darles sentido, a la luz de los contextos internos (cultura organizacional del trabajo y políticas de GRH, campo de actividad) y externos (contexto sociocultural, legal, económico) y los objetivos que hay que lograr. Palabras claves: Management de la diversidad, diagnóstico, indicadores L a mesure de la diversité constitue une étape à la fois importante et ardue dans l’élaboration d’une politique de gestion de la diversité. Si de nombreux articles débattent de l’un ou l’autre aspect de ce diagnostic, il n’existe pas à notre connaissance d’articles académiques qui en présentent les enjeux techniques, symboliques et politiques. Notre article vise à combler cette lacune en montrant notamment que la construction d’indicateurs de la diversité renvoie au moins autant à des enjeux techniques et rationnels que rhétoriques et symboliques. Les indicateurs devraient permettre de poser un diagnostic, d’assurer le suivi et de mesurer la performance des politiques de gestion de la diversité. Ils s’accompagnent de tableaux de bord, qui ont souvent pour vocation de persuader la direction et les managers opérationnels d’adopter une politique de gestion de la diversité active et, donc, de s’engager dans des innovations organisationnelles et de débloquer des moyens pour lutter contre les coûts directs et indirects induits par la discrimination. Notre objectif est de montrer la complexité de la démarche, 1. Nous employons l’expression « mesure de la diversité » pour parler des indicateurs et tableaux de bord visant à faire un diagnostic quant au processus de discrimination et/ou au degré de diversité de la population salariée au sein des entreprises concernées. liée à la difficulté de trouver les bons indicateurs mais aussi de leur donner du sens, en regard des préoccupations des dirigeants et managers. Notre analyse est le fruit, d’une part, d’une revue de littérature dans le champ de la gestion (diversité, indicateurs de gestion, gestion des ressources humaines, management, gestion du changement) et de la sociologie (pouvoir, symbolisme, institutionnalisme) et, d’autre part, d’une étude de terrain effectuée sur une durée totale de deux ans (20092011) dans le cadre d’une commission de l’AFMD que nous avons animée sur la question de la mesure de la diversité1. Cette enquête est de nature mixte - données primaires et secondaires, qualitatives et quantitatives- et repose sur deux sources de données2 : • C inq tables rondes ont été animées sur le sujet de la mesure de la diversité avec les responsables Diversité d’une quinzaine d’entreprises : L’Oréal, Adecco, Accor, BNP-Paribas, La Poste, Véolia Environnement, CNP, 2. Bien entendu, toutes les données secondaires qui nous ont été offertes durant ces entretiens (chartes, rapports de développement durable, brochures internes...) ont également été exploitées. 86 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial SFR, Groupe Keyrus, Schneider Electric, Mornay. L’ensemble des échanges effectués durant ces tables rondes et présentations a été retranscrit sous forme de compte-rendu détaillé. • D es entretiens semi-directifs ont été menés avec l’ensemble de ces acteurs, mais aussi auprès d’entreprises n’ayant pas participé à la commission de l’AFMD sur les indicateurs (Sanofi-Aventis, Orange, Bristol-Myers Squibb, Agir Arcco, Areva, Auchan, France Télévision, Groupama, ProBTP, Groupe PSA et TF1) afin d’accroître la représentativité de notre échantillon. Après avoir été intégralement retranscrits, ils ont fait l’objet d’une analyse de contenu. L’ensemble de ces données vise à établir un bilan en matière d’enjeux, d’objectifs, de difficultés et de questionnements quant aux indicateurs qui peuvent être mobilisés pour le diagnostic, mais aussi le suivi et l’évaluation des politiques de gestion de la diversité. Nous allons montrer que le choix des indicateurs s’avère une opération complexe et difficile, à la fois en regard des informations réellement disponibles dans les bases de données de l’entreprise mais aussi des contraintes légales qui limitent le type de données qui peuvent être collectées. Les indicateurs proposés sont parfois inconsistants. On a des données objectives (ex : le sexe ou l’âge) mais aussi des constructions sociales des réalités organisationnelles et sociétales (comme le genre, l’origine, le handicap) reflétant les représentations et priorités des parties prenantes impliquées. Les entreprises se trouvent souvent dans le dilemme suivant : opter pour des indicateurs internationaux (le plus petit dénominateur commun) dont l’universalité n’est pas validée et l’intérêt limité ou choisir des indicateurs différents en fonction des pays, ce qui rend difficile toute comparaison internationale. Il s’agit également de clarifier ce qu’on veut mesurer : la représentativité de certains publicscibles ou la discrimination ? En fonction du choix posé, la démarche et les outils à mobiliser seront bien différents. L’étude montre aussi que le risque est que les entreprises se focalisent davantage sur la mesure de la diversité que sur les dispositifs de management qui devraient l’accompagner. La tâche est enfin d’autant plus complexe qu’on vise à établir et à démontrer un lien entre diversité et performance. Rares sont, en effet, les entreprises rencontrées qui ont clairement fixé des objectifs de départ précis pour leur politique de gestion de la diversité. Evalue-t-on la performance en regard du nombre et du type d’actions réalisées ou des résultats des mesures mises en œuvre ? La mesure de la diversité : illusions, complexité et défis La mesure de la diversité est une question complexe. Plusieurs défis sont à surmonter comme le choix des indicateurs liés à l’identification des groupes-cibles, le choix des méthodes ou encore le sens des données ainsi collectées en regard des contextes -organisationnels et nationaux- et des objectifs des politiques mises en œuvre. Les choix posés reflètent les pratiques en vigueur dans un contexte national bien précis et les représentations et priorités des parties prenantes impliquées. Le choix des indicateurs de la diversité suit rarement les règles de l’art en matière de tableaux de bord de gestion Lorsqu’on consulte un ouvrage de contrôle de gestion faisant référence (Taïeb, 1996), on y lit que la première consigne en matière de choix d’indicateurs est que l’indicateur doit contribuer à la réalisation de l’objectif de départ. « Le choix des indicateurs se fait en fonction de leur contribution à la réalisation de l’objectif et des actions possibles qu’ils permettent en cas de dérive » (Taïeb, 1996, p. 42). En effet, les trois rôles d’un indicateur sont d’informer, de poser un diagnostic (c’est-à-dire faire ressortir les écarts par rapport à la norme) et de faire des prévisions (les dysfonctionnements à venir et les moyens nécessaires pour les corriger). Il s’agit donc de déterminer une norme pour chaque indicateur afin que tout écart puisse « déclencher l’allumage du clignotant » (Taïeb, 1996, p. 39). Rares sont les entreprises rencontrées qui ont clairement fixé des objectifs de départ précis pour leur politique de gestion de la diversité. On retrouve plutôt des formulations floues telles que « la réduction de la discrimination à l’embauche » ou « l’accroissement du nombre de femmes à des postes de direction ». Ainsi, lorsqu’on demande aux entreprises concernées ce qu’elles visent à travers la mesure de la diversité, elles offrent des réponses qui font ressortir des objectifs souvent peu opérationnels comme : « nous voulons rendre visibles les améliorations faites en matière de diversité et évaluer les progrès réalisés » ou « la discrimination fait partie des risques opérationnels majeurs du groupe donc il s’agit de faire remonter toutes les actions permettant de prévenir cela, des Etats-Unis, du Canada, de partout ». D’ailleurs, comment pourraient-elles fixer des objectifs opérationnels et déclencher les fameux clignotants d’écarts par rapport à la norme quand rien ne permet de la définir (en dehors, de certains quotas pour l’emploi de personnes handicapées, variables entre pays) ? Que pourrait être cette norme en matière de genre, d’âge ou d’origine ethnique ? Le cas le plus problématique est, sans doute, l’origine ethnique puisque les entreprises ne peuvent s’appuyer, en France et en Belgique, sur des indicateurs statistiques « ethno-raciaux » publics qui pourraient leur servir comme base de comparaison (indicateurs nationaux, ou par bassin d’emploi). En second lieu, Taïeb (1996) souligne que les indicateurs sont d’autant plus utiles qu’ils permettent un grand nombre de comparaisons internes et externes, c’est-à-dire par rapport au passé d’une même entreprise mais aussi par rapport à la moyenne de la branche et du secteur d’activité, ou encore la moyenne nationale, européenne et internationale. « Plus les comparaisons au passé sont nombreuses, plus Enjeux techniques, symboliques et politiques de la mesure de la diversité dans les entreprises et les organisations ? on valide les tendances exprimées par l’indicateur et plus on crédibilise les projections faites pour le futur » (Taïeb, 1996, p. 39). Pour la mesure de la diversité, il n’existe, pour l’heure, aucun référentiel national ou international auquel se comparer (même si des tentatives sont en cours, notamment par l’AFNOR), d’autant que certains indicateurs sont autorisés dans certains pays mais pas dans d’autres. Une des entreprises de notre panel explique, par exemple, en quoi il est complexe d’obtenir des chiffres à l’international sur le handicap : « En ce qui concerne le sujet du handicap (…) on a beaucoup travaillé avec nos RH dans les différents pays : il n’y a aucune loi pareille… C’est sûr que les chiffres peuvent aider, mais la base de compter n’est pas la même d’un pays à l’autre et la définition du handicap n’est pas la même – une personne handicapée, ce n’est pas la même chose pour un Anglais, un Espagnol… ». Les entreprises se trouvent souvent dans le dilemme suivant : opter pour des indicateurs internationaux (le plus petit dénominateur commun) dont l’universalité n’est pas validée et l’intérêt limité ou choisir des indicateurs différents en fonction des pays, ce qui rend difficile toute comparaison internationale. Une entreprise déclare : « Au niveau groupe, je ne peux rien dire (…). Si je dois mener une politique « monde », je dois m’aligner sur le plus petit commun dénominateur pour ne pas être dans l’illégalité par rapport à d’autres pays. Donc, au niveau reporting et chiffres « monde », très vite on se heurte à la difficulté de produire des indicateurs qui ont du sens ». De plus, les comparaisons entre entreprises sont d’autant moins aisées que peu d’entreprises publient leurs indicateurs à l’externe : « Oui, c’est vraiment interne. On ne va pas communiquer notre tableau de bord Diversité à l’extérieur comme cela. » Enfin, les tableaux de bord doivent théoriquement être le fruit de la rencontre de deux familles d’indicateurs : les indicateurs de résultats (obtenus) et les indicateurs de moyens (intensité des efforts déployés)3. Or, il y a souvent des confusions entre les deux types d’indicateurs : pour présenter les résultats d’une politique, les entreprises dressent souvent une liste des actions réalisées, sans fournir beaucoup d’informations sur l’impact de ces actions et sur le nombre de bénéficiaires. Ces indicateurs sont des indicateurs de moyens, généralement qualitatifs ou dichotomiques (oui/non) selon que telle ou telle pratique est mise en oeuvre. En France, les indicateurs mentionnés dans le cahier des charges du Label Diversité sont surtout centrés sur les moyens (la formalisation de politiques). A cela s’ajoute des indicateurs qui s’inspirent des échelles d’attitude et qui visent à connaître l’adhésion du personnel à une politique de gestion de la diversité et des échelles qui visent à savoir si le personnel a été témoin ou victime de discrimination : « Un autre volet qui est moins perceptible, dans les indicateurs, c’est celui de la perception (…) On essaye, doucement, d’intégrer dans nos baromètres internes 3. On parle aussi d’indicateurs de « structure » (qui sont statiques) et d’indicateurs de « performance » (qui sont dynamiques). 87 l’appréciation que les collaborateurs ont de la politique de l’entreprise. Donc, on va progressivement voir comment ils ressentent la politique Diversité et s’ils sont, selon eux, témoins ou victimes de discrimination ou non. Même si ça ne suffit pas, ça permet d’éclairer un peu sur l’efficacité des politiques que l’on met en place sur les différents sujets. » Les indicateurs, plutôt que d’être le reflet de la réalité sociale, en sont une modélisation Les tableaux de bord sont généralement construits dans le cadre d’une tactique communicationnelle. Selon Feisthammel et Massot (2005), « tous les supports d’expression peuvent a priori servir de support de présentation pour restituer l’information significative d’un indicateur » (Feisthammel & Massot, 2005) (p.167). Citons, de façon non exhaustive, du plus « brut » au plus « figuratif » : les statistiques, les ratios, les pourcentages bruts, les pourcentages par tranches, les calculs de moyenne, d’écart-type, de médiane, les couleurs, les représentations graphiques, les dessins (par exemple : J ou L), la réponse à une question (sous forme de mots ou sous forme binaire : oui / non), les commentaires, l’interpellation de la part du DRH du type « On prône la diversité, mais il n’y a pas une seule femme ici présente ! » (exemple cité par une entreprise de notre panel). Le choix de ces indicateurs s’inscrit dans un exercice de communication : il s’agit de donner une certaine image de l’entreprise et de son investissement dans les politiques de gestion de la diversité. Les supports d’expression pouvant être utilisés dans le cadre de la diversité sont donc nombreux, allant du quantitatif au qualitatif, du nominal au verbal. Ils peuvent faire appel à la rationalité (chiffres, mots) ou être plus figuratif (dessin, couleur). Dans une4 des entreprises étudiées, les indicateurs de performance de la Diversité exposés dans le rapport de développement durable couvrent trois dimensions (périmètre Monde) : • les nationalités : un camembert représente en pourcentage les 10 nationalités non-françaises les plus représentées du groupe (assorti d’un commentaire : « 97 725 salariés du groupe, soit plus de 48 % appartiennent à une autre nationalité que la nationalité française. ») • les âges : un histogramme représente la pyramide des âges distribuée selon l’effectif brut total ainsi que l’effectif ayant une ancienneté inférieur ou égale à 7 ans, assorti de la seule légende suivante : « Un équilibre existe entre les différents groupes d’âge des salariés. » • le handicap : un tableau présente les effectifs du personnel handicapé sur différentes activités du groupe et selon trois zones géographiques : France, Europe hors France et hors Europe. Ces chiffres sont ensuite déclinés par 4. Nous avons opté pour une présentation anonyme des entreprises dans l’objectif de ne pas pointer spécifiquement une des entreprises qui a participé à l’enquête. 88 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial catégories de personnel : « 82 % des salariés handicapés sont des ouvriers, 15 % du personnel hiérarchique de 1er niveau et 3 % des cadres ». Le niveau d’emploi de personnes handicapées, complété par les contrats de sous-traitance avec le secteur dit protégé, représente un taux d’emploi de 8 %, pour un taux incitatif national de 6 % (norme de référence nationale pour la France ». La nationalité, indicateur de diversité culturelle, n’est qu’un indicateur partiel de cette diversité. On peut se demander pourquoi avoir choisi ce seuil de 7 années pour analyser la diversité des âges. Pour les personnes handicapées, on peut s’interroger sur le découpage utilisé pour réaliser les comparaisons internationales et les raisons qui amènent l’entreprise à positionner ce critère en regard des catégories professionnelles. Chaque format comporte ses avantages et inconvénients, notamment sur la dualité interprétation/signification : à titre d’exemple, un indicateur présenté sous forme de valeur absolue réduit les erreurs d’interprétation mais également la signification de l’information véhiculée. L’approche quantitative d’un phénomène social en facilite le suivi et permet une diffusion plus rationnelle de l’information mais peut être moins éloquente qu’une approche subjective d’engagement. Commenter les chiffres, surtout s’ils sont avantageux, facilite la compréhension d’une réalité souvent impalpable, et peut autant susciter l’adhésion des lecteurs. L’extrait suivant du rapport de Développement durable d’une autre entreprise en est un exemple : « Avec 96 959 collaborateurs représentant plus de 133 nationalités, la diversité est une réalité chez X. Elle fait aujourd’hui partie intégrante de la culture du Groupe, grâce au plan global lancé en 2003 et encadré par le Conseil de la Diversité ». Il ne s’agit pas seulement de mettre en forme une information existante mais aussi de lui donner un sens en regard des enjeux et des stratégies des acteurs en présence : nous sommes bien dans le champ de la représentation. Ainsi, le manager de la diversité peut afficher à l’extérieur un équilibre entre le nombre de femmes et d’hommes présents dans l’entreprise afin d’attirer un vivier de femmes à haut potentiel et montrer que l’entreprise n’est pas discriminatoire. Il peut aussi décider d’alerter sur l’insuffisance de femmes à des postes de direction, car il souhaite obtenir le soutien sur un plan d’action pour les femmes à haut potentiel. Il peut décider de ne présenter qu’une partie des indicateurs ou d’associer certains indicateurs pour susciter des analogies comme la sous-représentation des femmes et des seniors dans les politiques de mobilité internationale. Dans certains cas, il aura des données quantitatives mais dans d’autres, il devra se contenter d’indicateurs qualitatifs comme la perception des acteurs clé de l’entreprise. Bref, la portée d’un indicateur de la diversité ne réside pas dans son objectivité mais dans la signification qui lui sera conférée. Les entreprises se concentrent sur la mesure de la diversité, avec peu de mesure de la discrimination Une fois les indicateurs identifiés, l’enjeu est de clarifier ce qu’on veut mesurer au travers d’un diagnostic diversité et là, les confusions sont nombreuses. Pour Cédiey (Cédiey, 2008), « ces dernières années les discours qui confondent la mesure de la diversité et la mesure des discriminations sont nombreux » (p.11). Mesurer la diversité est complexe (Harisson & Hock-Peng, 2006) car, contrairement à la discrimination, aucun texte juridique ne définit la diversité. Comme le signalent Simon et Clément : « Le caractère vague de ce que recouvre la diversité lui confère une puissance d’évocation sociale qui pose des problèmes lorsqu’elle doit se convertir en politiques et surtout en statistiques. » (Simon & Clement, 2006). Ce diagnostic de la diversité est, de fait, essentiellement quantitatif, avec l’évaluation de la représentativité des groupes-cibles dans l’organisation (Blivet, 2004; Sabeg & Charlotin, 2006; Simon, 2005). L’un des premiers objectifs de cette mesure est de pointer la sous-représentation de certains publics cibles dans l’entreprise, l’organisation, les fonctions et les métiers, les niveaux hiérarchiques. Il s’appuie généralement sur une compilation et un traitement des données statistiques internes disponibles dans les bases de données du personnel. La qualité des indicateurs disponibles et utilisables est dépendante du type de données collectées dans l’organisation ou l’entreprise, de la fiabilité de ces données et leur exhaustivité, de l’existence ou non de bases de données centralisées et/ou interconnectées, de la possibilité légale de collecter ou non ces données. La mesure de la discrimination ne pose pas des questions de représentativité mais de mesure des discriminations directes et indirectes et de mise en conformité avec la loi (logique juridique) (Amadieu, 2007; Augry, Hennequin, & Karakas, 2006; Cediey & Foroni, 2007; Guitton, 2006). Le respect des contraintes légales est généralement évalué au travers d’audits de conformité (Peretti & Saut, 2007). L’objectif est pointer les carences éventuelles en matière de respect des lois sur les discriminations et des engagements conventionnels tels que les conventions collectives de travail, les normes européennes et internationales ou encore les critères pris en compte dans certains labels (normes ISO 26000 en matière de responsabilité sociale ou normes du BIT, par exemple) (Combemale & Igalens, 2006). La mesure de la discrimination peut aussi se réaliser grâce à un testing, l’une des premières études européennes étant celle du BIT, en 1998, ciblée sur les processus de recrutement (Arrijn, Feld, & Nayer, 1998). Cette méthode permet d’identifier les comportements et procédures discriminatoires en regard de certaines caractéristiques comme le sexe, l’âge, l’origine, l’apparence physique, etc. (Amadieu, 2004, 2007; Peretti & Saut, 2007; Petit, 2004). Une autre méthode consiste à analyser l’intégralité d’un processus (par exemple, celui des promotions) au sein d’une même entreprise. On part des étapes de ce processus et on essaie de montrer les effets discriminatoires liés à chaque étape (Amadieu, Enjeux techniques, symboliques et politiques de la mesure de la diversité dans les entreprises et les organisations ? 2007; Chen & DItomaso, 1996; Gavand, 2006). Ces études ont montré que les mécanismes en jeu sont complexes car ils combinent des stéréotypes et des préjugés, souvent inscrits dans des normes et procédures perçus comme objectives et neutres. Si les méthodes pour débusquer les discriminations sont nombreuses, force est de constater que les entreprises ne sont pas très demandeuses de faire émerger ses pratiques, de les nommer et de les identifier. Les craintes de l’impact négatif sur l’image de l’entreprise sont très fortes. C’est pourtant l’une des conditions pour la réussite d’un plan de gestion de la diversité. Les indicateurs sélectionnés en entreprise sont insuffisamment « consistants » Les dimensions de la diversité les plus mobilisées en entreprise sont le sexe, l’âge, le handicap et la nationalité. Ces indicateurs, perçus comme objectifs, sont pourtant loin d’être univoques. Une des caractéristiques de la diversité qui est le plus au centre des politiques de gestion de la diversité est le sexe. A priori, mesurer cette dimension est simple : le sexe, caractéristique généralement présente dans les bases de données sur le personnel, est proposé comme variable indépendante. En France, plusieurs données sexuées se trouvent dans le bilan social (35 indicateurs obligatoires) (Dantziger, 1983) et dans le rapport de situation comparée avec des données sexuées sur les rémunérations, les évolutions de carrière, le degré de mixité des emplois, les dispositifs d’articulation vie privée / vie professionnelle, les conditions de travail (Blavier & Joyeux, 2008). Si les données sont sexuées (hommes et femmes), pour justifier les politiques de gestion de la diversité, on utilise souvent uniquement les données sur les femmes. On se centre, par exemple, sur l’utilisation que font les femmes des différentes formes de congé et d’aménagement d’horaire, sans s’interroger sur la façon dont les hommes utilisent ces dispositifs (Tremblay, 2005). Même si on utilise le terme « genre », on travaille bien plus sur des données sexuées que sur des constructions sociales du féminin et du masculin (stéréotypes sexués et impact des rôles sociaux attribués à l’un et l’autre sexe). L’âge apparait aussi, à priori, comme une variable assez simple, puisque disponible dans la plupart des bases de données internes. Les politiques sont souvent formulées à partir de deux catégories d’âge distinctes : les moins de 35 ans (les jeunes) et les plus de 50 ans (les seniors). Ce découpage est largement arbitraire et variable. La catégorie « jeunes », pour certains, englobe uniquement les moins de 25 ans, d’autres parlent de 30 ou 35 ans (Montelh, 2000). Marbot montre aussi, à partir d’une analyse des accords pris dans les entreprises françaises, l’inconsistance de la catégorie des seniors, avec des limites d’âge très variables, y compris sur les différents accords d’une même entreprise (Marbot, 2011). Certains préfèrent parler de générations, 89 qui se superposent plus ou moins aux différents groupes d’âge. Cela correspondrait à trois groupes : la génération “Y” (nés après 1978), la génération “X” (nés entre 1962 et 1978), les “Baby-Boomers” (nés entre 1945-1947 et 1962). Les générations sont censées regrouper les individus qui sont nés dans une même période et qui partagent des événements sociaux et historiques (Méda & Vendramin, 2010). Les valeurs des trois générations considérées seraient différentes en regard de l’importance donnée au travail, à la vie privée, aux loisirs, à la vie familiale, à la vie sociale, à l’implication politique, à l’égalité hommes-femmes, etc. (Godard, 1992; Guerin & Fournier, 2004; Twenge, 2010; Twenge, Campbell, Hoffman, & Lance, 2010). Les années à prendre en compte pour positionner une personne dans une génération sont loin de faire l’unanimité. Selon les auteurs, les catégories varient de plus ou moins 5 ans (Twenge et al., 2010). Par ailleurs, plusieurs auteurs remettent en cause l’idée de valeurs communes à certaines générations qui les différencieraient des autres générations (Pichault & Pleyers, 2010). Pour les personnes handicapées, la question des indicateurs à utiliser constitue aussi un défi. A priori, tout le monde s’accorde sur le fait qu’est considéré comme un handicap toute déficience durable ou récurrente de la capacité physique, mentale ou sensorielle d’un individu. Les indicateurs retenus dépendent des contextes nationaux et des législations, voire d’un secteur à l’autre (ex : certains assimilations possibles dans le secteur public mais pas dans l’entreprise privée) (Bodin, 2003). De plus, dans les bases de données du personnel, on peut identifier les personnes qui ont une reconnaissance publique comme « personne handicapée » et qui l’ont signalé à l’entreprise, mais cela ne recouvre souvent qu’une petite partie des salariés ayant un handicap (Biname & Mercier, 2004a; Bodin, 2003). En effet, certaines personnes avec un handicap ne souhaitent pas que leur handicap soit connu de l’entreprise, par peur d’être stigmatisées ou de perdre leur emploi. Certains ont des handicaps sans que cela soit nécessairement perçu et identifié comme tel, autant par les personnes elles-mêmes que par leur entourage (Goffman, 1963). Certaines entreprises vont encourager l’auto-identification des personnes comme personnes handicapées, qu’elles soient ou non reconnues comme telles par l’Etat, le plus souvent dans un souci de comptage (Le Clainche & Demuijnck, 2006). Le dernier critère le plus mobilisé dans les politiques de gestion de la diversité est l’origine. Les bases de données permettent de fournir des informations sur les différentes nationalités représentées dans l’organisation, et cette donnée est fréquemment utilisée dans les rapports des entreprises pour montrer la diversité culturelle. La nationalité n’est pourtant qu’un indicateur assez limité pour poser la question de la diversité des origines. En effet, les politiques de gestion de la diversité ciblent les personnes d’autres nationalités mais aussi celles et ceux qui ont la nationalité du pays, mais qui ont des origines qui les placent dans un groupe potentiellement discriminé en raison de leur origine, 90 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial de leur culture, de leur patronyme, de leur couleur de peau, de leur apparence physique (Chrobo-Mason, Konrad, & Linneham, 2006; Vertommen, Martens, & Ouali, 2006). La difficulté vient de la complexité et de l’hétérogénéité de cette catégorie, des nombreuses façons de la nommer, mais aussi, du contexte légal et social qui permet ou non la mesure de l’origine (Haut conseil de l’intégration, 2007; Klarsfeld, 2010; Raoult, 2009; Sabeg & Charlotin, 2006; Schnapper, 2006; Simon & Clement, 2006; Zannad & Stone, 2009). Certains pays utilisent l’auto-déclaration dans laquelle les personnes s’associent, de manière volontaire, y compris dans les bases de données sur le personnel, à un groupe de référence (pour les USA : Indiens -Native American-, Asiatiques - Pacifique, Noir -Black and African American-, Blancs, Hispaniques -Hispanic and Latino). Ce découpage fait l’objet de nombreux débats avec notamment l’opportunité d’introduire de nouvelles catégories, mais aussi le positionnement des personnes qui ont plusieurs appartenances (métis – « interracial group ») (Chloé, 2010). Cette auto-déclaration n’existe ni en Belgique ni en France (Centre pour l’égalité des chances et de lutte contre le racisme, 2005; Eggerickx, Perron, & Thomsin, 2007; Haut conseil de l’intégration, 2007; Simon, 2005). La CNIL estime notamment que tout classement dans des catégories « ethno-raciales » est non pertinent. Elle recommande5 donc aux employeurs de ne pas recueillir de données sur l’origine. Une autre option, réalisée dans certaines entreprises, est un comptage sur les patronymes. Cette méthode est loin de rencontrer une forte adhésion. Le Haut Conseil de l’intégration qualifie cette méthode d’aléatoire, lacunaire, illégitime, discriminatoire ou inadaptée (Haut conseil de l’intégration, 2007). Derrière cette question du choix des indicateurs se pose aussi la question de la pertinence des catégories choisies en regard des questions d’appartenance et d’identité (Nkomo, 1995; Simon & Clement, 2006). Nous ne pouvons donc que constater que trop souvent les indicateurs choisis pour construire et évaluer les politiques sont inaptes à capturer la finesse des informations utiles. Les responsables diversité optent pour des catégories de la diversité préétablies dans une logique « pick and choose » La construction de politiques de gestion de la diversité autour de certains groupes-cibles est loin d’être neutre. Tatli et Özbilgin (Tatli & Özbilgin, 2012) dénoncent l’approche dite « etic » qui investit des catégories de la diversité préétablies (sexe, âge, origine, handicap, orientation sexuelle). Ces travaux qui s’inspirent des « critical management studies » soulignent les risques d’enfermement des groupes-cibles de la diversité dans des catégories rigides qui sont avant tout le reflet de constructions sociales (Zanoni & Janssens, 5. CNIL, recommandation du 5/5/2005 2004) et font l’impasse sur les questions d’appartenance et d’identité (Nkomo, 1995; Simon & Clement, 2006). On voit que les diagnostics et les actions en matière de diversité se placent dans des « chemins » préexistants (genre, handicap, âge, etc.), avec une hiérarchie des priorités qui a souvent pour effets de traiter en premier ce qui paraît le plus palpable et mesurable (les inégalités hommes-femmes, le handicap, l’âge). La question des origines ethno-raciales est ainsi laissée de côté (Bereni, 2011), faute de pouvoir être appréhendée de manière satisfaisante. D’autres dimensions de la diversité, générant des discriminations bien réelles sur les lieux de travail, sont passées sous silence, alors qu’elles apparaissent dans le cadre légal (Schnapper, 2006). Les entreprises favoriseraient les catégories de la diversité qui servent leurs intérêts, opérant ce que Doytcheva nomme une « stratégie du coin » (Doytcheva, 2009). Les entreprises se focalisent davantage sur la diversité en soi que sur les dispositifs de management qui devraient l’accompagner Les indicateurs retenus pour mesurer les progrès effectués en matière de diversité se focalisent souvent sur la collecte d’indicateurs des bénéficiaires de certains processus de ressources humaines, indicateurs souvent collectés pour le bilan social. Ainsi, Blavier et Joyeux constatent que 93 % des entreprises interrogées utilisent des indicateurs pour le recrutement, 78 % pour la rémunération, 63 % pour la formation et 59 % pour l’évolution professionnelle (Blavier & Joyeux, 2008). Seules 22 % d’entre elles utilisent des indicateurs de climat social, ce que confirme notre propre étude de terrain : peu d’entreprises mesure les perceptions des salariés. Pourtant les études empiriques montrent que la diversité des salariés soulève des difficultés en matière de confiance, d’ambiance et de communication : « Plus que de favoriser à tout prix la diversité en entreprise, il s’agit surtout de trouver les solutions managériales adaptées pour la piloter » (p. 141) (Robert-Demontrond & Joyeau, 2009). Le pilotage managérial a ici toute son importance, pourtant peu d’évaluations internes lui sont consacrées. La performance générée par la diversité relève davantage du mythe que de la science Le lien entre performance et politiques de gestion de la diversité relève autant du mythe que de la réalité. Ici, science et foi divergent assez fortement. En effet, si les articles et supports managériaux mettent en avant les avantages humains, sociaux, commerciaux et financiers des politiques de gestion de la diversité, plusieurs articles académiques fondés sur des études empiriques montrent que les bénéfices attendus ne sont pas toujours là (Zannad & Stone, Enjeux techniques, symboliques et politiques de la mesure de la diversité dans les entreprises et les organisations ? 2009). Nous ne reprendrons ici que quelques éléments des résultats : • L a diversité croissante des équipes de travail peut entraîner des conséquences négatives sur le plan affectif : turnover plus élevé, insatisfaction, faible implication, absentéisme accru (notamment dans les niveaux à faible niveau de qualification de l’organisation), réduction de l’implication, sentiment d’injustice en regard de certaines politiques d’actions et/ou de discriminations positives. • L a diversité de compétences et de formation (en particulier dans les équipes projet et le top management) produirait, quant à elle, des conséquences positives sur le plan cognitif : prise de décisions pertinentes, résolution de problèmes améliorée, meilleure adaptation stratégique de l’organisation. Les groupes hétérogènes faciliteraient l’adaptation lorsque l’environnement est instable mais les équipes homogènes seraient plus efficaces lorsque la compétition est intense. • L a diversité dans les équipes projet aurait des effets ambigus sur l’innovation : négatifs car elle entraîne un ralentissement dans la prise de décision mais aussi positifs, car elle génère une créativité accrue. • L a diversité a des impacts sur la cohésion et la performance de groupe : on constate, parfois, la création de sous-groupes qui inhibe l’apprentissage qui aurait être pu être tiré de la diversité d’expériences, d’idées et d’opinions et qui inhibe la capacité à travailler ou à tisser des réseaux en dehors de l’équipe. • L es pratiques d’égalité de traitement et de diversité seraient bénéfiques dans des contextes de pénurie de main d’oeuvre car cela élargit le bassin de recrutement, en encourageant notamment les acteurs à engager du personnel qui ne répond pas au profil-type de la fonction. • I l existerait une relation négative entre la diversité et la productivité de l’entreprise, à court terme, du fait de la compétition, mais une relation plus positive à long terme due à l’accroissement de l’adaptabilité. Si les résultats apparaissent comme mitigés, les managers de la diversité perçoivent, à l’inverse, beaucoup de bénéfices à la diversité dans l’entreprise. Ils citent généralement les gains suivants : performance économique (meilleure captation des clients, innovation, performance boursière, rétention des talents, réponse aux demandes des parties prenantes, amélioration des prises de décision) et performance sociale (mobilisation des salariés, réduction de l’absentéisme, amélioration de la santé émotionnelle). En témoignent les verbatim suivants, issus d’entreprises de secteurs variés : •« La diversité, c’est la conséquence positive de la nondiscrimination ; c’est source de performance, ce qui est étayé par des études faites aux USA. Il s’agit d’une 91 conviction qui vient des tripes chez les jeunes mais plus raisonnable chez les cinquantenaires. On pense, au départ, que c’est contre-productif mais on se rend compte par la suite de ce que cela apporte. » •« Plus on ressemble à nos clients, plus on est diversifié et plus on sera performant. A mon avis, on fera les offres justes au bon moment. Je pourrai prendre l’exemple de la télécommande, qui a été inventée pour des personnes au niveau handicap moteur (…). Plus on va chercher les talents partout et plus on a de chances d’être pertinent dans notre marché. Et donc, business et développement durable là, font un super bon ménage, en tous les cas dans notre secteur d’activité. » •« La diversité constitue un sujet essentiel pour nous depuis 2000. D’abord, les personnes discriminées ont des ambitions plus fortes, liées à une volonté de revanche; ensuite, les équipes diverses sont plus créatives : nos grandes histoires d’inventions viennent d’équipes diverses ; le gène-code de la créativité est fait par des gens non clonés, pas par des bien-pensants (…). La beauté et la diversité vont de pair ; les Pharaons s’ornaient et se maquillaient déjà. Nous sommes le leader mondial de la beauté, il doit investir dans la diversité. » Les managers de la diversité sont demandeurs d’indicateurs qui peuvent valider leur impression du lien entre performance et diversité mais cela relève aussi beaucoup de l’acte de foi, avec des convictions profondes qui donnent sens à leur mandat. Ceci rejoint bien l’affirmation de Lebas selon laquelle la performance n’existe pas de façon intrinsèque mais est « définie par les utilisateurs de l’information par rapport au contexte décisionnel caractérisé par un domaine et un horizon de temps » (Lebas, 1995 ) (p. 68). L’évaluation est aussi une opération politique qui « privilégie toujours le point de vue de certains acteurs ». (Le Maître, 1998 ) (p. 820). L’efficience de la mesure de la discrimination et/ou de la diversité Toutes les difficultés, limites et critiques qui viennent d’être développées (respect des règles de l’art en matière de tableaux de bord, modélisation sélective de la réalité de la diversité et inconsistance de certains indicateurs) ne doivent pas nous empêcher de mener une réflexion d’ordre conceptuelle et, surtout, méthodologique visant à défendre une logique transversale de la mesure de la discrimination/ diversité et à accroître la pertinence des indicateurs les plus fréquemment utilisés. Nous n’allons pas pouvoir identifier toutes les dimensions du débat dans cet article mais nous allons tenter d’en pointer les éléments qui nous paraissent essentiels à introduire dans le cadre des politiques de gestion de la diversité. 92 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial Repenser les indicateurs des différentes dimensions de la diversité Nous avons vu que les indicateurs les plus fréquemment utilisés sont le sexe, l’âge, le handicap déclaré et connu par l’entreprise et, enfin, la nationalité. Ces indicateurs ont leurs limites telles que décrites dans la première partie. Nous proposons donc ici d’élargir la manière d’appréhender ces indicateurs souvent trop réducteurs. Penchons nous d’abord sur les indicateurs sexués. Il apparaît intéressant de sortir de données comparatives hommes / femmes ou de données uniquement sur les femmes, pour s’intéresser aux constructions sociales du genre. Ces constructions sociales sont un élément explicatif important des situations d’inégalités entre les hommes et les femmes (Campoy, Maclouf, Mazouli, & Neveu, 2008; Gavray, 2008; Kergoat, 2005; Laufer, 2007, 2008). Il s’agit de dépasser la différence biologique entre les hommes et les femmes, pour inclure, dans le diagnostic et l’évaluation, l’impact des stéréotypes sexués et des rôles sociaux et professionnels associés à l’un et l’autre sexe. Ceci peut, par exemple, être très éclairant pour comprendre les mécanismes qui amènent à la sous-représentation des femmes dans certains métiers et fonctions (Gavray, 2008; Laufer & Pochic, 2004; Maruani, 2006) mais aussi dans l’usage que font faire les hommes et les femmes des différentes formes de flexibilité, proposées par l’entreprise et la société (Tremblay, 2005, 2008). Sur la question de l’âge, plusieurs entreprises commencent à introduire une catégorie d’âge intermédiaire, appelée les « médiors », soit les 30/35-45/49 ans. L’idée est que l’allongement des carrières repositionne l’attention portée à cette génération intermédiaire. On y rencontre des hommes et des femmes avec des projets de reconversion professionnelle, qui passent parfois par des changements de statuts (de salarié à indépendant et inversement). Cette période se traduit, pour plusieurs salariés, par des recompositions familiales. C’est pourquoi certains défendent l’idée qu’une politique de gestion de la diversité ne doit pas se penser autour des âges, ni des générations mais autour des cycles de vie (Tremblay, 2005), notamment ceux liés à la vie familiale, ce qui en regard des recompositions familiales et de l’évolution des formes familiales est certes intéressant, mais aussi très complexe à appréhender. Cela amène à repenser, par exemple, les problématiques de transfert de compétences intergénérationnelles et de tutorat (Masingue, 2009). Un croisement âge et genre peut aussi s’avérer très intéressant en regard des trajectoires différenciées des hommes et des femmes dans les différentes générations. Sur la dimension des origines, on doit s’interroger sur les possibilités de construire une variable « origine » qui ait du sens et qui, pour la Belgique et la France, dépasse par conséquent, le critère de nationalité. L’INED a ainsi conduit une enquête expérimentale « Mesure de la diversité » qui teste différentes méthodes de déclaration des origines nationales ou ethniques (Simon & Clement, 2006). Le pays de naissance et nationalité du répondant, de ses parents et grands-parents sont perçus comme la mesure la plus objective, que Simon et Clément (2006, p. 66) opposent à une mesure « subjective » qui serait notamment l’auto-classification dans des catégories ethniques, qui renvoie plus à la notion d’identité (sentiment d’appartenance) et à la façon dont un individu se définit (Silberman, 2006). Si des possibilités s’offrent aux entreprises à des fins de comptage (enquête interne et anonyme), il n’en reste pas moins que c’est une opération qui nécessite, dans de nombreux pays, de prendre de nombreuses précautions et d’avoir les autorisations des organismes de protection de la vie privée. Les contextes légaux nationaux sont très différents et ceci pose de nombreux défis aux gestionnaires de la diversité invités à produire des données statistiques sur l’origine qui permettraient des comparaisons transnationales. La mesure du handicap devrait elle aussi être source de débat au sein de l’entreprise, pour produire des données qui ont du sens et qui permettent de construire des politiques d’insertion et de réinsertion socio-professionnelle correspondant aux réalités des personnes handicapées dans le contexte local et national. De plus, les nombreuses études transnationales montrent que les groupes-cibles sont loin d’être universels. D’autres dimensions sont prises en compte en regard des contextes organisationnels et nationaux tels que l’appartenance linguistique, le lieu de vie, la religion, le niveau de qualification, la catégorie socio-professionnelle (Klarsfeld, 2010). Ceci montre à quel point, la gestion de la diversité, comme toute politique de GRH, ne peut être analysée et comprise en dehors d’une mise en contexte qui va donner sens aux pratiques et aux outils de gestion (Davel, Dupuis, & Chanlat, 2008). Tatli et Özbilgin vont plus loin en proposant une approche qu’ils appellent « emic » qui structurerait les politiques de gestion de la diversité autour de catégories émergentes, spécifiques à chaque contexte géographique et temporel (Tatli & Özbilgin, 2012). Ces facteurs de discrimination sont souvent contextuels, liés à l’histoire interne de l’organisation ou de l’entreprise (comme parfois après des processus de fusion) et à des facteurs externes d’intégration ou de stigmatisation de groupes dans une société. Créer une réelle valeur ajoutée autour de la diversité, en allant au-delà du discours Les politiques de gestion de la diversité restent parfois au niveau de la rhétorique. La performance peut être sémantique avec une politique Diversité non substantielle, qui devient uniquement une opération de communication, visant à travailler sur son image externe, dans un souci d’isomorphisme contextuel (Dimaggio & Powell, 1983). Bereni et Janait parlent de registre lexical du libéralisme, avec des notions comme l’harmonie, la tolérance et la pluralité (Bereni & Jaunait, 2009). Le « business case » de la diversité (Cornet & Warland, 2008) qui suscite l’intérêt des chefs d’entreprise et de la ligne hiérarchique reste Enjeux techniques, symboliques et politiques de la mesure de la diversité dans les entreprises et les organisations ? largement à construire. Le propos est de fait perçu comme plus mobilisateur que la seule contrainte légale ou les discours de lutte contre les inégalités sociales (Bereni, 2009) mais dans les faits, il y a encore peu d’articulation réelle entre les politiques de gestion de la diversité et leurs effets sur le business (meilleure satisfaction de la clientèle, plus d’efficience découlant d’une meilleure utilisation des ressources, plus d’innovation et de créativité). Il y aurait un réel travail de collecte de données sur le terrain à réaliser pour valider et illustrer cette valeur ajoutée à partir de données empiriques solides. Débusquer les discriminations directes et indirectes Le « business case » de la diversité ne doit pas faire oublier l’importance du contexte juridique et de la lutte contre les discriminations. Les études sur les discriminations se centrent très souvent sur les processus de recrutement et de sélection. Pourtant, il y a un intérêt à étudier l’ensemble des politiques de gestion des ressources humaines. Ainsi, une analyse des salaires et des rémunérations peut faire émerger des inégalités salariales liées au sexe (Lemiere & Silvera, 2008) ou des écarts liés à l’origine (Meulders, Plasman, & Rycx, 2004). Des études récentes pointent, enfin, les discriminations liées à la santé et la sécurité au travail (Brown, 1996; Chappert et al., 2009). Le label diversité français montre l’intérêt d’aller au-delà de l’audit de conformité avec les contraintes légales (ex : respect de la loi dans les offres d’emploi) en faisant émerger l’identification de discriminations à partir d’entretiens individuels ou de groupes avec des personnes ressources qui peuvent être des témoins d’actes de discrimination. Plusieurs parties prenantes sont identifiées comme les délégués syndicaux mais aussi les personnes désignées comme personne-ressource pour le harcèlement, les mentors et les coachs, les professionnels des ressources humaines, les médecins du travail, les chefs d’équipe (Chrobo-Mason et al., 2006; Falcoz, 2007; Rank, 2009). Ceci peut aussi permettre d’identifier différents stéréotypes et préjugés à l’égard des groupes-cibles (ChroboMason et al., 2006; Fiske & Tiane, 2008). Notons aussi l’analyse de contenu de documents internes à l’entreprise pour identifier les stéréotypes, porteur de discriminations, véhiculés dans les supports (texte et images) et la visibilité donnée aux membres du personnel diversifié. On peut aussi s’intéresser au degré de satisfaction à l’égard des politiques de GRH des personnes appartenant aux groupes-cibles au travers des enquêtes de satisfaction au travail et de climat social (Kossek, Lobel, & Brown, 2006). On retrouve dans le même ordre d’idée les enquêtes élaborées pour mesurer le sentiment de justice et d’équité en regard des pratiques de gestion dans les entreprises et les organisations (ChroboMason et al., 2006; Cloutier, 2008). 93 Défendre une logique transversale des dimensions de la diversité Nombreux sont les chercheurs qui plaident pour une logique intersectionnelle de la diversité, c’est-à-dire la nécessité de prendre en compte la situation des personnes qui combinent plusieurs caractéristiques (Browne & Misra, 2003; Cornet, 2010; Makonen, 2002; Tatli & Özbilgin, 2012; Verloo, 2006). L’enjeu est de montrer comment se combinent les multiples systèmes de domination qui reproduisent les inégalités sociales. En sciences sociales, il existe de nombreux écrits qui questionnent cette approche des publics discriminés en catégorie perçue comme indépendante et homogène (Rummens, 2003; Shiels, 2003; Wilkinson, 2003), ce questionnement étant encore peu relayé dans les écrits théoriques et managériaux sur la gestion de la diversité. Le concept d’intersectionnalité veut dénoncer une approche analytique de chaque dimension de la diversité prise isolément, qui débouche sur une approche additionnelle des groupes-cibles, que l’on pourrait aussi appeler approche par « juxtaposition », avec, par exemple, des politiques pour les femmes ou pour les personnes d’origine étrangère. L’argument est que ces groupes ne sont pas homogènes mais traversés par de multiples rapports sociaux. La combinaison de plusieurs dimensions et caractéristiques influencent la construction des identités individuelles (Holgate, Hebson, & McBride, 2003; Wilkinson, 2003) mais aussi les représentations qui façonnent les processus organisationnels et les interactions sur le marché de l’emploi. Il s’agit donc de s’intéresser aux combinaisons des différentes caractéristiques pour mieux comprendre les identités individuelles mais aussi les situations d’inégalités les processus discriminatoires dans l’emploi et les effets des politiques et pratiques de gestion de la diversité. Cette approche plaide pour une approche multidimensionnelle pour mieux comprendre les phénomènes de domination, de hiérarchisation et d’exclusion que l’on peut observer sur le marché de l’emploi et la manière dont se combinent les différentes caractéristiques pour renforcer ou, au contraire, atténuer des situations d’inégalités. Il s’agit de comprendre comment les différentes caractéristiques interagissent et s’influencent mutuellement et d’identifier les processus organisationnels à travers lesquels sont construits les privilèges et positions des individus dans un groupe et/ou une entreprise (Tatli & Özbilgin, 2012). Mettre en place des dispositifs de management qui permettent de potentialiser le lien diversité et performance S’interroger sur les facteurs permettant de favoriser une corrélation positive entre diversité et performance, c’est s’interroger sur les variables qui jouent un rôle médiateur entre la diversité et la performance, c’est-à-dire qui potentialisent ou, au contraire, pénalisent cette dernière. Ces facteurs relèvent de caractéristiques individuelles mais aussi de l’organisation, des styles de management et du contexte 94 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial externe. Connaître ces facteurs permet aux managers de la diversité d’être conscients des variables sur lesquelles ils n’ont pas de contrôle et, à l’inverse, d’identifier les facteurs sur lesquels ils « ont la main ». Parmi les facteurs organisationnels, on trouve la nature des tâches à effectuer et la division du travail, les politiques de gestion des ressources humaines et la culture d’entreprise. Parmi les facteurs de contexte externe, on recense notamment le degré de stabilité du marché, les composantes du marché du travail, les spécificités liées au secteur d’activité, le poids des différentes parties prenantes. Il y a aussi des facteurs processuels comme l’horizon temporel des projets, le style de management de management, les rapports de pouvoir entre les différents acteurs internes et externes. Conclusion Le diagnostic et la construction d’indicateurs permettant d’initier et d’évaluer des politiques de gestion de la diversité constituent des étapes difficiles mais cruciales. Etablir un diagnostic précis est loin d’être simple en regard des données statistiques disponibles, du choix des indicateurs, des limites des analyses quantitatives et qualitatives et de la multitude des méthodes qui peuvent être mobilisées. Les questions et hypothèses qui structurent l’action sont souvent déterminantes. L’approche quantitative de la diversité permet en quelque sorte d’objectiver la représentativité de certains publics cibles dans l’organisation, pour autant que la question posée soit bien celle de la représentativité ! Commenter les chiffres facilite la compréhension et l’appréhension d’une réalité mais ces données ne prennent sens qu’en regard des contextes organisationnels, culturels et nationaux et des préoccupations des parties prenantes en présence. Si les indicateurs décrivent une certaine réalité, ils la construisent tout autant, en donnant des contours précis à cette notion de diversité, en faisant émerger des catégories à la conscience des individus, en plaçant l’accent sur tel ou tel groupe défini comme minoritaire, « à problème » ou « à risque ». Dit autrement, ils correspondent non pas à une photographie fidèle de la réalité, mais à des constructions sociales et à des choix en partie arbitraires. Nous soulignons l’importance de combiner des approches qualitatives et quantitatives, de ne pas se limiter à des données globales mais de leur donner du sens, en regard des contextes internes (culture organisationnelle, modes d’organisation du travail et politiques de GRH, secteur d’activité) et externes (contexte socio-culturel, légal, économique) mais aussi des objectifs recherchés. L’enjeu du diagnostic est de susciter l’adhésion des acteurs sur la nécessité et les raisons d’agir. Il s’agit de reconnaître qu’il peut exister des problèmes, des discriminations directes et indirectes et qu’il y a lieu de s’y attaquer mais aussi que la diversité peut constituer une source de richesse et de profit pour l’organisation (ouverture à de nouvelles compétences, plus de créativité et d’innovation, etc.). Les difficultés rencontrées en matière de mesure de la diversité sont d’ordre différent selon la maturité qu’a l’entreprise sur le sujet, selon le secteur ou le degré d’engagement de la sphère dirigeante. Reste à réfléchir sur l’usage qui va être fait de ces indicateurs de diagnostic : ces données sont-elles réservées au responsable diversité et gestion des ressources humaines, mobilisées dans des plans stratégiques, diffusées à l’intérieur de l’organisation pour susciter la prise de conscience et/ou l’adhésion à des politiques de gestion de la diversité. Visent-elles à progresser en matière de discrimination/ diversité ou à donner une image positive de l’organisation à ses parties prenantes internes et externes ? Des pistes de recherche émergent. Il serait intéressant d’avoir des études complémentaires sur la manière dont les gestionnaires diversité construisent et s’approprient les indicateurs. Des comparaisons internationales sont nécessaires pour identifier ceux qui sont transversaux et ceux qui restent spécifiques en regard des contextes socio-culturels et légaux de chacun des pays. Des recherches sont à développer autour de la manière d’appréhender les questions d’intersectionnalité. La construction d’indicateurs qui permettent réellement de mesurer les progrès réalisés reste aussi un enjeu central pour la recherche. Bibliographie Amadieu, Jean-Francois. (2004). Enquête testing sur CV : ADIA, Paris I, Observatoire des discriminations. Amadieu, Jean-Francois. (2007). Identifier les discriminations dans l’emploi. 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Abstract In this publication the authors would like to address the issue of diversity management in a small and medium-sized enterprise (SME). It is often stated the diversity initiatives of SMEs are different from large companies. The aim of this publication is first to show that SME are also implementing diversity initiatives and second that these approaches are not so different from those of larger organizations. From a theoretical viewpoint, the authors want to demonstrate with the help of an empirical study conducted in an SME with 284 employees that the implementation of diversity management can bring new perspectives to way human resources are managed : transforming a more traditional approach into a more strategic approach. Mots clés : gestion de la diversité, petite et moyenne entreprise (PME), responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) Keywords: Diversity Management, Small and Medium-Sized Enterprises (SMEs); Corporate Social Responsibility (CSR) Introduction : de la gestion des RH en PME … L a gestion des ressources humaines (GRH) permet de constituer et de développer un potentiel humain; c’està-dire un capital capable de produire, de s’enrichir et de s’adapter aux changements auxquels l’entreprise est soumise (Mahé de Boislandelle, 1998). L’objectif est de mobiliser les talents pour « résoudre les problèmes, exploiter les opportunités, parer les menaces externes pour parvenir à une rentabilité adéquate » (Candau, 1983). Dans ce sens, l’objectif de la GRH est d’attirer les meilleurs candidats qualifiés afin d’adapter l’offre de travail au profit des salariés et de les fidéliser tout en tenant compte de leurs attentes et de leurs besoins. Le fait de disposer d’une main-d’œuvre diversifiée comporte plusieurs avantages pour les entreprises comme par exemple avoir une image positive auprès des clients ce qui amène des retombées positives pour leurs affaires (Shoobridge, 2006). Certains auteurs évoquent la gestion de la diversité et plus particulièrement « le business case » – comme un concept qui permet d’accroître la performance économique de l’entreprise (Bender, 2004, Garner-Moyer, 2006, Laufer, 2005). Selon Cornet et Warland (2008), le « business case » Resumen En esta publicación queremos abordar el tema de la diversidad enfocado a las pequeñas y medianas empresas (PYME). A menudo se habla de que las iniciativas de diversidad en las PYME son diferentes a las de las grandes empresas. El objetivo de este trabajo es en primer lugar, mostrar que las pymes también están comprometidas y que sus planteamientos no son tan diferentes de los grupos más grandes. Desde un punto de vista teórico, queremos demostrar a través de un estudio empírico, que la integración de la diversidad puede llevar a las empresas pequeñas y medianas, de un enfoque tradicional de los recursos humanos (HR) a uno renovado, estratégico. Palabras claves: gestión de la diversidad, las pequeñas y medianas empresas (PYME), la responsabilidad social empresarial (RSE) du management de la diversité repose sur l’idée qu’un personnel diversifié améliore la performance globale de l’entreprise et répond à un équilibre fragile entre des logiques d’action sociales et économiques. La plupart des petites et moyennes entreprises (PME), souvent éloignées de ces préoccupations ressources humaines (RH), sont souvent sceptiques quant aux performances attendues. Selon l’INSEE, 93,1 % des entreprises françaises comptent moins de 10 salariés. Les petites et moyennes entreprises (PME) représentent 2/3 des emplois en France (OSEO, 2007). Les PME emploient environ 10 millions de personnes et 55 % des personnes actives du secteur privé travaillent dans les PME (OSEO, 2007). Ces statistiques montrent l’importance des PME dans le tissu économique. Selon Julien (2005), la PME n’est plus perçue comme la « miniature » de la grande entreprise et présente des caractéristiques qui lui sont propres. Dans ce sens la PME ne sera plus considérée comme une « grande entreprise miniature » mais comme une unité à part entière (Gueguen, Peyroux et Torres, 2007). « La diversité permet dans ce cas une assurance de compétitivité pour les PME en trouvant La mise en œuvre d’une démarche diversité en PME – Quelques enseignements d’un centre d’appel spécialisé toute sa légitimité avec un besoin de proximité avec des clients diversifiés » selon Peretti (2006). Certains chefs d’entreprises de PME mettent l’accent sur l’effet de la taille ce qui implique pour eux un manque de moyens par rapport aux grands groupes. D’après Parlier (2006a et b) une PME est une structure : • r egroupant au moins 10 personnes jusqu’à un maximum de 250, selon le Journal des communautés européennes ((3 avril 2006), ou de 500, selon l’INSEE; • indépendante juridiquement, ce qui permet de la différencier de la petite et moyenne organisation (PMO); Nous avons retenu comme PME dans le cadre de la présente recherche, les entreprises employant moins de cinq cents personnes, donc les PME de petite et moyenne taille. Comme l’indique Bachelard (2003), la plupart des chercheurs (dont Ducheneaut, 1996) travaillant sur cet objet utilisent également ce critère quantitatif, notamment l’effectif. Les RH jouent un rôle central dans le développement de l’entreprise (Louart et Villette, 2010), même si elles n’occupent pas dans l’esprit des dirigeants une place prépondérante (Mahé de Boislandelle, 1998). Pris par la gestion quotidienne, les patrons des PME n’accordent pas suffisamment d’attention à la gestion de leur personnel. Leurs objectifs sont la performance de l’entreprise et sa pérennité. D’après Amboise et Garand (1995), la fonction RH dans les PME connaît plusieurs types de difficultés : – f aible formalisation des politiques, procédures et pratiques de GRH, – limites des ressources financières, matérielles et humaines, – m anque global d’expertise dans les méthodes et techniques de GRH, – f orte centralisation autour du propriétaire-dirigeant et difficultés de délégation, – a ttitudes négatives et résistances aux changements de la part du personnel et du dirigeant, – inadéquation des démarches socio-économiques et politiques. Mahé de Boislandelle (1998) souligne les déterminants d’un système de gestion des ressources humaines qui se basent sur les caractéristiques de l’environnement de l’entreprise, les caractéristiques personnelles du dirigeant et les caractéristiques organisationnelles. Selon cet auteur, la vision du dirigeant dans les PME est importante pour définir le système qui va conduire à « la nature des pratiques et le degré d’ouverture aux méthodologies novatrices en matière de gestion des ressources humaines ». Généralement les pratiques de gestion des ressources humaines en PME se limitent souvent à l’administration du personnel (Julien et Marchesnay, 1988, Mahé de Boislandelle, 1998, Bernon et 99 al. 2006). Selon Guérin et Wils (1992, 2003), il existe plusieurs modèles en RH. Si les politiques RH se concentrent uniquement sur la gestion administrative, on parle d’un modèle traditionnel. Ce modèle peut évoluer d’un modèle opérationnel vers un modèle renouvelé. Ce dernier est surtout caractérisé par l’aspect stratégique des activités RH. En PME, les politiques de gestion des ressources humaines, si elles existent, sont peu développées et très peu formalisées. Le manque de temps est souvent une des raisons mises en avant par les dirigeants (Rymeko, 2007). L’objectif de ce papier est tout d’abord de montrer que même les PME peuvent s’engager dans des démarches diversité et leurs approches ne sont pas aussi éloignées de celles des grands groupes. Nous mettons en effet l’accent sur les actions mises en place dans le cadre d’une PME. Ensuite, nous essayons de mieux comprendre les freins à la gestion de la diversité dans les petites structures. Afin de mieux comprendre le fonctionnement d’une PME on ne peut s’affranchir de s’interroger sur son patron : son parcours, ses motivations, ses orientations, son système de pensée, ses comportements, sa relation avec les autres, etc. (Parlier, 2006b, Bachelard, 2003). Plusieurs travaux portent sur son influence en matière de politiques RH (Naschberger, 2002). Nous souhaitons également savoir de quelle manière une politique diversité peut faire évoluer les politiques RH en passant d’un modèle traditionnel vers un modèle intégrant une dimension stratégique. La première partie de ce papier présente la revue de littérature et le cadre théorique sur la gestion de la diversité en PME, la deuxième partie met l’accent sur la méthodologie de notre étude empirique et la troisième partie sur l’analyse du cas et des résultats. ….. à la gestion de la diversité en PME La gestion de la diversité est généralement consacrée aux grandes entreprises (Peretti, 2006, Sabeg et Charlotin 2006, Barth et Falcoz, 2007) négligeant la majorité des acteurs économiques, à savoir les PME. C’est en prenant en compte l’ensemble de ces éléments que nous allons nous intéresser à la gestion de la diversité et son rôle dans les PME. On peut penser que les PME sont moins sensibles aux questions de la diversité. Les autorités politiques et administratives sensibilisent et incitent les PME à être acteur de la diversité en entreprise. L’Europe a par exemple publié un guide de la promotion de la diversité dans les PME (Strazzeri, 2007). En France, le Défenseur des droits qui a succédé à la HALDE (La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité), une autorité administrative indépendante créée par la loi du 30 décembre 2004, a principalement deux missions : le traitement des cas de discrimination (directe ou indirecte) et la promotion des actions de l’égalité des chances. Elle est à l’origine de nombreux guides de bonnes pratiques tels que 100 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial « le guide de la prévention des discriminations dans l’emploi/PME » (2007) qui définit 5 étapes principales dans la mise en place d’une politique de diversité en entreprise : – S’engager en tant que dirigeant, – R esponsabiliser le management et les responsables des ressources humaines, – R éaliser un état des lieux (un audit quantitatif de la typologie des salariés, un audit qualitatif des processus dont ceux de la gestion du personnel et un auto-testing) (voir aussi Peretti et Saüt, 2006), – Sensibiliser et former le personnel, – F aire connaître son engagement au sein de l’entreprise et des partenaires (par la communication ou dans le cadre d’une action commune avec d’autres entreprises). Nous pouvons constater que ces 5 étapes sont aussi spécifiques pour les PME que pour les grands groupes. Il existe très peu d’études sur le lien entre le phénomène de la discrimination et la taille de l’entreprise. Les résultats du Baromètre Adia (2006) présentent notamment la relation entre discrimination et taille de l’entreprise. Notamment dans les très petites entreprises (< 20 salariés), les discriminations ne sont pas dans l’ensemble les plus fortes. C’est dans les PME de 20 à 200 salariés que le niveau de discrimination moyen est le plus élevé. La discrimination en raison de l’origine maghrébine est très forte. Dans les plus grandes entreprises (> 200 salariés), les discriminations en fonction de l’âge sont très importantes (Guerfel-Henda, Peretti, 2009). Dans l’ensemble, hormis pour l’âge, les discriminations sont nettement moindres dans les entreprises de plus de 200 salariés. l’entreprise. La diversité doit faire partie des valeurs du dirigeant. Ensuite, la diversité peut être partagée en entreprise et s’insérer dans ses valeurs et sa culture. Le dirigeant d’une PME peut se renseigner sur les outils de la gestion de la diversité. Nous citons comme exemple la charte de la diversité pour les PME, les labels « Diversité » et « Egalité », le CV anonyme, la méthode des habilités, la signature des conventions ou des accords, etc. Il est important de choisir un outil qui correspond au contexte et aux spécificités de l’entreprise, c’est-à-dire de contextualiser l’outil et l’approche diversité dans une PME. Des process RH sont touchés, notamment la formation ou la mobilité des salariés et il ne faut pas oublier que la diversité n’est pas seulement une affaire de recrutement. Nous pouvons également constater que les réseaux professionnels comme le Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) jouent un rôle important dans la sensibilisation et la formation des dirigeants des PME. À travers ce réseau, les dirigeants peuvent mieux connaître les outils et les bonnes pratiques développées par leurs homologues qui se sont déjà engagées dans des actions en faveur de la diversité. D’après le CJD, la gestion de la diversité en PME nécessiterait une démarche structurée car c’est un changement important que les différents acteurs de l’entreprise doivent intégrer. Pour implémenter une politique sur la diversité, nos réflexions nous amènent sur quelques étapes clés à respecter : • I ntégration de la démarche dans un projet d’entreprise avec des objectifs précis et chiffrés (la démarche générale comprend une réflexion en amont, un diagnostic de la situation, l’élaboration et le lancement du projet, le déploiement et l’évaluation du projet) • Soutien du projet par une volonté forte du dirigeant Les moteurs à la diversité dans les PME Il existe très peu d’études sur les facteurs qui favorisent l’intégration d’une démarche diversité en PME. De nombreuses PME ont déjà mis en place des actions pour encourager la diversité en entreprise. Les exemples suivants montrent que ce n’est ni la taille réduite de l’entreprise, ni les faibles moyens mis à disposition qui empêchent de mettre en place une démarche diversité. Les PME pratiquent la diversité bien souvent sans le savoir car elles sont proches de leur bassin d’emploi (Cocuelle, 2007). Les relations de proximité leur donnent une meilleure connaissance de la réalité du terrain. Elles travaillent souvent étroitement avec divers acteurs de leur territoire comme les missions locales, les agences Pôle Emploi, les sociétés d’emploi et de recrutement, les cabinets conseils RH, etc. L’enjeu de la gestion de la diversité pour les PME est double : une prise de conscience des apports de la diversité et une professionnalisation des pratiques de la diversité. La gestion de la diversité est une approche managériale qui a ses origines dans les convictions du dirigeant de • P réparation de l’entreprise et ses salariés à cette démarche • C ombat des idées reçues et des fausses images (actions de sensibilisation et de formation) • C entrage de la sélection des candidats sur la compétence sans faire de compromis sur ce point • Faire de la diversité un thème du dialogue social Pour savoir si cette approche est adaptée aux spécificités des PME, nous devons le vérifier sur le terrain. Les freins à la diversité dans les PME Souvent dans les petites structures, le rôle du DRH est généralement substitué par celui du PDG qui n’a pas forcément des compétences nécessaires dans ce domaine. Selon Berger-Douce (2009) les PME sont confrontées à des difficultés sur le plan RH en matière de compétences, de recrutement (Deshpande et Damodar, 1994), de gestion des absences, de turnover (Carmelle et Rousseau, 1990), 101 La mise en œuvre d’une démarche diversité en PME – Quelques enseignements d’un centre d’appel spécialisé de recours à la formation (Paradas, 1998), de ressources financières dédiées, de manque d’expertise (Vilette, 2008), d’inadéquation des démarches (D’Amboise et Garand, 1995) et d’information sur le plan juridique. En effet, le degré de formalisation des politiques RH dans les PME est moins élevé que dans les grands groupes. 2008). Dans le même registre, on peut citer les résistances culturelles. D’autres obstacles sont le manque d’impulsions et d’engagements des directions d’entreprises aggravé par un contexte économique défavorable (Naschberger, 2008). Nous pouvons parfois constater que dans une période de crise, les priorités des patrons changent. Concernant la gestion de la diversité, les PME sont également confrontées à plusieurs obstacles. Contrairement aux grandes entreprises, les PME sont moins rapides à communiquer sur les actions de diversité qui valorisent l’image et la notoriété des entreprises (Cocuelle, 2007). Elles déclarent souvent qu’elles ont des moyens insuffisants pour mettre en place des indicateurs de gestion nécessaires à la compréhension des effets positifs de la diversité sur le fonctionnement de l’entreprise. La gestion de la diversité est parfois considérée comme une pratique réservée aux grandes entreprises qui ont le temps et les moyens de s’en occuper. Dans ce sens le rôle du manager RH et du manager de proximité est primordial puisque la diversité ne peut être bénéfique que si elle est bien gérée, et que l’attitude et le comportement du manager va influencer la réussie ou l’échec d’une telle démarche (Guerfel-Henda, Naschberger 2010). Selon Hellriegel et al. (2004) c’est au manager de comprendre le comportement de ses employés. Il doit aussi leur communiquer des informations importantes en lien avec la stratégie de l’entreprise. Mais dans certains cas, la gestion de la diversité est prise par la direction mais elle n’informe ses salariés très peu ou seulement que vers la fin de la mise en place de la démarche. La plupart des travaux de recherche montrent que la réflexion et les pratiques en gestion de la diversité sont plus développées dans les grandes entreprises que dans les PME. Ainsi les PME disposent de peu de pratiques structurées de gestion de la diversité. On note plutôt une gestion réactive et non pro-active, c’est-à-dire des réactions au cas par cas, sans anticipation. En effet la démarche diversité peut être freinée par la méconnaissance des lois et des aspects juridiques ainsi que les enjeux de la diversité (Naschberger, 2008). La démarche étant considérée risquée puisque les patrons ont du mal à estimer les coûts et les bénéfices de celle-ci. Les réticences internes au sein des PME sont un autre frein dans la mise en œuvre d’une démarche diversité (Naschberger, La méthodologie de notre recherche empirique Une étude de la démarche diversité a été réalisée à l’initiative d’un groupe de travail réunissant trois acteurs régionaux notamment des membres du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) et la CFDT (Confédération Française Démocratique du Travail), et des enseignants-chercheurs d’une école de management. L’objectif de ce groupe est de travailler sur l’évaluation et l’amélioration des pratiques de management de la diversité au sein des entreprises dont le dirigeant est un membre du CJD (Krohmer, Naschberger, Sobczak, 2010). En 2009, au total, six entreprises se sont FIGURE 1 Le CJD et la taille de l’entreprise 17% 11% 12% 31% 30% 35% 23% 39% Créateurs Repreneurs Cadres dirigeants 39% 10% < 10 salariés 10 à 50 salariés 51 à 100 salariés 100 à 300 salariés > 300 salariés 30% 23% < industrie Commerce Services Autres 102 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial portées volontaires soit pour intégrer une démarche diversité soit pour faire une enquête de la diversité. L’une d’entre elles est IMA Technologies. Notre choix porte sur cette entreprise car elle s’est déjà engagée dans une démarche diversité et nous souhaitions mieux comprendre les raisons de son engagement et la manière dont la diversité est perçue par les différents acteurs. Nous aimerions également savoir comment la diversité pourra avoir une influence sur le développement des pratiques RH plus stratégique. Nous pensons également que le fait que le dirigeant de cette PME fasse partie du réseau du CJD pourrait avoir un effet positif en ce qui concerne l’engagement de l’entreprise pour la diversité. En 2011, 3.000 jeunes dirigeants d’entreprise sont membre du CJD et ils sont répartis dans un réseau d’une centaine associations locales. Comme le montre la figure 1, 50 % des adhérents du Encadré 1 : L’historique et les convictions du CJD Depuis 1938, le CJD défend l’idée qu’il faut « réhabiliter la fonction patronale » et mettre « l’économie au service de l’homme ». L’ambition du CJD est de promouvoir des idées nouvelles et d’accompagner dans sa mission tout jeune dirigeant soucieux d’améliorer sa performance et celle de son entreprise. Dans ce cas, le CJD n’a pas pour objectif que de défendre les intérêts d’une catégorie. Devenir membre du CJD, c’est avant tout rompre son isolement et partager avec d’autres jeunes dirigeants des préoccupations semblables. C’est aussi pouvoir échanger en toute confidentialité, s’enrichir du regard des autres et profiter de toute la richesse d’un réseau convivial. Etre au CJD, c’est donc engager une dynamique pour améliorer sa performance et celle de son entreprise. Encadré 2 : Argumentaire pour la gestion de la diversité « Osons expérimenter la diversité dans nos entreprises » La diversité : c’est quoi ? Définition pour l’entreprise du management de la diversité (IMS – Entreprendre pour la Cité) : « Gérer la Diversité c’est réfléchir à la manière d’optimiser les potentiels multiples au sein de l’entreprise. C’est le regroupement de toutes les différences et l’acceptation de la diversité qui nous entoure et qu’il faut apprendre à manager. Cela ne signifie pas uniquement gérer la cohabitation des différences ». La diversité, pourquoi ? - Prévenir la pénurie de main d’œuvre : départs massifs en retraite d’ici 5 ans, et difficulté de trouver de nouveaux travailleurs, - Attirer de nouveaux talents, garder, faire évoluer les salariés en privilégiant la compétence, - Respecter la législation anti-discrimination, contribuer au maintien du système social (maladie, retraites, etc.), - Accroître la performance de l’entreprise : qualité de services, baisse de l’absentéisme, opportunités commerciales, appréhension de la mondialisation, etc. - Diversifier la culture d’entreprise, les motivations, la dynamique, l’ambiance, les attentes, la créativité, etc. et ainsi favoriser l’innovation. constituée d’entretiens avec des salariés volontaires. Ainsi, 103 questionnaires ont pu être récoltés – soit un taux de réponse de 36 % – et 14 entretiens ont été réalisés avec des CJD dirigent une PME de moins de 50 salariés. Pour convaincre les entreprises de s’engager dans une démarche diversité, le réseau professionnel propose l’argumentaire suivant (septembre 2005) : D’après le CJD, il s’agit de convertir un fait social et une obligation juridique dans un langage d’efficacité et d’opportunité économique et de valoriser le principal actif incorporel de l’entreprise : « le Capital Humain ». La phase de l’étude s’est déroulée entre janvier et juin 2009. La première étape a eu comme objectif de cerner les attentes du dirigeant. Pour atteindre cet objectif, la recherche a comporté deux phases : une phase d’analyse quantitative qui consistait à faire remplir un questionnaire « Diagnostic Diversité » par la direction de l’entreprise et une phase plus qualitative de rencontres et interviews de la direction générale et la direction des ressources humaines. La deuxième étape était elle-même composée de deux phases, sur le même modèle : la première, quantitative, a été l’envoi d’un questionnaire à tous les salariés (c’est-àdire aux 284 collaborateurs) et la phase qualitative a été salariés. Tableau 1 résume la méthodologie de la recherche. Avant de lancer la phase des entretiens, la responsable RH de IMA Technologies a consulté le comité d’entreprise (CE). Parallèlement, un groupe projet de sept salariés a été constitué pour accompagner les réflexions menées sur la diversité. Tableau 1 La méthodologie Phase Personnes interrogées Diagnostic Diversité (Questionnaire et entretien) Dirigeant, Fonction RH Enquête quantitative 103 salariés (sur 284) Enquête qualitative 14 salariés La mise en œuvre d’une démarche diversité en PME – Quelques enseignements d’un centre d’appel spécialisé L’analyse du cas de la PME et la présentation des résultats La troisième partie de ce papier présente la société, ses pratiques de la diversité et l’analyse des résultats. IMA Technologies est une filiale du groupe IMA (groupe d’assurances) créée en 1999 et spécialisée dans l’externalisation des processus métiers. IMA Technologies appartient au Groupe Inter Mutuelles Assistance qui est le leader européen de l’assistance aux personnes et aux biens. Le Groupe Inter Mutuelles Assistance a traité en 2007, 14 millions d’appels et a réalisé avec 2300 collaborateurs un chiffre d’affaires de 424 millions d’appels. Le domaine d’expertise d’IMA est d’accompagner un client dans un projet d’externalisation vers le développement d’un centre téléphonique. Le centre d’expertise d’IMA est la mise en œuvre de l’externalisation des processus métiers (Business Process Outsourcing). C’est un centre d’appel spécialisé dans différents domaines : centre d’assistance technique automobile; assistance informatique et technique; information juridique et vie pratique; gestion de la relation client, solutions télé-relationnelles pour le e-commerce. IMA Technologies s’impose sur le marché avec un chiffre d’affaires de 16,5 millions (en 2011), 284 collaborateurs et quatre implantations en France. IMA Technologies est une entreprise jeune et en pleine croissance (en 2012, l’entreprise compte 370 collaborateurs). La moyenne d’âge des salariés est de 31 ans et le turnover s’élève à 15 %. Concernant les métiers des plateformes d’appel, la diversité des profils de compétences que recrute IMA Technologies est très forte : des compétences juridiques aux compétences purement techniques. L’activité d’IMA Technologies induit un éventail très large de qualifications au sein de la même structure. Ce fait induit des qualifications hétérogènes des collaborateurs : la plupart des salariés possèdent un niveau bac ou bac +2 (BTS maintenance / vente automobile) ou encore une petite partie bac +5 (plateforme juridique). Selon la RRH, « IMA a mis en place une politique RH ambitieuse et moderne » et les actions mises en place dans le cadre de la diversité s’inscrivent dans cette logique globale. Ces observations nous permettent de constater qu’entre autres la diversité a contribué à faire évoluer le modèle administratif vers le modèle renouvelé. Notamment dans le cadre de la performance globale plusieurs actions ont été mises en place par l’entreprise. Ces actions englobent l’environnement, le développement des compétences et des potentiels, la convivialité et lien social, le management, la gouvernance, les conditions matérielles et des services répondant aux enjeux sociétaux. Voici quelques exemples : expositions de peintures, distributeurs d’eau, atelier sophrologie, salle de pause avec téléphone/journaux/ 1. « Job Academy » est un programme financé par Manpower, en faveur des candidats qualifiés résidants en ZUS (plus d’info sur http:// www.fondationmanpower.fr/action/job-academy) 103 accès à l’internet, baby-foot ou une salle de sport avec une proposition des conseils sportifs par un coach professionnel. Dans le cadre du développement durable un système de co-voiturage était mis en place. Dans le cadre de la responsabilité sociale IMA s’est engagé dans une démarche diversité. Depuis plusieurs années, IMA Technologies travaille sur l’insertion des personnes en situation de handicap et elle a pu décrocher le prix « Trophées de l’insertion » en 2006. IMA a mis en place plusieurs partenariats avec les acteurs clés du réseau de l’insertion des personnes handicapées, comme par exemple un partenariat avec un institut pour les adultes connaissant une déficience visuelle grave. Un autre exemple de l’engagement d’IMA représente la collaboration avec l’association Handisup pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes lycéens ou des étudiants. D’autres actions concernent la promotion de « l’égalité des chances » en participant à l’initiative « Job Academy »1 et en travaillant avec la « Maison de l’insertion »�. IMA a parrainé la 11e promotion de la Job Academy avec le réseau FACE et Manpower pour l’insertion des jeunes dans le monde du travail. D’autres partenariats concernent les filières de formation initiale aux métiers d’IMA comme des lycées professionnels ou des facultés de droit. L’égalité professionnelle entre hommes et femmes est également une préoccupation de la direction des ressources humaines (DRH) qui fait attention à la promotion des femmes cadres et dans ce sens l’entreprise veille à garantir une équité des rémunérations entre les hommes et les femmes. Quelques mesures pour un meilleur équilibre vie professionnelle – personnelle ont été prises, par exemple la mise en place d’une conciergerie pour les salariés. Selon la DRH, tous les postes vacants sont ouverts à tous les profils et les personnes impliquées dans le processus de recrutement étaient formées pour garantir « l’égalité de traitement » et le principe de la non-discrimination. Ce dernier point confirme comme décrit dans la première partie que la sensibilisation et la formation de la fonction RH et du management de proximité sont des étapes importantes dans la gestion de la diversité. La diversité : perception du dirigeant et des salariés Selon le dirigeant de notre entreprise étudiée, « la diversité apporte au sein des équipes beaucoup de richesse et donc de performance puisqu’elle permet de diversifier les profils donc les approches, les idées et les compétences. » D’après le dirigeant, la diversité a un intérêt pour toutes les parties prenantes comme les salariés, les clients ou les fournisseurs – ainsi pour la performance et l’image de l’entreprise. Il nous fait part de sa vision « d’une image de l’entreprise ouverte et non discriminante ». Nous pouvons observer que l’entreprise intègre la notion de la diversité au plus haut niveau de sa gestion stratégique. Ces éléments peuvent conduire le passage d’un modèle RH traditionnel vers le 2. http://maisondelinsertion.com/ 104 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial modèle renouvelé. En tant que membre du CJD, le PDG s’inscrit dans une démarche de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) qui comprend la promotion de la diversité et cet engagement se traduit dans son entreprise par des recommandations à l’encadrement et par l’implication des partenaires sociaux. Selon plusieurs études, l’implication de la direction de l’entreprise en matière de diversité est importante pour la réussite du projet. Le PDG confirme également que l’adhésion au CJD lui a permis « toujours d’expérimenter. Grâce au CJD, j’expérimente et je passe de la théorie à la pratique. Ces réflexes sont indispensables pour le métier du dirigeant. Surtout dans mon contexte d’une entreprise en pleine croissance. Il faut inventer et être créatif quotidiennement. ». Les facteurs ‘âge’ et formation pourraient avoir une influence sur l’engagement d’un PDG dans la promotion de la diversité. D’après Berger-Douce (2010), l’âge du dirigeant a une influence concernant la mise en œuvre de la diversité en entreprise : « les hommes jeunes seraient plus enclins à intégrer de la diversité » (voir aussi Gudmunson et Hartenian, 2000). Dans notre cas, il s’agit d’un « jeune » PDG de 49 ans avec une formation initiale en gestion d’entreprise et ce PDG remet régulièrement ses connaissances à jour en participant aux séances de formation continue. L’âge du dirigeant, sa formation et le fait que ce PDG fasse partie d’un réseau comme le CJD peuvent être considérés comme moteurs à la gestion de la diversité dans les PME. Nous avons également interrogé les salariés sur ce que représente la diversité pour eux. Les résultats de l’enquête quantitative ressortent les idées suivantes : la diversité représente « une responsabilité de l’entreprise », « une opportunité à saisir par l’entreprise » et » une source d’enrichissement personnelle ». Cette enquête a également montré que les salariés mettent derrière le terme « diversité en entreprise », par ordre décroissant : 1) origine ethnique; 2) personnes en situation de handicap; 3) seniors; 4) égalité hommes-femmes; 5) niveau d’étude et 6) orientation sexuelle. Selon les salariés d’IMA Technologies qui ont participé à l’enquête qualitative, la diversité, « c’est la représentativité de la société, le divers à tous les niveaux, l’équité de traitement, la valorisation des compétences » : – L a diversité des « âges, des origines, des idées, des couleurs, le genre, le handicap, la culture, la façon d’être », – « Faire en sorte que toutes les couches de la population soient représentées dans l’entreprise », – « Valoriser les compétences des gens » (au lieu de les limiter à des catégories de personnes et horizons), – « Un engagement à ne pas faire de ségrégation, une politique salariale équitable, mettre en avant les possibilités d’évolution quels que soient le niveau d’étude, l’emploi exercé et le poste d’origine », – E lle relève de « la conscience morale de l’entreprise », elle est « très importante pour moi ». Certains vont même jusqu’à dire que « la diversité est justement de ne pas classer des gens dans des catégories. » L’idée que « tout doit paraître naturel » est évoquée, « on ne doit plus se poser la question de la différence ». En ce qui concerne le côté « naturel » de la diversité, on pourra s’interroger si les salariés ne confondent pas ici le climat social et la gestion de la diversité en entreprise. Quelques salariés se disent étonnés de la présence de certaines catégories dans notre guide d’entretien. L’orientation sexuelle est la plus souvent citée, selon certains salariés elle n’a pas sa place car elle relève de la vie intime des personnes. La présence des seniors et du niveau d’étude en a étonné quelques-uns. Les effets positifs de la diversité Selon les entretiens qualitatifs, la gestion de la diversité au sein de la société, consiste à participer à la politique d’intégration du pays : l’entreprise fait partie des institutions représentatives et en tant que leader d’opinion, elle doit montrer l’exemple. Au sein de l’entreprise, la gestion de la diversité permet : – Un enrichissement des salariés : • C’est un brassage et un « enrichissement mutuel » : du salarié à l’entreprise, de l’entreprise au salarié. • Un formateur interrogé a remarqué que la présence de personnes d’horizons divers « enrichissait les discussions lors des formations ». • Elle permet d’avoir une meilleure ambiance de travail, elle « humanise » l’entreprise. • Elle permet aux personnes différentes de se sentir « décomplexées ». – De la performance pour l’entreprise : • C’est une « richesse en termes d’approches ». • « Des idées neuves et des approches différentes du client ». • C’est « une source d’union et de force ». – Des économies : • « Evite à l’entreprise de payer des taxes supplémentaires (les personnes en situation de handicap) ». • « Elle permet de se prémunir du risque de discrimination. » – Une meilleure image auprès des clients : • Elle donne « bonne conscience à l’entreprise » ainsi qu’une « bonne image à l’extérieur ». 105 La mise en œuvre d’une démarche diversité en PME – Quelques enseignements d’un centre d’appel spécialisé Les freins à la gestion de la diversité Le PDG a été interrogé sur les freins et la promotion de la diversité en entreprise. Les réponses sont basées sur la perception du chef d’entreprise et classées de 1 à 5 : 1 = pas important; 2 = peu important; 3 = moyennement important; 4 = important et 5 = très important. D’après le PDG aucun frein n’est ‘très important’ car il n’a pas attribué la note 5. Comme le montre la figure 2, le PDG juge « le manque de diversité des candidatures » comme le frein le plus ‘important’ dans la mise en œuvre d’une démarche diversité au sein de son entreprise. Parmi les trois freins qu’il juge ‘important’ ou ‘moyennement important’, seulement un frein concerne les politiques RH notamment « le manque de candidatures ». L’existence d’autres priorités et les résistances en interne/externe semble avoir peu d’importance selon la perception du PDG. Les résistances en interne/externe peuvent également être liées aux difficultés d’intégration. Par contre, les raisons souvent évoquées dans la littérature, comme la conjoncture économique, le désintérêt des instances représentatives du personnel (IRP) ou la complexité de la question semblent ne pas avoir d’importance’ au sein de cette PME. Pour mieux comprendre quels facteurs constituent des freins à la diversité dans une PME nous avons également interrogé les salariés avec une question ouverte. En la posant directement les salariés ont eu du mal à nommer des freins. D’après les salariés, la diversité peut poser problème dans certains cas, par exemple elle peut être « une source de conflit par exemple l’incompréhension liée à différents « backgrounds » et référentiels qui posent des problèmes de communication » ou elle peut « ne pas être rassurante au début. » Ces effets négatifs ne sont pas forcément des freins à la diversité chez IMA Technologies. Toutefois nous avons pu détecter quelques freins à la diversité dans les réponses suivantes. Certains salariés évoquent la fixation d’objectifs et la rédaction des actions à mener : « il faut que les salariés se sentent concernés, impliqués dans le processus ». Quelques salariés craignent que la gestion de la diversité pourrait impliquer une fixation de quotas, d’objectifs chiffrés ou encore une discrimination positive. Ces craintes concernent la mise en place des quotas liés aux origines ethniques. Ces peurs exprimées par les salariés peuvent constituer des freins à la diversité. Les dimensions de la diversité D’après l’enquête quantitative, les salariés sont à chaque fois plus de 70 % à penser qu’il y a égalité de traitement à tout point de vue. Néanmoins on constate que la catégorie des seniors et le niveau d’étude il y a le plus d’avis négatifs (23,4 % et 17,1 %). En ce qui est de la gestion des ressources humaines c’est dans le domaine de la gestion de carrière et de la rémunération que l’égalité de traitement est la plus contestée (20 % et 23,5 %). Les résultats des interviews montrent qu’aucune inégalité de traitement n’a été constatée sauf pour compenser un handicap, ou « donner une chance » quand les compétences étaient présentes. Au contraire, une équipe RH est à la disposition des salariés pour gérer les carrières; une politique RH qui favorise la mobilité (« parcours RH ») et la possibilité pour tous d’avoir des responsabilités (par exemple, pour les seniors, pour les personnes d’origines diverses, …). Figure 2 L’importance des freins à la diversité 1 La complexité de la question 2 3 X L’existence d’autres priorités X Le manque de diversité des candidatures X Les réticences de la hiérarchie X Les réticences des salariés X Les réticences des clients X La conjoncture économique X Le désintérêt des représentants du personnel (IRP) X Les difficultés d’intégration 4 X 5 106 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial En ce qui concerne l’égalité hommes-femmes beaucoup d’interlocuteurs soulignent le nombre important de femmes managers. Eût égard aux personnes en situation de handicap : les salariés sont conscients des efforts faits par IMA pour pouvoir accueillir des travailleurs handicapés (TH). Les salariés ont parfois eux-mêmes intégré dans leurs réflexions les contraintes que peut rencontrer une personne handicapée au travail; par exemple, il est une fois arrivé qu’en prenant leur café, ils avaient remarqué que le sol était bombé et ont immédiatement pensé que cela poserait problème à la personne en fauteuil roulant. La loi de 2005 impose aux entreprises de 20 salariés et plus un quota de 6 % des personnes handicapées au sein de leurs effectifs. Les entreprises qui ne répondent pas à cette obligation d’emploi doivent payer une amende à l’AGEFIPH (Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes Handicapées). Pour deux personnes interrogées, la principale motivation d’IMA d’agir par rapport aux personnes en situation de handicap serait « d’éviter ainsi de payer une amende supplémentaire ». D’après ces deux salariés, la contribution AGEFIPH est un bon moyen de faire agir cette PME en faveur des personnes en situation de handicap. Les salariés voient la différence avec leurs précédentes expériences professionnelles où la diversité des origines ethniques était moins présente. Cela en rend même certains curieux : ainsi un salarié ayant constaté que 3 des 4 personnes dernièrement recrutées étaient d’origine étrangère s’est renseigné après d’eux sur la manière dont ils avaient été sélectionnés. Ces derniers l’ont assuré qu’ils avaient postulé de manière classique. Les seniors que nous avons interviewés se sentaient très bien intégrés et nullement victime d’une quelconque discrimination. Beaucoup d’entre eux ne se sont pas posé la question de leur faible présence. Certains ne rendent pas IMA Technologies responsable car le type d’activité d’IMA Technologies n’attire pas les seniors. D’autres lui accordent une part de responsabilité car certains ressentent « une volonté d’embaucher des jeunes » et « il y a un fort turnover des personnes profils plutôt seniors ». Le fait d’embaucher plus de seniors est vu positivement. Ces profils sont appréciés « car ils apportent leur expérience et leur recul dans un environnement constitué de jeunes. » Le niveau d’étude ne pose aucun problème entre les personnes d’un même plateau. Toutefois, quelques salariés évoquent une absence de mélange avec les personnes du plateau juridique due à l’emplacement de ce plateau qui se situe seul au dernier étage ce qui ne facilite pas les rencontres. Les juristes, contrairement aux autres professions, ne sont pas amenés à travailler sur d’autres plateaux. Certains salariés ont l’impression que les juristes ont tendance à « snober » les personnes des autres plateaux en raison de leur plus faible niveau d’étude. Les juristes interrogés nient toute attitude hautaine et sentiment de supériorité visà-vis de leurs collègues des autres plateaux. Une personne nous a confié avoir déjà entendu des propos injurieux de la part des juristes, mais cela fait un certain temps et elle estime que la situation s’est améliorée depuis. En revanche, lors des réunions, ils réclament toujours des attentions et des avantages particuliers en raison de leur plus haut niveau d’étude. En raison d’un surcroît d’activité sur un autre plateau, il a été demandé à des juristes volontaires de prêter main forte. Les juristes interrogés en gardent un bon souvenir et pensent que cet échange interplateaux peut s’avérer être une piste pour briser leur isolement. Les domaines RH Les domaines RH impliquent notamment le recrutement et l’intégration, la rémunération, la gestion de carrière et l’accès à la formation. En ce qui concerne le recrutement, les salariés sont unanimement convaincus qu’IMA Technologies ne pratique aucune discrimination. Une personne interrogée porte le nom de famille de son mari qui a une consonance étrangère. Lors de sa précédente recherche d’emploi elle avait préféré mettre son nom de jeune fille sur son CV de peur d’être discriminée. Aujourd’hui, si elle devait postuler de nouveau chez IMA Technologies, elle n’hésiterait pas à mettre le nom de son mari. Une autre personne ayant un niveau CAP travaillant sur un plateau a été recrutée pour un emploi de niveau BAC+2. IMA Technologies a selon lui pris en compte son expérience et ses compétences au lieu de se focaliser sur son diplôme. Par rapport à la rémunération : contrairement à ce que révèle le questionnaire quantitatif, aucun salarié interrogé ne s’est plaint de différences non justifiées de salaire. Tous s’accordent à dire que les critères de rémunération sont connus de tous et dûment appliqués. Apparemment, on discute assez ouvertement rémunération entre collègues, notamment à propos de l’attribution des bonus. La différence des résultats peut s’expliquer par le fait que le questionnaire étant anonyme les salariés osent s’exprimer davantage. D’après certaines d’études, parler ouvertement des rémunérations demeure un tabou dans les entreprises françaises. La gestion de carrière : d’après les salariés « ce sont les compétences et la motivation qui priment » - exemple d’un salarié franco-algérien qui est passé du plateau conseiller client à celui de juriste. Des parcours métiers ouverts aux plateaux Bac+2 permettent la mobilité interplateaux. Néanmoins certains salariés ont du mal à y répondre en raison du fort turnover et de leur manque d’ancienneté. Concernant l’accès à la formation continue, les salariés sont très satisfaits des formations proposées. Ils évoquent l’existence de formations « plateaux » qui évitent toute discrimination. Reste à mentionner que les salariés ont une grande confiance dans le service RH et semblent ne pas hésiter à La mise en œuvre d’une démarche diversité en PME – Quelques enseignements d’un centre d’appel spécialisé s’adresser à lui s’ils se sentent victimes d’une injustice. Ils évoquent aussi les nombreuses consultations préalables de l’avis des salariés de la part du service RH dans la mise en place d’un nouveau projet. Selon l’enquête quantitative, 91 % des salariés confirment que l’entreprise est attentive à l’ergonomie et l’aménagement des postes de travail. 81 % disent qu’IMA Technologies permet un aménagement des horaires de travail. 98 % déclarent que les réunions ont lieu pendant les horaires habituels de travail et 80 % pensent que ces pratiques facilitent l’intégration des salariés ayant des charges de famille. Ces résultats sont confirmés par l’enquête qualitative. De bonnes conditions de travail ont été soulignées par les salariés interviewés malgré un travail contraignant. Les salariés interrogés remarquent que l’entreprise se montre à l’écoute et sensible à leur bien-être : elle met en place des « moyens qui ne sont pas anodins » par exemple, une salle de pause, une conciergerie, l’ergonomie, le temps partiel, la flexibilité et l’aménagement des horaires grâce à un service planification, etc. qui permettent l’intégration de tous les salariés, une diminution du stress et l’articulation vie professionnelle/vie privée. Concernant l’aménagement des horaires, il existe une bonne entente entre collègues qui permet de facilement s’arranger en cas de contraintes, le manager validant sans problème ces changements d’horaires. Lorsque l’on interroge les personnes sur les services de proximité, beaucoup pensent d’abord à la conciergerie, mais il leur faut un temps plus long de réflexion pour citer les restaurants par exemple. Le covoiturage semble être important pour beaucoup de personnes et ils sont reconnaissants pour l’aménagement des horaires possible afin que les salariés d’un même quartier commencent et finissent le travail en même temps. Cependant certains salariés évoquent les améliorations possibles en terme : – D ’ergonomie : « il faudrait qu’il y ait des accoudoirs aux fauteuil », « le confort des fauteuils pourrait être amélioré ». – D e desserte des bus : les salariés sont conscients qu’IMA n’a aucun pouvoir direct sur les horaires de bus, mais selon eux « il faudrait faire pression auprès de la mairie ». Apparemment un nombre important de salariés utilise les transports en commun. – D e temps partiels : plusieurs personnes ont évoqué l’existence de nombreux temps partiels non choisis. Pour des raisons de confidentialité nous ne souhaitons détailler ces informations. 107 La communication interne et externe sur la gestion de la diversité IMA Technologies accorde beaucoup d’importance à la communication. « Nous sommes une entreprise en pleine croissance donc il faut communiquer beaucoup et tenir au courant nos parties prenantes » observe le PDG d’IMA. D’après les salariés la communication interne et externe sur la diversité, « cela devrait être naturel » et « être automatique ». Dans ce cas là, les salariés rejettent une communication formelle et intentionnelle sur la diversité. En ce qui concerne la communication en interne : les témoignages des salariés interrogés montrent quelques réticences, par exemple « on pourrait croire qu’il y a un problème et certaines catégories se sentiraient pointées du doigt. Cela peut être bien d’en parler mais pas de manière excessive, pas trop de pub ». Les salariés craignent qu’en communiquant dessus, on perd ce côté « naturel » de la gestion de la diversité existant chez IMA. Il y a aussi une peur que cela « aboutisse à fixer des quotas » : « il faut que les personnes soient recrutées uniquement pour leur compétence. » Ils ne ressentent pas le besoin d’être plus informés, « l’essentiel est qu’IMA agisse ». D’après les salariés interrogés, la diversité est visible au quotidien et ça leur suffit. Par contre en ce qui concerne la communication en externe, les salariés sont plutôt favorables à une communication formelle sur la diversité, pour montrer l’exemple, attirer des candidats potentiels, ou séduire de nouveaux clients. D’après le PDG, il n’existe pas aujourd’hui de supports de communications externes valorisant l’engagement en faveur de la diversité mais l’entreprise travaillera sur ce point dans les mois à venir. La grande majorité des salariés interviewés affirme ne jamais avoir reçu de communication de la part d’IMA les informant sur les actions mises en place pour favoriser la diversité mise à part concernant l’intégration de personnes en situation de handicap. Cela ne les empêche pas d’avoir remarqué la diversité peu commune présente chez IMA. Une personne explique que cette absence de communication est courante, notamment en ce qui concerne quelques actions dans la démarche de performance globale : « en général; IMA met beaucoup de choses en place mais ne communique pas suffisamment dessus. Par exemple, lors de la mise en place du covoiturage, aucun mail n’a été envoyé, seule une carte a été affichée à l’accueil ». Les salariés notent une transparence de l’entreprise via les mails et le journal interne. La communication via « l’Echo des Plateaux » donne « un côté humain à l’entreprise », permet aux salariés de sortir des discussions classiques et crée un effet de cohésion par rapport au groupe IMA. Les « portraits du journal » reflètent la diversité de l’entreprise et encouragent le contact entre salariés. Les articles sur les activités pratiquées par les salariés en dehors du travail ne sont pas naturellement associés dans leur esprit à la promotion de la diversité. Les salariés 108 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial interviewés estiment avoir une bonne connaissance des actions sur le handicap : la plupart sont au fait du trophée obtenu par l’entreprise et des aménagements réalisés, ou du partenariat avec le centre de formation pour l’intégration de stagiaires. En novembre 2006, IMA Technologies a reçu une « Trophée de l’insertion », délivré par MEDEF de Loire Atlantique qui récompense des entreprises ayant réalisé des actions remarquables pour l’insertion professionnelle ou le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap. Toutefois la grande majorité n’a pas de connaissance du partenariat « Job Academy » ou de « Maison de l’Insertion » sauf si concerné. Les salariés interviewés ont peu de visibilité des affichettes à l’accueil (par exemple, affichette conciergerie). Nous avons interrogé les salariés sur la question de la communication sur la diversité et de la place de celle-ci dans les valeurs de l’entreprise : les salariés interviewés n’ont pas de connaissance des valeurs, mais lorsqu’elles sont présentées par l’interviewer, elles sont largement approuvées. Ils savent que la diversité est inscrite dans les valeurs de l’entreprise. Les salariés ne jugent pas la diversité comme étant indispensable mais ils n’y sont pas défavorables : ils ont une préférence pour une diversité qui se « vit au quotidien » plutôt qu’inscrite dans le marbre. D’après l’enquête qualitative, peu d’entre eux connaissent les valeurs de l’entreprise. Ils considèrent la diversité comme une valeur implicite de l’entreprise. Si oui, « son intérêt est de donner un coup de pouce pour l’emploi : elle permet de montrer l’engagement de l’entreprise. » D’après les personnes interrogées « il faut relier cette valeur à l’activité de l’entreprise », par exemple : « privilégier la diversité pour bien servir nos clients »; « c’est tellement naturel la diversité chez IMA Technologies, c’est pour cela que nos services sont de qualité ». Nous les avons également interviewé sur la mise en place d’une charte interne de la diversité. Selon les réponses issues du questionnaire, nous avons recueilli des avis positifs (90 %) et peu de réticence. D’après les salariés, une charte peut avoir de nombreux effets positifs comme « motiver les salariés, maintenir des engagements de l’entreprise, passer à l’action et réaliser un travail de fond sur la diversité, etc. » Voici quelques témoignages des salariés : Nous avons recueilli leurs avis sur le contenu d’une telle charte. D’après eux, l’entreprise pourra communiquer sur le fait « qu’un recrutement se fasse sur la base de la compétence uniquement » ou sur « les seniors qui sont la population la moins représentée en donnant des exemples réussis car il existe la possibilité d’intégration si les moyens sont mis en œuvre et le budget le permet ». L’entreprise doit mettre les moyens pour attirer des profils plus seniors. Nous avons demandé aux salariés quel pourra être son mode de diffusion. Les salariés nomment l’intranet ou l’intégration de la charte dans le livret d’accueil. Les collaborateurs interviewés mettent en avant quelques difficultés, par exemple l’utilisation des indicateurs pour le management de la diversité. Ils souhaitent mener des réflexions sur la manière d’établir des bilans chiffrés, par exemple concernant l’égalité femmes/hommes, les seniors, les travailleurs handicapés (TH). D’après les salariés ces trois dimensions de la diversité sont facilement quantifiables, contrairement à la mesure des origines ethniques. Le bilan de l’enquête sur la gestion de la diversité D’après plusieurs auteurs les politiques de non discrimination représente une attitude défensive par rapport à la gestion de la diversité (IMS Entreprendre pour la Cité; Naschberger et Bellion, 2010). La gestion de la diversité est considérée comme une politique pro-active et volontariste. Les politiques d’égalité des chances se situent à mi-chemin entre les actions pour la lutte contre les discriminations et les démarches diversité. Nous avons étudié dans ce sens le cas d’IMA. Entre le principe de la non discrimination, la promotion de l’égalité des chances et le management de la diversité : où en est IMA aujourd’hui et quels efforts restent à faire ? Nous avons demandé à chaque salarié de placer IMA sur l’échelle ci-dessous (il ne s’agit pas d’une échelle graduée mais le positionnement nous indique le chemin parcouru en matière de diversité par l’entreprise et si l’entreprise traite la question de la diversité plutôt comme un risque ou comme une opportunité) : Non discrimination Egalité Diversité IMA – « Elle permettrait de se comparer à d’autres entreprises » La plupart des salariés ont estimé qu’IMA se situait à mi chemin entre égalité et diversité et quelques-uns l’ont située à égalité. Globalement tous s’accordent à dire qu’IMA Technologies progresse en matière de gestion de la diversité. Néanmoins certains points restent à améliorer, par exemple, l’embauche des seniors et des personnes en situation de handicap et la mixité interplateaux. Les salariés interviewés proposent quelques pistes d’amélioration pour « mieux communiquer » : –« Cela ne sera qu’à son honneur de participer à cette politique nationale » –« Davantage communiquer, mettre en avant la diversité dans l’écho des plateaux » – « Graver sur le marbre des engagements » –« La charte peut créer un sentiment de valorisation et de confiance des entreprises vis-à-vis de ses salariés » –« Elle mettrait noir sur blanc des responsabilités de l’entreprise » La mise en œuvre d’une démarche diversité en PME – Quelques enseignements d’un centre d’appel spécialisé 109 –« Favoriser les échange entre le plateau juridique et les autres plateaux : activités communes, réunions communes » d’une démarche diversité et donne une définition de la diversité. Le bilan de l’enquête de la diversité montre les forces suivantes : Encadré 3 : La démarche diversité chez IMA Technologies – Une diversité visible, « naturelle » et bien acceptée – Des processus RH qui garantissent la non discrimination voire la diversité – Des partenariats qui favorisent la diversité A l’image de ses activités et de ses clients, IMA Technologies cultive en son sein la diversité, convaincue que celle-ci est porteuse de richesse, créativité et performance. Par rapport aux faiblesses, nous avons retenu les points suivants : Depuis sa création, IMA Technologies s’engage à respecter et promouvoir l’application du principe de non discrimination* – et de diversité – et affirme cette volonté par la formalisation de cette charte. – Un manque de communication sur certaines actions – Mixité sociale difficile (plateau juridique et autres plateaux) – Sous-représentation de la catégorie « seniors » (> 45 ans) IMA Technologies peut capitaliser sur les outils existants. En matière de communication, nous préconisons d’utiliser des portraits sur la mixité sociale dans le journal interne « l’Echo des Plateaux ». IMA Technologies pourra établir des partenariats pour travailler sur la gestion des âges notamment des seniors. Une autre préconisation concerne l’intégration d’un module de formation pour les managers impliqués dans le recrutement (par exemple, la prise de conscience des stéréotypes). Dans le passé, cette formation était particulièrement appréciée par les participants et comme l’entreprise s’est déjà engagée dans cette voie - nous trouvons important de continuer à former les futurs managers aux enjeux de la non-discrimination en entreprise. Il est vrai que l’entreprise ne semble pas avoir des problèmes spécifiques par rapport à cette problématique mais certains salariés ont évoqué - après avoir terminé officiellement les interviews - des propos contre les personnes d’origines ethniques. D’après les résultats de nos enquêtes, il semble nécessaire d’expliquer davantage l’intérêt de communiquer sur la diversité en interne et externe, par exemple à travers une plaquette de communication (suite à la rédaction d’une charte diversité) – « et attention aux contrecoups d’une « surcommunication » ». Certains salariés ont évoqué le fait que « trop de communication tue la communication ». Un autre axe de progression est de donner l’occasion aux salariés du plateau « juristes » de rencontrer les autres plateaux (par exemple, par la création des événements intraentreprise; chaque plateau peut organiser un événement qui implique toute l’entreprise). Après l’enquête sur la gestion de la diversité Les résultats de notre enquête ont débouché sur la rédaction d’une charte interne de la diversité. 90 % des salariés étaient favorable à cette initiative. IMA Technologies a constitué un groupe de travail qui a pu définir une « Charte Diversité IMA Technologies ». L’encadré 3 explique la raison d’être * dont celles liées au sexe, à l'âge, à l'apparence physique, au handicap, à la maladie, à la situation de famille, à l'orientation sexuelle, aux opinions politiques, syndicales, religieuses, philosophiques, à l'appartenance réelle ou supposée à un groupe ou à une ethnie déterminée L’encadré 4 résume les actions et les engagements de l’entreprise en matière de diversité. Encadré 4 : Les engagements de IMA Technologies S’ouvrir à des profils et des parcours différents – Sensibiliser et former les acteurs du recrutement – Développer et pérenniser les partenariats en faveur de recrutements diversifiés (Handicap, population éloignée de l’emploi, seniors…) – Favoriser l’intégration au quotidien par l’aménagement des conditions de travail Respecter l’équité en matière d’évolution et de vie professionnelle – Maintenir et développer les compétences de chacun des collaborateurs – Assurer une égalité d’accès et de traitement dans la gestion des parcours professionnels en vigueur dans l’entreprise – Veiller à favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée Informer et partager autour de nos engagements – Communiquer par un bilan régulier auprès des IRP et de l’ensemble du personnel sur les actions menées en faveur de la diversité et de la non discrimination – Faire de la diversité un objet de dialogue dans l’entreprise – Encourager les bonnes pratiques et favoriser l’innovation sociale Les collaborateurs d’IMA Technologies contribuent ainsi solidairement au respect de ces engagements au quotidien et l’entreprise reste vigilante face aux atteintes portées à ces derniers. « La diversité de chacun fait la richesse de tous » Julos Beaucarne 110 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial A travers cette charte l’entreprise témoigne sa préoccupation en matière de diversité et elle confirme notre hypothèse que les PME peuvent être également des acteurs en matière de diversité. En septembre 2011, IMA Technologies a également signé la Charte de la diversité. IMA s’engage donc à côté des grands groupes comme BNP Paribas, Crédit Agricole, Alstom, Alcatel-Lucent, etc. La signature de cette charte encourage les organisations à mettre en œuvre des actions en faveur de la diversité et à lutter contre toute forme de discrimination. En la signant, les organisations s’engagent à garantir la promotion et le respect de la diversité de la population française au sein de leurs effectifs (Naschberger, 2012). L’entreprise est par ailleurs engagée dans un processus de labellisation sociale – la gestion de la diversité constituant l’un de ses volets. IMA a obtenu le label de la Responsabilité Sociale en 2010. IMA Technologies communique également sur les résultats des enquêtes empiriques. Un dossier « portrait sur la diversité » a fait l’objet d’une publication dans le journal interne en juin 2009. Conclusion Les centres d’appel ne sont pas des entreprises qui font rêver – au contraire ce secteur souffre d’un déficit d’image important. Pour pouvoir attirer d’avantage de candidats, ces entreprises essayent d’améliorer les conditions de travail. Quelques-unes parmi elles font un travail sur la RSE notamment la promotion de la diversité. Davantage de PME s’engagent en termes de responsabilité sociale. Notre communication montre les résultats des enquêtes quantitatives et qualitatives sur la gestion de la diversité – mené de janvier à juin 2009 au sein d’une PME. L’entreprise en question, IMA Technologies s’est engagée depuis plusieurs années dans une démarche diversité. Notre étude de cas montre que l’entreprise est active pour manager la diversité et nous concluons par le constat que les approches diversité des PME ne sont pas aussi différentes que celles des grands groupes. Les PME ont leur manière de s’engager et quelques actions comme la signature de la Charte de la diversité les rapprochent des actions menées par des grands groupes. Nous avons également montré l’importance de l’engagement du dirigeant qui adopte une définition de la diversité en prenant en compte les intérêts de ses parties prenantes. Dans ce sens la diversité et les politiques RH acquièrent une dimension stratégique et nous observons une évolution vers le modèle renouvelé. A travers une étude approfondie sur la gestion de la diversité qui a été menée dans cette PME de 284 salariés, nous montrons l’importance de l’engagement du dirigeant -qui fait partie d’un réseau professionnel- et des salariés. Nous pensons également que le profil du dirigeant (âge, formation initiale et continue) a une influence sur l’intégration de l’approche diversité au sein de son entreprise. Les résultats montrent que la diversité est considérée comme « naturelle » au sein d’IMA Technologies. Il nous paraît que ce côté « naturel » de la diversité, souvent évoqué par les salariés, reflète avant tout l’ambiance et le climat social au sein de l’entreprise. Mais cela n’empêche pas l’existence des freins. La gestion de la diversité peut être également une source de conflit. La revue de littérature nous a permis de mettre en évidence des freins externes et internes souvent culturels liés à la mise en place de la diversité. Contrairement à ce qui est évoqué dans la littérature en tant que freins à la diversité dans des PME, l’analyse de nos résultats montre qu’en réalité ces freins ne sont pas existants au sein de cette PME. En interrogeant le chef d’entreprise nous avons pu identifier que le manque de diversité des candidatures constitue le frein majeur dans la mise en place d’une démarche diversité. Le manque de diversité de candidatures se traduit par une faible présence des seniors en entreprise : que ce soit dû que l’activité d’IMA Technologies n’attire pas les seniors et aussi que l’entreprise préfère embaucher des jeunes. Pour pallier ce manque nous pouvons suggérer un « sourcing » actif de la part du service recrutement. Avant l’enquête, la DRH nous a fait part de son constat de ne pas avoir le choix et après l’enquête, une volonté d’aller chercher des profils plus seniors était affirmé – la DRH a entamé un travail sur le « sourcing diversifié » pour pouvoir attirer des profils « seniors ». Nous n’avons pas pu détecter des freins culturels dans notre PME. En interrogeant directement les salariés sur les freins existants, ils ne sont ni vraiment visibles et ni discuté ouvertement : selon les salariés la diversité chez IMA va de soi, elle est « naturelle » - elle est perçue d’une manière positive. Mais en on écoutant les salariés « off » et en creusant les résultats, ils mentionnent à plusieurs reprises une peur concernant l’introduction des quotas et d’une discrimination positive en entreprise. Ces peurs exprimées concernent la dimension de l’origine ethnique. Les salariés disent également avoir peur si l’entreprise communique trop sur la diversité, IMA va perdre le côté naturel. D’autres freins à la diversité peuvent exister si l’entreprise n’agit pas avec une transparence auprès des différentes catégories représentatives pour mettre en avant les enjeux d’une politique diversité et ne laisse pas le temps nécessaire pour ses salariés pour s’imprégner de ce changement. Bibliographie Amboise G. (d’) et Garand D J. (1995). « Identification des difficultés et besoins des PME en matière de gestion des ressources humaines », Revue Gestion 2000, n°1, p. 109-132. Bachelard O. (2003). GRH et Innovation en PMI. Congrès de l’AGRH, Grenoble. 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Villette M-A., (2008). « Gérer autrement les RH en PME : convergence entre travail à temps partagé et TIC », in Management & Avenir, n°16, p. 47-65. 113 Notes biographiques Diane Bebbington est un chercheur en sciences sociales et porte un intérêt aux thèmes de leadership et d’égalités, en particulier dans l'enseignement supérieur. Diane est à l’origine du Knowledge Perspectives Ltd en 2006, société spécialisée dans la recherche sociale et politique. Elle est actuellement conseiller à la diversité à la Leadership Foundation de l'enseignement supérieur. Leadership Foundation for Higher Education Peer House 8-14 Verulam Street London WC1X 8LS UK Mustafa Özbilgin mène des recherches dans le domaine de l'égalité, la diversité et l'inclusion dans des perspectives comparatives. Il dirige les chaires à l'université Brunel de Londres, l'Université Paris-Dauphine et l'Université Koç à Istanbul. Il est actuellement rédacteur en chef du British Journal of Management. Chair in Organisational Behaviour Brunel Business School Brunel University Uxbridge, UB8 3PH London, UK Eliane Barbosa da Conceição est professeur junior en comportement organisationnel à la Faculté Zumbi dos Palmares, São Paulo et membre du Centre de recherche de l'administration publique et du gouvernement de la Fondation Getulio Vargas. FGV-CEAPG www.fgv.br/ceapg [email protected] Peter Spink est professeur d'Administration Publique et de Gouvernement à l'école de São Paulo en Administration des Affaires (FGV-EAESP) et membre senior du Centre de l'Administration Publique et du Gouvernement de la Fondation Getulio Vargas. Escola de Administração de Empresas de São Paulo Fundação Getulio Vargas Av. 9 de Julho 2029 Bela Vista São Paulo – SP 01313-901 Brazil Géraldine Galindo est Maître de Conférences en Gestion des Ressources Humaines à l’Université Paris Sud, IUT de Sceaux. Membre du laboratoire de recherche PESOR, ses recherches sont centrées sur la GRH dans les start-up de biotech en France et également sur le management de la diversité religieuse. Elle a écrit différents articles dans des Journaux académiques et a participé à des ouvrages collectifs de recherche (récemment Management et Religion paru en 2012). Université Paris Sud, IUT de Sceaux Laboratoire PESOR 8 avenue Cauchy 92 330 Sceaux [email protected] 33 0(1) 40 91 24 79 Joëlle Surply est docteur en Sciences de Gestion, Maître de Conférences à l’université Paris sud (2007-2011), agrégée en économie gestion. Les thèmes de recherche de Joëlle Surply sont principalement orientés vers la gouvernance des organisations et l’apprentissage. Dans cette perspective, le rôle des confessions dans le management, et notamment dans les modes de coopération intra et interentreprise, est une dimension structurante de ses travaux de thèse (2006). Université Paris Sud 54 bd Desgranges 92331 Sceaux Cedex France [email protected] Eléonore Marbot est maître de Conférences en Gestion des Ressources Humaines au Campus Clermont FBS. Membre de la CRCGM (Centre de Recherche Clermontois en Gestion et Management), ses travaux de recherche et publications portent sur la gestion des âges, la coopération intergénérationnelle et la diversité. CRCGM FBS, Campus Clermont 4 Bd de Trudaine 63037 Clermont-Ferrand cedex 1 [email protected] Brigitte Nivet est enseignante chercheur à Clermont Campus FBS. Membre du CRCGM (Centre de Recherche Clermontois en Gestion et Management), ses travaux de recherche et publication portent sur l'innovation social, GRH, PME, et la diversité. CRCGM FBS, Campus Clermont 4 Bd de Trudaine 63037 Clermont-Ferrand cedex 1 [email protected] Yvan Barel enseigne la gestion des ressources humaines à Nantes. Membre du LEMNA (Laboratoire d’Economie et de Management de Nantes-Atlantique), sa recherche concerne notamment le management de la diversité. Il est l’auteur de deux ouvrages (Les interactions entre la stratégie, le manager et son équipe, L’Harmattan, 2000; La gestion des ressources humaines, Dalloz, 2008). 5, rue du Port Garnier, 44 000 Nantes FRANCE [email protected] 114 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial Sandrine Frémeaux est professeur à Audencia-Nantes.Ecole de management. Ses travaux de recherche portent sur différents thèmes de Gestion des Ressources Humaines, notamment le don gratuit, la santé au travail, la conciliation vie professionnelle – vie personnelle, l’intégration professionnelle des personnes en situation de handicap, et le sens au travail. Audencia, 8, route de la Jonelière, 44000 Nantes FRANCE [email protected] Bruna Maria Giuseppina Doctorante associée à la Chaire « Management et Diversité » de la Fondation Dauphine, Membre-doctorant du Laboratoire IRISSO (Dauphine-CNRS) Chargée d’enseignement en Sociologie et Sciences de Gestion à l’Université Paris-Dauphine (PSL* Research University) Intervenante à l’Ecole Nationale d’Administration. Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75015 Paris [email protected] Chauvet Mathieu Docteur en Sciences de Gestion. Enseignant-chercheur en Sciences de Gestion au sein d'EDC Paris EDC, 70 Galerie des Damiers – Paris La Défense 1 92415 Courbevoie Cedex T + 33 (0)1 46 93 00 62 [email protected] Annie Cornet est Professeure Ordinaire (Full Professor) au sein du Département Management à Hec- Ecole de gestion de l'Université de Liège en Belgique. Titulaire d'un Doctorat en Sciences de Gestion, elle a créé une unité de recherche en 2000 sur le Genre et la Diversité en Gestion (EGiD), avec comme centre d'expertise la gestion de la diversité, l'égalité professionnelle hommes-femmes, l'entrepreneuriat féminin, le gender mainstreaming (approche intégrée de l'égalité entre les sexes) et le gender budgeting (analyse sexuée des budgets publics). Elle est l'auteure de plusieurs articles et ouvrages autour de ces thèmes. Elle enseigne la GRH, la gestion de la diversité, le management et la méthodologie qualitative. HEC- ULG B31, Boite 48 Bvd du rectorat Sart Tilman Liège 4000, Belgium [email protected] / +32 494 57 26 13. Hédia Zannad est Professeur Associé au sein du Département Management et Stratégie du Groupe Rouen Business School. Titulaire d’un Doctorat HEC en Sciences de Gestion, d’un Master de Psychologie sociale et un autre de Sociologie des Organisations, elle contribue au développement de pôles d’expertise sur la diversité, le management de projet, les compétences managériales et les démarches de Validation des Acquis de l’Expérience. Ses travaux portent aujourd’hui sur les pratiques religieuses en entreprise et sur les différentes dimensions du projet individuel. Groupe Rouen Business School Boulevard André Siegfried 76825 Mont Saint Aignan Cedex France [email protected] / +33 6 62 54 39 88 Pete Stone Biculturel franco-britannique, Pete Stone a passé 15 ans dans la formation, notamment comme Professeur Associé à Rouen Business School où il dispensait des cours d’Ethique et de Management Interculturel et gérait les programmes pour les étudiants internationaux. Il a continué sa carrière dans le Conseil RH comme Directeur Marketing & Opérations de Hudson. Il a mis en place la politique Diversité de Hudson et a ainsi participé à la création de l’association À Compétence Égale. Début 2009 il a créé Just Different, société de conseil et de formation en diversité. Parallèlement, il est intervenant et ingénieur de recherche pour Rouen Business School. Pete est co-auteur de plusieurs chapitres sur la diversité et la discrimination. Il est membre bénévole d’À Compétence Égale et membre du Conseil d’Administration de l’AFIP. 42 avenue Kléber 75016 Paris France [email protected] / +33 670 31 91 80 Christine Naschberger, Docteur en Sciences de Gestion de l’Université Technique de Munich (Allemagne), EnseignanteChercheuse à Audencia Nantes School of Management. Chercheuse au sein de l’Institut pour la Responsabilité Globale et l’Entrepreneuriat (IRGE), ses principaux domaines de recherches sont le management de la diversité - le handicap, la gestion des carrières au féminin, équilibre vie professionnelle – vie personnelle -, le management des compétences et le développement des talents. Elle est l’auteure de nombreuses communications scientifiques, des guides pratiques et elle a publié divers chapitres d’ouvrages et articles. Elle intervient également en qualité d’experte et formatrice auprès d’entreprises sur les thèmes du management de la diversité, de la gestion des compétences et du développement RH. Audencia PRES LUNAM 8, route de la Jonelière 44312 Nantes Cedex [email protected] Sana Guerfel-Henda, Docteur en Sciences de Gestion de l'Ecole Polytechnique, Enseignant-chercheur à France Business School Campus Amiens, Responsable du Pôle Leadership et Ressources Humaines (LRH). Ses axes de recherche portent sur la fidélisation des salariés, la diversité, la RSE, entrepreneuriat, la socialisation des jeunes, gestion des âges (...). Auteur de nombreux articles, communications et contributions à des ouvrages collectifs. France Business School campus Amiens 18, place Saint-Michel – 80038 Amiens Cedex [email protected] 115 Biographical Notes Dr Diane Bebbington is a social scientist with interests in leadership and equalities, particularly in higher education. Diane set up Knowledge Perspectives Ltd in 2006, a company focusing on social research and policy. She is currently Diversity Advisor for the Leadership Foundation for Higher Education. Joëlle Surply PhD in Management, Associate economy management, Joëlle Surply directed her research mainly towards organizational governance and learning. In this perspective, the role of confessions in management, and in particular modes of intra and inter-company, is a structuring aspect of her thesis (2006). Leadership Foundation for Higher Education Peer House 8-14 Verulam Street London WC1X 8LS UK Université Paris Sud 54 bd Desgranges 92331 Sceaux Cedex France [email protected] Mustafa Özbilgin researches in the field of equality, diversity and inclusion from comparative perspectives. He holds chairs at Brunel University in London, Université Paris-Dauphine and Koç University in Istanbul. He is currently the editor-in-chief of the British Journal of Management. Eléonore Marbot is Maitre de Conférences (Senior Lecturer) in Gestion des Ressources Humaines (Human resources Management) at FBS Clermont Campus. Member of the CRCGM (Centre de Recherche Clermontois en Gestion et Management – Clermont Administration and Management Research Centre) her research studies and publications concern managing ages, intergenerational co-operation, and diversity. Chair in Organisational Behaviour Brunel Business School Brunel University Uxbridge, UB8 3PH London, UK Eliane Barbosa da Conceição is a Junior professor in organizational behavior at Zumbi dos Palmares Faculty, São Paulo and research member of the Center for Public Administration and Government at the Getulio Vargas Foundation. FGV-CEAPG www.fgv.br/ceapg [email protected] Peter Spink is Professor of Public Administration and Government at the São Paulo School of Business Administration (FGV-EAESP) and senior member of the Center for Public Administration and Government at the Getulio Vargas Foundation. Escola de Administração de Empresas de São Paulo Fundação Getulio Vargas Av. 9 de Julho 2029 Bela Vista, São Paulo – SP 01313-901 Brazil Géraldine Galindo is associate professor in Human Resources Management at the University Paris Sud, IUT de Sceaux. Member of the research laboratory PESOR. Her Ph.D. was on the building of HRM in French biotechs. Her research focuses on HRM in start-up biotech's and also on religion in diversity management. She has written several articles in French Academic Journals and in research books (recently Management and religion published in 2012). Université Paris Sud, IUT de Sceaux Laboratoire PESOR 8 avenue Cauchy, 92 330 Sceaux [email protected] 33 0(1) 40 91 24 79 CRCGM FBS, Campus Clermont 4 Bd de Trudaine 63037 Clermont-Ferrand cedex 1 [email protected] Brigitte Nivet is a researcher teacher at FBS Clermont Campus. Member of the CRCGM (Centre de Recherche Clermontois en Gestion et Management – Clermont Administration and Management Research Centre) her research studies and publications concern social innovation, HRM, SMEs, and diversity. CRCGM FBS, Campus Clermont 4 Bd de Trudaine 63037 Clermont-Ferrand cedex 1 [email protected] Yvan Barel teaches Human Resource Management in Nantes. Member of LEMNA (Laboratory of Economics and Management Nantes-Atlantique), his research concerns in particular management of diversity. He is the author of two books (The interactions between strategy, the manager and his team, L’Harmattan, 2000; The Human Resource Management, Dalloz, 2008). 5, rue du Port Garnier, 44 000 Nantes FRANCE [email protected] Sandrine Frémeaux is a professor at Audencia-Nantes. School of management. His research focuses on various topics of Human Resource Management, including existential gift, occupational health, work-life balance, professional integration of people with disabilities, and meaningful work. Audencia, 8, route de la Jonelière, 44000 Nantes FRANCE [email protected] 116 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial Bruna Maria Giuseppina Associate doctoral researcher at the Dauphine’s Foundation « Management and Diversity » Chair, PhD-member of the IRISSO Laboratory (Dauphine CNRS) Paris-Dauphine’s University Assistant Professor in sociology and management. Lecturer at the French National School for Public Administration (Ecole Nationale d’Administration) Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75015 Paris [email protected] Chauvet Mathieu Doctor of Philosophy in Management. Professor of Management Sciences at EDC Paris EDC, 70 Galerie des Damiers – Paris La Défense 1 92415 Courbevoie Cedex T + 33 (0)1 46 93 00 62 [email protected] Annie Cornet is Full Professor in the Department of Management at HEC School of Management at the University of Liège in Belgium. She holds a PhD in Management Science and created a research unit in 2000 on Gender and Diversity in Management (EGID), with expertise in diversity management, equality between men and women in the workplace, female entrepreneurship, gender mainstreaming (integrated approach to equality between sexes) and gender budgeting (gender analysis of budgets). She is the author of several articles and books on these topics. She teaches HRM, diversity management, management and qualitative methodology. HEC- ULG B31, Boite 48 Bvd du rectorat Sart Tilman Liège 4000, Belgium [email protected] / +32 494 57 26 13. Hédia Zannad is Associate Professor in the Department of Management and Strategy at Rouen Business School. She holds an HEC PhD in Management Science, a Master in Social Psychology and a second in the Organisational Sociology. She contributes to the development of centres of expertise in diversity, project management, managerial competencies and approaches to the Accreditation of Work Experience. Her current work focuses on religious practices in business and on the various dimensions of the individual project. Groupe Rouen Business School Boulevard André Siegfried 76825 Mont Saint Aignan Cedex France [email protected] / +33 6 62 54 39 88 Pete Stone is of Franco-British culture. He has spent 15 years in education, notably as Associate Professor at Rouen Business School where he taught Ethics and Intercultural Management and managed programs for international students. He continued his career in HR Consulting as Director of Marketing & Operations at Hudson. He set up Hudson’s diversity policy and co-founded the NGO “A Compétence Egale”. In 2009 he created Just Different, a consulting firm specialized in diversity. Pete continues to work with Rouen Business School as a parttime professor. Pete is co-author of several chapters on diversity and discrimination. He is a volunteer with “A Compétence Egale” and member of the Board of Directors of AFIP. 42 avenue Kléber 75016 Paris France [email protected] / +33 670 31 91 80 Christine Naschberger, Doctorate in Business Administration at the Munich University of Technology (Germany), Researcher at Audencia Nantes School of Management (France). Researcher at the Institute for Global Responsibility and Entrepreneurship (IRGE) her main research areas are Diversity Management – disability and equality in the workplace, work-life balance – competency-based management and talent management. Christine is the author of numerous scientific papers, tutorials and she has published several book chapters and articles in peer-reviewed journals. She is also an expert and trainer in intercultural management. Audencia PRES LUNAM 8, route de la Jonelière 44312 Nantes Cedex E-mail : [email protected] Sana Guerfel-Henda, Doctorate in Business Administration at Ecole Polytechnique (France), Researcher at France Business School Campus Amiens, Head of Leadership and Human Resource Management Pole. Her main research areas are loyalty, Diversity Management, CSR, employee socialization. Sana is the author of numerous scientific papers, tutorials and she has published several book chapters and articles in peer-reviewed journals. France Business School campus Amiens 18, place Saint-Michel – 80038 Amiens Cedex [email protected] 117 Notas biográficas Diane Bebbington es una cientifica social con intereses en el liderato y las inegualdades, particularmente en la educacion/ ensenanza superior. Diane inicio Knowledge Perspectives Ltd en el 2006, una compania que se enfoca en la investigacion y norma sociales. Es actualmente la asesora de la Diversidad para la Leadership Foundation for Higher Education. Joëlle Surply Doctorado en Gestión, Gestión de la economía Asociado, Joëlle Surply dirigió su investigación principalmente hacia la gobernanza y el aprendizaje organizacional. En esta perspectiva, el papel de las confesiones en la gestión, y en los modos particulares de intra e inter-empresa, es una dimensión estructurante de su tesis (2006). Leadership Foundation for Higher Education Peer House 8-14 Verulam Street London WC1X 8LS UK Université Paris Sud 54 bd Desgranges 92331 Sceaux Cedex France [email protected] Mustafa Özbilgin investiga el campo de la igualdad, la diversidad y la inclusion desde puntos de vista comparativos. Detiene una catedra en la Brunel University de Londres, Université Paris-Dauphine y Koç University en Istanbul. Es actualmente jefe de redaccion del British Jounal of Management. Eléonore Marbot es Maestro de Conferencias en Gestión de Recursos Humanos en el FBS Campus de Clermont. Miembro del CRCGM (Centro de Investigación de Clermont-Ferrand en gestión y Management), sus investigaciones y publicaciones tratan de la gestión de las edades, la cooperación entre generaciones y la diversidad. Chair in Organisational Behaviour Brunel Business School Brunel University Uxbridge, UB8 3PH London, UK Eliane Barbosa da Conceição es una joven profesora de comportamiento organizacional de la Facultad Zumbi dos Palmares, São Paulo y miembro investigador del Centro para la Administración Pública y de Gobierno de la Fundación Getulio Vargas. FGV-CEAPG www.fgv.br/ceapg [email protected] Peter Spink es Profesor de Administración Pública y de Gobierno de la Escuela Paulista de Administración de Empresas (FGV-EAESP) y miembro sénior del Centro para la Administración Pública y de Gobierno de la Fundación Getulio Vargas. Escola de Administração de Empresas de São Paulo Fundação Getulio Vargas Av. 9 de Julho 2029 Bela Vista, São Paulo – SP, 01313-901 Brazil Géraldine Galindo es profesor de Gestión de Recursos Humanos en la Universidad de Paris Sud, IUT de Sceaux. Miembro de la PESOR la investigación de laboratorio, su investigación se centra en la gestión de recursos humanos en biotecnología start-ups en Francia y también la gestión de la diversidad religiosa. Ha escrito varios artículos en periódicos y académicos participaron en los trabajos de investigación colectiva (recientemente publicado en Religión y Gestión 2012). Université Paris Sud, IUT de Sceaux Laboratoire PESOR 8 avenue Cauchy, 92 330 Sceaux [email protected] 33 0(1) 40 91 24 79 CRCGM FBS, Campus Clermont 4 Bd de Trudaine 63037 Clermont-Ferrand cedex 1 [email protected] Brigitte Nivet es profesor investigador en el FBS Campus de Clermont. Miembro del CRCGM (Centro de Investigación de Clermont en gestión y Management), sus investigaciones y publicaciones tratan de la innovación social, la GRH y la PYME y la diversidad. CRCGM FBS, Campus Clermont 4 Bd de Trudaine 63037 Clermont-Ferrand cedex 1 [email protected] Yvan Barel enseña gestión de recursos humanos en Nantes. Miembro del LEMNA (Laboratorio de Economía y Gestión de Nantes-Atlantique), su investigación se centra especialmente en la gestión de la diversidad. Él es el autor de dos libros (Las interacciones entre la estrategia, el gerente y su equipo, L’Harmattan, 2000; La gestión de los recursos humanos, Dalloz, 2008). 5, rue du Port Garnier, 44 000 Nantes FRANCE [email protected] Sandrine Frémeaux es profesor en Audencia-Nantes.School de management. Su investigación se centra en diversos temas de gestión de recursos humanos, incluyendo el don gratuito, la salud ocupacional, conciliación del trabajo – vida, integración profesional de personas con discapacidad, y un trabajo significativo. Audencia, 8, route de la Jonelière, 44000 Nantes FRANCE [email protected] 118 Management international / International Management / Gestión Internacional, Vol 17, numéro spécial Bruna Maria Giuseppina Estudiante de doctorado: Cátedra “Gestión y Diversidad” de la Fundación Dauphine, miembroestudiante en doctorado del Laboratorio IRISSO (DauphineCNRS). Profesora asociada de Sociología y Ciencias de la Gestión en la Universidad Paris-Dauphine (PSL* Research University). Ponente en la Escuela Nacional de Administración. Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75015 Paris [email protected] Chauvet Mathieu Doctor en Gestion. Profesor de Gestion en la EDC Paris. EDC, 70 Galerie des Damiers – Paris La Défense 1 92415 Courbevoie Cedex T + 33 (0)1 46 93 00 62 [email protected] Annie Cornet es Profesora (Docente) Ordinaria (Full Professor) dentro del departamento Management en Hec-Escuela de Gestión de la Universidad de Lieja en Bélgica. Titularia de un Doctorado en Ciencias de Gestión, creó en 2000 una unidad de investigación profesional sobre el Género y la Diversidad (EGiD) poniendo como centro de pericia la gestión de la diversidad, la igualdad profesional hombres-mujeres, el emprendimiento femenino, el gender mainstreaming (enfoque integrado en la igualdad entre los sexos) y el gender budgeting (análisis por sexo de los presupuestos públicos). Es autora de varios artículos y publicaciones sobre esos temas. Imparte clases de GRH, la gestión de la diversidad, el management y la metodología cualitativa. HEC – ULG B31, Boite 48 Bvd du rectorat Sart Tilman Liège 4000, Belgium [email protected] / +32 494 57 26 13 Hédia Zannad es profesora asociada dentro del Departamento Management y Estrategia del Grupo Rouen Business School. Titularia de un Doctorado HEC en Ciencias de Gestión, un Master de Psicología social y otro de Sociología de las Organizaciones, contribuye en el desarrollo de polos de pericia sobre la diversidad, el management de proyectos, las competencias manageriales y los métodos de validación de la consolidación de la experiencia. Sus trabajos tratan actualmente de las prácticas religiosas dentro de las empresas y las diferentes dimensiones del proyecto individual tal como se pueden expresar en las distintas formas de seguimiento individual. Groupe Rouen Business School Boulevard André Siegfried 76825 Mont Saint Aignan Cedex France [email protected] / +33 6 62 54 39 88 Pete Stone Bicultural franco-británico, Pete Stone dedicó 15 años en la formación, especialmente como profesor asociado en la Rouen Business School donde impartía clases de Ética y Management Intercultural y gestionaba los programas para los estudiante internacionales. Continuó su carrera en el Consejo RH como Director Marketing & Operaciones de Hudson. Estableció la política Diversidad de Hudson y tomó así parte en la creación de la Asociación À Compétence Égale (A Igual Competencia). A principios del 2009 creó Just Different (sencillamente diferentes) empresa de consejo y formación en diversidad. Paralelamente es profesor externo e ingeniero de investigación para la Rouen Business School. Pete es coautor de varios capítulos sobre la diversidad y la discriminación. Es miembro benévolo de À Compétence Égale y miembro del Consejo de Administración de la AFIP. 42 avenue Kléber 75016 Paris France [email protected] / +33 670 31 91 80 Christine Naschberger, Doctora en Ciencias Empresariales de la Universidad Técnica de Munich (Alemania), Profesora Investigadora en Audencia Nantes Escuela de Gestión. Investigadora en el seno del Instituto para la Responsabilidad Global y Emprendimiento (Irge), sus principales áreas de investigación son la gestión de la diversidad – la discapacidad, la gestión de la carrera como mujer –equilibrio entre vida profesional y vida personal- la administración de capacidades y desarrollo de talento. Es autora de numerosos artículos científicos, guías prácticas y ha publicado diversos capítulos de libros y artículos. También interviene en calidad de experta y formadora con las empresas acerca de temas de gestión de la diversidad, administración de capacidades y desarrollo de los recursos humanos. Audencia PRES LUNAM 8, route de la Jonelière 44312 Nantes Cedex E-mail : [email protected] Sana Guerfel-Henda,Doctorado en Ciencias Empresariales de la Escuela Politécnica, Profesora-investigadora en France Business School Campus Amiens, Responsable del Polo Liderazgo y Recursos humanos (LRH). Sus ejes de investigación se apoyan en la fidelización de los asalariados, la diversidad, el RSE, el empresariado, la socialización de los jóvenes, la gestión de las edades (...). Autora de numerosos artículos, comunicaciones y contribuciones a obras colectivas France Business School campus Amiens 18, place Saint-Michel – 80038 Amiens Cedex [email protected] Politique rédactionnelle Résumé : Le résumé ne doit pas dépasser 100 mots. Article dans un recueil : Longueur : L’article est limité à 6 000 mots ou 30 pages de format lettre (références comprises − tableaux, figures et annexes non compris) saisis à double interligne, format lettre É.-U. (215,9 × 279,4 mm), police 12 pts. Toulouse, Jean-Marie; Bourdeau, Gilles (1995). « Taux de croissance et stratégies des nouvelles entreprises technologiques », dans A. Noël, P. Very et M. Wissler (sous la direction de), Perspectives en management stratégique, Economica, Tome III, p. 365-392. La note de recherche est limitée à 4 000 mots ou 20 pages (références comprises − tableaux, figures et annexes non compris) saisis à double interligne, format lettre É.-U. (215,9 × 279,4 mm), police 12 pts. La note de lecture est limitée à 2 000 mots ou 10 pages (références comprises) saisis à double interligne, format lettre É.-U. (215,9 × 279,4 mm), police 12 pts. Le compte rendu de lecture est limité à 1 000 mots ou 5 pages (références comprises) saisis à double interligne, format lettre É.-U. (215,9 × 279,4 mm), police 12 pts. Titres et sous-titres : Ils doivent être courts et ne pas faire l’objet d’une numérotation (I, II A, B, etc.). Tableaux, graphiques, organigrammes, cartes : Ils sont numérotés et présentés sur des feuilles à part. L’emplacement de ces tableaux doit être clairement indiqué dans l’article. Livres : Deulceux, M. (1996). Les grandes politiques européennes, Montréal, Les Publications du CETAI, HEC Montréal, 194 p. Gauthier, Gilles; Huppé, François (1991). Cost-benefit analysis: An extensive bibliography, Montréal, Gaëtan Morin Éditeur, 324 p. Note biographique : Si votre article est accepté, vous devrez nous fournir une note biographique d’environ 60 mots pour chaque auteur. La note doit inclure l’adresse électronique et l’adresse professionnelle complète, le grade universitaire le plus élevé et où il a été obtenu, l’affiliation et le titre d’emploi ainsi que le domaine de recherche. Les tableaux, graphiques, organigrammes et dessins doivent être noirs sur fond blanc. Citations : Si elles dépassent cinq lignes dactylographiées, elles font l’objet d’un paragraphe en retrait de cinq espaces et non guillemeté. Références : Dans le texte : Auteur, date (Dupont, 1987) ou (Dupont, 1987; Smith, 1990; Faucher, 1988) ou (Dupont, 1987, p. 10-13; Smith, 1990, chap. 2). Sous forme de notes : Elles sont numérotées et présentées en bas de page. Ici aussi, on ne mentionnera que le nom, la date et, le cas échéant, les pages appropriées. Bibliographie : Article dans une revue : Bogner, William C.; Thomas, Howard (1996). « Sustaining international linkages: A dynamic competence view », Management international, vol. 1, no 1, p. 1-14. Erutku, Can; Vallée, Luc (1996). « Analyse des perceptions et des préférences des travailleurs quant à leur manager », Management international, vol. 1, no 1, p. 23-33. Les droits d’auteur et l’autorisation de reproduire Pour reproduire un article au complet ou un texte de plus de 500 mots, on doit obtenir une autorisation écrite de Mana gement international (MI) et de l’auteur. Normalement, MI accorde sa permission si l’auteur donne la sienne et si une note indiquant le copyright de MI figure en première page du texte reproduit. L’autorisation de MI n’est pas nécessaire pour ne reproduire qu’un seul tableau ou qu’une seule figure, à condition qu’on obtienne au préalable la permission de l’auteur et qu’on donne la référence complète (Management international et auteur). Les auteurs qui veulent reproduire leurs propres écrits pour usage personnel sont dispensés de ces formalités. Par contre, les auteurs qui utilisent leurs propres travaux à des fins commerciales doivent obtenir l’autorisation de MI. Les professeurs d’établissements d’enseignement ne sont pas tenus de demander une autorisation pour distribuer des photocopies. Les bibliothèques ne sont pas astreintes au copyright pour les photocopies. Pour toute autorisation, veuillez contacter le rédacteur en chef. IM Style Guide Abstract: The abstract must not exceed 100 words. Article in a collection: Length: Articles should not exceed 6000 words or 30 pages (including references; excluding tables, figures, and appendices). Please use double-spacing, North American letter-size format (215.9 × 279.4 mm; 8.5 × 11 in), and font size 12. Toulouse, Jean-Marie; Bourdeau, Gilles (1995). “Taux de croissance et stratégies des nouvelles entreprises technologiques,” in A. Noël, P. Very and M. Wissler (Eds), Perspectives en management stratégique, Economica, Tome III, p. 365-392. Research notes should not exceed 4000 words or 20 pages (including references; excluding tables, figures, and appendices). Please use double-spacing, North American letter-size format (215.9 × 2794 mm; 8.5 × 11 in), and font size 12. The commentary should not exceed 2000 words or ten pages (including references). Please use double spacing, North American letter-size paper (215.9 mm × 279.4 mm), and font size 12. The book review should not exceed 1000 words or five pages (including references), double spaced, on North American letter-size paper (215.9 mm × 279.4 mm), and font size 12. Titles and headings: Titles and headings must be short. They must not be numbered (i.e., do not use I, II, A, B, etc.). Tables, graphs, figures, and maps: These should be numbered and presented on separate pages. The location of the tables must be indicated clearly in the body of the text. Tables, graphs, figures, and drawings must be printed in black on a white background. Quotations: If quotations exceed five typed lines, they should be indented five spaces and should not have quotation marks. References: In text: Author, date (Dupont, 1987), or (Dupont, 1987; Smith, 1990; Faucher, 1988), or (Dupont, 1987, p. 10-13; Smith, 1990, chap. 2). In notes: They should be numbered and presented at the bottom of the page. Again, give only the name, date and, if necessary, appropriate pages. Reference list: Article in a journal: Bogner, William C.; Thomas, Howard (1996). “Sustaining international linkages: A dynamic competence view,” International Management, Vol. 1, No 1, p. 1-14. Erutku, Can; Vallée, Luc (1996). “Analyse des perceptions et des préférences des travailleurs quant à leur manager,” International Management, Vol. 1, No 1, p. 23-33. Book: Deulceux, M. (1996). Les grandes politiques européennes, Montreal: Les Publications du CETAI, HEC Montréal, 194 p. Gauthier, Gilles; Huppé, François (1991). Cost-benefit analysis: An extensive bibliography, Montreal: Gaëtan Morin Éditeur, 324 p. Biographical Note: If your article is accepted for publication, you will be asked to submit a biographical note of about 60 words for each author. The note should indicate your e-mail address and complete professional address, where the highest degree was earned, present affiliation and position, and current research interest. Copyright and reproduction To reproduce an International Management (IM) paper in its entirety or in an excerpt of over 500 words you must obtain written permission from both IM and the author. Under normal circumstances, IM will grant permission if the author does the same, provided that IM’s copyright is indicated on the first page of the texts reproduced. Permission from IM is not required if only one table or one figure is reproduced, provided that the author’s permission has been obtained and a complete reference to International Management and the author identifies its origin. Permission is granted to authors who wish to reproduce their own material for personal use. However, authors wishing to use their work for commercial purposes must obtain permission from IM. Permission to make photocopies is granted to professors of educational establishments. Libraries are not required to pay copyright fees for photocopies. For authorization, please contact the Editor. Política de edición Resumen: El resumen del artículo no tendrá más de 100 palabras. Longitud: El artículo tendrá hasta 6.000 palabras o 30 páginas (se incluyen las referencias; no se incluyen las tablas, las figuras y los anexos) a doble espacio, formato carta 8,5 x 11 pulg., tamaño de letra de 12 pts. La nota de investigación tendrá hasta 4.000 palabras o 20 páginas (se incluyen las referencias; no se incluyen las tablas, las figuras y los anexos) a doble espacio, formato carta 8,5 x 11 pulg. y tamaño de letra de 12 pts. El apunte de lectura tendrá hasta 2.000 palabras o 10 páginas (se incluyen las referencias; no se incluyen las tablas, las figuras y los anexos) a doble espacio, formato carta 8,5 x 11 pulg. y tamaño de letra de 12 pts. El informe de lectura tendrá hasta 1.000 palabras o 5 páginas (se incluyen las referencias; no se incluyen las tablas, las figuras y los anexos) a doble espacio, formato carta 8,5 x 11 pulg. y tamaño de letra de 12 pts. Títulos y subtítulos: Serán cortos y nunca enumerados (I, II, A, B, etc.). Cuadros, gráficas, organigramas, mapas: Estarán numerados y presentados en hojas separadas. La ubicación de cada uno de estos cuadros, etc., estará claramente indicada en el texto del artículo. Los cuadros, gráficas, organigramas y dibujos deben estar realizados en negro sobre fondo blanco. Citas: si las citas superan las cinco (5) líneas dactilografiadas, formarán un párrafo aparte, dejando cinco (5) espacios a la izquierda y sin entrecomillar. Referencias: En el texto: Autor, fecha (Dupont, 1987) o bien (Dupont, 1987; Smith, 1990; Faucher, 1988) o bien (Dupont, 1987, p. 10-13; Smith, 1990, cap. 2). En forma de notas: Deberán estar numeradas al pie de página. Como en el texto, sólo se mencionará el nombre, la fecha y, eventualmente, las páginas de referencia. Bibliografía: Artículo de una revista: Bogner, William C.; Thomas, Howard (1996). “Sustaining international linkages: A dynamic competence view”, International Management, vol. 1, no 1, p. 1-14. Erutku, Can; Vallée, Luc (1996). “Analyse des perceptions et des préférences des travailleurs quant à leur manager”, Management international, vol. 1, no 1, p. 23-33. Artículo de una colección de textos: Toulouse, Jean-Marie; Bourdeau, Gilles (1995). “Taux de croissance et stratégies des nouvelles entreprises technologiques”, en A. Noël, P. Véry y M. Wissler (bajo la dirección de), Perspectives en management stratégique, Economica, Tome III, p. 365-392. Libro: Deulceux, M. (1996). Les grandes politiques européennes, Monographies en gestion et économie internationales, n° 96-03, Montréal, Centre d’études en administration internationale, HEC Montréal, 194 p. Gauthier, Gilles; Huppé, François (1991). Cost-benefit analysis: An extensive bibliography, Montréal, Gaëtan Morin Éditeur, 324 p. Nota biográfica: Si se acepta la publicación de su artículo, envíenos una nota biográfica de aproximadamente 60 palabras por cada autor. Incluya en la nota la dirección de correo electrónico y la dirección profesional completa, el más alto grado académico alcanzado y dónde se obtuvo, y la afiliación, el empleo y el área de investigación actuales. Los derechos de autor y la autorización de reproducción Los autores deben obtener de Gestión Internacional (GI) y ésta de los autores un permiso escrito, respectivamente, antes de reproducir un artículo completo o un texto de más de 500 palabras. Normalmente, GI da el permiso si el autor está de acuerdo y si una nota que indique los derechos de autor y la autorización de reproducción de GI aparece en la primera página del texto reproducido. El permiso de GI no es necesario cuando el autor reproduce un solo cuadro o una sola figura con la condición de que previamente se haya obtenido el permiso del autor y que se haga una referencia completa (Gestión Internacional y autor). Si los autores quieren reproducir sus propios escritos para uso personal, no están obligados a cumplir con estos requisitos; por el contrario, los autores que utilizan sus propios trabajos con fines comerciales deben obtener el permiso de GI. El permiso no se aplica a las fotocopias hechas por los profesores de instituciones dedicadas a la enseñanza. Para las fotocopias, las bibliotecas no están obligadas a derechos de autor y autorización de reproducción. Para obtener cualquier permiso, se ruega dirigirse al redactor jefe de la revista. Modes d’acheminement des articles Instructions pour les soumissions électroniques Les soumissions électroniques doivent être envoyées : Les manuscrits doivent être soumis en format électronique Word de Microsoft Office. À l’attention du professeur Bachir Mazouz, rédacteur en chef [email protected] Joindre à un courriel deux versions de la soumission : une avec une page titre qui contient les coordonnées complètes de l’auteur et, le cas échéant, les remerciements et une avec une page titre sans identification. Ces deux fichiers doivent être nommés respectivement NOMINATIF et NON-NOMINATIF. Une fois accepté pour publication, l’article devra être présenté en format PDF ou en sortie papier ainsi qu’en format électronique Word de Microsoft Office. Il n’y a rien dans le fichier non-nominatif qui puisse identifier l’auteur. Les articles sur support papier et toute correspondance au sujet du contenu de la revue Management international doivent être adressés au : L’anonymat de la propriété électronique du fichier NON-NOMINATIF doit être également respecté. Inclure dans votre courriel le champ d’intérêt et le thème dont votre article relève afin de nous aider à identifier les évaluateurs appropriés. Champs d’intérêt Administration et politique publiques Économie Finance/comptabilité Gestion des opérations et de la production Gestion des ressources humaines Management général Marketing Thèmes Communication/négociation Éthique Gestion de projets Gestion de la connaissance Gestion de projets Gestion de risques Gestion du changement Gestion interculturelle Innovation et entrepreneurship Internationalisation Leadership Mondialisation/PVD/NPI/PET Performance des organisations Privatisation Rapprochement d’entreprises Réformes administratives Stratégie/concurrence Technologie de l’information Autres (prière de spécifier) Instructions pour les envois postaux Professeur Bachir Mazouz Rédacteur en chef HEC Montréal 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 2A7 CANADA Sending papers Instructions for submitting papers electronically Electronic submissions should be sent to the attention of: Papers should be submitted in electronic format using Microsoft Word. Bachir Mazouz, Editor [email protected] Attach two electronic copies of your submission to an e-mail message. One of the copies should include a title page that contains the author’s name and complete contact information and, if any, the acknowledgements. The other copy should have a title page that does not include any information that might identify the author. These two files should be named NOMINATIVE and NON-NOMINATIVE, respec tively. Your submission will be acknowledged electronically when reviewers have been assigned. Once accepted for publication by the evaluation committee, the paper should be presented in PDF format or hard copy, and in electronic format (Microsoft Word). There should be nothing in the NON-NOMINATIVE file that might identify the author. Likewise, there should be nothing in the electronic properties of the NON-NOMINATIVE file that might identify the author. Please indicate in your e-mail the field of interest and theme that best fit your paper, in order to help us identify the appropriate reviewers: Fields of interest: Economics Finance/Accounting General management Human resources management Marketing Production and Operations Management (POM) Public administration and Policy Themes: Administrative reforms Change management Communication/ negociation Ethics Globalization/LDCs/ NICs/EITs Information Technologies Innovation and entrepreneurship Intercultural management Interfirm cooperation Internationalization Knowledge management Leadership Organizational performance Privatization Project management Risk management Strategy/competition Other (please specify) Instructions for sending by mail Hard-copy articles and any correspondence regarding the content of International Management should be sent to: Professor Bachir Mazouz Editor HEC Montréal 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal, Québec H3T 2A7 CANADA Formas de enviar los artículos Instrucciones para los envíos electrónicos Los envíos electrónicos se enviarán al: Los manuscritos se deben presentar en formato electrónico Word de Microsoft Office. Profesor Bachir Mazouz, Editor [email protected] Adjunte al correo electrónico dos copias del documento que va a presentar: Una copia tendrá una página de presentación con todos las coordenadas del autor y, si es el caso, los agradecimientos, y la otra copia tendrá una página de presentación sin identificación. Estos dos archivos se denominarán NOMINAL y NO-NOMINAL. Una vez que se acepte el artículo para ser publicado, éste se presentará en formato PDF o impreso en papel y, además, en formato electrónico Word de Microsoft Office. En el archivo NO-NOMINAL no habrá ninguna información que identifique al autor. Los artículos impresos en papeles y cualquier correspondencia acerca del contenido de la revista Gestión Internacional se debe enviar a la siguiente dirección: Se respetará también el anonimato de la propiedad electrónica del archivo NO-NOMINAL. Incluya en su correo electrónico el dominio de interés y el tema de los que trata su artículo. Esto nos ayudará a identificar adecuadamente a los revisores. Dominios de interés Administración y política públicas Economía Finanzas y contabilidad Gestión de operaciones y de la producción Gestión de recursos humanos Gestión general Mercadotecnia (Marketing) Temas Comunicación/negociación Ética Gestión de proyectos Gestión del conocimiento Gestión de riesgos Gestión del cambio Gestión intercultural Innovación y espíritu empresarial Internacionalización Liderazgo Mundialización/PVD/NPI/PET Performance de organizaciones Privatización Cooperación empresarial Estrategia/competencia Reformas administrativas Tecnologías de la información Otros (por favor, especifique) Instrucciones para los envíos por correo postal Profesor Bachir Mazouz Editor HEC Montréal 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 2A7 CANADA L’abonnement papier Management international HEC Montréal, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 2A7 CANADA Publiée quatre fois l’an 514 340-6806 514-340-7814 managementinternational.ca [email protected] Nouveau ! Possibilité de payer en ligne par carte de crédit. (managementinternational.ca) L’abonnement est payable par chèque libellé au nom de HEC Montréal. ISSN: 1206-1697 TPS : R107278905 TVQ : 1006085748TQ0001SS Québec Autres provinces TVQ et TPS incluses TPS incluse Étranger* Étudiant Toutes taxes incluses Individuel (1) – 1 an – 2 ans – 3 ans 76,00 $ CA 127,00 $ CA 172,00 $ CA 70,00 $ CA 115,00 $ CA 160,00 $ CA 110,00 $ CA 170,00 $ CA 235,00 $ CA Institutionel (1) – 1 an – 2 ans – 3 ans 117,00 $ CA 187,00 $ CA 263,00 $ CA 105,00 $ CA 170,00 $ CA 240,00 $ CA 190,00 $ CA 260,00 $ CA 350,00 $ CA 40,00 $ CA 80,00 $ CA 120,00 $ CA * Les paiements venant de l’étranger doivent être faits sous forme de mandat-poste ou de chèque tiré sur une banque canadienne ou américaine seulement. Nom Prénom Titre Société Adresse Ville Province Pays Code postal Télécopie Téléphone Courriel Signature (1) Les individus abonnés à la version papier ont accès également à la version électronique de la revue pour toute la durée de leur abonnement. Les institutions (entreprise, société, association, etc.) abonnées à la version papier qui veulent avoir accès à la version électronique doivent souscrire à l’abonnement électronique institutionnel. Pour toute question relative à l’abonnement électronique, les abonnés sont invités à prendre contact avec la Rédaction : [email protected]. Hard Copy Subscription International Management HEC Montréal, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 2A7 CANADA Published four times a year 514 340-6806 514-340-7814 managementinternational.ca [email protected] New! On-line payment by credit card possible. (managementinternational.ca) Your subscription is payable by cheque to HEC Montréal. ISSN: 1206-1697 GST: R107278905 QST: 1006085748TQ0001SS Québec Other provinces QST and GST included GST included Other countries* Student All taxes included Invividual (1) – 1 year – 2 years – 3 years CAN$76,00 CAN$127,00 CAN$172,00 CAN$70,00 CAN$115,00 CAN$160,00 CAN$110,00 CAN$170,00 CAN$235,00 Institutional (1) – 1 year – 2 years – 3 years CAN$117,00 CAN$187,00 CAN$263,00 CAN$105,00 CAN$170,00 CAN$240,00 CAN$190,00 CAN$260,00 CAN$350,00 CAN$40,00 CAN$80,00 CAN$120,00 * All payments from outside Canada must be in the form of a money order or cheque drawn on a Canadian or American bank only. Last name First name Title Company Address City State Country Postal Code Fax Telephone E-mail Signature (1) Individuals with a subscription to the hard-copy version of IM have access to the electronic version of the journal at no additional cost for the duration of the subscription. Institutions (businesses, societies, associations, etc.) with a subscription to the hard-copy version that would like access to the electronic version must subscribe to the electronic subscription for institutions. For questions regarding the electronic subscription, subscribers are invited to contact the Editors: [email protected]. Suscripción a la edición impresa Gestión Internacional HEC Montréal, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine Montréal (Québec) H3T 2A7 CANADA Publicado cuatro veces por año 514 340-6806 514-340-7814 managementinternational.ca [email protected] Nuevo! Posibilidad de efectuar los pagos en línea con tarjeta de crédito. (managementinternational.ca) La suscripción deberá pagarse por medio de un cheque a nombre de HEC Montréal. ISSN: 1206-1697 Impuesto federal : R107278905 Impuesto provincial : 1006085748TQ0001SS Québec Impuestos incluidos Otras provincias canadienses Otros países* Estudiante Todos impuestos incluidos Impuesto federal incluido Individuo – 1 año – 2 años – 3 años 76,00 $ CA 127,00 $ CA 172,00 $ CA 70,00 $ CA 115,00 $ CA 160,00 $ CA 110,00 $ CA 170,00 $ CA 235,00 $ CA Institución (1) – 1 año – 2 años – 3 años 117,00 $ CA 187,00 $ CA 263,00 $ CA 105,00 $ CA 170,00 $ CA 240,00 $ CA 190,00 $ CA 260,00 $ CA 350,00 $ CA (1) 40,00 $ CA 80,00 $ CA 120,00 $ CA * Los pagos que provengan del extranjero deben hacerse por medio de un giro postal o con un cheque únicamente de un banco canadiense o de Estados Unidos. Apellido(s) Nombre(s) Título Empresa Dirección Ciudad Provincia País Código postal Fax Teléfono Correo electrónico Firma (1) Las personas abonadas a la edición impresa de Gestión Internacional tienen acceso a la versión electrónica de la revista durante su suscripción. 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