Responsabilité personnelle de l`intermédiaire en
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Responsabilité personnelle de l`intermédiaire en
Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Responsabilité personnelle de l’intermédiaire en assurances en cas de manquement à l’obligation d’information le 26 juillet 2011 AFFAIRES | Assurance | Contrat - Responsabilité CIVIL | Responsabilité Le mandataire d’une société de courtage en assurances est personnellement tenu à l’égard de ses clients d’une obligation d’information et de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de la notice d’information. Il ne saurait s’exonérer de sa responsabilité envers les tiers au prétexte de la responsabilité de la compagnie pour le compte de laquelle il agit. Civ. 2e, 7 juill. 2011, FS-P+B, n° 10-21.719 L’agent général, mandataire d’une société de courtage en assurances, ne peut se réfugier derrière cette qualité pour éviter de réparer les conséquences d’une mauvaise exécution de l’obligation d’information dont il est assurément le débiteur à l’égard de son client. Il est, lui aussi, tenu de sa carence. En l’espèce, les suites du défaut étaient sérieuses. Une personne avait souscrit, par l’intermédiaire d’un agent général agissant ès qualité de mandataire d’une société de courtage d’assurances, un contrat de groupe supposé lui garantir les risques décès, invalidité et incapacité de travail. Le problème est qu’elle avait par la suite, aux termes d’un avenant signé avec les mêmes personnes, renoncé à sa garantie rente invalidité. Quand elle fut tout de même placée en invalidité, et que la compagnie refusa sa prise en charge, l’assurée s’en prit évidemment tant au mandataire qu’à la compagnie, considérant qu’elle n’avait pas été correctement informée des conséquences de sa renonciation par avenant. La question, dans cet arrêt, était de déterminer si le mandataire était tenu d’une obligation d’information et surtout s’il devait répondre personnellement de son inexécution. Pour la cour d’appel, il n’était pas responsable. Elle est censurée par la Cour de cassation sur ce point, dans cette décision du 7 juillet 2011 publiée au Bulletin. Il faut tout d’abord revenir au droit commun. Le défendeur au pourvoi, dont on apprend qu’il était agent général, était un mandataire, agissant pour le compte de la société de courtage. Or, rappelle la Cour au visa de l’article 1992 du code civil, « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion ». En l’espèce, il est évident qu’une faute avait été commise par l’agent général. En effet, la Cour de cassation constate que ce mandataire d’une société de courtage exerçait une activité d’intermédiation en assurances. À ce titre, poursuit-elle, il est « personnellement tenu envers ses clients d’un devoir d’information et de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de la notice d’information ». En premier lieu, cette idée n’est évidemment pas neuve. Agents généraux (Civ. 2e, 8 mars 2006, no 05-11319, D. 2006. 1941, note Noguéro ; RCA 2006. Comm. 170, note H. Groutel ; RGDA 2006. 755 [2e esp.], note Langé), comme courtiers en assurances (Civ. 1re, 27 nov. 1990, no 87-18.927, Bull. civ. I, no 262), sont débiteurs d’une obligation d’information au profit du souscripteur. Tout l’intérêt de cet arrêt est de lier l’existence de cette obligation à la qualité d’intermédiaire en assurances, ce dont on ne pouvait douter. À ce titre, cette solution s’accorde assez bien avec la nouvelle rédaction de l’article L. 511-1, I, du code des assurances qui donne une définition générale de l’intermédiation. Il s’agit de l’« activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d’assurance ou de réassurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion ». En second lieu, que ce devoir d’information ne s’achève pas avec la remise de la notice d’information obligatoire n’étonnera pas plus. La voie de la subjectivisation de l’obligation d’information – entendue comme ne pouvant se limiter à la seule remise d’un document – avait déjà été empruntée par la jurisprudence (V. à propos d’un banquier commercialisant une assurance de groupe, Civ. 2e, 2 oct. 2008, no 07-15.276, Bull. civ. II, no 201 ; JCP E 2008. 2425, note Legeais ; V. déjà, Ass. plén., 2 mars Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) 2007, no 06-15.267 ; D. 2007. 985, note S. Piedelièvre ; ibid. 863, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; ibid. 871, obs. D. Martin et H. Synvet ; RDI 2007. 319, obs. L. Grynbaum ; RTD com. 2007. 433, obs. D. Legeais ; RCA 2007. Étude 8, G. Courtieu ; RGDA 2007. 397, note J. Kullmann). La faute étant caractérisée, peut-on considérer que le mandataire demeure personnellement responsable ? Il faut en effet compter avec l’article L. 511-1, III, du code des assurances qui dispose, dans son ancienne comme dans sa nouvelle rédaction, que l’employeur ou le mandant est « civilement responsable, dans les termes de l’article 1384 du code civil, du dommage causé par la faute, l’imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l’application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire ». En d’autres termes, la compagnie est toujours considérée comme le commettant, engageant de ce fait sa responsabilité pour les fautes que commettrait son préposé, sans qu’il soit nécessaire d’analyser le lien entre les deux (J. Bonnard, Droit des assurances, 3e éd., coll. « Objectif droit », Litec, 2009, no 132, p. 56). Pour autant, ce texte n’exonère pas le mandataire de sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers. En effet, dans cette décision, la Cour de cassation précise à nouveau l’objectif de cette disposition. Elle a pour seul objet de faire bénéficier le client du mandataire d’un courtier de la garantie de ce dernier, « et non d’exonérer ce mandataire de sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers » (V. déjà Civ. 1re, 10 déc. 2002, no 99-15.180, Bull. civ. I, no 299). En contradiction avec l’arrêt Costedoat qui consacre une certaine forme d’immunité du préposé (Ass. plén., 25 févr. 2000, no 97-17.378, D. 2000. 673, note P. Brun ; RTD civ. 2000. 582, obs. P. Jourdain ; JCP 2000. I. 241, obs. Viney ; ibid. II. 10295, note M. Billiau, Grands arrêts, t. 2, no 225 ), l’assuré dispose ici de deux débiteurs solvables, à charge pour la compagnie de se retourner ensuite contre le mandataire. La responsabilité sera alors de nature délictuelle, ainsi qu’en témoigne le visa de l’arrêt. En résumé, le mandataire de la compagnie, en matière d’assurances, ne pourra que difficilement échapper à sa responsabilité s’il contrevient à son obligation d’information. par T. de Ravel d'Esclapon Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017