dossier Image(s) du 93
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dossier Image(s) du 93 4 films réalisés par des collégiens du département Une initiative de la CATHODE soutenue par le Conseil général de la Seine-Saint-Denis l'Inspection Académique de la Seine-Saint-Denis le Conseil Régional d'Ile-de-France La CATHODE 119 rue Pierre Sémard 93000 Bobigny. Association Loi 1901. Tél : 01 48 30 81 60 Fax : 01 48 30 81 26 Siège social : 61, rue Victor Hugo 93500 Pantin Agrément Jeunesse et Sports 9387042D / Siret 338 698 293 00051 / Naf 921A Courriel : [email protected]/ Site : http://www.lacathode.org Image(s) du 93 Sommaire - Le mot du Président du Conseil général, Hervé BRAMY - « DÉPARTEMENT "CLOS" » - Collège Maurice THOREZ de Stains - « ÉMEUTES ÉMOTIONS » Collège Jean-Pierre TIMBAUD de Bobigny . - « UN COLLÈGE, DES PORTRAITS » - Collège Georges POLITZER de Bagnolet - « DÉCOLLEZ L¹ÉTIQUETTE ! » - Collège Gustave COURBET de Pierrefitte - LES ATELIERS de la CATHODE par Gabriel GONNET Image(s) du 93 Le Mot du Président du Conseil général de Seine-Saint-Denis Quel meilleur moyen pour changer le regard sur la Seine-Saint- Denis et sa jeunesse que de travailler sur l¹image ? Quels meilleurs interlocuteurs que les collégiens eux-mêmes ? De mes rencontres avec les jeunes, j¹ai entendu leur envie de se défaire d¹une étiquette trop négative qui les pénalise dans leur vie quotidienne, dans leur épanouissement personnel, scolaire et professionnel. Ainsi, il m¹est apparu important que le Conseil général leur offre des moyens d¹expression, la possibilité de dire ce qu¹ils désirent pour un futur qui sera le leur. Je tiens à remercier et saluer le travail de tous les collégiens qui ont participé à ce beau projet, ainsi que leurs professeurs et l¹Association La CATHODE. Cette initiative contribue à montrer les richesses et potentiels de notre Département. Elle propose un autre regard et porte l¹espoir d¹une fraternité que notre pays s¹honorerait à traduire concrètement. Hervé BRAMY Image(s) du 93 « Département « clos » Documentaire - 20 mn STAINS - Collège Maurice THOREZ (Club cinéma) Enseignantes : Maya REITCHESS (histoire) et Émeline ROULLAT (français) Intervenant-réalisateur : Cristobal SEVILLA Résumé : Les élèves du collège Maurice Thorez de Stains reviennent sur l¹histoire et le quotidien du quartier du Clos Saint-Lazare au coeur duquel se trouve leur collège. Les témoignages des collègiens Mounira : Le sujet était imposé - le même pour toute la Seine-Saint-Denis - et au début on n’aimait pas, on voulait même arrêter tout de suite. Vithura : Il fallait écrire une histoire, mais dès qu’on écrivait quelque chose, on nous disait que c¹était pas bon. Mounira : À chaque fois, Cristobal voulait qu¹on transforme le scénario, ça nous énervait grave ! Djakariou : On a essayé d’écrire une fiction, mais à la fin, on ne l¹a pas réalisée Vithura : C¹était l¹histoire d¹un campagnard qui arrive dans le 93, et qui a du mal à s¹adapte. Mais on n’a pas réussi à trouver une fin. Quand on voit un film, on ne pense pas que c’est aussi difficile à faire! Djakariou : Alors à la fin, on a fait un documentaire avec les interviews qu’on avait fait au début pour apprendre à se servir d’une caméra. Mounira : Heureusement qu’on ne savait pas que ces interviews allaient faire un film ! Sinon les choses ne seraient pas venues comme ça ! C¹est important pour nous, et aussi de le dire aux autres ! Vithura : Et puis on a filmé des endroits que personne ne connaissait, comme la salle des profs, et aussi ce qu’ils pensent de nous. Djakariou : On a interrogé une prof, pour connaître son avis sur le collège, et maintenant on sait comment elle nous voit. Elle a dit « agités mais très attachants » ! « Attachants», on ne s¹attendait pas à ce qu’elle dise des choses comme ça sur nous ! ça nous a fait du bien de l¹entendre parler de nous positivement ! Vithura : On aimerait pouvoir discuter comme cela avec d¹autres profs. Mounira : Le film permet de mieux se comprendre ! Et puis on va montrer autre chose que ce que les médias ont raconté sur le 93 ! Ils en rajoutent trop et en plus, ils le répètent tous les jours. À la fin ça énerve ! Abdulaye : Bien sûr, il y a du négatif, mais ne montrer que ça ! Alors ça nous a fait plaisir de pouvoir dire autre chose. Gregory : Les entretiens individuels nous ont permis de mieux nous exprimer, alors qu’en classe… Abdulaye : On s’est senti plus libre, plus à l¹aise. Gregory : On a aussi été chercher des informations sur notre ville pour mieux connaître son histoire. C¹est pour ça qu’on a été filmer l¹archiviste ; ensuite on va insérer ces séquences au montage. Gregory : Ce qui m’a beaucoup plu, c’est d’apprendre à tenir une caméra, à la configurer. Quand les élèves du collège me voyaient passer, ils me parlaient, ça changeait mon image. C’était très agréable ! Abdulaye : Il faudrait que ça continu ; je pense que c’est bien le 93, mais à condition qu’il y ait plus d’activités intéressantes pour les jeunes et que notre ville s¹améliore, que ça devienne plus beau ! Le point de vue de Cristobal SEVILLA, Intervenant-réalisateur « Au début, ce n’était pas évident de leur demander de réfléchir sur l’image qu¹ils ont de leur département. Il faut dire que porter un regard extérieur sur ce qui nous entoure, nécessite de prendre une certaine distance, ce qui est difficile, même pour des adultes L’atelier a commencé par un « brainstorming » afin de les aider à trouver des idées et découvrir des pistes qui permettraient de s’orienter, soit vers un documentaire, soit vers une fiction. Cet exercice leur a permis de se rendre compte que la connaissance de leur département se limitait souvent à leur ville et leurs quartiers, dont ils ne sortent que rarement. D’où le titre du film qu’ils ont très rapidement trouvé : Département « clos », inspiré du nom de leur quartier, le Clos Saint-Lazare. Ils ont donc fait des recherches sur l¹histoire et la géographie de leur ville et de leurs quartiers, et souhaité mettre en évidence le travail effectué par les associations locales. Au cours des séances suivantes, nous avons travaillé sur le champ lexical des mots qu’ils associaient spontanément à l’image de la Seine-Saint-Denis, tels que la violence, l¹enfermement, mais aussi l’amitié et la solidarité. Ceci s’est fait en relation avec un travail d¹improvisation théâtrale pour tenter de créer une distance avec la réalité quotidienne, en utilisant l’humour, et aussi prendre les choses avec plus de légèreté. A la suite de quoi, j¹ai mis en place un dispositif de « dialogue avec la caméra », leur permettant de s¹exprimer seuls, plus librement, sans le regard des autres. Ce dispositif a effectivement bien fonctionné, car la parole s’est libérée. Ils pouvaient assumer ce qu’ils étaient, sans craindre les réactions du groupe. Cela leur a permis d’effectuer un travail sur eux-mêmes qui les a aidés à pouvoir assumer leurs opinions devant l’ensemble de la classe. C¹est finalement ce dispositif qui a servi de base à la construction du documentaire, et la satisfaction d’avoir ainsi conduit cet atelier est venue de leurs réactions après le montage. Ils étaient très contents de ce qu’ils avaient réussi à dire, et même surpris, en se voyant à l’écran, de constater qu¹ils s’exprimaient aussi facilement. Par ailleurs, ils estimaient que cela correspondait bien à ce qu’ils avaient voulu montrer. Le point également positif est - de leur aveu même – qu’un changement important s’était opéré, concernant leurs relations avec leurs camarades et leurs professeurs, cette transformation leur ayant donné une image différente des autres et d’eux-mêmes ». Image(s) du 93 Enseignante : Agathe GIRAUD Intervenante-réalisatrice : Isabelle MARINA Résumé : Six mois après les émeutes de l' automne 2005, la classe de 3ème 4 du collège JeanPierre Timbaud de Bobigny en Seine-Saint-Denis, a dans son programme de français, l' étude des médias. À partir des mots restés dans leurs mémoires, à partir de l’étude des images et des mots phares du flux médiatique, ils tentent de comprendre ce qui s' est passé et s' en inspirent pour écrire une chanson : « Dans toutes les cités ». Le témoignage d’Agathe GIRAUD, enseignante « Au départ, il y a les mots. Ces mots - sons, sens, images - sont pour les élèves autant d’énigmes, de questions, de coups de poing, de gifles, de caresses, d’émotions. « Émeutes, Émotions » ou comment les mots s’installent dans les esprits, comment les images naissent, comment les représentions se font. Nous sommes donc partis de l’étude des mots à la rencontre des images : images des émeutes de l’automne 2005. Les élèves se sont emparés du thème comme ils se sont emparés des mots, parce que cela leur apparaissait comme les concernant directement. Dans le cadre de l’étude des médias, ces mots ont facilement trouvé une place, et les élèves ont ainsi interrogé sens propre et sens figuré, synonymie, polysémie, métaphore, signifiant, signifié. Cet univers d’interrogation, de recherche de l’histoire, d’un passé des mots a aidé à décrypter, analyser, disséquer, comprendre les mots du présent et à réfléchir sur l’actualité et le traitement de l’information. De ces rencontres avec les mots, est né un film qui les met en valeur, les montre, les propose à la réflexion. De ces réflexions, sont venus d’autres mots qui ont fait chanson, images, discussions, cours. « Émeutes, Émotions » s est ainsi à la fois travail, à la fois achevé, à la fois infini, à la fois étude, à la fois loisir, à la fois réalité, à la fois cinéma. » Témoignage d’Isabelle MARINA, intervenante-réalisatrice « C’était l’automne dernier. Je réfléchissais avec Agathe GIRAUD, l¹enseignante de lettres du collège Jean-Pierre Rimbaud, avec qui j’encadre depuis deux ans des ateliers cinéma, à ce que serait notre façon d’aborder le thème proposé pour l’atelier à venir, « Changer l¹image de la Seine-Saint-Denis ». Les émeutes, commencées à Clichy-sous-Bois, suite au décès dramatique de deux adolescents, le jeudi 27 octobre 2005, ont duré trois semaines pendant lesquelles la Seine-Saint-Denis et les banlieues ont fait la Une des médias. Nous avons très vite décidé d’en faire le thème central de l’atelier cinéma. Comme chaque fois qu’un événement devient un événement médiatique, nous avions vécu un déferlement de mots, d¹images et de sons pour représenter ces émeutes. Et puis la vague était repartie. Les collégiens, qui vivaient en banlieue et avaient l’âge des jeunes émeutiers, avaient eux aussi reçu le flux des images des télévisions sans pouvoir l’arrêter. Il nous semblait juste qu’ils puissent, le temps de l¹émotion passé, revenir sur la façon dont les médias avaient traité la crise des banlieues. Le fait de travailler avec des élèves de troisième, qui passent le brevet en fin d’années et ont un programme scolaire chargé, imposait aussi à l’atelier de trouver sa place dans ce programme. Nous avons fait de cette contrainte la base de notre travail : la matière des cours est devenue la matière d’un film documentaire. En filmant leur classe occupée à travailler sur les représentations médiatiques de la crise des banlieues, les collégiens ont très concrètement abordé la question de l¹image d’eux-mêmes qu’ils étaient en train de fabriquer. Les cadreurs se posaient la question : et si je filme un élève qui ne travaille pas, est-ce que je vais donner une mauvaise image de la classe ? Revenir sur ces événements avec les outils du cinéma et ceux forgés lors d’un cours de français pour étudier la langue, c¹est aussi transformer les images et les mots du flux médiatique en objets sur lesquels il est possible d¹agir. Les mots et les images des médias sont ainsi devenus, le temps de l’atelier, le support privilégié des réflexions et des inventions des collégiens. » CHANSON DE JOSUÉ GLORIEUX, ALIAS KILLER-G Je suis dans une école comme un enfant perdu Je me sens perdu, quel est votre point de vue ? Nous sommes comme des enfants perdus dans les cités oubliées, méprisées, couvertes de préjugés ! Eh ! Monsieur Sarko, cette France, aime-la ou quitte-la avec les clochards, les prostituées et les caillra ! Vous dites faire votre travail en nettoyant la racaille, mais on nest pas tous des braqueurs, donc taisez-vous, petite canaille ! Deux garçons sont morts, quelle en est la cause ? Personne ne le saura jamais, mais on se rappellera de la chose Et dans tout cela que dites-vous ? Rien d’intéressant ! Vous faites le beau à la télé, croyant être passionnant ! Donc les jeunes sont sortis pour créer des émeutes, Certains étaient dans le Mouv, et dautres étaient neutres Vous jouez avec certains mots, ne croyez pas que c’est marrant Parce que nous, jeunes des cités, ne sommes pas des figurants Refrain Dans toutes les cités, cétait la merde, mec ! Cétait ghetto, Bang, Bang, Bang ! Voitures incendiées net ! Dans toutes les citées, écoutez-les crier En rage, en rogne, car vous les méprisez ! Casquette Blinbling comme à New York city, Eruption volcanique en Seine-Saint-Denis Cest chaud, mais ne t’attends pas à te faire tirer disons comme Fifty Négligence de la part des hommes politiques ! Dans le ghetto, ça éclate, cest Bang Bang, Click click ! Les m.o.t.s de Monsieur Sarko ne sont pas magnifiques ! Ce son est pour vous et n’est pas à effet soporifique ! Cherchant du taf, on est presque tout le temps recalé Je ne comprends pas, car on l’a bien, cette carte didentité ! Etudiants, apprentis, nous, jeunes d’aujourdhui, Construisons votre pays ! Quand tu entends banlieue, ça passe à la télé, net ! Mais en province, que faites-vous pour le viol des p’tites minettes Vous voulez nous faire croire quon a pas notre place ici Mais on se bat jusquau bout, parce quon sait qu’on est là, si ! Image(s) du 93 !"#$%& Les témoignages des collégiens. Youssef : Pour commencer, on a regardé des courts-métrages dans le but de trouver des idées pour créer le scénario; puis chacun a tourné une séquence de 2 à 3 minutes en choisissant son lieu de tournage ; ensuite, on les a visionnées en sélectionnant les meilleures scènes pour le montage. Leila : Comme chacun a traité d’un sujet différent, le film est intéressant : on y parle de l’image du 93, des médias, du langage des jeunes, de l’habillement. Marion : J’ai bien aimé filmer les autres, écouter ce qu’ils pensent du département, du collège. Nelson : L’image de mes camarades a changé avec le film, parce que maintenant je sais ce qu’ils pensent du 93, quelle image ils ont du collège et ce qu’ils voudraient faire plus tard. Imane : J’ai eu la chance de pouvoir dire à tout le monde ce que j’avais dans la tête, et ce n’est pas vraiment de cela dont on parle entre nous d’habitude. Grâce à ce film, l’image qu’on a pu donner de notre collège est celle d’un lieu protecteur. Il devrait être vu par les ministres, en particulier, par Monsieur SARKOZY. Haji : L’image de mes camarades s’est transformée, car avant, certains parlaient banlieusard, mais maintenant, ils parlent correctement, et montrent un autre visage d’euxmêmes. Reyhan : Le film m’a aidé à me projeter dans mon futur. J’aime bien filmer, manipuler le micro, le casque... J’ai remarqué aussi que mes autres camarades de classe sont différents quand ils sont filmés ; cela leur a permis de dégager vraiment ce qu’ils pensent. Pietra : J’ai vraiment été heureuse d’avoir réalisé ce film : J’ai aimé me balader dans le collège et filmer tout ce que je voulais. Cela m’a enrichie sur la connaissance de cet endroit et des autres. Alisson : Jouer dans un film au collège, et qui va passer au cinéma, est une idée originale qui n’est pas donnée à tout le monde. Les gens qui viendront voir ce film auront une autre image du 93 et des jeunes qui y habitent. Il devrait être vu par des personnes âgées, qui souvent ont une image très négative de nous, par Monsieur le Ministre, Nicolas SARKOZY et par d’autres collégiens qui n’ont pas eu la chance de faire ce film. Wiam : Il y a des choses que je pensais, mais que je ne disais pas. Le film m’a permis de voir qui j’étais vraiment. Maintenant, après cette expérience, mes camarades me paraissent différents. Il serait intéressant que les chaînes, comme TF1 ou M6, voient notre film et en parlent. Sirine : Notre film correspond plus à l' image du 93 que ce que racontent les médias. Nous avons juste essayé de montrer une vraie image, qui est un peu moins négative que ce que les gens croient. Image(s) du 93 « Décollez l’étiquette » Documentaire-fiction 20mn PIERREFITTE - Collège Gustave COURBET (Classe de 4ème SEGPA) Enseignant : Rachid GUESSOUM Intervenant-réalisateur : Dominique DELATTRE Résumé : Les collégiens ont voulu rencontrer des personnalités du Département afin de montrer comment ils contribuent à la richesse et à la créativité du 93 : Zahia ZOUANI, Chef d¹Orchestre, Boukary DRAME, footballeur PSG, Alain BERESTSKY, Fondation 93, Fabien dit Grand Corps Malade, Slameur. Témoignages des collégiens Djénéba : Au début, on s’amusait, on voulait travailler en s¹amusant Larbi : Au début, on n’était pas très bien, parce qu’on avait du mal à s¹imaginer le film. Mais au fur et à mesure du déroulement du projet, on y a pris goût. Nous étions de plus en plus motivés ! Afaf : Dès le début, j’ai aimé ce projet. Yves : Le thème m’a plu parce que c’est notre département qui est concerné ! Silly : Le thème m’a plu parce que c¹était l’occasion de donner une bonne image du 93. Prescilla : Le thème ne m’a pas trop inspiré, mais c’était l’occasion pour nous, qui n’avons jamais la parole, de faire découvrir notre département et de nous exprimer. Larbi : J’ai aimé ce thème parce que c’était l’occasion pour nous de nous exprimer sur le 93. C’est notre parole et pas celles des journalistes ! Larbi : Nous avons choisi d’interviewer des personnalités du 93, qui ont réussi leur parcours professionnel, pour montrer qu’on peut réussir dans le 93. Yves : J’ai voulu interviewer un footballeur parce que je veux en faire mon métier, et qu’il y a beaucoup de joueurs professionnels (qui ont réussi) originaire du 93. Djénéba : Nous avons fait des sketchs et des interviews pour montrer qu’il existe des injustices, mais que malgré ces injustices, on peut réussir. « Décollez les étiquettes » pour éviter de cataloguer les gens. Afaf : Nous avons voulu montrer qu’être originaire du 93, ça n’est pas un handicap, car on peut réussir. Témoignage de Dominique DELATTRE, Intervenant-réalisateur Lorsque nous leur avons soumis la proposition de faire un court-métrage sur « L’image du 93», comme toujours, il y avait ceux que le thème n¹intéressait pas et ceux qui étaient partants, sans qu’ils sachent vraiment ce qu’ils voulaient faire. Avec l’enseignant, nous avons décidé de les orienter vers une série de rencontres avec des personnalités du département ayant réalisé des initiatives intéressantes. Ils ont fait des propositions et se sont organisés pour prendre des contacts. Leur choix définitif s¹est porté sur ceux qu’ils ont réussi à joindre et qui étaient intéressés par le projet. Par ailleurs, ils ont souhaité faire des sketchs pour exprimer comment ils ressentaient cette image qu¹on leur colle à la peau. Ensuite, on a commencé l’initiation technique par l’analyse du début d¹un film (« Taxi driver» de Martin SCORSESE) et des rushs tournés par eux-mêmes, afin de leur faire comprendre ce que signifiait un plan, une séquence, un découpage, un montage. Au moment de la réalisation du court-métrage, la classe s’est divisée en trois groupes : un premier groupe qui s’est plus particulièrement occupé de la technique, un deuxième qui a préparé les entretiens et un troisième qui a inventé et joué les sketchs. La difficulté était de réussir à capter leur attention et d’obtenir d¹eux une concentration prolongée. Leur motivation s¹est accrue au cours du tournage et des rencontres avec les personnalités. Ainsi progressivement, ils se sont approprié le sujet du thème, et j’ai vu leur intérêt s’accroître très significativement. Lors du bilan d’atelier, certains d¹entre eux ont clairement exprimé le fait qu’ils avaient appris à écouter, et que cette expérience collective les avait rapprochés. Par ailleurs, ils ont tous dit avoir été impressionnés par les rencontres et par le visionnage des images du tournage. Certains ont pris conscience de leurs difficultés à affronter leur propre image. Mais tous ont compris que la réalisation d’un film demandait un véritable travail, et que ce n’est pas une simple captation comme ils l’imaginaient au début. Témoignage de Rachid GUESSOUM, enseignant de français Cet atelier s’est organisé dans la continuité de celui de l’année dernière, mais avec l’idée de faire autre chose qu’un film d’animation. Il a été décidé, cette fois, d¹entreprendre un vrai film avec un dispositif de cinéma permettant de réaliser un reportage « comme des professionnels». Comme l’année précédente, l’atelier s’est articulé sur un travail fait en classe, où se sont discutés et analysés le thème et ses contenus, ainsi que l’image que voulaient renvoyer les élèves. Comme l’indique le titre choisi pour le film : « Décoller les étiquettes », ils voulaient donner du sens et des images à cette idée : « Ce n’est pas parce qu¹on est né dans le 93, qu’on ne peut pas réussir ! » C’est pourquoi, ils ont cherché à rencontrer des personnes qui, dans le 93, avaient réussi professionnellement. Les garçons se sont plus naturellement tournés vers des sportifs, mais dans le domaine artistique, c’est une femme qui a été choisie - Zahïa ZOUANI (à la fois chef d’orchestre et directrice de l’école de musique et de danse de la ville de Stains). C’était important pour eux, de donner une autre image de la femme, comme étant capable, elle aussi, de réussir. La question du choix des personnalités - qui et pourquoi ? - a été débattue en classe, servant de moyen d¹apprentissage de l’expression orale et de la prise de parole dans un groupe. Cela les a aidés à développer leur capacité à argumenter et à formuler une critique, dans le respect et l’écoute de l¹autre. Il a fallu également leur faire travailler l¹écrit pour préparer les entretiens : chercher les bonnes questions et les formuler ensuite correctement dans un ensemble structuré. Ils ont ainsi travaillé en même temps leur image de soi, prenant bien conscience que le film n’allait leur renvoyer que ce qu’ils auront montré d¹eux-mêmes. Cet aspect est d’autant plus important pour eux qu’une projection publique, dans une vraie salle de cinéma, est prévue à la fin de leur atelier. Ce côté officiel accentue le sentiment de sérieux et de respect qu’on donne à leur entreprise, ce à quoi ils sont très sensibles. C’est un moyen important de les motiver. Ce projet a donc été une superbe initiative parce qu’il les a confortés dans l’idée que puisque certains réussissent dans le 93, eux aussi, en se donnant les moyens, peuvent y arriver. Ils conçoivent plus concrètement que d’être né dans la Seine-saint-Denis n’est pas un handicap en soi, mais peut être au contraire, une vraie force. Par ailleurs, ce projet les a aidés à fédérer et dynamiser le groupe en leur apprenant à construire ensemble et à finaliser « un bel objet »