Sonata bio-quanta ou Faust musicien

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Sonata bio-quanta ou Faust musicien
Sonata bio-quanta
ou
Faust musicien
Dans la même collection TEXTES DE THÉÂTRE
Aux éditions Cinoche Vidéo (Maria Koleva films),
43 Bd St Michel, 75005 Paris, France
Volume I : Les Bogomiles (cathares) ou les Aimés de Dieu,
comme disaient les gens…, pièce de Nedialka Karalieva,
adaptation Maria Koleva, aide à la rédaction Tilda Lovi.
Volume II : La voiture et La résidence secondaire, pièces de
Maria Koleva.
Volume III : Grandeur et misère dans la société de
consommation, huit-mini pièces de Maria Koleva : Le métro, le
jeune homme très beau et moi ; Guérir ou mourir, il faut choisir ;
Construire, dit-on ; Beauté obligatoire, 2030 ; Brecht et moi ;
Socrate et moi ; S.A.R.L. Hamlet et fils, société à responsabilité
limitée de journalisme ; Cinéma de luxe, cinéma de m…
Aux éditions L’Harmattan :
Volume IV : Ophélie fait la grève de la faim avec docteur X en
arrière-plan, pièce de Maria Koleva.
Collection
TEXTES de THÉÂTRE
Volume V
Société / Sciences
Théâtre et vie
© 2010 Sonata bio-quanta ou Faust musicien,
pièce de Maria Koleva
© L’Harmattan, 2010
ISBN : 978-2-296-09732-2
EAN : 9782296097322
MARIA KOLEVA
SONATA BIO-QUANTA
ou
FAUST MUSICIEN
Une pièce interdisciplinaire
Collection
TEXTES DE THÉÂTRE
Volume V
Société / Sciences
Théâtre et Vie
L'AVENIR DE LA PHYSIQUE ?
C'EST LA MÉMOIRE…
LA MUSIQUE DE L'AVENIR ?
C'EST LA MÉMOIRE.
INSPIRÉE PAR :
- MARIE SKLODOWSKA-CURIE
- S.I. WITKIEWICZ
("La Sonate de Belzebuth")
ÉCRITE POUR :
CARLOS WITTIG-MONTERO
"à celui qui m'aime"
1983
SOMMAIRE
Introduction ...............................................................................9
Première création ..................................................................... 12
Personnages ............................................................................. 13
La pièce
Acte I ....................................................................................... 17
Acte II...................................................................................... 85
Postface ................................................................................. 165
INTRODUCTION
SONATA BIO-QUANTA OU FAUST MUSICIEN
Une nuit de pleine lune, la grand'mère Julia attend Campos pour lui
tirer les cartes…
C'est les vacances à Mordovar, un petit village dans les Cévennes.
Les étudiants et les ressortissants de Mordovar sont rentrés pour
passer leurs vacances à la maison.
Istvan, le jeune compositeur, raconte ses problèmes de création à la
grand'mère de Roumina, qu'il considère comme la sienne…
Accourt Sakalyi, jeune officier. Julia lui tire les cartes en se
moquant de lui.
Arrive Campos. Il n'est pas seul. Des amis, descendus de Paris,
pour le festival musical d'Orange, l'accompagnent. Il propose à tous
d'aller fêter cette nuit et cette rencontre dans son cabaret "Le Joyeux
Enfer".
La deuxième partie raconte cette "fête"…
En parallèle, la forêt autour du village brûle… et quelqu'un est
responsable…
Cette nuit de pleine lune est exceptionnelle. Car, c'est la nuit de la
Mémoire Revenue pour les Mordovariens… Et dans cette nuit
s'affrontent, le musicien, fort de ses découvertes et Campos de
Baleastadar, l'industriel Brésilien, qui veut acheter ces découvertes…
J'ai prolongé et développé le mythe de Faust dans la science et la
société contemporaine.
Je crois que Goethe n'a pas osé expliquer les recherches de Faust,
parce que la religion et la société l'interdisaient. Aujourd'hui,
l'évolution des connaissances et du public, me permet de faire une
vraie pièce interdisciplinaire, où la poésie et les passions expriment la
découverte scientifique. Le rêve des poètes-chercheurs du moyen âge :
unir la littérature à la science est enfin réalisable.
Maria Koleva
Sonata bio-quanta
ou
Faust musicien
Pièce en deux actes
Sonata bio-quanta
ou
Faust musicien
de Maria Koleva (alias John Pittsbourgh)
Créée le 7 juin 1983, au théâtre de l’Escalier d’Or TEO
18 rue d’Enghien 75010 Paris
sous le titre « La Sonate de Belzébuth » d’après S.I. Witkiewicz
par la Compagnie théâtrale
Gyroscope Théâtre
dans une mise en scène de Carlos Wittig-Montero
avec 20 comédiens dont Pierre Clarard, Edith Guegj,
Sophie Piollet, Pierre Poirot, Grégoire Ingold,
Pascale Schuler, Pedro Atias, Petro Guimaraes,
Carlos Wittig-Montero, etc.
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PERSONNAGES
MORDOVARIENS :
JULIA ZABO grand'mère de Roumina, 67 ans.
ROUMINA ZABO, sa petite fille, 16 ans.
ISTVAN FRANZ, 21 ans, compositeur.
JEROME SAKALYI DE MORDOVAR, 22 ans, jeune officier.
HEUREUSE FRANZ, la tante d'Istvan Franz, 65 ans, paysanne
et femme de science.
Theobald Istvan Franz, dit RIO SAMBA, 57 ans, barbu.
BRÉSILIENS :
1er compagnon de Samba, 40 ans, camarade de prison.
2e compagnon de Samba, 25 ans, truand.
3e compagnon de Samba, 20 ans, petit truand.
CARLINHOS MONTEIRO DE CAMPOS DE BALEASTADAR,
30 ans, chercheur et planteur brésilien.
TILDA FAISKY, rousse, 30 ans, chanteuse d’opéra et actrice.
L'ENTOURAGE DE TILDA, VENU DE LA CAPITALE AU
FESTIVAL DE LA VILLE VOISINE, EST COMPOSÉ PAR :
LE PHILOSOPHE, Édouard NOVA, 35 ans.
L’ÉCRIVAINE, sa femme, Emmanuelle LALARME-NOVA, 40 ans.
LE PRÉFET DE POLICE DE PARIS, Jean DUBOISSON, 55 ans.
LA PRODUCTRICE d’émissions scientifiques à la T.V.,
elle-même scientifique, femme du Préfet, Véronique TIRE-LIRE,
44 ans.
LE CHANTEUR D'OPÉRA TRÈS CONNU, Mario OTANA,
baryton, visage rude, 62 ans.
LA JOURNALISTE, sa femme, Annette NAVET-OTANA,
belle femme, 60 ans.
LE PEINTRE FARMOL, 36 ans.
LE PEINTRE TRUDAINE-MALERAI, 37 ans.
L'AMBASSADEUR D’ALLEMAGNE AU BRÉSIL,
WALTER VON HEILINGER 50 ans.
LES MINEURS :
LE MINEUR, Raffaello OTANA, 82 ans, mordovarien,
père du chanteur d’opéra très connu, Mario OTANA
2e MINEUR, Pierre STASKI - 85 ans, mordovarien.
3e MINEUR, le marseillais, vieux.
4e MINEUR, le lorrain, jeune.
AU CABARET "JOYEUX ENFER" :
1er LAQUAIS, 35 ans.
2e LAQUAIS, 35 ans.
LE MAÎTRE D'HÔTEL, 50 ans.
MORDOVARIENS :
1ère DIABLOTINE, 16 ans.
2e DIABLOTINE, 17 ans.
3e DIABLOTINE, 15 ans.
A - Groupe de 10 DIABLOTINES de 13 à 16 ans de Lycée
de Mordovar.
B - Groupe de 10 mineurs de 60 à 90 ans.
LE CHAUFFEUR du car de Lycée de Mordovar.
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Remarques aux comédiens :
Campos a une plaie inguérissable sur la peau, au-dessus de la
clavicule, qu'il touche de temps en temps avec beaucoup de
précautions : froid et dur avec les autres, il est très attentif à son
corps.
La pièce est écrite en vers blancs.
Prendre son souffle au tout début de la nouvelle ligne est obligatoire.
Et nulle part ailleurs.
Respectez les signes de ponctuation en général.
Et en particulier, si le mot est souligné, ça signifie que l’accent
tonique tombe sur lui.
Si une réplique se termine par des points de suspension (…), ça veut
dire que le personnage suivant coupe la parole au précédent.
Les indications de comportement des personnages
(les mots en italiques) peuvent être lues à haute voix
par une tierce personne.
Les mots qui ne sont pas en début de ligne
appartiennent à la ligne précédente.
(comme ci-dessus)
Merci. L’auteure.
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* * *
L'action se passe dans l'après-midi et la nuit du 22 au 23 août, à
Mordovar, petit village dans les Cévennes, une chaîne de montagnes
au sud de la France.
Les Mordovariens, habitants de Mordovar, sont en majorité originaires
de la Hongrie. Ils forment une petite minorité, assez fermée.
Le village, au bord d'une autoroute, est né autour d'une mine
aujourd'hui désaffectée. De l'autre côté de l'autoroute, on voit dans le
ciel, les lumières de la grande ville.
Une rivière rapide traverse le village.
De temps en temps elle se fâche et alors, quelques maisons sont
balayées.
Et après, tout redevient apparemment normal…
* * *
Pendant toute la deuxième partie, le cabaret est éclairé par les reflets
de l'incendie.
* * *
Après le premier acte, 20 minutes de pause.
* * *
Pièce en deux actes.
* * *
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ACTE I
La pièce est envahie
par les appareils d'écoute et d'enregistrement d'Istvan :
des micros, des fils, des bandes, des vieux magnétophones,
des amplis stéréo, des instruments à percussion inattendus,
faits d'objets anciens et ultra-modernes.
Le piano nage dans toute cette technique,
comme un objet archaïque…
Ni table, ni chaise
ne sont visibles
sous la technique.
Dans cette première partie, l'action se passe "à côté"
d'Istvan. Il entend et voit tout,
de temps en temps il y participe,
mais ce qu'il fait, c'est d'écouter
les bruits de tout ce qui compose notre monde,
la nature animée et inanimée.
Il est en relation avec elle.
Un courant de psychisme et d'influence circule
entre le musicien et la nature.
Cet échange mutuel
prime sur tout le reste.
Istvan debout, les pouces dans les oreilles,
serre et desserre un long moment,
les poings…
Grand-mère Julia rentre avec le plateau,
le goûter de cinq heures dessus.
Istvan…
JULIA
ISTVAN
Grand-mère, laisse ça.
(Il prend le plateau d'elle et le pose rapidement sur le piano)
Mets tes pouces, dans tes oreilles.
Appuie maintenant doucement,
doucement,
pas si fort, tes pouces contre tes oreilles…
est-ce que tu entends quelque chose ?
(Julia fait signe avec la tête "Oui")
ISTVAN
Maintenant, serre les poings…
Plus fort… plus fort.
(Julia retire brusquement ses pouces)
Alors, comment c'était ?
ISTVAN
JULIA
Au début j'entendais un léger bourdonnement. Et puis,
plus je serrais les poings plus le son était intense.
ISTVAN
Ce que tu entends est le son
engendré par la contraction des muscles de tes avant-bras.
(Julia étonnée regarde ses bras)
ISTVAN
Oui, Grand-mère,
tes muscles émettent des sons,
tes fibres musculaires se contractent et se relâchent en permanence
et heureusement que tu ne les entends pas ! Imagine,
si on entendait le moteur de la voiture comme si on était dedans…
Tu es d'accord, tu es un être humain ? …
(Julia sourit)
ISTVAN
Donc, tu ne peux pas entendre
les sons produits par tes muscles, ni par les miens,
car ton oreille ne perçoit pas les basses fréquences
de l'ordre de 25 hertz,
et c'est la fréquence prédominante de son musculaire.
Mais ce n'est pas pour autant que tes muscles
ne font pas de bruit pour ceux
qui peuvent les entendre…
(On entend le tonnerre,
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loin dans la montagne.
Istvan termine sa pensée.)
Les requins dans la mer, par exemple…
(Nouveau tonnerre)
C'est dans la montagne…
(Brusques rafales de vent)
JULIA
Le vent se lève…
C'est la pleine lune du mois d'août…
(Elle respire avec le nez)
Ça va sentir le brûlé bientôt…
(Istvan, micro en main,
se penche de très près vers Julia.
Il commence à enregistrer)
Que fais-tu ?
JULIA
ISTVAN
J'écoute respirer ta peau… Grand-mère, je veux tellement être un
grand musicien…
Non, je ne sens rien encore…
(Elle s'assoit)
Dis…
dis-moi…
va plus loin…
va… !
JULIA
ISTVAN
(Joue quelques notes au piano)
La suite,
elle est dans ma tête…
De la matière compacte, dure…
un bloc de granit dans mon crâne…
(Il frappe brusquement les touches du piano avec son front)
Grand'mère, brise mon crâne
et sors de là ma sonate…
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JULIA
Ma petite tête…
Istvan…
(Un tonnerre très fort lui coupe la parole)
ISTVAN
Depuis deux heures cet après-midi,
il est déjà cinq heures…
ça n'arrête pas de tonner !
(Il joue doucement au piano)
Je ne peux pas enregistrer ça,
c'est "inenregistrable" quand c'est directement au-dessus !
JULIA
Vers le 20 août, il y a toujours un changement brusque ;
une tempête, une pluie
et c'en est fini avec l'été.
C'est toujours l'été
et ça ne l'est plus tout à fait.
Le soleil n'est plus le même.
Mais il vaut mieux que ça cogne dans le ciel
que dans la terre…
Quand la terre s'en va sous tes pieds,
tu penses qu'elle ne reviendra jamais…
Ici, c'est terrible…
les tremblements de terre…
ISTVAN
(S'arrête de jouer)
Que ça cogne,
et en haut,
et en bas
et que ça fasse craquer mon crâne juste pour une seconde,
le temps de sortir la sonate.
Chut, Istvan,
ne provoque pas le diable…
Il est là
et il n'attend qu’à être appelé…
JULIA
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