cité de la musique - Philharmonie de Paris
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cité de la musique - Philharmonie de Paris
cité de la musique notes de p r o g r a m m e janvier - septembre 1995 Ouverture Janvier 1995 : la cité de la musique ouvre ses portes. J'ai envie de dire : sur l'avenir. Car c'est bien sur une autre façon de vivre la musique que s'ouvrent les lumineuses perspectives dues à Christian de Portzamparc: vivre la musique comme nous devons la vivre à la veille de l'an 2000 : sans barrières, d'aucune sorte. Musiques symphoniques, baroques, de chambre, d'aujourd'hui ou du monde, création contemporaine, art lyrique, jazz : toutes les musiques y auront leur place. Artistes, musiciens, chercheurs, spectateurs, maîtres, étudiants, artisans, promeneurs et surtout jeune public : tous y seront chez eux. C'est bien d'une véritable "cité" qu'il s'agit : la salle des concerts modulable, le musée de la musique, s'accordent aux partenaires et résidents que sont le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, l'Ensemble Intercontemporain, l'Institut de Pédagogie Musicale et Chorégraphique (IPMC), la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique (SACEM) - la Société pour l'administration des Droits de Reproduction Mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs ( S D R M ) , le C e n t r e de D o c u m e n t a t i o n de la Musique Contemporaine (CDMC). Bien au-delà du rite, certes difficilement remplaçable, du concert, cette promiscuité démultiplie l'offre musicale. Des formules novatrices rendront accessible à tous la richesse de la programmation. Des cycles de conférences, des séminaires, des académies musicales, des week-ends à thème, des répétitions publiques, seront autant d'entrées à la cité de la musique. Dès cet été, le musée, déjà ouvert aux chercheurs, scientifiques, facteurs d'instruments, proposera au public un parcours original à travers quatre siècles d'histoire de la musique. U n e ligne de produits éditoriaux nouveaux, sur supports numériques et interactifs, sera développée en partenariat avec le Conservatoire. Le Département de pédagogie, qui se met en place autour de l'IPMC, sera pour tous les enseignants l'instrument inédit d'un dialogue permanent. La salle m o d u l a b l e , le musée en action, le centre d'information : dans cette cité, la musique est vie, découverte, échange. Le projet qu'elle sous-tend est de portée nationale : il s'agit, fondamentalement, de faire évoluer le rapport social à la musique, et de créer un équilibre nouveau, prioritaire pour le Ministère de la Culture et de la Francophonie, entre la pédagogie, la pratique et la recherche. Puisse cet ensemble contribuer à réunir toutes sortes de publics autour de la musique, souvent coupée de la sensibilité de larges couches de la population, singulièrement les plus jeunes. Jacques Toubon Ministre de la Culture et de la Francophonie musiques du Maghreb du jeudi 19 au dimanche 22 janvier 1995 Autant le Proche Orient arabe a subi au cours de ce siècle, les remous d'un modernisme qui a littéralement transformé sa musique, la faisant passer de la tradition aux rénovations souvent faciles voire audacieuses, autant les pays d'Afrique du Nord en sont restés à l'écart. Ils ont été beaucoup moins sensibles aux turbulences, malgré les nombreuses tournées entamées par les musiciens du Proche-Orient venus instiller un souffle de renouveau. Ce fait est d'autant plus étonnant que cette aire géographique est à quelques encablures des rives nord de la Méditerranée, et que le colonisateur, y avait marqué sa présence par une vie musicale très active. Des orchestres symphoniques créés sur place animaient la saison en y interprétant tant le répertoire classique ou romantique occidental que contemporain (A. Honegger). Des opéras comme celui d'Alger conduisaient régulièrement la saison musicale. Des conservatoires créés sur la fin du siècle dernier, dispensaient l'enseignement de la technique occidentale et constituaient des tremplins rêvés. Seule l'attraction du music-hall a fait quelques émules dans les années trente, et plus particulièrement en Tunisie, où l'on voit apparaître une génération d'artistes qui ne craint pas de s'affranchir des canons traditionnels, pour se lancer dans la chanson arabe de variétés. Quoiqu'il en soit ce phénomène reste une énigme dans l'évolution de la musique d'Afrique du Nord au XXème siècle. Plutôt que d'œuvrer vers la recherche d'un répertoire nouveau, malgré les rares tentatives contemporaines que mène par exemple, le jeune tunisien Anouar Brahem, cette région s'est sensiblement attelée à la mise en valeur de formes musicales abandonnées, oubliées, dispensées dans les cafés, à l'occasion des mariages ou végétant dans les provinces. Elles se sont lentement transformées en valeur culturelle, du moins c'est ce que l'on ressent à première vue, du bilan qu'on est en mesure de dresser. Bien sûr on doit cette action à certains esprits éclairés qui dès le début de ce siècle ont compris l'enjeu que pouvait représenter la musique traditionnelle. Le Baron Rodolphe d'Erlanger en Tunisie, Jules Rouanet en Algérie, Alexis Chottin au Maroc ont tous trois oeuvré pour la sauvegarde de la musique locale savante ou populaire. Leur message a été repris sur place par l'homme de lettre marocain Mohamed El Fasi, le chanteur algérien Mahhieddine Bachetarzi, le musicien tunisien Saleh el Mahdi. Eux aussi ont compris l'impact que représentait un art autonome. En 1928 était organisé à Rabat les journées de la musique marocaine qui ont permis de jeter des structures nouvelles : enseignement de la musique traditionnelle selon des méthodes à inventer au sein d'écoles qui restaient à créer. En 1939 se déroulait toujours à Rabat, un congrès international de musique qui recommandait l'étude des traditions du pays, la transcription en notation occidentale, le souci d'évaluer les composantes musicales de la nation. Plus de cinquante ans plus t a r d , le paysage s'est considérablement modifié. L'arrivée de la radio puis de la télévision, la création de ministères de la culture ont radicalement changé les habitudes. La naissance et la multiplication de festivals de musique en Tunisie, d'associations musicales en Algérie, dont l'une des plus récente Es-Soundoussia créée en 1986, sont venus démocratiser un répertoire, comme l'arabo-andalou, qui a pu être à maints égards taxé d'élitisme. Il n'empêche que cet art s'est perpétué à travers des voix traditionnelles, comme la colporte à l'heure actuelle, Khaznadji à Alger. La mise en valeur de genre nouveau, comme le chaabi algérien, le malhûn marocain, a suscité des engouements qui se prolongent internationalement comme en témoigne la carrière d'un Toulali. La montée des minorités et la découverte des musiques en langue berbère sont venus s'implanter sur l'échiquier, lui insufflant une couleur nouvelle dont Idir représente, dans le domaine de la chanson, une figure de proue. Enfin l'éclatement de la musique et la naissance de publics divers est un des phénomènes marquants de ces dernières années. Il y a un public particulier pour Nass El Ghiwan au Maroc ou le raï en Algérie. Tout ceci manifeste de grands bouleversements : ils sont dus surtout à une révolution sociale et moins musicale, dans la mesure où, et malgré les innovations techniques empruntées à l'Occident, la musique d'Afrique du Nord, en dépit des remous qu'elle traverse, reste fidèle à elle même, et à son public. Christian Poché jeudi 19 janvier 1995 20h - salle des concerts Ateliers de percussions arabes Rachid Belgacem, derbouka et les musiciens du groupe Dicotyledone Xavier Charles, clarinette René le Borgne, percussions Camel Zekri, guitare acoustique Collège Bergson Mme N'Guyen, professeur de musique Kouta Coulali Thierry Faifort Anaïs Henri Chany Le Hennaff Lydia Lorenzi Collège Méliès Mme Lyzwa, professeur Sadok Baroudi Mâher Chaban Fahd El Mimouni Virginie Ferron Aliénor Girbes Patricia Jan Inès Khamira Lamine Niang David Sagroun David Dahan Nadine Gaché Stéphane Laurent Rudi Lelouche Walid Medfay de musique Bouabdellah Benamara Ali Dangho Mohand Fenniche Carole Ferry Mohand Hamouche Laurent Kamoun Laurent Latif Azdene Ouahabi ...Le tambour enjôle l'oreille, et pourtant, ce n'est qu'une main qui frappe une peau... Muhamed El-Id Hammu Ali La Derbouka, répandue depuis des siècles dans une aire géographique allant du croissant fertile jusqu'aux rivages atlantiques du Maghreb présente dans les folklores de nombreux pays d'Europe orientale (Grèce, Yougoslavie, Albanie) par le biais de l'influence t u r q u e , représente aujourd'hui pour cent millions d'arabes l'instrument populaire par excellence. L'atelier organisé dans les collèges Bergson et Méliès, a pour objectif une présentation approfondie de la derbouka, au travers des rythmes du répertoire classique et populaire (ex: Fezzani, Barouel...) et un développement des réelles possibilités rythmiques, mais aussi mélodiques de l'instrument. Ce concert-rencontre à la cité de la musique avec les musiciens du groupe Dicotylédone permettra d'accroître l'intérêt de cet instrument vis-à-vis de ces jeunes élèves. Rachid Belgacem Dicotylédone : n.f. et adj (gr Kotulédon, Lobe) plante dont la graine contient une plantude à deux cotylédons. Calme et nerveuse... la musique de Dicotylédone est un voyage de regs en ergs, de rivières en océans. Un périple basculant où se mêlent bruits et odeurs. vendredi 20 janvier 1995 20h - salle des concerts Tunisie Groupe Anouar Brahem Anouar Brahem, oud François Couturier, piano Bechir Selmi, violon Jean-Marc Larché, saxophones Richard Galliano, accordéon Palle Danielsson, contrebasse Jon Christensen, batterie dans le cadre de la Saison tunisienne, avec le soutien en France du ministère des Affaires étrangères / Association Française d'Action Artistique (AFAA) et du ministère de la Culture et de la Francophonie / Département des Affaires Internationales (DAI). Commissaire général : Frédéric Mitterrand avec le soutien en Tunisie du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Culture et de l'Agence tunisienne de Communication extérieure. Commissaire général : Raja Farhat Anouar Brahem Visage fin, de grande sensibilité, économe dans son mouvement, le jeu d'Anouar Brahem, sur le luth arabe al-cûd, reste marqué d'une personnalité intense mais revêtue d'un calme olympien. Finesse et virtuosité demeurent au service de la musique et en sont les nerfs moteurs. Il est né en 1957 dans le quartier populaire de Halfaouine, dans la médina de Tunis. Sa technique doit cependant à la tradition musicale turque à laquelle le jeune musicien est tout aussi attaché que respectueux comme l'est de son côté la tradition tunisoise. Cette technique se ressent dans la recherche sonore, qualité faite de moelleux et de profondeur, d'absence de la résonance du plectre : elle caractérise l'esthétique égyptienne. La Tunisie se maintient ainsi dans l'héritage turc qu'elle n'a cessé d'admirer et au fait que l'un des premiers Beys, fondateur au XVIIIe siècle de la dynastie huseinite, Rashîd Bey turc de naissance, fut un mécène avisé et un rénovateur de l'art musical arabo-andalous. Anouar Brahem est l'élève du joueur de luth Ali Sriti dont la révélation dans son propre pays, n'a été que tardive. Anouar Brahem a joué en duo avec son maître. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le jeu du disciple s'avère plus traditionnel que celui du maître, bien que parallèlement Brahem ait cherché à s'imposer dans ce type de rencontre musicale que l'on appelle fusion. Elle a permis à maint musicien oriental d'échanger de manière féconde avec un artiste de l'Occident. Son improvisation instrumentale qui l'apparente à l'art du taqsîm lui imprime davantage l'aspect d'une pièce de composition qu'elle ne le rapproche d'une forme libre de développement. Il s'agit davantage d'une rénovation dans l'esprit classique que d'une transformation moderne de son art. Sans doute Brahem appartient à cette aire musicale d'Afrique du Nord beaucoup plus respectueuse de la tradition musicale qu'on ne le pense. Toutefois sa démarche est d'instaurer dans la musique tunisienne une direction instrumentale autonome, séparée de la voix humaine, base de la musique arabe. Ce n'est pas simplement un artiste né, mais un musicien choyé. Adulé. La coqueluche de son pays. Il est sollicité de toutes parts. N'a-t-il pas même composé la musique du film Halfaouine, de Farid Boughedir, reçu en 1985 le grand prix national de la musique. Brahem est aussi un artiste voyageur qui a roulé sa bosse un peu p a r t o u t , choisissant Munich pour lieu de ses publications discographiques. Il représente à l'heure actuelle la réussite d'un rêve, celui d'arriver à faire une musique authentique qui transcende les modèles techniques en accordant l'essentiel à l'expression. Brahem improvise donc sur son instrument, le oud, qui n'a plus de secret pour lui. Il fredonne aussi lorsqu'il est emporté par sa passion. Façon d'intérioriser son art. C'est toutefois une couleur nouvelle qu'il ajoute au timbre de son instrument. Mais son souci premier est également de se mettre à l'écoute d'autres musiciens : on l'a vu ainsi croiser sa palette musicale avec le saxophoniste Jan Garbarek, avec les tsiganes turcs, les frères Erkose ou Manu Dibango. Il est souvent en compagnie de musiciens de jazz. C'est sous cet aspect qu'il se présentera à la cité de la musique. C. P. . samedi 21 janvier 1995 I6h30 - salle des concerts Maroc Le Malhûn de Meknès El Hadj Houcine Toulali et son ensemble El Hadj Houcine Toulali, chant et luth Abdellah Ramdani, chant et taarija Abdelhadi Bennouna, taarija et chœur Said El Meftah, violon Mostafa Niya, derbouka Mohammed Farsi, taarija et chœur Mohammed Bensaïd, handka et chœur El Hadi Sebti, violon Ahmed Agoumi, souissen El Hadj Houcine Toulali Le terme malhûn ou malhoun, dérive du verbe lahana et de son substantif lahn. Ce dernier colporte une double signification : celle de faire des fautes de langage en parlant et à l'opposé, d'inventer des mélodies. Ces deux sens qui s'opposent à première vue, ne sont pas entièrement incompatibles. Ils seraient à la base de la signification de la musique chez les Arabes et expliqueraient en partie le mécanisme des interdits jetés à l'encontre de cet art . Ils ont souvent secoué l'histoire de cette civilisation. A vouloir allonger les voyelles des mots, on s'achemine vers leur dislocation sémantique. D'un autre côté, c'est se prédisposer au chanté, dans la mesure ou la musique arabe est essentiellement vocale. Chanter, c'est risquer de déformer le langage et verser dans l'incompréhensible qu'il faut éviter à tout prix, car il relève de forces obscures. On ne saurait dire si le genre populaire marocain, essentiellement réservé aux hommes, le malhûn est issu de cet antagonisme. On trouve pour la première fois le terme de malhûn énoncé dans un poème du XVe siècle et il détient peu d'informations historiques quant à son origine et sa nature, mais il est essentiellement marocain. De nos jours, il s'agit d'un genre citadin confiné à certaines villes, comme Meknès. Il consiste à grouper autour d'un chanteur soliste qui peut s'accompagner d'un luth, un petit groupe d'instrumentistes à la fois chanteurs qui lui répondent (harba). Les instruments principaux du malhûn sont avant tout le petit tambour à une peau en forme de calice que l'on nomme tarija ou tacrija. Il peut s'en trouver à plusieurs exemplaires au sein de l'ensemble. Ces minuscules tambours en poterie que l'on agite de la main sont à la base de cette musique qui par sa nature est donc une musique mesurée et non point improvisée malgré la courte introduction qui ouvre le parcours et se déroule de manière libre. L'ensemble du malhûn fait également appel à un petit luth à deux cordes le suisen. En outre viennent se greffer des violons ou altos occidentaux joués cependant à la manière marocaine. Le répertoire du malhûn consiste à chanter la qasîda, qui dialectalement se prononcent qsîda. A l'origine la qasîda est le poème monorime par excellence de la culture arabe rédigé en langue classique. Le malhûn s'en sépare en ce qu'il lui confère une portée dialectale et donc plus directe. Le répertoire du malhûn est basé sur des mélodies, formant des thèmes, construits sur des modes musicaux dont certains sont diatoniques et donc font partie du répertoire arabo-andalou, d'autres s'en séparent laissant apparaître l'intervalle de trois quart de ton- La modulation est autorisée au sein d'une même qsîda. Les poèmes chantés sont de thématiques diverses, allant du sacré au profane. Le malhûn, très prisé au Maroc, a été révélé hors de son contexte par des enregistrements et surtout par la personnalité de El Hadj Hocine Toulali. Ce dernier est né en 1924 dans un quartier périphérique de Meknès. Dès 1945, Toulali se rapproche du malhûn, en fait son cheval de bataille. En 1959 il enregistre sa première qsîda et depuis le nombre de ses cassettes ne se comptent plus. Il a également gravé des disques compacts. Toulali est à l'heure actuelle le défenseur le plus sollicité de ce genre. Bien que populaire, le malhûn est un art d'intimité dont l'aspect nostalgique l'emporte quoique la réponse du choeur le dote d'un élan de générosité et de puissance qui fait la force de la musique marocaine. C.P. LE CHANT MALHUN Texte I : Poème de Fadhma [Refrain] Aie pitié de moi, ô repos de mon âme, afin qu'en retour Dieu te prenne en pitié, Tu t'es détourné de moi et mon mal s'éternise, Comment peux-tu me laisser dans les tourments alors que tu t'amuses ? De grâce, sois magnanime, ô belle Fadhma. [I] 1. 2. 3. 4. 5. Amour, Tendresse, Sentiments et Passions Se sont ligués contre moi avec la fougue de la jeunesse, Comme des guerriers, chacun a conquis sa place Dans mon âme, à cheval Et en armes. 6. De leurs lances, ils me portent coup sur coup, 7. Tous unis contre mon coeur blessé. 8. A peine m'a-t-elle conquis que la belle me relègue dans l'oubli. [Il] 9. 10. 11. 12. 13. Comment aurais-je pu croire, noble dame, que tu me traiterais ainsi ? Pourquoi tourmenter ton amant, Qui te baise les pieds, Et se soumet à la loi De ton amour ? 14. J'ai perdu à t'attendre des années de ma vie, 15. Destin étrange et insensé : 16. Je demande à obéir et m'en vois injustement puni ! [III] 17. 18. 19. 20. 21. De grâce, ai pour l'esclave un regard de pitié, Tu vis heureuse, indifférente Fadhma, Pendant que moi je dépéris ! Dois-je rester oublié Sans l'avoir mérité ? 22. 23. 24. Aurais-tu cessé d'entendre Pour rester ainsi sourde à mes appels ? Ah si tu pouvais me revenir d'un coeur sincère Et me laisser te servir humblement ! [IV] 25. 26. 27. 28. 29. Avare Fadhma, même en paroles : Je ne reçois de toi ni messager ni message ! Ton coeur est donc insensible ? Bourreau Duquel mon amour m'interdit de me plaindre. 30. 31. 32. Au fond de mon coeur il attise ses braises. De grâce, apaise ce feu brûlant, Avec les baisers de tes lèvres à l'ocre parfumée. [V] 33. 34. 35. 36. 37. Reverrai-je un jour ta souplesse d'étendard, Cette silhouette sur laquelle se modèlent le jasmin et la myrte ? Et ta chevelure au noir profond, Comme si un corbeau y avait posé les ailes ? Et l'éclat 38. 39. 40. De ton front, dont la lumière sublime Fait s'évanouir ma peine, Les nûn à la courbure profonde de tes sourcils,et tes cils langoureux? [VI] 41. 42. 43. 44. 45. Tes yeux sont des coupes de vin enivrant, Quiconque en a goûté perd la raison. Tes douces joues sont parfumées, Comme deux rosiers fleuris sous les frondaisons Exhalant leurs effluves. 46. 47. 48. Ton nez, un oiseau qui emporte dans son vol mon sommeil, Tes dents plus belles que des perles de nuage Ton cou, une gazelle effrayée par les chasseurs. [VII] 49. 50. 51. 52. 53. Aime-moi comme je t'aime, je t'en supplie ma belle, Un jardin me baigne d'une brise bienfaisante Lorsque que j'aperçois ton visage radieux. Sois ma maîtresse, prend moi pour esclave ! Un jour jadis elle m'avait dit : 54. 55. 56. "Pour serviteur, je t'accepte à vie. Je te désaltérerai Et jure, par ma foi, de verser en ton honneur assez de coupes pour étancher toute soif ! " [VIII] 57. Je voudrais faire un tapis de ma joue 58. Et demander à Fadhma d'y poser les pieds, 59. Je lui dirais, à elle qui sait guérir mon mal, 60. D'exiger de moi 6 1 . Tout ce qui lui plaira. 62. 63. 64. Ah, si elle pouvait être ici, auprès de moi, Invisible aux chaperons Et aux jaloux, tandis que la nuit installerait pour nous son camp protecteur ! [IX] 65. 66. 67. 68. 69. 70. Telle l'étendard du Prophète, la beauté drapée m'est enfin revenue, Décidée à me sauver de ma peine. Vêtue de ses voiles les plus beaux, elle est entrée, souple et tendre tige de jasmin. Quand j'ai vu surgir sa splendeur, Incrédule, je me suis écrié : "Suis-je bien éveillé ou en train de rêver : il y a un instant, le soleil brillait au firmament, 71. 72. 73. Le voilà soudain dans ma maison, Sous apparence humaine !" Et ma belle de s'exclamer, riant à en tomber par terre : "Mais oui, c'est moi, la belle Fadhma !" 75. 74. 76. Et tandis que je goûtais du vin de sa présence, Je la pris à témoin de mes souffrances et mes errances Je m'émus de la voir rougir de honte entre mes bras ! 77. 78. 79. Rasséréné, je rayonnais de bonheur, Et ma luxuriante belle, Ses bras tatoués nus, m'exprimait en poèmes, la beauté de ses sentiments. 80. 81. 82. Il est dans ma nature de me faire du pardon une vertu, [...] T o u t au long de ma nuit je me suis raconté, pour qu'elle sut tout de mes sentiments secrets. 83. 84. 85. Transmetteur, je te confie les subtilités de mes oeuvres, Plus raffinées que la soie de Damas, Je te donne un art sans égal à notre époque, unique par son éloquence. 86. 87. 88. Laisse à leurs égarements les sceptiques, Ne les gratifie jamais de mes paroles, Transmet mon salut aux seuls gens de la science, laisse à leurs divagations les veules et les ignares. 89. Je m'incline devant ceux qui reconnaissent la valeur de l'art et je les salue, 90. A la fin de mon ouvrage, je brode mon nom : 9 1 . Driss Ben Ali al-Malki, l'obsédé d'amour pour la belle Fadhma. Texte II : Poème de la chandelle [Refrain] Par Dieu, chandelle, réponds-moi : Qu'as-tu à pleurer la nuit autant que dure ta flamme ? Chandelle, pourquoi pleures-tu tout au long de la nuit ? Pour quelle raison te prépares-tu à pleurer tous les soirs ? Pourquoi passes-tu toute la nuit en lamentations ? Quelle cause fait des larmes ta maladie ? Pourquoi restes-tu comme moi éveillée dans les ténèbres ? Comment es-tu devenue cette pleureuse sans pareille ? Qu'est-ce qui te fait pleurer, et pourquoi les larmes comme recours ? Pourquoi si diminuée, davantage même que je ne le suis ? Pour quelle raison pleures-tu sans arrêt et. sèmes-tu le trouble dans les coeurs• ,sensibles ? , , Qu'as-tu à laisser couler tes larmes comme la pluie ? Pourquoi pleurer, toi si enviable ? Comment es-tu devenue aussi sensible qu'un homme de coeur ? En te voyant si pale, de pitié mon ame palit, . ' de ta mèche augmente ma langueur. Et la cendre [II] Par Dieu, je te supplie de me dire ce qui t'est arrivé, Pourquoi pleurer sans cesse ? Quelle est ton histoire et quel est ton mal ? Quelle douleur te mine ainsi Et te fait de tes larmes une écorce ? Avec amis, avec ennemis, tu passes tes nuits en pleurs. 2 1 . A moi, tu peux confier tes secrets sans crainte, 22. Je saurai écouter ton histoire, 23. Et à mon tour je te dévoilerai la mienne, elle dépasse la tienne par son étrangeté. 24. Ô chandelle, si j'en venais à te raconter ce qui m'est arrivé, 25. Tu oublierais tes mésaventures pour écouter l'interminable extravagance de la mienne ! 26. Si ta flamme est la cause de tes larmes, en moi flambent des brasiers, 27. Plus brûlants que n'importe quel feu. 28. Si la cause en est un mal, vois à quoi m'a réduit, 29. En une nuit, le mal d'amour ! 30. Mais si ton mal est l'exil, moi, je suis coupé de mes attaches, 3 1 . Je souffre de la séparation en silence, car comment consoler qui a perdu la moitié de lui-même ? 32. Pourquoi es-tu ainsi, dis-moi les raisons et les causes, 33. Au contraire de moi, aucun ami, aucune amie ne t'a abandonnée ? 34. On pourrait attribuer tes larmes aux rigueurs de l'hiver, 35. Ou aux ravages d'une razzia nocturne. 36. Ou as-tu le mal du pays, qui me prend quelquefois, 37. Cette nostalgie pour tant de tribus arabes fidèles au message de l'Élu ? [III] 38. Par Dieu, dis-moi ce qui t'atteint, 39. Qui est la cause de tes épreuves, 40. A moi tu peux tenir ton discours et je l'entendrai. 4 1 . Seuls les ignorants pourraient être troublés par ton langage, 42. L'amoureux, lui, saura apprécier la beauté de ton chant, 4 3 . Il se reconnaîtra dans l'air de ta complainte. 44. Ô si tu pouvais être un corps capable de dire ses douleurs ! 4 5 . Si des larmes pouvaient rougir tes paupières ! 46. O si tu pouvais avoir une bouche pour crier ta peine ! 47. Avec le langage de son état, je l'ai entendu me dire : 4 8 . Ô toi qui me questionnes, qu'il te suffise de savoir qu'à ma source était l'abeille, 49. J'étais dans une province puissante et j'y avais mes guerriers, 50. Des tribus ailées au parler à nul autre pareil ! 5 1 . Elles édifiaient des palais dont chaque tour était garnie, 52. Elle approvisionnaient le rucher des dons de Dieu en abondance. 5 3 . Elles s'y retiraient à l'abri, comme des rois, en hiver, 54. Aux jours de printemps, elles les quittaient pour des jardins en fête. 55. Des incendiaires sont venus attaquer mes héros, 56. Ils ont laissé mon royaume en ruine, après sa gloire. 57. Ils m'ont mise à la presse pour extraire mon miel, 58. Connaissant ses vertus pour leurs corps malades. 59. De mes rayons, ils ont extrait ma cire, ô toi qui m'écoutes, 60. Saches que mon destin est long à conter. [IV] 6 1 . Pour se servir de moi, ils ont inventé mille façons, 62. Je fus détruite, réduite à rien, 63. Une armure d'acier même ne m'aurait pas sauvée ! [...] 70. Autour de la mèche il ont enroulé ma cire, 7 1 . Et voilà comment, la mèche allumée, je me consume malgré moi. 72. Je me répand en rigoles, 7 3 . Je m'égoutte sur le bougeoir. 74. Quand je pense à mon royaume, mon éloignement augmente ma douleur, 75. Quand je pense aux soirées de fêtes, je sens que le temps de mes chaînes ne fait que commencer. 76. Quand je pense au pressage, après la dispersion et l'exil, 77. Je me dis que les larmes me sont un devoir, après tout ce que j'ai enduré. 7 8 . Il me faut pleurer ma déportation et ma solitude, 79. Mes proches ont renoncé à moi et mon salut est improbable. 80. Après tant de tourments, comment rester indifférente ? 8 1 . A mon cruel supplice il n'est pas de remède ! 82. Combien ai-je subies d'avanies, le feu n'est que la plus récente, 83. Sa brûlure peu de chose et la mort une moindre épreuve. [V] 84. Parles-en aux gens de coeur, toi qui es séparée des tiens, 8 5 . Et des tribus ailées, tes partisans, 86. Ils t'apprendront que chez eux, tu es parmi tes proches ! 87. Leur discours ne pourra que te réjouir. 88. Ta présence leur être de bonne augure, 89. Et ta clarté les émouvoir. 90. Grâce à toi, ils veillent dans le noir, 9 1 . Et quand ta flamme s'éteint, 92. Il faut se séparer, on se soumet à ton ordre. 93. 94. Pourquoi te désoler, chandelle tant estimée, Quand toute fête exige ta présence ? 95. 96. Chandelle, tu passes les nuits en oraisons dans tous les sanctuaires, Dans combien de lieux saints n'es-tu pas allumée ! 97. 98. Chandelle, tu veilles auprès des riches et des puissants, A ta lumière s'échangent les fortunes. 99. Chandelle, tu éclaires les veillées des amants, 100. A l'amoureux tu révèles les splendeurs de sa maîtresse. 101. Chandelle, tu veilles dans les lieux où les croyants se prosternent, 102. La Nuit du Destin, tu éclaires au récitant le Livre révélé. 103. Continue, chandelle, à pleurer au plus noir de la nuit, 104. Tandis que je verserai des larmes sur mes péchés d'ici bas. [VI] 105. Réjouis-moi avec tes inventions inspirées, ô poète à la langue parfaite. 106. Qu'on me rapporte de tes histoires encore et encore, 107. Que seuls peuvent comprendre ceux qui ont subi notre sort. 108. J'admets que mon feu n'est rien face à ta souffrance, 109. Tous mes secrets n'égalent 110. Qu'un seul de tes tourments. 111. Que peuvent contre toi ceux qui doutent de tes trésors ? 112. Ton étalon est fait d'or pur, 113. Ne l'ignorent que ceux qui n'ont pas fait appel à tes remèdes. 114. Pourtant, lui ai-je répondu, nombreux ceux qui m'ont nié dans mes oeuvres ! 115. Et combien de jouteurs s'acharnent encore à me chercher querelle ! 116. J'ai à leur opposer les témoignages de bien des beaux esprits, 117. Qui me reconnaissent finesse et noblesse d'expression. 118. Si mes détracteurs éprouvaient mes propres tourments, 119. Ils sauraient reconnaître la justesse de mes mots et leur coeurs en seraient touchés, comme par les vertus de la foi. 120. Les vrais maîtres de la parole ont disparu, 121. Seul subsistent des prétentieux ignares. 122. J'aime encore mieux le silence que leurs propos insensés, 123. Qui n'apportent rien à personne, sinon des bassesses. 124. Je dédie mon salut aux vrais créateurs, éternel comme le parfum de Galia, 125. De roses, d'églantines et de fleur d'oranger. 126. Que mon nom soit énoncé en clair dans mes registres : 127. Mohammed al-Charif Ben Ali, dit Ould Arzin, ce sont là mes racines. * * * Texte III : Poème de l'ingrate [refrain] Va, ingrate, Puisses-tu vivre de longues années de misère, Et porter les stigmates de ton infidélité, Toi qui as trahis ton amour ! [I] 1. 2. 3. 4. Je prends Et souffre Sans rien Ni du feu mon mal en patience en silence, montrer de mon trouble, qui me brûle. 5. 6. 7. 8. Tout au long de la nuit le sommeil me fuit, Mes soupirs raniment les meurtrissures du coeur, Je suis l'ombre de moi-même : A mon mal, il n'est pas de remède. 9. 10. 11. 12. Il est inutile de vouloir cacher la vérité, Mon secret est éventé, Offert à tous les regards, Et moi qui croyais l'avoir bien gardé ! 13. 14. 15. 16. Le coeur rempli de haine, Tu demeures insensible, ajoutant le dédain, A mes égarements déjà grands : Un jour viendra, où tu recevra le prix des tes forfaits ! [II] 17. J'ai été pour toi un compagnon franc et fidèle, 18. Tu sais combien je suis sans arrière-pensée. 19. Tu prends plaisir à te rendre insupportable, 20. Alors que ne je cherche qu'à obéir à mon destin. 2 1 . Attends-toi à ce que ton emportement, 22. Te mène à ta perte pour avoir péché contre moi ! 23. 24. 25. 26. Puisses-tu ne plus jamais retrouver la paix, Toute ta vie mes plaintes te poursuivront, Partout tu en redoutera les embuscades, Le chacal lui-même s'en effrayera ! 27. Je suis de ces hommes loyaux, 28. Loués pour leur qualités. 29. Toujours fidèles, 30. Même dans un monde de traîtrise. 31. 32. 33. 34. Je t'ai vu arriver toute enflammée, Séduite par des vaniteux, Godelureaux superficiels, Introuvables au jour de l'adversité. 35. 36. 37. 38. Mais patience, Arrive toujours le temps où le puissant déchoit, Puni de son arrogance. Tout édifice bâti sur la trahison finit par s'écrouler ! [III] 39. 40. 41. 42. Je te Pour Mais Sans supposais trop de raison, t'abaisser à pareille compagnie. te voici la dupe d'avares, hâbleurs foi ni loi aucune. 4 3 . Tu préfères grandir un être vil, 44. Et me châtier sans cause. 45. 46. 47. 48. A la satisfaction de mes ennemis, Tu as m'as abandonné, belle aux paupières fardées. Égarée par Satan, Jamais tu ne retrouvera un ami comme moi ! 49. 50. 51. 52. Tu aura beau faire le tour du monde, Écumer les campagnes et les villes, En vain tu cherchera mon égal, prêt à tout donner. 53. 54. 55. 56. J'offre à mes convives le plus précieux de moi, Et mes biens les plus rares. Pour la présence de mon aimée, J'accéderais à ses moindres caprices. 57. 58 59. 60. Sans regarder à la dépense, J'accueille avec discrétion et bonhomie Et paye volontiers le prix Afin d'offrir le meilleur à mes hôtes. [IV] 6 1 . Le retour dans le droit chemin est interdit 62. A celui qui est dans l'outrage. 63. Ton avilissement est irréparable à mes yeux, 64. La dureté de ton hostilité m'est trop amère. 65. Pire encore est la moquerie de mes ennemis, 66. Et leurs allusions blessantes. 67. 68. 69. 70. Tu en as fait des alliés Et tu m'as renié sans remords, il n'y a plus d'honneur. Ta complaisance pour ces malveillants, Me ravage le coeur. 71. 72. 73. 74. Tu attises le brasier dans lequel je brûle, tandis que tu erres sans te soucier de moi. Ton coeur, en devenant mauvais, A changé sa blancheur de lait pour la teinte du goudron. 75. 76. 77. 78. Comme disent les anciens : Qui fait le mal, mourra trahi. Tous connaissent le généreux, Qui fait le bien trouve sa récompense. 79. 80. 81. 82. Bien des jeunes beautés t'ont devancée, Aussi longtemps qu'elles sont restées jeunes, Les langues ne parlaient que d'elles, Mais elles ont grandi et l'âge est venu ! [V] 8 3 . Vas, tyran, ne m'approche plus, 84. Notre rupture est irréparable. 85. Je renonce à toi et à ta cruauté, 86. Puisque tu te complais en si veule compagnie. 87. Tes comparses ne sont ni bons, ni utiles, 88. Nous étions amis, tu te révèles trompeuse. 89. 90. 91. 92. Si tu te compares à un cheval indomptable, Au jour du combat, j'ai été ton dompteur victorieux Et j'en ai bravé tous les dangers, Aujourd'hui je renie jusqu'à ton souvenir ! 93. 94. 95. 96. Si tu te compares à un jardin, J'ai cueilli tes plus belles fleurs, Et détaché de tes branches Leurs fruits avant qu'ils ne soient mûrs. 97. 98. 99. 100. Si tu es fière de ta beauté, J'ai vécu en ta compagnie des jours enviables, Et j'ai su l'admirer Avant qu'elle ne te quitte. 101. 102. 103. 104. Lorsque nous sommes heureux, Nous vivons dans des palais imaginaires, A vitraux et à coupoles, Et ornements à l'avenant. 105. 106. 107. 108. Quand vient le temps des épreuves, Soleil et lune perdent leur éclat, Comme caché derrière poussières et fumées, Les étoiles de la nuit se dérobent à la vue. 109. 110. 111. 112. De Dieu j'attends la guérison : Puisse le Tout Puissant me sauver de toi, Je demande Son secours, Grâce à Lui, aussi dure qu'elle soit, toute peine connaît sa fin. 113. 114. 115. 116. Comme dit le sage : De qui renonce à toi, respecte la décision. Aussi longtemps que dure sa colère, Écarte-toi de son chemin. 117. 118. 119. 120. Acceptez ces strophes des plus poétiques, Oeuvre de l'habile Anjjar, célèbre Dans l'art de sertir les joyaux : Tel doit être l'ouvrage parfait. * * * Texte IV : Poème de l'orage [refrain] Amis, j'ai reçu la visite de mon aimée hier, en plein Ramadan, Et c'est comme si j'avais cueilli du miel et des roses et l'on m'a accusé d'avoir rompu le jeûne, Que ne l'ai-je fais, après tant de solitude ! N'est-il pas recommandé au malade de ne pas faire carême ? [I] 1. 2. 3. 4. Après la sécheresse, l'orage fait gronder son tambour, Sabre au clair, la foudre met en déroute la cavalerie vaincue, Le vent, cavalier intrépide, Repos pris, le voilà prêt à en découdre. 5. 6. 7. 8. L'averse attaque, étendard brandi, Ses ondées victorieuses font courir les torrents, Et mon coeur débordant, Partout où l'oeil se tourne il ne voit que verdure. 9. 10. 11. 12. Depuis les champs fleuris s'élèvent des parfums, Le printemps, roi sans rival, Aux ombrages reposants, A inventé des merveilles d'habits neufs. 13. 14. 15. 16. Joyeux entrepreneur, il dispense ses largesses : Roses, fleurs sauvages, concert de chant d'oiseaux, Dans un jardin en fête, Où l'abeille butine parmi les roses. [Il] 17. 18 19. 20. Découragé par un trop long oubli, Anéanti de solitude, mes fardeaux dispersés dans tous les pays, Aujourd'hui, que va-t-il m'arriver? Le remède est proche, mais je ne sais plus l'attendre. 21. 22. le 23. 24. Il suffirait qu'elle me regarde un instant, Pour ajouter aux douceurs de l'amitié bonheur de sa complicité. Je ne désire rien de plus, Ma passion est pure, je ne triche pas en amour. 25. 26. 27. 28. Les querelleurs n'y peuvent rien, je demeure sourd aux censeurs. Patience, ô toi que l'amour n'a encore jamais atteint, Moi, la beauté est mon unique pensée, Avec celle de l'amour, dont l'épée à versé mon sang. 29. 30. 31. 32. et Tantôt on me trouve errant sur les marchés, Tantôt conscient, tantôt distrait, à croire que je suis ivre. Amoureux, mon état est ainsi, Toi qui n'en n'es pas atteint, laisse-moi son fardeau sache qu'amour est maladie pardonnable. [III] 33. 34. 35. 36. Combien de nuits ai-je passé sans sommeil, tandis que tu dormais heureuse ! Combien de fois ai-je ravivé mes plaies, Tandis que ton coeur demeurait paisible ! Combien mes yeux ont-ils versé de larmes, A cause des peines de mon coeur affligé ! 37. 38. 39. 40. 41. 42. A combien de mes maîtres n'aurais-je pas demandé de te supplier pour moi, leurs turbans à tes pieds, Même le coeur d'un chrétien en serait attendri ! J'ai perdu ma joie de vivre et mes biens, Ne sais-tu pas que l'amoureux périt d'être délaissé ? 43. 44. J'ai beau jeter des charmes, en amour la magie est sans pouvoir, Pourtant, je ne peux m'empêcher de poursuivre ma quête, à tout instant je crois trouver l'issue, Mais je suis à bout de ruses. Dieu seul a le pouvoir de gouverner nos actes. 45. 46. 47. 48. Longtemps j'étais comme un bateau corsaire privé de capture, Que soudain une brise heureuse anime Et pousse en haute mer, Guidé par son capitaine à l'affût d'une prise. 49. 50. 51. 52. Dès que les guetteurs m'annoncent depuis le port, Les habitants de la ville sortent et me reconnaissent, Leur joie est pour moi de bonne augure : Aux marchés du luxe, les réputations s'enrichiront de mes trésors. [IV] 53. 54. 55. 56. Homme au grand coeur et joyeux , j'ai le maintien modeste dans les banquets, Subtil, ma place est parmi les maîtres du verbe, Pourtant il me faudra disparaître, Pour que me reconnaissent enfin ceux qui médisent de moi. 57. 58. 59. 60. Pur de tout défaut, on ne peut rien me reprocher. Je ne suis pas un faux dévot et n'ai jamais rompu le jeûne. Cette oeuvre n'est que le fruit de mon savoir-faire, Que Dieu me pardonne mes errements. 61. 62. Sans Sa bonté, j'aurais sombré dans un océan de fautes, Aux portes du Salut et du Pardon, en secret et à haute voix, je me repens, Tout au long de la vie, Pour mes péchés passés et ceux qui surviendront encore. 63. 64. Guide-moi, Architecte des cieux, vers la piété, Convertis mes erreurs en bienfaits et sauve moi du diable. Ne refuse pas mes prières, Ô Toi qui connais le secret des coeurs, allège le fardeau du pécheur ! [V] Transmetteur du poème, ajoute ce poids à ton chargement, Prend garde aux prétentions des plagiaires ingrats, Sache que j'ai fait enregistrer mes dires, Épée tranchante contre tout prétendant. Aux subtilités du jeu de dames, comment pourrait-il me battre ? Je tiens la "septième" et ses "chiens" sont prisonniers des coins. Sans même parler de mes pions, Mon triomphe est évident, qui prétend le contraire n'a qu'à élever la voix ! Aux cartes, je tiens les quatre "trois", Avec leurs compléments de "deux" je fait mala, et j'ai encore deux "as", Les paris sont à ma gauche, Dès qu'il sortira son jeu, je l'abats sans ménagement ! Vierge merveilleuse dont j'aime me vanter, Du jardin de Ben Sliman, elle est le rayon de miel, Où quelques-uns pourront boire de mon suc. Prend ce poème destiné à la coupe des amants. Que la bénédiction de Dieu soit, à jamais, sur les hommes d'esprit, Comme un bouquet de roses, de fleurs sauvages, d'églantines et de fleurs des jardins Aussi odorant que les parfums de Galia et de abîr, Auxquels s'ajoutent benjoin, musc et tout ce qui parfume. Quatre poèmes traduits par Hassan Jouad samedi 21 janvier 1995 20h - salle des concerts Algérie musique arabo-andalouse d'Alger : çanaa Association Artistique Culturelle de Musique Andalouse "Es-Soundoussia" entr'acte Mohamed Khaznadji et son ensemble Mohamed Khaznadji et l'ensemble Es-Soundoussia En Algérie, l'existence de la nouba, appelée à Alger sanca ou çanaa, ce qui littéralement signifie métier, se perpétue grâce aux associations musicales. Il s'agit de clubs ou de sociétés, qui à la fois dispensent des cours de musique arabo-andalouse, préparent les interprètes, montent des formations musicales et enfin organisent des concerts de ce même répertoire. L'idée d'une société musicale arabo-andalouse, dont le nombre ne se compte plus à l'heure actuelle, l'on parle de près d'un millier d'associations disséminées sur tout le territoire algérien, a été lancée pour la première fois au début de ce siècle. On la doit à l'algérois Edmond Nathan Yafil qui en 1911 fonde la première association musicale que connaît le pays. Elle portera le nom d'al-Moutribia. T o u s les artistes relevant du patrimoine arabo-andalou sont passés d'une façon ou d'une autre par une association, comme l'est par exemple Mohamed Khaznadji, l'une des plus grandes voix de l'Algérie d'aujourdui. Algérois né en 1929, Khaznadji a fait ses premières armes dans l'association al-Hayat dès 1946, avant de fonder son propre groupe. On y remarque parmi les interprètes qui l'entourent, la présence de Mohamed Bahar l'un des meilleurs joeurs de kwîthra ou kuitra algérienne , ce luth de la famille du oud, malheureusement en voie de disparition. Par le moyen des associations et de leur fondateur, on est ainsi en mesure d'identifier les maîtres qui se sont succédés et de remonter sans peine jusqu'au début du siècle. Il révèle à l'extrémité de la chaîne, la personnalité quasi légendaire de Mouzino, comme transmetteur par musicien interposé, de son art, à Khaznadji bien que, lorsque l'on compare les interprétations de chacun, un abîme les sépare, dû à la personnalité des musiciens, à leur sensibilité propre et au fait que l'art arabo-andalou a évolué. Mais ce que Khaznadji rend parfaitement, c'est le style intériorisé caractéristique d'Alger, surchargé de mélismes et d'ornementations qui tend véritablement au mysticisme. Aucune virtuosité gratuite ne se décèle ici , tout est au service de l'introspection qui correspond par ailleurs parfaitement au texte poétique : celui de la délicatesse et du raffinement d'amants pudiques. Parmi les associations musicales qui ces dernières décennies ont eu tendance à éclipser toutes les autres, il faut faire une place à part à la toute jeune Es-Soundoussia, fondée en 1986 par un musicien amateur, musicologue de renom, producteur à la radio d'Alger d'émissions sur la musique arabo-andalouse, Ahmed Sefta (1918-1989). Aujourd'hui Es-Soundoussia est l'association qui a le plus parcouru le monde faisant connaître à l'étranger, le répertoire de la nouba. La nouba comprend une longue suite chantée et instrumentée, de plusieurs mouvements allant s'accélérant. L'origine de ce genre remonte à la terre d'al-Andalus, d'où le nom d'arabo-andalou qui lui sert désormais de générique. Il existe à l'heure actuelle douze noubas complètes en Algérie et quelques unes incomplètes. Elles se caractérisent en outre par un n o m b r e impressionnant de versions différentes de mouvements, ce qui en fait un répertoire quasi inépuisable. On a pris l'habitude de jouer en concert soit des extraits de noubas, qui sont toutes basées sur la notion de mode, soit des noubas dans leur intégralité comme celle dans le mode sîkâ ou çîkâ qu'interprétera sur la scène de la cité de la musique, Mohamed Khaznadji. . C.P. • concert du 21 janvier - première partie Membres de I Association Artistique Culturelle Andalouse "Es-Soundoussia" Smain Hini, chef d'orchestre, de Musique cithare Nadji Hamma, oud Yassine Bouzama, soliste vocal et instrumental, oud Kahina Hini, soliste vocale, oud Hakima Benchikh, oud Amel Radia Nouaceur, oud Lamia Maadini, soliste vocale, oud Samia Benchikh, soliste vocale, kouitra Djalila Dris, kouitra Naguib Kateb, soliste vocal, rebeb Brahim Bakadi, violon alto Hochine Zaarir, violon alto Djamal Kebladj, soliste instrumental, violon alto Mounia Marniche, soliste vocale, violon Rabah Azzoug, soliste instrumental, flûte Saïd Taslent, derbouka Nabil Mansour, tar Youcef Nouar, soliste vocal, mandoline Moussa Haroun, mandole Samir Briedj, l u t h "Es-Soundoussia" mouvements et textes Nouba du mode Ghaib-Zidane Ouverture Instrumentale - Touchia Zidane A - 1er mouvement de la Nouba - Très lent - 4/4 Mercceder Zidane - Tehia Bikoum B - 2ème mouvement de la Nouba - Lent - 4/4 Betaihi Ghrib - Alli Ya Ghouhoud C - 3ème mouvement de la Nouba (moins lent avec les deux premiers mouvements) Derdj Zidane - Louzou Fateh - 2/4 D - 4ème mouvement de la Nouba - Rythme composé - 5/8 Nesraf Gheib - Zarni El Malih E - 4ème ouvement de la Nouba - Rythme composé - 5/8 Nesraf Zidane - Touiyari Mesrar F - 5ème mouvement de la Nouba - Rapide - Rythme 6/8 Khlass Zidane - Ama Tataki Allahm G - 5ème mouvement de la Nouba - Rapide - Rythme 6/8 Khlass Ghrib - Koulif tou Bil Badii H - 5ème mouvement de la Nouba - Rapide - Rythme 6/8 Khlass Zidane - Y A Kamil El Magharii 1er mouvement - Mercceder Zidane - Tehia Bikoum - (traduction Ahmed Sefta) Se vivifie toute terre que vos pieds foulent Comme si vous étiez des pluies pour les contrées terrestres L'oeil éprouve le désir de voir en vous l'aspect agréable Comme si vous étiez des lunes aux yeux des hommes. 2ème mouvement - Betaihi Ghrib - Ali Ya Ghouhoud - (traduction Kateb Naguib) J'ai fait le serment de n'aimer que toi et je ne laisserai aucun amour être plus grand que celui que j'éprouve pour toi Je ne me laisserai pas entrainer dans d'autres tourments; pleine de grâce quand tu te meus je suis épris de toi refrain Consumé par ton refus et ton indifférence, malgré mon jeune amour, tu seras toujours aimée et moi le mal-aimé Mais nous te verrons te repentir si tu aimais un autre que moi et la tristesse pendant longtemps t'envahira. 3ème mouvement - Derdj Zidane - Elouzou Fateh - (traduction - Ahmed Sefta) L'amandier est couvert de fleurs Il s'est coiffé de turbans Sur le sol il étale ses pièces d'argent Qu'ont-elles dit les belles ? Que cette joie demeure pour toujours Le mois de Châabane vient de s'écouler Et le mois de Ramadhan vient d'arriver Au sein de ma cérémonie, mon ami sera roi 4ème mouvement - Nesraf Ghrib - Zarni El Malih - (traduction - Kateb Naguib) La belle m'a rendu visite et la nuit se prolongea Ses joues me font penser à une pomme coupée en deux d'où se dégage un parfum merveilleux Chanceux celui dont la destinée a tourné sous des vents favorables refrain Je me suis retrouvé de longues nuits contemplant les étoiles Ce qui m'est prédit dans l'avenir, pourquoi ne le serait-il pas aujourd'hui 4ème mouvement - Nesraf Zidane - Touiyari Mesrane - (traduction Ahmed Sefta) Mon petit oiseau est plein de grâce Il ne supporte aucune violence Son bec est jaune, sa poitrine est rouge II chante à haute voix il est fait pour la fête Il a battu des ailes et s'est envolé Il a quitté les lieux pendant un moment Puis il a fait demi tour et s'est posé sur ma main La vie n'a jamais duré après moi pour personne. 5ème mouvement - Khlass Zidane - Ama Tataki Allah - (traduction : Ahmed Sefta) Ne crains-tu pas Dieu. Toi qui fait souffrir mon coeur N'ajoute pas à ma maigreur, une autre maigreur. Personne n'a agi comme j'ai agi par ignorance J'étais libre et je suis devenu esclave avili Combien de fois, je suis resté debout Près des maisons en train d'appeler. Ô, vois mes amis Sachez que l'ami fidèle s'est détourné de moi Ô, guide dans la voie du bien fait, sois pour moi un ami Toi qui préserve du trébuchement, relève-moi de mes chutes. 5ème mouvement : Khlass Ghrib - Koulif tou Bil Badir - (Traduction Kateb Naguib) Celle qui occupe mon esprit est belle comme un astre Depuis qu'elle m'a quitté, je suis l'ombre de mon ombre Mon Dieu, comme je regrette son départ j'ai perdu patience et je ne retrouve pas le sommeil. Elle a attisé le feu dans mes entrailles, dans mon coeur et a ouvert mes plaies. 5ème mouvement : Khlass Zidane. Ya Kamil El Maghanï- (Traduction Ahmed Sefta) Toi aux qualités parfaites, ma liaison avec toi est mon remède Cesse cette bouderie, mon sort est lié à toi Rends-moi visite, ô prophète, honore mon logis Tu m'as brûlé avec la flamme de la passion C'est à toi qui a commis la faute Honore ô beauté ou bien c'est à moi d'honorer Viens à moi petite gazelle Et fais ce que tu aimes, ce que tu désires mon âme est à toi, bien soumise Combien tu es douce, combien tu es chère Ton seigneur t'a élevé Souverains et monarques se plient à tes ordres Rends-moi visite ô beauté ou bien je te rendrai visite. concert du 21 janvier - seconde partie Mohamed Khaznadji et son ensemble Mohamed Khaznadji, chanteur Zerrouk Mokdad, chant, musicien en Fateh Saadi, flûte Boudjema Ferguene, cithare Mohammed Behar, kouitra Hamid Khedim, chant, violon Hacene Benchoubane, mandoline îe Belkacem Si Saber, percussion Arezki Saïdi, percussion Mohamed Khaznadji textes des chants Mode Sika Première partie de chants après la touchia (ornement, improvisation) Mon corps est tourmenté. Je me plains du doute qui me terrasse et mon coeur je m'en plains. Partagé entre l'Orient et l'Occident, je n'ai vécu longtemps qu'en vivant caché aux yeux de la colombe qui ne trouva point mon refuge. Et si Dieu m'avait prolongé la vie comme il a fait jadis pour Noé, je l'aurais échangée contre une heure passée à tes côtés et cela m'aurait suffit. J'ai goûté ta sève entre tes lèvres. Pour moi, il m'est plus cher pour tes faveurs, je donnerai mon sang, ma vie et mon temps sur cette terre. Mode Sika Premier mouvement - (chant Khaznadji) Oh! bonnes gens, je demande l'indulgence Regardez ce qu'il advient de moi. Je ne cesse de maigrir, tourmenté, égaré. Adorant cet astre, cette étoile à jamais. Par Dieu pourquoi ai-je succombé à son charme ? l'objet de mon amour ne permet pas la rencontre. Je jure devant Dieu de ne pas dégriser jusqu'au jour où corps et âme, il m'appartiendra Je n'aurai de cesse jusqu'au jour où nous le verrons boire dans ma coupe l'amour à longs flots Aux yeux du cerbère et de l'indifférent et je vanterai la douceur de cette liqueur à toutes les âmes sensibles et amoureuses. J'ai perdu le sommeil, tourmenté, égaré Adorant cet astre, cette étoile à jamais. Mode - Sika Deuxième mouvement - (chant Khedim) La belle au visage d'une beauté parfaite Aie pitié pour ce coeur, qui d'amour, ne sent plus ses entrailles, qui a perdu l'esprit. Pas de médecine pour guérir mes douleurs ni d'âme sensible pour alléger mes maux. Tes faveurs j'en demande et cesseront dès lors mes tourments. Tant que tu t'éloignes, mon coeur se rapproche de toi. Par la rencontre apaise ce coeur égaré, perdu à jamais. J'ai perdu ma vie épris de toi. Oh ! toi qui ne cesse de me bouder et me fuir Je n'ai plus qu'à te suivre, espérant tes faveurs, ton amitié, ton amour. Je t'ai prié au nom de celui qui sépara le ciel de la terre N'écoute pas les dires des envieux, laisse-moi me perdre dans ton amour Je supporterai l'éloignement et la séparation Quand tu souris de ta bouche pulpeuse et rouge D'entre tes joues flamboyantes, tu fais pâlir toutes les roses du jardin Tu es en moi ancré dans les profondeurs Tu es la cause de mes insomnies Je n'ai qu'à te suivre en espérant, tes faveurs, ton amitié et ton amour. Mode - Sika (suite) Troisième mouvement - mesure 4/3 - (chant Mekdad) L'amour embrasa mes entrailles J'ai bu le feu de ma passion. Mon coeur était mien et sur le chemin de l'amour je le conseille Mais je l'ai offert dans la paume de ma main à ce cruel qui me perdit, jusqu'à s'envola toute ma patience En espérant la rencontre, dans mon égarement et ma persistance Ressemblant à ce rapace quand le soleil est au zénith Fondant sur sa proie, qu'il tient et qu'elle lui échappe sans jamais se lasser. Suite du troisième mouvement - (chant Khaznadji) Vite j'ai bu ce vin, mon âme est dans l'effervescence Mon coeur a pris racine là où on le repose, on l'humilie Effondré par le doute dans l'attente, je me fonds et me morfonds. Que je me ressaisisse, car l'amour et l'envie me rendent malade et me désarment. Toi qui m'a servi ce vin, j'ai vu sur ta joue la fraîcheur et une rougeur écarlate. Et dans ces jardins j'ai vu comme une broderie descendre les nuages et la brume sur ses carrés verts où s'entrelaçaient les roses et les jacinthes. Mode - Sika Quatrième mouvement - mesure 5/8 - (chant Khaznadji) J'ai posé un baiser ardent sur la paume de sa main Que veux-tu me dit-elle Je lui ai dit la rencontre et l'amour Tu demandes l'impossible me dit-elle Je te demande la cause Elle me dit mon coeur te refuse Il ne me reste qu'à mourir Elle me dit meurs en martyr J'ai posé mes lèvres sur la paume de sa main Elle me dit que convoites-tu Je lui dit la rencontre et l'amour Elle me dit tu n'as point tenu tes promesses Pourquoi ? je lui dit. Elle me dit : après l'amour et l'attente mon coeur t'a ha. Il ne me reste qu'à mourir Mon coeur t'a déjà remplacé. Suite quatrième mouvement - mesure 5/8 chanté par l'ensemble de l'orchestre Un croissant lunaire m'est apparu. D'entre les planètes, brilla son corps élancé comme un rameau. Sa démarche ondulante comme une brise légère balançant les roseaux. C'est la création du Divin - Dieu puissant miséricordieux. Il dit soit et elle fut. Dans un corps majestueux une grâce sans pareil. Elle a des yeux miel et langoureux surplombant un grain de beauté Sur pommettes saillantes. Quand mon séducteur permettra-t-il la rencontre ? Il a des longs cils et des joues flamboyantes Tous les envieux me jalousent ces mollets d'un galbe parfait. Dieu dit soit : et elle fut dans un corps majestueux et une grâce sans pareil. Suite quatrième mouvement - mesure 5/8 - (chant Khedim) Toi qui as la peau dorée comme le miel Que me reproches-tu ? Mon amour dure depuis toujours, tu es mon espoir. Vois-tu le cerbère nous guette voguant entre toi et moi. Il nous épie, je suis ton esclave asservi, ordonne et j'exécute. Profite pleinement oh ma belle car la vie n'est pas éternelle Ne perds jamais espoir de posséder celle que tu aimes. Si ton amour s'éloigne de toi, rapproche-toi de lui. Dieu fasse qu'auprès de lui se dissipent tes tourments Celui que j'aime ne veut étancher sa soif. Avec lui, marchander ne servirait à rien. Lève-toi et savoure une heure de délice et de délectation Entre les jeunes pousses et les jasmins à profusion. Et le chant mélodieux des oiseaux. Et le rossignol qui entonne un hymne splendide et merveilleux. Profites oh ! ma belle d'une heure de charme sans pareil. Finale de la nouba du mode Sika Rythme rapide et sautillant exécuté par l'ensemble de l'orchestre Pourquoi celui dont je me suis amouraché me boude-t-il ? A chaque fois qu'on se rencontre dans le dialogue il durcit le ton. Que Dieu punisse celui qui l'irrita contre moi II est parti et m'abandonna. Trompé par ce maléfique envieux malgré que nous étions amoureux. J'ai perdu le goût aux choses de la vie. Que Dieu me vienne en aide et m'arme de patience. dimanche 22 janvier 1995 16h30 - salle des concerts Idir, chant Lahouari Bennedjadi, clavier Rabah Khalfa, percussions Tarek Ait-Hamoi, guitare Hachemi Bellali, basse Eric Duval, batterie Gérard Geoffroy, flûte Katia Schuchman, danseuse Bénédicte Leclerc, danseuse Les danseuses interpréteront des danses des différentes régions d'Algérie : Kabylie, T o u a r e g , C h a o u i , C o n s t a n t i n o i s e , Algéroise... présentation du concert : Jean-Pierre Derrien Idir La musique kabyle d'Algérie est tout aussi ancienne que récente. Ancienne elle a maintenu une tradition intangible à travers ses villages. Le quotidien assigne à l'activité musicale une fonction précise, comme il en partage les tâches : chants communautaires anonymes pour les femmes, musiciens professionnels chez les hommes essentiellement interprètes d'instruments à vent de type hautbois avec l'accompagnement du tambour, flûte solitaire du berger, que le futur Idir maniera dans sa jeunesse. Cette musique de fonctionnalité frappe par l'austérité qu'elle dégage mais elle entretient un sens poussé de la rythmique qui la tonifie. En outre s'y décèle l'absence d'une panoplie instrumentale : les cordes y sont inconnues. On comprend dès lors pourquoi les musiciens kabyles jetteront leur dévolu sur la guitare qui désormais s'incrustera dans leur paysage. Elle figure la modernité de préférence au luth arabe assimilé à l'ancien. Cette musique est tout aussi récente. Quelques décennies sans plus. Elle a effectué un bond prodigieux, passant brusquement du monde rural, son univers de toujours, pour celui de la cité avec tous les changements et les aléas qu'un tel saut comporte. Ainsi a-ton transité d'une musique fonctionnelle rurale, à la chanson m o d e r n e , celle du XXe siècle, sans traverser les stades intermédiaires du populaire au savant. En 1966 Paris découvre avec étonnement le chant ancestral de Taos Amrouche, cette kabyle exilée. A cette, époque le jeune Hamid Cheriet (Idir) est sans doute loin de pressentir qu'il sera amené à inaugurer cette autre facette du chant kabyle qu'est la chanson moderne, où il sera porteur d'une idéologie nouvelle. T o u t débute en 1973 à Alger, le jeune musicien, étudiant en géologie qui ne pense certainement pas à la carrière musicale, chante pour son plaisir et s'accompagne à la guitare. Il doit être certainement doué puisqu'il interprète de sa voix douce, une chanson qui deviendra un des fers de lance de l'identité kabyle. Elle sera par la suite traduite en divers langues : A Vava Inouva [Mon petit père]. Incroyable succès qui en fait un tube. Cette chanson débute par les paroles suivantes : "Dehors la neige habite la nuit, Dedans une voix cassée, la même depuis des siècles. Des millénaires, celle des mères de nos mères". Vraisemblablement c'est un hommage non dissimulé aux femmes détentrices de la tradition orale chantée : elles l'ont pieusement conservée. Toutefois le succès de sa chanson ne l'empêchera pas d'effectuer son service militaire à Blida. En 1975, Idir quitte sa terre natale. Il s'installe en France. Commence alors pour lui une vie autre. Il opte désormais et malgré sa timidité, pour la carrière musicale et choisit le patronyme d'Idir ce qui signifie "il vivra". Il sera avec cet autre héraut de la Kabylie, Aït Menguellet, le porte parole de la chanson kabyle. Elle se caractérise par son sens de l'intimité, sa nostalgie profonde, sa thématique de l'exil. Bien qu'engagée, n'a-t-elle pas abordé les problèmes de migrance , elle assiste ces récentes années à une refonte radicale de son idéologie : désormais ses défenseurs s'expriment à haute voix, vont prendre parti, dénoncer l'appareil politique. Cette prise de position fera d'Idir, grâce à ses déclarations tempérées, un sage, qui en plus de sa musique, est désormais écouté pour les propos qu'il soutient. Ces derniers mois et en raison de la situation tragique que traverse son pays, Idir s'est vu projeté à l'avant scène. Sollicité par la presse, il a fait des déclarations et pris position. Alors qu'autrefois il chantait l'identité berbère, il se tourne désormais vers la défense de la propriété artistique, lui qui a dit : "Les chanteurs n'ont-ils pas la capacité d'attirer les gens, les jeunes, surtout dans leurs rêves ?" Il revendique le droit à la liberté. Il dira aussi "En Algérie ce n'est ni l'idéologie ni la pensée démocratique qui mobilisent les foules, mais la foi, l'émotionnel". C.P. • La cité de la musique vous invite à découvrir - le Centre d'information musique et danse - la rue musicale et le Gong - le musée de la musique - les partenaires médias Centre d'information musique et danse Le centre d'information musique et danse a pour mission d'apporter à tous les publics une information généraliste et actualisée sur l'enseignement et la pratique de la musique et de la danse. A l'échelle nationale, le Centre d'information est un relais apte à répondre aux questions pratiques du public, mais également à l'orienter et le mettre en contact avec les acteurs de la vie musicale et chorégraphique en France. Le centre d'information se nourrit de collaborations réciproques avec les structures en région, les centres d'informations spécialisés, les organismes institutionnels ou privés. Le Centre d'information veut être l'interlocuteur de chacun, pour aider à faire aboutir un projet, une envie, une curiosité, et, puisqu'il s'agit de musique et de danse, une passion. Les nouveaux services télématiques 3615 musique et 3615 danse se veulent de vrais guides pratiques de la musique et de la danse. Ils couvrent ces domaines dans leurs multiples aspects, et s'adressent aussi bien aux débutants qu'aux professionnels. Ils sont consultables partout en France et 24h sur 24. Au coeur de la cité de la musique, la salle d'accueil du centre d'information musique et danse est un lieu de consultation et de découverte ouvert à tous. Des ouvrages de référence, des répertoires et des guides, certains concernant l'étranger, sont à la disposition de tous (ainsi que la consultation des services télématiques) pour assouvir une simple curiosité, répondre à une question précise ou a p p r e n d r e à m i e u x utiliser les s t r u c t u r e s musicales et chorégraphiques en place. Dix postes de consultation permettent de découvrir tous les nouveaux produits interactifs sur la musique. Chaque poste permet l'accès à plusieurs supports sans manipulation de la part de l'utilisateur. Cette multimédiathèque musicale, qui concilie l'exploration, la découverte, le jeu, l'éducation et l'interactivité, est dans ce domaine la première du genre en France. horaires : du mercredi au dimanche de 12h à 18h (jusqu'à 20h les soirs de concerts) minitel : 3615 musique / 3615 danse (l,27Frs/mn) Un musée se prépare Le musée de la musique ouvre ses portes au public en juin 1995. Pour permettre aux premiers visiteurs de la cité d'en découvrir l'esprit et les préparatifs, la cité de la musique a commandé aux réalisateurs Patrick Geay et Olivier Horn (Les Films Armand Brière), un film qui sera montré dans l'amphithéâtre du musée, une heure avant le début des concerts. "Des éléments d'architecture, une porte qui se referme, une rue couverte et "musicale" où s'engage u n e visiteuse... Derrière les murs de la cité de la musique un musée se prépare... A travers une fenêtre, un jeu de transformations graphiques invite à y entrer pour une balade virtuelle et sonore dans l'univers des futures activités du musée de la musique. Des centaines d'instruments de toutes les époques ont été étudiés, nettoyés, restaurés... L'équipe des techniciens de restauration du musée finit d'apprêter la collection qui sera présentée dans l'exposition permanente... Dans son atelier un maquettiste assemble les éléments du théâtre des Champs-Elysées en miniature au son de la danse rituelle des ancêtres du Sacre du Printemps... Un facteur accorde le fac-similé d'un clavecin du XVIIe siècle qui sera joué tout à l'heure sur la scène de l'amphithéâtre... Des musiciens africains arrivent de loin avec leur balafon et leur djembé pour une démonstration... Un m u r retrace l'évolution de la notation musicale... Des instruments du XXe siècle aux formes étranges se préparent à faire vibrer les murs... Dans leurs caisses bien alignées dans les réserves du musée, les instruments attendent d'entrer en scène pour livrer ce qu'ils savent des époques, des œuvres et lieux qui les ont rencontrés..." durée du film : 11 minutes Le Gong dans la rue musicale La rue musicale, lieu de circulation, de rencontre, de détente, a un double rôle. C'est une articulation entre la salle des concerts et le musée de la musique. C'est aussi un symbole, une parcelle de réseau urbain, une artère qui doit évoquer la ville. La cité de la musique a cherché à valoriser les qualités architecturales de la rue, sa courbe, son rythme par des découvertes sonores. Afin de lui donner sa propre identité sonore elle a fait appel au plasticien du son, Louis Dandrel qui a imaginé un dispositif entièrement acoustique le Gong, composé de 5 instruments géants à balancier et de 20 résonateurs de cuivre. La grande courbe sera ainsi ponctuée de sons brefs baignant dans les vibrations des résonateurs; les balanciers en carbone auront des mouvements souples dessinant une chorégraphie dans l'espace lumineux de la rue. Le Gong égrènera les heures de ses bras longs et graciles, tandis que les résonateurs laisseront échapper de leur écrin acoustique leurs vibrations fluctuantes et cuivrées. Ainsi attirée par ces sons émergés du brouillard acoustisque urbain, et des rumeurs de la circulation automobile, l'oreille du visiteur s'éveillera en avance sur son regard. Le Gong est conçu et réalisé par Louis Dandrel (Espaces Nouveaux). Designer : Vincent Leroy - Lutherie : Sylvain Ravasse Télérama le magazine français tiré à plus de 600.000 exemplaires, consacré chaque mercredi à l'actualité culturelle dans tous les domaines : cinéma, théâtre, musique, radio et, bien évidemment, la télévision, a toujours voulu prolonger l'intérêt rédactionnel concernant un événement de qualité par un soutien actif et promotionnel comme par exemple, le Centre de Musique Baroque de Versailles, l'Ensemble Baroque de Limoges, des festivals comme St Céré et le Périgord Noir, et aujourd'hui c'est avec plaisir que nous soutenons l'action de la cité de la musique. France Inter Radio généraliste de service public, France Inter défend régulièrement la création artistique et la musique dans sa plus grande diversité à travers l'ensemble de ses émissions et de ses actions de partenariat. C'est pourquoi, fidèle à cette vocation, France Inter a choisi d'apporter son soutien aux premiers pas de la cité de la.musique et s'associera tout particulièrement aux concerts "Cité Jazz" du 31 mars au 2 avril, et "Accordez accordéon" du 9 et 11 juin. 1995. France Musique Dans ce Paris dont les siècles ont été jalonnés par les grands noms et les grandes œuvres de l'histoire de la musique, surgit aujourd'hui un lieu nouveau, à l'image de notre siècle : ouvert et pluraliste, de diffusion et donc de plaisir de pédagogie et donc de connaissance. Qu'en cette fin du XXe siècle, l'audiovisuel y soit associé est à la fois logique et nécessaire, et Radio France, qui, à travers notre pays relaie a n n u e l l e m e n t des centaines de manifestations musicales, va naturellement y planter ses micros. Sans prétention excessive, une cité de la musique sans France Musique ne serait pas tout à fait complète. France Musique sera donc présent à l'heure de l'inauguration, non pas pour une activité éphémère, le jour où l'on fait la fête parce que l'on ouvre les portes, mais présent et profondément investi dans une activité culturelle de première grandeur. L'objectif est clair : grâce aux micros "parisiens" de France Musique, c'est la France entière qui suivra les activités de la Villette, au delà de quelques milliers de privilégiés, des millions de mélomanes seront informés, concernés. Pour les musiciens, les murs les mieux construits ne sont plus une barrière. LVMH MOËT HENNESSY, LOUIS VUITTON remier Groupe Mondial 7 Produits de Prestige