cité de la musique - Philharmonie de Paris

Transcription

cité de la musique - Philharmonie de Paris
cité de la musique
notes de p r o g r a m m e
janvier -
septembre
1995
Ouverture
Janvier 1995 : la cité de la musique ouvre ses portes. J'ai
envie de dire : sur l'avenir.
Car c'est bien sur une autre façon de vivre la musique que
s'ouvrent les lumineuses perspectives dues à Christian de
Portzamparc: vivre la musique comme nous devons la vivre à la
veille de l'an 2000 : sans barrières, d'aucune sorte.
Musiques symphoniques, baroques,
de
chambre,
d'aujourd'hui ou du monde, création contemporaine, art lyrique,
jazz : toutes les musiques y auront leur place. Artistes, musiciens,
chercheurs, spectateurs, maîtres, étudiants, artisans, promeneurs et
surtout jeune public : tous y seront chez eux.
C'est bien d'une véritable "cité" qu'il s'agit : la salle des
concerts modulable, le musée de la musique, s'accordent aux
partenaires et résidents que sont le Conservatoire national supérieur
de musique et de danse de Paris, l'Ensemble Intercontemporain,
l'Institut de Pédagogie Musicale et Chorégraphique (IPMC), la
Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique
(SACEM) - la Société pour l'administration des Droits de
Reproduction Mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs
( S D R M ) , le C e n t r e de D o c u m e n t a t i o n de la Musique
Contemporaine (CDMC).
Bien au-delà du rite, certes difficilement remplaçable, du
concert, cette promiscuité démultiplie l'offre musicale. Des
formules novatrices rendront accessible à tous la richesse de la
programmation. Des cycles de conférences, des séminaires, des
académies musicales, des week-ends à thème, des répétitions
publiques, seront autant d'entrées à la cité de la musique. Dès cet
été, le musée, déjà ouvert aux chercheurs, scientifiques, facteurs
d'instruments, proposera au public un parcours original à travers
quatre siècles d'histoire de la musique. U n e ligne de produits
éditoriaux nouveaux, sur supports numériques et interactifs, sera
développée en partenariat avec le Conservatoire. Le Département
de pédagogie, qui se met en place autour de l'IPMC, sera pour tous
les enseignants l'instrument inédit d'un dialogue permanent.
La salle m o d u l a b l e , le musée en action, le centre
d'information : dans cette cité, la musique est vie, découverte,
échange.
Le projet qu'elle sous-tend est de portée nationale : il s'agit,
fondamentalement, de faire évoluer le rapport social à la musique,
et de créer un équilibre nouveau, prioritaire pour le Ministère de la
Culture et de la Francophonie, entre la pédagogie, la pratique et la
recherche.
Puisse cet ensemble contribuer à réunir toutes sortes de
publics autour de la musique, souvent coupée de la sensibilité de
larges couches de la population, singulièrement les plus jeunes.
Jacques Toubon
Ministre de la Culture et de la Francophonie
musiques du Maghreb
du jeudi 19 au dimanche 22 janvier 1995
Autant le Proche Orient arabe a subi au cours de ce siècle, les
remous d'un modernisme qui a littéralement transformé sa
musique, la faisant passer de la tradition aux rénovations souvent
faciles voire audacieuses, autant les pays d'Afrique du Nord en sont
restés à l'écart. Ils ont été beaucoup moins sensibles aux
turbulences, malgré les nombreuses tournées entamées par les
musiciens du Proche-Orient venus instiller un souffle de renouveau.
Ce fait est d'autant plus étonnant que cette aire géographique est à
quelques encablures des rives nord de la Méditerranée, et que le
colonisateur, y avait marqué sa présence par une vie musicale très
active. Des orchestres symphoniques créés sur place animaient la
saison en y interprétant tant le répertoire classique ou romantique
occidental que contemporain (A. Honegger). Des opéras comme
celui d'Alger conduisaient régulièrement la saison musicale. Des
conservatoires créés sur la fin du siècle dernier, dispensaient
l'enseignement de la technique occidentale et constituaient des
tremplins rêvés. Seule l'attraction du music-hall a fait quelques
émules dans les années trente, et plus particulièrement en Tunisie,
où l'on voit apparaître une génération d'artistes qui ne craint pas de
s'affranchir des canons traditionnels, pour se lancer dans la chanson
arabe de variétés.
Quoiqu'il en soit ce phénomène reste une énigme dans
l'évolution de la musique d'Afrique du Nord au XXème siècle.
Plutôt que d'œuvrer vers la recherche d'un répertoire nouveau,
malgré les rares tentatives contemporaines que mène par exemple,
le jeune tunisien Anouar Brahem, cette région s'est sensiblement
attelée à la mise en valeur de formes musicales abandonnées,
oubliées, dispensées dans les cafés, à l'occasion des mariages ou
végétant dans les provinces. Elles se sont lentement transformées en
valeur culturelle, du moins c'est ce que l'on ressent à première vue,
du bilan qu'on est en mesure de dresser.
Bien sûr on doit cette action à certains esprits éclairés qui dès
le début de ce siècle ont compris l'enjeu que pouvait représenter la
musique traditionnelle. Le Baron Rodolphe d'Erlanger en Tunisie,
Jules Rouanet en Algérie, Alexis Chottin au Maroc ont tous trois
oeuvré pour la sauvegarde de la musique locale savante ou
populaire. Leur message a été repris sur place par l'homme de lettre
marocain Mohamed El Fasi, le chanteur algérien Mahhieddine
Bachetarzi, le musicien tunisien Saleh el Mahdi. Eux aussi ont
compris l'impact que représentait un art autonome. En 1928 était
organisé à Rabat les journées de la musique marocaine qui ont
permis de jeter des structures nouvelles : enseignement de la
musique traditionnelle selon des méthodes à inventer au sein
d'écoles qui restaient à créer. En 1939 se déroulait toujours à
Rabat, un congrès international de musique qui recommandait
l'étude des traditions du pays, la transcription en notation
occidentale, le souci d'évaluer les composantes musicales de la
nation.
Plus de cinquante ans plus t a r d , le paysage s'est
considérablement modifié. L'arrivée de la radio puis de la
télévision, la création de ministères de la culture ont radicalement
changé les habitudes. La naissance et la multiplication de festivals
de musique en Tunisie, d'associations musicales en Algérie, dont
l'une des plus récente Es-Soundoussia créée en 1986, sont venus
démocratiser un répertoire, comme l'arabo-andalou, qui a pu être à
maints égards taxé d'élitisme. Il n'empêche que cet art s'est perpétué
à travers des voix traditionnelles, comme la colporte à l'heure
actuelle, Khaznadji à Alger. La mise en valeur de genre nouveau,
comme le chaabi algérien, le malhûn marocain, a suscité des
engouements qui se prolongent internationalement comme en
témoigne la carrière d'un Toulali. La montée des minorités et la
découverte des musiques en langue berbère sont venus s'implanter
sur l'échiquier, lui insufflant une couleur nouvelle dont Idir
représente, dans le domaine de la chanson, une figure de proue.
Enfin l'éclatement de la musique et la naissance de publics
divers est un des phénomènes marquants de ces dernières années. Il
y a un public particulier pour Nass El Ghiwan au Maroc ou le raï
en Algérie. Tout ceci manifeste de grands bouleversements : ils sont
dus surtout à une révolution sociale et moins musicale, dans la
mesure où, et malgré les innovations techniques empruntées à
l'Occident, la musique d'Afrique du Nord, en dépit des remous
qu'elle traverse, reste fidèle à elle même, et à son public.
Christian Poché
jeudi 19 janvier 1995
20h - salle des concerts
Ateliers de percussions arabes
Rachid Belgacem, derbouka
et les musiciens du groupe Dicotyledone
Xavier Charles, clarinette
René le Borgne, percussions
Camel Zekri, guitare acoustique
Collège Bergson
Mme N'Guyen, professeur de musique
Kouta Coulali
Thierry Faifort
Anaïs Henri
Chany Le Hennaff
Lydia Lorenzi
Collège Méliès
Mme Lyzwa, professeur
Sadok Baroudi
Mâher Chaban
Fahd El Mimouni
Virginie Ferron
Aliénor Girbes
Patricia Jan
Inès Khamira
Lamine Niang
David Sagroun
David Dahan
Nadine Gaché
Stéphane Laurent
Rudi Lelouche
Walid Medfay
de
musique
Bouabdellah Benamara
Ali Dangho
Mohand Fenniche
Carole Ferry
Mohand Hamouche
Laurent Kamoun
Laurent Latif
Azdene Ouahabi
...Le tambour enjôle l'oreille,
et pourtant,
ce n'est qu'une main
qui frappe une peau...
Muhamed El-Id Hammu Ali
La Derbouka, répandue depuis des siècles dans une aire
géographique allant du croissant fertile jusqu'aux rivages atlantiques
du Maghreb présente dans les folklores de nombreux pays d'Europe
orientale (Grèce, Yougoslavie, Albanie) par le biais de l'influence
t u r q u e , représente aujourd'hui pour cent millions d'arabes
l'instrument populaire par excellence.
L'atelier organisé dans les collèges Bergson et Méliès, a pour
objectif une présentation approfondie de la derbouka, au travers des
rythmes du répertoire classique et populaire (ex: Fezzani,
Barouel...) et un développement des réelles possibilités rythmiques,
mais aussi mélodiques de l'instrument. Ce concert-rencontre à la
cité de la musique avec les musiciens du groupe Dicotylédone
permettra d'accroître l'intérêt de cet instrument vis-à-vis de ces
jeunes élèves.
Rachid Belgacem
Dicotylédone : n.f. et adj (gr Kotulédon, Lobe)
plante dont la graine contient une plantude à deux cotylédons.
Calme et nerveuse... la musique de Dicotylédone est un voyage de
regs en ergs, de rivières en océans. Un périple basculant où se
mêlent bruits et odeurs.
vendredi 20 janvier 1995
20h - salle des concerts
Tunisie
Groupe Anouar Brahem
Anouar Brahem, oud
François Couturier, piano
Bechir Selmi, violon
Jean-Marc Larché, saxophones
Richard Galliano, accordéon
Palle Danielsson, contrebasse
Jon Christensen, batterie
dans le cadre de la Saison tunisienne,
avec le soutien en France du ministère des Affaires étrangères /
Association Française d'Action Artistique (AFAA) et du ministère
de la Culture et de la Francophonie / Département des Affaires
Internationales (DAI).
Commissaire général : Frédéric Mitterrand
avec le soutien en Tunisie du ministère des Affaires étrangères,
du ministère de la Culture et de l'Agence tunisienne de
Communication extérieure.
Commissaire général : Raja Farhat
Anouar Brahem
Visage fin, de grande sensibilité, économe dans son
mouvement, le jeu d'Anouar Brahem, sur le luth arabe al-cûd, reste
marqué d'une personnalité intense mais revêtue d'un calme
olympien. Finesse et virtuosité demeurent au service de la musique
et en sont les nerfs moteurs. Il est né en 1957 dans le quartier
populaire de Halfaouine, dans la médina de Tunis. Sa technique
doit cependant à la tradition musicale turque à laquelle le jeune
musicien est tout aussi attaché que respectueux comme l'est de son
côté la tradition tunisoise. Cette technique se ressent dans la
recherche sonore, qualité faite de moelleux et de profondeur,
d'absence de la résonance du plectre : elle caractérise l'esthétique
égyptienne. La Tunisie se maintient ainsi dans l'héritage turc qu'elle
n'a cessé d'admirer et au fait que l'un des premiers Beys, fondateur
au XVIIIe siècle de la dynastie huseinite, Rashîd Bey turc de
naissance, fut un mécène avisé et un rénovateur de l'art musical
arabo-andalous.
Anouar Brahem est l'élève du joueur de luth Ali Sriti dont la
révélation dans son propre pays, n'a été que tardive. Anouar
Brahem a joué en duo avec son maître. Le moins qu'on puisse dire,
c'est que le jeu du disciple s'avère plus traditionnel que celui du
maître, bien que parallèlement Brahem ait cherché à s'imposer dans
ce type de rencontre musicale que l'on appelle fusion. Elle a permis
à maint musicien oriental d'échanger de manière féconde avec un
artiste de l'Occident.
Son improvisation instrumentale qui l'apparente à l'art du
taqsîm lui imprime davantage l'aspect d'une pièce de composition
qu'elle ne le rapproche d'une forme libre de développement. Il
s'agit davantage d'une rénovation dans l'esprit classique que d'une
transformation moderne de son art. Sans doute Brahem appartient à
cette aire musicale d'Afrique du Nord beaucoup plus respectueuse
de la tradition musicale qu'on ne le pense. Toutefois sa démarche est
d'instaurer dans la musique tunisienne une direction instrumentale
autonome, séparée de la voix humaine, base de la musique arabe.
Ce n'est pas simplement un artiste né, mais un musicien
choyé. Adulé. La coqueluche de son pays. Il est sollicité de toutes
parts. N'a-t-il pas même composé la musique du film Halfaouine, de
Farid Boughedir, reçu en 1985 le grand prix national de la musique.
Brahem est aussi un artiste voyageur qui a roulé sa bosse un peu
p a r t o u t , choisissant Munich pour lieu de ses publications
discographiques. Il représente à l'heure actuelle la réussite d'un
rêve, celui d'arriver à faire une musique authentique qui transcende
les modèles techniques en accordant l'essentiel à l'expression.
Brahem improvise donc sur son instrument, le oud, qui n'a
plus de secret pour lui. Il fredonne aussi lorsqu'il est emporté par sa
passion. Façon d'intérioriser son art. C'est toutefois une couleur
nouvelle qu'il ajoute au timbre de son instrument. Mais son souci
premier est également de se mettre à l'écoute d'autres musiciens : on
l'a vu ainsi croiser sa palette musicale avec le saxophoniste Jan
Garbarek, avec les tsiganes turcs, les frères Erkose ou Manu
Dibango. Il est souvent en compagnie de musiciens de jazz. C'est
sous cet aspect qu'il se présentera à la cité de la musique.
C. P.
.
samedi 21 janvier 1995
I6h30 - salle des concerts
Maroc
Le Malhûn de Meknès
El Hadj Houcine Toulali
et son ensemble
El Hadj Houcine Toulali, chant et luth
Abdellah Ramdani, chant et taarija
Abdelhadi Bennouna, taarija et chœur
Said El Meftah, violon
Mostafa Niya, derbouka
Mohammed Farsi, taarija et chœur
Mohammed Bensaïd, handka et chœur
El Hadi Sebti, violon
Ahmed Agoumi, souissen
El Hadj Houcine Toulali
Le terme malhûn ou malhoun, dérive du verbe lahana et de
son substantif lahn. Ce dernier colporte une double signification :
celle de faire des fautes de langage en parlant et à l'opposé,
d'inventer des mélodies. Ces deux sens qui s'opposent à première
vue, ne sont pas entièrement incompatibles. Ils seraient à la base de
la signification de la musique chez les Arabes et expliqueraient en
partie le mécanisme des interdits jetés à l'encontre de cet art . Ils ont
souvent secoué l'histoire de cette civilisation. A vouloir allonger les
voyelles des mots, on s'achemine vers leur dislocation sémantique.
D'un autre côté, c'est se prédisposer au chanté, dans la mesure ou la
musique arabe est essentiellement vocale. Chanter, c'est risquer de
déformer le langage et verser dans l'incompréhensible qu'il faut
éviter à tout prix, car il relève de forces obscures.
On ne saurait dire si le genre populaire marocain,
essentiellement réservé aux hommes, le malhûn est issu de cet
antagonisme. On trouve pour la première fois le terme de malhûn
énoncé dans un poème du XVe siècle et il détient peu
d'informations historiques quant à son origine et sa nature, mais il
est essentiellement marocain. De nos jours, il s'agit d'un genre
citadin confiné à certaines villes, comme Meknès. Il consiste à
grouper autour d'un chanteur soliste qui peut s'accompagner d'un
luth, un petit groupe d'instrumentistes à la fois chanteurs qui lui
répondent (harba). Les instruments principaux du malhûn sont
avant tout le petit tambour à une peau en forme de calice que l'on
nomme tarija ou tacrija. Il peut s'en trouver à plusieurs exemplaires
au sein de l'ensemble. Ces minuscules tambours en poterie que l'on
agite de la main sont à la base de cette musique qui par sa nature est
donc une musique mesurée et non point improvisée malgré la
courte introduction qui ouvre le parcours et se déroule de manière
libre. L'ensemble du malhûn fait également appel à un petit luth à
deux cordes le suisen. En outre viennent se greffer des violons ou
altos occidentaux joués cependant à la manière marocaine.
Le répertoire du malhûn consiste à chanter la qasîda, qui
dialectalement se prononcent qsîda. A l'origine la qasîda est le
poème monorime par excellence de la culture arabe rédigé en
langue classique. Le malhûn s'en sépare en ce qu'il lui confère une
portée dialectale et donc plus directe. Le répertoire du malhûn est
basé sur des mélodies, formant des thèmes, construits sur des
modes musicaux dont certains sont diatoniques et donc font partie
du répertoire arabo-andalou, d'autres s'en séparent laissant
apparaître l'intervalle de trois quart de ton- La modulation est
autorisée au sein d'une même qsîda. Les poèmes chantés sont de
thématiques diverses, allant du sacré au profane.
Le malhûn, très prisé au Maroc, a été révélé hors de son
contexte par des enregistrements et surtout par la personnalité de El
Hadj Hocine Toulali.
Ce dernier est né en 1924 dans un quartier périphérique de
Meknès. Dès 1945, Toulali se rapproche du malhûn, en fait son
cheval de bataille. En 1959 il enregistre sa première qsîda et depuis
le nombre de ses cassettes ne se comptent plus. Il a également gravé
des disques compacts. Toulali est à l'heure actuelle le défenseur le
plus sollicité de ce genre.
Bien que populaire, le malhûn est un art d'intimité dont
l'aspect nostalgique l'emporte quoique la réponse du choeur le dote
d'un élan de générosité et de puissance qui fait la force de la
musique marocaine.
C.P.
LE CHANT MALHUN
Texte I : Poème de Fadhma
[Refrain]
Aie pitié de moi, ô repos de mon âme, afin qu'en retour Dieu te prenne
en pitié,
Tu t'es détourné de moi et mon mal s'éternise,
Comment peux-tu me laisser dans les tourments alors que tu t'amuses ?
De grâce, sois magnanime, ô belle Fadhma.
[I]
1.
2.
3.
4.
5.
Amour, Tendresse, Sentiments et Passions
Se sont ligués contre moi avec la fougue de la jeunesse,
Comme des guerriers, chacun a conquis sa place
Dans mon âme, à cheval
Et en armes.
6. De leurs lances, ils me portent coup sur coup,
7. Tous unis contre mon coeur blessé.
8. A peine m'a-t-elle conquis que la belle me relègue dans l'oubli.
[Il]
9.
10.
11.
12.
13.
Comment aurais-je pu croire, noble dame, que tu me traiterais ainsi ?
Pourquoi tourmenter ton amant,
Qui te baise les pieds,
Et se soumet à la loi
De ton amour ?
14. J'ai perdu à t'attendre des années de ma vie,
15. Destin étrange et insensé :
16. Je demande à obéir et m'en vois injustement puni !
[III]
17.
18.
19.
20.
21.
De grâce, ai pour l'esclave un regard de pitié,
Tu vis heureuse, indifférente Fadhma,
Pendant que moi je dépéris !
Dois-je rester oublié
Sans l'avoir mérité ?
22.
23.
24.
Aurais-tu cessé d'entendre
Pour rester ainsi sourde à mes appels ?
Ah si tu pouvais me revenir d'un coeur sincère
Et me laisser te servir humblement !
[IV]
25.
26.
27.
28.
29.
Avare Fadhma, même en paroles :
Je ne reçois de toi ni messager ni message !
Ton coeur est donc insensible ?
Bourreau
Duquel mon amour m'interdit de me plaindre.
30.
31.
32.
Au fond de mon coeur il attise ses braises.
De grâce, apaise ce feu brûlant,
Avec les baisers de tes lèvres à l'ocre parfumée.
[V]
33.
34.
35.
36.
37.
Reverrai-je un jour ta souplesse d'étendard,
Cette silhouette sur laquelle se modèlent le jasmin et la myrte ?
Et ta chevelure au noir profond,
Comme si un corbeau y avait posé les ailes ?
Et l'éclat
38.
39.
40.
De ton front, dont la lumière sublime
Fait s'évanouir ma peine,
Les nûn à la courbure profonde de tes sourcils,et tes cils langoureux?
[VI]
41.
42.
43.
44.
45.
Tes yeux sont des coupes de vin enivrant,
Quiconque en a goûté perd la raison.
Tes douces joues sont parfumées,
Comme deux rosiers fleuris sous les frondaisons
Exhalant leurs effluves.
46.
47.
48.
Ton nez, un oiseau qui emporte dans son vol mon sommeil,
Tes dents plus belles que des perles de nuage
Ton cou, une gazelle effrayée par les chasseurs.
[VII]
49.
50.
51.
52.
53.
Aime-moi comme je t'aime, je t'en supplie ma belle,
Un jardin me baigne d'une brise bienfaisante
Lorsque que j'aperçois ton visage radieux.
Sois ma maîtresse, prend moi pour esclave !
Un jour jadis elle m'avait dit :
54.
55.
56.
"Pour serviteur, je t'accepte à vie.
Je te désaltérerai
Et jure, par ma foi, de verser en ton honneur
assez de coupes pour étancher toute soif ! "
[VIII]
57. Je voudrais faire un tapis de ma joue
58. Et demander à Fadhma d'y poser les pieds,
59. Je lui dirais, à elle qui sait guérir mon mal,
60. D'exiger de moi
6 1 . Tout ce qui lui plaira.
62.
63.
64.
Ah, si elle pouvait être ici, auprès de moi,
Invisible aux chaperons
Et aux jaloux, tandis que la nuit installerait pour nous son camp
protecteur !
[IX]
65.
66.
67.
68.
69.
70.
Telle l'étendard du Prophète, la beauté drapée m'est enfin revenue,
Décidée à me sauver de ma peine.
Vêtue de ses voiles les plus beaux, elle est entrée,
souple et tendre tige de jasmin.
Quand j'ai vu surgir sa splendeur,
Incrédule, je me suis écrié :
"Suis-je bien éveillé ou en train de rêver :
il y a un instant, le soleil brillait au firmament,
71.
72.
73.
Le voilà soudain dans ma maison,
Sous apparence humaine !"
Et ma belle de s'exclamer, riant à en tomber par terre :
"Mais oui, c'est moi, la belle Fadhma !"
75.
74.
76.
Et tandis que je goûtais du vin de sa présence,
Je la pris à témoin de mes souffrances et mes errances
Je m'émus de la voir rougir de honte entre mes bras !
77.
78.
79.
Rasséréné, je rayonnais de bonheur,
Et ma luxuriante belle,
Ses bras tatoués nus, m'exprimait en poèmes, la beauté de ses
sentiments.
80.
81.
82.
Il est dans ma nature de me faire du pardon une vertu,
[...]
T o u t au long de ma nuit je me suis raconté,
pour qu'elle sut tout de mes sentiments secrets.
83.
84.
85.
Transmetteur, je te confie les subtilités de mes oeuvres,
Plus raffinées que la soie de Damas,
Je te donne un art sans égal à notre époque,
unique par son éloquence.
86.
87.
88.
Laisse à leurs égarements les sceptiques,
Ne les gratifie jamais de mes paroles,
Transmet mon salut aux seuls gens de la science,
laisse à leurs divagations les veules et les ignares.
89.
Je m'incline devant ceux qui reconnaissent la valeur de l'art et je les
salue,
90. A la fin de mon ouvrage, je brode mon nom :
9 1 . Driss Ben Ali al-Malki, l'obsédé d'amour pour la belle Fadhma.
Texte II : Poème de la chandelle
[Refrain]
Par Dieu, chandelle, réponds-moi :
Qu'as-tu à pleurer la nuit autant que dure ta flamme ?
Chandelle, pourquoi pleures-tu tout au long de la nuit ?
Pour quelle raison te prépares-tu à pleurer tous les soirs ?
Pourquoi passes-tu toute la nuit en lamentations ?
Quelle cause fait des larmes ta maladie ?
Pourquoi restes-tu comme moi éveillée dans les ténèbres ?
Comment es-tu devenue cette pleureuse sans pareille ?
Qu'est-ce qui te fait pleurer, et pourquoi les larmes comme recours ?
Pourquoi si diminuée, davantage même que je ne le suis ?
Pour quelle raison pleures-tu sans arrêt
et. sèmes-tu le trouble dans les coeurs• ,sensibles
?
,
,
Qu'as-tu à laisser couler tes larmes comme la pluie ?
Pourquoi pleurer, toi si enviable ?
Comment es-tu devenue aussi sensible qu'un homme de coeur ?
En te voyant si pale, de pitié mon ame palit,
.
' de ta mèche augmente ma langueur.
Et la cendre
[II]
Par Dieu, je te supplie de me dire ce qui t'est arrivé,
Pourquoi pleurer sans cesse ?
Quelle est ton histoire et quel est ton mal ?
Quelle douleur te mine ainsi
Et te fait de tes larmes une écorce ?
Avec amis, avec ennemis, tu passes tes nuits en pleurs.
2 1 . A moi, tu peux confier tes secrets sans crainte,
22. Je saurai écouter ton histoire,
23. Et à mon tour je te dévoilerai la mienne,
elle dépasse la tienne par son étrangeté.
24. Ô chandelle, si j'en venais à te raconter ce qui m'est arrivé,
25. Tu oublierais tes mésaventures
pour écouter l'interminable extravagance de la mienne !
26. Si ta flamme est la cause de tes larmes, en moi flambent des brasiers,
27. Plus brûlants que n'importe quel feu.
28. Si la cause en est un mal, vois à quoi m'a réduit,
29. En une nuit, le mal d'amour !
30. Mais si ton mal est l'exil, moi, je suis coupé de mes attaches,
3 1 . Je souffre de la séparation en silence,
car comment consoler qui a perdu la moitié de lui-même ?
32. Pourquoi es-tu ainsi, dis-moi les raisons et les causes,
33. Au contraire de moi, aucun ami, aucune amie ne t'a abandonnée ?
34. On pourrait attribuer tes larmes aux rigueurs de l'hiver,
35. Ou aux ravages d'une razzia nocturne.
36. Ou as-tu le mal du pays, qui me prend quelquefois,
37. Cette nostalgie pour tant de tribus arabes fidèles au message de l'Élu ?
[III]
38. Par Dieu, dis-moi ce qui t'atteint,
39. Qui est la cause de tes épreuves,
40. A moi tu peux tenir ton discours et je l'entendrai.
4 1 . Seuls les ignorants pourraient être troublés par ton langage,
42. L'amoureux, lui, saura apprécier la beauté de ton chant,
4 3 . Il se reconnaîtra dans l'air de ta complainte.
44. Ô si tu pouvais être un corps capable de dire ses douleurs !
4 5 . Si des larmes pouvaient rougir tes paupières !
46. O si tu pouvais avoir une bouche pour crier ta peine !
47. Avec le langage de son état, je l'ai entendu me dire :
4 8 . Ô toi qui me questionnes, qu'il te suffise de savoir
qu'à ma source était l'abeille,
49. J'étais dans une province puissante et j'y avais mes guerriers,
50. Des tribus ailées au parler à nul autre pareil !
5 1 . Elles édifiaient des palais dont chaque tour était garnie,
52. Elle approvisionnaient le rucher des dons de Dieu en abondance.
5 3 . Elles s'y retiraient à l'abri, comme des rois, en hiver,
54. Aux jours de printemps, elles les quittaient pour des jardins en fête.
55. Des incendiaires sont venus attaquer mes héros,
56. Ils ont laissé mon royaume en ruine, après sa gloire.
57. Ils m'ont mise à la presse pour extraire mon miel,
58. Connaissant ses vertus pour leurs corps malades.
59. De mes rayons, ils ont extrait ma cire, ô toi qui m'écoutes,
60. Saches que mon destin est long à conter.
[IV]
6 1 . Pour se servir de moi, ils ont inventé mille façons,
62. Je fus détruite, réduite à rien,
63. Une armure d'acier même ne m'aurait pas sauvée !
[...]
70. Autour de la mèche il ont enroulé ma cire,
7 1 . Et voilà comment, la mèche allumée, je me consume malgré moi.
72. Je me répand en rigoles,
7 3 . Je m'égoutte sur le bougeoir.
74. Quand je pense à mon royaume, mon éloignement augmente ma
douleur,
75. Quand je pense aux soirées de fêtes,
je sens que le temps de mes chaînes ne fait que commencer.
76. Quand je pense au pressage, après la dispersion et l'exil,
77. Je me dis que les larmes me sont un devoir, après tout ce que j'ai
enduré.
7 8 . Il me faut pleurer ma déportation et ma solitude,
79. Mes proches ont renoncé à moi et mon salut est improbable.
80. Après tant de tourments, comment rester indifférente ?
8 1 . A mon cruel supplice il n'est pas de remède !
82. Combien ai-je subies d'avanies, le feu n'est que la plus récente,
83. Sa brûlure peu de chose et la mort une moindre épreuve.
[V]
84. Parles-en aux gens de coeur, toi qui es séparée des tiens,
8 5 . Et des tribus ailées, tes partisans,
86. Ils t'apprendront que chez eux, tu es parmi tes proches !
87. Leur discours ne pourra que te réjouir.
88. Ta présence leur être de bonne augure,
89. Et ta clarté les émouvoir.
90. Grâce à toi, ils veillent dans le noir,
9 1 . Et quand ta flamme s'éteint,
92. Il faut se séparer, on se soumet à ton ordre.
93.
94.
Pourquoi te désoler, chandelle tant estimée,
Quand toute fête exige ta présence ?
95.
96.
Chandelle, tu passes les nuits en oraisons dans tous les sanctuaires,
Dans combien de lieux saints n'es-tu pas allumée !
97.
98.
Chandelle, tu veilles auprès des riches et des puissants,
A ta lumière s'échangent les fortunes.
99. Chandelle, tu éclaires les veillées des amants,
100. A l'amoureux tu révèles les splendeurs de sa maîtresse.
101. Chandelle, tu veilles dans les lieux où les croyants se prosternent,
102. La Nuit du Destin, tu éclaires au récitant le Livre révélé.
103. Continue, chandelle, à pleurer au plus noir de la nuit,
104. Tandis que je verserai des larmes sur mes péchés d'ici bas.
[VI]
105. Réjouis-moi avec tes inventions inspirées, ô poète à la langue
parfaite.
106. Qu'on me rapporte de tes histoires encore et encore,
107. Que seuls peuvent comprendre ceux qui ont subi notre sort.
108. J'admets que mon feu n'est rien face à ta souffrance,
109. Tous mes secrets n'égalent
110. Qu'un seul de tes tourments.
111. Que peuvent contre toi ceux qui doutent de tes trésors ?
112. Ton étalon est fait d'or pur,
113. Ne l'ignorent que ceux qui n'ont pas fait appel à tes remèdes.
114. Pourtant, lui ai-je répondu, nombreux ceux qui m'ont nié dans mes
oeuvres !
115. Et combien de jouteurs s'acharnent encore à me chercher querelle !
116. J'ai à leur opposer les témoignages de bien des beaux esprits,
117. Qui me reconnaissent finesse et noblesse d'expression.
118. Si mes détracteurs éprouvaient mes propres tourments,
119. Ils sauraient reconnaître la justesse de mes mots
et leur coeurs en seraient touchés, comme par les vertus de la foi.
120. Les vrais maîtres de la parole ont disparu,
121. Seul subsistent des prétentieux ignares.
122. J'aime encore mieux le silence que leurs propos insensés,
123. Qui n'apportent rien à personne, sinon des bassesses.
124. Je dédie mon salut aux vrais créateurs,
éternel comme le parfum de Galia,
125. De roses, d'églantines et de fleur d'oranger.
126. Que mon nom soit énoncé en clair dans mes registres :
127. Mohammed al-Charif Ben Ali, dit Ould Arzin, ce sont là mes
racines.
* * *
Texte III : Poème de l'ingrate
[refrain]
Va, ingrate,
Puisses-tu vivre de longues années de misère,
Et porter les stigmates de ton infidélité,
Toi qui as trahis ton amour !
[I]
1.
2.
3.
4.
Je prends
Et souffre
Sans rien
Ni du feu
mon mal en patience
en silence,
montrer de mon trouble,
qui me brûle.
5.
6.
7.
8.
Tout au long de la nuit le sommeil me fuit,
Mes soupirs raniment les meurtrissures du coeur,
Je suis l'ombre de moi-même :
A mon mal, il n'est pas de remède.
9.
10.
11.
12.
Il est inutile de vouloir cacher la vérité,
Mon secret est éventé,
Offert à tous les regards,
Et moi qui croyais l'avoir bien gardé !
13.
14.
15.
16.
Le coeur rempli de haine,
Tu demeures insensible, ajoutant le dédain,
A mes égarements déjà grands :
Un jour viendra, où tu recevra le prix des tes forfaits !
[II]
17. J'ai été pour toi un compagnon franc et fidèle,
18. Tu sais combien je suis sans arrière-pensée.
19. Tu prends plaisir à te rendre insupportable,
20. Alors que ne je cherche qu'à obéir à mon destin.
2 1 . Attends-toi à ce que ton emportement,
22. Te mène à ta perte pour avoir péché contre moi !
23.
24.
25.
26.
Puisses-tu ne plus jamais retrouver la paix,
Toute ta vie mes plaintes te poursuivront,
Partout tu en redoutera les embuscades,
Le chacal lui-même s'en effrayera !
27. Je suis de ces hommes loyaux,
28. Loués pour leur qualités.
29. Toujours fidèles,
30. Même dans un monde de traîtrise.
31.
32.
33.
34.
Je t'ai vu arriver toute enflammée,
Séduite par des vaniteux,
Godelureaux superficiels,
Introuvables au jour de l'adversité.
35.
36.
37.
38.
Mais patience,
Arrive toujours le temps où le puissant déchoit,
Puni de son arrogance.
Tout édifice bâti sur la trahison finit par s'écrouler !
[III]
39.
40.
41.
42.
Je te
Pour
Mais
Sans
supposais trop de raison,
t'abaisser à pareille compagnie.
te voici la dupe d'avares, hâbleurs
foi ni loi aucune.
4 3 . Tu préfères grandir un être vil,
44. Et me châtier sans cause.
45.
46.
47.
48.
A la satisfaction de mes ennemis,
Tu as m'as abandonné, belle aux paupières fardées.
Égarée par Satan,
Jamais tu ne retrouvera un ami comme moi !
49.
50.
51.
52.
Tu aura beau faire le tour du monde,
Écumer les campagnes et les villes,
En vain tu cherchera
mon égal, prêt à tout donner.
53.
54.
55.
56.
J'offre à mes convives le plus précieux de moi,
Et mes biens les plus rares.
Pour la présence de mon aimée,
J'accéderais à ses moindres caprices.
57.
58
59.
60.
Sans regarder à la dépense,
J'accueille avec discrétion et bonhomie
Et paye volontiers le prix
Afin d'offrir le meilleur à mes hôtes.
[IV]
6 1 . Le retour dans le droit chemin est interdit
62. A celui qui est dans l'outrage.
63. Ton avilissement est irréparable à mes yeux,
64. La dureté de ton hostilité m'est trop amère.
65. Pire encore est la moquerie de mes ennemis,
66. Et leurs allusions blessantes.
67.
68.
69.
70.
Tu en as fait des alliés
Et tu m'as renié sans remords, il n'y a plus d'honneur.
Ta complaisance pour ces malveillants,
Me ravage le coeur.
71.
72.
73.
74.
Tu attises le brasier dans lequel je brûle,
tandis que tu erres sans te soucier de moi.
Ton coeur, en devenant mauvais,
A changé sa blancheur de lait pour la teinte du goudron.
75.
76.
77.
78.
Comme disent les anciens :
Qui fait le mal, mourra trahi.
Tous connaissent le généreux,
Qui fait le bien trouve sa récompense.
79.
80.
81.
82.
Bien des jeunes beautés t'ont devancée,
Aussi longtemps qu'elles sont restées jeunes,
Les langues ne parlaient que d'elles,
Mais elles ont grandi et l'âge est venu !
[V]
8 3 . Vas, tyran, ne m'approche plus,
84. Notre rupture est irréparable.
85. Je renonce à toi et à ta cruauté,
86. Puisque tu te complais en si veule compagnie.
87. Tes comparses ne sont ni bons, ni utiles,
88. Nous étions amis, tu te révèles trompeuse.
89.
90.
91.
92.
Si tu te compares à un cheval indomptable,
Au jour du combat, j'ai été ton dompteur victorieux
Et j'en ai bravé tous les dangers,
Aujourd'hui je renie jusqu'à ton souvenir !
93.
94.
95.
96.
Si tu te compares à un jardin,
J'ai cueilli tes plus belles fleurs,
Et détaché de tes branches
Leurs fruits avant qu'ils ne soient mûrs.
97.
98.
99.
100.
Si tu es fière de ta beauté,
J'ai vécu en ta compagnie des jours enviables,
Et j'ai su l'admirer
Avant qu'elle ne te quitte.
101.
102.
103.
104.
Lorsque nous sommes heureux,
Nous vivons dans des palais imaginaires,
A vitraux et à coupoles,
Et ornements à l'avenant.
105.
106.
107.
108.
Quand vient le temps des épreuves,
Soleil et lune perdent leur éclat,
Comme caché derrière poussières et fumées,
Les étoiles de la nuit se dérobent à la vue.
109.
110.
111.
112.
De Dieu j'attends la guérison :
Puisse le Tout Puissant me sauver de toi,
Je demande Son secours,
Grâce à Lui, aussi dure qu'elle soit,
toute peine connaît sa fin.
113.
114.
115.
116.
Comme dit le sage :
De qui renonce à toi, respecte la décision.
Aussi longtemps que dure sa colère,
Écarte-toi de son chemin.
117.
118.
119.
120.
Acceptez ces strophes des plus poétiques,
Oeuvre de l'habile Anjjar, célèbre
Dans l'art de sertir les joyaux :
Tel doit être l'ouvrage parfait.
* * *
Texte IV : Poème de l'orage
[refrain]
Amis, j'ai reçu la visite de mon aimée hier, en plein Ramadan,
Et c'est comme si j'avais cueilli du miel et des roses
et l'on m'a accusé d'avoir rompu le jeûne,
Que ne l'ai-je fais, après tant de solitude !
N'est-il pas recommandé au malade de ne pas faire carême ?
[I]
1.
2.
3.
4.
Après la sécheresse, l'orage fait gronder son tambour,
Sabre au clair, la foudre met en déroute la cavalerie vaincue,
Le vent, cavalier intrépide,
Repos pris, le voilà prêt à en découdre.
5.
6.
7.
8.
L'averse attaque, étendard brandi,
Ses ondées victorieuses font courir les torrents,
Et mon coeur débordant,
Partout où l'oeil se tourne il ne voit que verdure.
9.
10.
11.
12.
Depuis les champs fleuris s'élèvent des parfums,
Le printemps, roi sans rival,
Aux ombrages reposants,
A inventé des merveilles d'habits neufs.
13.
14.
15.
16.
Joyeux entrepreneur, il dispense ses largesses :
Roses, fleurs sauvages, concert de chant d'oiseaux,
Dans un jardin en fête,
Où l'abeille butine parmi les roses.
[Il]
17.
18
19.
20.
Découragé par un trop long oubli,
Anéanti de solitude, mes fardeaux dispersés dans tous les pays,
Aujourd'hui, que va-t-il m'arriver?
Le remède est proche, mais je ne sais plus l'attendre.
21.
22.
le
23.
24.
Il suffirait qu'elle me regarde un instant,
Pour ajouter aux douceurs de l'amitié
bonheur de sa complicité.
Je ne désire rien de plus,
Ma passion est pure, je ne triche pas en amour.
25.
26.
27.
28.
Les querelleurs n'y peuvent rien, je demeure sourd aux censeurs.
Patience, ô toi que l'amour n'a encore jamais atteint,
Moi, la beauté est mon unique pensée,
Avec celle de l'amour, dont l'épée à versé mon sang.
29.
30.
31.
32.
et
Tantôt on me trouve errant sur les marchés,
Tantôt conscient, tantôt distrait, à croire que je suis ivre.
Amoureux, mon état est ainsi,
Toi qui n'en n'es pas atteint, laisse-moi son fardeau
sache qu'amour est maladie pardonnable.
[III]
33.
34.
35.
36.
Combien de nuits ai-je passé sans sommeil,
tandis que tu dormais heureuse !
Combien de fois ai-je ravivé mes plaies,
Tandis que ton coeur demeurait paisible !
Combien mes yeux ont-ils versé de larmes,
A cause des peines de mon coeur affligé !
37.
38.
39.
40.
41.
42.
A combien de mes maîtres n'aurais-je pas demandé
de te supplier pour moi, leurs turbans à tes pieds,
Même le coeur d'un chrétien en serait attendri !
J'ai perdu ma joie de vivre et mes biens,
Ne sais-tu pas que l'amoureux périt d'être délaissé ?
43.
44.
J'ai beau jeter des charmes, en amour la magie est sans pouvoir,
Pourtant, je ne peux m'empêcher de poursuivre ma quête,
à tout instant je crois trouver l'issue,
Mais je suis à bout de ruses.
Dieu seul a le pouvoir de gouverner nos actes.
45.
46.
47.
48.
Longtemps j'étais comme un bateau corsaire privé de capture,
Que soudain une brise heureuse anime
Et pousse en haute mer,
Guidé par son capitaine à l'affût d'une prise.
49.
50.
51.
52.
Dès que les guetteurs m'annoncent depuis le port,
Les habitants de la ville sortent et me reconnaissent,
Leur joie est pour moi de bonne augure :
Aux marchés du luxe, les réputations s'enrichiront de mes trésors.
[IV]
53.
54.
55.
56.
Homme au grand coeur et joyeux ,
j'ai le maintien modeste dans les banquets,
Subtil, ma place est parmi les maîtres du verbe,
Pourtant il me faudra disparaître,
Pour que me reconnaissent enfin ceux qui médisent de moi.
57.
58.
59.
60.
Pur de tout défaut, on ne peut rien me reprocher.
Je ne suis pas un faux dévot et n'ai jamais rompu le jeûne.
Cette oeuvre n'est que le fruit de mon savoir-faire,
Que Dieu me pardonne mes errements.
61.
62.
Sans Sa bonté, j'aurais sombré dans un océan de fautes,
Aux portes du Salut et du Pardon, en secret et à haute voix, je me
repens,
Tout au long de la vie,
Pour mes péchés passés et ceux qui surviendront encore.
63.
64.
Guide-moi, Architecte des cieux, vers la piété,
Convertis mes erreurs en bienfaits et sauve moi du diable.
Ne refuse pas mes prières,
Ô Toi qui connais le secret des coeurs, allège le fardeau du
pécheur !
[V]
Transmetteur du poème, ajoute ce poids à ton chargement,
Prend garde aux prétentions des plagiaires ingrats,
Sache que j'ai fait enregistrer mes dires,
Épée tranchante contre tout prétendant.
Aux subtilités du jeu de dames, comment pourrait-il me battre ?
Je tiens la "septième" et ses "chiens" sont prisonniers des coins.
Sans même parler de mes pions,
Mon triomphe est évident, qui prétend le contraire n'a qu'à élever
la voix !
Aux cartes, je tiens les quatre "trois",
Avec leurs compléments de "deux" je fait mala, et j'ai encore deux
"as",
Les paris sont à ma gauche,
Dès qu'il sortira son jeu, je l'abats sans ménagement !
Vierge merveilleuse dont j'aime me vanter,
Du jardin de Ben Sliman, elle est le rayon de miel,
Où quelques-uns pourront boire de mon suc.
Prend ce poème destiné à la coupe des amants.
Que la bénédiction de Dieu soit, à jamais, sur les hommes d'esprit,
Comme un bouquet de roses, de fleurs sauvages, d'églantines et de
fleurs des jardins
Aussi odorant que les parfums de Galia et de abîr,
Auxquels s'ajoutent benjoin, musc et tout ce qui parfume.
Quatre poèmes traduits par Hassan Jouad
samedi 21 janvier 1995
20h - salle des concerts
Algérie
musique arabo-andalouse d'Alger : çanaa
Association Artistique Culturelle de Musique
Andalouse "Es-Soundoussia"
entr'acte
Mohamed Khaznadji et son ensemble
Mohamed Khaznadji et l'ensemble Es-Soundoussia
En Algérie, l'existence de la nouba, appelée à Alger sanca ou
çanaa, ce qui littéralement signifie métier, se perpétue grâce aux
associations musicales. Il s'agit de clubs ou de sociétés, qui à la fois
dispensent des cours de musique arabo-andalouse, préparent les
interprètes, montent des formations musicales et enfin organisent
des concerts de ce même répertoire. L'idée d'une société musicale
arabo-andalouse, dont le nombre ne se compte plus à l'heure
actuelle, l'on parle de près d'un millier d'associations disséminées
sur tout le territoire algérien, a été lancée pour la première fois au
début de ce siècle. On la doit à l'algérois Edmond Nathan Yafil qui
en 1911 fonde la première association musicale que connaît le
pays. Elle portera le nom d'al-Moutribia.
T o u s les artistes relevant du patrimoine arabo-andalou sont
passés d'une façon ou d'une autre par une association, comme l'est
par exemple Mohamed Khaznadji, l'une des plus grandes voix de
l'Algérie d'aujourdui. Algérois né en 1929, Khaznadji a fait ses
premières armes dans l'association al-Hayat dès 1946, avant de
fonder son propre groupe. On y remarque parmi les interprètes qui
l'entourent, la présence de Mohamed Bahar l'un des meilleurs
joeurs de kwîthra ou kuitra algérienne , ce luth de la famille du oud,
malheureusement en voie de disparition.
Par le moyen des associations et de leur fondateur, on est
ainsi en mesure d'identifier les maîtres qui se sont succédés et de
remonter sans peine jusqu'au début du siècle. Il révèle à l'extrémité
de la chaîne, la personnalité quasi légendaire de Mouzino, comme
transmetteur par musicien interposé, de son art, à Khaznadji bien
que, lorsque l'on compare les interprétations de chacun, un abîme
les sépare, dû à la personnalité des musiciens, à leur sensibilité
propre et au fait que l'art arabo-andalou a évolué. Mais ce que
Khaznadji rend parfaitement, c'est le style intériorisé caractéristique
d'Alger, surchargé de mélismes et d'ornementations qui tend
véritablement au mysticisme. Aucune virtuosité gratuite ne se décèle
ici , tout est au service de l'introspection qui correspond par ailleurs
parfaitement au texte poétique : celui de la délicatesse et du
raffinement d'amants pudiques.
Parmi les associations musicales qui ces dernières décennies
ont eu tendance à éclipser toutes les autres, il faut faire une place à
part à la toute jeune Es-Soundoussia, fondée en 1986 par un
musicien amateur, musicologue de renom, producteur à la radio
d'Alger d'émissions sur la musique arabo-andalouse, Ahmed Sefta
(1918-1989). Aujourd'hui Es-Soundoussia est l'association qui a le
plus parcouru le monde faisant connaître à l'étranger, le répertoire
de la nouba.
La nouba comprend une longue suite chantée et instrumentée,
de plusieurs mouvements allant s'accélérant.
L'origine de ce genre remonte à la terre d'al-Andalus, d'où le
nom d'arabo-andalou qui lui sert désormais de générique. Il existe à
l'heure actuelle douze noubas complètes en Algérie et quelques unes
incomplètes. Elles se caractérisent en outre par un n o m b r e
impressionnant de versions différentes de mouvements, ce qui en
fait un répertoire quasi inépuisable. On a pris l'habitude de jouer en
concert soit des extraits de noubas, qui sont toutes basées sur la
notion de mode, soit des noubas dans leur intégralité comme celle
dans le mode sîkâ ou çîkâ qu'interprétera sur la scène de la cité de la
musique, Mohamed Khaznadji.
.
C.P.
•
concert du 21 janvier - première partie
Membres de I
Association Artistique Culturelle
Andalouse "Es-Soundoussia"
Smain Hini, chef d'orchestre,
de
Musique
cithare
Nadji Hamma, oud
Yassine Bouzama, soliste vocal et instrumental, oud
Kahina Hini, soliste vocale, oud
Hakima Benchikh, oud
Amel Radia Nouaceur, oud
Lamia Maadini, soliste vocale, oud
Samia Benchikh, soliste vocale, kouitra
Djalila Dris, kouitra
Naguib Kateb, soliste vocal, rebeb
Brahim Bakadi, violon alto
Hochine Zaarir, violon alto
Djamal Kebladj, soliste instrumental, violon alto
Mounia Marniche, soliste vocale, violon
Rabah Azzoug, soliste instrumental, flûte
Saïd Taslent, derbouka
Nabil Mansour, tar
Youcef Nouar, soliste vocal, mandoline
Moussa Haroun, mandole
Samir Briedj, l u t h
"Es-Soundoussia"
mouvements et textes
Nouba du mode Ghaib-Zidane
Ouverture Instrumentale - Touchia Zidane
A - 1er mouvement de la Nouba - Très lent - 4/4
Mercceder Zidane - Tehia Bikoum
B - 2ème mouvement de la Nouba - Lent - 4/4
Betaihi Ghrib - Alli Ya Ghouhoud
C - 3ème mouvement de la Nouba (moins lent avec les
deux premiers mouvements) Derdj Zidane - Louzou Fateh - 2/4
D - 4ème mouvement de la Nouba - Rythme composé - 5/8
Nesraf Gheib - Zarni El Malih
E - 4ème ouvement de la Nouba - Rythme composé - 5/8
Nesraf Zidane - Touiyari Mesrar
F - 5ème mouvement de la Nouba - Rapide - Rythme 6/8
Khlass Zidane - Ama Tataki Allahm
G - 5ème mouvement de la Nouba - Rapide - Rythme 6/8
Khlass Ghrib - Koulif tou Bil Badii
H - 5ème mouvement de la Nouba - Rapide - Rythme 6/8
Khlass Zidane - Y A Kamil El Magharii
1er mouvement - Mercceder Zidane - Tehia Bikoum - (traduction Ahmed Sefta)
Se vivifie toute terre que vos pieds foulent
Comme si vous étiez des pluies pour les contrées terrestres
L'oeil éprouve le désir de voir en vous l'aspect agréable
Comme si vous étiez des lunes aux yeux des hommes.
2ème mouvement - Betaihi Ghrib - Ali Ya Ghouhoud - (traduction Kateb Naguib)
J'ai fait le serment de n'aimer que toi et je ne laisserai aucun amour être
plus grand que celui que j'éprouve pour toi
Je ne me laisserai pas entrainer dans d'autres tourments; pleine de grâce
quand tu te meus je suis épris de toi
refrain
Consumé par ton refus et ton indifférence, malgré mon jeune amour, tu
seras toujours aimée et moi le mal-aimé
Mais nous te verrons te repentir si tu aimais un autre que moi et la
tristesse pendant longtemps t'envahira.
3ème mouvement - Derdj Zidane - Elouzou Fateh - (traduction - Ahmed Sefta)
L'amandier est couvert de fleurs
Il s'est coiffé de turbans
Sur le sol il étale ses pièces d'argent
Qu'ont-elles dit les belles ?
Que cette joie demeure pour toujours
Le mois de Châabane vient de s'écouler
Et le mois de Ramadhan vient d'arriver
Au sein de ma cérémonie, mon ami sera roi
4ème mouvement - Nesraf Ghrib - Zarni El Malih - (traduction - Kateb Naguib)
La belle m'a rendu visite et la nuit se prolongea
Ses joues me font penser à une pomme coupée en deux
d'où se dégage un parfum merveilleux
Chanceux celui dont la destinée a tourné sous des vents favorables
refrain
Je me suis retrouvé de longues nuits contemplant les étoiles
Ce qui m'est prédit dans l'avenir, pourquoi ne le serait-il pas aujourd'hui
4ème mouvement - Nesraf Zidane - Touiyari Mesrane - (traduction Ahmed Sefta)
Mon petit oiseau est plein de grâce
Il ne supporte aucune violence
Son bec est jaune, sa poitrine est rouge
II chante à haute voix il est fait pour la fête
Il a battu des ailes et s'est envolé
Il a quitté les lieux pendant un moment
Puis il a fait demi tour et s'est posé sur ma main
La vie n'a jamais duré après moi pour personne.
5ème mouvement - Khlass Zidane - Ama Tataki Allah - (traduction : Ahmed
Sefta)
Ne crains-tu pas Dieu. Toi qui fait souffrir mon coeur
N'ajoute pas à ma maigreur, une autre maigreur.
Personne n'a agi comme j'ai agi par ignorance
J'étais libre et je suis devenu esclave avili
Combien de fois, je suis resté debout
Près des maisons en train d'appeler. Ô, vois mes amis
Sachez que l'ami fidèle s'est détourné de moi
Ô, guide dans la voie du bien fait, sois pour moi un ami
Toi qui préserve du trébuchement, relève-moi de mes chutes.
5ème mouvement : Khlass Ghrib - Koulif tou Bil Badir - (Traduction Kateb
Naguib)
Celle qui occupe mon esprit est belle comme un astre
Depuis qu'elle m'a quitté, je suis l'ombre de mon ombre
Mon Dieu, comme je regrette son départ
j'ai perdu patience et je ne retrouve pas le sommeil.
Elle a attisé le feu dans mes entrailles, dans mon coeur
et a ouvert mes plaies.
5ème mouvement : Khlass Zidane. Ya Kamil El Maghanï- (Traduction Ahmed
Sefta)
Toi aux qualités parfaites, ma liaison avec toi est mon remède
Cesse cette bouderie, mon sort est lié à toi
Rends-moi visite, ô prophète, honore mon logis
Tu m'as brûlé avec la flamme de la passion
C'est à toi qui a commis la faute
Honore ô beauté ou bien c'est à moi d'honorer
Viens à moi petite gazelle
Et fais ce que tu aimes, ce que tu désires
mon âme est à toi, bien soumise
Combien tu es douce, combien tu es chère
Ton seigneur t'a élevé
Souverains et monarques se plient à tes ordres
Rends-moi visite ô beauté ou bien je te rendrai visite.
concert du 21 janvier - seconde partie
Mohamed Khaznadji et son ensemble
Mohamed Khaznadji, chanteur
Zerrouk Mokdad, chant, musicien
en
Fateh Saadi, flûte
Boudjema Ferguene, cithare
Mohammed Behar, kouitra
Hamid Khedim, chant, violon
Hacene Benchoubane, mandoline
îe
Belkacem Si Saber, percussion
Arezki Saïdi, percussion
Mohamed Khaznadji
textes des chants
Mode Sika
Première partie de chants après la touchia (ornement, improvisation)
Mon corps est tourmenté.
Je me plains du doute qui me terrasse et mon coeur je m'en plains.
Partagé entre l'Orient et l'Occident, je n'ai vécu longtemps qu'en
vivant caché aux yeux de la colombe qui ne trouva point mon refuge.
Et si Dieu m'avait prolongé la vie comme il a fait jadis pour Noé,
je l'aurais échangée contre une heure passée à tes côtés et cela m'aurait
suffit.
J'ai goûté ta sève entre tes lèvres.
Pour moi, il m'est plus cher pour tes faveurs, je donnerai mon sang, ma
vie et mon temps sur cette terre.
Mode Sika
Premier mouvement - (chant Khaznadji)
Oh! bonnes gens, je demande l'indulgence
Regardez ce qu'il advient de moi.
Je ne cesse de maigrir, tourmenté, égaré.
Adorant cet astre, cette étoile à jamais.
Par Dieu pourquoi ai-je succombé à son charme ?
l'objet de mon amour ne permet pas la rencontre.
Je jure devant Dieu de ne pas dégriser
jusqu'au jour où corps et âme, il m'appartiendra
Je n'aurai de cesse jusqu'au jour où nous le verrons
boire dans ma coupe l'amour à longs flots
Aux yeux du cerbère et de l'indifférent
et je vanterai la douceur de cette liqueur
à toutes les âmes sensibles et amoureuses.
J'ai perdu le sommeil, tourmenté, égaré
Adorant cet astre, cette étoile à jamais.
Mode - Sika
Deuxième mouvement - (chant Khedim)
La belle au visage d'une beauté parfaite
Aie pitié pour ce coeur, qui d'amour, ne sent plus ses
entrailles, qui a perdu l'esprit.
Pas de médecine pour guérir mes douleurs
ni d'âme sensible pour alléger mes maux.
Tes faveurs j'en demande et cesseront dès lors mes tourments.
Tant que tu t'éloignes, mon coeur se rapproche de toi.
Par la rencontre apaise ce coeur égaré, perdu à jamais.
J'ai perdu ma vie épris de toi.
Oh ! toi qui ne cesse de me bouder et me fuir
Je n'ai plus qu'à te suivre, espérant tes faveurs,
ton amitié, ton amour.
Je t'ai prié au nom de celui qui sépara le ciel de la terre
N'écoute pas les dires des envieux, laisse-moi me perdre dans ton amour
Je supporterai l'éloignement et la séparation
Quand tu souris de ta bouche pulpeuse et rouge
D'entre tes joues flamboyantes, tu fais pâlir toutes les roses du jardin
Tu es en moi ancré dans les profondeurs
Tu es la cause de mes insomnies
Je n'ai qu'à te suivre en espérant, tes faveurs, ton amitié et ton amour.
Mode - Sika (suite)
Troisième mouvement - mesure 4/3 - (chant Mekdad)
L'amour embrasa mes entrailles
J'ai bu le feu de ma passion.
Mon coeur était mien et sur le chemin de l'amour je le conseille
Mais je l'ai offert dans la paume de ma main
à ce cruel qui me perdit, jusqu'à s'envola toute ma patience
En espérant la rencontre, dans mon égarement et ma persistance
Ressemblant à ce rapace quand le soleil est au zénith
Fondant sur sa proie, qu'il tient et qu'elle lui échappe sans jamais se
lasser.
Suite du troisième mouvement - (chant Khaznadji)
Vite j'ai bu ce vin, mon âme est dans l'effervescence
Mon coeur a pris racine là où on le repose, on l'humilie
Effondré par le doute dans l'attente, je me fonds et me morfonds.
Que je me ressaisisse, car l'amour et l'envie me rendent malade et me
désarment.
Toi qui m'a servi ce vin, j'ai vu sur ta joue la fraîcheur et une rougeur
écarlate.
Et dans ces jardins j'ai vu comme une broderie descendre les nuages et la
brume sur ses carrés verts où s'entrelaçaient les roses et les jacinthes.
Mode - Sika
Quatrième mouvement - mesure 5/8 - (chant Khaznadji)
J'ai posé un baiser ardent sur la paume de sa main
Que veux-tu me dit-elle
Je lui ai dit la rencontre et l'amour
Tu demandes l'impossible me dit-elle
Je te demande la cause
Elle me dit mon coeur te refuse
Il ne me reste qu'à mourir
Elle me dit meurs en martyr
J'ai posé mes lèvres sur la paume de sa main
Elle me dit que convoites-tu
Je lui dit la rencontre et l'amour
Elle me dit tu n'as point tenu tes promesses
Pourquoi ? je lui dit.
Elle me dit : après l'amour et l'attente mon coeur t'a ha.
Il ne me reste qu'à mourir
Mon coeur t'a déjà remplacé.
Suite quatrième mouvement - mesure 5/8 chanté par l'ensemble de l'orchestre
Un croissant lunaire m'est apparu.
D'entre les planètes, brilla son corps élancé comme un rameau.
Sa démarche ondulante comme une brise légère balançant les roseaux.
C'est la création du Divin - Dieu puissant miséricordieux.
Il dit soit et elle fut.
Dans un corps majestueux une grâce sans pareil.
Elle a des yeux miel et langoureux surplombant un grain de beauté
Sur pommettes saillantes.
Quand mon séducteur permettra-t-il la rencontre ?
Il a des longs cils et des joues flamboyantes
Tous les envieux me jalousent ces mollets d'un galbe parfait.
Dieu dit soit : et elle fut dans un corps majestueux et une grâce sans
pareil.
Suite quatrième mouvement - mesure 5/8 - (chant Khedim)
Toi qui as la peau dorée comme le miel
Que me reproches-tu ?
Mon amour dure depuis toujours, tu es mon espoir.
Vois-tu le cerbère nous guette voguant entre toi et moi.
Il nous épie, je suis ton esclave asservi, ordonne et j'exécute.
Profite pleinement oh ma belle car la vie n'est pas éternelle
Ne perds jamais espoir de posséder celle que tu aimes.
Si ton amour s'éloigne de toi, rapproche-toi de lui.
Dieu fasse qu'auprès de lui se dissipent tes tourments
Celui que j'aime ne veut étancher sa soif.
Avec lui, marchander ne servirait à rien.
Lève-toi et savoure une heure de délice et de délectation
Entre les jeunes pousses et les jasmins à profusion.
Et le chant mélodieux des oiseaux.
Et le rossignol qui entonne un hymne splendide et merveilleux.
Profites oh ! ma belle d'une heure de charme sans pareil.
Finale de la nouba du mode Sika
Rythme rapide et sautillant exécuté par l'ensemble de l'orchestre
Pourquoi celui dont je me suis amouraché me boude-t-il ?
A chaque fois qu'on se rencontre dans le dialogue il durcit le ton.
Que Dieu punisse celui qui l'irrita contre moi
II est parti et m'abandonna.
Trompé par ce maléfique envieux malgré que nous étions amoureux.
J'ai perdu le goût aux choses de la vie.
Que Dieu me vienne en aide et m'arme de patience.
dimanche 22 janvier 1995
16h30 - salle des concerts
Idir, chant
Lahouari Bennedjadi, clavier
Rabah Khalfa, percussions
Tarek Ait-Hamoi, guitare
Hachemi Bellali, basse
Eric Duval, batterie
Gérard Geoffroy, flûte
Katia Schuchman, danseuse
Bénédicte Leclerc, danseuse
Les danseuses interpréteront des danses des différentes régions
d'Algérie : Kabylie, T o u a r e g , C h a o u i , C o n s t a n t i n o i s e ,
Algéroise...
présentation du concert : Jean-Pierre Derrien
Idir
La musique kabyle d'Algérie est tout aussi ancienne que
récente. Ancienne elle a maintenu une tradition intangible à travers
ses villages. Le quotidien assigne à l'activité musicale une fonction
précise, comme il en partage les tâches : chants communautaires
anonymes pour les femmes, musiciens professionnels chez les
hommes essentiellement interprètes d'instruments à vent de type
hautbois avec l'accompagnement du tambour, flûte solitaire du
berger, que le futur Idir maniera dans sa jeunesse. Cette musique de
fonctionnalité frappe par l'austérité qu'elle dégage mais elle
entretient un sens poussé de la rythmique qui la tonifie. En outre s'y
décèle l'absence d'une panoplie instrumentale : les cordes y sont
inconnues. On comprend dès lors pourquoi les musiciens kabyles
jetteront leur dévolu sur la guitare qui désormais s'incrustera dans
leur paysage. Elle figure la modernité de préférence au luth arabe
assimilé à l'ancien.
Cette musique est tout aussi récente. Quelques décennies sans
plus. Elle a effectué un bond prodigieux, passant brusquement du
monde rural, son univers de toujours, pour celui de la cité avec
tous les changements et les aléas qu'un tel saut comporte. Ainsi a-ton transité d'une musique fonctionnelle rurale, à la chanson
m o d e r n e , celle du XXe siècle, sans traverser les stades
intermédiaires du populaire au savant.
En 1966 Paris découvre avec étonnement le chant ancestral
de Taos Amrouche, cette kabyle exilée. A cette, époque le jeune
Hamid Cheriet (Idir) est sans doute loin de pressentir qu'il sera
amené à inaugurer cette autre facette du chant kabyle qu'est la
chanson moderne, où il sera porteur d'une idéologie nouvelle. T o u t
débute en 1973 à Alger, le jeune musicien, étudiant en géologie qui
ne pense certainement pas à la carrière musicale, chante pour son
plaisir et s'accompagne à la guitare. Il doit être certainement doué
puisqu'il interprète de sa voix douce, une chanson qui deviendra un
des fers de lance de l'identité kabyle. Elle sera par la suite traduite
en divers langues : A Vava Inouva [Mon petit père]. Incroyable
succès qui en fait un tube. Cette chanson débute par les paroles
suivantes : "Dehors la neige habite la nuit, Dedans une voix cassée,
la même depuis des siècles. Des millénaires, celle des mères de nos
mères". Vraisemblablement c'est un hommage non dissimulé aux
femmes détentrices de la tradition orale chantée : elles l'ont
pieusement conservée. Toutefois le succès de sa chanson ne
l'empêchera pas d'effectuer son service militaire à Blida.
En 1975, Idir quitte sa terre natale. Il s'installe en France.
Commence alors pour lui une vie autre. Il opte désormais et malgré
sa timidité, pour la carrière musicale et choisit le patronyme d'Idir
ce qui signifie "il vivra". Il sera avec cet autre héraut de la Kabylie,
Aït Menguellet, le porte parole de la chanson kabyle. Elle se
caractérise par son sens de l'intimité, sa nostalgie profonde, sa
thématique de l'exil. Bien qu'engagée, n'a-t-elle pas abordé les
problèmes de migrance , elle assiste ces récentes années à une
refonte radicale de son idéologie : désormais ses défenseurs
s'expriment à haute voix, vont prendre parti, dénoncer l'appareil
politique. Cette prise de position fera d'Idir, grâce à ses déclarations
tempérées, un sage, qui en plus de sa musique, est désormais écouté
pour les propos qu'il soutient.
Ces derniers mois et en raison de la situation tragique que
traverse son pays, Idir s'est vu projeté à l'avant scène. Sollicité par la
presse, il a fait des déclarations et pris position. Alors qu'autrefois il
chantait l'identité berbère, il se tourne désormais vers la défense de
la propriété artistique, lui qui a dit : "Les chanteurs n'ont-ils pas la
capacité d'attirer les gens, les jeunes, surtout dans leurs rêves ?" Il
revendique le droit à la liberté. Il dira aussi "En Algérie ce n'est ni
l'idéologie ni la pensée démocratique qui mobilisent les foules, mais
la foi, l'émotionnel".
C.P.
•
La cité de la musique
vous invite à découvrir
- le Centre d'information musique et danse
- la rue musicale et le Gong
- le musée de la musique
- les partenaires médias
Centre d'information musique et danse
Le centre d'information musique et danse a pour mission
d'apporter à tous les publics une information généraliste et
actualisée sur l'enseignement et la pratique de la musique et de la
danse. A l'échelle nationale, le Centre d'information est un relais
apte à répondre aux questions pratiques du public, mais également
à l'orienter et le mettre en contact avec les acteurs de la vie musicale
et chorégraphique en France. Le centre d'information se nourrit de
collaborations réciproques avec les structures en région, les centres
d'informations spécialisés, les organismes institutionnels ou privés.
Le Centre d'information veut être l'interlocuteur de chacun, pour
aider à faire aboutir un projet, une envie, une curiosité, et, puisqu'il
s'agit de musique et de danse, une passion.
Les nouveaux services télématiques 3615 musique et 3615
danse se veulent de vrais guides pratiques de la musique et de la
danse. Ils couvrent ces domaines dans leurs multiples aspects, et
s'adressent aussi bien aux débutants qu'aux professionnels. Ils sont
consultables partout en France et 24h sur 24.
Au coeur de la cité de la musique, la salle d'accueil du centre
d'information musique et danse est un lieu de consultation et de
découverte ouvert à tous. Des ouvrages de référence, des répertoires
et des guides, certains concernant l'étranger, sont à la disposition de
tous (ainsi que la consultation des services télématiques) pour
assouvir une simple curiosité, répondre à une question précise ou
a p p r e n d r e à m i e u x utiliser les s t r u c t u r e s musicales et
chorégraphiques en place.
Dix postes de consultation permettent de découvrir tous les
nouveaux produits interactifs sur la musique. Chaque poste permet
l'accès à plusieurs supports sans manipulation de la part de
l'utilisateur. Cette multimédiathèque musicale, qui concilie
l'exploration, la découverte, le jeu, l'éducation et l'interactivité, est
dans ce domaine la première du genre en France.
horaires : du mercredi au dimanche de 12h à 18h
(jusqu'à 20h les soirs de concerts)
minitel : 3615 musique / 3615 danse
(l,27Frs/mn)
Un musée se prépare
Le musée de la musique ouvre ses portes au public en juin
1995. Pour permettre aux premiers visiteurs de la cité d'en
découvrir l'esprit et les préparatifs, la cité de la musique a
commandé aux réalisateurs Patrick Geay et Olivier Horn (Les Films
Armand Brière), un film qui sera montré dans l'amphithéâtre du
musée, une heure avant le début des concerts.
"Des éléments d'architecture, une porte qui se referme, une
rue couverte et "musicale" où s'engage u n e visiteuse... Derrière les
murs de la cité de la musique un musée se prépare...
A travers une fenêtre, un jeu de transformations graphiques
invite à y entrer pour une balade virtuelle et sonore dans l'univers
des futures activités du musée de la musique.
Des centaines d'instruments de toutes les époques ont été
étudiés, nettoyés, restaurés... L'équipe des techniciens de
restauration du musée finit d'apprêter la collection qui sera
présentée dans l'exposition permanente... Dans son atelier un
maquettiste assemble les éléments du théâtre des Champs-Elysées
en miniature au son de la danse rituelle des ancêtres du Sacre du
Printemps... Un facteur accorde le fac-similé d'un clavecin du XVIIe
siècle qui sera joué tout à l'heure sur la scène de l'amphithéâtre...
Des musiciens africains arrivent de loin avec leur balafon et leur
djembé pour une démonstration... Un m u r retrace l'évolution de la
notation musicale... Des instruments du XXe siècle aux formes
étranges se préparent à faire vibrer les murs...
Dans leurs caisses bien alignées dans les réserves du musée,
les instruments attendent d'entrer en scène pour livrer ce qu'ils
savent des époques, des œuvres et lieux qui les ont rencontrés..."
durée du film : 11 minutes
Le Gong
dans la rue musicale
La rue musicale, lieu de circulation, de rencontre, de détente,
a un double rôle. C'est une articulation entre la salle des concerts et
le musée de la musique. C'est aussi un symbole, une parcelle de
réseau urbain, une artère qui doit évoquer la ville.
La cité de la musique a cherché à valoriser les qualités
architecturales de la rue, sa courbe, son rythme par des découvertes
sonores.
Afin de lui donner sa propre identité sonore elle a fait appel
au plasticien du son, Louis Dandrel qui a imaginé un dispositif
entièrement acoustique le Gong, composé de 5 instruments géants à
balancier et de 20 résonateurs de cuivre.
La grande courbe sera ainsi ponctuée de sons brefs baignant
dans les vibrations des résonateurs; les balanciers en carbone auront
des mouvements souples dessinant une chorégraphie dans l'espace
lumineux de la rue.
Le Gong égrènera les heures de ses bras longs et graciles,
tandis que les résonateurs laisseront échapper de leur écrin
acoustique leurs vibrations fluctuantes et cuivrées.
Ainsi attirée par ces sons émergés du brouillard acoustisque
urbain, et des rumeurs de la circulation automobile, l'oreille du
visiteur s'éveillera en avance sur son regard.
Le Gong est conçu et réalisé par Louis Dandrel (Espaces
Nouveaux). Designer : Vincent Leroy - Lutherie : Sylvain Ravasse
Télérama
le magazine français tiré à plus de 600.000 exemplaires,
consacré chaque mercredi à l'actualité culturelle dans tous les
domaines : cinéma, théâtre, musique, radio et, bien évidemment, la
télévision, a toujours voulu prolonger l'intérêt rédactionnel
concernant un événement de qualité par un soutien actif et
promotionnel comme par exemple, le Centre de Musique Baroque
de Versailles, l'Ensemble Baroque de Limoges, des festivals comme
St Céré et le Périgord Noir, et aujourd'hui c'est avec plaisir que
nous soutenons l'action de la cité de la musique.
France Inter
Radio généraliste de service public, France Inter défend
régulièrement la création artistique et la musique dans sa plus
grande diversité à travers l'ensemble de ses émissions et de ses
actions de partenariat.
C'est pourquoi, fidèle à cette vocation, France Inter a choisi
d'apporter son soutien aux premiers pas de la cité de la.musique et
s'associera tout particulièrement aux concerts "Cité Jazz" du 31
mars au 2 avril, et "Accordez accordéon" du 9 et 11 juin. 1995.
France Musique
Dans ce Paris dont les siècles ont été jalonnés par les grands
noms et les grandes œuvres de l'histoire de la musique, surgit
aujourd'hui un lieu nouveau, à l'image de notre siècle : ouvert et
pluraliste, de diffusion et donc de plaisir de pédagogie et donc de
connaissance. Qu'en cette fin du XXe siècle, l'audiovisuel y soit
associé est à la fois logique et nécessaire, et Radio France, qui, à
travers notre pays relaie a n n u e l l e m e n t des centaines de
manifestations musicales, va naturellement y planter ses micros.
Sans prétention excessive, une cité de la musique sans France
Musique ne serait pas tout à fait complète. France Musique sera
donc présent à l'heure de l'inauguration, non pas pour une activité
éphémère, le jour où l'on fait la fête parce que l'on ouvre les portes,
mais présent et profondément investi dans une activité culturelle de
première grandeur.
L'objectif est clair : grâce aux micros "parisiens" de France
Musique, c'est la France entière qui suivra les activités de la Villette,
au delà de quelques milliers de privilégiés, des millions de
mélomanes seront informés, concernés. Pour les musiciens, les
murs les mieux construits ne sont plus une barrière.
LVMH
MOËT HENNESSY, LOUIS VUITTON
remier
Groupe Mondial
7
Produits de Prestige

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