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L E S P O R T A P R È S 4 0 A N S Pratique du sport après 40 ans ● R. Amoretti*, J.C. Verdier** ■ La pratique d’une activité physique régulière a un effet bénéfique cardiovasculaire indéniable ; il est cependant aussi vrai que, après 40 ans, le risque de mort subite est accru lors d’un exercice physique intense. qui désire pratiquer un sport. Cependant, la détection des pathologies cardiovasculaires à risque, et en particulier de la maladie coronaire, par les méthodes non invasives à notre disposition aujourd’hui n’est pas totalement fiable (6). Par ailleurs, la pratique d’une activité physique est souvent proposée comme adjuvant thérapeutique dans diverses cardiopathies. Ainsi, pour le cardiologue, la pratique sportive devra être envisagée dans deux populations de sujets bien différentes : les sujets a priori sains et les patients cardiaques. ■ Après 40 ans, la cause principale de mort subite lors de l’exercice physique est la maladie coronaire. PRATIQUE DU SPORT CHEZ LE SUJET DE PLUS DE 40 ANS A PRIORI SAIN P O I N T S P O I N T S F O R T S F O R T S ■ La détection de la maladie coronaire chez le sportif de plus de 40 ans occupe donc une place majeure dans le bilan d’aptitude. ■ L’interrogatoire et l’examen clinique de repos permettent de détecter bien des sujets à risque. Ils seront complétés, au moindre doute, par des examens complémentaires, au premier rang desquels figure l’épreuve d’effort. ■ Les “bienfaits” d’une pratique sportive l’emportant sur les “méfaits”, celle-ci doit toujours être encouragée. L a pratique des activités physiques et sportives après 40 ans (début de la catégorie vétéran pour beaucoup de fédérations sportives) représente une des situations les plus fréquentes en cardiologie du sport, avec l’angoisse traditionnelle, pour le patient et son entourage, de la “mort subite” (1, 2). Si l’incidence de celle-ci est heureusement faible (1/45 000 sportifs ; 1 pour 7 millions d’heures de sport), sa réalité impose au médecin une démarche structurée afin d’éviter, outre un événement tragique sur le terrain de sport, un problème médico-légal. Des études épidémiologiques (3, 4) ont conclu à l’efficacité préventive de l’activité physique régulière sur la mortalité cardiovasculaire globale et la morbidité due à une cardiopathie. Cet enthousiasme doit être tempéré par le fait que le risque de mort subite est majoré lors de la pratique d’un exercice physique intense, surtout chez les personnes peu ou pas entraînées (5). La maladie coronaire est le dénominateur commun à ces deux données de prime abord contradictoires, et sa détection occupe une place majeure dans le bilan d’aptitude du sujet de plus de 40 ans * Service de médecine du sport, Hôpital de la Pitié, Paris. ** Institut Cœur-Effort-Santé, Paris. La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999 Chez le sujet a priori indemne de cardiopathie, deux situations se présentent de façon schématique. Dans la première, il s’agit d’un sportif de 40 ans, toujours actif depuis l’enfance, sans interruption de longue durée et sans facteur de risque notable. Dans la deuxième, il s’agit d’un ancien sportif (ou soi-disant sportif !) qui, après un arrêt d’une dizaine d’années, veut reprendre le sport et qui a pu accumuler un certain nombre de facteurs de risque. Entre ces deux situations caricaturales, tous les intermédiaires sont possibles. La première étape Il faut “tout” savoir de ce sujet : son passé sportif, avec les incidents et accidents survenus, sa condition physique actuelle, son état psychologique et ses ambitions sportives (sport de loisir avec ses enfants ; sport pour une meilleure santé ; besoin de se “défouler” ; volonté de reprendre la compétition...). De la même façon, les antécédents personnels non sportifs, médicaux et chirurgicaux, seront recherchés, ainsi que les facteurs de risque (outre l’âge et le sexe) et les antécédents familiaux, surtout cardiovasculaires, avec notamment la recherche d’une mort subite chez des parents jeunes (moins de 50 ans). La deuxième étape Un examen clinique complet est nécessaire, car “l’étape limitante” n’est pas toujours celle à laquelle pense le spécialiste en cardiologie. Un électrocardiogramme de repos doit être réalisé. Certains proposent encore un test de “dépistage”, qui peut permettre d’apprécier l’état cardiaque au repos, pendant et après un effort modeste et mal quantifiable, comme le test de Ruffier (30 flexions en 45 secondes) ou, mieux, le “step test” (30 montées et descentes d’un tabouret par minute pendant 3 minutes) avec enregistrement ECG et surveillance tensionnelle. Celui-ci peut révéler une inadaptation à l’effort (FC > 150), un trouble du rythme, une tension excessive (au-delà de 200/100 mmHg), une récupération lente. Cependant, on ne peut pas considérer ce test comme un véritable test d’aptitude à la pratique sportive sans restriction. Il permet tout au plus, parfois, de révéler des inaptitudes majeures. 25 L E S P O R T A P R È S À l’issue de ce bilan, le sportif régulier, asymptomatique, sans facteur de risque, peut être rassuré et autorisé à pratiquer les activités de son choix, avec des conseils adaptés à son âge et à sa condition physique. En revanche, le sportif présentant une quelconque anomalie clinique, électrique, ou des facteurs de risque cardiovasculaires doit bénéficier d’une épreuve d’effort d’intensité maximale pour préciser les limites cardiovasculaires, voire détecter une pathologie. On pourra aussi préciser, de façon directe ou indirecte, les seuils ventilatoires et la consommation maximale d’oxygène (ces données objectivent les capacités réelles du sujet et les intensités optimales d’entraînement). Ces résultats, s’ils éliminent une pathologie, permettent d’orienter vers une activité sportive plutôt que vers une autre, à une intensité contrôlée par la fréquence cardiaque grâce à l’utilisation de cardiofréquencemètres. L’indication systématique de l’épreuve d’effort chez le sujet de plus de 40 ans désirant reprendre une activité physique n’est pas justifiée, vu ses limites (spécificité et sensibilité) et son coût (6). Une programmation dirigée des épreuves d’effort (tableau I) semble préférable (6). Elle est fondée sur les facteurs de risque, sur le profil psychologique du sujet et sur la pratique sportive (type et niveau) choisie. Il est ainsi recommandé (6) de proposer une épreuve d’effort au sujet de plus de 40 ans asymptomatique qui désire reprendre une activité sportive lorsqu’il existe des facteurs de risque (au moins deux, ou un particulièrement marqué, le tabagisme ininterrompu occupant une place majeure). Les délais de renouvellement (un à cinq ans) de ce test varient en fonction des sujets. Il n’est pas illicite de proposer aussi une épreuve d’effort au sportif de plus de 40 ans asymptomatique, sans facteur de risque, qui veut pratiquer la compétition (notion de chro- 4 0 A N S nomètre, décompte de points), avec renouvellement du test tous les cinq ans environ. Enfin, étant donné l’augmentation de l’incidence de la maladie coronaire avec l’âge, l’épreuve d’effort peut être systématiquement proposée après 50 ans (55 ans chez la femme) chez un sujet qui désire reprendre une activité sportive après une interruption prolongée. Les différentes activités physiques Les activités physiques peuvent être classées selon les contraintes cardiovasculaires qu’elles entraînent (7). De façon schématique, on peut opposer : – Les activités dynamiques, dites “d’endurance”, à l’origine d’une surcharge volumétrique, sans surcharge barométrique (sauf aux intensités maximales). L’exemple type en est la course à pied. Ces activités sont favorables au système cardiovasculaire. En fonction de leur intensité, elles sont classées A, B, C (tableau II). – Les activités statiques, dites de “résistance”, à l’origine d’une surcharge barométrique sans surcharge volumétrique. L’exemple caricatural en est l’haltérophilie. Ces activités ne sont pas favorables au système cardiovasculaire, sauf aux intensités modérées. Les activités statiques sont classées en fonction de leur intensité (tableau II). Tableau II. Classification des sports selon leurs composantes dynamique et isométrique*. Composante IIsométrique faible Tableau I. A - Dynamique faible B - Dynamique moyenne Billard Bowling Cricket Curling Golf Tir Base-ball Tennis de table Tennis en double Volley-ball Badminton Ski de fond (technique classique) Hockey sur gazon** Course d’orientation Marche (athlétisme) Squash Course de fond Football** Tennis (simple) Tirc à l’arc Course automobile*** Plongeon*** Motocyclisme*** Équitation Escrime Sauts (athlétisme) Patinage artistique** Football américain Rugby** Course de vitesse Surf*** Natation synchronisée*** Basket-ball** Hockey sur glace** Ski de fond (pas du patineur) Course de demi-fond Natation Handball Luge, bob*** Lancer (athlétisme) Gymnastique*** Judo, karaté** Voile Escalade*** Ski nautique*** Haltérophilie*** Planche à voile*** Body-building*** Ski de descente*** Lutte* Boxe** Canoë-kayak Cyclisme** Décathlon Aviron Patinage de vitesse FAUT-IL PRATIQUER UNE ÉPREUVE D’EFFORT À VISÉE CARDIOLOGIQUE CHEZ UN SPORTIF C - Dynamique forte ? Sûrement non ☞ Sujet de moins de 40 ans, asymptomatique, sans fac- II - teur de risque. ☞ Sujet de plus de 40 ans (45 ans chez la femme), Isométrique moyenne asymptomatique, sans facteur de risque, pratiquant de longue date sans esprit de compétition. Sûrement oui ☞ Sujet symptomatique et/ou avec deux facteurs de risque ou un facteur de risque majeur. Sans doute oui ☞ Sujet de plus de 40 ans désirant reprendre la compétition. ☞ Sujet de plus de 50 ans (55 ans chez la femme) désirant reprendre une activité physique. III Isométrique importante * D’après la référence 7. ** Risque de traumatisme. *** Risque lié à l’environnement en cas de syncope. 26 La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999 L E S P O R T A P R È S 4 0 A N S En pratique, la plupart des activités physiques sont mixtes, et elles peuvent être analysées selon les deux composantes : statique et dynamique. À titre d’exemple, le tennis est à forte composante dynamique et à faible composante statique (classement C1 dans la classification de Mitchell, tableau II). fréquence cardiaque maximale de travail (cardiofréquencemètre). Les activités physiques doivent être conseillées au coronarien, leurs effets bénéfiques étant largement démontrés (12, 13). La compétition sera déconseillée du fait de l’hyperadrénergie qu’elle occasionne. La charge d’entraînement En présence de facteurs de risque, le sujet asymptomatique bénéficiera au mieux d’une première année de réentraînement en endurance, avec des limites bien établies. Cela lui permettra de modifier favorablement son profil de risque (8) et d’envisager, si le résultat des épreuves d’effort de contrôle le permet, des activités physiques plus “agressives”, voire le retour à la compétition. Pour être efficace sur le plan cardiovasculaire, la durée de la séance doit être de vingt minutes au moins (8, 9). La fréquence hebdomadaire est de deux séances au minimum, idéalement trois (8, 9). Toute séance supplémentaire majore significativement les bénéfices attendus. En pratique, ce sont les “réalités quotidiennes” individuelles qui conditionnent le temps disponible pour la pratique sportive. Les autres pathologies Si la maladie coronaire reste la principale cause d’accident cardiaque dans cette tranche d’âge, il ne faut pas négliger la recherche attentive d’autres cardiopathies pouvant se révéler tardivement : – cardiomyopathie hypertrophique, asymétrique ou non, confirmée par échographie, – dysplasie arythmogène du ventricule droit confirmée par ECG, potentiels tardifs, IRM, angioscintigraphie cardiaque, – valvulopathie : rétrécissement aortique ou mitral, prolapsus mitral myxoïde, etc., toutes pathologies quantifiées par échographie. Il existe des recommandations éditées (14, 15) permettant d’adapter l’activité à la plupart des cardiopathies. PRATIQUE DU SPORT CHEZ LE “CARDIAQUE” DE PLUS DE 40 ANS Le sport pose rarement des problèmes à cet âge chez la femme. Ce n’est que quelques années après la ménopause que la femme devra se plier à ce type de bilan, rejoignant l’homme sur le plan du risque cardiovasculaire. S’il existe des facteurs de risque ou des signes fonctionnels évocateurs de cardiopathie, un bilan adapté sera pratiqué. L’hypertendu En cas d’HTA modérée, la pratique régulière d’une activité physique peut suffire à normaliser les chiffres tensionnels au repos et/ou à l’effort (10, 11). L’hypertendu modéré pourra bénéficier d’un entraînement en endurance à une intensité de 50 à 60 % de ses capacités maximales ou de sa consommation maximale d’oxygène. En cas de nécessité, les médications utilisées seront celles qui respectent le mieux les capacités fonctionnelles (inhibiteurs calciques et/ou inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Si la pratique des compétitions est autorisée chez le sujet très motivé, la prescription de produits classés “substances interdites” sera évitée. Il s’agit ici principalement des bêtabloquants classés comme “tranquillisants” dans certains sports (tir, golf...) et des diurétiques classés comme produits “masquant” d’autres produits interdits. En cas de besoin absolu, leur prescription peut se faire avec un certificat qui tiendra lieu de justification thérapeutique. Le coronarien Il sera évalué sous traitement médicamenteux lors d’une épreuve d’effort à la recherche d’un éventuel seuil ischémique à respecter. Un enregistrement holter, incluant une séance d’entraînement, précisera l’existence éventuelle d’arythmies. Ces éléments permettront d’adapter, si nécessaire, le traitement et de définir une La Lettre du Cardiologue - n° 308 - mars 1999 LA FEMME SPORTIVE DE PLUS DE 40 ANS CONCLUSION Le sport après 40 ans est une affaire d’état d’esprit. Il n’y a pas de limitation d’âge ou de “niveau minimum” pour démarrer une activité physique (9). Les résultats de la pratique régulière d’activités physiques sont toujours au bénéfice du sportif par rapport au sédentaire, que ce soit en termes de morbimortalité ou de confort de vie. Il convient simplement d’adapter l’intensité des efforts aux capacités de chacun, avec l’aide d’un praticien concerné par cette démarche. Ce raisonnement est encore plus vrai pour le sujet porteur d’une cardiopathie. ■ 27 L E S P O R T A P R È S 4 0 A N S B I B L I O G R A P H I Q U E S 8. Rauramaa R. Physical activity and risk of cardiovascular disease in middleaged individuals : recommandations. Sports Med 1996 ; 22 : 65-9. 1. Maron B.J. Causes of sudden death in competitive athletes. J Am Coll Cardiol 1986 ; 7 : 204-14. 9. Statement on exercise : benefits and recommandations for physical activity. Programs for all Americans. Circulation 1996 ; 94 : 857-62. 2. Maron B.J. Sudden death in young competitive athletes : clinical, demographic and pathological profiles. JAMA 1996 ; 276 : 199-204. 10. Kelly G. Antihypertensive effects of aerobic exercise : a brief meta-analytic review of randomized controlled trials. Am J Hypertens 1994 ; 7 : 115-9. 3. Kannel W.B., Belanger A., D’Agostino R., Israel I. Physical activity and physical demand on the job and cardiovascular disease and death : the Framingham study. Am Heart J 1986 ; 112 : 820-5. 11. TOMHS (Treatment Of Mild Hypertension Study). JAMA 1993 ; 270 : 713- 4. Morris J.N., Clayton D.G., Everitt M.G., Semence A.M, Burgess E. Exercise in leisure time : coronary attack and death rates. Br Heart J 1990 ; 63 : 325-34. 12. O’Connor G.T. An overview of randomized trials of rehabilitation with exercise after myocardial infarction. Circulation 1989 ; 80 : 234-44. 5. Vuori I. Sudden death in master-aged exercisers and athletes. Int J Sports Med 13. Oldridge N.B. Cardiac rehabilitation after myocardial infarction. Combined R É F É R E N C E S 24. 1989 ; 10 : S97-S99. experiences of randomized clinical trials. JAMA 1988 ; 260 : 945-50. 6. Cardiovascular preparticipation screening of competitive athletes. Med Sci Sports Exerc 1996 ; 12 : 1445-53. 14. Maron B.J. Revised eligibility recommandations for competitive athletes with 7. Mitchel J.H. Classification of sports. J Am Coll Cardiol 1994 ; 24 : 850-64. 15. 26th Bethesda conference. Med Sci Sports Exerc 1994 ; 26 (Suppl. 10). cardiovascular abnormalities. J Am Coll Cardiol 1994 ; 24 : 848-50. Voir autoquestionnaire p. 35 Parce que votre abonnement nous engage : P OURQUOI VOUS ABONNER ? ◆ à être plus indépendants ◆ à être plus performants ◆ à être plus innovants Parce que notre revue est engagée depuis toujours dans la FMC* : ◆ comité de lecture permanent ◆ rubriques : mise au point, dossier, diapotexte ◆ “cahier FMC” numéro thématique, guides pratiques ◆ diaporamas - réunions régionales ◆ charte du rédactionnel du Syndicat National de la Presse Médicale et des professions de Santé ◆ grille d'auto-évaluation * Pour votre information, les critères d'accréditation n'ont pas encore été publiés au J.O. Parce que votre abonnement fait de vous un lecteur privilégié en vous offrant : ➭ un envoi ponctuel et régulier ➭ l’accès gracieux à nos services : * (Voir bulletin d’abonnement page 23) 28 ◆ bibliographie, annonces professionnelles, index, éditions spéciales ◆ site Internet : http://www.edimark.fr ◆ E-mail : [email protected]