Mise en cause de l`expert-comptable et preuve numérique RFC n
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Mise en cause de l`expert-comptable et preuve numérique RFC n
Dossier spécial L’expert-comptable numérique - 70e Congrès EXERCICE PROFESSIONNEL Mise en cause de l’expert-comptable et preuve numérique Face au développement du numérique et en cas de mise en cause de la responsabilité de l’expert-comptable, il est important de connaître les moyens de preuve recevables lui permettant de prouver les diligences accomplies. Le professionnel doit conserver les preuves des missions et conseils donnés à ses clients afin de pouvoir justifier en cas de contentieux, de la bonne exécution de ses obligations. Les seules règles juridiques existantes en matière de preuve sont fixées par les articles L 110-3 du Code de commerce et 1341 du Code civil. A l’égard des commerçants les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens. En revanche, pour prouver un acte contre un non-commerçant, une preuve par écrit est exigée pour tout acte excédant une somme de 1 500 euros. Ainsi, et même si la preuve peut généralement être rapportée par tout moyen 1, il est préférable qu’elle passe par un écrit pour pouvoir dédouaner l’expert-comptable de sa responsabilité. Il est donc fortement recommandé d’utiliser tous les moyens à disposition pour formaliser le conseil délivré, du traditionnel format papier au format numérique de plus en plus utilisé. Support papier Courrier simple Un courrier ordinaire non recommandé n’est pas dépourvu de valeur, mais la preuve de sa remise est inexistante. Il n’y a ni texte, ni jurisprudence spécifique : c’est à celui qui se prévaut de la réception par un destinataire d’un envoi simple, d’en rapporter la preuve. Lettre recommandée Dans le cadre des échanges de courriers, la lettre recommandée est la forme d’envoi ayant une valeur juridique la plus importante : • elle permet d’obtenir la preuve du lieu de dépôt et de la date d’envoi ; Résumé de l’article Cet article fait le point sur l’impact du numérique sur le droit de la preuve et permet aux experts-comptables d’anticiper et de se prémunir en cas de mise en cause en se ménageant une preuve des diligences accomplies. 34 • l’option “avis de réception“ permet d’obtenir en plus, la preuve de la réception du courrier par le destinataire. Elle est à privilégier lorsque la date de recéption revêt un caractère élevé : rupture de la mission en particulier. Par Gaëlle PATETTA, Secrétaire général adjoint, Directeur juridique, CSOEC Remarque : Ces caractéristiques expliquent que dans certains domaines, l’usage de la lettre recommandée soit une formalité légale obligatoire, créatrice d’effets juridiques. Le non-respect de cette formalité entraîne généralement la nullité de la démarche. La lettre recommandée constituera généralement l’un des premiers éléments d’un éventuel dossier contentieux. L’expédition d’un courrier sous forme recommandée doit être systématique, chaque fois qu’il est nécessaire de conserver la preuve de la date d’envoi ou de sa réception. Remarque : Lors de l’envoi d’un courrier en recommandé avec accusé de réception, le destinataire qui prétend que l’enveloppe reçue était vide doit prouver que celle-ci l’était effectivement (ce qui, de fait, sera difficile à établir). Il en va de même si le destinataire allègue que le contenu de l’enveloppe était autre que ce qu’indique l’expéditeur : ce sera au destinataire de prouver ses dires, et non à l’expéditeur de prouver sa bonne foi 2. 1. Ainsi par exemple, les témoignages peuvent être utilisés dès lors que ce ne sont pas ceux de collaborateurs du cabinet mis en cause. Les enregistrements peuvent également être produits à la condition que la personne enregistrée ait été prévenue de l’enregistrement. Les messages laissés sur des répondeurs téléphoniques et les SMS sont acceptés (Cass., soc., 23 mai 2007, n° 06-43209). 2. Cass. Civ. 1ère ch., 15 juillet 1993, n° 92-04.092. // N°493 Décembre 2015 // Revue Française de Comptabilité et Eric FERDJALLAH-CHEREL, Directeur des études, CSOEC Courrier remis en mains propres La remise en mains propres d’un courrier contre signature règle la problématique de la preuve de la remise. Le niveau de preuve devient ainsi très élevé. Support numérique L’évolution et l’adoption rapides des technologies de l’information en milieu professionnel ont donné lieu à de nombreux bouleversements s’agissant de la façon de travailler, d’échanger, de transmettre l’information, et de facto de formaliser le respect des diligences. Tout est devenu plus facile et plus rapide. En effet, le numérique apporte de grandes facilités en termes : • de rédaction ; • de rassemblement des informations et des pièces ; • d’envoi ; • de traçabilité ; • de partage ; • d’accès ; • d’archivage. Ainsi, les outils numériques (du simple mail à la signature électronique, en passant par les documents PDF) permettent L’expert-comptable numérique - 70e Congrès Dossier spécial EXERCICE PROFESSIONNEL aujourd’hui de conserver la trace des diligences effectuées et donc de constituer les éléments de preuve nécessaires à la défense du professionnel, en cas de mise en cause. L’article 1316-1 du Code civil précise que l’écrit sous forme électronique est admis comme preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. Mail n Mail simple Moyen de communication de plus en plus répandu, le mail équivalent du courrier simple, offre des fonctionnalité supplémentaires de confirmation de réception et de lecture, permettant de s’assurer que les messages ont bien été reçus. Lors de l’envoi des mails, il est recommandé de demander un accusé de réception confirmant que le message a été remis au serveur de messagerie du destinataire ainsi qu’une confirmation de lecture indiquant que le destinataire a lu le message. Cependant, certains serveurs et applications de messagerie ne prennent pas en charge l’envoi de confirmation. Par ailleurs, le destinataire a aussi la possibilité de refuser de confirmer la lecture du message. n Mail recommandé La solution peut être de recourir à l’email recommandé pour certains envois particulièrement importants et dans le but de de renforcer l’authentification de l’expéditeur 3. Toutefois, il ne sera possible d’y recourir en lieu et place du recommandé AR postal qu’à la condition que la lettre recommandée postale ne constitue pas une formalité prévue dans le contrat. Le décret 2011-144 du 2 février 2011 relatif à l’envoi d’une lettre recommandée par courrier électronique pour la conclusion ou l’exécution d’un contrat, fixe les modalités relatives à l’identification de l’expéditeur et du destinataire, ainsi que les mentions obligatoires que doit comporter la preuve de dépôt et de distribution du mail recommandé. Dès que l’expéditeur compose sa lettre recommandée numérique, le tiers de confiance acheminant la lettre enregistre l’expédition. Cet envoi a la même valeur qu’une lettre recommandée sans avis de réception. La lettre recommandée numérique sera considérée comme reçue par son destinataire si ce dernier clique sur un des liens qui lui sont notifiés. Le tiers de confiance enregistre alors le fait que l’email est bien parvenu à son destinataire. Dans ce cas, la lettre recommandée numérique a la même valeur qu’une lettre recommandée avec avis de réception. La lettre recommandée numérique sera considérée comme effectivement remise à son destinataire si ce dernier en accuse réception. L’accusé de réception de la lettre recommandée numérique a alors la même valeur qu’un accusé de réception émargé par le destinataire de la lettre. Remarque : Le destinataire de mauvaise foi pourra toujours refuser d’ouvrir les lettres recommandées numériques qui lui sont adressées. Il faudra alors que l’expéditeur se tourne vers un huissier de justice pour faire signifier le document en question. Documents numériques n Scanérisation des documents papier Dans un souci de gain de place, les professionnels optent de plus en plus pour une numérisation de l’ensemble des documents papiers que contiennent leurs dossiers. Si la procédure de numérisation ne soulève pas de difficulté, il faut être vigilant concernant l’archivage des documents ainsi scannés en termes de conservation et donc de preuve ultérieure si le document dématérialisé a pour objectif de prouver que le professionnel a bien rempli ses obligations. L’archivage est défini techniquement comme l’ensemble des actions, outils et méthodes mis en œuvre pour conserver à moyen ou long terme des informations dans le but de les exploiter. Il doit respecter certaines contraintes légales pour assurer la force probante des documents archivés. Les conditions strictes de conservation des documents dématérialisés, fixées par les articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil, afin de respecter les conditions de validité d’un acte ou de pouvoir rapporter la preuve de son existence, ne s’imposent normalement pas à tous les types de documents. Elles ne s’appliquent qu’aux documents comportant un engagement de leur auteur ou d’un tiers, par l’apposition de signatures (contrat, déclaration sur l’honneur, attestation). Ceci étant, l’expert-comptable aura tout intérêt à privilégier ces règles de conservation contraignantes pour s’assurer de pouvoir recourir ultérieure- 3. C. civ., art. 1369-8 4. Cass. civ. 2ème, 4 décembre 2008, n° 07-17.622. ment à ces documents comme éléments de preuve. L’article 1316-1 du Code civil prévoit que l’écrit sous forme électronique est admis comme preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité 4. Cet article ne renvoie pas à un décret permettant de déterminer les éléments constitutifs du respect de ces conditions. Toutefois, les dispositions relatives à la signature électronique posées par l’article 1316-4 du Code civil peuvent apporter une solution en ce qui concerne l’identification de l’auteur (voir infra). Enfin, dans un souci d’intégrité, l’archivage électronique se doit de se conformer à certaines normes et/ou standards. On pourra ainsi noter à titre d’exemple, les normes : • NF Z 42-013 : ce sont des « spécifications relatives à la conception et à l’exploitation de systèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégrité des documents stockés dans ces systèmes ». De plus, cette norme est le référentiel permettant de mesurer la valeur probante de systèmes d’archivage électronique. • NF Z 43-400 : correspond au référentiel qui permet d’évaluer la force probante de l’archivage des données électroniques et d’assurer l’irréversibilité des enregistrements. • MoReq : est un recueil d’exigences pour l’organisation de l’archivage élaboré dans le cadre de l’Union européenne. Il s’agit d’une approche opérationnelle de la norme de gestion des documents d’archives ISO 15489. n Originaux numériques Le développement des nouvelles technologies conduit les professionnels à utiliser de plus en plus le format numérique, sans support papier, dans l’exécution de leurs missions. Le titre original se définit comme « un écrit dressé, en un ou plusieurs exemplaires, afin de constater un acte juri- Abstract This article provides an update on impact of digital transformation on evidence and provides solutions to chartered accountants to protect them in case of civil proceedings. Revue Française de Comptabilité // N°493 Décembre 2015 // 35 L’expert-comptable numérique - 70e Congrès Dossier spécial EXERCICE PROFESSIONNEL dique, signé par les parties à l’acte (ou par le représentant), à la différence de la copie » 5. Constitue un original sous forme numérique, l’acte établi et conservé conformément aux articles 1316-1 et 1316-4 et dont le procédé permet à chaque partie de disposer d’un exemplaire ou d’y avoir accès (C. civ., art. 1325 al. 5). Pour être valable et être utilisé ultérieurement comme élément de preuve, l’écrit numérique doit donc respecter les prescriptions de ces textes. Remarque : Il est important de distinguer l’original électronique de la copie car le régime juridique de ces documents diffère. La hiérarchie des preuves place en effet l’original au-dessus de la copie. Signature électronique La signature électronique est un excellent moyen de se constituer un élément de preuve indiscutable. De fait, la signature électronique peut être apposée sur un mail ou un document scanné ou nativement numérique et permet d’attester de l’envoi et de la réception du document. L’article 1316-4 du Code civil prévoit que lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie. L’utilisation de la signature numérique apporte donc les garanties suivantes : • authenticité de l’identité du signataire ; • intégrité des données qui assure qu’il ne peut pas y avoir de contrefaçon du document ou mail par opposition au document papier qui peut être modifié par une personne non-autorisée après signature ; • traçabilité ; • immuabilité dans le temps. Le décret 2001-272 du 30 mars 2001 distingue la simple signature électronique de la signature électronique sécurisée, seule cette dernière étant présumée fiable, jusqu’à preuve du contraire. Pour bénéficier de la présomption de fiabilité, il faut d’abord que la signature soit établie au moyen d’un dispositif sécurisé de création de signature électronique et ensuite que la vérification de cette signature repose sur l’utilisation d’un certificat électronique qualifié 6. Cette certification doit s’effectuer dans des conditions prévues par le décret 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l’évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l’information. La signature électronique est un excellent moyen de se constituer un élément de preuve indiscutable. Elle peut être apposée sur un mail ou un document scanné ou nativement numérique et permet d’attester de l’envoi et de la réception du document. Signexpert L’ordre des experts-comptables propose Signexpert, le sceau numérique de l’expert-comptable. Cette signature permet de sécuriser les documents dématérialisés en provenance des cabinets d’expertise comptable. Elle identifie de façon certaine l’expert-comptable au sein de son cabinet et assure de l’intégrité des documents, travaux et informations qui sont échangés. Exemples d’usage de Signexpert : • déclaration dématérialisé TracFin ; • s ignature numérique des ordres d’exécution SEPA et EBICS ; • sécurisation des fichiers comptables en conformité avec la loi de finances rectificative de 2012 ; • dématérialisation des mandats pour la collecte des relevés bancaires avec jedeclare.com ; • réponse aux appels d’offres publics ; • dématérialisation de la facture électronique sécurisée par une signature électronique ; • m ise en place du bulletin de paye électronique ; • signature électronique des plaquettes et bilans du cabinet ; • authentification forte sur les sites de la profession ; • etc. pour aller plus loin 5. Voir G. Cornu, Vocabulaire juridique, éd. Quadrige PUF, 2003. V° Original. 6. D. 2001-272, 30 mars 2001, art. 2. • V ade-mecum juridique de la dématérialisation des documents, Documents FNTC, 5ème édition. • www.signexpert.fr •M aîtriser son obligation de conseil en matière fiscale, ECS. MAÎTRISER SON OBLIGATION DE CONSEIL EN MATIÈRE FISCALE Nouveauté 2015 Défaut de conseil, manquement au devoir de conseil, non-respect de l’obligation de conseil... C’est depuis de nombreuses années maintenant l’une des premières causes de sinistralité de la profession. En s’appuyant sur les décisions jurisprudentielles, cet ouvrage fait le point sur l’obligation de conseil en matière fiscale. Il présente les modalités à mettre en œuvre pour éviter les mises en cause et respecter le formalisme de cette obligation déontologique. À commander dès maintenant sur WWW.BOUTIQUE-EXPERTS-COMPTABLES.COM 36 // N°493 Décembre 2015 // Revue Française de Comptabilité