les emissions trash à la télévision
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les emissions trash à la télévision
UNIVERSITE PAUL CEZANNE – AIX-MARSEILLE III FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE Institut de Recherche et d’Etudes en Droit l’Information et de la Communication LES EMISSIONS “TRASH” A LA TELEVISION RAPPORT DE RECHERCHE D.E.S.U. DROIT DE L’AUDIOVISUEL Réalisé par Mlle Laurie SAMAMA Sous la direction de M. Jean-Pierre FERRAND Aix-en-Provence Année 2003-2004 1 SOMMAIRE CHAPIOTRE 1 PRESENTATION DE CE GENRE D'EMISSION SECTION 1 L'EMERGENCE D'UN NOUVEAU CONCEPT? SECTION 2 L'IMPACT DE CES EMISSIONS SUR LE PUBLIC (…) CHAPITRE 2 L'ENCADREMENT DE CE GENRE D'EMISSION SECTION 1 UNE NECESSAIRE INTERVENTION DES AUTORITES DE REGULATION SECTION 2 UNE INTERVENTION EN PRATIQUE LIMITEE CONDUISANT A (…) 2 INTRODUCTION Depuis quelques années maintenant, et précisément depuis le premier volet de l’émission « Loft Story », en mai 2001, la France s’est mise à la « télé-réalité ». Malgré le nom, ce genre d’émission semble complètement à l’opposé de la réalité, car plus proche en fait du sitcom, savamment orchestré par des producteurs. En effet la réalité, ce n’est pas la mise en situation de personnes dans un environnement réfléchi, avec des personnalités triées sur le volet, la réalité, c’est montrer des personnes dans leur propre environnement sans rien provoquer ou dicter dans leur comportement. Mais, bien sûr, cela ennuie, et donc cela n’est pas susceptible de rapporter grand chose en terme d’audience. On peut cependant trouver, sur le net cette fois, quelques sites où l’on peut voir des gens, qui ont volontairement installé chez eux quelques webcams et continuent à vivre, normalement, sous l’œil des internautes. Enfin, il n’y a là rien de passionnant, hormis peutêtre pour certaines personnes atteintes de voyeurisme extrême. Dans la même idée, est apparue il y a quelques années aux Etats-Unis, un nouveau phénomène. A l’origine, un groupe de jeunes, férus de cascades parce-que pratiquant le skateboard, ont décidé de filmer leurs exploits eux-mêmes, et ont très vite été repéré par une chaîne américaine diffusée sur le câble et le satellite, MTV (Music Television). Peu à peu, les cascades sont devenus des défis, stupides le plus souvent, et parfois dangereux. L’émission originelle, « Jackass », signifie d’ailleurs « crétin », ou « couillon ». On peut appeler cela de la télé-réalité, puisque, bien que les sketchs sont préparés, scénarisés et encadrés par des professionnels, les différents « acteurs » de ces émissions ne font pas semblant, ce sont eux qui réalisent les défis, et filment le tout avec un amateurisme volontaire qui renforce cette impression de proximité et facilite l’identification aux différents personnages. Tous jouent leur propre rôle, il n’y a pas de personnages, pas d’intrigue, et c’est cela même qui a fait son succès. Peu à peu, l’idée a attiré de plus en plus de jeunes, pour qui les participants de ces émissions sont devenus de vrais modèles, et beaucoup ont réalisé leurs propres « jackasseries », allant même jusqu’à envoyer des cassettes vidéos de leurs exploits à MTV, en espérant une diffusion. 3 Et puis, on a constaté que la plupart des scènes pouvaient être dangereuses, cruelles, humiliantes, mais cela ne choque pas les jeunes, ils en sont, au contraire, très admiratifs ; devant l’engouement, et surtout la multiplication de groupes de jeunes imitant les protagonistes de Jackass, les autorités de régulation ont reçu de nombreuses plaintes, que ce soit en France, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Mais ce phénomène, c’est d’abord et surtout un moyen pour ces jeunes qui s’en inspirent, de se faire entendre, connaître, reconnaître, autrement qu’en participant à des émissions comme « Star Academy » ou « Popstar » ; ils semblent refuser ce système, n’appartiennent pas à cette génération aveuglée par cette célébrité facile. Et puis ce comportement peut paraître juvénile, idiot même, alors que la plupart des jeunes « adeptes », ont entre 15 et 25 ans. Qu’est ce qui attire le plus ces jeunes ? La transgression des interdits ? La prise de risque ? Est-ce une manière pour eux de montrer qu’ils refusent de grandir, de faire parti du monde des adultes ? Mais que se passe-t-il lorsque les images qu’ils voient les incitent à prendre plus de risque encore ? Certains disent que le but n’est pas de se faire mal, mais qu’ils acceptent cette possibilité, qu’elle fait partie du jeu. Sont-ce réellement les images que la télévision leur montre qui les incitent à reproduire des défis dangereux ? Mais en même temps, la télévision peut-elle tout montrer, et ainsi, banaliser ? Car ce qui est dangereux, c’est cette banalisation, de la violence, de la douleur, de l’humiliation ; c’est elle qui fait naître l’insouciance, l’irresponsabilité, et provoque des accidents, parfois sans gravité, mais parfois mortels. Après avoir présenté ce phénomène, et ceux qui le font, nous verrons en quoi et de quelle manière les émissions qui en sont à l’origine, sont encadrées, même si en pratique il n’est pas évident et souhaitable d’imputer l’entière responsabilité des accidents, à la télévision. 4 CHAPITRE 1 PRÉSENTATION DE CE GENRE D’ÉMISSION Avant toute chose, il convient de préciser que le terme « trash » n’est pas notoirement utilisé pour désigner les émissions dont nous allons parler. Enfin rien n’est officiel, mais les émissions dont nous allons traiter ne sont pas les seules à faire partie de cette catégorie d’émissions dites « trash ». En outre, ce terme semble le plus proche de ce qu’on peut y voir. Nous verrons plus loin en quoi ces émissions, et leurs participants sont « trash », en en étudiant le contenu. Car « trash » en anglais, cela signifie « ordure ». Or, l’émission phare de ce phénomène est une émission américaine intitulée « Jackass », qui signifie « crétin ». Cela traduit pleinement la philosophie de ces jeunes adultes qui se livrent à toute sorte de sketchs parfois drôles, et souvent dangereux ; car c’est là justement que se pose le problème. En effet, ces bandes de copains complètement déjantés, prêts à tout et surtout à n’importe quoi, sont devenus avec le temps de vrais idoles, mais surtout des modèles pour de nombreux jeunes -et moins jeunes- ; c’est ce que nous aborderons justement dans la seconde souspartie. SECTION 1 L’ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU CONCEPT ? Parmi les émissions qui feront l’objet de notre étude, il y a bien sûr « Jackass » que nous avons cités précédemment, mais aussi « Dirty Sanchez », en Grande-Bretagne. Dans ces émissions, le point commun ce sont les gags douteux souvent scatologiques, l’automutilation, et les cascades risquées. Car ce qui compte c’est d’être capable de relever les pires défis, quitte à se blesser, mais sans jamais bien sûr, le laisser paraître. Chacun tour à tour, les participants de ces émissions se livrent, volontairement ou pas, à des défis, devant l’œil attentif des autres comparses, qui prennent un malin plaisir à se voir souffrir mutuellement. Bref ces émissions c’est l’autodérision, ou carrément l’humiliation ; chaque participant doit prendre sur lui-même, ravaler sa fierté, et subir les moqueries de ses camarades, ou au contraire leur admiration. 5 C’est en cela que ce concept peut apparaître comme quelque chose de nouveau, notamment par rapport à l’époque de Charlie Chaplin, et des films en noir et blanc, où les acteurs faisaient rire par leurs attitudes burlesques, où ils se tournaient eux-mêmes en ridicule. Ce qui est nouveau ici et ce qui est malsain, c’est cet espèce de plaisir qui ressort de la souffrance de l’autre, bref du sadisme à l’état pur. Voyons de plus près qui font ces émissions et de quoi elles se composent en détail. §1. Les émissions trash dans le monde à travers leurs acteurs L’émission qui va principalement nous intéresser, « Jackass », était diffusée jusqu’à récemment sur le câble et le satellite par MTV France. Lancée en 1981 sur les réseaux câblés américains, MTV est depuis plus de 20 ans la première chaîne musicale du monde ; ses chaînes sont implantées sur tous les continents, d’Europe en Asie. La chaîne appartient au groupe Viacom Inc. qui possède notamment Paramount Pictures et Cbs. C’est cette chaîne qui a réuni deux bandes issues de l’univers du skateboard dont les uns viennent du magazine de skate américain Big Brother, et les autres, de l’équipe de cKy (Camp Kill Yourself -ou le « camp des suicide-toi-), vidéos de skate trash qui ont eu un énorme succés aux Etats-Unis. Les anciens de Cky ont d’ailleurs dû mettre de l’eau dans leur vin, c’est-à-dire accepter l’univers de la télévision et les gags plus « soft » de Jackass. Le show est co-crée et co-produit par Spike Jonze, réalisateur de films (« Dans la peau de John Malkovitch »), de clips, de vidéos de skate, ou encore acteur (« Les rois du désert »). Parmi les membres de l’équipe, on retrouve : Johnny Knoxville (de son vrai nom Philip John Clapp), ancien cascadeur et leader du groupe ; c’est lui qui a eu l’idée de créer ce show. En effet, c’est en 1997 qu’il parle de son idée à Jeff Tremaine, alors 6 rédacteur du magazine Big Brother. Johnny Knoxville se fait embaucher comme journaliste et enregistre des cascades pour des diffusions en vidéo. Bam margera, est un skateur professionnel, qui a participé à des vidéos de cKy, tourné des vidéos de skate et a sorti un film intitulé « Haggard » avec Brandon Dicamillo et Chris Raab. En outre, il est dorénavant le héros d’une nouvelle émission diffusée actuellement sur MTV dans laquelle il martyrise ses parents, et intitulée « Viva la Bam ». Font également partis du casting, Jeff Tremaine, le réalisateur, et ancien du magazine Big Brother ; Steve O (de son vrai nom Stephen Gilchrist Glover), spécialiste des gags ignobles et écœurants ; il a fait la connaissance de Johhny Knoxville au magazine Big Brother. Jason « Weeman » Acuna , skateur professionnel et nain de l’équipe (d’où son surnom, weeman qui signifie « petit homme »); Chris Pontius, Chris Raab (« Raab Himself » de son surnom). Mais aussi Preston Lacy, qui était acteur de publicité et de sketchs pour le show de Jay Leno, il est surtout connu dans Jackass pour sa mauvaise humeur. Ehren McGehey surnommé Danger Ehren à cause de ses cascades toujours plus dangereuses, il porte cependant un casque à chacune de ses prestations. Pour finir on peut citer Dave England, mais aussi Ryan Dunn, également skateur professionnel, et qui tourne dans les vidéos de Bam Margera. L’émission a également pu convier de célèbres invités comme Brad Pitt, ou Tony Hawk, ce qui montre combien elle est célèbre outre atlantique. Diffusée en France pendant trois ans, l’émission n’a cessé d’attirer les foules et a fait augmenter l’audience de Mtv France de 170%. Précisons qu’il y a eu trois saisons ce qui fait 24 épisodes en tout et pour tout, plus des rediffusions. En plus de l’univers de la télévision, l’équipe de « Jackass » s’est essayé à celui du cinéma, avec le film « Jackass the movie », qui est, selon ses protagonistes, encore plus trash que la série, dans la mesure où il n’a subit aucune censure. Ce film n’a d’ailleurs jamais été diffusé sur nos écrans ; néanmoins les fans peuvent toujours réussir à se le procurer via le net ou les vidéoclubs. 7 La particularité de ce film réside dans le fait qu’il n’y a pas de scénario, il n’est qu’un très long épisode de la série, trois épisodes en fait puisqu’il dure 1h30. De plus qui dit cinéma dit moyens plus importants, cascades plus dangereuses et insultes non censurées, bref de quoi rassasier les fans frustrés du cadre imposé par la télévision. En outre, Jackass a fait des émules, puisqu’ une autre émission est née, également diffusée sur MTV, et intitulée « Dirty Sanchez ». Dans celle-ci, on retrouve trois gallois et un anglais qui font la même chose que dans Jackass, sauf qu’ils vont beaucoup plus loin. En effet, cette émission fait le plus souvent souffrir que rire, à l’écran. Il semble, qu’avec Dirty Sanchez, on est passé à un stade supérieur ; il s’agit plus d’une quête de la douleur que de simplement se marrer entre copains. Alors que l’émission n’est plus dans la grille de programmes de MTV France, MTV UK s’apprête à en diffuser la deuxième saison. Cela serait-il le résultat d’une mise en garde du CSA contre ce genre d’émission ? C’est ce que nous aborderons dans la deuxième partie. En France, il n’existe pas exactement d’émission similaire, mais il y a eu récemment au cinéma le film « les 11 commandements » de Michael Youn, qui reprend à l’identique ce concept. Ce dernier est devenu « célèbre » grâce à une émission qu’il présentait sur M6, le «Morning Live » de 7 heures à 9 heures et ce pendant deux ans. Il a d’ailleurs eu l’occasion d’y faire du « jackass » de temps à autre, ce qui a valu quelques recommandations de la part du CSA, à M6. Ce qui dérange, c’est qu’on ne sait plus vraiment où s’arrête la fiction et où commence la réalité. C’est d’ailleurs cette proximité qui semble attirer les jeunes ; et aussi cette facilité à réaliser des gags parfois dangereux. Même si « Jackass » est présentée comme une série, les jeunes ont réellement l’impression de se voir entre eux, et s’identifient complètement à ceux qui ne sont en fait que des acteurs. Cependant ces acteurs ne se font pas doubler, ils jouent leur propre rôle, mais il faut rappeler que la plupart sont des skateurs professionnels, habitués des cascades, et qu’ils sont en outre entourés de professionnels prêts à intervenir en cas d’accident. Les défis ne sont pas réalisés sans précaution, malgré ce qu’ils peuvent laisser paraître. 8 D’autre part, il y a un scénario derrière ces émissions, il ne s’agit pas uniquement de sketchs bruts réalisés impulsivement ; mais malgré cela, on peut avoir l’impression en visionnant des épisodes, que des gens comme tout le monde s’essaient, comme chacun pourrait le faire, à des défis avec seulement une caméra pour témoin. On est donc face à une proximité, ce qui provoque un sentiment d’identification, auquel on peut rajouter une impression de facilité, de banalité et donc de banalisation de la douleur. En France, à côté du phénomène Michael Youn, une autre émission, d’un autre style cependant, intéresse de près le CSA. Il s’agit d’une émission de télé-réalité, inspirée des Etats-Unis, et intitulée « Fear Factor ». Ici, on a un présentateur, mais qui ne s’essaie à aucun des défis qu’il fait réaliser à des participants, tantôt « célébrités », tantôt « anonymes ». Les uns jouent pour des associations, les autres pour de l’argent. La (seule) différence avec Jackass, c’est le fait que l’émission soit considérée comme un jeu alors que certains défis n’ont rien à envier à Jackass. Mais dans ce cas, on se targue de « divertissement ». Et on multiplie les messages du genre « n’essayer pas de reproduire ce que vous allez voir » ou « ces cascades sont réalisées sous l’œil de secouristes prêts à intervenir » ; bref on cherche à rassurer, et à éviter en réalité que les gens, et surtout les mineurs, ne reproduisent ce qu’ils voient. Le coté sérieux, et solennel de l’émission peut la différencier de Jackass également ; disons que dans cette dernière, il y de l’humiliation, du danger, mais que les gens savent à quoi s’en tenir. Dans Fear Factor, on ne parle surtout pas d’humiliation, mais de courage, de dépassement de soi-même, surtout lorsque l’enjeu est de faire gagner de l’argent à une association. Nous allons justement nous intéresser à ce que ces émissions montrent dans cette nouvelle partie. §2. Le contenu des émissions trash Avant d’aborder les défis présentés par les membres de Jackass, intéressonsnous rapidement à ce que ces derniers faisaient dans leur “show respectif ”, c’est-àdire cKy et le magazine Big Brother. Dans cKy, un des protagonistes ingurgite 18 laxatifs d’un seul coup, et se promène ensuite dans la rue, dans le plus simple appareil, et arrive ce qui doit arriver, à savoir ce qui 9 se passe lorsque l’on prend des laxatifs. Un autre, lui, ira jusqu’à uriner sur son propre père, bref beaucoup de « gags » scatologiques. Dans les vidéos du magazine Big Brother (Boob, Number Two, et Crap), Johnny Knoxville teste sur lui divers dispositifs d’autodéfense, ou encore se fait volontairement renverser par une voiture. En ce qui concerne Jackass, chacun des acteurs de la série a réalisé des sketchs qui leur sont propres, et c’est ainsi qu’il convient de les énumérer. Tout d’abord Johnny Knoxville ; il s’est fait peindre une cible sur le ventre et tirer dessus au paintball. Il a également testé la solidité des coques pour les parties génitales, ou encore, s’est pris des coups de marteau ou autres boules de billard, lancées d’un immeuble, dans les parties sensibles de son corps. Il a également boxé en ayant la cheville cassée, etc… En ce qui concerne Steve O, il est considéré comme le plus déjanté de la bande, ce qui paraît normal étant donné son passé de clown… Parmi les sketchs qu’il a réalisé, on peut citer celui où il avale, vivant, un poisson rouge, et se force ensuite pendant plusieurs minutes à le revomir vivant ; également celui où il aspire un ver de terre par le nez et le fait ressortir vivant de sa bouche ; il s’est fait relier les fesses par un piercing, il a plongé dans une piscine en sautant du haut d’un immeuble, ou encore a plongé son visage dans un bain de méduses vivantes… Certains encore se déguisent, que ce soit en canard ou en fée, et s’amusent à mettre des pièces dans le parcmètre à la place des automobilistes (ce qui énerve grandement les policiers), et c’est ce qui a valu à Ehren Mcghehey le surnom de « fée des parcmètres » ; d’autres se montrent nus, dans des endroit publics de préférence. Parmi les cascades, on retrouve le lancé de caddie avec une personne à l’intérieur, et bien sûr, c’est mieux quand il s’agit de dévaler une pente et de finir retourné à la fin. Il arrive également que les membres du groupe prennent un de leur camarade pour cible ou plutôt pour souffre-douleur (Chris Raab est généralement la cible préférée), et lui tirent dessus au paintball, ou l’assènent carrément de coups. La plupart étant d’anciens ou d’actuels skateurs professionnels, ils leurs arrivent de se livrer à des cascades en skate. Parmi les gags assez dégoûtant, on retrouve celui où Ryan Dunn, saute en vélo et atterrit dans une marre d’excréments ; Dave England, lui, a réalisé un défi très écœurant 10 dans lequel il avale, crus, tous les ingrédients d’une omelette, puis les rejettent dans une poêle, remet à cuire sa préparation, et pour finir, la déguste… Après avoir vu, presque dans la totalité, les sketchs réalisés par les acteurs de Jackass, on peut constater qu’ils n’hésitent pas à faire les pires choses, même si ces défis peuvent les mettre en danger, ou du moins les blesser grièvement. Mais, contrairement à ce que l’on croit, il y a pire que Jackass en matière de danger et d’humiliation. En effet dans le même registre d’émission entièrement consacrée aux expériences d’un groupe de garçons, les défis réalisés vont jusqu’à choquer des adeptes de Jackass. Beaucoup abordent l’émission « Dirty Sanchez » dans les forums de discussions, et se disent outrés devant l’irresponsabilité flagrante de ses protagonistes qui vont plus loin que Jackass dans la prise de risque et l’humiliation. Pour citer quelques uns de leurs « exploits », l’un deux a, par exemple, essayé de se casser un morceau de carreau sur le menton en se donnant, à plusieurs reprises, des coups violents au risque de se blesser sérieusement ; un autre défi consiste à stopper une roue de vélo avec ses parties génitales ou ses aisselles ; un autre encore, consiste à se faire tirer sur les fesses (nu bien sûr), sur du goudron, pour ensuite se faire verser par ses compères et sur la plaie, du sel et du vinaigre… Bref on constate que contrairement à Jackass, où certains des sketchs peuvent faire sourire, Dirty Sanchez ne s’attarde pas sur ce registre comique, mais lui préfère l’humiliation de ses acteurs, la souffrance brute, le sado-masochisme pour résumer. En France, c’est, comme on l’a déjà dit précédemment, le comédien Michael Youn qui apparaît comme l’incarnation « jackass » dans notre pays, même si, comme il l’avoue lui-même (dans une interview réalisée pour un documentaire sur le phénomène « jackass » par Canal Plus), à l’époque où il a connu Jackass (pendant la période « Morning Live »), il était déçu de voir qu’outre-atlantique, on pouvait faire mieux que lui dans la stupidité. C’est avec son film « Les 11 commandements » que Michael Youn a fait, à proprement parler, du « jackass ». Dans ce film, Michael Youn et ses compères doivent à tout prix accomplir les « 11 commandements » de la blague pour sauver le monde. Cela revient donc à remplir une maison d’eau pour la transformer en piscine géante, jouer au beach volley sur une plage publique après avoir ingurgité du viagra, faire du roller sous 11 somnifères, servir de cible à un joueur de football ou à une joueuse de tennis avec une coque pour unique vêtement, ou encore ingurgiter des piments mexicains... Bref, à priori rien de bien méchant ; sauf que derrière certains des sketchs, on s’aperçoit que Michael Youn dépasse parfois les limites, notamment celles du vieux monsieur propriétaire de la maison inondée qui n’a pas su avant de louer sa maison, ce qui allait en être fait. Ici, ce n’est donc pas à eux qu’ils infligent des « souffrances » mais plutôt aux personnes victimes de leur crétinerie. D’ailleurs lorsque Michael Youn fait le bilan de ce film, il précise que l’équipe a eu droit à 7 arrestations, 2 procès, 1 interdiction préfectorale, 1 quinzaine de contrôle de police, et environ 400.000 euros de dommages et intérêt versés. Bien que beaucoup moins osé que Jackass, Michael Youn est rapidement devenu avec son émission quotidienne diffusée sur M6 de 2000 à 2002, le porte parole d’une génération de jeunes prêts à relever n’importe quel défi pourvu qu’il soit idiot et sans intérêt. Avec son film, il a réussi à assouvir son envie d’égaler les membres de Jackass, frustré de l’arrêt de son émission du matin, pour lequel, précisons-le, le CSA avait envoyé quelques recommandations à M6 (notamment après la diffusion d’une émission où Michael Youn a montré comment il a ligoté un de ses jeunes fans à un arbre). Ainsi, suite à des plaintes de téléspectateurs, le Conseil a mis en garde la chaîne pour l’émission Morning Live ; et ce pour : risque d’encouragement de comportements dangereux et agressifs (émission du 4 décembre 2001), risque d’atteinte à la dignité de la personne (émission du 12 décembre 2001), etc. Le Conseil a pour cela précisé que l’animateur était devenu un modèle pour le jeune public d’une part, et d’autre part que l’horaire de diffusion nécessitait une vigilance accrue, et qu’un avertissement n’était donc pas suffisant. Suite à cela, l’émission a changé d’équipe… SECTION 2 L’IMPACT DE CES ÉMISSIONS SUR LE PUBLIC (…) §1. (…) à travers le développement de groupes amateurs Première du genre, Jackass a rapidement été copié à la télévision, et sur MTV encore, avec Dirty sanchez ; la seule différence comme on l’a vu précédemment, c’est 12 que les élèves ont largement dépassé les maîtres, puisque Dirty Sanchez est beaucoup plus « trash » que Jackass. Mais à côté de ces professionnels, diffusés à la télévision sur le câble et le satellite, d’autres groupes se sont développés et tentent, tant bien que mal, de se faire connaître, afin, peut-être, d’égaler leurs idoles en terme de notoriété. On retrouve ces groupes un peu partout dans le monde, ils sont accessibles le plus souvent par le biais de leur site internet ; ainsi, l’on peut citer le « project senseless » en Allemagne, les espagnols de « Lafela.com », les « Italian Jackass » en Italie, et enfin des jackass également en Pologne (http://www.jackass.prv.pl/). En France, nombreux sont les jeunes qui ont décidé de créer leur site internet, entièrement dédié à leurs prouesses « jackassiennes ». Le plus souvent, il s’agit d’adolescents, ou de jeunes adultes, souvent de sexe masculin, 3 ou 4 de manière générale, qui se filment et mettent à disposition de tous, leurs enregistrements. Peut-être dans le but non avoué de se faire repérer, et pourquoi pas produire par une chaîne de télévision. Quoique ce genre de scénario semble peu probable en France, et ce à cause ou grâce au CSA. Quoiqu’il en soit, certains de ces jeunes participent depuis peu à bon nombre d’émissions, dans le but d’informer sur ce phénomène venu d’outre atlantique. Car en effet cela inquiète, mais c’est ce que nous verrons un peu plus loin. Le groupe qui fait le plus parler de lui depuis quelque temps, c’est le groupe des « Trop Tebê », autrement dit les « Trop Bête » (traduction du verlan). Composé de quatre garçons d’une vingtaine d’années, ce groupe se livre à toute sorte de cascades ou expériences, directement inspirées de Jackass. Toujours en France, un autre groupe réalise lui aussi des défis à la jackass, et porte le nom de « Death Trap » (en français, « piège mortel »). La tranche d’âge est ici un peu inférieure puisque les membres de ce groupe sont encore au lycée, ils sont cinq et ont eux aussi leur site internet, sur lequel ils diffusent leurs gags. 13 Ces jeunes ont-ils conscience des risques qu’ils prennent à reproduire ou inventer des défis dangereux, histoire de faire comme leurs idoles ? Les Death Trap ont par exemple totalement conscience qu’ils peuvent se faire mal, se casser quelque chose, mais ils semblent accepter le risque comme une fatalité. Comme eux, Michael Youn reconnaît avoir 14 ans d’âge mental, et préfère continuer à faire le sale gosse que de grandir. Car comme les acteurs de Jackass ou Dirty Sanchez, il est âgé d’une trentaine d’années, preuve que le phénomène ne touche pas que les adolescents et les enfants. A côté des Trop Tebê et des Death Trap, on retrouve également les « Ssackaj » de Marseille, les « Frackass » de Nice, les « Sbotch » de Toulouse, le groupe « Au saumon » de Strasbourg, mais aussi ceux qui ont un site internet comme les « Patcul », les « QI Négatif », la « Crashers Team », la « Chopote Team ». Pour ces jeunes, faire du jackass n’est que pousser un peu plus loin le style « Video Gag », ou encore le style de Jean-Yves Lafesse. Comme le précise la « team » de « QI Négatif », « la souffrance fait partie du jeu mais ce n’est pas notre but ».1 Bien que fans de Jackass, tous essaient de trouver leur style, d’apporter leur touche personnelle comme le dit un des membres de la « Crashers Team » dans un article du Nouvel Observateur.2 Parmi leurs exploits ces groupes peuvent boire leur propre urine, avaler un litre de vodka pour se faire vomir, se faire épiler le derrière avec la flamme d’une bombe aérosol allumée par un briquet, sauter du haut d’un toit pour atterrir dans un arbre… Mais ils peuvent aussi mettre en scène de fausses agressions en déguisant l’un d’eux en bonne sœur et l’assener de coups de pieds, etc. On a donc du vrai « jackass » réalisé par de vrais amateurs ; cependant pas de chance pour eux de devenir des stars, car aucune des cassettes envoyées à MTV n’est même visionnée. Ce n’est cependant pas pour autant qu’ils s’arrêtent là, puisque bon nombre de ces groupes réussissent à faire parler d’eux, et c’est ce que nous verrons ultérieurement. 1 2 Article France Dimanche cf www.qi-negatif.com www.nouvelobs.com/articles/p2046/a231199.html 14 Mais on peut affirmer qu’il est impossible qu’une chaîne française de télévision ou du câble ne leur accorde un jour leur propre émission, comme ça a été le cas outreatlantique et outre-manche. Est-ce une marque de laxisme des autorités de régulation de ces pays, ou une plus grande ouverture d’esprit ? Nous y répondrons par la suite. De manière générale la tranche d’âge de ces groupes est de 15 à 25 ans ; d’ailleurs, comme le dit Julien Pescatore, responsable du marketing de MTV France, Jackass « est l’émission non hertzienne la plus regardée par les 15-24 ans le samedi soir ». Cet engouement pour ce genre d’humour devient dangereux lorsque les limites sont dépassées et que le pire arrive, l’accident. Alors on regrette et on prend conscience surtout que ces émission peuvent banaliser le danger. Et se pose alors la question de savoir si l’on peut tout montrer ? Tout montrer au risque d’inciter, au risque de devenir un modèle ? C’est ce que nous allons justement aborder maintenant en étudiant les accidents qui se sont produits. §2. (…) à travers les accidents Lorsqu’on regarde Jackass, on peut être étonné par la manière dont l’émission est filmée. On croirait visionner une vidéo de son petit frère faisant le pitre avec ses copains au fond du jardin. Et c’est ce qui explique cet engouement, cette identification ; on parle d’un « amateurisme calculé » pour renforcer le réalisme. Alors, on les imite ; certains, comme on l’a vu précédemment, se filment et retransmettent leurs vidéos sur leur site internet. Ceux-là s’adonnent à leur « passion » dès qu’ils ont un moment de libre, pendant le week-end ou les vacances. D’autres font ça occasionnellement, mais l’accident, lui, peut survenir à tout moment. Pour citer David Carnie, rédacteur en chef du magazine Big Brother, ce qui intéresse les membres de Jackass, ce n’est pas de réussir des cascades, mais justement de se « planter ». C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour lui au début lorsqu’il participait aux 15 vidéos avec la bande. Il devait sauter une rangée de bidons alignés, en patins à glaces ; au dernier moment alors qu’il prenait son élan, l’un d’eux a rajouté un bidon, ce que David Carnie n’avait pas vu. Il a trébuché sur le premier et s’est aplati sur le dernier, et au final s’est lustré une épaule. Pourtant, il a réussi à faire rire ses compères mais n’a jamais plus participé à aucune vidéo. En ce qui concerne les jeunes qui reproduisent les Johnny Knoxville et autres Steve O, il est arrivé à plusieurs reprises que cela se termine assez, voire très mal. C’est d’ailleurs ce qui a poussé MTV à rappeler régulièrement « Ce sont des professionnels, n’essayer pas de faire ça chez vous ». Mais malgré ces quelques précautions, les accidents se produisent, car généralement les jeunes ne mesurent pas le risque qu’ils prennent à reproduire certains défis. Ainsi on dénombre notamment quatre accidents mortels ; en novembre 2002, dans l’Ohio, une adolescent de 18 ans s’est tué en tombant d’une camionnette. En décembre de la même année, dans l’Indiana, un garçon de 13 ans s’est tué tandis que ses cinq amis ont été blessé après que le van qu’ils conduisaient ait heurté des rails de chemin de fer à plus de 110 km/h. Au Nouveau-Mexique cette fois, un garçon de 15 ans a trouvé la mort après avoir été éjecté du capot d’une voiture en mouvement. Enfin, en janvier 2004, en Californie, une jeune fille de 16 ans est décédée lors d’une cascade autour d’un manège. Mais il n’y a pas que des accidents mortels ; d’autres s’ils n’ont pas entraîné la mort, ont causé de sérieux dégâts. En effet, et concernant la France cette fois, le 16 mars en banlieue parisienne, un adolescent de 17 ans s’est fracturé le bassin, les poignets et les genoux, en tentant de reproduire avec ses amis une scène de Jackass. Il a chuté d’un dôme de parking qu’il avait escaladé après s’être promené nu dans un chariot de supermarché. Pour revenir aux Etats-Unis, un garçon dans le Connecticut, a souffert de nombreuses brûlures après avoir tenté de reproduire une scène de Jackass dans laquelle Johnny Knoxville se prenait pour un barbecue ; or pour cette scène Johnny Knoxville portait des habits ignifugés, et cela, les téléspectateurs l’ignoraient. Toujours aux Etats-Unis, un adolescent a foncé en voiture sur un de ses amis qui devait l’éviter au dernier moment mais 16 qui n’y est pas parvenu. La même année six mois plus tard (août 2001), un autre garçon, de 11 ans cette fois, a tenté de reproduire la même scène du « barbecue humain », ce qui lui a valu également de sérieuses brûlures. Pour citer un autre cas, mais qui n’a blessé personne cette fois-ci, toujours en 2001, dans le Minnesota, un adolescent de 19 ans s’est mis à courir dans une rue fréquentée, habillé seulement d’une blouse d’hôpital, et brandissant une tronçonneuse ; il a avoué s’être, bien sûr, inspiré de Jackass. D’autres incidents se sont produits et mettant cette fois en cause un des membres de l’équipe, à savoir Steve-O ; celui-ci a par exemple, alors qu’il participait à un concours de baffes, conduit un adolescent dans le coma, dont ce dernier est finalement sorti. On ne peut que constater que ces émissions ont une réelle influence sur leur public, jeune ou moins jeune. L’idée de transgresser les règles, celles des autres et ses propres limites aussi, plaît, et ceci est grossi par la médiatisation, la notoriété dont jouissent ses personnes aujourd’hui. Après la « Star Academy », « Loft story », on peut devenir célèbre rien qu’en ne faisant que des « conneries », il suffit de paraître le plus déjanté possible dorénavant, pour pouvoir passer à la télé, à la radio…Mais n’y a-t-il pas un moment où les choses vont trop loin, où on ne contrôle plus rien ? Et là, tout est possible. Cela pose la question de savoir si l’on peut tout montrer, au risque d’inciter, de provoquer par les images ? Ou alors, est-ce un faux problème ? Doit-on attribuer cela aux images, chacun n’est-il pas responsable ? Bien sûr lorsqu’il s’agit de mineurs, ce sont les parents qui sont responsables, mais dans notre société actuelle, de l’internet et du monde sans limite, peut-on vraiment y faire quelque chose ? Pour Michel Fize, sociologue au CNRS, spécialiste des questions de l’adolescence, il faut « rappeler les familles à leurs responsabilités », car selon lui, « laisser son fils mettre la main sur une plaque électrique ne doit pas être toléré »3. En tout état de cause, il semble normal d’encadrer ce genre de programme, quoique les Etats-Unis, l’Angleterre et la France n’aient pas la même approche du « problème ». 3 Citation issue de www.troptebe.com/presse/20minutes.jpg 17 CHAPITRE 2 SECTION 1 L’ENCADREMENT DE CE GENRE D’EMISSION UNE NECESSAIRE INTERVENTION DES AUTORITES DE REGULATION §1. En France, une volonté d’empêcher les débordements Avant de parler des émissions trash, parlons d’abord de la chaîne qui les diffusent dans notre pays. On imagine mal ce genre d’émission, diffusée sur une chaîne hertzienne par exemple, même si elle l’est à 23 heures. Alors, comment se fait-il que la filiale française de MTV puisse diffuser de telles images, sans être, ou presque, inquiétée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel ? Bien qu’il n’ait aucun pouvoir de censure, le Conseil est le contrôleur des programmes, il doit veiller à la bonne application des textes dans ce domaine de l’audiovisuel. Ainsi, il doit veiller à ce que certains principes fondamentaux soient respectés, tels notamment, la dignité de la personne humaine, la protection de l’enfance et de l’adolescence, etc. En excluant les chaînes publiques, on constate que le moteur des chaînes privées, qu’il s’agisse de chaînes hertziennes, du câble ou du satellite, c’est l’audience. La course à l’audience est la motivation récurrente de celles-ci ; et cela se comprend, car il faut rapporter de l’argent à ceux qui en ont investi. Bref, au nom de l’audience, les chaînes, et surtout ces dernières années, ont étoffé leurs grilles de programmes, de ces florissants shows de télé-réalité ; or, ces derniers sont propices à toujours plus d’extravagance, qu’il s’agisse de sexe, de violence, etc. Ainsi, même les chaînes hertziennes se mettent au trash, indirectement, en invitant par exemple en deuxième partie de soirée le maintenant très célèbre Steve-O, membre de Jackass, dans l’émission « la méthode Cauet » ; cela a permis à TF1 de réaliser une très bonne audience (36,3%), quitte à subir les frasques du jeune homme arrivé saoul à 18 l’enregistrement de l’émission. Celui-ci ne s’est d’ailleurs pas fait prier pour faire un striptease, et n’a eu aucune gêne à uriner sur le bureau de l’animateur, ce qui, bien sûr n’a pas été gardé au montage. Une autre émission, d’un genre un peu différent, inquiète le Conseil, qui entend en restreindre quelque peu le contenu ; cette émission, intitulée Fear Factor, nous vient des Etats-Unis. Le principe est simple, 6 personnes doivent relever des défis pour qu’à la fin il n’en reste qu’un, qui empoche une somme d’argent. Les défis proposés sont variés, mais certains peuvent surtout être dangereux. Ainsi en début d’émission le présentateur adresse un message aux téléspectateurs leur précisant qu’il ne faut en aucun cas reproduire ce qu’ils vont voir, et que l’émission est encadrée par des professionnels. Parmi les défis proposés, on peut citer celui où il faut traverser à moto le plus grand nombre possible de baies vitrées, celui où il s’agit de faire une cascade en voiture de course, celui où il faut attraper le plus grand nombre de drapeaux du haut d’un immeuble de 50 étages, etc. Mais d’autres défis sont parfois répugnants, comme par exemple celui qui consiste à avaler différents insectes (araignées, vers, mille-pattes…), celui où il faut avaler un œil d’autruche ou des testicules d’un autre animal le plus vite possible, etc. Ce qui dérange surtout le Conseil, c’est lorsque ce soi-disant divertissement pousse les concurrents à bout de nerfs, jusqu’à qu’ils craquent (les monteurs étant très friands de ces moments où le candidat se met complètement à nu car cela attire) ou jusqu’à ce qu’ils accomplissent le défi en question. Une variante de l’émission consiste à faire participer des « célébrités », celles-ci jouant pour une association. Pour l’émission, il s’agit de courage, de dépassement de soi, alors que pour le Conseil, il s’agit plus d’humiliation et de voyeurisme. Mais bien sûr, si c’est pour la bonne cause… Pour en revenir à MTV France, le cas est particulier, car elle (et donc les programmes qu’elles diffusent) ne dépend pas du CSA français. En effet, MTV n’a pas été conventionnée par le Conseil, elle a simplement fait l’objet d’une déclaration auprès de ce dernier. Il suffit que la chaîne passe une convention avec un pays membre de l’Union Européenne pour que celle-ci s’applique aux autres membres. Cependant, elle doit faire l’objet d’une déclaration afin d’être distribuée par le câble et/ou le satellite dans notre pays. 19 Ainsi le Conseil ne peut rien faire concernant la diffusion par ladite chaîne conventionnée par le Royaume-Uni, d’émissions comme Jackass ou Dirty Sanchez. Elle dépend de l’Ofcom, l’instance britannique de régulation audiovisuelle, qui lui a délivré une autorisation de diffusion. Cependant, depuis le mois de juin 2004, MTV France a cessé de diffuser Jackass ; selon Julien Pescatore, il s’agit d’une question de droits de diffusion, et non d’une quelconque pression. Suite à l’accident qui a eu lieu en banlieue parisienne, et à la réception d’une lettre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel belge, le CSA français et plus précisément Agnès Vincent-Deray, qui dirige le groupe de travail chargé de la protection de l’enfance et de l’adolescence au Conseil, a écrit à l’Ofcom pour connaître sa position sur la diffusion de ces deux émissions. Il convient de préciser qu’une première lettre avait été envoyée à l’Ofcom par Agnès Vincent-Deray, et que c’est suite à l’accident de cet adolescent français de 17 ans, que Mme Vincent-Deray a réitéré sa requête, la première n’ayant rien donné. A ce jour la seule réponse connue du public reste l’arrêt effectif de l’émission depuis le mois de juin 20044. Au niveau européen, les activités de radiodiffusion télévisuelle sont régies par la directive « Télévision sans frontières » du 3 octobre 1989. Parmi les objectifs visés par la directive, on retrouve notamment la protection des mineurs ; ainsi dans son article 22 elle précise que les Etats membres doivent prendre toute mesure appropriée pour que les émissions diffusées « ne comportent aucun programme susceptible de nuire gravement à l’épanouissement physique, mental ou moral des mineurs, notamment (…) des scènes ce pornographie ou de violence gratuite ». En France, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication modifiée, dispose « la communication audiovisuelle est libre », mais en limite ensuite l’exercice par des principes tels que le respect de la dignité de la personne humaine. Ainsi, son article 15 renforcé par la loi du 1er août 2000, précise que « le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel veille à la protection de l’enfance et de l’adolescence et au respect de la dignité de la personne dans les programmes mis à disposition du public par un service de communication audiovisuelle (…) ». Dans son rapport d’activité de l’année 2003, sur le 4 www.csa.fr/actualite/decisions/decisions_detail.php?id=16454 20 point de la coopération avec les autres régulateurs européens, le Conseil fait référence aux pratiques des instances de régulation « convergentes », parmi lesquelles la protection des mineurs. Concernant cette coopération entre instances de régulation européennes, celles-ci font parties de la plate-forme européenne des instances de régulation (EPRA) ; créée en avril 1995 à Malte, elle compte 49 instances de régulation émanant de 39 pays européens, et organise deux réunions par an sur l’invitation d’une instance de régulation. Concernant l’intervention du Conseil français auprès de son homologue britannique, elle a en tout cas porté ses fruits concernant Jackass et Dirty Sanchez. Mais rappelons tout de même que d’autres émissions ont pris la relève, comme par exemple « Viva la Bam » où là ce n’est plus à lui que Bam Margera inflige des souffrances, mais à ses parents. Le Conseil n’a plus qu’à ouvrir l’œil sur d’éventuels incidents concernant non plus les adolescents, mais leurs parents. Sans entrer dans le détail de la télé-réalité, nous avons vu notamment dans l’introduction, que des programmes comme Jackass ou Dirty Sanchez ressemblaient plus à ce qui est appelé « télé-réalité », que des programmes comme « Loft Story » ou « Star academy ». Et ce grâce à l’amateurisme poussé à son paroxysme dans ces programmes. Mais cela ne pose pas de problème ; enfin jusqu’au jour où la fiction est tellement proche de la réalité, que, inspirés par ce que la télévision leur montre, des adolescents en mal de sensations fortes, décident, eux aussi, de s’y mettre, et même, de filmer leurs exploits. Enfin, ces adolescents sont plus avides de notoriété que de sensations fortes, d’une reconnaissance, d’où l’utilisation, souvent, d’une caméra, preuve de leur extrême « courage ». C’est après l’accident d’un jeune américain, brûlé au troisième degré en essayant de faire la merguez sur un barbecue pour imiter Johnny Knoxville, que MTV a affiché en début d’émission un message indiquant aux téléspectateurs de ne pas reproduire les sketchs. Ce conseil n’a pas été suivi, et d’autres incidents plus ou moins graves, sont venus compléter la liste. Même si, pour le sociologue Michel Fize, « les invitations à la prudence lors des émissions sont surtout des incitations à la transgressions » (supra, p.14, note 4) 21 En France, on commence à prendre conscience de ce phénomène d’imitation, et le CSA n’entends pas le laisser se propager. Ainsi, le groupe Trop Tebê qui devait participer à une émission intitulée « la méthode Cauet » sur TF1, s’est vu signifier au dernier moment, que celle-ci était annulée. En effet, ces derniers précisent sur leur site www.troptebe.com, dans la rubrique news, que le CSA n’a pas voulu qu’ils participent à cette émission car « cela pousse les jeunes à faire pareil ». Serait-ce de la censure ? Ou plutôt une volonté de retarder la propagation du phénomène par la médiatisation, comme c’est le cas aux EtatsUnis par exemple ? Mais cela est-il pour autant évitable ? Ces différents clones de Jackass commencent peu à peu à faire parler d’eux, alors, le Conseil préfère freiner cette marche (inévitable ?) vers la notoriété, ou plutôt vers la médiatisation du phénomène. Quoiqu’il en soit, les choses sont radicalement différentes aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Le public anglo-saxon semble moins “chétif” que le public français car nombre de programmes américains par exemple ne risquent pas de voir le jour en France, pas avant un bon moment en tout cas. Preuve en est qu’à la sortie du film « Jackass : the movie », programmée en France le 7 mai 2003, la société de distribution Paramount (qui appartient au groupe Viacom Inc., tout comme MTV) a finalement décidé de ne pas sortir le film sur les écrans français, estimant que le public français n’était pas encore prêt pour ce genre d’humour, provoquant un mouvement de réunion parmi les fans (5000 d’entre eux ont signé une pétition pour la sortie du film). Pour donner quelques chiffres, 16000 DVD du film se sont vendus en deux semaines, en France ; aux Etats-Unis, le film a rapporté 59 500 000 dollars, lors de sa sortie en novembre 2002. Voyons donc ce qui fait que des pays comme les Etats-Unis et le Royaume Uni sont plus « ouverts » en matière de programmes audiovisuels. 22 §2. Le constat d’un libéralisme des pays anglo-saxons ? Lorsqu’elle était encore diffusée aux Etats-Unis, un même épisode de Jackass pouvait repasser 10 fois dans la semaine, et était suivi par quelques 20 millions de téléspectateurs toutes les semaines. Fort de son succès outre-atlantique, Jackass n’en a pas moins disparu de la grille de programme de MTV. Selon ses protagonistes, cet arrêt serait la décision de Johnny Knoxville, décidé à se consacrer dorénavant à sa carrière d’acteur ( il a notamment joué dans « Men in black 2 »). Cependant, à la suite des accidents s’inspirant de la série, la chaîne MTV a fait l’objet de pressions que ce soit de la part d’associations, ou d’hommes politiques. En réponse à ces pressions, la chaîne a invoqué son message d’avertissement « n’essayez pas de le refaire à la maison » ; se disant affligée par les accidents parfois mortels, elle n’en accepte toutefois aucunement la responsabilité. Mais la chaîne a peu à peu cédé, notamment en refusant de passer les sketchs les plus « violents ». Et puis la décision de Johnny Knoxville est tombée ; MTV a bien tenté de le convaincre de tourner encore quelques épisodes, le leader du groupe a bel et bien décidé de stopper l’émission à son « apogée », au grand désespoir de la chaîne. Johnny Knoxville n’avait sûrement pas l’intention de se voir dicter sa conduite, et mettre de l’eau dans son vin pour sortir la chaîne de la polémique. Mais cela n’a pas suffit à arrêter la bande à Knoxville, puisque après l’arrêt de l’émission sur MTV, le film « Jackass : the movie » est sorti sur les écrans américains. Et l’on pouvait lire sur l’affiche : « avec des choses que vous ne verrez jamais à la télévision ». (Voir plus haut les recettes du film) Mais le reste de l’équipe de Jackass n’en est pas resté là, puisque MTV diffuse actuellement une émission intitulée « Wildboyz » avec Steve-O et Chris Pontius ; les deux compères parcourent le monde à la recherche d’animaux sauvages auxquels ils se confrontent physiquement. Une autre émission, avec pour personnage principal Bam Margera, dans laquelle il mène la vie dure à ses parents, est également diffusée sur MTV (« Viva la Bam ») ; ainsi on peut le voir découper le plancher de la maison à la tronçonneuse, aménager un skate-park dans la salle à manger, etc. 23 On peut dire que les pays anglo-saxons sont plus « ouverts », dans la mesure où leur public est friand de ces programmes scandaleux, et d’ailleurs concernant la « trash tv » les Etats-Unis ont d’autres exemples à nous fournir. En effet, on peut citer l’émission intitulée « Wudja ? Cudja ? », diffusée pendant un an, et consistant à proposer à des jeunes pris au hasard dans la rue, de relever des défis souvent douteux, contre une somme d’argent. Les Etats-Unis sont aussi célèbres pour leurs nombreux « talk-shows » où les dérapages sont assez fréquents ; on y retrouve des présentateurs du genre Sébastien Cauet ou Michael Youn. De plus, ces pays ont une vision différente de la nôtre ; en effet, un porte-parole de l’Ofcom a dit qu’ils n’avaient reçu aucune plainte à propos de Jackass, et même si l’émission n’est plus diffusée, MTV UK s’apprête à diffuser la seconde saison de Dirty Sanchez, le Jackass version anglaise et plus trash encore. Mais concernant cette dernière, une plainte a été déposée. Ladite plainte a été déposée par quatre téléspectateurs auprès de l’Independant Television Commission (celle-ci a cessé d’exister le 18 décembre 2003, et ses fonctions sont maintenant assurées par l’Ofcom -Office of Communication-. L’Ofcom assure aujourd’hui les fonctions des cinq anciennes autorités de régulation qu’elle remplace et qui sont : le BSC -Broadcasting Standards Commission-, l’ITC, Oftel, the Radio Authority, et the Radiocommunications Agency). Elle porte sur une des séquences de l’émission, au cours de laquelle l’un des protagonistes se fait traîner, les fesses nues, sur du goudron, puis une fois en sang, ses compères lui versent du sel et du vinaigre sur la plaie. Les requérants ont invoqué le caractère sado-masochiste et dérangeant de la scène. A l’époque, l’ITC a demandé à la chaîne MTV comment le sketch objet de la plainte cadrait avec les exigences du Code (« the ITC Programme Code »), concernant la violence. La réponse de la chaîne est assez surprenante ; celle-ci explique que le but de l’émission est de stimuler l’intérêt et l’étonnement des téléspectateurs, qu’il s’agit aussi de voir ce qui peut motiver ces quatre garçons à faire ce qu’ils font. C’est pourquoi l’émission est parsemée de commentaires de personnes extérieures sur les protagonistes, comme les amis, la famille, et même un psychologue, qui analyse la motivation des participants. Bref pour MTV, il y a plus dans ce programme que de la violence gratuite, et certains défis paraissent plus dangereux qu’ils ne le sont en réalité. 24 De plus la chaîne rappelle que l’avertissement en début d’émission avertit clairement les gens sur le contenu du programme qu’ils s’apprêtent à regarder. Cependant, elle reconnaît que la scène en question est à la marge de ce qui est acceptable, et a précisé qu’elle ne diffuserait plus ce genre de sketchs. De son côté, l’ITC reconnaît l’utilité des différents avertissements avant et pendant le programme, et le fait qu’elle indique clairement aux téléspectateurs ce qu’ils vont voir. Elle reconnaît également la dangerosité de ce genre de programme, mais précise que les défis sont exécutés en présence de professionnels de la sécurité. Mais elle n’accepte pas les scènes du genre de celle qui est contestée, où l’on s’inflige de la souffrance gratuitement ; le fait que les participants fassent cela en connaissance de cause ne justifie pas d’ignorer les clauses du Code des Programmes, qui prohibent le fait de montrer de la violence gratuite. On a l’impression au vu de cette plainte, que la chaîne a réussi à « berner » l’autorité de régulation, en lui disant ce que celle-ci avait envie d’entendre ; la chaîne a fait une erreur en diffusant ce sketch, elle le reconnaît, bref, pas d’avertissement, juste une sorte de remontrance de l’ITC qui rappelle plusieurs fois qu’elle ne cautionne pas la violence gratuite. Que dire alors de la scène où un des membres de Dirty Sanchez se frappe volontairement le visage avec un carreau afin de le briser, ou encore de celle où il faut supporter la douleur de se recevoir un manche de râteau de jardin en plein visage ? Pour résumer, il n’y a pas d’intervention de l’autorité de régulation si il n’y a pas de plainte, mais à cet égard, l’ITC a elle-même reconnu que les gens savent très bien à quoi s’attendre avec ce genre de programmes…Cela implique donc qu’il ne devrait pas avoir l’air étonné, choqué et donc se plaindre ? Concernant toujours le Royaume-Uni, d’autres émissions de ce type y sont diffusées ; en effet, une chaîne du câble et du satellite diffuse une émission intitulée « World Of Pain », celle-ci faisant, comme son nom l’indique, l’apologie de la douleur et de la torture. Cette émission se définissant comme une émission de divertissement, qui montre la souffrance des uns pour le plaisir des autres…5 5 http://www.bravo.co.uk/worldofpain/ 25 Concernant les Etats-Unis maintenant, l’équivalent du CSA est la « Federal Communication Commission », agence indépendante du gouvernement des Etats-Unis, directement responsable devant le Congrès. Selon la FCC, diffuser des programmes obscènes, indécents, blasphématoires, est une violation de la loi fédérale. C’est le Congrès qui a donné à la FCC la responsabilité de faire respecter la loi, ; ainsi, la Commission peut formuler des avertissements, prononcer une peine d’amende ou révoquer la licence de diffusion d’une station qui diffuserait de tels programmes. Ainsi la FCC définit l’obscénité comme non protégée par le premier Amendement de la Constitution (sur la liberté d’expression), et comme devant être prohibée à tout prix. L’indécence, elle, doit être limitée à un créneau horaire (entre 22h et 6h) ; elle ne peut être entièrement interdite car protégée par le premier Amendement. Cependant, elle doit être limitée pour éviter la diffusion de tels programmes pendant des moments dans la journée où il existe un risque que des enfants tombent dessus. Quant à la procédure, la FCC doit recevoir des plaintes du public concernant des programmes indécents ou obscènes, suite à quoi le personnel de la Commission réexamine lesdites plaintes. Puis s’il s’avère qu’il y a eu violation de loi, la Commission ouvre une enquête, envoie un courrier à la chaîne concernée pour qu’elle s’explique. Voilà pour la théorie ; dans les faits, que s’est-il passé pour Jackass ? Diffusée aux Etats-Unis d’octobre 2000 à l’été 2003, Jackass n’est désormais plus. Cela s’explique par les pressions et l’action de protestation des différentes associations de parents et même du Congrès. A la tête de ces politiciens, c’est le sénateur Joseph Lieberman qui a mené l’action après les différents accidents survenus aux Etats-Unis, directement inspirés de l’émission. Le sénateur Joseph Lieberman, candidat à la vice présidence, avait demandé de revoir l’émission ou de la supprimer de l’antenne. Suite à cela, Johnny Knoxville annonçait son départ, malgré les propositions de MTV de tourner d’autres épisodes. Mais l’équipe n’en est pas restée là, elle a en quelque sorte pris sa revanche, puisqu’elle est allée beaucoup plus loin avec « Jackass : the movie ». Pour citer une plainte concernant Jackass, ou plutôt l’un de ses membres, la FCC a eu à connaître d’une plainte dirigée contre une station de radio, pour avoir diffusé un dialogue 26 indécent lors d’une émission à laquelle était invité un des membres de Jackass. La station de radio a finalement été condamnée au paiement d’une amende. SECTION 2 UNE INTERVENTION EN PRATIQUE LIMITEE CONDUISANT A (…) On a pu voir précédemment que les autorités de régulation intervenaient le plus souvent suite à des plaintes de particuliers ; on constate donc un retard, un décalage, puisqu’une émission comme Jackass a été diffusée pendant trois ans avant d’être supprimée de l’antenne. En outre, elle a permis à MTV France d’augmenter son audience de 170%. Et c’est justement ce succès, cet engouement, qui a sonné le glas de l’émission. Mais d’autres du même genre continuent d’être diffusées, notamment aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Mais si les autorités de régulation mettent un certain temps avant d’agir, des associations, spécialement créées, veillent à ce que ce genre de programme ne dépassent pas ce qui est acceptable, et veillent surtout à protéger les mineurs de ce genre de programmes. D’un autre côté, les médias ont pris conscience de ce phénomène, de cet engouement des jeunes, et ont décidé de se mettre eux aussi à la « trash tv » ; pas en la diffusant, mais plutôt en tentant de l’expliquer, de la décortiquer, bref il s’agit de se servir d’un bon filon sous couvert d’information. Car les émissions traitant du phénomène « jackass » se sont multipliées et attirent bien sûr, de nombreux téléspectateurs. 27 §1. (…) L’intervention des associations à côté de celle des instances de régulation (en France et à l’étranger) Les émissions comme Jackass ne sont que le reflet d’une génération, ou plutôt son inspiration, un nouveau moyen de se faire entendre. Et puis cela se traduit par la mise en scène de la transgression des interdits, la résistance à l’entrée dans le monde adulte. Cependant, des associations veillent à ce que des incidents du genre « jackass » ne se produisent plus. Suite à la multiplication des accidents inspirés de l’émission, diverses associations ont insisté pour que le Congrès lui-même, en la personne du sénateur Joseph Lieberman, demande le retrait de l’antenne de l’émission. Et cela a été fait puisque trois ans après sa première diffusion, MTV a cessé de diffuser Jackass. Peu après, l’association « Parents Television Council » aux Etats-Unis, a fait pression sur Hollywood concernant notamment le film « Jackass : the movie », pour que ce dernier soit interdit aux enfants de moins de 17 ans non accompagnés par un adulte (“R-Rated”). Les fans crient au scandale, l’association, elle, se félicite d’avoir réussi à prouver que le contenu de ce film était réservé aux adultes, mais qu’il était délibérément destiné aux enfants. Cette association est une de celles qui ont été créées dans le but de veiller à ce que les enfants ne soient pas constamment assaillis par la violence, le sexe, dans la télévision et les autres médias. En Grande-Bretagne, on trouve l’association nationale des téléspectateurs et auditeurs, Mediawatch ; son rôle est de veiller au respect de la dignité humaine dans les programmes, et de manière générale, d’agir pour une meilleure programmation dans les médias. On peut alors s’étonner de voir que ce même pays diffuse des programmes tels que « Dirty Sanchez », où la violence et l’humiliation sont au programme. Mais concernant Jackass, l’Ofcom, l’équivalent du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, affirme n’avoir reçu aucune plainte. 28 Cependant, au lieu de faire pression sur les programmes, ne devrait-on pas rappeler aux familles leurs responsabilités vis-à-vis de leurs enfants ? Puisque, selon le « Committe for Public Education of the American Academy of Pediatricians », les jeunes n’ont pas réellement conscience des conséquences que peuvent avoir leurs gestes, et sont donc vulnérables aux modèles que les médias leur présentent. En France, les associations proprement créées dans le but de protéger les mineurs contre les dérives dans les médias sont assez rares. Disons qu’elles ne sont pas créées spécialement pour cela comme c’est le cas aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, où l’on retrouve notamment, l’association « Parents Television Council » (USA), l’« American Family Association » (USA), « Morality In Media » (USA), l’association « Kidscape » (RU), l’association « Parentline » (RU), l’association « Family and Youth Concern » (RU), pour n’en citer que quelques unes. Dans notre pays, l’on peut citer l’association « Les Pieds dans le Paf », qui se définit comme une association nationale des auditeurs et téléspectateurs actifs. Née en 1988 en réaction au fait que la télévision aujourd’hui a pris une place primordiale dans notre société. La télévision se consomme 3 heures par jour en moyenne dans notre pays, et le taux d’équipement des foyers est de 97 %. Nos choix, nos comportements, sont modelés par la télévision ; cela apparaît clair avec ce phénomène, cet engouement pour des émissions comme Jackass. L’arrivée de la télé-réalité en général, a accentué ce phénomène d’identification, car cela ne se traduit pas que par le biais d’émissions comme Jackass et Dirty Sanchez. Ce qui diffère, c’est que dans le cas de ces émissions, cela touche les jeunes d’une part, et d’autre part, ce que la télévision montre dans ce cas est proche de la violence et de l’humiliation. A côté de l’association « Les Pieds dans le Paf », l’ « Union Nationale des Associations Familiales » joue un rôle dans l’étude des médias, et son influence sur les jeunes. Elle a d’ailleurs participé, en juillet 2002 à la création de Collectif Interassociatif Enfance et Média, ce dernier ayant tenu plusieurs réunions, dont une justement le 22 novembre 2001 relative à « l’influence des médias sur la construction des enfants et des jeunes ». Le 30 juin 20046 s’est d’ailleurs tenu l’audition du CIEM par le Conseil Supérieur de l’audiovisuel concernant la signalétique de protection du jeune public. Cette audition 6 http://www.unaf.fr/article.php3?id_article=760&var_recherche=television+et+jeunes 29 avait pour objet de réfléchir sur les objectifs du lancement de la nouvelle campagne sur la signalétique de protection du jeune public. Le Conseil a d’ailleurs diffuser une publication relative à « la protection de l’enfance et de l’adolescence à la télévision »7 ; dans cette publication, le Conseil traite de ses motifs d’intervention en matière de protection des mineurs. Dans cette partie, il invoque l’impact des programmes sur le jeune public, à travers le risque d’identification et l’imitation d’une action dangereuse ou incivique ; concernant l’imitation, elle cite un jeu intitulé « Défi dégueu », diffusé sur la chaîne pour enfants Canal J, dans laquelle le présentateur devait avaler une boisson composée de différents produits. Le Conseil a adressé un courrier à la chaîne « lui rappelant son engagement à veiller à la protection des enfants et des adolescents, notamment en évitant la diffusion de scènes présentant des comportements inciviques et dangereux ». Le Conseil a également cité l’émission « Fear Factor », diffusée sur TF1, « compte tenu du caractère particulièrement répugnant de certaines séquences de jeu mettant en scène les candidats, et des risques d’imitation qu’elle pouvait susciter chez les jeunes téléspectateurs ». Mais contrairement à ce qui a pu se passer aux Etats-Unis, où des associations ont directement agi contre l’émission Jackass, les plaintes, en France, émanent de particuliers, et ne sont pas le résultat d’une action d’associations. Le phénomène n’est peut-être pas aussi poussé dans notre pays, et les Etats-Unis, par exemple, ont certainement plus à faire en ce qui concerne la surveillance de programmes dans le genre de Jackass, etc. Il s’agit plus en France de questions d’ordre général, que d’actions contre un programme en particulier. Interrogé sur le phénomène, l’Unaf voit dans ce genre d’émissions, « une atteinte à la dignité humaine et à l’intégrité de l’autre, une confusion entre plaisir et douleur, une promotion de l’absurde ». Certains gags peuvent faire rire, mais d’autres scènes relèvent purement et simplement du « snuff movie » (torture filmée). « En diffusant ces émissions, les adultes érigent ces pratiques en modèles au lieu de proposer aux jeunes du sens et des repères », selon Jean-Pierre Quignaux, spécialiste média de l’Unaf. 7 www.csa.fr/rapport2003/donnees/rapport/VIII-etudes.htm 30 Cependant, le phénomène, s’il inquiète, intéresse aussi beaucoup les jeunes, mais aussi les adultes, et c’est pourquoi les médias essaient de l’expliquer, de l’analyser, que ce soit en faisant intervenir des psychologues, des sociologues, ou des fans de Jackass directement. Est-ce une volonté de le faire comprendre à ceux qui l’ignorent encore, ou l’occasion de tirer profit de quelque chose qui marche ? §2. (…) L’intervention des médias : la multiplication d’émissions propres à informer et avertir Nous l’avons vu, ce phénomène touche d’abord les jeunes, qu’il s’agisse d’adolescents de 15 ans ou de jeunes adultes de 25 ans (d’ailleurs les protagonistes de ces émissions ont, pour la plupart, entre 20 et 30 ans). Mais ce qui effraie, c’est que de plus jeunes (comme c’est d’ailleurs arrivé aux Etats-Unis) s’essaient eux aussi à ce genre de défis. C’est pourquoi France 3 a eu l’idée de traiter, le 18 mars 2004, de ce sujet, dans une émission entièrement destinée aux tous petits et intitulée « Mon Kanar ». Cette émission a pour but de traiter de l’actualité avec les enfants et pour eux, bref de les familiariser avec quelque chose qu’ils n’ont pas l’habitude de regarder. L’émission a ainsi convié Serge Tisseron, psychiatre pour les enfants, à faire des commentaires sur ce phénomène, cet humour nouveau et qui plaît tant. Pour ce dernier, les adolescents sont prêts à tout pour prouver qu’ils sont des grands ; « s’ils montrent qu’ils ont mal, ils seront considérés comme des petits (…) . Par contre, s’ils dissimulent la douleur, ils seront considérés comme des grands ». Et il conclut en disant « ce n’est pas un exemple à suivre ». L’émission a même rencontré les Trop Tebê, qui ont, comme ils l’ont d’ailleurs dit sur leur site, peser leurs mots en raison de l’âge des téléspectateurs. L’émission n’a pas oublié de citer l’accident qui est survenu en raison parisienne, valant de nombreuses fractures à un adolescent de 17 ans, qui avait voulu imiter Jackass. Concernant toujours la télévision, mais cryptée cette fois-ci, Canal Plus a consacré le 16 février 2004, son émission « Lundi Investigation », au phénomène, qu’elle a intitulée, « De Jackass à Mickael Youn : les nouveaux ados masos ». Le reportage nous présente, 31 outre les TropTebê, les Death Trap, dans leur environnement, à Chalon-sur-Saône, où on les voit en train de réaliser plusieurs de leurs défis et expliquer leur motivation. Nous sont présentés également des jeunes de Los Angeles, sur lesquels le réalisateur Paul Hough a tourné en 2003, un film intitulé « the backyard », documentaire sur ce phénomène, qui n’est pas encore sorti en France ; ici on a l’impression que ces jeunes sont passés un cran au-dessus de ceux qui imitent « gentiment » les Jackass, puisqu’ils se livrent par exemple à des combats de catch, mettent le feu à leur adversaire, lui cassent un membre, etc. Aux Etats-Unis, on appelle cela le « Backyard Wrestling », littéralement le « catch de jardin ». L’émission est d’ailleurs allée à la rencontre du réalisateur, mais aussi de Dave Carnie, rédacteur en chef du magazine Big Brother (voir plus haut). Sont également intervenus divers sociologue et pédopsychiatre, ou encore le directeur des programmes de MTV France. Un critique d’art, auteur d’un livre intitulé « l’idiotie » a donné une analyse intéressante du phénomène en ce qu’il le compare au burlesque, et aux films de Charlie Chaplin. Pour revenir aux chaînes du service public, France 3 dans l’émission « C’est mon choix » a invité sur son plateau différents groupes « jackassien », dont les Trop Tebê, afin de comprendre leur motivation et de les confronter aux questions du public présent. France 5, quant à elle, a consacré son émission « Arrêt sur images » au sujet « Faut-il interdire Jackass ? ». Etaient conviés, Marie-Laure Denis, conseillère au CSA, Divina FrauMeigs, sociologue spécialiste des médias (qui a également participé à l’émission de Canal Plus), et Eric Cambray, fan de Jackass. Cette émission, qui a pour habitude de décortiquer les thèmes qui ont fait l’actualité à travers les émissions qui en ont traité, est notamment revenue sur l’émission de Canal Plus ; les caméras de France 5 ont fait visionner le reportage de Canal Plus à l’équipe des Death Trap. Parmi les reportages, l’émission a évoqué Dirty Sanchez, l’homologue anglais de Jackass, mais aussi l’émission Fear factor, sur laquelle le CSA entend garder un œil. Durant toute l’émission, aucune image de Jackass ou Dirty Sanchez n’a cependant été montré, en raison de l’heure de diffusion, et des scènes limites, néanmoins diffusées en plateau (le téléspectateur a dû se contenter d’images lointaines). 32 Le phénomène a également été traité sur LCI, dans l’émission de Valérie Expert intitulée « On en parle avec… », et à laquelle étaient conviés Marcel Rufo, pédopsychiatre marseillais habitué des plateaux télé, et un des membres de l’équipe des Trop Tebê. Ces derniers précisent sur leur site qu’ils ont été très satisfait de la présentation du phénomène notamment par M. Rufo. En ce qui concerne la radio8, RFI et Europe 2 ont traité du phénomène, en conviant les Trop Tebê ; à côté de cela, bon nombre de journaux ont écrit des articles sur ce phénomène, ses « adeptes », les accidents, etc. Parmi eux, on retrouve notamment le journal gratuit 20 minutes, Le Monde, Le Nouvel Observateur, France Dimanche, VSD ou encore Midi Libre, pour ne citer qu’eux9. En conclusion, on peut dire que ce phénomène n’est pas si nouveau, dans le sens où tous les jeunes se sont un jour amusés de cette manière, que ce soit pour transgresser l’interdit, ou attirer l’attention. Et puis, épater ses copains, faire des choses stupides uniquement pour montrer que l’on est capable de les faire, cela a toujours existé, notamment dans les cours de récréation. Alors, il est normal qu’une émission entièrement consacrée à des jeunes qui se filment en train de faire n’importe quoi, connaisse un tel succès. Ils ont réussi à faire ce que tous ont probablement rêvé de faire ; devenir célèbre en faisant l’idiot, en s’amusant avec ses potes. Mais bien sûr, les choses ont mal tourné lorsque des accidents se sont produits. Est-ce réellement la faute de la télévision qui véhicule ses images ? Est-ce parcequ’elles les montrent, que les chaînes érigent ces jeunes en modèles ? Une chaîne de télévision doit montrer ce qui plaît à son public, son but est de faire de l’audience ; bien sûr, il y a des limites dans ce qu’il convient de montrer, mais ne faut-il pas éviter de tomber dans l’extrême, et remettre plutôt les choses à leur place ? Si des jeunes prennent des risques en tentant d’imiter des scènes d’une émission, c’est peut-être parce-qu’ils sont mal informés, ou mal encadrés tout simplement. La télévision, même si elle doit être bridée parfois, ne peut tenir le rôle d’éducateur, de parent. 8 9 www.troptebe.com/index2.php?p=presse www.qi-negatif.com/medias.php 33 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION..............................................................................................................3 CHAPITRE 1 Présentation de ce genre d’émission....................................................5 SECTION 1 L’ÉMERGENCE D’UN NOUVEAU CONCEPT ? ................................5 §1. Les émissions trash dans le monde à travers leurs acteurs ........................................6 §2. Le contenu des émissions trash....................................................................................9 SECTION 2 L’IMPACT DE CES ÉMISSIONS SUR LE PUBLIC (…)...................12 §1. (…) à travers le développement de groupes amateurs..............................................12 §2. (…) à travers les accidents .........................................................................................15 CHAPITRE 2 L’ENCADREMENT DE CE GENRE D’EMISSION ........................18 SECTION 1 UNE NECESSAIRE INTERVENTION DES AUTORITES DE REGULATION ................................................................................................................18 §1. En France, une volonté d’empêcher les débordements ............................................18 §2. Le constat d’un libéralisme des pays anglo-saxons ?................................................23 SECTION 2 UNE INTERVENTION EN PRATIQUE LIMITEE CONDUISANT A (…) ....................................................................................................................................27 §1. (…) L’intervention des associations à côté de celle des instances de régulation (en France et à l’étranger) .....................................................................................................28 §2. (…) L’intervention des médias : la multiplication d’émissions propres à informer et avertir ...............................................................................................................................31 TABLE DES MATIERES ...............................................................................................34 34 ANNEXE SOURCES INTERNET : www.csa.fr www.fcc.gov www.ofcom.org.uk www.unaf.fr www.piedsdanslepaf.com www.mediawatchuk.org www.parentstv.org www.afa.net www.moralityinmedia.org www.famyouth.org www.kidscape.org.uk www.parentlineplus.org www.epra.org www.mtv.fr www.mtv.com www.mtvco.uk www.france5.fr www.france-amerique.com/infos/actualite/actu1.html www.abcnews.com www.qi-negatif.com www.troptebe.com 35