L Opa Hostile De Mittal Steel Sur Arcelor Dans Le Contexte De La

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L Opa Hostile De Mittal Steel Sur Arcelor Dans Le Contexte De La
recebido em 03/2007 - aprovado em 03/2007
L’OPA hostile de Mittal Steel sur Arcelor dans le
contexte de la concentration du secteur
sidérurgique
A OPA HOSTIL DE MITTAL STEEL SOBRE ARCELOR NO CONTEXTO DA
CONCENTRAÇÃO DO SETOR SIDERÚRGICO
Hubert DROUVOT
Maitre de conférence no IAE Grenoble, professor convidado na UFPB e CEPEAD
Universidade Federal de Minas Gerais
[email protected]
Hudson AMARAL
Professor do CEPEAD
Universidade Federal de Minas Gerais
Cláudia MAGALHÃES
Universidade Federal Minas Gerais, Belo Horizonte
Résumé
Resumo
L’OPA hostile de Mittal Steel sur le groupe européen
Arcelor a suscité beaucoup de réaction dans la
presse économique et dans les milieux politiques.
Cet article présente d’abord les caractéristiques du
secteur sidérurgique mondial avec le but d’expliquer
l’importante restructuration de cette activité dans le
cadre de fusions et acquisitions. Les deux groupes
sont ensuite comparés et la présentation de la
séquence des événements vise surtout à mettre en
évidence les stratégies des deux groupes et les
diverses prises de position des dirigeants politiques
en Europe. Cette étude montre qu’aujourd’hui,
malgré les incantations patriotiques, ce sont pour
les entreprises cotées en bourse, toujours les
actionnaires majoritaires qui ont le dernier mot.
A OPA hostil de Mittal Steel sobre o grupo europeu
Arcelor provocou muita reação da imprensa
econômica e no meio politico. Este artigo apresenta
as características do setor siderurgico mundial com
o objetivo de explicar a importância da restruturação
dessa atividade no quadro de fusões e aquisições.
Os dois grupos são comparados a seguir e a
apresentação da sequência dos acontecimentos visa,
sobretudo, colocar em evidência as estratégias dos
mesmos além, das diversas tomadas de posição dos
dirigentes politicas na Europa. Este estudo mostra
que hoje, apesar dos encantamentos patrioticos,
isto é para empresas cotadas em bolsa nas quais
sempre acionistas majoritarios que dão a ultima
palavra.
Mots clés: Secteur Sidérurgique – OPA – FusionsAcquisitions – Patriotisme Économique.
Palavras-chave: Setor Siderurgico, OPA, FusõesAquisições, Patriotismo Econômico.
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Hubert DROUVOT
Hudson AMARAL
Claudia MAGALHÃES
Introduction
Dans le secteur sidérurgique, le 27 janvier 2006, le
groupe indien Mittal Steel, premier producteur mondial
lança une OPAhostile sur le second producteur mondial,
l’européen Arcelor. Cette opération a suscité de vives
réactions politiques et de nombreux commentaires dans
la presse économique. Les objectifs de cet article sont
de présenter d’une part, les deux entreprises impliquées
avec leurs visions stratégiques dans le cadre de la
restructuration de ce secteur d’activité et d’autre part,
les réactions politiques qui se sont manifestées, en
particulier au nom du patriotisme économique. Avec
ses divers rebondissements, pendant plus de 5 mois,
cette grande bataille boursière fût à la une de l’actualité
économique. Ce papier analyse les éléments marquants
et les conséquences de cette opération.
1 Les acteurs En présence
1.1 Arcelor
Ce groupe est né en février 2002 de la fusion du
français Usinor, du luxembourgeois Arbed et de
l’espagnol Aceralia. Il agrège 360 sociétés et emploie
95.000 personnes dans plus de 60 pays. 82 % des
effectifs sont en Europe, c’est en France que le groupe
compte le plus de salariés, 28.465 personnes, soit
30 % de l’effectif total. Arcelor dispose aussi de
15.000 salariés dans chacun des deux pays suivants:
la Belgique et l’Espagne, de 10.000 salariés en
Allemagne et de 6.000 au Luxembourg.
En France, la firme est issue d’Usinor, groupe qui
avait été nationalisé en 1981 et qui a fait ensuite
l’objet d’une profonde restructuration grâce à des
aides importantes de l’Etat. C’est le gouvernement
socialiste de Jospin qui privatisa cette entreprise en
1994 et de ce fait, l’Etat français ne dispose plus
d’aucune participation dans le capital d’Arcelor. Ce
groupe produit dans le pays des aciers plats dans
des sites offshores, à Dunkerque et à Fos sur Mer,
mais également à Florange en Lorraine, ancienne
région de la sidérurgie française.
En octobre 2005, il a décidé d’investir 600 millions
d’euros sur trois ans dans les trois sites implantés aux
environs de Dunkerque afin d’atteindre une capacité
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de production de 7,2 millions de tonnes. Guy Dollé,
PDG d’Arcelor croit au futur de la sidérurgie dans cette
région pour les vingt prochaines années. Cette activité
est destinée à fournir le marché européen, elle peut
être capable de résister à la concurrence des aciers
brésiliens, russes ou ukrainiens, à la condition de
poursuivre ses efforts de productivité (1). Par contre
le site de Florange en Moselle, tout comme le site de
Liège en Belgique, feront l’objet d’une fermeture.
L’autre activité du groupe est la fabrication d’acier
inoxydable, elle est effectuée dans divers
départements du territoire français (Pas de Calais,
Saône et Loire, Eure, Nievre, Loire). Ce domaine
est le moins rentable chez Arcelor, il fait l’objet d’une
politique de désengagement, même si dans cette
activité, le groupe est l’un des leaders mondiaux.
Arcelor est le premier fournisseur d’acier pour les
constructeurs automobiles implantés en Europe, avec
environ 50 % du marché.
En ayant donné la priorité aux restructurations de
ses usines en Europe occidentale, Arcelor n’a fait
que des acquisitions modestes au niveau
international. En 2004, 77 % de son chiffre d’affaires
était réalisé dans ce continent. Avec une part de la
production nationale estimée à 30 %, le groupe est
cependant très bien implanté au Brésil, pays très
compétitif dans le secteur sidérurgique. Il est aussi
présent en Argentine avec Acindar.
De 1974 à 2006, les effectifs dans l’industrie
sidérurgique française sont passés de 160.000 à
30.000 personnes, Usinor a été le principal acteur
de cette restructuration.
L’OPA sur Dofasco: Arcelor a fait une contre offre sur
l’OPA de ThyssenKrupp envers le canadien Dofasco.
Cette OPA hostile d’Arcelor du 23 novembre 2005 sur
les prétentions du groupe allemand s’explique par le fait
que Dofasco constitue une porte d’entrée sur le marché
automobile d’Amérique du Nord. Arcelor ne détenait
que 1 % de ce marché qui est encore le premier mondial.
En acquérant Dofasco, Arcelor augmente cette part de
marché à la hauteur de 12 %. L’autre intérêt de cette
opération provient de la possession par Dofasco d’une
mine de fer, Québec Cartier Mining (QCM) permettant
de subvenir à 20 % aux besoins de production.
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Dofasco a été créé en 1912 et consacre 1/3 de sa
production aux constructeurs automobiles américains
et japonais implantés en Amérique du Nord. Pour
acquérir cette société, Arcelor a proposé une prime
de 61 % par rapport au dernier cours avant le
déclenchement de l’OPA hostile, et certains
économistes ont estimé que c’était cher payé compte
tenu d’une marge opérationnelle limitée à 3 % (11
% pour Arcelor ). Arcelor s’est par ailleurs engagé
à verser à ThyssenKrupp 215 millions de dollars
canadiens en compensation de son retrait.
Selon Julien Quistrebert, analyste à Richelieu
Finance: “on n’est plus dans le raisonnable. A ce
prix là, on voit mal comment l’opération peut
rester créatrice de valeur. C’est d’ autant plus
frappant que jusqu’à présent Arcelor avait
toujours insisté sur sa prudence financière, sa
volonté de ne pas surpayer ses acquisitions et de
garder du cash pour acheter des actifs moins chers
en bas de cycle” (2).
1.2 Mittal Steel
Ce groupe a été construit en une trentaine d’année.
Le père de Lakshmi Mittal, actuel PDG, possédait
une petite acièrie en Inde. Dans ce secteur
sidérurgique, Lakshmi Mittal a commencé par la
construction d’une acièrie en Indonésie en 1976, et
a réalisé ensuite toute une série d’acquisition des
Caraïbes au Canada en passant par la Pologne, la
République Tchèque et la Roumanie. Il s’agissait le
plus souvent d’actifs en mauvais état qui furent
restructurés.
En 1997, il achète Thyssen Duisbrug en Allemagne
et en 1999, la société française Unimétal. En 2004,
le groupe Mittal Steel devient le premier producteur
mondial dans le secteur sidérurgique grâce à
l’acquisition aux Etats-Unis, pour 21 milliards de
dollars, d’ International Steel Group. Il possède
également dans ce pays le groupe Inland Steel.
Sur les cinq dernières années, Mittal Steel a effectué
plus d’une vingtaine d’opérations dans le monde,
les deux dernières ont été des joint ventures en Chine
et en Ukraine. La stratégie de développement a
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consisté le plus souvent à reprendre des actifs en
mauvais état pour les restructurer. (3)
Lakshmi Mittal décida en juin 2004 de fusionner sous
le nom de Mittal Steel, ses deux sociétés, l’une privée
(LNM) et l’autre cotée en bourse depuis 1997 ( Ispat).
Mittal Steel est cotée à Amsterdam et à New York, elle
a son siège à Rotterdam et appartient à la famille Mittal
à hauteur de 88 % du capital, mais celle-ci détient 97 %
des droits de vote grâce à des actions préférentielles.
Le groupe, présent dans 14 pays, réalise 43 % de
son chiffre d’affaires en Amérique du Nord.
Sur un total de 24 milliards d’euros, le chiffre
d’affaires aux Etats-Unis est de 10 milliards d’euros.
Sur ce marché, la production concerne à hauteur
de 75 % des produits à forte valeur ajoutée et
destinés à l’industrie automobile.
Lakshmi Mittal réside à Londres, à l’âge de 50 ans il est
doté d’une fortune de 22 milliards d’euros. Il est le plus
riche résident britannique et il dispose de la troisième
fortune mondiale derrière Bill Gates et Waren Buffet.
Pour le président de la BERD, Jean Lemierre,
Lakshmi Mittal est: “un bon industriel et un bon
financier. Il est aussi attentif à la qualité et aux
questions sociales”.
2 Présentation du Secteur d’Activité
Pour comprendre les enjeux stratégiques de cette
OPA, il est important de connaître la structure du
marché de la production du minerai de fer, principale
matière première utilisée dans l’industrie
sidérurgique. Ensuite le marché mondial de la
production d’acier sera présenté.
2.1 La Production de Minerai de Fer
Ces dernières années ce marché a connu une forte
croissance, principalement compte tenu du
développement de la Chine, pays qui absorbe un
tiers du minerai de fer mondial destiné à
l’exportation. Face à cette demande chinoise en
croissance annuelle de 30 %, les prix négociés ont
augmenté de 72 % lors du premier trimestre 2005.
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C’est ce pourcentage d’augmentation qu’a dû
accepter Arcelor en avril 2005, lors de la
renégociation de ses prix d’achat auprès du brésilien
Compagnie do Vale do Rio Doce (CVRD).
acquisitions. L’absorption de concurrents étant
un moyen pour renforcer le pouvoir de négociation
des groupes sidérurgiques face à leurs fournisseurs
de matières premières.
Au printemps 2006, celle-ci est encore parvenue
à faire accepter une nouvelle hausse de prix de
l’ordre de 19 % à Arcelor, son premier client (achat
annuel de 22 millions de tonnes) et à ses autres
clients (ThyssenKrupp, sidérurgistes chinois..)
Ces hausses sensibles des prix ont été facilitées par
le fait que trois grands producteurs contrôlent la
grande majorité de l’offre mondiale de minerai de
fer: les deux groupes anglo-australiens, BHP Billiton,
Rio Tinto et le brésilien CVRD. A eux trois, ils
contrôlent plus de 70% de la production mondiale.
Même Mittal, le leader mondial dans la sidérurgie,
mais avec seulement 6 % du marché doit se plier à
leurs exigences.
Cependant, le marché est cyclique, et la Chine
a décidé de faire évoluer son développement afin
d’être plus économe de matières premières
(freinage des investissements dans le bâtiment
et la construction civile). Du côté de l’offre, les
investissements pour augmenter les capacités de
production sont importants, projets de 1,30
milliards de dollars pour BHP Billiton et de 1,35
milliards de dollars pour Rio Tinto. Dans ces
perspectives, il est attendu un retour à l’équilibre
sur ce marché en 2007, certains économistes
envisagent même une chute des prix de l’ordre
de 25% l’an prochain et le patron du second
sidérurgiste allemand Salzgitter estime que le
marché va s’effondrer en 2008 (4).
Cette forte concentration du secteur du minerai
de fer est précisement un des principaux
arguments invoqués par les leaders du secteur
sidérurgique pour réaliser des fusions -
Le tableau 1 indique qu’après une période de trois
années de déficit de production par rapport à la
demande (2003-2004-2005), la situation
redeviendra excédentaire en 2006.
Tableau 1 - Evolution de la demande apparente et de l’offre apparente du minerai de fer, en millions de tonnes
Demande
Offre
2000
1.112
1.090
2001
1.019
1.028
2002
1.107
1.113
2003
1.245
1.222
2004
1.355
1.323
2005*
1.455
1.443
2006*
1.540
1.552
Source : Les Echos/ABN AMRO, TEX, AME, IISE
2005*, 2006* : prévisions.
La compagnie brésilienne CVRD qui est le premier
producteur mondial de minerai de fer a décidé
d’investir en 2006 , 4,6 milliards de dollars, après
4,16 milliards de dollars en 2005.
Au cours des cinq dernières années, la CVRD a
investi un total de 10,5 milliards de dollars et a versé
4,4 milliards de dollars à ses actionnaires.
46 % de ce montant est destiné au minerai de fer, et
491 millions de dollars à la recherche et
développement.
Le minerai de fer représente environ 30 % du
coût des achats dans la production d’acier. A la
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2.2 La Production d’Acier
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différence du secteur du minerai de fer dominé
par trois groupes leaders, la production d’acier
est une activité encore très fragmentée. Les trois
premiers producteurs mondiaux ne représentent
que 13 % du marché, alors qu’en comparaison,
les trois premiers constructeurs automobiles
représentent 30 % du marché mondial.
Quant aux dix premiers groupes sidérurgiques
mondiaux, ils ne totalisent que le quart d’une
production mondiale estimée à 1,1 milliard de tonnes.
Ce métier est très innovateur, afin de lutter contre des
produits substituables (aluminium, plastiques,
polymères, composites...) l’activité recherche et
développement joue un rôle important dans la stratégie
des entreprises. Selon un directeur d’Arcelor
Research, 40 % des aciers qui existeront dans cinq
ans n’existent pas encore et 40 % des aciers qui
existent aujourd’hui auront disparu dans cinq ans.
Les sidérurgistes repoussent sans cesse les limites
de propriété du métal en modifiant les compositions
chimiques ou les procédés de fabrication ( produits
plus souples, plus légers, plus minces, plus solides,
plus résistants à la corrosion...) Cependant pour
lancer de nouveaux produits sur le marché, les
investissements productifs sont très élevés, et les
innovations doivent être réalisées en étroite relation
avec les besoins des clients (5).
Après une période euphorique, liée à la forte
croissance de la demande chinoise, les prix de l’acier
ont commencé à baisser en 2005. Il n’empêche que
le secteur a réalisé des profits records sur cette
année. Pour faire face à cette baisse de prix, les
producteurs mondiaux, sauf les asiatiques, ont pris
l’option de réduire leur production.
Le tiers du marché mondial se situe à présent en
Chine, mais l’accroissement de la production
chinoise érode les prix dans les aciers standards (–
19 % en Chine en 2005) et les entreprises chinoises
commencent à concurrencer les japonais dans les
aciers de qualité.
2.3 La Structure du Marché
Le secteur sidérurgique mondial est réparti entre des
pays développés et des pays émergents (6)
Tableau 2 - Les 8 principaux pays producteurs d’acier, en millions de tonnes métriques
Pays
1. Chine
2. Japon
3. EUA
4. Russie
5. Corée du Sud
6. Allemagne
7. Ukraine
8. Brésil
2004
272,5
112,5
98,5
64,3
47,5
46,4
38,7
32,9
Sources: Les Echos, IISI et ISF.
Cinq pays émergents: Chine, Russie, Corée du Sud,
Ukraine et Brésil, figurent parmi les huit premiers
pays producteurs d’acier. Si l’Inde ne figure pas dans
ce classement, au niveau des entreprises, c’est une
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société familiale de ce pays, Mittal Steel qui a ravi à
l’européen Arcelor en 2004, la première place dans
la sidérurgie mondiale en rachetant l’américain
International Steel Group.
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Tableau 3 - Le classement mondial des principales entreprises sidérurgiques, en millions de tonnes
Les Echos / Source: ISSB
Après les deux entreprises leaders se situe le
japonais Nippon Steel, remarquons que dans
l’hypothèse d’une acquisition d’Arcelor par Mittal
Steel, Nippon Steel, alors deuxième groupe mondial,
ne produirait qu’un tiers du volume du nouveau
groupe Mittal Steel-Arcelor.
Pour cette raison, les japonais prennent des initiatives
pour se renforcer et éviter une OPA hostile. Fin mars
2006, Nippon Steel, Kobe Steel et Sumitomo Metal
ont annoncé avoir engagé des discussions pour
mettre en place des mesures anti-OPA: ” au cas où
l’un d’entre nous viendrait être la cible d’une
OPA hostile, nous allons examiner conjointement
l’impact d’une telle attaque sur notre alliance et
les moyens d’y riposter ”. (7)
prochainement faciliter les acquisitions d’entreprises
nationales par les étrangers.
Derrière les groupes japonais (Nippon Steel, JFE)
se classent la coréenne Posco et la chinoise Baosteel.
Shanghai Boasteel, 6e groupe vise la 3e place
mondiale en 2010. La sidérurgie chinoise comprend
encore 871 entreprises, cependant ce secteur
commence à se restructurer, le 2e groupe chinois a
récemment fusionné avec le 5e
Un des partenaires pourrait alors jouer le rôle d’un
“ chevalier blanc ” en lançant une OPA
concurrente.
Nous reviendrons sur ThyssenKrupp, le
conglomérat allemand classé 9e, car il a joué un rôle
dans l’OPA de Mittal Steel sur Arcelor. Concurrent
malheureux d’Arcelor dans l’acquisition du canadien
Dofasco, le groupe allemand s’est trouvé associé à
Mittal Steel lors de l’OPA de ce dernier sur Arcelor,
car en cas de succès de cette opération, Mittal Steel
avait proposé de revendre à ThyssenKrupp les actifs
de Dofasco.
Les trois groupes japonais sont déjà liés par des
participations croisées. Nippon Steel détient 5,01
% de Sumitomo Metal qui possède 1,81 % de
Nippon Steel. Nippon Steel et Sumitomo Metal sont
actionnaires pour 2,05 % dans Kobe Steel qui
contrôle 0,41 % de Nippon Steel et 1,71 % de
Sumitomo Metal.
La situation est plus critique dans ce secteur
sidérurgique pour les entreprises brésiliennes, elles
sont seulement à la 15e place mondiale pour Gerdau,
à la 40e place pour CSN, à la 49e place pour CST
et à la 51e pour Usiminas. Arcelor avec le contrôle
de CST, Acesita, Belgo Mineira et Vega do Sul
détient une forte position au Brésil. (8)
Les investisseurs étrangers détiennent 23,7 % des
valeurs japonaises et une loi dans ce pays devrait
Guy Dollé, le président du groupe, déclara que:
“d’ici à 5 à 10 ans, cette industrie sera menée par
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cinq groupes globaux produisant chacun 80 à 100
millions de tonnes” (9). Compte tenu des positions
actuelles des sociétés nationales brésiliennes dans
ce classement mondial, on peut s’interroger sur leurs
perspectives de survie dans le cadre de ce
processus de concentration.
Lorsque les fournisseurs ont des difficultés pour
répondre à une demande en forte croissance, ils
sont en condition d’imposer des hausses de prix
comme en 2005. Une firme qui détient ses
propres gisements dispose, dans ces conditions,
d’un avantage compétitif par rapport à ces
concurrents non intégrés verticalement.
3 Pourquoi Assiste t’on à un Processus de
Concentration dans ce Secteur d’Activité?
A l’opposé, dans une phase de dépression du
marché, période pendant laquelle les prix des
matières premières s’effondrent, une intégration
verticale peut constituer un handicap au niveau
de la création de valeur.
Selon Philippe Escande, un ensemble d’arguments
justifie le processus actuel de concentration du
secteur par le biais de fusions-acquisitions et
d’alliances (10).
a) Les rapprochements d’entreprises s’expliquent
d’abord par les excellents résultats actuels des
groupes sidérurgiques:
Après 20 ans de difficultés, cette activité a connu
le retour des profits à partir de 2003 et il convient
d’utiliser une partie de ces liquidités pour se
renforcer avant un prochain retournement du
cycle d’activité.
b) La nécessité de renforcer ses pouvoirs de
négociation face aux fournisseurs et aux clients:
Selon le PDG de Mittal Steel, les 5 premiers
mondiaux du secteur sidérurgique ne
représentent que 20 % du marché, alors que
les 5 premiers mondiaux de l’industrie du
verre représentent 67 % du marché, et que
les 5 premiers du secteur de l’aluminium
totalisent 40 % de la production totale dans
leur secteur.
Les sidérurgistes sont pris en sandwich entre
d’une part, les fournisseurs de minerai de fer, où
trois acteurs détiennent 80% du marché et d’autre
part en aval, de grands clients, comme c’est le
cas dans l’industrie automobile. Dans ces
conditions, le poids que chaque producteur
sidérurgique n’est pas suffisant pour influencer
les prix à l’achat ou à la vente.
c) L’intérêt de procéder à une intégration verticale
lorsqu’il se manifeste une pénurie de l’offre de
minerai.
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d) L’intérêt de diversifier sa production:
Il existe deux familles de produits au sein de
l’industrie sidérurgique:
- Les aciers plats: ils sont utilisés dans la
fabrication de biens d’équipements et biens de
consommation durable, en particulier dans
l’industrie automobile. Généralement, les
acheteurs sont de gros clients et les ventes sont
effectuées dans le cadre de contrats à long terme
où les niveaux de prix sont fixés. Pour cette
raison, cette activité est moins affectée par les
cycles économiques.
- Les produits longs: leur demande provient de
plus en plus des pays émergents qui investissent
beaucoup dans les infrastructures et la
construction de bâtiments. Pour dégager de
bonnes marges, il convient de détenir des
situations de quasi-monopole au niveau régional.
A la différence des aciers plats, ces marges sont
très sensibles à la conjoncture, les prix fluctuent
en fonction de la demande car les produits y
sont plus standardisés et à moindre contenu
technologique (cas des ronds à béton). Les
acheteurs ont cependant moins de pouvoir sur
le marché, car la demande est plus atomisée
(cas des PME de l’industrie du bâtiment).
Ces deux familles de produits ayant des
caractéristiques différentes au niveau des
marchés, une stratégie de diversification peut se
justifier pour parer au caractère cyclique de ce
secteur sidérurgique. Il n’empêche qu’une
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stratégie de spécialisation sur des aciers de haute
gamme reste envisageable, elle est pratiquée avec
succès par certaines firmes telles que
l’autrichienne Voest Alpine, et la suédoise SSAB.
e) L’intérêt de réaliser des économies d’échelle.
Comme indique précédemment, face à des
fournisseurs en situation d’oligopole mondial et
à des clients importants comme dans le cas de
l’industrie automobile, il convient de produire des
volumes élevés pour augmenter les marges. Des
économies d’échelle sont non seulement réalisées
dans la production, mais aussi dans la politique
d’achat, en recherche et développement, ainsi
que dans la distribution.
4 Etude Comparative d’Arcelor et de Mittal
Steel
4.1 Les Données Financières
Tableau 4 - Comparaison des performances financières et des effectifs en milliards d’euros, année 2005
Chiffre d’affaires
Résultat opérationnel
Résultat net
Cash flow opérationnel
Effectifs
Mittal Steel
23,68
(+26,7 %)
3,99
(-28,8 %)
2,83
(-28,4 %)
3,34
(-13,8 %)
227.000
Arcelor
32,61
(+8,1 %)
4,38
(+37 %)
3,85
(+66 %)
4,46
(+39,3 %)
96.000
Source : Les Echos, 18/02/06; sociétés.
Ces données indiquent que sur le plan des résultats,
Arcelor est mieux placé que son rival Mittal Steel.
En servant d’un dividende en progression de 85 %,
le patron d’Arcelor utilise ses arguments pour
déclarer en janvier 2006, que: “nous valons bien
plus que 30 euros ”.
Cependant, à la veille de l’annonce de l’OPA, la
bourse valorisait Arcelor 2,9 fois son resultat
opérationnel (EBITDA) contre 4,9 fois pour
Mittal, soit pour ce dernier l’équivalent d’une prime
de 70%. Les entreprises du secteur principalement
implantées en Europe occidentale sont
généralement moins bien côtées, car elles sont
jugées trop présentes sur une région considérée
vulnérable par rapport à la concurrence des pays
à bas salaires (Russie, Ukraine....). C’est
précisément le cas d’Arcelor qui a réalisé en 2004,
77 % de son chiffre d’affaires en Europe.
4.2 La Répartition Géographique des Ventes
Tableau 5 - Comparaison des chiffres d’affaires par grandes zones géographiques, en 2004
Union européenne
Amériques
Reste du monde
Mittal Steel
41 %
27,5 %
31,5 %
Arcelor
77,5 %
14,7 %
7,8 %
Source : Les Echos, 30/01/06; sociétés.
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L’OPA HOSTILE DE MITTAL STEEL SUR ARCELOR DANS LE CONTEXTE DE LA CONCENTRATION DU SECTEUR SIDÉRURGIQUE
Il apparaît à la lecture de ce tableau que Mittal Steel
a une présence internationale plus équilibrée
qu’Arcelor, par contre, ce groupe n’est quasiment
pas implanté en Europe de l’Ouest et son OPA lui
permettrait de s’offrir sur cette zone, un outil de
production bien restructuré. Entre fin 2002 et fin
2004, les effectifs d’Arcelor en France ont diminué
de 37.500 salariés à 28.000 salariés.
Depuis 2004, avec l’objectif d’une diversification
géographique vers les zones en forte croissance,
la stratégie internationale d’Arcelor est de donner
la priorité aux pays émergents. Le groupe détient
déjà 30 % de la sidérurgie brésilienne reputée
comme la plus compétitive du monde. L’OPA sur
le canadien Dofasco lui a ouvert également le
marché nord américain.
4.3 Les doMaines d’Activité
Certaines données révèlent qu’Arcelor est un
groupe plus modernisé et plus productif que Mittal
Steel. Le premier investi l’équivalent de 32 euros
par tonne contre 17 euros par tonne pour le second,
et produit 475 tonnes par employés contre 250
tonnes pour son rival.
Si Mittal Steel est le leader mondial en volume de
production (59 millions de tonnes en 2004 contre 51
millions de tonnes pour Arcelor), Arcelor réalise un
chiffre d’affaires 30 % supérieur à celui de Mittal Steel.
Le PDG d’Arcelor constate que: “ nous ne sommes
pas sur les mêmes catégories de produits ”. Ceux
de son groupe sont à plus fort contenu technologique,
car surtout dans les produits plats. L’activité aciers
longs a fait l’objet d’un désengagement et ne
représente plus que 20 % du chiffre d’affaires.
Cependant ce domaine est en croissance dans les
pays émergents et Arcelor y gagne beaucoup d’argent
grâce à sa forte présence au Brésil.
Enfin la position plus avantageuse d’Arcelor dans
les aciers plats à forte valeur ajoutée permet au
groupe de bénéficier de contrats de vente à long
terme et d’être ainsi moins dépendant des
fluctuations cycliques de prix sur le marché des
produits standardisés.
110
5 L’offre de Mittal Steel sur Arcelor
Le 27 janvier 2006, le groupe Mittal Steel lança
une offre publique d’achat (OPA) sur Arcelor pour
un montant de 18,6 millions d’euros. Le groupe
offrait 28,21 euros par action Arcelor, montant
payable pour 1/4 en numéraire et pour 3/4 en
actions Mittal. Cette valeur correspondait à 3,6 fois
le résultat opérationnel (Ebitda) d’Arcelor. Ce niveau
était bien en dessous du prix moyen des acquisitions
réalisées dans ce secteur au cours de ces trois
dernières années (en moyenne 5,1 fois).
Mittal devait débourser un cash de 4,7 milliards
d’euros, mais le groupe avait prévu récupérer 3,8
milliards d’euros avec la revente de Dofasco à
l’allemand ThyssenKrupp. En fait, compte tenu de
sa forte présence sur le marché nord américain,
Mittal n’était pas en mesure d’acquérir Dofasco,
les autorités américaines de la concurrence s’y
seraient opposées.
En cas de succès de l’OPA, un accord a donc été
signé entre le conglomérat allemand ThyssenKrupp
et Mittal Steel pour l’achat de Dofasco. Le montant
de l’acquisition correspondait au prix de la dernière
offre de ThyssenKrupp sur Dofasco (3,8 milliards
d’euros) plus la compensation de 215 millions
d’euros qu’Arcelor s’est engagé à verser pour le
dédit de ThyssenKrupp.
Cet accord permettait ainsi à la firme allemande de
récuperer Dofasco qui lui avait été soufflé par
Arcelor lors de sa contre OPA et de passer ainsi du
10e rang mondial au 5e rang.
6 Mittal Steel et Arcelor, deux Entreprises très
Différentes
Le 30 janvier 2006, le Conseil d’Administration
d’Arcelor a rejeté à l’unanimité l’offre de Mittal Steel
et le PDG Guy Dollé déclara que: “tout oppose les
deux sociétés qui n’ont pas les mêmes valeurs…je
vous présente la direction générale, mon fils n’y est
pas” (11)
De fait, beaucoup d’aspects opposent Mittal Steel
et Arcelor:
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- L’histoire: Mittal Steel a été créé en 1976;
Arcelor trouve son origine dans les maîtres des
forges du 18e siècle.
- La structure du capital: entreprise familiale
indienne pour le premier ; capital dilué pour le
second avec des investisseurs institutionnels
publics et privés et des petits actionnaires.
- La stratégie globale: Mittal Steel fait preuve de
beaucoup d’audace dans sa stratégie, sa
direction a intégré le processus de mondialisation
en diversifiant sa présence dans le monde et en
prenant en compte le rôle croissant des pays
émergents ; Arcelor a tardé à intégrer la
mondialisation dans sa stratégie, il fût trop occupé
à consacrer ses efforts dans la restructuration de
ses usines en Europe occidentale (12).
- La stratégie internationale: acquisition et
redressements d’usines situées en Europe de
l’Est, et en Amérique du Nord pour Mittal Steel ;
restructuration des usines sidérurgiques de
l’Europe de l’Ouest et forte présence au Brésil
pour Arcelor.
- La politique de produits: importance des produits
longs, (sauf aux Etats-Unis) pour Mittal Steel ;
priorité aux produits plats à forte valeur ajoutée
technique pour Arcelor. Une tonne d’acier Mittal
est vendue en moyenne à 450 euros contre près
de 700 euros pour Arcelor.
- La politique d’intégration verticale: Selon
Philippe Escande (10), alors que les européens
se débarrassaient de leurs actifs non
sidérurgiques, en particulier minier, Lakshmi
Mittal opta pour une stratégie opposée, celle de
l’intégration verticale, avec en 1995 l’achat au
Kazakhstan d’un vaste complexe en faillite situé
à proximité d’une importante mine de fer, Ispat
Karmet. Cela permet aujourd’hui à Mittal Steel
de contrôler en partie ses ressources en minerai
alors qu’Arcelor a dû accepter en 2005 une
hausse de 70 % du prix de son minerai de fer.
Le groupe indien est autosuffisant à 45 % pour
son minerai de fer et à 80 % en coke.
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v.10
- La politique organisationnelle: Mittal Steel a un
organigramme plat qui confère une forte
autonomie aux dirigeants des différents sites ;
Arcelor a une structure plus centralisée et
hiérarchisée. En cas de fusion, les managers des
deux groupes peuvent se trouver ainsi confronté
à un choc culturel.
Suite à cette énumération des différences qui
opposent les deux groupes, Philippe Escandre
abouti à la conclusion que cette fusion n’apportera
que peu de synergie et ne renforcera que très
faiblement le pouvoir de négociation sur les
fournisseurs de minerai et les clients. Les raisons en
sont que le groupe Mittal Steel-Arcelor ne détiendra
pas plus de 10 % du marché mondial, et que chacun
des deux groupes dispose de ses propres clients
dans des régions différentes. La faible perspective
de synergie provient aussi du fait que l’acier, produit
pondéreux, voyage peu, seulement 25 % de la
production mondiale passe d’une région à une autre.
Ainsi, l’OPA de Mittal Steel sur Arcelor se justifie
d’avantage en termes de complémentarité produits
et pays qu’en termes de synergie, reste à savoir si
cette addition d’activités complémentaires est
réellement créatrice de valeur pour les actionnaires.
En outre, il apparaît que la fusion apporterait surtout
des avantages pour Mittal Steel, une présence forte
en Europe de l’Ouest, le bénéfice de l’expérience
et du savoir faire technologique de son concurrent,
l’accès à des contrats à long terme permettant de
se protéger des brusques fluctuations de prix.
PourArcelor, si la concentration du secteur est souhaitée,
la direction est soucieuse de préserver son indépendance
et de trouver des partenaires ayant des activités plus
similaires (aciers spéciaux, produits à forte valeur ajoutée
technique). Ce point de vue est illustré par les deux
citations suivantes de Guy Dollé, PDG d’Arcelor:
“Tout comme Mittal, mon objectif est d’atteindre 100
millions de tonnes d’ ici à 5 ans. Mais pour la santé du
secteur, nous voulons aussi entraîner 4 ou 5 groupes
de 50 millions de tonnes et se trouver en meilleure
position face aux trois producteurs mondiaux de minerai
de fer. Le rachat par Mittal ne produira pas un même
assainissement. ” Guy Dollé, PDG d’Arcelor (11).
111
L’OPA HOSTILE DE MITTAL STEEL SUR ARCELOR DANS LE CONTEXTE DE LA CONCENTRATION DU SECTEUR SIDÉRURGIQUE
“ Des groupes comme le coréen Posco ou Nippon
Steel présentent des modèles économiques beaucoup
plus proches de celui d’Arcelor. Avec ce type d’alliés,
les synergies seraient bien plus fortes.” (13).
7 Les Réactions Politiques
7.1 En France
Dans un premier temps, les réactions du
gouvernement ont été très négatives envers ce projet
d’OPA, mais elles furent par la suite plus nuancées.
Fin janvier 2006, dans un entretien au journal Les
Echos, Thierry Breton, le Ministre de l’Economie,
déclara émettre de grandes réserves face à cette OPA
de Mittal sur Arcelor: “La règle dans le monde des
affaires d’aujourd’hui, c’est de s’assurer au préalable
qu’il y a bien un projet industriel commun, des cultures
d’entreprises que l’on peut marier et des règles de
gouvernance compatibles” (14). A cette même
époque, le Ministre délégué à l’industrie déclara à
l’Assemblée Nationale être opposé au succès de
l’OPA de Mittal sur Arcelor.
En fait, il est vite apparu que ce cas était très
compliqué, Arcelor n’est pas une entreprise française
car son siège est au Luxembourg, l’Etat français n’a
plus aucune participation au capital de cette entreprise
et il est clair qu’au final, le résultat de l’OPA dépendra
seulement des décisions des actionnaires.
Toutefois, les dirigeants politiques français estimaient
pouvoir intervenir dans le débat, compte tenu des aides
importantes accordées par la Nation dans le processus
de restructuration d’Usinor lors des dernières
décennies, et du rôle important joué encore
aujourd’hui, par la sidérurgie dans l’industrie du pays.
Il est certain que derrière ces réactions hostiles se
dissimulait un sentiment de patriotisme économique.
Pour les responsables politiques, il était difficile
d’accepter qu’une famille richissime indienne
s’accapare d’un groupe si important et récupère le
profit de toutes les actions menées par la collectivité
pour restructurer la sidérurgie française.
Parmi les arguments invoqués contre cette OPA
revenait fréquemment l’absence chez Mittal Steel
112
de véritable projet industriel pouvant justifier cette
acquisition et les préoccupations d’ordre sociale.
Ainsi Thierry Breton, dans le même entretien au
journal les Echos indiqua: “Je suis très concerné par
une entreprise (Arcelor) qui a une part importante
de son chiffre d’affaires en France, y emploie 30.000
salariés et participe à de grands projets publics. Le
Stakeholder que je suis, doit dans la conduite d’un
projet de ce genre, être associé et donner son
sentiment ” (14).
Quand à l’opposition de gauche, l’OPA fût
dénoncée au nom de l’absence d’une politique
industrielle européenne et elle demanda à la
Commission européenne d’intervenir.
Un point sensible concernait l’origine indienne des
propriétaires de Mittal Steel. Pour les journalistes
M.Chauvot, D Cosnard: “Cette OPA créa un séisme
pour le capital européen, car c’est la première fois
qu’un grand groupe du vieux continent, l’un des poids
lourds du CAC 40, longtemps soutenu à bout de
bras par la puissance publique, se trouve la cible
d’un concurrent issu d’un pays émergent ” (15).
Toutefois, ces critiques formulées dans certains pays
européens et particulièrement en France contre ce
projet d’OPA ont vite été interprétées par les
dirigeants de Mittal et les leaders d’opinion en Inde
comme un comportement hostile envers la nationalité
des propriétaires. Cette polémique intervenait au
moment où le Président de la République française,
Jacques Chirac, effectuait un voyage en Inde et
qu’un sondage dans ce pays indiquait que 95% des
chefs d’entreprise indiens trouvaient l’Europe
xénophone dans cette affaire.
Un porte parole de la présidence a dû alors indiquer
que: “les préoccupations de la France portent sur la
procédure, la méthode, le projet, mais elles ne
portent en aucun cas sur la personnalité et la
nationalité des dirigeants” (16). De son côté, le
Ministre français de l’Economie précisa:“qu’il n’y a
rien à voir avec un quelconque protectionnisme de
la vieille Europe contre un grand pays émergent avec
le lequel nous entretenons les meilleures relations.
Notre attitude est au contraire dictée par une vrai
modernité et le refus des méthodes d’hier, voir
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d’avant hier dans la conduite des affaires
d’aujourd’hui” (16).
Dans une interview à la télévision NDTV, Lakshmi
Mittal s’est déclaré “très attristé par tout ce
déchaînement, ce déferlement émotionnel parmi
les hommes politiques et différents dirigeants”
(17). Pour le Ministre indien du Commerce
Extérieur, Kamal Nath, toute réaction basée sur
la “couleur de peau” remettrait en question les
fondements actuels du commerce mondial (18).
Remarquons que Mittal Steel n’a aucune
production sidérurgique en Inde. Dans ce pays,
cette activité est concentrée dans les mains du
père et des fréres de Lakshmi Mittal. Par contre,
ce dernier a un projet en Inde de construction
d’une aciérie géante de 12 millions de tonnes
(investissement de 9 milliards de dollars).
7.2 Au Luxembourg
C’est dans ce pays, que s’est exprimé avec le plus de
véhémence des déclarations hostiles à l’OPA de Mittal
sur Arcelor. Avec 6000 salariés, Arcelor est le premier
employeur dans le pays, et l’Etat luxembourgeois en
est le premier actionnaire avec 5,6 % du capital.
Pour le Ministre de l’Economie et du Trésor: “ en
l’absence de concertation préalable, le projet actuel
manque d’éléments précis concernant le rôle de l’état
du Luxembourg,... ainsi que le respect des engagements
pris par Arcelor dans le domaine de l’emploi et de
l’investissement ” (19) et pour le Premier Ministre
luxembourgeois, J.C Juncker: ” il y a incompatibilité
entre les deux cultures d’entreprises, le projet n’est
pas le bon et il n’est pas porteur “ (20).
En fait, le président de la Chambre de Commerce du
Luxembourg, Michel Wurth, est un des dirigeants
d’Arcelor, et Mittal Steel a pu craindre que lors de la
transposition en droit national de la directive européenne
sur les OPA, le gouvernement luxembourgeois fasse
obstacle au projet en contraignant les entreprises, comme
Mittal, qui ont moins de 25% du capital dans les mains
du public à payer en cash la totalité du montant de leur
OPA. Cette disposition n’a pas été retenue, mais la loi
fixe par ailleurs le retrait obligatoire d’un actionnaire
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seulement si 95 % du capital et des droits de vote sont
détenus par le groupe auteur de l’OPA. L’Etat
Luxembourgeois avec 5,6 % du capital peut ainsi, s’il le
souhaite, bloquer l’opération.
En définitive, dans sa transposition de la directive
européenne sur les OPA, la loi adoptée début mai 2006
par le parlement luxembourgeois, a été jugée par Mittal
de neutre. Le texte final a été vidé des propositions
initiales qualifiées d’anti-Mittal, telle que l’obligation de
faire son offre d’achat exclusivement en liquide.
7.3 Dans les autres Pays Européens
En fait, comme dans beaucoup d’autres dossiers,
les gouvernements européens sont divisés sur
l’attitude à adopter face à cette OPA.
- Le Ministre anglais du Commerce et de l’Industrie a
confirmé les orientations libérales de ce pays en
déclarant que: ” les mesures visant à protéger certains
secteurs industriels clefs des OPA étrangères là ou il
n’y a pas d’enjeu pour la sécurité nationale sont vaines
et vont même à l’encontre du but recherché. Nous
ne pouvons pas tenter de repousser la mondialisation
en érigeant une forteresse Royaume-Uni ou une
forteresse Europe ” (19).
- En Allemagne, les prises de position sont restées
discrètes, probablement à cause de l’accord
passé entre Mittal Steel et ThyssenKrupp au sujet
de la rétro cession du canadien Dofasco.
- En Espagne, le gouvernement ne s’est pas
montré favorable à l’OPA, mais il est resté dans
une position de neutralité.
- En Belgique, le gouvernement de la Wallonie a
réclamé auprès de Mittal Steel des garanties
sociales et industrielles. Rappelons que cette
région possède 2,5 % du capital d’Arcelor et
qu’Arcelor avait annoncé la fermeture
progressive de ses hauts fourneaux de Liège.
7.4 Dans l’Union Européenne
Dans le cadre de l’Union européenne, cette affaire
met en évidence les limites d’une défense nationale
113
L’OPA HOSTILE DE MITTAL STEEL SUR ARCELOR DANS LE CONTEXTE DE LA CONCENTRATION DU SECTEUR SIDÉRURGIQUE
basée sur une logique juridique. Dans le cas présent,
il s’agit d’une opération entre deux sociétés de droit
européen, l’une ayant son siège en Hollande et l’autre
au Luxembourg.
La Commissaire européenne à la concurrence, Neelie
Kroes a indiqué ne pas être opposée aux
rapprochements de cette ampleur. Selon elle, la
Commission européenne veut des champions mondiaux
localisés en Europe et non des champions nationaux.
Les dirigeants européens sont surtout irrités par le
retour au patriotisme économique qui se manifeste
lors des OPA hostiles. Le principe de la liberté de
circulation des capitaux est un des éléments
fondamentaux de l’Union européenne, et comme le
secteur sidérurgique est encore très fragmenté, la
fusion d’Arcelor et de Mittal ne pose pas de
problèmes de position dominante, excepté au
Canada. Dans ce pays, la proposition de Mittal Steel
de céder Dofasco au groupe allemand ThyssenKrupp
apportera une solution à cette difficulté.
Quand à la question de mettre en œuvre une
politique industrielle européenne, le point de vue de
la Commission est de se limiter à créer un
environnement favorable aux entreprises, mais pas
de recourir au protectionnisme et aux subventions,
politiques jugées du “ passé ”.
Le 2 juin 2006, la Commission européenne a donné
son feu vert à l’OPA hostile de Mittal Steel sur son
rival Arcelor car ce mariage n’entravait pas de
manière significative la concurrence dans l’espace
économique européen. Pour obtenir cet accord,
Mittal s’est proposé en cas de succès de son OPA,
de céder trois laminoirs d’Arcelor, en Allemagne,
Italie et Pologne.
7.5 Le Point de Vue des Syndicats
Réunis à Bruxelles le 1er février 2006, les syndicats du
secteur sidérurgique de Belgique, de France, d’Espagne
et du Luxembourg ont déclaré s’opposer
vigoureusement à cette offre de Mitttal Steel surArcelor.
Les 350 principaux cadres d’Arcelor ont exprimé
le 13 mars 2006 leur opposition à cette offre.
114
Cependant, le syndicat américain USW s’est dit
favorable à l’OPA, en reconnaissant la qualité du
dialogue social de Mittal aux Etats-Unis.
De fait, l’intention de la direction d’Arcelor de
déclarer que Mittal Steel a pour politique de
restructurer des entreprises dans les pays pauvres,
sans se soucier des aspects sociaux s’est vite heurtée
à la réalité. Une enquête de la revue l’Expansion
(21) dans les sites de production de Mittal en France
(Gandrange), au Mexique (état du Michoacan), en
Roumanie (Galati) et aux Etats-Unis (Chicago,
Cleveland) révèle que les syndicats reconnaissent
que le groupe a toujours fait preuve de responsabilité
sociale. L’arrivée de Mittal a permis de moderniser
des sites au bord de la faillite, en évitant les
licenciements grâce à une politique donnant la priorité
aux départs volontaires.
En France, pour la section syndicale CGT de l’usine
de Gandrange, reprise à Arcelor par Mittal Steel en
1999, toutes les conventions sociales ont été
maintenues par l’acquéreur et les mesures d’hygiène
et de sécurité ont été renforcées. Le délégué syndical
CGT de ce site de production, Gérard Loparelli,
constata: “ qu’il y existe un dialogue social
novateur et permanent ”. Pour lui, le prédateur a
été USINOR, lorsqu’il a supprimé 13.000 emplois
et qu’il a revendu en 1999 cette usine à Ispat
(aujourd’hui Mittal) pour un franc symbolique (23).
Des avis tout aussi favorables sur la politique sociale
ont été formulés par les représentants syndicaux des
deux usines rachetées par Mittal à ThyssenKrupp
dans la localité allemande de Duisburg ou par ceux
de l’ancienne entreprise publique polonaise Polskie
Huty Stali.
7.6 Les Actionnaires
La décision finale concernant cette offre d’OPA
appartient aux actionnaires et est fonction des
capacités des deux groupes de les convaincre de
conserver ou de vendre les titres d’Arcelor selon les
perspectives de création de valeur. Une critique
formulée par des actionnaires, est de constater que
le Conseil d’Administration d’Arcelor représente
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d’avantage les trois entreprises fusionnées (Usinor,
Arbed, Aceralia) que l’actionnariat actuel de la
société. Dans ce sens, il est reproché aux dirigeants
d’avoir négligé la distribution de dividendes en donnant
la priorité aux investissements de restructuration du
groupe. Cette distance entre les orientations du
Conseil d’Administration et les intérêts des
actionnaires ne permettrait pas de s’assurer de la
fidélite à long terme de ces derniers (22).
Pour Gilles Coville (24), le PDG d’Arcelor n’a
pas proposé une politique convaincante de
dividendes et de rachat d’actions: “contrairement
à une idée reçue, ce n’est pas la dispersion de
leur capital en des mains anonymes et étrangères
qui posent problème et placerait les sociétés à la
merci d’une OPA hostile... Avant d’en arriver à
cette extrêmité, les sociétés qui en sont la cible,
ont souvent négligé les messages que leur
envoyaient tous les acteurs de la scène: la masse
d’actionnaires institutionnels ou individuels qui
faute de se faire comprendre ou de se faire
entendre finissent par voter avec leurs pieds”.
8 Les Réactions d’Arcelor
La direction d’Arcelor a toujours écarté toute
négociation avec Mittal Steel et elle s’est préoccupée
à convaincre ses actionnaires que le groupe vaut à
terme bien plus cher que le prix proposé et qu’ils
devaient en conséquence garder leurs titres.
Pour engager la riposte, la stratégie consiste à créer
une “ task force ”, un groupe qui se réuni
quotidiennement et où les tâches sont distribuées. Il
est aussi fait appel à des cabinets spécialisés
(avocats, banquiers, conseils en communication).
L’OPA hostile finit souvent par aboutir à une guerre
juridique, financière et psychologique (25). Le PDG
Guy Dollé s’est déplacé en Europe et en Amérique
du Nord pour rencontrer l’essentiel des investisseurs
institutionnels et les petits actionnaires. Ceux-ci
représentaient 13 % du capital contre 15 % pour le
noyau dur, et 72 % pour les investisseurs
institutionnels. Parmi ces derniers, 10 à 15 % étaient
constitués par des fonds spéculatifs.
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v.10
Face à une OPA hostile, les possibilités de défense
sont diverses:
a) Gagner du temps
En refusant toute négociation, la politique
d’Arcelor a été de faire monter les enchères, le
15 février, Guy Dollé demanda que l’offre de
Mittal Steel soit formulée 100 % en liquide. Cette
stratégie de gagner du temps a été aussi employée
par la direction d’Arcelor lorsque Mittal Steel a
relevé son offre d’achat, au moment du lancement
de l’OPA le 18 mai 2006. Le président du
Conseil d’Administration d’Arcelor a alors
indiqué que le groupe allait étudier la valeur de
l’offre industrielle, et que pour cela, Arcelor était
dans l’attente de l’obtention du plan industriel,
document nécessaire pour apprécier la valeur
des titres Mittal Steel offert en échange...
b) Accroître ses participations et acquisitions
Le 24 février 2006, pour devenir plus indigeste,
la proie Arcelor prend une participation de 38,41
% dans le capital du chinois Laiwu et prend 50%
du capital du sidérurgiste marocain Sonasid.
c) Rechercher un “chevalier blanc”
Afin de surenchérir à l’OPA, l’idée est de
trouver un partenaire apportant une
participation significative au capital de la société.
Comme il s’agit d’une OPA concernant les deux
leaders mondiaux et que sur le plan européen,
ThyssenKrupp s’est associé à Mittal Steel, cette
option fût difficile à envisager pour Arcelor. Des
partenaires russes ont été cependant évoqués,
comme le magnat Vladimir Lissine ou le groupe
Magnitogorsk Iron and Steel Works (MMK).
Dans cette perspective, Guy Dollé s’est dit aussi
disposé à réaliser des alliances avec des
entreprises de taille moyenne sur des projets
industriels précis et le 27 mai, il annonça la fusion
de son groupe avec le russe Severstal, pour un
montant de 16,6 milliards de dollars. Premier
sidérurgiste russe, cette entreprise est contrôlée
par Alexeï Mordacho (64e fortune mondiale
selon la revue Forbes). Serverstal est le 13 e
producteur mondial.
115
L’OPA HOSTILE DE MITTAL STEEL SUR ARCELOR DANS LE CONTEXTE DE LA CONCENTRATION DU SECTEUR SIDÉRURGIQUE
d) Faire à son tour une offre sur son assaillant
Cette action est impossible dans le cas présent
car le capital de Mittal Steel est vérouillé par la
famille Mittal.
e) Jouer la carte politique
Cette action de lobbying et les commentaires des
politiques ont été évoqués précédemment, il n’en reste
pas moins que ce sont seulement les actionnaires qui
vont décider au final du résultat de l’OPA.
Après avoir englouti des milliards d’euros pour
restructurer la sidérurgie, l’Etat français commença
à se désengager du capital d’Arcelor avec la
privatisation de 1995. Ce retrait des pouvoirs
publics a supprimé cette possibilité de protection
d’Arcelor contre une OPA hostile. Alors qu’au
moment de la création de ce groupe en 2002, les
Etats luxembourgeois, francais, espagnol et les
régions de Flandre et de Wallonie détenaient
ensemble encore 30 % du capital d’Arcelor, tous
ont depuis réduit ou vendu leur participation.
f) Négocier, comme condition pour soutenir
l’opération, une hausse du prix d’acquisition
Cet argument a toujours été utilisé par la direction
d’Arcelor. Pour celle-ci, le prix de l’offre initiale
était bien trop bas par rapport à la valeur réelle
du groupe, l’autre condition énoncée par Arcelor
pour coopérer était le paiement de l’intégralité
de la transaction en liquidité et non l’offre d’une
partie en cash limitée à 25 %.
g) Mettre à l’abri de l’OPA certains actifs grâce
au statut juridique de fondation
Arcelor a pris la décision de placer la société
canadienne Dofasco qu’il venait d’acquérir, sous
le statut de fondation aux Pays-Bas afin de la
protéger de l’OPA et d’empêcher que Mittal
Steel, en cas de succès de son opération, puisse
la céder comme prévue, à l’Allemand
ThyssenKrupp.
h) Distribuer des superdividendes
Même si le dividende en 2005 avait augmenté
de 85%, celui-ci ne représentait qu’un taux de
distribution du résultat net de 20 % et la
116
direction s’est engagée à augmenter ce taux au
niveau de 30%.
Afin de dissuader les actionnaires d’Arcelor de
céder leurs titres, les dirigeants d’Arcelor ont
annoncé le 4 avril un superdividende de 1,85
euros par action et un programme de rachat
d’actions de 5 milliards d’euros, et à un prix
supérieur à celui du marché. Ce montant a été
augmenté à 6,5 milliards d’euros, le 21 juin 2006.
Par ailleurs, le PDG Guy Dollé estima que l’OPA
de Mittal ferait perdre 1,3 milliards d’euros aux
actionnaires d’Arcelor.
Enfin, pour inciter les dirigeants à privilégier la
création de valeur pour les actionnaires, leurs
bonus ne seront plus calculés sur le montant des
bénéfices, mais sur le cours de l’action et le
montant des dividendes.
i) Engager des actions juridiques
Il s’agit de trouver de nouveaux terrains
d’affrontement. Arcelor a porté plainte aux EtatsUnis contre Mittal Steel, pour violation de brevet
sur l’un de ses produits, USIBOR, celui-ci est
destiné à l’industrie automobile.
j) S’engager dans un plan créateur de valeur
L’intention est de convaincre les actionnaires que
l’entreprise est performante et que cette situation
va durer.
Arcelor a présenté en février 2006 un plan sur 3
ans (2006-2008) destiné à dégager 13,2 milliards
d’euros afin de financer la distribution de
dividendes et de réaliser des acquisitions
créatrices de valeur (le rendement des capitaux
employés devant atteindre au moins 15 %). La
vente des unités de fabrication de la branche inox,
la moins rentable pourrait également rapporter
plusieurs milliards d’euros (26).
Pour Guy Dollé, après la phase d’intégration des 3
groupes (Usinor, Arbed, Aceralia), l’heure est venue
à la création de valeur pour les actionnaires en
privilégiant deux axes:
- les pays émergents en forte croissance;
- les marchés clefs comme celui de l’automobile.
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8 Le Comportement de Mittal Steel face au
Refus Systématique d’ Arcelor
18,6 milliards d’euros (34 % de plus), la part payable
en liquide passant de 25 à 29,4 %.
Dans un interview au journal les Echos, le PDG de
Mittal Steel avait expliqué les raisons de son OPA,
(27), son but est de créer un acteur fort qui a la
masse critique suffisante pour une meilleure
résistance et qui crée un environnement plus stable,
au profit des actionnaires et des salariés. Lakshmi
Mittal avait alors déclaré souhaiter faire un mariage
entre égaux pour bâtir un groupe puissant: “ c’est
l’occasion unique de créer un champion global
européen solide, et dont l’Europe a besoin pour
protéger ses emplois...Notre philosophie est de
chercher le plus haut standard en matière de santé,
de développement durable et de sécurité, notre
présence en France le prouve déjà ”.
Cette nouvelle proposition est destinée à convaincre
directement les actionnaires à céder leurs titres,
sachant qu’: “Arcelor ne négociera jamais”. En outre,
la famille Mittal accepte de renoncer à la majorité du
nouveau groupe, elle détiendra 45 % du capital, les
droits de vote doubles seraient supprimés.
En résumé, pour la direction de Mittal, cette opération
vise à créer un grand groupe européen performant
garantissant les avantages sociaux à ses salariés.
Pour apaiser les critiques devant le manque de
transparence du groupe et face au refus de la
direction d’Arcelor de s’engager dans une
“ discussion sérieuse ”, Mittal a nommé l’homme
d’affaires François Pinault comme administrateur
indépendant et non exécutif et a proposé d’élargir
son Conseil d’Administration pour inclure 6 membres
de Mittal et 6 membres d’Arcelor. Toutefois, la
direction de Mittal restait dans une situation délicate,
car le cours de l’action Arcelor grimpa beaucoup
depuis janvier 2006, le 09 mai 2006 il atteignit 37,75
euros soit 7 euros de plus que le prix proposé à
l’origine de l’opération.
9 Epilogue
Après donc une longue période où les deux patrons
rivaux sont restés sur leur position, Lakshmi Mittal
refusant de renoncer à son projet et Guy Dollé
persistant à le rejeter, le 18 mai, Mittal ouvre
officiellement son offre d’achat, après avoir reçu les
feux verts des autorités boursières
luxembourgeoises, belges, françaises et espagnoles.
Au même moment, Mittal Steel relève le prix de
son offre sur Arcelor à 25,8 milliards d’euros contre
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v.10
C’est alors que pour contrer Mittal, Arcelor annonça
son projet de fusion avec le russe Severstal pour un
montant de 13 milliards d’euros. Le PDG Alexeï
Mordachov, qui détient 82 % de cette société
obtiendrait une part de 32 % dans le capital d’Arcelor.
Suite à la décision d’Arcelor de réaliser une offre
publique de rachat d’action (OPRA) la participation
du magnat russe devait monter à 38 %. Celui-ci
s’engageait à ne pas accroître ce niveau de
participation pendant 4 ans et de ne pas céder ses
actions Arcelor pendant 5 ans. Selon Guy Dollé, avec
Severstal: “ nous partageons la même vision de la
consolidation du secteur de l’acier, qui n’est pas
d’ajouter des volumes, mais d’ajouter de la valeur ”.
Toutefois, face à ce projet de fusion, les
gouvernements luxembourgeois et de la région de
Wallonie, actionnaires d’Arcelor, ont affiché une
grande prudence et une fronde d’actionnaires s’est
manifestée pour contrecarrer cette opération,
invoquant le flou du projet industriel et les
incertitudes sur l’avenir des sociétés russes face au
pouvoir de Poutine.
En fait, lors de cette bataille de l’acier, le risque était
qu’Arcelor se retrouve avec deux gros actionnaires
rivaux, Mittal et Severstal, dans l’hypothèse où Mittal
échouerai à prendre la majorité des parts d’Arcelor.
Pour répondre à une partie croissante de ses
actionnaires mécontents de son mariage avec
Severstal, la direction d’Arcelor promettait grâce à
cette fusion un excédent brut d’exploitation de 10,3
milliards d’euros en 2008. En outre, le PDG de
Severstal accepta de réduire sa participation dans
Arcelor à hauteur de 25 %. Cette décision valorisait
son groupe à 3,6 fois l’excédent brut d’exploitation
contre 5,6 % précédemment.
117
L’OPA HOSTILE DE MITTAL STEEL SUR ARCELOR DANS LE CONTEXTE DE LA CONCENTRATION DU SECTEUR SIDÉRURGIQUE
Parmi les actionnaires opposés au projet de fusion
avec la crainte qu’Alexeî Mordachov prenne le
contrôle d’Arcelor, figuraient Romain Zaleski, un
homme d’affaire franco-polonais qui a pris la
décision d’augmenter sa part de capital dans Arcelor
de 5 à 7,44 %, l’Association française de Défense
des Actionnaires minoritaires (ADAM) et des
investisseurs institutionnels anglo-saxons emmenés
par Goldman Sachs, la banque conseil américaine
de Mittal.
Ce groupement réclamait la convocation d’une
assemblée générale extraordinaire pour se prononcer
sur cette alliance avec Severstal, et une nécessaire
approbation des 2/3 de l’actionnariat présent.
C’est dans ce contexte de résistance de certains
actionnaires face au projet de fusion d’Arcelor avec
Severstal, que les discussions de la direction
d’Arcelor avec Mittal Steel s’amplifièrent et
progressèrent. Arcelor abandonna sa proposition
d’offre publique de rachat d’actions, (OPRA), celleci était liée à la fusion avec le sidérurgiste russe et
offrait une prime de 44 euros par action.
Le tournant a été officialisé par le Conseil
d’Administration d’Arcelor le 25/06/06, Arcelor et
Mittal se sont finalement entendus sur un projet de
fusion laissant à l’égard Severstal.
Face à ce revirement, le PDG du groupe russe
examina toutes les options et fini par admettre qu’il
n’avait pas les sommes nécessaires pour faire une
offre supplémentaire, il renonça donc à son offre
d’entrée au capital d’Arcelor en recevant, comme
prévu contractuellement, une indemnité de rupture
de 140 millions d’euros. De son côté, le 30 juin,
une assemblée générale extraordinaire d’actionnaires
a voté à près de 58 % du capital pour le rejet du
projet de rapprochement avec Severstal.
Dans son ultime offre le milliardaire indien a fait
d’importantes concessions, il a accepté:
- d’acheter Arcelor au prix de 40,4 euros, payable
31 % en liquide et 69 % en action. Ce prix est
légèrement supérieur au prix minimum exigé par
Guy Dollé, PDG d’Arcelor. L’offre (25,4 milliards
d’euros) a été revue à la hausse (+10 %), après
celle déjà améliorée de 35 % le 19 mai;
- d’être minoritaire au sein du nouveau groupe.
Au niveau du capital, la famille Mittal détiendra
seulement 43 % des parts et s’engage à conserver
cette participation pendant 5 ans et en aucun cas,
elle ne pourra franchir le seuil de 45 %;
- de composer un conseil d’administration de 18
membres, 9 seront nommés par Arcelor, 6 par
Mittal et 3 seront des administrateurs salariés.
La direction générale d’Arcelor est confirmée
dans ses fonctions, le directeur financier de
Mittal, Aditya Mittal, fils de Lakshmi Mittal
participera au conseil d’administration. Guy Dollé
conserve la direction opérationnelle, mais proche
de la retraite, il est probable qu’il démissionne;
- le siège de la nouvelle société, Arcelor Mittal,
sera au Luxembourg.
Cette fusion Arcelor Mittal crée un géant de 60
milliards de chiffre d’affaires, trois fois plus gros que
son rival immédiat, Nippon Steel.
Tableau 4 - Les principaux producteurs d’acier dans le monde, production en millions de tonnes, 2005
Entreprises
Arcelor-Mittal
Nippon Steel
Posco
JFE
Baosteel
US Steel
production
113
33
31
30
23
13
Origine géographique
Europe
Japon
Corée du Sud
Japon
Chine
Etats Unis
Source: Les Echos, 3 juillet 2006
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v.10
Hubert DROUVOT
Hudson AMARAL
Claudia MAGALHÃES
10 Conclusion
Cette OPA hostile, considérée comme la plus grande
bataille boursière de l’histoire de la sidérurgie, a
connu sur plus de 5 mois de nombreux
rebondissement avant de finir par se transformer en
une OPA amicale.
Elle met en évidence plusieurs points (28):
1) Il ne suffit pas d’être un leader européen
incontesté, et le deuxième mondial pour être à
l’abri d’un processus mondial de restructuration.
2) La défense d’Arcelor fût difficile et le groupe
n’a pas su convaincre ses actionnaires, en
particulier sur l’opportunité d’une alliance avec
l’oligarque Alexeï Mordachov. Cette initiative a
plutôt effrayé que rassuré.
gouvernance, avec 43,6 % du capial, Mittal reste
en position dominante. Les restructurations avec
la cession d’actifs, et la remise à niveau de
certaines usines Mittal devraient être menées sur
une période de 3 à 5 ans et
7) entraîner la suppression de 25 000 à 30.000
emplois sur un total de 320.000 salariés (29).
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L’Expansion, mars 2006, p. 98- 102.
BOUYAD, A. Les erreurs d’Arcelor, Les Echos,
13/02/06.
3) Le refus systématique de négocier avec Mittal
pendant plusieurs mois a pu être interprété
comme une défense des intérêts personnels de
l’équipe dirigeante d’Arcelor et particulièrement
du PDG Guy Dollé. Cette interprétation fût
d’autant plus évoquée, que certains actionnaires
avaient depuis longtemps, dénoncé le manque
d’attention du conseil d’administration d’Arcelor
à leur égard.
CHAUVOT, M. Arcelor écarte toute négociation
sur le prix de l’OPA de Mittal Steel, Les Echos,
31/01/06.
4) L’opposition d’actionnaires importants comme
Romain Zaleski, de la famille espagnole Aristrain
ou d’investisseurs institutionnels au projet
d’alliance avec le groupe russe Severstal a pesé
sur la négociation d’Arcelor avec Mittal.
____. La Bourse spécule sur les futures ripostes
d’Arcelor contre Mittal, Les Echos, 13/02/06.
5) Les fortes réticences initiales manifestées par
les dirigeants politiques en France, en Belgique
et au Luxembourg envers cette OPA se sont
atténués avec les concessions progressives de
Mittal. L’issue de cette opération démontre aussi
l’impuissance des politiques et le pouvoir décisif
des actionnaires.
COSNARD, D. Arcelor surenchérit pour Dofasco,
les places boursières s’inquiètent , Les Echos, 17/
01/06.
6) Pour Joseph Kinsch, président du conseil
d’administration d’Arcelor: “ le plus dur reste à
faire ”, l’élément humain est un facteur
fondamental dans la réussite d’une fusion, et au
sein d’Arcelor, on reste convaincu que le mariage
avec Mittal Steel profite d’avantage à ce dernier.
Certains s’inquiètent sur les problèmes de
F ACEF PESQUISA - v
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v.10
____. Arcelor lance une opération séduction auprès
des investisseurs, Les Echos, 27/02/06.
____.; COSNARD, D. Arcelor rejette à l’unanimité
l’OPA hostile lancée par Mittal Steel , Les Echos,
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