Mes amis me disent : “T`es fou !”…

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Mes amis me disent : “T`es fou !”…
10 | politiqueJDD 1
| er
mars 2015
« Mes amis
me disent :
“T’es fou !”… »
Candidat à la primaire UMP
de 2016, il juge que « tout est possible,
y compris une catastrophe »
François Fillon
Attablé devant une bière, l’homme
vous dit cela dans un sourire, en joiDépité, François Fillon se tourne
gnant le geste à la parole. Décontracvers sa petite équipe : « L’éducation,
té. Parce que la primaire de 2016 qui
il va falloir qu’on le refasse… » Ce
doit désigner le candidat de l’UMP
thème, l’ancien Premier ministre
à la présidentielle est encore loin et
l’a décliné en propositions il y a près
qu’il est convaincu que ses efforts
d’un an déjà. Le problème, c’est que
finiront par payer. « J’y crois, c’est
les sympathisants UMP qu’il a rentout. » Et puis : « Il y a déjà une grande
contrés ce soir-là à B
­ ourgoin-Jallieu
amélioration : les gens commencent
(Isère), chez son ancien collaboraà dire que je suis le seul à avoir un
teur à Matignon Vincent Chriqui,
programme. »
ne sont visiblement pas au courant.
Le programme, les idées,
­François Fillon pense que là est
Mercredi dernier, il a dévoilé son
sa force, ce qui
projet en matière
lui permettra in
de logement et « Il y a une grande
fine de trouver
proposé de regrousa place dans la
per toutes les aides amélioration : les
compétition à
sociales existantes gens commencent
droite. Alors il
en une « prestation
sociale unique », à dire que je suis
sèche les réunions
p l a f o n n é e e n le seul à avoir
de l’UMP depuis
dessous du smic.
des mois pour s’y
« Une proposition un programme »
consacrer. Cette
semaine, il était
révolutionnaire »,
insiste-t-il. Mais là
dans l’Isère. L’ocencore, l’idée est passée quasi inacasion de soutenir des candidats qui
perçue. Entre sondages en berne,
espèrent faire basculer le départeespace m
­ édiatique saturé par la
ment à droite lors des élections des
rivalité Sarkozy-Juppé et projet
22 et 29 mars, mais aussi d’enchaîner
qui ne marque pas les Français,
les tables rondes pour préparer son
« on rame… », avoue François Fillon.
projet sur la santé. Sérieux, appliChristine Ollivier
François Fillon, le 25 février, à Paris. NICOLAS MESSYASZ/SIPA
qué, il prend des notes, lunettes
sur le nez, réprime un bâillement.
Car l’exercice est frustrant. « Il n’y
a pas le début d’une solution… », soupire-t-il en sortant de deux heures
de réunion, à Grenoble, avec des
médecins qu’il a surtout entendus
se plaindre de l’amoncellement de
réglementations. « On étouffe ! », lui
ont-ils lancé. Le reproche, il est vrai,
revient avec insistance.
Lui veut justement rendre de
la « liberté » aux Français. Il propose de guérir le malade France
en lui assénant un « choc violent » :
100 milliards d’euros d’économies
sur cinq ans. Devant les personnels
hospitaliers de Bourgoin-Jallieu, il
pose donc la question du temps de
travail des fonctionnaires, qu’il veut
porter à 39 heures. Malaise assuré.
Plus tard, il prend les militants UMP
à rebrousse-poil en expliquant qu’il
faudra passer à la retraite à 65 ans.
« Beaucoup de mes amis me disent :
“T’es fou ! Tu ne vas pas te faire élire
avec ça.” » Mais lui ne croit plus à
« la réforme prudente », celle qu’il
a conduite avec Nicolas Sarkozy
entre 2007 et 2012, celle qu’incarne
aujourd’hui Alain Juppé, à ses yeux.
« On va continuer à raconter les
mêmes trucs que d’habitude ? Les
gens n’y croient plus. Le vrai débat va
être là, entre la réforme prudente, qui
va apparaître comme la poursuite des
politiques du passé, et une rupture. »
Rupture, le terme rappelle quand
même un peu trop la campagne de
Sarkozy en 2007. « Je sais, je cherche
un autre mot… Il va falloir que je le
trouve avant 2016. »
« La candidature de Nicolas
n’est plus du tout évidente »
Pour l’heure, François Fillon
prêche un peu dans le désert. Il
hausse les épaules : « Le paysage
va changer encore plusieurs fois
d’ici à la primaire », veut-il croire.
« On est dans une situation où
tout est possible, y compris une
catastrophe », dit-il, en soulignant
la « radicalisation » de la société
française. Déjà, « la candidature de Nicolas [Sarkozy] n’est
plus du tout évidente », notet-il. Quant à Alain Juppé, « il est
dans une situation un peu irréelle.
Il rassemble beaucoup de gens sur
son nom, y compris à gauche, mais
ce n’est pas pour autant que, le jour
de l’élection ils vont venir voter pour
lui ».
Il le regrette sans doute, mais la
politique, ce n’est pas que des idées.
Fillon a laissé des plumes dans la
guerre à mort qui l’a opposé fin
2012 à Jean-François Copé à l’égard
duquel la rancœur affleure vite. « Je
le croise encore dans les réunions
politiques. Il sourit… », grimacet-il. Il a aussi déçu en refusant de
relever le défi des municipales à
Paris en 2014 puis avec ses atermoiements sur la position à adopter face au FN. L’austère Fillon a
compris qu’il allait d
­ evoir faire des
concessions à la communication
pour ne pas disparaître complètement des radars des Français.
Alors il se fait violence : depuis le
début de l’année, il rencontre des
journalistes, cajole ses amis, se plie
à l’exercice des questions-réponses
avec les militants, lui qui n’aime rien
tant que les beaux discours prononcés du haut de la tribune, comme
jadis son mentor Philippe Séguin.
Il s’efforce d’employer des mots
plus simples, s’essaie même aux
plaisanteries. Une jeune candidate
UMP d’un canton du Nord-Isère
en est encore toute surprise : « Il
a de l’humour, en fait ! » La petite
salle lui était tout acquise, mais les
militants ont apprécié. « On va s’le
faire, le nain », s’emballe même un
de ses partisans.
Mais Fillon, qui fêtera ses 61 ans
mercredi, est encore loin d’avoir
fendu l’armure. Mains croisées
devant lui, il écoute ses interlocuteurs, mais ne sort guère de sa
réserve naturelle. Il esquisse bien
un sourire en direction des gens qui
le regardent passer, mais s’avance
rarement vers eux pour leur serrer la main. « Si ça marche pas, ça
marche pas… Ma vie n’en dépend pas.
Je peux très bien vivre en oubliant la
politique », assure-t-il. En attendant,
il « croit vraiment en ce qu’il dit ».
Et qu’on ne s’y trompe pas : « Il ira
jusqu’au bout ». g
Les invités politiques du dimanche
gg Jean-Christophe Lagarde (UDI) :
Le Grand Rendez-Vous, sur Europe 1/
Le Monde/i> Télé, à 10 heures.
gg Yannick Jadot (EELV) :
30 Minutes pour convaincre,
sur Judaïques FM, à 10 h 30.
ggJean-Vincent Placé (EELV) :
Le Brunch politique,
sur Sud Radio, à midi.
gg Rama Yade (UDI) : Toutes
les France, sur France Ô, à midi.
gg Marine Le Pen (FN) : 12/13
dimanche, sur France 3, à 12 h 10.
gg Jacques Attali : Internationales,
sur TV5Monde/RFI/Le Monde,
à 12 h 10.
gg Malek Boutih (PS) : Le Supplément, sur Canal+, à 12 h 55.
gg Nathalie Kosciusko-Morizet
(UMP) : Forum,
sur Radio J, à 14 h 20.
gg Christian Paul (PS) :
C politique, sur France 5,
à 18 heures.
gg Benoist Apparu (UMP) :
BFM politique, sur BFMTV/
Le Point/RMC, à 18 heures.
gg Pierre Moscovici (PS) :
Tous politiques,
sur France Inter/Le Parisien/
France 3, à 18 h 10.
gg Michel Sapin (PS) :
Le Grand Jury, sur RTL/
Le Figaro/LCI, à 18 h 30.
gg Myriam El Khomri (PS) :
Soir 3, sur France 3, à 23 h 50.

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