panorama historique des arts plastiques et de l`architecture en france
Transcription
panorama historique des arts plastiques et de l`architecture en france
L’ART ET L’ARCHITECTURE À L’ÉPOQUE GALLO-ROMAINE Du Ier siècle avant J.-C. au IIIe siècle de notre ère, on assiste au développement d’une brillante civilisation galloromaine, qui est essentiellement urbaine et qui est le véhicule du christianisme. Après la défaite des Gaulois conduits par Vercingétorix, en 52 avant J.-C., la domination romaine s’exerce sur l’ensemble de la Gaule avec méthode, rigueur et détermination, notamment sous le principat d’Auguste7. Celui-ci instaure un véritable programme politique – la Pax Romana (Paix romaine) qui signifie la soumission de la Gaule à la loi romaine. À Rome est construit l’Autel de la Paix d’Auguste (Ara Pacis Augustae) et, dans toutes les provinces, on érige des autels rappelant aux provinciaux qu’une ère nouvelle commence, celle de la Paix d’Auguste. L’influence des Romains est palpable dans tous les domaines de la vie des Gaulois, et, tout naturellement, elle touche de façon considérable également l’architecture et les arts. Les anciennes cités - oppida – se transforment en villes riches, ornées de nombreux édifices. Beaucoup de villes, comme Nîmes, Narbonne, Arles, Vienne, Orange, Fréjus, mais aussi Lyon, Toulouse, Bordeaux et bien d’autres peuvent rivaliser avec les villes italiennes. Contrairement à une vue quelque peu simpliste, les villes gallo-romaines ne sont pas construites selon un schéma type imposé par Rome. Il importe, avant tout, que la ville soit équipée afin de pouvoir remplir ses fonctions de centre politique, administratif, économique et religieux. Le forum occupe le cœur de la ville. C’est une vaste place autour de laquelle s’articulent les principaux édifices publics : la curie, la basilique, les temples dédiés aux dieux officiels et à l’empereur. À côté de ces centres de 7 Aguste, appelé d’abord Octave, puis Octavien, petit neveu de Jules César et son héritier, est né en 63 avant J.-C. Il est triumvir avec Antoine et Lépide, puis, empereur à partir de 27 avant J.-C. Son règne, marqué par un essor remarquable des arts et des lettres, est plus tard désigné « siècle d’Auguste ». C’est le nom propre de son ami et conseiller, protecteur des artistes, Mécène, qui est devenu nom commun. 16 la vie publique, les nombreux bâtiments destinés aux loisirs et à la détente témoignent de l’importance de la vie collective. Parmi ces édifices, les thermes, les théâtres et les amphithéâtres surprennent par leurs dimensions et leur capacité d’accueil : le théâtre d’Autun peut recevoir jusqu’à 38 000 spectateurs et dans l’amphithéâtre d’Arles, 28 000 personnes peuvent se rassembler. C’est surtout dans le Midi de la France que les vestiges de monuments gallo-romains sont les plus nombreux et ils sont aussi le mieux conservés. L’une des cités les plus importantes de la province romaine La Narbonnaise est Nîmes dont le nom à l’époque gallo-romaine est Nemausus. Grâce à son riche passé antique et à ses monuments, qui sont remarquablement bien conservés, la ville est surnommée « Rome française ». Deux d’entre eux méritent une attention toute particulière : les Arènes et le temple connu sous le nom de Maison Carrée. 6) La Maison Carrée de Nîmes. Les Arènes de Nîmes, de forme ovale, pouvaient accueillir jusqu’à 24 000 personnes. Ses galeries souterraines étaient équipées, tout comme l’était l’amphithéâtre Flavien de Rome (le Colisée), de trappes et d’un système de monte-charge permettant de faire apparaître des animaux, des gladiateurs ou des décors au cours du spectacle. Le monument porte les restes d’un riche décor : des bas-reliefs et des sculptures ornaient 17 les travées et les pilastres. Sur l’un des pilastres, on peut voir une louve allaitant deux enfants, Romulus et Remus, les fondateurs mythiques de Rome. Entre la louve capitoline, exposée au musée du Capitole à Rome, et la louve nîmoise, on remarque une différence : la louve nîmoise a le regard tourné vers les jumeaux. La Maison Carrée est en fait un temple pour le culte civique, c’est-à-dire le culte officiel de Rome. L’inscription sur son fronton indiquait qu’il avait été dédié aux héritiers d’Auguste, Caius et Lucius Caesar, princes de jeunesse. Édifiée entre l’an 10 avant J.-C. et l’an 4 de notre ère, la Maison Carrée est le seul temple antique entièrement conservé. De l’enceinte romaine, dont la ville était dotée, il ne reste plus que la porte d’Auguste et la Tour Magne. Le castellum divisorium – une sorte de château d’eau – est un vestige antique très rare. C’est le point d’arrivée de l’aqueduc de Nîmes, construit pour alimenter la cité en eau. À partir de ce bassin circulaire de distribution d’eau, des canalisations en plomb acheminaient l’eau vers les fontaines publiques et les différents quartiers de la cité. À proximité de Nîmes, enjambant la petite rivière le Gardon, se dresse l’un des plus majestueux monuments datant de l’époque gallo-romaine : le Pont du Gard. Aujourd’hui, il fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO. Édifié sur trois niveaux, le Pont du Gard est une partie d’un aqueduc romain qui a été construit entre les années 40 et 60 de notre ère, et qui amenait sur 50 km d’Uzès à Nîmes, l’eau des sources d’Eure. Le Pont du Gard est le plus haut pont-aqueduc connu du monde romain. 18 7) Le Pont du Gard. Le plus grand amphithéâtre de la Gaule romaine encore debout se trouve en Arles (Arelate). Cette ville, située entre Nîmes et Marseille, est traversée par le Rhône. Grâce à sa situation géographique, Arles était l’un des premiers ports gallo-romains de Méditerranée. Ville prospère, elle construit beaucoup. Vers la fin du Ier siècle avant J.-C., elle édifie de puissantes murailles, dont une partie existe toujours, et un théâtre qui a vu sa taille diminuer, parce qu’il servait de carrière pendant plusieurs siècles. De nos jours, il accueille chaque année le Festival d’Arles. La Place de l’Hôtel de Ville est ornée de l’obélisque provenant du cirque. C’est l’un des rares cirques romains en Gaule ; il s’y déroulaient des jeux et des courses de chars. Du temple de forum, il ne reste que deux colonnes et un morceau du fronton, encastrés aujourd’hui dans le mur d’une maison. Au bord du Rhône, on peut voir les vestiges des Thermes de Constantin construits probablement au IVe siècle sous le règne de ce dernier. 19 8) Vue aérienne du théâtre et de l'amphithéâtre d'Arles. L’un des plus beaux arcs de triomphe du monde romain est visible dans une autre ville du Midi : Orange (Arausio). Il est sans doute le mieux conservé de toute la Gaule. Ses hautsreliefs représentent d’une part des légionnaires romains et des guerriers gaulois qui se livrent à des combats acharnés, mais aussi des trophées et des pièces d’équipement naval. Sur l’architrave, une inscription indique que l’arc a été érigé entre 26 et 27 de notre ère. « C’est la plus belle muraille de mon royaume », disait Louis XIV en regardant le magnifique mur de scène du théâtre d’Orange. Ce dernier est le théâtre antique le mieux conservé en Europe. Il date du Ier siècle, de l’époque du règne d’Auguste. De sa riche décoration, seuls quelques vestiges subsistent: des colonnes, une frise de centaures, mais surtout une statue colossale, haute de 3 m 50, installée dans la niche du mur de scène. On suppose que cette statue, dont la tête n’est pas d’origine, représente l’empereur Auguste. À cet empereur qui est, entre autres, un grand bâtisseur et qui a d’ailleurs déclaré qu’il avait trouvé une Rome de briques et laissé une Rome de marbre, on érige un peu partout des statues et des monuments. À La Turbie, village médiéval près de Monaco, le Trophée d’Auguste (appelé aussi Trophée des Alpes), construit en 7 ou 6 avant J.-C., est visible de loin. Le superbe arc votif à Saintes (Mediolanum), érigé en 18 ou 19 de notre ère et aujourd’hui quasi intact, a été attribué 20 à Germanicus. En fait, c’est à Tibère, à son fils Drusus et à son neveu Germanicus que le monument est dédié. Il est sobrement décoré de colonnes et de pilastres cannelés surmontés de chapiteaux corinthiens. Sur l’arc, le donateur Caius Julius Rufus a fait graver ses titres et sa généalogie d’origine gauloise. 9) L’Arc de Germanicus à Saintes. À Lyon (Lugdunum), l’ancienne capitale fédérale de la Gaule, deux des empereurs romains voient le jour : Claude en 10 avant J.-C. et Caracalla en 186. Lyon, fondée en 43 avant J.-C. sur la colline de Fourvière, devient rapidement une ville importante et prospère ce dont témoignent de nombreux vestiges de l’époque gallo-romaine. Sur les pentes de Fourvière, se trouve probablement le plus ancien théâtre de Gaule et l’un des plus anciens du monde romain. Il est construit sous Auguste, puis agrandi sous Hadrien. Un autre lieu de spectacle – l’odéon – y est édifié au cours du 1er siècle de notre ère. Il était consacré à la musique, à la poésie et aux lectures publiques. Son magnifique dallage est fait de pierres multicolores, comme le marbre de Carrare, le granite gris d’Italie, le porphyre vert de Grèce et le porphyre rouge d’Égypte. Le site archéologique de Fourvière comprend encore, entre autres, des vestiges du temple de 21 Cybèle8. La Croix-Rousse est une autre colline de Lyon, sur laquelle a été érigé le Sanctuaire fédéral de Trois Gaules, dédié au culte de Rome et d’Auguste, dont subsistent les ruines de l’amphithéâtre, datant de 19 après J.-C. C’est là qu’ont lieu les combats de gladiateurs et c’est également le lieu du martyr des premiers chrétiens9 (en 177). Finissons notre aperçu de monuments romains sur le territoire de la France, qui est loin d’être exhaustif, à Paris (Lutetia ou en français, Lutèce). Lutèce, située sur la Seine, est la ville des bateliers, appelés nautes, associés en une riche corporation qui finance des bâtiments publics et des monuments dédiés à des empereurs et des dieux. Le frigidarium10 des Thermes de Cluny abrite le célèbre pilier votif des nautes, élevé au 1er siècle en l’honneur de l’empereur Tibère et de Jupiter que les archéologues ont découvert lors des fouilles réalisées en 1711 sous Notre-Dame. Il porte leurs noms gaulois et latins et ses bas-reliefs représentent les divinités gauloises et romaines, ainsi que diverses scènes. Le pilier, comportant cinq éléments, est le plus ancien monument de Paris et un exemple remarquable de la sculpture galloromaine. Les nautes contribuent aussi financièrement à l’édification, à la fin du 1er siècle et au début du IIe siècle, des thermes de Lutèce. Ils sont construits sur le modèle de ceux de Trajan à Rome. Les ruines des thermes, que l’on appelle aujourd’hui Thermes de Cluny, représentent le plus beau et le plus impressionnant monument gallo-romain de 8 Divinité anatolienne, importée de Phrygie dans le monde gréco-romain, Cybèle personnifie la force reproductrice de la nature. 9 Au milieu du deuxième siècle, une importante colonie chrétienne est implantée à Lugdunum, dirigée par le premier évêque, Pothin. Les chrétiens, qui croient en un Dieu d’amour unique, refusent de se soumettre au culte officiel. Ils sont alors désignés comme des citoyens déloyaux, cherchant à attenter à l’autorité impériale. Certains sont étouffés en prison, d’autres décapités et six chrétiens, dont Blandine, sont livrés aux fauves. Ces sévices et tortures sont décrits dans la « lettre des chrétiens de Lyon et de Vienne à leurs frères d’Asie et de Phrygie » , transcrite par Eusèbe de Césarée. A travers la lettre, il apparaît que la communauté est installée à Lyon et à Vienne depuis une trentaine d’années et qu’elle est composée d’hommes libres et d’esclaves. 10 Les bains ou thermes romains comportaient d’habitude un frigidarium pour les bains froids, un tepidarium pour les bains tièdes et un caldarium pour les bains chauds. Établissement public, les thermes étaient un lieu de détente et d’hygiène. 22 la capitale. En plus, il est exceptionnellement bien conservé. Dans le frigidarium, subsistent des traces de mosaïques et de peintures. C’est la seule pièce qui ait conservé sa voûte. Sur un fragment de mosaïque, on devine un Amour chevauchant un dauphin. Un autre témoin de l’architecture urbaine galloromaine - les arènes de Lutèce – construites au 1er siècle sont en fait un demi-amphithéâtre, destiné aux combats de gladiateurs et probablement aussi aux représentations théâtrales. Au IIIe siècle, les arènes sont détruites lors des invasions barbares. Elles disparaissent progressivement pour être découvertes en 1869 lors du percement de la rue Monge. Les édifices gallo-romains sont décorés surtout de hautsreliefs, de bas-reliefs, de statues et de mosaïques. De nombreux musées un peu partout en France exposent des œuvres qui montrent des scènes de la vie quotidienne, de la vie des paysans (moissons, vendanges, labour, semailles), de la vie religieuse, des scènes de combats, des gladiateurs, des vaisseaux, des attelages, etc. Les statues représentent surtout les divinités romaines et gauloises et les empereurs. De très belles mosaïques avec une extraordinaire richesse du répertoire iconographique sont visibles non seulement dans les musées, mais également en plein air où elle font partie des vestiges. Les fresques ou peintures murales décoraient, très souvent, les villae gallo-romaines. Celles qui se sont relativement bien conservées et qui ont été minutieusement restaurées ornent, de nos jours, beaucoup de musées en France. Le sol livre toujours des trésors venus des temps lointains. Faite dans l’Oise au printemps de 2014, la découverte exceptionnelle d’un sanctuaire gallo-romain du IIe siècle, datant de l’époque de la Pax romana, en est la preuve. Lors des fouilles, les archéologues découvrent un sanctuaire extraordinaire, érigé le long de la voie romaine qui reliait deux riches cités gallo-romaines : Senlis (Augustomagus) et Beauvais (Bellovacum). D’après les experts, l’édifice aux 23 dimensions impressionnantes (70 mètres sur 105 mètres) s’est probablement écroulé quelques années après sa construction. Sa façade monumentale a été richement décorée de divinités grecques et romaines, de créatures mythologiques (méduses, griffons), de motifs végétaux, de personnages, etc. Les basreliefs portent encore des traces de couleurs. Le haut-relief représentant une Vénus accroupie associée à la tête d’une vielle femme au visage très expressif raconte un épisode de l’Odyssée. Une telle scène est tout à fait unique dans tout le monde romain. Les vestiges, mis au jour grâce à des travaux qui devaient transformer un terrain de foot en centre commercial, sont dans un excellent état de conservation. 10) Un épisode de l’Odyssée, représenté par le haut-relief découvert dans l’Oise. 11) Découverte exceptionnelle d'un sanctuaire antique dans l'Oise. Pour regarder la vidéo, cliquez ici. 24