Infarctus du myocarde dû au stress
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Infarctus du myocarde dû au stress
ÉDITORIAL Forum Med Suisse 2006;6:711 711 Infarctus du myocarde dû au stress – La prédisposition individuelle joue un rôle prédominant Peter Rickenbachera, Reto Krapfb Hôpital Cantonal Bruderholz, a Cardiologie, b Médecine interne Correspondance: Prof. Peter Rickenbacher Kardiologie Kantonsspital CH-4102 Bruderholz [email protected] En médecine, on a longtemps spéculé avec fascination sur l’apparition plus fréquente de certaines maladies chez des individus présentant divers types de personnalité. On suspectait ainsi que les sujets «alpha» (comportement de type A) pourraient être davantage exposés à une maladie coronarienne. Les difficultés à définir véritablement la nature d’une personnalité «alpha» et les résultats plutôt incohérents des études laissent cependant planer un sérieux doute quant à la signification réelle de ce facteur de risque. Il n’en demeure pas moins que des évènements extérieurs menaçants tels que catastrophes naturelles ainsi que facteurs internes tels que accès de colère ou stress émotionnel exceptionnel, peuvent avoir des conséquences négatives sur le cœur. Ces facteurs peuvent provoquer dans les heures qui suivent un syndrome coronarien aigu ou déclencher une cardiomyopathie aiguë avec troubles de la motilité pariétale, vraisemblablement sous l’effet d’une inondation subite de catécholamines (cardiomyopathie de Takotsubo). Il est aussi vrai que le risque d’infarctus est deux fois plus élevé dans les premières heures qui suivent un accès de colère [1]. Strike et al. se sont récemment penchés sur la question de savoir si des modifications de l’activité plaquettaire et de la fonction hémodynamique pouvaient jouer un rôle dans l’infarctus du myocarde déclenché par un stress émotionnel aigu [2]. Ils ont examiné 34 hommes qui avaient survécu à un syndrome coronarien aigu survenu dans les quinze derniers mois. Quatorze d’entre eux avaient ressenti une émotion extrêmement intense dans les deux heures ayant précédé l’accident coronarien. Vingt d’entre eux n’avaient en revanche été exposés à aucun événement de ce genre. Les deux groupes ont été soumis à une série de tests de stress mental (notamment une simulation de conférence publique). L’augmentation de la tension systolique et de l’index cardiaque était significativement plus marquée et le retour de ces valeurs à un niveau normal était clairement retardé dans le groupe des patients post-syndrome coronarien après stress émotionnel négatif par rapport au groupe contrôle. Les agrégats plaquettaires avec les monocytes et les leucocytes analysés in vitro constituent des marqueurs sensibles de l’activation plaquettaire in vivo et peuvent servir de marqueurs précoces d’un syndrome coronarien [3]. La formation de ces agrégats a été déclenchée nettement plus souvent chez les patients coronariens qui présentaient des signes de stress émotionnel intense lors des tests. Ces résultats sont très intéressants, car ils montrent non seulement que le stress émotionnel ou mental augmente la charge hémodynamique, mais qu’il renforce également l’activation plaquettaire, autrement dit le risque d’infarctus du myocarde. Comme près d’un patient sur trois signale que son infarctus a été précédé d’un épisode de colère, de dépression ou de stress dans les deux heures avant l’apparition des symptômes, ces données revêtent également une signification particulière sur le plan épidémiologique. Ces réponses au stress reflètent cependant manifestement un mode de réaction individuel, qui n’est certainement pas commun à tous les patients souffrant d’une maladie coronarienne. Il est donc possible, avec les tests de stress mental, de dépister les individus particulièrement exposés. L’ergométrie classique va-t-elle bientôt être complétée par un test d’exposition au stress mental? Ce type de tests existe, même s’il n’est pas encore utilisé dans la pratique quotidienne [4]. La question de savoir si des interventions de nature psychosociale pourraient être à même de modifier le cours de la maladie reste ouverte [5]. On admet que le stress négatif chronique, bien que plus difficile à appréhender, favorise la survenue des infarctus du myocarde [6]. A notre connaissance, on ignore encore si les facteurs psychosociaux et en particulier le stress constituent des facteurs de risque pour le développement de l’artériosclérose ou s’ils ne font que favoriser la survenue des manifestations cliniques en présence d’une maladie coronarienne sous-jacente [7]. Références 1 Mittleman MA, McClure M, Sherwood JB, et al. Triggering of acute myocardial infarction onset by episodes of anger. Determinants of Myocardial Infarction Onset Study Investigators. Circulation 1995;92:1720–5. 2 Strike PC, Magid K, Whitehead DL, et al. Pathophysiological processes underlying emotional triggering of acute cardiac events. Proc Nat Acad Sci USA 2006;103:4322–7. 3 Sarma J, Laan CA, Alam S, et al. Increased platelet binding to circulating monocytes in acute coronary syndromes. Circulation 2002;105:2166–71. 4 Strike PC, Steptoe A, Systematic review of mental stress-induced myocardial ischaemia. Eur Heart J 2003;24:690–703. 5 Rozanski A, Blumenthal JA, Davidson KW, et al. The epidemiology, pathophysiology, and management of psychosocial risk factors in cardiac practice: the emerging field of behavioral cardiology. J Am Coll Cardiol 2005;47:637–51. 6 Rosengren A, Hawken S, Ounpuu S, et al. Association of psychosocial risk factors with risk of acute myocardial infarction in 11119 cases and 13648 controls from 52 countries (The INTERHEART Study): case-control study. Lancet 2004; 364:953–62. 7 Rozanski A, Blumenthal JA, Kaplan J. Impact of psychological factors on the pathogenesis of cardiovascular disease and implications for therapy. Circulation 1999;99:2192–217.