Comité BD du 24 juin 2016 Sélection et critiques
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Comité BD du 24 juin 2016 Sélection et critiques
Comité BD du 24 juin 2016 Sélection et critiques Présentation de la sélection du prix BD « Entre les Bulles » (édition 2015/2016) du territoire du Calaisis par Annie Leleu Un prix initié par la Librairie Actes Sud du Channel, en partenariat avec le Département du Pas-de-Calais et l’Ecole d’Art du Calaisis. Cette première édition avait pour thème : « dessine-moi la Tolérance » - 15 collèges et 6 lycées ont participé. Petits-fils d’Algérie de Joël ALESSANDRA, chez Casterman, 978-2-203-09399-7 « Qu’ils aillent se faire prendre ailleurs » 1962. Constantine. Les rapatriés d’Algérie. Au milieu de cette foule, la famille des Alessandra. Connus et reconnus comme des bâtisseurs d’exception, ils sont originaires de Sicile, devenus français en 14-18 et naturalisés en 1926. L’auteur éprouve le besoin de rechercher ses racines, de revenir aux origines, d’avoir un ancrage dans la vie. Nécessité de la transmission, pour se construire et grandir. Aborde par le biais d’un graphisme intéressant (couleur et noir et blanc) le racisme pendant la colonisation, la décolonisation, l’intégrisme… et la tolérance. Importance d’être des passeurs de vie, d’histoire et d’identité. Annie Leleu Pico Bogue : Cadence infernale de Dominique ROQUES et Alexis DORMAL, chez Dargaud, 978-2-205-07289-1 Ensemble de scénettes par triple, double, simple, ou ½ page. Avec une bonne dose d’humour, Pico aborde la tolérance de situation, verbale, artistique, littéraire… la liberté d’expression quel quelle soit. Annie Leleu Merci de ZIDROU et MONIN, chez Grand Angle, 978-2-8189-3215-5 Multirécidiviste, Merci Zylberajch est « condamnée » à 150h de prestations éducatives et philanthropiques au sein du Conseil Municipal de Bredenne, dans la Marne (9974hab.). Album qui permet de confronter les générations, les élus et les jeunes, les « flics » et les délinquants… Merci développe un projet durable en faveur des adolescents, après avoir découvert Maurice Cheneval. Démarche non dénuée d’intérêt qui entraine de belles rencontres et des discussions intéressantes. Citations poétiques offrant matière à réflexion. Annie Leleu Derniers jours d’une courte vie : Emmett Till d’Arnaud FLOC’H et Christophe BOUCHARD, chez Sarbacane, 978-2-84865-771-4 Tout le monde connaît Rosa PARKS, mais qui connaît l’histoire d’Emmett TILL, garçon de 14 ans venu de Chicago ? Il découvre le Mississippi en août 1955, lorsqu’il rejoint son oncle pour quelques jours de vacances. 7 jours d’une courte vie, 7 jours de travail dans les champs avec ses cousins, 7 jours pour découvrir les clivages noirs du nord et noirs du sud, 7 jours pour vivre les lois de ségrégation raciale et appréhender la notion d’esclavage, 7 jours pour apprendre que « l’argent a une odeur » et que noirs et blancs ne se valent pas… 7 jours pour mourir ! Le graphisme apporte une réelle profondeur au texte ! A noter petit dossier documentaire et biblio à la fin de l’ouvrage. Annie Leleu Racket de Stéphane LEVALLOIS, chez Futuropolis, 978-2-7548-1153-8 Un récit sans un mot : une jeune adolescente se fait braquer son portable dans la rue par un type qui, parce qu’elle refuse de lui donner, va la poignarder. Elle rentre chez elle blessée et sombre dans le coma… Au fil des pages s’ensuit son combat contre les démons de la mort. Puissance et force du graphisme, avec quelques touches de couleurs dans un magma de noir et blanc… Importance de l’imaginaire et du ressenti. La dernière vignette suggère un fragile espoir. Annie Leleu Là où vont nos pères de Shaun TAN, chez Dargaud, 978-2-205-07400-0 Une merveille ! « Fauve d’or » du meilleur album à Angoulême 2008. Récit sans texte. Graphisme magnifique tout en sépia. Comment un lieu peut être perçu par les yeux d’un migrant ? Poésie douce-amère des images qui permet de vivre une belle expérience d’humanité. Annie Leleu Manolis d’Allain GLYKOS et Antonin, chez Cambourakis, 978-2-36624-040-5 Ouvrage en noir et blanc. Tout commence et tout s’achève par un théâtre d’ombres. La Turquie après la guerre 14-18 est partagée en différents territoires. Mustafa Kemal, jeune militaire, refuse ce démantèlement et, avec l’aide de la population, repart à la conquête de son pays. Au départ, les grecs, turcs, juifs et arméniens vivent en bonne harmonie en Asie Mineure. Les enfants se lient d’amitié, comme Manolis, Ismet et Evra. Tout vole en éclat avec l’arrivée des soldats turcs. C’est l’exode bien mis en valeur par les vignettes sans texte ! Les familles sont séparées, les exilés sont refoulés d’un endroit à un autre… Pour certains, c’est le temps de l’acceptation du deuil et de la mort ! Pas Manolis, dont on suit les pérégrinations à la recherche de ses proches. Le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923 légitime le régime de Kemal et autorise les échanges de population grecque et turque. Annie Leleu L’arabe du futur : une jeunesse au Moyen-Orient, Tome 1 (1978-1984) et Tome 2 (1984-1985) de Riad SATTOUF, chez Allary éditions. Roman graphique. Histoire vraie dans la Lybie de Kadhafi et la Syrie d’Hafez Al-Assad. Né d’un père syrien et d’une mère bretonne, Riad Sattouf grandit d’abord à Tripoli, en Libye, où son père vient d’être nommé professeur. Issu d’un milieu pauvre, féru de politique et obsédé par le panarabisme, Abdel-Razak Sattouf élève son fils Riad dans le culte des grands dictateurs arabes, symboles de modernité et de puissance virile. En 1984, la famille déménage en Syrie et rejoint le berceau des Sattouf, un petit village près de Homs. Malmené par ses cousins (il est blond, cela n’aide pas…), le jeune Riad découvre la rudesse de la vie paysanne traditionnelle. Son père, lui, n’a qu’une idée en tête : que son fils Riad aille à l’école syrienne et devienne un Arabe moderne et éduqué, un Arabe du futur. Beaucoup d’humour dans ce roman où le graphisme est assez chargé… L’Arabe du futur a reçu le Grand prix RTL de la bande dessinée 2014, le Prix BD Stas/Ville de Saint-Etienne, 2014 et le Fauve d’Or – Prix du Meilleur Album du Festival international de la Bande Dessinée d’Angoulême 2015. Annie Leleu Prix BD « Entre les Bulles » 2015-2016 : Ce n’est pas toi que j’attendais de Fabien TOULME, Delcourt- 9782756035505 « … mais je suis quand même content que tu sois venue » C’est l’histoire d’une rencontre, celle d’un père avec sa fille… sa petite fille qui n’est pas comme les autres. Comment faire face au handicap de son enfant (ici la trisomie21) ? Comment apprendre à l’aimer ? Comment gérer les regards des autres ? Difficile est le chemin de l’acceptation pour ce papa, qui commence par souhaiter la mort de sa fille. Bienvenue à « handicap Land » où les « enfants-bisous » vivent avec leurs parents. Un graphisme intéressant. On suit la grossesse mois par mois, du Brésil à la France… les examens ne sont pas les mêmes… le suivi non plus… et après c’est le parcours du combattant et l’acceptation ! Fournit pas mal de pistes pour les parents d’enfants trisomiques. Annie Leleu Sélection des participants au comité : - Templiers, série en deux tomes (La chute et Le Graal) de Jordan Mechner, LeUyen Pham et Alex Puvilland, éditions Akileos 978-2-35574-156-2, 978-2-35574-160-9 - Les cahiers d’Esther, Histoire de mes 10 ans, Riad Sattouf – Allary Editions . 9782370730848 Esther est, comme l’indique le titre, une petite fille de 10 ans au caractère bien trempé. Les cahiers d’Esther racontent ses histoires de cour de récré, ses rapports compliqués avec ses amoureux, sa découverte de Daniel Balavoine, l’arrivée de son petit frère… bref, sa vie de tous les jours. Esther existe vraiment mais elle ne s’appelle pas Esther. C’est la fille d’amis de Riad Sattouf. Il a eu l’idée de transformer en bande dessinée les tranches de vie qu’elle lui racontait. Ces histoires ont d’abord pris la forme d’une parution hebdomadaire sous la forme d’une planche dans L’Obs, avant d’être rassemblées dans cet album. L’ensemble forme le portrait attachant et plein d’humour d’une fillette d’aujourd’hui. Gaëlle Vasseur - La Parenthèse, Elodie Durand, éditions Delcourt. – 9782756017037 Judith a presque terminé ses études quand elle commence à avoir des absences, des malaises, qui vont devenir de plus en plus fréquents. Elle ne se reconnaît pas lors de ces épisodes, dont elle ne va par la suite même plus se souvenir. Le diagnostic est posé : il s’agit de crises d’épilepsie causées par une tumeur cérébrale. Le traitement est lourd, long à mettre en place. Judith va se mettre à dormir de plus en plus pour ne plus faire quasiment que cela, jusqu’à se couper complètement de sa vie d’avant. Elodie Durand raconte ici une parenthèse de plusieurs années dans sa propre vie, de la descente aux enfers au retour à la vie. Elle reconstitue ses souvenirs avec l’aide de ses proches, pour nous livrer ce récit très prenant. Des croquis, très forts, réalisés pendant ces années de cauchemar, sont intercalés dans les planches de l’album. Cet ouvrage a reçu le prix Fauve Angoulême 2011, catégorie révélation. Gaëlle Vasseur - Ici, Richard Mc Guire, Gallimard, 978-2-07-065244-0 Ici est un drôle d’album, unique en son genre… et difficile à décrire. C’est l’histoire d’un lieu à travers le temps, une maison construite au début du XXe siècle, que l’on va suivre au fil des années. Chaque page correspond à une image et à une période au départ, puis des vignettes d’autres époques viennent s’intercaler, comme autant de tranches de vie des occupants de cette maison. Au fil des pages, la perspective s’élargit encore, abordant des périodes de plus en plus éloignées. On découvre le lieu avant la construction de la maison, à l’époque coloniale ou occupé par des indiens, avant l’arrivée des européens. Puis on voyage encore plus loin dans le passé : 3 milliards d’années avant Jésus Christ et dans le futur jusque plus de 20 000 ans après notre époque. Cela donne le vertige et c’est en même temps complètement fascinant. Les illustrations sont superbes, il y a peu de textes mais suffisamment pour que les bribes de dialogues se fassent parfois écho d’une période et d’une vignette à l’autre. Richard Mc Guire développe sur tout un album un concept qu’il avait d’abord proposé en 6 planches dans le magazine RAW, d’Art Spiegelmann en 1989. Un superbe livre, à lire et relire encore pour y découvrir de nouvelles petites histoires. Fauve d’or du festival de bande dessinée d’Angoulême 2016, prix du meilleur album. Gaëlle Vasseur - Huck Finn, Olivia Vieweg, d’après Mark Twain, Glénat, 978-2-344-01407-3 Huckleberry Finn, le célèbre roman de Mark Twain, est une œuvre assez désespérée sur la nature humaine, dont elle sonde les côtés les plus sombres ; elle dénonce par la même occasion les multiples travers d’une société hypocrite et pervertie. Avec Huck Finn, la jeune auteure allemande Olivia Vieweg en donne une version moderne et dessinée, elle aussi sans illusion sur la société qu’elle dépeint. Alors qu’Huckleberry fuit la « sivilisation », descendant le Mississippi sur un radeau en compagnie de Jim, l’esclave en fuite, Huck s’échappe de la ville sombre et de son destin de jeune désœuvré en descendant la Sade, affluent de l’Elbe, accompagné de Jin, la jeune prostituée asiatique, laquelle cherche à échapper aux violences répétées de son souteneur. Du Sud raciste et obtus de la fin du XIXe, nous voilà donc dans l’ex-RDA sinistrée du XXIe siècle. Orphelin de mère n’en pouvant plus de son ivrogne de père qui le néglige et le bat, ni des assistantes sociales et de la veuve qui l’a recueilli - qui pourtant lui veulent du bien mais l’étouffent -, Huck se met lui aussi, autant que se peut, à l’écart du monde. Il rejette les valeurs sociales, ne trouvant son bonheur qu’au contact de la nature ; mais s’il est fondamentalement bon, son éducation et les préjugés qui s’y rattachent le rattrapent parfois : ainsi, comme Huckleberry en vient à se demander si favoriser la fuite d’un esclave (d’un « nègre ») relève du domaine du Bien, Huck, à un moment, se demande si protéger une prostituée est une bonne action. Langage cru, comportements parfois ambigus de notre jeune « héros » (volontiers menteur et voleur, un peu lâche parfois) cette bande dessinée forte et dérangeante (contrairement à ce que le style du dessin laisse présager) est plutôt destinée à de grands ados. L’occasion pour eux de découvrir une BD indépendante naviguant en dehors de cours trop fréquentés. Claude Prins - Les équinoxes, Cyril Pedrosa, Aire libre – 9782800163628 Aucun lien ne les unit (ou alors, si fragile). Mais un point commun les rapproche : il s’agit de leur infinie solitude, alimentée par de graves et douloureuses interrogations sur le sens de leur vie. Jeune femme passionnée de photographie mais franchement paumée, vieux militant communiste qui, fatigué, prend soudain la décision de ne plus s’engager, orthodontiste divorcé qui se chamaille sans cesse avec sa fille et qui s’engueule encore avec son exfemme, jeune secrétaire d’État écologiste sur le point de trahir ses idéaux pour pouvoir garder son poste, vieil immigré, ouvrier du bâtiment, qui avec sa pelleteuse exhume une sorte de grotte Chauvet et qui ne sait que répondre quand les journalistes l’interviewent… Autant d’êtres soit à la dérive, soit complètement perdus face à la complexité du monde (ou les deux à la fois). Pedrosa fait alterner ces tranches de vie , le quotidien de chacun des personnages évoluant tout au long des quatre saisons : cela, graphiquement, se traduit, pour chacune d’elle, par une couleur dominante. De fait, on est ébahi par le travail réalisé sur la couleur, tout-à-fait exceptionnel. L’auteur change aussi régulièrement de style, de techniques… Il expérimente, n’hésitant pas à régulièrement inclure des textes, par le biais desquels les protagonistes se confessent de manière particulièrement intime. Le récit est encore entrecoupée par l’histoire sans paroles d’un enfant sauvage et préhistorique confronté en permanence aux dangers de la nature et dont la principale préoccupation est de lutter pour sa survie : le vieil ouvrier permettra au monde entier enthousiasmé de découvrir sur la pierre l’empreinte rouge de ses petites mains. Il est l’un de ceux qui, comme la poignée décrite par Pedrosa, luttent eux aussi pour leur survie… Œuvre ambitieuse et sensible, assez exigeante, donnant libre cours aux sentiments, aux états d’âme. Mais cela ne doit rebuter quiconque, alors qu’il s’agit d’aborder ce gros ouvrage de 330 pages : les dialogues sont de haute volée et l’humour bien présent (et bienvenu, étant donné la morosité ambiante !). Et puis, du seul point de vue graphique, c’est tellement beau ! Claude Prins - La bande dessinée documentaire a le vent en poupe : Chantier interdit au public, Claire Braud, Casterman, 978-2-203-09528-1 Sur un gros chantier du bâtiment, il y a les ouvriers, français pour beaucoup, de l’entreprise dite « générale », c’est-à-dire celle qui sous-traite nombre de secteurs d’activités à des entreprises beaucoup plus petites. Ceux-là font comme les autres un métier dur et dangereux mais s’en sortent plutôt bien. Il y a ensuite les employés des entreprises en sous-traitance, dont les conditions sont bien moins confortables car, l’entreprise générale exigeant le coût le plus bas, les salaires sont calculés au plus juste. Et puis, il y a les intérimaires, la plupart travailleurs étrangers, et dont certains sont même sans papiers. Pour eux, la situation est intenable : incapables ou pas du tout en situation de se défendre, ils sont obligés de tout accepter… De fait, tout est soumis à hiérarchisation : du point de vue du statut comme du point de vue ethnique. Il y est même presque question de castes (les Algériens tous ferrailleurs, les Maliens tous manœuvres, etc.) Nicolas Joumin, sociologue, a décroché plusieurs contrats sur de gros chantiers, en tant que manœuvre ou ferrailleur. De quoi mener l’enquête sur ce secteur d’activités. De quoi en tirer un tableau sombre et alarmant sur les conditions de travail réservées à beaucoup d’ouvriers, pour la plupart étrangers. Claire Braud en a tiré une BD passionnante et éclairante. Son trait simple (simpliste ?), ses dialogues plein d’humour et d’ironie font le reste. Cette BD est parue dans la collection Sociorama, que Casterman vient de lancer afin de mettre en relation une discipline, la sociologie, et un genre, la bande dessinée, qui n’ont a priori que peu en commun. Réjouissons-nous de cette initiative : voilà de la bonne BD de reportage, qui plus est à faible coût ! Claude Prins - L’intelligence artificielle : fantasmes et réalités, de Jean-Noël Lafargue et Marion Montaigne, Collection « La petite bédéthèque des savoirs », éditions Le Lombard, 978-2-8036-3638-9 La vulgarisation scientifique a le vent en poupe, puisque les éditions Le Lombard viennent également de créer une collection dédiée en petit format, « La petite bédéthèque des savoirs », qui associe de la même façon un spécialiste et un auteur de bande dessinée. Les thématiques abordées sont très variées, du hasard au heavy metal en passant par l’univers et le droit d’auteur. Le premier volume de la série fait un point sur l’intelligence artificielle en la situant dans une perspective historique beaucoup plus vaste qu’on le penserait de prime abord. C’est une fiction pleine d’humour qui sert d’appui au contenu documentaire, basée sur le voyage dans le temps d’une jeune androïde. On rit d’autant plus que c’est Marion Montaigne qui s’attelle à ce premier opus, à qui l’on doit le blog hilarant Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même), adapté en bande dessinée puis en vidéos récemment diffusées sur Arte. Gaëlle Vasseur - Deux bandes dessinées sur le thème de l’aviation : - Angel Wings, tome 2 : Black Widow, Yann, Romain Hugault, editions Paquet. 978-2-88890-732-9 - L’envol, de Jean-Charles Kraehn, Eric Arnoux et Chrys Millien, Dargaud, 978-2-20507380-5 - Premier de cordée, d’après l’œuvre de Roger Frison-Roche, Jean-François Vivier, Pierre-Emmanuel Dequest, Artège, 979-10-94998-02-1 - Anguilles démoniaques, tome 1, Yu Takada, Yusuke Ochiai, éditions Komikku. Série en 3 tomes. Kurami travaille dans le recouvrement. Non pas qu’il ait les compétences pour le faire, mais sa stature imposante et impressionnante suffit généralement à inciter les endettés à le payer. Un jour, son boss lui propose une mission, avec son collègue Tomita : transporter un container d’une cinquantaine de kilos jusqu’à l’entrepôt d’éleveurs d’anguilles, sans poser de questions sur son contenu ni tenter d’en savoir plus. A la clé, 150 000 yens. Kurami, bien qu’il soit effrayé par les éleveurs en question, accepte sans hésiter. Il faut dire qu’il fait ce travail pour régler ses dettes et que la somme pourra en plus contribuer au confort de son ménage. Un manga noir dans un univers mal famé où se côtoient prostitution, magouilles et crimes en tous genres. Ce premier tome d’une série qui en comportera trois est oppressant et terriblement accrocheur. Il y a un réel travail au niveau des expressions des personnages : la terreur qui se lit sur les visages est bluffante. Le personnage de Kurami incite à la bienveillance puisqu’on sent que c’est un mec bien qui a sombré dans les dettes suite au jeu, on voit qu’il tente de s’en sortir notamment par amour pour sa femme. Il se fait souvent violence puisque malgré son physique de colosse, il n’en reste pas moins un homme très fragile et sensible, des faiblesses dans le monde où il travaille qu’il devra cacher derrière des lunettes de soleil. Elise Petit - Contrecoups : Malik Oussekine, Laurent-Frédéric Bollée / Jeanne Puchol, Casterman, 978-2-203-09221-1 Paris, novembre 1986. Les étudiants sont sur le qui-vive : le projet de loi Devaquet, rendant plus contraignantes les conditions d’accès aux études universitaires, est sur le point d’être déposé. Ceux de la Sorbonne se prononcent pour la manifestation. Bientôt, dans le Quartier latin, des affrontements de plus en plus violents opposent des étudiants aux forces de police. Malik Oussekine, jeune franco-algérien étudiant le droit, n’y prend pas part. Mais le 6 décembre, alors qu’il sort d’une laverie, il se retrouve par hasard en compagnie de manifestants. Aussitôt pris à partie par les « voltigeurs », ces policiers à moto opérant en binômes (un pilote + 1 passager armé d’une longue matraque - et chargés, depuis mai 68, de disperser les manifestants-) ; il ne comprend rien, prend peur et s’enfuit. Pas loin, car il sera tabassé à mort dans le hall d’un immeuble tout proche. Tentatives de la police pour éviter le scandale, nier la bavure policière : en faisant passer le jeune Malik pour un casseur, en intimidant sa famille, en influençant le médecin légiste pour attribuer sa mort non pas aux coups de matraque mais à ses antécédents médicaux (car il a des reins défectueux). Rien n’y fait : la bavure policière fait la une des journaux, l’opinion est sous le choc. Le gouvernement est ébranlé. Cette tragédie secouera durablement la société française. Le parti-pris des auteurs est de faire intervenir des personnages fictifs (plutôt que de relater purement et simplement l’évènement). Ainsi un infirmier du SAMU, l’assistante du médecin légiste, le petit voisin de la famille Oussekine ou encore le commissaire de police chargé de l’enquête sont imaginés pour apporter sur l’évènement une multiplicité de regards, tout en en offrant une version tout-à-fait plausible et en en restituant la probable atmosphère. Le beau dessin en noir & blanc de Jeanne Puchol séduit, le déroulé très cinématographique des images apportant à cette histoire ce qu’il lui fallait en dynamisme. Claude Prins - Sex criminals, série en 3 tomes de Matt Fraction et Chip Zdarsky, Glénat, 978-2344-00865-2. - Entre ici et ailleurs, Vanyda, Dargaud, 978-2-505-06471-8 - Underwater, Le village immergé, manga en 2 tomes de Yuki Urushibara, Ki-oon, 978-2-35592-941-0 Par une chaleur écrasante, une équipe de natation s’entraîne en travaillant son endurance sur un terrain d’athlétisme, faute de pouvoir nager en piscine. En effet, la ville est sous le coup d’une restriction d’eau. Alors qu’elle court, Chinami perd connaissance et rêve d’un village entouré d’eau. Lorsqu’elle se réveille, il lui semble que ce lieu et les personnes qu’elle y a rencontrées lui sont familiers. Dès lors, on comprendra à travers l’évocation des souvenirs de la grand-mère de la jeune fille, des épisodes de la vie familiale dont Chinami ne connaît rien. Underwater est publié dans la collection Latitudes de chez Ki-oon et bénéficie donc d’un grand format, avec une couverture et des premières pages faites à l’aquarelle qui sont très jolies. Pour la suite, c’est le gris et ses différentes nuances qui vont prendre le relais, avec tout autant de réussite. On fait une immersion dans le passé de la famille de Chinami, dans la vie de ce petit village qui va être menacé suite à la construction d’un barrage. Sont donc abordés les thèmes de l’attachement à ses racines, et de la colère face à la société qui veut faire disparaître un si joli paysage préservé au cadre idyllique. On a aussi tout le côté croyance locale, avec ce dragon qui habiterait au fin fond de l’eau. Tout cela en fait un manga empreint d’une certaine nostalgie, sensible et profond. Elise Petit - Le garçon et la bête, manga en 4 tomes de Renji Asai d’après Mamoru Hosoda, Kaze Manga. 978-2-8203-2292-0 Adaptation du film d’animation de Mamoru Hosoda (qui avait déjà signé Les enfants-loups.) Depuis que sa mère est décédée dans un accident, Ren, 9 ans, vit dans la rue. C’est là qu’il va rencontrer un drôle de bougre (Kumatetsu) qu’il assimile à un monstre. Et celui-ci, voyant le caractère trempé du jeune garçon, va souhaiter en faire son disciple. Pour quoi faire, on n’en sait encore rien. Mais toujours est-il qu’un peu malgré lui, mais de son plein gré aussi quand même, Ren va pénétrer au sein d’un univers de monstres dont il ne soupçonnait pas l’existence : bienvenue à Jûtengai. On découvre que le Doyen des Bêtes se retirant, 2 successeurs potentiels se sont positionnés : Kumatetsu et Iozen, grand favori qui a tout pour lui, contrairement au premier… Entre Ren, rebaptisé Kyûta par son « maître » et le maître en question, le quotidien promet d’être explosif car ils ont tous les deux un sacré caractère ! Ce premier tome positionne la série comme la quête initiatique d’un jeune garçon qui se construit seul et qui évoluera au fil de ses aventures. C’est une lecture enthousiasmante, au scénario porté par deux personnalités affirmées qui promettent une suite détonante pleine d’action et de joutes verbales. Le découpage des cases est dynamique et les scènes visuellement impeccables. Une réussite. Elise Petit - L’homme qui tua Lucky Luke, Matthieu Bonhomme, Dargaud - Ninn, Tome 1 : La ligne noire, Jean-Michel Darlot, Johan Pilet, Kennes, 978-287580-163-0 - Leonid, Tome 1 : Les deux albinos, Frédéric Brrémaud, Stefano Turconi, Soleil, 978-2-302-04748-8 - La ligue des voleurs, Maïa Mazaurette, Dagda, Jungle, 978-2-8222-1244-1 - Les savants, Tome 1 : Ferrare, 1512, Du plomb en or, Luca Blengino, Franck Isambert, Stefano Carloni, Soleil - Une série dédiée à Mickey (d’après Walt Disney) : - Mickey’s craziest adventures, Lewis Trondheim et Keramidas, Glénat, 978-2344-01274-1 - Une mystérieuse mélodie, Cosey, Glénat, 978-2-344-01426-4 - Qu’ils y restent, Régis Lejonc, Pascal Mériaux, éditions de la Gouttière, 979-1092111-34-7 Il était une fois, dans une contrée lointaine… Au nord, le grand méchant loup qui n'a plus rien (ou plutôt plus personne) à se mettre sous la dent. A l'ouest, un ogre, dans la même situation. A l'est, le pire des vampires, idem. Au sud, un sorcier gastronome, … et vous connaissez la suite. Tiraillés par la faim, ils décident de partir chacun de leur point cardinal respectif pour rejoindre le centre du monde. Que donnera la rencontre de tous ces méchants des contes et légendes de notre enfance ? Pour chaque personnage, on a une trame commune. Niveau forme : une frise spécifique à chaque chapitre dédié à un personnage qu'on retrouve autour de chaque page. Niveau scénario : présentation du personnage, de ses méfaits passés et de son problème. C'est une BD à l'esthétique très soignée, inspirée des illustrations d'Ivan Bilibine, auteur des Contes russes. Niveau texte, c'est assez concis et écrit comme une fable. Elise Petit - Tebori, (3 tomes) José Robledo, Marcial Toledano, Dargaud, 978-2-205-07371-3 - Soul keeper, manga en 8 tomes de Tsutomu Takahashi, Panini manga,978-2-80945457-4 Nous sommes dans l’au-delà. Parce qu’elle ne suit pas assidûment les cours pour purifier son âme, Riyon se voit contrainte d’être l’esprit protecteur d’un humain, avant de pouvoir avoir la possibilité de se réincarner, le dessein d’un fantôme comme elle. Cet être humain, ce sera Soichiro Kasuga, le premier ministre japonais auquel il reste 518 jours à vivre. Celui-ci est dans une situation difficile : perte de crédibilité aux yeux des concitoyens, un entourage politique néfaste et une santé qui pâtit de tout ça. Riyon va vite se rendre compte de ces obstacles et va tenter d’améliorer l’état d’esprit du ministre. Alors que l’homme politique passe tout près de la mort, il parvient à voir Riyon, ce qui est normalement impossible. Ce ne sera pas la seule faculté qu’il va se découvrir puisqu’il s’avère qu’il aura des capacités de médium… Le propos de ce manga est tout à fait plausible et assez passionnant ! Le personnage de Riyon va au-delà d’une simple rebelle puisqu’elle va prendre très à cœur sa mission. On prend conscience de sa vision fine des choses, elle sait analyser les situations en bonne psychologue de l’âme. Le graphisme dénote un peu dans le paysage manga : les personnages (notamment les humains) sont marqués et portent sur leurs traits les épreuves que la vie a pu leur faire traverser. Un début enthousiasmant et prometteur pour une série qui comportera 8 tomes. Elise Petit