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Institut d'Etudes Politiques de Lyon
La distribution dématérialisée dans le jeu
vidéo : enjeux et perspectives
Etienne Michon
Séminaire << Management des Organisations >>
Sous la direction de David Piovesan, Maître de
Conférences en Sciences de Gestion à l'Université Lyon III
Mémoire soutenu de 12 Juin 2008
Président du Jury : Anne Blanc-Boge, Maître de Conférences en Sciences de Gestion à L'institut
Table des matières
Remerciements . .
Introduction . .
Présentation du mémoire . .
Méthodologie . .
Définitions et délimitation du sujet . .
Lexique . .
Présentation du marché du jeu vidéo et historique . .
La chaîne de valeur actuelle du jeu vidéo et ses limites . .
Vers la distribution dématérialisée . .
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent
dessiner un paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées . .
A – Analyse de l’équipement et des connexions internet : un niveau technologique global
en hausse constante . .
1 – Une approche globale : un équipement en constante progression . .
2 – Une approche régionale : disparités et avance asiatique . .
3 – Autres limites techniques . .
4 – Synthèse . .
B – Comportements de consommation et attitude face à l’innovation . .
1 – La vente en ligne en pleine expansion . .
2 – Le développement du jeu en ligne et de la distribution digitale . .
3 – La question de l’attitude face à l’innovation . .
4 – Synthèse . .
C – Mise en perspective : comparaison croisée avec d’autres industries . .
1 – L’industrie musicale et la révolution digitale : une transition plus qu’un recul ? . .
2 – Cinéma et jeu vidéo, une situation similaire . .
Synthèse de la première partie . .
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu . .
A – Une nouvelle offre : l’apparition de nouveaux types de jeux et de modes de distribution
novateurs . .
1 – Une nouvelle offre qui s’appuie sur le développement de nouvelles possibilités
techniques . .
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2 – Les casual games, précurseurs dans le domaine de la distribution digitale . .
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3 – Le développement du jeu multi-joueurs en ligne et l’émergence de jeux à
caractère communautaire : vers le « divertissement circulaire » . .
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4 – La distribution dématérialisée de jeux classiques : un développement progressif
et un rôle encore marginal . .
5 – Synthèse . .
B – La multiplication des possibilités de facturation ouvre de nouveaux horizons . .
1 – Des modes de facturation de plus en plus variés . .
2 – L’évolution de l’utilisation des modes de facturation dans le temps à travers
l’exemple asiatique . .
C – De la vente pure à la prestation de service : une nouvelle relation BtoC . .
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1 – La distribution digitale ou le passage de la vente matérielle à la prestation de
service . .
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2 – Prestation de service et ergonomie, principaux moteurs de la distribution digitale
..
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3 – Un “direct to customer model” : la suppression des intermédiaires entre offre et
demande . .
Synthèse de la deuxième partie . .
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs . .
A – Vers un nouveau business model ? Les acteurs du jeu vidéo face à de nouveaux
enjeux . .
1 – Evolution du business model et avantages de la diffusion dématérialisée . .
2 - Dématérialisation et nouveaux domaines de compétences . .
3 - Etude de cas : AGE Studios . .
B – Nouveaux acteurs et acteurs historiques : une redistribution des cartes ? . .
1 – De nouveaux acteurs dynamiques, locomotives de la diffusion digitale . .
2 – Les studios de développement et la question du self-publishing . .
3 – Les éditeurs : des « dinosaures » avec une énorme capacité de projection . .
4 – D’où viendra le déclic pour l’industrie ? . .
C – Limites de la distribution dématérialisée et forces de résistance . .
1 – Limites actuelles au développement de la diffusion digitale . .
2 – Des forces de résistance ralentissant le développement de la diffusion digitale
dans le futur ? . .
3 – Synthèse . .
Synthèse de la troisième partie . .
Conclusion . .
Bilan . .
Discussion et mise en perspective . .
Quelles échéances ? . .
Bibliographie . .
Ouvrages . .
Périodiques . .
Ressources en ligne . .
Etudes et rapports . .
Webographie . .
Annexes . .
Travail terrain . .
1 – Tableau synthétique des entretiens . .
2 – Grille d’entretien . .
3 – Reprises d’entretiens . .
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Remerciements
Remerciements
Nos premiers remerciements vont à l’équipe qui a su animer le séminaire « Management des
Organisations » et aider ce mémoire à prendre forme tout au long de l’année, soit Anne Blanc-Boge
et David Piovesan. Nous remercierons particulièrement ce dernier qui, en sa qualité de Directeur
de mémoire, s’est montré disponible lors des différentes étapes cruciales de nos travaux.
Nous adressons aussi des remerciements particuliers à toutes les personnes de l’industrie du
jeu vidéo qui ont donné de leur temps à la construction de mémoire : Salima Bessarhaoui pour sa
disponibilité et son œil critique, Pierre Carde et Clément Galiay pour leur apport précieux, Pascal
Franck et Pierre-Louis Barbier pour leur appui documentaire, Philippe Thibault, Virginie Véga…
Sans oublier tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, à la construction de ce travail, de
sa phase embryonnaire aux ultimes moments de sa rédaction.
Etienne Michon
Michon Etienne - 2008
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La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Introduction
Présentation du mémoire
Le choix d’un thème de mémoire est un processus difficile, long, et qui implique bien souvent
des retours en arrière, des hésitations et autres changements d’avis. Après avoir initialement
décidé de travailler sur les alliances stratégiques, nous avons réorienté nos travaux sur
l’industrie du jeu vidéo, en fondant notre raisonnement sur différents éléments : les contacts
pris lors d’un stage réalisé au sein de Lyon Game en 2007 (association qui structure les
entreprises de jeu vidéo de la région lyonnaise et met en place des événements, des
réunions thématiques et des actions de lobbying) permettant d’accéder à des documents
intéressants (études), à des réunions thématiques de professionnels, à des entretiens ;
les connaissances acquises sur l’industrie lors de ce stage et par intérêt personnel ; enfin,
la présence d’entreprises du secteur en Rhône-Alpes (2e région française en matières
de jeu vidéo). Ajoutons enfin un attrait particulier pour le jeu vidéo et ses problématiques
économiques.
Une fois acquis le fait que ce mémoire allait porter sur le jeu vidéo, restait à
délimiter un sujet intéressant et, si possible, d’actualité. La question de la dématérialisation,
problématique nouvelle et émergente dans l’industrie du jeu vidéo, s’est imposée
rapidement. Notons qu’il n’existe pas d’étude approfondie ou d’ouvrage sur le sujet, et que
les professionnels du secteur ont quasiment tous une approche différente et personnelle de
ce thème. Mais la diffusion dématérialisée semble dessiner des modifications majeures à
plus ou moins long terme dans l’industrie : sa place est donc amenée à devenir centrale.
Qui plus est, selon nous, la production d’un tel mémoire représente une valeur ajoutée
non négligeable en cas de recherche de stage ou d’emploi dans le milieu du jeu vidéo.
Nous l’avons réalisé au travers des contacts avec des professionnels du secteur qui se sont
montrés très intéressés par ces travaux, et que nous remercions ici. En outre, notre sujet
d’étude est un processus transversal que l’on retrouve dans différents secteurs, notamment
celui de la musique (iTunes est un exemple parfait de distribution dématérialisée dans
l’industrie musicale), mais également le cinéma.
Notre première approche était uniquement centrée sur la distribution même ; mais
au fur et à mesure des recherches, nous avons rapidement compris que cela occulterait
de nombreux éléments importants. L’industrie du jeu vidéo se trouve aujourd’hui à un
tournant : la distribution n’évolue pas seule, tout le jeu évolue avec elle. Il ne faut pas
seulement examiner les nouvelles formes de distribution, mais aussi les nouveaux types de
jeux qui en découlent, les nouvelles sources de revenus, les nouveaux joueurs, autant de
paramètres liés et qui forment un ensemble en mouvement intimement lié à la distribution
dématérialisée.
L’idée centrale de ce travail est donc de cerner les enjeux de la dématérialisation de la
diffusion dans l’industrie du jeu vidéo, d’en analyser les différentes formes et de chercher à
en dessiner les effets sur l’industrie et ses acteurs à plus ou moins long terme.
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Michon Etienne - 2008
Introduction
Méthodologie
La construction de notre mémoire a été un processus long, fait d’avancées, d’hésitations,
mais aussi de retours en arrière. Le plus difficile a été de donner un cadre au sujet, de définir
les champs sur lesquels nous allions travailler, et d’en fixer les limites. Ainsi, l’élaboration
de ce « noyau dur » s’est faite progressivement.
Le point de départ fut constitué de recherches bibliographiques, sans grands espoirs
toutefois, puisque notre sujet s’intéresse à une tendance nouvelle dans l’industrie du jeu
vidéo. Ces recherches ont confirmé notre pressentiment : aucun ouvrage ne porte encore
sur le sujet, encore moins en français qu’en anglais. Mais le fait de travailler sur un thème
« neuf » est un challenge et une motivation supplémentaires. Les ouvrages sur lesquels
nous nous sommes appuyés se limitent donc à quelques manuels généraux en gestion ainsi
que quelques ouvrages spécifiques, sur le marketing en ligne notamment.
Il a donc fallu rechercher d’autres sources, que l’on scindera en trois catégories : sites
internet, études, et articles. Les articles publiés sur internet constituent quasiment la moitié
de ces sources ; autre originalité, plus de 75% d’entre eux sont en anglais. En effet, il
n’existe pas de portail francophone s’adressant non aux joueurs, mais aux professionnels
du secteur et suivant de très près l’actualité de l’industrie du jeu vidéo comme les sites
anglophones gamesindustry.biz ou encore gamasutra.com. Leurs dossiers et interviews
de professionnels de l’industrie, de qualité, ont constitué un appui précieux. D’autre part,
nous avons largement exploité des études diverses afin de recueillir des statistiques
ou du contenu. Dernière catégorie de sources, des articles de revues essentiellement
anglophones à l’image de The Economist ou de la Harvard Business Review.
Ces recherches nous ont aidés à construire le sujet et à mieux saisir tous les enjeux
de la dématérialisation de la diffusion dans l’industrie du jeu vidéo, notamment en termes
d’évolution de l’offre. Si la majorité des acteurs du secteur s’accordent sur le fait que la
diffusion digitale va impliquer des modifications profondes pour le secteur, ces points de vue
différent largement sur les formes de ces modifications, et les choix stratégiques à effectuer
pour exploiter les nouv elles perspectives offertes.
Un autre point a considérablement apporté à ce mémoire : le travail terrain réalisé au
travers des différents entretiens que nous avons pu mener. Nos contacts préalables se sont
révélés d’une grande utilité, même s’il fut parfois difficile de rencontrer certains contacts
(date repoussée, indisponibilité), . Ces entretiens nous ont permis d’avancer à différents
niveaux (voir tableau récapitulatif en annexe), aussi bien dans la délimitation du sujet que
dans le contenu du mémoire ou la construction du plan.
Le premier entretien fut un entretien exploratoire avec Salima Bessarhaoui et PierreLouis Barbier afin de tester la grille d’entretien et pointer quelques oublis. Je suis resté en
contact régulier avec Salima Bessarhaoui sur le sujet afin d’échanger sur certains points
et sur notre plan. Le second entretien a eu lieu avec Pierre Carde, gérant de Connexion
Events (entreprise lyonnaise qui organise des conventions d’affaires à l’international dans le
secteur du jeu vidéo), qui a apporté une vision extrêmement intéressante notamment sur les
nouvelles formes de jeu. Par la suite, nous avons rencontré Clément Galiay, Sales Manager
chez Connexion Events et ancien de l’EDHEC avec lequel il fut largement question des
perspectives créées par la diffusion digitale. Par l’intermédiaire de Lyon Game, nous avons
également rencontré Philippe Thibault, gérant de AGE Studios, l’un des développeurs les
plus avancés en matière de diffusion dématérialisée dans la région Rhône-Alpes.
Michon Etienne - 2008
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La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Une autre partie du travail terrain a pris la forme de réunions et ateliers thématiques
organisés par Lyon Game, et notamment un atelier consacré exclusivement à la
dématérialisation, où nous avons obtenu des informations intéressantes aussi bien au
travers des interventions des professionnels que d’échanges avec eux (notamment Anthony
Macaré de Metaboli et Benjamin Vossey de Vossey Groupe).
Toutes ces sources ont permis de construire progressivement ce mémoire, peut-être
d’une manière assez différente d’un mémoire plus classique, mais en prise directe avec
l’industrie du jeu vidéo.
Tout au long de ce travail ont émergé différentes difficultés, la première étant liée au
fait de travailler sur un sujet actuel et en évolution constante : il fallait parfois revoir ou
rajouter des éléments suite à des annonces ou au lancement de certains jeux ou services.
Mais cela pousse à la réactivité et donne au mémoire une dimension actuelle. Autre
difficulté, l’obtention de sources statistiques : il est difficile d’accéder à des sources précises
sur certains sujets comme le taux de pénétration des consoles, les ventes détaillées de
certains jeux et leur évolution dans le temps… Une partie de ces données existent, mais
souvent dans des études menées par des cabinets et facturées entre 3000 et 10000€. Nous
avons donc du effectuer beaucoup de recherches afin de récupérer des données fiables
et satisfaisantes.
Définitions et délimitation du sujet
Afin de comprendre et de cerner le sujet, il convient d’en définir les termes et d’en délimiter
le champ d’application.
Distribution : Ensemble d'opérations et de circuits permettant de mettre un bien déjà
produit à la disposition de l'acheteur. (Le Petit Robert)
Nous allons donc étudier le processus permettant au consommateur de se procurer un
jeu vidéo sous forme dématérialisée.
Dématérialisation : Action de rendre immatériel, fait de devenir immatériel ; Suppression
du support matériel tangible (Le Petit Robert)
Cette « suppression du support matériel tangible » correspond tout à fait au cas du
jeu vidéo. Traditionnellement et historiquement vendu sous forme physique (cartouche, CDRom, DVD-Rom, Blu-Ray…), la dématérialisation de sa diffusion implique la suppression
de ce support. Cette définition est partagée par les professionnels rencontrés au cours des
entretiens : Pierre Carde désigne la dématérialisation comme « toute diffusion hors support
physique » et Clément Galiay par « Tout ce qui n’est pas matériel ».
Jeu vidéo : Jeu se déroulant sur un écran vidéo, celui d'une télévision reliée à une
console de jeu, ou celui d'un ordinateur. (Alaide.com, dictionnaire en ligne des nouvelles
technologies)
Cette définition recoupe parfaitement notre champ d’étude, car le jeu vidéo est
multiforme. Il existe sur consoles de salon, sur consoles portables, sur PC, sur téléphone
mobile… Nous nous centrerons sur le jeu sur PC et console de salon. Le jeu dit « nomade »
sur console portable ou téléphone mobile obéit à un business model différent, il ne sera
donc pas notre sujet d’étude, même s’il peut servir parfois de point de connexion. Il faut bien
noter que le jeu PC et le jeu sur console n’ont pas exactement le même business model,
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Michon Etienne - 2008
Introduction
mais qu’ils sont globalement proches. Nous verrons que le jeu sur console fait intervenir
une catégorie supplémentaire d’acteurs, les fabricants de consoles.
Enjeu : Ce que l'on peut gagner ou perdre, dans une compétition, une entreprise. (Le
Petit Robert)
Perspective : Événement ou succession d'événements qui se présente comme
probable ou possible. (Le Petit Robert)
L’emploi de ces termes montre bien que nous travaillons sur une industrie
concurrentielle, et que la dématérialisation va créer des opportunités qui profiteront plus ou
moins, comme nous le verrons, aux acteurs de ce marché. Nous étudierons également les
possibilités que sa mise en place va créer dans le futur.
Lexique
Afin de varier le vocabulaire du mémoire et d’éviter les répétitions sur des thèmes revenant
fréquemment, nous utilisons plusieurs expressions synonymes. Les voici :
Distribution = diffusion
Dématérialisée = digitale
« Jeu classique » : jeu développé selon le business model classique du jeu vidéo et
généralement commercialisé de manière physique, sur PC ou consoles.
« Distribution retail » = distribution physique = « distribution classique »
Présentation du marché du jeu vidéo et historique
Chiffres-clés de l’industrie
Afin de compléter cette introduction, nous avons retenu quelques chiffres-clés pour
présenter et mettre en perspective l’industrie du jeu vidéo en France et dans le monde.
Au niveau mondial :
∙
∙
Dans son rapport « Global Entertainment and Media Outlook 2007-2011 », le cabinet
d’étude PricewaterHouseCoopers estime que le chiffre d’affaires mondial du jeu vidéo
en 2007 s’élève à 37,5 milliards de dollars (or ventes d’accessoires et de consoles),
contre 35,6 milliards pour l’industrie musicale. D’ici 2011, cet écart devrait être encore
plus prononcé, afin un CA prévisionnel de 48,9 milliards de dollars pour le jeu vidéo
contre 40,4 pour la musique.
Autre fait significatif, en 2005, le chiffre d’affaires de l’industrie du jeu vidéo aux EtatsUnis a dépassé celui du cinéma, avec 10,5 milliards de dollars contre 10,3 au cinéma
(Source : Association Française pour le Jeu Vidéo – AFJV)
Au niveau français :
Les chiffres de ventes détaillés en 2006 ont atteint des chiffres record :
∙
1, 940 milliards d’€ pour l’ensemble des loisirs interactifs
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La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
∙
1,1 milliards d’€ pour les logiciels de loisirs sur PC et Console
Le taux d’équipement en France était au-dessus de 40% en 2004 pour les consoles (de
salon et portables), et de 55,1% en 2006 pour les PC. La majorité des foyers a donc accès
à un support de jeu, tandis que 13 millions de français jouent aux jeux vidéo de manière
régulière. (Source : Note de conjoncture Lyon Game et GFK)
Présentation des différents acteurs de la chaine de valeur du jeu vidéo
La création et la commercialisation d’un jeu vidéo font intervenir un certain nombre
d’acteurs à différents stades du processus. Ces acteurs ont chacun un rôle particulier et
sont en interaction, formant la chaîne de valeur ajoutée du jeu vidéo. Nous retiendrons en
tout 5 grands types d’acteurs :
∙
Les studios de développement : « société de réalisation de jeux vidéo et/ou
d'œuvres multimédia disposant en interne des capacités de production graphiques
et informatiques (programmation). Le studio travaille généralement pour le compte
d'un éditeur qui lui apporte tout ou partie du financement de la production » selon la
définition de l’agence française pour le jeu vidéo (AFJV).
∙
Les prestataires de services : ils ne sont pas des studios de développement à
part entière, dans le sens où ils n’interviennent que sur un ou des point(s) précis du
processus de développement d’un jeu vidéo. On y intègre à la fois les sous-traitants
(société ne prenant à sa charge qu'une partie de la réalisation d'un jeu vidéo ou d'une
œuvre multimédia et laissant l'assemblage et la réalisation du produit fini à son client
- studio ou éditeur) et les fournisseurs de middleware (outil logiciel dédié à l'exécution
d'une tâche informatique précise : affichage 3D, décompression vidéo, interprétation
des lois physiques, intelligence artificielle, etc.).
∙
Les éditeurs : « société de production et de commercialisation de jeux vidéo et plus
généralement d'œuvres multimédia. Certains éditeurs possèdent leur propre studio
de développement » (AFJV).
∙
Les diffuseurs : ils assurent la diffusion et la distribution du produit. Nous verrons
qu’ils n’interviennent pas toujours, et parfois partiellement, dans le sens où les
éditeurs peuvent se charger eux-mêmes de la diffusion des produits.
∙
Les fabricants : ce sont les fabricants de « hardware », de consoles, c’est-à-dire sur
le marché actuel Microsoft, Nintendo et Sony. Les PC sont à part dans le sens où ils
sont fabriqués par un grand nombre d’entreprises, et que le jeu vidéo ne représente
qu’une partie des possibilités qu’ils offrent.
Représentation de la chaine de valeur du jeu vidéo
D’un point de vue schématique, la chaîne de valeur ajoutée du jeu vidéo peut être
représentée comme suit :
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Michon Etienne - 2008
Introduction
La chaîne de valeur du secteur du jeu vidéo
(Source : Monographie DRIRE Image/Jeux Vidéo, 2007)
Nous pouvons observer ici que le rôle des éditeurs évolue suivant les cas. Ils peuvent
intégrer la fonction de développement au travers de studios de développement internes,
mais également la fonction de diffusion, traitant ainsi directement avec la grande distribution
et les centrales d’achat. La logique en place est celle d’une domination verticale à la base
de laquelle on trouve le studio de développement. Il serait possible de rajouter une sousdivision à cette chaîne de valeur ajoutée en y incluant les prestataires de services, qui
viendraient se positionner en-dessous des studios de développement.
Une industrie historiquement polarisée autour des Etats-Unis, du Japon et de
l’Europe
Le marché mondial du jeu vidéo est essentiellement divisé en 3 grands pôles, ayant
chacun leurs caractéristiques propres : le Japon (auquel l’on rattache la Corée du Sud, voire
la Chine), les Etats-Unis (et le Canada), et enfin l’Europe. Ce sont trois marchés historiques
qui polarisent toute l’industrie, et ce pour plusieurs raisons :
∙
Ils concentrent l’essentiel des éditeurs et des développeurs de jeu vidéo, et ce depuis
la naissance de l’industrie
∙
Ils constituent son débouché principal en raison de leur niveau de développement
et leur pouvoir d’achat (le jeu vidéo reste un loisir cher, qui demande un équipement
spécifique et la connaissance de la technologie).
∙
er
Leur législation anti-piratage est efficace ; le piratage est le 1 facteur empêchant la
vente de jeu vidéo hors de ces zones (notamment dans la majeure partie de l’Asie).
Le marché reste globalement fermé aux autres zones géographiques, notamment en termes
de consoles nouvelle génération, qui demandent un réseau haut débit performant. Les
consoles portables y sont cependant plus répandues. Les jeux coûtant de plus en plus chers
à développer (sur les nouvelles générations de consoles notamment), ils sont difficile à
amortir sur un seul de ces marchés. S’ils conservent des spécificités propres, ces marchés
voient leur offre respective converger.
Michon Etienne - 2008
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La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Répartition géographique du marché mondial du jeu vidéo (en CA 2006)
source IDATE
Le chiffre d’affaires total du jeu vidéo en 2007 est estimé à 30 milliards d’euros par
l’IDATE, soit un chiffre supérieur à celui de l’industrie musicale et en hausse de 17% pour
les logiciels de jeu et de 42% pour les consoles.
La chaîne de valeur actuelle du jeu vidéo et ses limites
Afin de mieux comprendre le processus de dématérialisation de la diffusion qui est au centre
de ce mémoire, il faut saisir le fonctionnement de la chaîne de valeur historique du jeu
vidéo, et en souligner les limites. Le modèle historique est simple : les jeux sont développés
par les studios de développement, en s’appuyant sur le total ou partiel financement d’un
éditeur. Celui-ci se charge du marketing du jeu et intervient dans le processus de production
(orienter le jeu dans une direction, y apporter des modifications). Puis il prend en charge
la diffusion et la distribution du jeu, seul ou avec l’aide d’un diffuseur suivant la taille de
l’éditeur et le marché concerné. Les développeurs sont en général rémunérés au travers
d’une avance sur royalties. Mais ce modèle historique comporte de plus en plus de limites
qui créent des contraintes grandissantes pour les acteurs du marché. Nous distinguerons
ainsi trois limites majeures : la hausse des coûts de production ; la saturation de l’offre ; les
limites inhérentes à la distribution matérielle.
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Michon Etienne - 2008
Introduction
la chaîne de valeur traditionnelle du jeu vidéo
et les marges captées par chaque acteur (figure 3)
La hausse des coûts de développement menace la rentabilité des produits
A l’image d’autres secteurs (audiovisuel ou musique soumis à l’évolution des formats
de stockage : de la cassette au DVD, du DVD au Blu-Ray, etc.) l’industrie du jeu vidéo est
soumise à des cycles qui exercent une influence majeure, surtout dans le cas des jeux sur
consoles. En effet, on observe une succession de cycles (on parle de « générations » de
console) d’une durée moyenne de 5 à 6 ans au terme desquels la génération présente de
console est remplacée par une nouvelle, plus avancée technologiquement. Dans le cycle
actuel, la première console à avoir été lancée est la Xbox 360 de Microsoft (Décembre
2005), et la dernière la Playstation 3 de Sony (Mars 2007), avec entre-temps la Wii de
Nintendo (bien que ses caractéristiques technologiques inférieures et son positionnement
sur le marché soient assez différents des deux autres consoles), lancée en Novembre 2006.
Ces plateformes sont considérées comme faisant partie de la 7e génération de consoles,
dite « next-gen » (pour next generation).
Selon Alain Martinez, directeur financier d’Ubisoft, un jeu PS3 ou Xbox 360 revient en
moyenne entre 15 et 17 millions d'euro à produire. En comparaison, un jeu sur Nintendo DS,
console portable la plus vendue au monde actuellement, revient à environ 500.000€. De
même, un jeu développé sur PS2, à laquelle la PS3 vient de succéder, coûte en moyenne 7
à 8 millions d’euros à produire (selon l’IGDA, International Game Developers Association) ;
cela représente une hausse des coûts de production de plus de 100% entre les deux
générations de consoles. Selon Pierre Carde, « cela n’a pas de sens : il est de plus en plus
difficile d’être rentable à un tel niveau d’investissement. Il y a une sorte de folie unanimement
partagée ». Ainsi, une spirale perverse se met en place : les coûts de production sont de plus
en plus élevés, tandis que les prix de vente stagnent ou n’augmentent que marginalement,
tout comme le nombre de ventes : en conséquence, la marge relative stagne, et la marge
absolue diminue.
Michon Etienne - 2008
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La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
De plus, ces dépenses concernent uniquement la production, et non le marketing (la
campagne marketing de Microsoft pour le lancement de son jeu Halo 3 sur Xbox-360 en
2006 a coûté plus de 10 millions de dollars) et la distribution.
L’encombrement grandissant de l’offre
Avec les nouvelles générations de consoles, il y a une saturation grandissante de l’offre
de jeux proposés aux consommateurs sur les canaux traditionnels de vente (vente retail).
Cela altère également la rentabilité, d’autant plus que les jeux ne restent pas longtemps
en rayon. On estime qu’un jeu vidéo réalise en moyenne 80% de ses ventes sur les six
premières semaines.
Les limites propres à la distribution physique
La distribution physique ou retail est largement imparfaite. Les distributeurs absorbent
les marges les plus importantes (cf figure 3), sans développer ni produire le jeu ; en
parallèle, le jeu vidéo est un produit qui réalise l’essentiel de ses ventes sur les six premières
semaines. D’où des problématiques pointues de gestion des stocks, de la production et de
l’approvisionnement : une rupture de stock pourra avoir des effets dévastateurs, tandis que
des pièces invendues pourront absorber la marge déjà réalisées avec les pièces vendues.
Nous aurons l’occasion d’aborder ces limites en détail dans ce mémoire.
Apport d’auteur : l’approche de Marshall L.Fisher appliquée à la chaîne de valeur du
jeu vidéo
La théorie de ce professeur d’économie à la Wharton School (Pennsylvanie, USA)
s’applique parfaitement à la chaîne de valeur du jeu vidéo, et permet d’en mettre en
1
perspective les limites de manière claire et compréhensible . Il distingue ainsi produit
fonctionnel (caractéristiques : réponse à un besoin de base, demande stable dans le temps,
marges faibles) et produit innovant (caractéristiques : demande volatile, faible durée de vie,
fortes marges). Chaque type de produit nécessite une chaine d’approvisionnement adaptée.
Il fait le constat que la source principale de problèmes vient de l’inadéquation entre
un produit innovant commercialisé et une chaine d’approvisionnement « classique » qui
convient aux produits fonctionnels.
∙
Produit fonctionnel : besoin d’une chaîne d’approvisionnement compétitive (le prix est
le critère premier).
∙
Produit innovant : besoin d’une chaîne d’approvisionnement réactive et efficace. Le
prix n’est pas le critère premier
Tableau comparatif des caractéristiques d'un produit fonctionnel et d'un produit innovant
1
« Quelle est la bonne chaîne d’approvisionnement pour votre produit ? », Marshall L.Fisher, 1997, in La Chaine de
Valeur – Collection Harvard Business Review, Editions d’Organisation, 2000
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Michon Etienne - 2008
Introduction
Or si l’on observe les caractéristiques d’un jeu vidéo, on peut voir qu’il appartient à la
catégorie des produits innovants : sa durée de vie moyenne est de 6 à 8 semaines (80% des
ventes d’un jeu sont réalisées au cours des 6 premières semaines !), la diversité est forte, la
marge importante, le délai d’approvisionnement sur commande de 2 à 4 semaines… Ainsi,
un jeu promis à un succès important peut très vite devenir un échec en cas de rupture de
stock ou de mauvais approvisionnement.
Etant donné que la majeure partie des jeux vidéo sont vendus en grande distribution
(grandes enseignes type Carrefour, Auchan, ou grandes surfaces spécialisées type Fnac,
Virgin), et donc au travers d’une chaîne d’approvisionnement « classique », le diagnostic
de Fisher s’applique tout à fait à notre cas : le jeu vidéo est un produit innovant distribué au
travers d’une chaîne d’approvisionnement adaptée à un produit fonctionnel.
Vers la distribution dématérialisée
Ainsi, ces limites forment un ensemble de contraintes de plus en plus difficiles à supporter
pour les acteurs de l’industrie. De nombreux professionnels soulignent que le business
model actuel du jeu vidéo ne pourra être maintenu longtemps sous la même forme, mais
leurs opinions divergent sur les formes des changements à venir.
Face à ces contraintes, on peut progressivement voir émerger une offre qui ne s’inscrit
pas dans cette chaîne de valeur traditionnelle, mais s’appuie sur le développement d’internet
et de nouvelles technologies pour proposer aux consommateurs une offre sous forme
digitale : il s’agit de la distribution dématérialisée. Comme nous le verrons, il s’agit d’un une
offre encore jeune, en développement, mais dont le potentiel économique pourrait largement
bouleverser l’industrie dans les années à venir, en influant aussi bien sur le contenu de
l’offre que sur le rôle et le poids des acteurs de l’industrie. Mais elle reste largement tributaire
du niveau technologique et de la pénétration d’internet dans les foyers. Ainsi, nous allons
travailler en tentant de répondre à la problématique suivante :
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : vers une nouvelle offre et une nouvelle
configuration de marché ?
Nous nous appuierons également sur trois sous-problématiques qui reprendront nos
trois parties principales :
∙
Les pré-requis : le niveau technologique, l’équipement et la demande dessinent-ils un
paysage favorable au développement de la dématérialisation ?
∙
Quel impact aura cette dématérialisation sur l’offre de jeux vidéo ?
∙
Quelles conséquences cette transformation aura-t-elle sur l’industrie, son business
model et ses acteurs ?
Michon Etienne - 2008
15
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
I – La demande : les attitudes
de consommation et le niveau
d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de
solutions dématérialisées
Le défaut majeur de nombreux analystes du marché est d’envisager l’industrie du jeu vidéo
d’un point de vue unique : celui de l’offre. L’enthousiasme quant aux possibilités techniques
nouvelles et à l’innovation laisse trop peu souvent la place à une analyse parfois simple
mais souvent capitale : celle de la demande.
A – Analyse de l’équipement et des connexions
internet : un niveau technologique global en hausse
constante
Comme nous l’avons préalablement défini, la dématérialisation de la distribution dans le jeu
vidéo suppose l’achat d’un produit (ou du droit d’utilisation de ce produit) de manière non
matérielle, et donc en-dehors du circuit classique de distribution dit « retail ». La mise en
relation entre le consommateur/acheteur et le vendeur se fait par l’intermédiaire d’internet, et
le produit est ensuite consommé via un terminal numérique, que ce soit un micro-ordinateur,
une console de jeu ou encore un téléphone mobile
La consommation dématérialisée nécessite donc un certain équipement : ordinateur,
connexion à internet… Cette connexion doit disposer d’un débit élevé, car la transmission
de ces données (et donc du contenu du jeu) est centrale dans le processus de diffusion
dématérialisée (quelle que soit l’option retenue : téléchargement complet, jeu en ligne sur
serveur… ces possibilités seront examinées plus tard dans le mémoire). Le niveau du débit
conditionnera donc la quantité de données informatiques transmissibles à l’acheteur, ainsi
que le temps d’acheminement de ces données.
16
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
Pour que la mise en place de la diffusion digitale offre des perspectives aux acteurs
du secteur et qu’elle puisse toucher le maximum de consommateurs potentiels, il faut que
ces derniers disposent d’un équipement adapté. Cet équipement crée un environnement
favorable au développement de la distribution dématérialisée. Afin de déterminer si ce
« paysage technologique » est suffisant, nous allons examiner les niveaux d’équipement
des ménages dans plusieurs domaines que l’on considérera comme nécessaires au
développement de la diffusion digitale. Nous retiendrons donc comme paramètres à
examiner, dans cette partie :
∙
Le taux de pénétration de l’internet haut débit
∙
Les taux d’équipement en termes de micro-ordinateurs et de consoles de jeu
A noter que dans le cadre de nos travaux, l’étude du taux de pénétration de l’internet haut
débit est plus pertinente que celle de l’internet dans sa globalité (haut débit + analogique). En
effet, le jeu en ligne ou le téléchargement de jeux nécessitent un débit important que ne peut
fournir un modem analogique classique. Plus le débit est rapide, plus les possibilités offertes
sont importantes. De plus, un taux de pénétration reste plus intéressant que des données
brutes comme le nombre d’abonnés puisqu’il rend effectivement compte du pourcentage
d’une population ayant accès à un produit ou service. Le chiffre brut est déductible du taux
de pénétration.
Définitions
Le taux de pénétration est la partie d'une population exprimée en pourcentage,
touchée par un produit, un support ou une annonce publicitaire.(Dico du net)
L’accès internet à haut débit (ou large bande par traduction littérale du terme anglais
broadband ) fait référence à des capacités d'accès à internet supérieures à celle de l'accès
analogique par modem (typique : 56 kb/s) et à l'accès numérique RNIS (typique 1× ou 2×
64 kb/s). Cet accès à haut débit peut être obtenu par l’intermédiaire d’une connexion ADSL,
câblée, Wi-Fi ou satellite.(Dico du net)
Nous avons pu voir dans l’introduction que 95% des ventes mondiales de jeu vidéo se
font sur les trois marchés historiques que sont les Etats-Unis, l’Europe et le duo Japon-Corée
du Sud. Nous nous concentrerons donc sur ces régions, sans toutefois oublier d’examiner
les perspectives pour le reste du monde.
Michon Etienne - 2008
17
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
1 – Une approche globale : un équipement en constante progression
La dématérialisation de la diffusion dans le jeu vidéo est une problématique qui concerne
l’industrie du jeu vidéo dans sa globalité, et qui est susceptible de s’appliquer sur les
principaux marchés mondiaux. Le but de cette section sera donc d’analyser les paramètres
que nous avons retenus, et ce de manière globale.
Taux de pénétration du haut débit
Source : Données brutes locales PriceWaterhouseCoopers agrégées et recalculées
par nos soins ; projections réalisées par PWC
Pour ce graphique, nous avons retenu les 3 principales zones géographiques dans le
marché du jeu vidéo, soit :
∙
∙
∙
Etats-Unis
Europe (Autriche, Belgique, Allemagne, Finlande, Grèce, Irlande, Italie, Pays-Bas,
Norvège, Portugal, Espagne, Suède, Suisse, Grande-Bretagne)
Japon et Corée du Sud
Ces courbes nous indiquent que le taux de ménages équipés d’un accès internet à haut
débit progresse rapidement, passant en seulement 5 ans de 12,7% en 2001 à près de 50%
en 2006. Le taux de pénétration global devrait dépasser les 70% à l’horizon 2010.
Cette progression se fait logiquement au détriment de l’internet analogique, qui subsiste
essentiellement pour des raisons techniques ou géographiques. En baisse constante depuis
2001, il devrait passer sous la barre des 10% après 2010. L’année 2004 est symbolique,
puisqu’elle correspond au dépassement du taux de pénétration analogique par celui du haut
débit.
18
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
Taux d’équipement en micro-ordinateurs
Source : OECD Factbook 2008: Economic, Environmental and Social Statistics
Ce graphique met en lumière l’important taux de pénétration des micro-ordinateurs
dans le monde (du moins sur les 3 marchés retenus), qui restent l’un des biens
technologiques les plus communs derrière le téléphone mobile à l’échelle mondiale.
La moyenne de 69,14% ne reflète cependant pas l’avance du Japon et de la Corée du Sud
qui constituent l’ensemble le plus à la pointe à la fois en termes d’équipement PC (avec près
de 80%) mais également, comme nous le verrons par la suite, de haut débit. Les Etats-Unis
et l’Europe affichent à la fois un taux d’équipement et une progression semblable. A noter
qu’en 2001 aux Etats-Unis, le taux était de 56,2%.
Bien entendu, le jeu n’est pas la fonction première de la majeure partie de ces microordinateurs. Mais chaque possesseur d’un PC et doté d’un accès à internet (haut débit)
constitue un joueur potentiel, y compris en-dehors des joueurs « classiques » ou initiés,
notamment au travers de l’émergence des jeux « casual » que nous examinerons dans la
seconde partie.
Les données sur les taux d’équipement en consoles de salon sont moins précises, mais
on les estime à environ 40% en Europe, 45% aux Etats-Unis et environ 55% en Asie, en
hausse régulière.
2 – Une approche régionale : disparités et avance asiatique
Nous avons pu examiner le taux d’équipement en micro-ordinateurs, consoles, ainsi
que le taux de pénétration du haut débit d’un point de vue global. Ces statistiques
nous ont montré que le taux de pénétration des micro-ordinateurs, au-delà de 60%
dans les 3 zones étudiées, étaient élevé. Cependant, l’étude du taux de pénétration
du haut débit d’un point de vue régional va nous aider à saisir les disparités existantes
et à expliquer l’avance de l’Asie en matière de diffusion dématérialisée que nous
aborderons dans notre seconde partie.
L’Europe et les Etats-Unis, une évolution similaire
Source : PWC
L’Europe, bien que proche des Etats-Unis comme nous allons le voir, reste le
continent le plus en retrait en matière d’accès à internet en haut débit. L’accès
analogique a affiché jusqu’à 45,79% de taux de pénétration à son apogée en 2003, et a
Michon Etienne - 2008
19
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
fait preuve d’une certaine résistance avant de décrocher en 2004 et de se voir dépasser
par le haut débit en 2005. Les projections montrent une progression constante mais pas de
véritable bond, alors que l’accès analogique décroche doucement mais ne devrait passer
sous la barre des 20% qu’en 2008. Le point positif réside dans le fait que l’accès haut
débit devrait convaincre plus d’utilisateurs que ne l’a fait l’accès analogique à son stade de
développement le plus avancé, créant une nouvelle génération sensibilisée à internet.
Evolution croisée des taux de pénétration internet
analogique/haut débit aux Etats-Unis entre 2001 et 2010
Source : PWC
Le cas des Etats-Unis est très proche de celui de l’Europe. L’analogique n’a jamais
dépassé 44,4% (en 2001) avant de décrocher progressivement par la suite. Tout comme
en Europe, la transition entre les 2 technologies s’est effectuée en 2005, et les projections
montrent une progression relativement constante amenée à dépasser les 60% d’ici à
l’horizon 2010. A noter cependant que les Etats-Unis ont toujours gardé une avance oscillant
en 10% et 5%, avance qui se réduit petit à petit, et qui provient surtout d’une adoption du
haut débit ayant commencé plus tôt qu’en Europe (14,9% en 2002 contre 6,4 pour l’Europe).
L’Asie, pionnière du haut débit
Source : PWC
20
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
Le Japon et la Corée du Sud présentent des statistiques impressionnantes en
termes de taux de pénétration du haut débit, et une avance très significative sur
l’Europe et les Etats-Unis. Dès 2002, le haut débit a dépassé l’analogique avant de se
développer très rapidement, atteignant dès 2005 avec 64,4% un taux supérieur à celui
projeté pour les Etats-Unis ou l’Europe en 2010. On anticipe un taux de l’ordre de 90,9% à
l’horizon 2010. L’analogique a de son côté été rapidement dépassé, et devrait être passé
sous la barre des 20% dès 2006, alors qu’on en anticipe la quasi-disparition en 2010 (3,5%).
e
Nous avons jugé pertinent d’ajouter la Chine au graphique via une 3 courbe. Elle n’est
historiquement pas un acteur majeur du secteur du jeu vidéo, et nous ne l’avons pas incluse
dans les statistiques asiatiques afin de ne pas les fausser. Cependant, son émergence, la
taille de sa population et la progression de son taux de pénétration haut débit (projections à
31,7% en 2010 contre 0,1% en 2001) en font un marché prometteur pour les années à venir.
Bilan : Une situation globalement favorable mais régionalement inégale
L’examen des taux d’équipement PC, consoles, et la progression des accès haut débit
dans le monde montrent que le paysage technologique semble de plus en plus favorable à
une diffusion dématérialisée de jeux vidéo . Plus de 60% des ménages dans les 3 zones
étudiées possèdent des micro-ordinateurs, et le taux de pénétration du haut débit
devrait dépasser la barre des 70% d’ici 2010. Cependant, les statistiques montrent
également que l’Asie dispose d’une avance
technologique importante, ce qui en
fait un marché plus mature pour la distribution digitale. Nous verrons dans notre 2
e
partie qu’elle est en effet le marché pionnier dans le domaine.
Comparaison de l'évolution des taux de pénétration
internet haut débit dans le monde entre 2001 et 2010
Source : PWC
Même si les marchés européens et américains progressent, voire rattrapent le marché
asiatique (notamment parce que le taux de pénétration sur le marché asiatique finira par se
stabiliser entre 95% et 100%), il est difficile d’imaginer les voir atteindre à court ou moyen
terme un taux aussi élevé que celui observé en Corée ou au Japon, pour des raisons aussi
bien techniques que géographiques ou démographiques : il est plus simple d’offrir à une
majeure partie de la population coréenne ou japonaise un accès internet à haut débit car ces
pays sont densément peuplés et très urbains. Les Etats-Unis comme l’Europe comportent
Michon Etienne - 2008
21
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
des zones plus vastes et moins urbaines où le haut débit n’est pas toujours disponible ou
rentable à installer.
3 – Autres limites techniques
Des inégalités importantes en termes de vitesse de débit
Il existe d’autres limites techniques au développement de la distribution digitale.
Tout d’abord, si nous avons souligné l’importance du taux de pénétration du haut débit, il faut
également examiner le débit lui-même, car l’appellation haut débit rassemble différentes
technologies et vitesses de connexion qui peuvent être parfois très éloignées.
Temps de transfert moyen par pays (en minutes) pour télécharger 1GB
Source : The Economist, « Hollywood and the internet » - Février 2008
Ainsi, ce graphique nous montre les différences majeures en termes de débit que l’on
peut observer entre les pays. Par exemple, le débit moyen au Japon est presque 50 fois
plus élevé qu’aux Etats-Unis ! Cela pose des barrières techniques, soit en empêchant la
transmission de certains contenus trop volumineux, soit en la ralentissant, et ce quel que
soit le mode de transmission choisi, c’est-à-dire téléchargement pur ou accès à un serveur.
Les conséquences sont doubles :
∙
Au niveau de la demande : temps d’attente, manque de simplicité, risque de
« plantage » qui décourage le comportement de consommation dématérialisé
∙
Au niveau de l’offre : complexité et qualité de l’offre limitée par le débit disponible
Pierre Carde, lors de notre entretien de Mars 2008, soulignait l’importance du haut débit
dans la mise en place de la distribution dématérialisée : « le haut débit facilite et accélère
er
la consommation dématérialisée ». Le marché américain reste le 1 marché mondial
pour l’industrie du jeu vidéo, et son retard technique en termes de haut débit peut ralentir
l’émergence de la diffusion digitale (« Les USA sont en retard » - Clément Galiay).
Les consoles ne sont pas encore suffisamment pensées comme des produits « online »
De plus, si les micro-ordinateurs sont maintenant par essence conçus comme des
machines « online », c’est-à-dire plaçant internet au centre de leur mode de fonctionnement
22
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
(fonctions en ligne, wifi, etc.), ce n’est pas encore le cas des consoles de salon. Certes,
e
la 7 génération de consoles, soit la génération actuelle, qui regroupe la Playstation 3, la
Xbox 360, ainsi que la Wii, fait une place bien plus importante à l’internet. Elle développe
le jeu en ligne, tandis que chaque fabricant a lancé avec son produit une plateforme dotée
de fonctions « online » : le Wiiware pour Nintendo, le Xbox Live pour Microsoft ainsi que
le Playstation Home pour Sony. Mais ces fonctions restent encore limitées, beaucoup de
jeux ne proposent pas de volet en ligne, et l’aspect « online » est toujours plus vu comme
un bonus ou un à-côté qu’un aspect central : le marché des consoles reste très attaché à
son business model classique et historique (« les consoles ne sont pas suffisamment
pensées comme online » - Pierre Carde).
La Xbox 360 de Microsoft : elle n’est pas équipée pour se connecter à internet en Wifi
Le problème vient du fait que les micro-ordinateurs évoluent en permanence (il existe
de nombreuses marques, et de nouveaux modèles sortent presque tous les jours), par
opposition aux consoles qui, comme nous l’avons expliqué en introduction, évoluent par
palier. Ainsi, le développement de la diffusion digitale et du jeu en ligne sur console
dépend très largement des fonctionnalités incluses dans les plateformes, qui n’évoluent
quasiment pas jusqu’au cycle suivant et l’apparition d’une nouvelle machine. Ainsi, si
les perspectives existent avec la technologie actuelle, il faudra probablement attendre la
prochaine génération de consoles, afin de voir le « online » comme un élément central,
ce freinera probablement la diffusion digitale jusqu’à la prochaine génération de console
attendue aux alentours de 2011-2012 (« les changements majeurs auront lieu à la
prochaine génération de consoles, il y a encore besoin d’évolution techniques » Clément Galiay).
Michon Etienne - 2008
23
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
4 – Synthèse
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de
Lyon /!\
B – Comportements de consommation et attitude face
à l’innovation
Après avoir examiné dans notre première sous-partie les pré-requis technologiques à
la mise en place de la distribution dématérialisée, nous allons nous intéresser dans
cette seconde sous-partie aux consommateurs eux-mêmes. En effet, afin de permettre le
développement de la diffusion digitale de jeux vidéo, il faut que ces consommateurs aient,
en plus de l’équipement nécessaire, la volonté de consommer au travers de ces nouveaux
modes de distribution.
Comme nous allons le voir, la dématérialisation suppose des changements dans
la façon de consommer du jeu vidéo, aussi bien au niveau de l’achat (achat en ligne)
que du jeu lui-même (évolution des jeux et de leur contenu). Du bon déroulement de ces
changements dépend largement le succès de la distribution digitale : nous allons donc
examiner la situation afin de déterminer si les consommateurs semblent prêts à modifier
leurs habitudes de consommation.
Pour cela, nous allons dans un premier temps examiner le développement du ecommerce en général, ainsi que des canaux de vente en ligne proposant à la vente
les mêmes produits physiques que ceux disponibles en magasin, à l’image de portails
comme Amazon. Le fait de consommer au-travers d’un tel site se situe à mi-chemin
entre consommation classique et consommation dématérialisée, et peut donc constituer
un bon indicateur de tendance dans le « glissement » du consommateur du matériel à
l’immatériel. Dans un second temps, nous nous pencherons ensuite sur les statistiques de
distribution digitale pure (c’est-à-dire où aucun produit physique ne parvient au client) et sur
leur évolution, afin de mesurer le poids actuel de la distribution digitale et son éventuelle
expansion. Enfin, nous examinerons les facteurs psychologiques liés à l’innovation et à son
éventuel succès ou échec.
1 – La vente en ligne en pleine expansion
Pour commencer, nous allons tout d’abord nous intéresser au phénomène qui englobe la
dématérialisation de la diffusion dans le jeu vidéo, à savoir la vente en ligne « BtoC »,
c’est-à-dire mettant en relation professionnel et consommateur. Son évolution rapide et sa
présence de plus en plus marquée dans le paysage commercial montrent qu’elle tend à
prendre une place cruciale dans la consommation d’un nombre important de ménage. Nous
avons cherché à mesurer ce phénomène en nous appuyant sur quelques données chiffrées
relatives aux zones géographiques qui nous intéressent.
24
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
Chiffre d'affaire du e-commerce entre 2002 et 2004 (en milliard de $)
Source : eMarketer
Ces données retraçant l’évolution du chiffre d’affaires généré par la vente en ligne
depuis 2000 nous montrent le développement extrêmement rapide de ce mode de
commerce, avec un chiffre d’affaires en hausse de 663% entre 2000 et 2004 dans le
monde. Les Etats-Unis restent le marché numéro 1 avec 197,4 milliards de dollars de CA
en 2004, mais la plus forte progression est à mettre au crédit de l’Europe avec une hausse
de… 2153,1%. En 2008, selon Forrester Research, le commerce en ligne pèsera 7% du
2
commerce de détail total aux Etats-Unis.
Mais le point le plus surprenant est probablement la faiblesse relative du e-commerce
asiatique qui, bien qu’en progression constante, reste très loin des chiffres européens et
américains avec 38 milliards de dollars en 2004. Ce chiffre est d’autant plus étonnant que
nous avons vu dans la partie précédente le taux de pénétration d’internet dans des pays
phares de la région comme le Japon ou la Corée du Sud. L’Asie affiche donc un profil
différent des deux autres zones géographiques.
2
Etats-Unis : Le marché de l'e-commerce B to C http://www.journaldunet.com/cc/04_ecommerce/ecom_marche_us.shtml
Michon Etienne - 2008
25
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Chiffre d'affaires mondial d'Amazon (en millions de $)
Sources : Jupiter Research, Internet Retailer, Amazon
Ce graphique illustrant l’évolution dans le temps du chiffre d’affaires de l’américain
Amazon (numéro 1 dans l’e-commerce aux Etats-Unis et qui réalisait en 2004 45% de
ses ventes à l’international) permet de souligner l’essor du e-commerce, et la place
prépondérante qu’occupent les produits culturels, jeu vidéo inclus, dans ce développement.
Au départ spécialisé dans les livres, le groupe a ensuite diversifié ses activités vers la
musique, les DVD, mais aussi le jeu vidéo. Le succès de portails de vente de ce type (à
l’image de Best Buy aux Etats-Unis) montre l’évolution des pratiques de consommation et
le crédit accordé par les consommateurs aux cybermarchands.
2 – Le développement du jeu en ligne et de la distribution digitale
Nous avons pu voir que le commerce en ligne était en expansion rapide depuis le début
de la décennie, et le jeu vidéo n’échappe pas à la règle. Mais un tel commerce concerne
toujours des produits « physiques », identiques à ceux disponibles chez les distributeurs
« retail ». Dans cette partie, nous allons examiner le développement des revenus issus du
jeu en ligne et de la vente dématérialisée.
26
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
Revenus mondiaux générés par les jeux en ligne (en milliard de $)
Source : DFC Intelligence
Ce graphique illustre la hausse des revenus issus du jeu en ligne dans le monde
entre 2003 et 2007, avec une hausse de 3,1 milliards de dollars (soit +173,7%). Selon
DFC Intelligence, cette hausse devrait se poursuivre et s’accélérer pour atteindre environ
13 milliards de dollars en 2012 ; alors que PWC anticipe un CA total du jeu vidéo de
49,4 milliards de dollars, le jeu en ligne pourrait donc peser pour plus de 20% des
revenus totaux du secteur à court terme. DFC souligne également que l’essentiel des
revenus 2007 ont été générés par des abonnements et souscriptions, mais que la part de
la distribution en ligne et de la vente d’article virtuels devrait atteindre 40% du total en 2012.
Evolution du marché des jeux multijoueurs dans le monde (en millions de dollars)
Source : Zona, Executive Summary Consulting
Dans la lignée de la hausse des revenus générés par le jeu en ligne, le marché des
jeux multi-joueurs a également connu une croissance importante, représentant en 2006 pas
moins de 2,7 milliards de dollars, dont près de 90% pour les seules régions de l’Asie (47%)
et des Etats-Unis (41%). Au total, entre 2001, les retombées du marché ont été multipliées
par 8, tandis qu’entre les seules années 2004 et 2006 le marché a crû de 133%.
Michon Etienne - 2008
27
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
L’étude du marché des MMOG (Massive Multi-player Online Games, soit jeux en ligne
massivement multi-joueurs) est assez significative du développement du jeu en ligne.
Evolution du nombre d’abonnés actifs à un jeu multi-joueurs en ligne, 1997-2008
(source : mmogchart.com)
Ainsi, ce graphique montre qu’en 2008, on compte environ 16 millions de joueurs actifs
sur des jeux multi-joueurs en ligne. Une partie de ces abonnés le sont en contrepartie d’un
paiement mensuel, conformément au mode de paiement encore majoritaire pour ce type
de jeu à l’heure actuelle (principalement en Europe et aux Etats-Unis, l’Asie tend à évoluer
plus rapidement comme nous aurons l’occasion de l’évoquer). Le leader sur ce marché est
World Of Warcraft, développé par le studio américain Blizzard Entertainment pour Vivendi
Games : avec plus de 10 millions de joueurs au 22 Janvier 2008, il est le de loin le numéro
1 sur le marché avec plus de 60% de parts de marché.
28
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
Evolution du nombre d’abonnés à World of Warcraft entre 2004 et 2008
(source : mmogchart.com)
Ce graphique montre l’évolution du nombre d’abonnés au jeu depuis sa sortie. La
courbe jaune concerne l’Asie, la courbe bleue les Etats-Unis et la courbe violette l’Europe
(la courbe verte porte sur les données mondiales). Il est assez intéressant de voir que
l’on peut tirer des conclusions parallèles à celles faites au sujet des taux de pénétration
du haut débit (voir I-A, « Analyse de l’équipement et des connexions internet : un niveau
technologique global en hausse constante») : l’Asie reste en avance avec un nombre
d’abonnés bien supérieur à l’Europe et aux Etats-Unis ; cependant, les courbes évoluent de
manière semblable, illustrant la possibilité de réaliser un jeu connaissant un succès majeur
sur les trois marchés du jeu vidéo.
3 – La question de l’attitude face à l’innovation
La question de la diffusion digitale dans l’industrie du jeu vidéo est en lien direct avec les
problématiques liées à l’innovation. Nous avons vu dans les parties précédentes qu’à la fois
le contexte technologique et les évolutions observées dans d’autres industries créent des
opportunités de marché dans le jeu vidéo. Toutefois, cela ne garantit en aucun cas le succès
de solutions de diffusion dématérialisées. Nous allons ainsi nous intéresser aux facteurs qui
conditionnent le succès d’une innovation en nous appuyant sur un article de chercheurs de
l’Ecole des Mines et du Centre Sociologique de l’Innovation, Michel Callon, Bruno Latour et
3
Madeleine Akrich. Nous allons notamment utiliser leur théorie en l’appliquant au marché
du jeu vidéo et à la question de la dématérialisation.
Présentation de la thèse des auteurs
3
Akrich, Callon, Latour, « A quoi tient le succès des innovations ? » 1988 – Gérer et comprendre, annales des Mines
Michon Etienne - 2008
29
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
L’apport principal de l’article tient en la distinction faite par ses auteurs entre deux
modèles, deux théories en rapport avec le processus d’innovation et le succès commercial
d’un produit. Tout d’abord, il convient de préciser que, dans la lignée de Joseph Schumpeter,
ils distinguent innovation et invention. Reprenant la définition de Schumpeter, qui définit
4
l’innovation comme la « première transaction commerciale réussie » , ils insistent sur la
nécessaire adéquation de l’innovation avec sa future demande potentielle, point qui semble
élémentaire, mais qui, selon les auteurs, ne l’est pas toujours dans l’esprit des firmes
innovatrices. Ainsi, ils distinguent d’un côté le modèle de la diffusion, et de l’autre le modèle
de l’intéressement : au centre de cette distinction, l’on retrouve la notion de symétrie entre
l’offre et son environnement socio-économique (dont la demande est une composante
majeure), qui conditionne le succès d’une innovation.
Le modèle de la diffusion veut que l’innovation, en s’appuyant sur ses qualités
propres, se diffuse progressivement dans une société par démonstration de sa qualité et
de son utilité. En cas d’échec, celui-ci ne vient pas du produit, mais du fait que la demande
n’est « pas prête » à accueillir un tel produit. Dans le modèle de la diffusion la symétrie n'est
pas complète. Ce qui ne saurait être remis en cause, c'est la technique et les choix auxquels
elle a donné lieu ; l'objet technique est déplacé à l'intérieur d'une société qui constitue un
milieu plus ou moins récepteur. Le problème majeur vient du fait qu’une innovation a plus
de chance d’échouer dans un tel cas, d’autant plus qu’il sera plus difficile de la réadapter
à la demande.
Par opposition, le modèle de l’intéressement se base sur ce que les auteurs appellent
une analyse socio-technique : une solidarité se construit autour du produit et de ses
choix techniques. Une innovation, en général, a un impact sur son environnement :
elle érige des groupes sociaux en alliés, d’autres en adversaires ou en sceptiques. Un
dispositif technique répartit les forces qui vont le soutenir ou résister : il peut être analysé
comme un dispositif d’intéressement. Le modèle de la diffusion suppose une séparation
irrémédiable entre l’innovation et son environnement socio-économique, alors que le
modèle de l'intéressement permet de comprendre comment est adoptée une innovation,
comment elle se déplace, comment elle se répand progressivement pour se transformer
en succès. L'analyse socio-technique souligne que le mouvement d'adoption est en fait un
mouvement d'adaptation. Il faut bien souligner que l’entreprise innovatrice peut et doit jouer
sur cet environnement afin d’optimiser les chances d’adaptation de l’innovation (exemple :
stimuler la demande).
Utilisation dans le cadre de notre sujet d’étude
Cette théorie présente un certain nombre d’intérêts vis-à-vis de notre sujet
d’étude : elle souligne la nécessité pour une innovation d’être adaptée à son environnement.
Dans le cas de la diffusion dématérialisée de jeux vidéo, cet environnement est divisible en
deux éléments distincts, la demande d’un côté, l’environnement socio-technique de l’autre.
La demande : Un achat dématérialisé suppose un comportement de consommation
nouveau lié à une double absence : l’absence d’un bien physique, et l’absence d’un
intermédiaire physique permettant la consommation (magasin, par exemple). Dans une
société habituée à la consommation physique, y compris pour des produits culturels
comme la musique, le cinéma ou le jeu vidéo, la transition n’est pas immédiate. Elle
s’effectue progressivement, au fur et à mesure que les comportements de consommation
4
« D'un côté l'invention, c'est-à-dire les idées, les projets, les plans mais aussi les prototypes et les usines pilotes: en un mot
tout ce qui précède la première et incertaine rencontre avec le client et le jugement qu'il rendra. De l'autre côté, l'innovation proprement
dite, c'est-à dire la première transaction commerciale réussie ou plus généralement la sanction positive de l'utilisateur », P.3
30
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
dématérialisée dont nous avons observé le développement (e-commerce, achat de
musique, jeu en ligne…).
L’environnement socio-technique : Si la distribution n’est plus assurée par un
intermédiaire physique, la vente de produits digitaux est cependant tributaires des moyens
techniques existants que nous avons pu examiner (équipement en PC et consoles,
connexion internet). Le succès de la distribution digitale est donc non seulement dépendant
du niveau global d’équipement, mais aussi stimulé par lui.
Ainsi, nous avons mis en évidence l’importance de facteurs externes dans le succès
de la diffusion dématérialisée de jeux vidéo.
4 – Synthèse
Afin de pouvoir s’affirmer comme une vraie alternative à la diffusion matérielle, la
diffusion digitale de jeux vidéo doit surmonter différents blocages psychologiques (« La
possession rassure » - Pierre Carde), pouvant ralentir l’évolution des habitudes de
consommation. L’examen des tendances de consommation montre que de plus en
plus de consommateurs sont prêts à se passer d’un intermédiaire physique afin
de consommer certains biens, culturels notamment (livres, DVD, jeux vidéo). Ce
glissement suppose une vraie évolution psychologique : historiquement, la consommation
se base en effet sur deux fondements physiques : un vendeur physique (magasin), et
un bien physique (objet). L’évolution des habitudes de consommation est lente et
progressive, et la consommation classique continue à être le standard (en 2008, les
ventes en ligne aux Etats-Unis représentent environ 7% du commerce de détail total), mais
les statistiques montrent une hausse constante de la consommation en ligne, hausse qui
devrait se poursuivre à un rythme soutenu, dessinant un paysage sans cesse plus favorable
à la mise en place de la distribution digitale.
Evolution des habitudes de consommation
Michon Etienne - 2008
31
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
NB : Attention, ce schéma ne signifie pas qu’à terme, toute consommation sera
dématérialisée, mais bien que les comportements de consommation évoluent et intègrent
progressivement des schémas de consommation différents.
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques
de Lyon /!\
C – Mise en perspective : comparaison croisée avec
d’autres industries
Avant de nous pencher dans la partie suivante sur les modalités de mise en place de
la diffusion dématérialisée dans le jeu vidéo, il semble plus qu’intéressant d’examiner le
cas de secteurs présentant des similitudes avec celui du jeu, et également concernés par
la question de la dématérialisation. Ces analyses et comparaisons nous permettront de
dégager des pistes et des enseignements applicables au secteur du jeu sur consoles et
sur PC. Nous nous intéresserons donc à deux secteurs incontournables dans l’industrie
culturelle d’aujourd’hui : la musique et le cinéma. De plus, comme le précisait Pierre
Carde lors de notre entretien, « La dématérialisation dans le jeu vidéo est dans le
prolongement de ce qui se fait dans la musique et le cinéma ».
Nous fonctionnerons donc en deux temps : dans un premier temps, nous examinerons
le cas de l’industrie musicale, l’une des plus avancées en termes de dématérialisation. Dans
un second temps, nous considéreront le cas du cinéma, et constaterons qu’il se retrouve
dans une situation très similaire à celle que connait aujourd’hui l’industrie du jeu vidéo.
1 – L’industrie musicale et la révolution digitale : une transition plus
qu’un recul ?
Le recul de la distribution physique
La tendance majeure dans l’industrie musicale est à un recul de la distribution physique
« classique », soit la vente matérielle de CD en magasins ou au travers de sites internet. A
noter que la production musicale est largement dominée par 4 entreprises majeures
(Universal Music Group, Sony BMG, Warner Music Group, EMI Group) qui totalisaient en
2005 71,6% de parts de marché au niveau mondial (source Nielsen Soundscan). L’IFPI
(International Federation of Phonographic Industry), dans son rapport Recording Industry
in Numbers de 2007 soulignait un recul total du chiffre d’affaire de 5% entre 2005 et 2006
(distribution digitale et physique confondues), ce dernier atteignant 19,6 milliards de dollars.
Le graphique ci-dessous montre bien le recul du chiffre d’affaires de la musique enregistrée,
recul entamé depuis 1999, où le montant total atteignait 25 milliards de dollars.
32
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
Source : IFPI
Cette évolution récente est en grande partie due au recul de la distribution physique,
qui a par exemple vu son chiffre d’affaires reculer de 22,8% entre 2001 et 2005 aux EtatsUnis (voir graphique ci-dessous). En France, selon le SNEP (Syndicat National de l’Edition
Phonographique), la baisse des ventes physiques a atteint 19,2% entre les seules années
2006 et 2007, tandis que le chiffre d’affaires global a reculé de 17,4%, ce qui accrédite la
thèse que le secteur est tiré vers le bas par les ventes physiques.
Une transition vers la consommation digitale qui s’accélère
Source : PWC
Le recul du chiffre d’affaires généré par la distribution physique de musique a été en
partie compensé par la prise d’importance de la distribution digitale. Son poids se développe
d’année en année, et devrait à terme être amené à couvrir les pertes liées à la distribution
physique et à en faire la principale source de revenus du secteur. Ainsi, selon l’étude
«Musique numérique en Europe: évaluation du marché et prévisions» du cabinet Screen
Digest, les revenus générés par la distribution digitale compenseront les pertes du
marché CD dès 2010 en Europe.
Michon Etienne - 2008
33
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Ce mode de consommation, dans le sillage du logiciel iTunes d’Apple (voir sous-partie
suivante), voit sa croissance exploser :
∙
∙
∙
Progression du chiffre d’affaire de 85% au niveau mondial entre 2005 et 2006
Hausse de plus de 100% des ventes de musique en ligne en Europe entre 2005 et
2006 (de 121 à 280 millions d’euros)
Téléchargement de plus de 789 millions de singles en 2006, soit une hausse de 89%
Il convient cependant de nuancer le poids de la distribution digitale par rapport au chiffre
d’affaire global de l’industrie musicale, puisqu’elle représentait en 2006 11% des revenus
totaux. Cette part est amenée à augmenter rapidement, puisqu’elle était de 4% en 2004, et
que PWC prévoit qu’en 2010 en Asie (zone la plus avancée en matière de consommation
digitale), la consommation digitale aura dépassé la consommation physique.
(2001-2005)
Source : PWC
Le développement de ce mode de consommation est soutenu par différents facteurs :
le taux d’équipement grandissant des baladeurs numériques, le développement des
débits internet et du taux de pénétration du haut débit, la place grandissante donnée au
téléchargement de musique sur téléphone mobiles (doublement du CA aux Etats-Unis
entre 2004 et 2006) ou encore les offres de téléchargement de musique offerts par les
fournisseurs d’accès à internet en partenariat avec les majors.
Apple et l’iTunes Store, un rôle de locomotive
Mais pour commencer sa transition vers la distribution digitale, le marché de la musique
enregistrée a eu besoin d’un déclic. Ce déclic est venu d’Apple, qui a lancé en Avril 2003
son iTunes Music Store (maintenant appelé iTunes Store), qui a suivi la sortie du premier
34
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
iPod et du logiciel iTunes en 2001. Ce magasin de musique en ligne est intégré au logiciel de
lecture et de gestion de bibliothèque musicale qu’est iTunes. Il a très rapidement conquis de
plus en plus de parts de marché et a réussi à s’imposer également chez les non-détenteurs
d’iPod ; ( « dans la musique, Appel a été le moteur » - Pierre Carde).
Nombre total de chansons vendues sur
litunes Store dans le monde (en millions de titres)
Source : Apple
Comme le montre ce graphique, les ventes de titres sur l’iTunes store ont été multipliées
par 80 entre Mars 2004 et Janvier 2008, et par 2 en seulement un an entre Janvier 2007
et Janvier 2008. Par conséquent, Apple se place de très loin en tête de distributeurs de
musique dématérialisée au niveau mondial avec 60 à 65% de parts de marché (80% aux
Etats-Unis, 40% en France). Mais un autre chiffre significatif montre la prise d’importance
de la distribution digitale de musique : depuis Avril 2008, iTunes Store est le leader des
ventes de musique aux Etats-Unis, distribution physique et digitale confondue, avec
19% de parts de marché, contre 18% au numéro 2, Wal-Mart. Le marché américain se pose
comme un pionnier en termes de distribution digitale puisque 29% du chiffre d’affaires total
de la musique aux Etats-Unis provient de vente dématérialisée (contre 5% en France).
Enseignements pour l’industrie du jeu vidéo
Plusieurs enseignements sont à tirer de l’examen de la situation de l’industrie musicale.
Nous rassemblerons dans un tableau les conclusions intéressantes ainsi que les points de
divergence :
Michon Etienne - 2008
35
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
2 – Cinéma et jeu vidéo, une situation similaire
L’industrie du cinéma à un tournant
Le cinéma et le jeu vidéo présentent comme point commun majeur le fait
de se retrouver à un tournant, l’ensemble de l’industrie commençant à saisir les
possibilités offertes par la dématérialisation, mais étant en parallèle profondément
liée au business model « historique » du secteur et restant parfois sceptiques quant
aux coûts ou aux profits liés à la diffusion digitale.
Le cœur de l’industrie cinématographique mondiale se situe aux Etats-Unis, étant
donné que le pays possède environ 80% des parts de marché du secteur au niveau mondial.
Si le nombre de spectateurs continue à se porter relativement bien (augmentation du
nombre de films vus par habitant et par an entre 2000 et 2005 en France, Allemagne, Italie,
Angleterre ; légère baisse aux USA et au Japon – source CNC), les films projetés en salle
ne génèrent pas la majeure partie des revenus cinématographiques (9,6 milliards de $ en
2007). L’essentiel des revenus provient en effet de la vente de DVD, qui a généré en 2007
la somme de 23,4 milliards de dollars. Mais leurs ventes ont reculé de 3% aux Etats-Unis
en 2007 et semblent marquer le pas.
L’industrie cherche donc à diversifier ses sources de profit. Si des investissements
importants ont été faits dans d’éventuels successeurs au DVD (le Blu-Ray de Sony semble
ainsi se détacher), il ne semble pas acquis que ce successeur, contrairement à ce qui s’était
passé à la fin de la VHS, soit un support physique. En effet, la question de la distribution
digitale se pose de plus en plus.
Une émergence timide de la distribution digitale
Quelques entreprises se sont lancées dans la distribution de films sous forme digitale,
à l’image de Movieflix, site américain qui propose de télécharger ou de regarder en ligne
des films contre un abonnement mensuel de 9,95$. Mais faute d’un accord avec un major
36
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
de la distribution, il ne propose que des films amateurs ou indépendants. A noter cependant
qu’il réalise des profits.
La distribution digitale dans le cinéma reste très largement marginale : selon
le cabinet Screen Digest, elle a réalisé en 2006 un chiffre d’affaires de 58 millions de
dollars, représentant moins de 5% du total du « home entertainment ». Mais ce même
cabinet anticipe sur un chiffre d’affaires qui atteindrait 1,2 milliards de dollars en 2011. Les
grandes entreprises du secteur ont compris que la diffusion dématérialisée pouvait être une
source d’avantages et de revenus : augmentation des profits, dépassement des limites de
la distribution physique en continuant à vendre les titres plus anciens du catalogue, marge
supérieure…
Les limites au développement de la distribution digitale dans le cinéma
La distribution digitale présente des avantages théoriques intéressants ; mais plusieurs
facteurs peuvent limiter son expansion dans un futur proche. Ces facteurs existent aussi
bien au niveau de l’offre que de la demande :
Au niveau de l’offre
Des facteurs commerciaux : les grandes enseignes de distribution qui assurent la
distribution physique des DVD réalisent des profits significatifs, tout en se servant de ces
produits comme produits d’appel pour attirer leurs clients. Ainsi Wal-Mart assure 40% des
ventes de DVD aux USA. Ces distributeurs seraient court-circuités par une distribution
digitale, et seraient probablement prêts à prendre des mesures afin de répondre à la mise
en place de solutions de distribution digitale par les majors (arrêt de la vente de DVD, ou
de produits associés par exemple).
Des facteurs financiers : les grandes entreprises du secteur hésitent à franchir le pas
de la distribution digitale car cela supposerait l’émergence d’un nouveau business model et
une certaine prise de risque. Hors les risques quotidiens liés au business model actuel du
cinéma restent également élevés. L’échec de la mise en place d’une politique de diffusion
dématérialisée pourrait mettre en danger l’entreprise concernée.
Au niveau de la demande
Des facteurs ergonomiques : alors que les ventes d’écrans plats ou haute définition
(HD) et d’installations de type home cinema progressent, le téléchargement d’un film
via internet oblige l’utilisateur à le visionner sur un ordinateur, au prix d’un confort et
d’une qualité inférieurs. Se pose donc la question de l’interopérabilité entre télévision et
ordinateur ; elle reste actuellement limitée, mais des solutions comme des télévisions
connectées à internet (à l’image de l’Apple TV) pourraient constituer une solution.
Cependant, le temps que ces produits soient mis en vente et s’imposent (d’autant plus que
le parc est assez largement renouvelé actuellement, comme nous l’avons précisé), il semble
raisonnable d’envisager un laps de temps de 4 à 6 ans.
Des facteurs techniques : regarder ou télécharger un film par internet demande du
temps ou une connexion internet rapide. La mise en place de solutions de distribution digitale
dépend donc également du niveau d’équipement des consommateurs. De plus, la question
des formats pose problème (il n’existe pas d’unité, tout comme dans la musique).
Enseignements pour l’industrie du jeu vidéo
L’étude de l’industrie du cinéma présente plusieurs intérêts afin de mieux appréhender
la distribution digitale dans le jeu vidéo. Tout d’abord, ce sont deux marchés qui présentent
certains points communs : ils font partie du marché de l’entertainment (divertissement),
Michon Etienne - 2008
37
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
s’adressent à un public large, font intervenir un fort contenu artistique, présentent plusieurs
similitudes en termes de business model (rôle-clé de la production-financement), produisent
une part significative de produits destinés à l’international… D’autant plus que les ponts
entre les deux industries n’ont jamais été aussi nombreux : adaptation à l’écran de jeux
vidéos (et vice-versa), consoles pensées comme des centres multimédias (la PS3 de Sony
intègre un lecteur de films Blu-Ray, tandis que la Xbox-360 est dotée d’un lecteur HD-DVD).
De plus, les points communs ne s’arrêtent pas à la structure de chaque industrie ;
on peut en effet constater que le jeu vidéo comme le cinéma se retrouvent dans une
position très proche face aux nouveaux enjeux et aux nouvelles questions liées à la
dématérialisation :
∙
∙
∙
∙
La remise en cause progressive d’un business model classique et historique
Une indécision des acteurs majeurs à franchir le pas digital
Une dépendance importante vis-à-vis de la distribution physique (en dépit de ses
limites) laissant craindre des mesures de rétorsion
Une prise d’initiative restant pour l’instant l’apanage de petites structures
indépendantes
Comme nous avons procédé dans le cas de l’industrie musicale, nous rassemblerons dans
un tableau les principales leçons à retenir ainsi que les points de divergence (dont certains
sont communs avec l’industrie musicale) :
Synthèse de la première partie
38
Michon Etienne - 2008
I – La demande : les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un
paysage favorable à l’émergence de solutions dématérialisées
Cette première partie nous aura donc permis de mettre en valeur les différents
déterminants jouant en faveur du développement de la distribution digitale du côté de
la demande. Cependant, il faut souligner que des résistances existent toujours, au niveau
technique (retard en termes de débit pour les Etats-Unis, voire l’Europe) comme au niveau
psychologique, et que ces évolutions ne pourront se faire qu’avec le temps : la distribution
physique reste encore la norme sur bien des marchés.
Mais comme nous l’avons souligné en introduction, la distribution physique sur le
marché du jeu vidéo est porteuse de limites qui génèrent de plus en plus d’insatisfaction
dans l’industrie. Or l’émergence de nouvelles possibilités technologiques a permis le
développement progressif d’une alternative à la distribution physique : la distribution digitale.
Ainsi, dans notre seconde partie, nous allons examiner en quoi cette distribution a un impact
grandissant sur l’offre de jeu vidéo, et ce à plusieurs niveaux.
Michon Etienne - 2008
39
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
II – L’offre : une évolution à la fois dans
la forme et le contenu
Dans notre première partie, nous avons donc pu dresser un portrait de l’environnement
socio-économique dans lequel se déploierait la diffusion dématérialisée : les études que
nous avons menées montrent un paysage de plus en plus favorable à son émergence, aussi
bien au niveau de l’équipement technologique que des comportements de consommation.
De plus, les perspectives tendent à mettre en lumière un renforcement de ces deux
tendances. Ainsi, la mise en place de la distribution digitale a déjà commencé, sous
certaines formes particulières et sous l’impulsion d’acteurs qui ne sont pas les poids lourds
du marché. Mais les transformations ne concernent pas uniquement la distribution seule.
L’ensemble de l’industrie du jeu évolue avec elle, et notamment le contenu de l’offre : la
dématérialisation offre de nouvelles possibilités qui n’étaient auparavant pas permises par
la distribution classique. Cette nouvelle offre, comme nous le verrons, génère une nouvelle
demande.
Dans cette seconde partie, nous allons donc chercher à examiner les premiers
éléments de mise en place d’une distribution digitale et ses conséquences. Dans un premier
temps, nous examinerons en quoi la diffusion digitale tend à faire évoluer l’offre, avec
l’apparition de nouveaux types de jeu et de nouveaux modèles. Dans un second temps,
nous verrons en quoi ces nouvelles formes de jeu génèrent des possibilités de facturation
différentes qui vont créer de nouvelles possibilités pour les acteurs du secteur. Enfin, notre
troisième temps sera consacré aux évolutions de la relation entre client et fournisseur qui
découlent de la diffusion digitale.
A – Une nouvelle offre : l’apparition de nouveaux
types de jeux et de modes de distribution novateurs
A l’heure actuelle, la distribution matérielle classique (« retail ») reste la norme dans
l’industrie du jeu vidéo. Mais la distribution digitale tend à prendre une place de plus en
plus importante, au travers de marchés parallèles différents du jeu classique vendu par les
distributeurs sur PC ou console.
A ce titre, une idée globalement répandue tend à voir le marché des jeux sur PC comme
un marché en crise, en raison de facteurs aussi divers que la complexité technique ou le
5
piratage. Mais cette idée est fausse. En effet, si les ventes matérielles (« retail ») de jeu
PC sont en recul (-14% en valeur aux Etats-Unis entre 2004 et 2005 selon NPD Group),
les chiffres de ventes ne comptabilisent pas les revenus générés par la vente en ligne et
les abonnements ! Or leurs ventes se développent rapidement et permettent au marché
5
http://www.lexpansion.com/economie/actualite-high-tech/le-jeu-sur-pc-est-il-en-danger-de-mort_144812.html - Article de
l’Expansion.com du 22 Février 2008, « Le jeu PC est-il en danger de mort ? »
40
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
du jeu sur PC de rester très dynamique (Pierre Carde – « Le marché du jeu PC est très
dynamique si on prend en compte les nouvelles formes de jeu »).
La mise en place progressive de la distribution dématérialisée ouvre ainsi de nouvelles
perspectives, et joue à différents niveaux sur le contenu de l’offre. Cette distribution s’appuie
sur de nouvelles possibilités techniques. La première conséquence est l’émergence des
casual games, presque intégralement distribués digitalement. La seconde conséquence est
le développement du jeu en ligne et communautaire. Mais nous verrons également que la
diffusion digitale existe aussi dans le cas des jeux classiques et se déploie au travers de
modes de distribution novateurs.
1 – Une nouvelle offre qui s’appuie sur le développement de nouvelles
possibilités techniques
La diffusion dématérialisée s’appuie sur de nouvelles technologies offertes aux acteurs du
marché pour diffuser leurs produits. Elles laissent imaginer de nouvelles possibilités de jeu
et simplifient la distribution digitale.
Ainsi, il n’est plus obligatoire de fournir le jeu au client en téléchargement « simple » (il
télécharge le programme sur son ordinateur et l’exécute). On voit émerger actuellement de
plus en plus de jeux utilisant des serveurs distants pour fournir le contenu du jeu au client
via un flux d’information (technologie dite du streaming : « Procédé qui crée une mémoire
tampon afin de lire sons et vidéos sans à-coups. On parle de streaming audio ou vidéo.
Lecture d'un fichier son ou vidéo en même temps qu'il se télécharge depuis un serveur.
Idéal pour diffuser des infos en direct ») à l’image, comme nous le verrons, du site Metaboli
et de son offre « game on demand ». Ce procédé nécessite une connexion permanente à
internet, mais permet de jouer quasiment immédiatement, contrairement au téléchargement.
Il permet au fournisseur du jeu de procéder à des vérifications régulières de droits pour
éviter le piratage. Les autres technologies qui ouvrent de nouveaux horizons aux joueurs
et développeurs sont celles qui permettent de jouer directement via un navigateur internet :
on pensera par exemple à la technologie Flash développée par Adobe, sous la forme d’un
logiciel multimédia utilisé pour créer du contenu en ligne tel qu’une application Internet, des
jeux ou vidéos.
Par conséquent, la technologie peut constituer un atout important afin de fournir un
jeu plus facile à créer, plus beau ou moins coûteux (« la technologie crée l’avantage
concurrentiel » - Salima Bessarhaoui). La diffusion digitale peut donc justifier des efforts
supérieurs en termes de recherche et développement ; il est aussi possible d’utiliser des
technologies externes. Il s’agit là d’un arbitrage à effectuer.
2 – Les casual games, précurseurs dans le domaine de la distribution
digitale
Pour formuler une définition d’un casual game, il faut d’abord préciser ce qu’ils ne sont pas :
ils se définissent presque par opposition complète à la majorité des jeux « classiques »,
appelés « hardcore games ». Disponibles sur console et PC, ils demandent une implication
en termes de temps, présentent une profondeur supérieure et un certain degré de
complexité. Ils sont donc plus difficiles d’accès que les casual games et se réservent
majoritairement à un public habitué aux jeux vidéo. Cela ne constitue cependant pas un
Michon Etienne - 2008
41
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
obstacle à leur succès étant donné que la majorité des meilleures ventes dans l’industrie
vidéoludique de ces dernières années sont des jeux de cette catégorie.
Par opposition, un casual game affiche des caractéristiques différentes : simplicité
d’accès, prise en main rapide et instinctive ne demandant pas de connaissances préalables
dans les jeux vidéo, session de jeu rapides (quelques minutes). La majorité de ces jeux se
joue sur PC et non sur console, à l’aide d’une souris et parfois également d’un clavier. Cela
simplifie grandement la prise en main car les non-initiés se montrent souvent rebutés par
l’utilisation d’une manette de jeu ; à l’opposé, chacun est habitué à l’utilisation d’une souris
et d’un clavier. Un casual game se joue directement sur internet au travers d’un navigateur
er
classique (internet explorer, firefox…) ou après installation. Historiquement, le 1 casual
game est le célèbre Tetris , sorti en 1989, mais ces jeux concernent de nombreux genres
(arcade, action, plate-forme, réflexion, adresse, observation, puzzle, jeux de cartes et de
société…) ; à noter que le terme anglais casual signifie « décontracté ».
Zuma, un exemple de casual game dont nous aurons l’occasion de reparler
(source : techshout.com)
Un faible coût de production
En termes de conception, ces jeux coûtent significativement moins cher que des
jeux classiques sur PC ou consoles : la moyenne s’élève à 100 000€ selon K.Thor
Jensen (producteur associé chez Gamelab), mais certains projets plus poussés peuvent
6
revenir à quelques centaines de milliers d’euros. De plus, le temps de développement est
6
http://gigaom.com/2008/05/02/casual-games-the-bottom-line/ Article de K. Thor Jensen “The Truth about the Biz of Casual
Games”
42
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
inférieur puisque ces jeux ne nécessitent pas plus de 8 à 12 mois de développement. Par
conséquent, ils constituent une prise de risque moindre et sont plus facilement rentables (le
seuil de rentabilité s’en retrouve automatiquement abaissé).
De nouveaux comportements ludiques
Contrairement aux jeux classiques sur consoles ou PC qui se jouent à domicile, le
casual game, en raison de sa simplicité et de la rapidité des séquences de jeu, permet
d’ouvrir de nouvelles perspectives. Ainsi, dans son étude intitulée « Electronic Gaming in
the Digital Home II », le cabinet américain Parks Associates, en interrogeant des joueurs
possédant un ordinateur portable, a obtenu les réponses suivantes :
∙
21% d’entre eux jouent à un casual game au travail ou sur leur lieu d’étude (contre
13% dans le cas de jeux classiques)
∙
15% d’entre eux jouent à un casual game dans les transports en commun (contre 7%
dans le cas de jeux classiques)
Ces jeux permettent donc de jouer au travail (utilisation rapide pendant une plage de repos
ou pour décompresser) ou de manière nomade. Concernant le jeu nomade, l’essentiel
provient du jeu sur mobile, très largement orienté vers les casual games.
Une diffusion essentiellement dématérialisée
Le développement des casual games nous intéresse d’autant plus que la grande
majorité d’entre eux ne sont pas disponibles en vente retail : leur distribution se fait de
manière dématérialisée. Le joueur joue soit directement sur internet via son navigateur
(sur le site du développeur, sur son portail de jeu ou sur un portail rassemblant de nombreux
jeux casual à l’image de yahoo games) ou après avoir téléchargé le jeu qu’il installe sur son
ordinateur. Concernant les jeux sur téléphone portable, leur diffusion est également digitale :
il est possible de se les procurer via le portail de l’opérateur mobile ou par l’intermédiaire
d’un site dédié. En effet, de par sa nature même, le jeu casual présente peu d’intérêt à
être proposé au travers des canaux de vente classiques et matériels (gratuité ou prix bas,
accessibilité immédiate via internet). De surcroît, il lui est possible d’obtenir une visibilité
sur internet pour un coût modique. Le jeu casual a émergé parce qu’internet lui offrait
de nouvelles perspectives de distribution. Un tel développement n’aurait pas été
imaginable ne serait-ce qu’au début des années 2000. Les jeux casual bénéficient du
développement de l’environnement technologique avec l’équipement en micro-ordinateurs
et la démocratisation de l’accès internet à haut débit que nous avons détaillé dans notre
première partie.
Michon Etienne - 2008
43
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Schéma de distribution d’un casual game
NB : Ces jeux ne sont pas toujours payants, et il existe de nombreuses possibilités : jeux
payants, jeux proposant un essai gratuit puis un achat, mais également jeux gratuits, parfois
financés par la publicité (advergames). Nous détaillerons les politiques de facturation par
la suite, dans notre seconde sous-partie.
Conséquences : la conquête de nouveaux joueurs
L’un des effets principaux des casual games, de part leur facilité d’accès et leur
simplicité, est qu’ils vont aller séduire de nouveaux joueurs auparavant rebutés par la
complexité des jeux vidéo. Une étude menée par Boonty, l’un des principaux sites proposant
7
des casual games, a mis en évidence plusieurs caractéristiques de ce nouveau public :
Il est bien plus féminin que le public classique (70% des joueurs de casual games
sont des femmes de 20 à 45 ans)
Il est plus âgé : alors que le public historique dans le jeu vidéo est un homme entre 15
et 35 ans, ce nouveau public est à 63% composé d’individus de plus de 35 ans.
Ainsi, comme le soulignait Pierre Carde lors de notre entretien, « le nouveau joueur,
c’est une femme qui a 40 ans ». Ces chiffres reflètent une tendance globale à la
démocratisation et à la « casualisation » des jeux vidéo, qui se manifeste aussi bien au
niveau des casual games sur PC que de la Wii (succès de jeux simples ou de Wii Fit, qui
propose des exercices physiques) ou de la console portable (la Nintendo DS propose des
jeux comme Programme d'entraînement cérébral du Dr Kawashima : Quel âge a votre
cerveau ? avec des mini-jeux de logique, de calcul…).
Un secteur qui croît rapidement
7
http://www.01net.com/editorial/314431/les-jeux-video-pechent-leurs-nouveaux-joueurs-en-ligne/?rss – “Les jeux vidéo
pêchent leurs nouveaux joueurs en ligne »
44
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Leur diffusion dématérialisée n’empêche pas la rapide croissance du marché, au
contraire. Il a ainsi généré en 2007 2,5 milliards de dollars, attirant de nouveaux acteurs,
souvent majeurs. Myspace a annoncé sa volonté de lancer un site de jeu courant 2008. Le
développement rapide d’entreprises du secteur comme BigFish a attiré des capitauxrisqueurs prêts à investir dans des développeurs de casual games, à l’image de PlayFirst :
basée à San Francisco, cette entreprise qui a notamment lancé le best seller Diner Dash
proposant de gérer un restaurant (et téléchargé à plus de 200 millions d’exemplaires), a reçu
en 2007 le soutien de capitaux-risqueurs comme Mayfield Fund, Trinity Ventures and Rustic
Canyon Partners. Ils sont encouragés par la croissance rapide du secteur et l’éventualité
à terme d’une introduction en bourse.
Le risque majeur : saturation du marché par l’offre
Le marché des casual games étant en forte croissance, il attire de nouveaux acteurs,
créés de toutes pièces ou en provenance d’autres secteurs et choisissant de se diversifier
(Exemple de Myspace cité plus haut). A terme, le risque de saturation de l’offre est réel,
d’autant plus que ces entreprises se battent pour communiquer au travers des mêmes
canaux (bandeaux sur les sites de jeu par exemple). Le résultat serait un ajustement
automatique de l’offre avec la disparition des entreprises les moins compétitives. Autre
facteur de déstabilisation du marché, la fragilité de l’avantage compétitif : en effet, les temps
de développement sont relativement faibles (1 an au maximum), il est donc aisé de copier
un principe novateur.
Le marché des casual games est donc très intéressant à étudier. Il est à l’heure
actuelle l’un des plus avancés en matière de dématérialisation, et constitue une bonne
démonstration des capacités de la diffusion digitale. Le développement de l’environnement
technologique a permis l’émergence de nouveaux jeux distribués quasi-uniquement par
l’intermédiaire d’internet. Il faut cependant noter que ce marché présente des risques,
notamment de saturation à moyen terme. Mais le développement d’internet et de la
distribution digitale ne jouent pas que dans le sens d’un type de jeu : ils influencent
également le contenu des jeux en les tournant vers le multi-joueurs et en renforçant leur
aspect communautaire.
3 – Le développement du jeu multi-joueurs en ligne et l’émergence de
jeux à caractère communautaire : vers le « divertissement circulaire »
Le jeu solo en recul face à l’essor du jeu en ligne
Ici également, une rapide rétrospective s’impose comme le point de départ de notre
réflexion. Il faut bien savoir qu’historiquement, un jeu vidéo sorti sur les précédentes
générations de console et de PC était conçu pour être joué chez soi, seul ou avec
des amis. Depuis quelques années cependant, avec la démocratisation d’internet, on a
pu voir apparaitre de plus en plus de jeux proposant des fonctions en ligne. Mais les
premières tentatives se sont heurtées aux limites techniques de l’époque (accès internet
majoritairement analogique), à l’image de Phantasy Star Online (que nous avons cité en
I) sorti en 2000. Mais le développement du haut débit a ouvert de nombreuses possibilités
techniques, et nous avons pu observer en I-B la hausse constante du nombre d’abonnés
à des jeux multi-joueurs.
La plupart de ces jeux multi-joueurs proposent plus que de simples affrontements
ou défis entre joueurs : leur attrait principal est leur dimension communautaire. Le
Petit Robert définit une communauté comme un « groupe social dont les membres vivent
Michon Etienne - 2008
45
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
ensemble, ou ont des biens, des intérêts communs ». Dans l’industrie, ces jeux prennent la
forme de mondes persistants où les joueurs interagissent entre eux, rejoignent des groupes,
forment des alliances pour accomplir des tâches ou commercent. La communication est
facilitée par différents outils comme des forums, des chats. La dimension communautaire
est aujourd’hui incontournable sur internet (voir Myspace ou Facebook).
Les manifestations les plus spectaculaires de ces jeux communautaires sont Second
Life (qui va au-delà d’un simple jeu - 13 millions d’utilisateurs enregistrés en Mars 2008,
une partie d’entre eux étant inactifs) et World of Warcraft (10 millions d’utilisateurs actifs
e
et payants en Janvier 2008, ce qui en ferait virtuellement le 93 pays le plus peuplé au
monde). De plus en plus de services complémentaires à ces jeux émergent, notamment sur
téléphone portable, permettant au joueur de rester en contact avec sa communauté.
Second Life intègre en permanence une fenêtre de chat
(sur la gauche) permettant la communication entre joueurs
(source : feedingedge.co.uk)
Une étude intitulée « Un coup d’œil au prochain épisode » menée par Nokia et publiée
en Décembre 2007 prévoit que 25% du divertissement en 2012 sera communautaire.
L’entreprise utilise ainsi le terme de « divertissement circulaire » pour décrire le fait que
« les gens ont une volonté non pas uniquement de créer mais de partager leur propre
contenu, de le personnaliser ou encore de le propager auprès de leur liste d'amis - une
sortie de média social collaboratif », précise Mark Selby, le vice-président de la division
multimédia de Nokia.
Une distribution majoritairement digitale
46
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
L’offre actuelle en termes de jeu communautaire, montre que si partie d’entre eux reste
distribuée par les canaux classiques « retail » (les plus grosses productions du secteur, qui
sont également les plus chères à produire et qui nécessitent un achat puis un abonnement),
la majorité est aujourd’hui distribuée de façon digitale. Ces jeux sont moins évolués
techniquement (donc moins chers à produire) ; leurs producteurs doivent donc trouver
un moyen de combler ces différences technologiques afin de maintenir l’attractivité du
produit, puisque l’aspect joue énormément dans la décision d’achat d’un jeu. Les solutions
retenues sont par exemple des graphismes poussés en 2 dimensions ou de type cartoon ;
en parallèle, ils proposent une complexité et une immersion semblable aux blockbusters du
marché. Leur promotion est essentiellement assurée par de la publicité via internet, moins
coûteuse qu’une communication par des canaux classiques (journaux, télévision, etc.), et
renforcée par l’aspect viral d’un tel jeu communautaire ; « Le marketing en ligne est bien
moins cher qu’un spot TV ou qu’une pub dans un journal. De plus, l’aspect viral joue
énormément sur internet, à l’image de Facebook, qui n’a jamais fait de publicité » Clément Galiay.
La facturation de ces jeux dépend du choix du diffuseur, on trouve des possibilités
variées que nous aurons l’occasion d’étudier en II-B :
∙
Vente simple du produit en téléchargement
∙
Jeu gratuit avec un système de micro-achats
∙
Jeu avec une partie de l’univers accessible gratuitement ; le reste nécessite de
s’acquitter d’un abonnement ou d’acheter le jeu
∙
Jeu par épisodes
∙
Jeu gratuit financé par la publicité
Michon Etienne - 2008
47
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Un exemple de jeu communautaire plébiscité : DOFUS
DOFUS est un jeu de rôle multi-joueurs qui utilise des graphismes 2D et un aspect
cartoon : il reste visuellement attractif tandis que son coût de développement est bien
inférieur à celui d’un blockbuster en 3D (Source : www.dofus.com/fr)
DOFUS , développé par la société française Ankama Games, est un jeu de rôle se
déployant dans un univers médiéval-fantastique. Il propose au joueur de se construire
un personnage et de le faire évoluer au fur et à mesure de quêtes et d’aventures.
Le jeu comporte une importante dimension communautaire : un joueur peut affronter
d’autres adversaires humain, rejoindre ou fonder des guildes, communiquer avec les autres
joueurs… Une zone du monde de DOFUS est accessible gratuitement ; l’accès au
reste de l’univers et à l’ensemble des possibilités du jeu nécessite de s’acquitter d’un
abonnement mensuel de 5€. Le jeu est disponible en français, anglais, espagnol, allemand,
portugais… Le jeu est jouable sur n’importe quel ordinateur équipé d’un accès internet
puisqu’il ne nécessite aucune installation et se joue par l’intermédiaire d’un navigateur
internet, en s’appuyant sur la technologie Flash. Sorti en 2004, DOFUS compte 4 millions
d’utilisateurs dont 30% souscrivant à un abonnement payant.
La dimension sociale et communautaire est primordiale dans DOFUS , comme
l’explique Thomas Bahon, chargé des relations publiques chez Ankama Games dans une
8
interview accordée au site Gamedev : « DOFUS se différencie des autres jeux de rôle
8
48
http://www.gamedev.net/columns/interviews/ankama.asp
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
par l’importance qu’il accorde aux interactions économiques et sociales entre les membres
de la communauté. Tout a été fait pour promouvoir les relations et l’entraide au sein de
la communauté (guildes, jeux en groupes, interactions entre les professions, quêtes en
groupe). Un joueur qui décide de jouer seul ne se développera pas aussi facilement et aussi
rapidement qu’un joueur qui décide de faire partie d’un groupe ». Il précise également que
la technologie choisie l’a été pour deux raisons principales : son faible coût et sa simplicité.
DOFUS est directement auto-distribué par le développeur, Ankama, par l’intermédiaire
du site dofus.com. Le jeu n’est disponible sur aucun autre site de jeu.
Le développement d’internet et sa démocratisation ont donc ouvert la voie à
une évolution importante de l’offre de jeu vidéo : on observe que de plus en plus de
jeux en ligne sont disponibles. La majeure partie de ces produits intègre une importante
dimension communautaire et permet au joueur de communiquer avec d’autres joueurs,
de faire partie de groupes… Ils sont très souvent distribués de manière digitale avec une
facturation différente de celle d’un jeu classique ; en outre, leur coût inférieur en termes de
développement mais également de promotion les rend plus rapidement rentables.
4 – La distribution dématérialisée de jeux classiques : un
développement progressif et un rôle encore marginal
La distribution digitale existe aussi dans le cas des jeux classiques. Il faut bien penser
qu’au moment de leur développement, ces jeux sont pensés pour être distribués par les
canaux retail traditionnels. Les contraintes techniques liées à la diffusion digitale ne sont
donc pas prises en compte, contrairement à un jeu destiné à être diffusé sur internet (à
l’image de DOFUS évoqué plus haut). Ces jeux occupent souvent un espace important
sur un ordinateur ou une console ; ils sont donc longs à télécharger.
Mais des solutions existent, d’autant que le haut débit se développe et ouvre de
nouvelles perspectives. Nous allons voir que l’essentiel de ces solutions proviennent
d’entreprises qui proposent une plateforme centralisant les jeux de plusieurs éditeurs ;
mais d’autres acteurs du marché diffusent également directement leurs jeux. Nous allons
examiner les exemples les plus pertinents et analyser la portée d’un phénomène qui, s’il
reste pour le moment marginal en termes de vente, a des implications intéressantes pour
le présent comme pour le futur.
La mise en place de plateformes de distribution par des acteurs indépendants :
l’exemple de Metaboli
Depuis quelques années, le marché a vu se créer des plateformes de distribution
digitale de jeux « classiques » sur internet. L’objectif de ces plateformes est de proposer
au client d’obtenir sur internet les mêmes produits que ceux disponibles en magasins.
Nous allons étudier la mise en place de ces solutions au travers de l’étude du numéro 1
européen, le français Metaboli. Entreprise fondée en 2001, elle a lancé sa première offre
de téléchargement en 2003 en France avant d’étendre son offre au Royaume-Uni (2005),
en Allemagne et en Italie (2006).
Metaboli propose deux offres qui sont en fait les deux types d’offres existant
actuellement pour qui souhaite acheter en ligne un jeu « classique » : l’une est la
transposition à internet d’un achat de jeu vidéo chez un distributeur physique, tandis que
l’autre offre plus novatrice nous intéressera tout particulièrement.
Michon Etienne - 2008
49
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
L’offre « Buy & Download » (acheter et télécharger) a été lancée par Métaboli en
9
2006 au travers de son site Games Planet . Elle propose au joueur l’accès à un catalogue
de jeux ; une fois l’achat effectué, le consommateur télécharge le jeu sur son ordinateur
et l’installe. La finalité est la même que pour un achat en magasin (le prix est le même).
L’explication de cette politique de prix, selon Anthony Macaré, Head of Publishing chez
10
Metaboli, est simple : « Metaboli ne peut pas se permettre d’avoir une politique de prix
différente de celle du retail. Il pèse trop lourd. » Cette position est logique et soutenable :
d’une part, Metaboli passe des contrats avec les éditeurs qui n’apprécieraient pas que le
site propose un prix inférieur au prix public ; d’autre part, cette offre ne constitue pas, comme
nous allons le voir, le cœur de l’offre de Metaboli.
Le site de vente par téléchargement Gamesplanet
(source : gamesplanet.com)
Le site se présente comme un catalogue en ligne de jeux classant les produits par
genre. L’acte d’achat est unique, le client est ensuite possesseur du jeu sous forme digitale
et non physique (pas de boîte ou de CD).
Nous allons maintenant examiner la seconde offre, particulièrement novatrice et
intéressante.
L’offre « Games on Demand » (jeux à la demande ou GOD) : l’utilisateur s’acquitte
d’un abonnement mensuel qui lui donne accès de manière illimitée à un catalogue de jeux.
Deux abonnements sont proposés : l’un à 9,9€ par mois donnant accès à une partie du
catalogue (jeux moins récents soit 249 jeux), l’autre à 19,9€ par mois donnant accès à
l’intégralité du catalogue (soit 281 jeux et les nouveautés, puisqu’un nouveau jeu est ajouté
chaque semaine).
9
10
50
http://www.gamesplanet.com/FR/
Point de vue exprimé lors de l’Atelier Dématérialisation organisé par Lyon Game le 17 Avril 2008
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Cette offre n’existait pas avant le lancement de Metaboli ; elle est d’autant plus novatrice
que, contrairement à l’offre « buy and download », l’utilisateur ne télécharge pas le jeu :
les données sont transmises depuis les serveurs de Metaboli au travers d’un flux constant
de données (ou streaming). Le joueur doit donc être connecté à internet en permanence
pour pouvoir jouer (sous peine d’interrompre le flux de données), tandis que son identité est
régulièrement vérifiée automatiquement pour éviter le piratage. L’ensemble est donc très
sûr.
Une telle offre nécessite deux éléments : d’un part une technologie adaptée, soit
du côté du client, un accès internet à haut débit, et du côté du vendeur, des serveurs
performants et une technologie de transmission avancée (Metaboli utilise une technologie
appelée ISR Exent et fournie par une société israélienne). D’autre part un catalogue
conséquent : Metaboli compte parmi ses partenaires plusieurs éditeurs majeurs comme
Ubisoft, Eidos, Atari, Vivendi Games, THQ, etc. Cependant, l’offre de Metaboli reste orientée
vers les blockbusters et les jeux édités par les plus gros acteurs du secteur. Les jeux
indépendants publiés par de petits studios y sont peu nombreux, essentiellement en raison
du positionnement de la plateforme (« Metaboli reste orienté grand public et donc axé
sur les licences et gros jeux. De plus, il faut que le marketing suive : les petits produits
ne seraient pas très visibles dans notre catalogue » selon Anthony Macaré.)
Pour assurer une distribution la plus large possible, Metaboli utilise deux canaux de
distribution :
Son propre site
Des partenariats avec différents distributeurs en ligne : des fournisseurs d’accès
à internet (Orange, AOL, Free, Club Internet…), des vendeurs en ligne (Fnac, Surcouf,
Pixmania), des sites de jeu (Gamekult, Clubic). Ces partenaires sous-traitent leur offre de
distribution en ligne à Metaboli en échange d’une marge sur la vente.
Metaboli compte 100 000 abonnés répartis sur les 4 pays européens (la France
en rassemble la majorité) où son offre est présente (contre 25000 fin 2005), avec en
moyenne une durée d’abonnement de 10 mois. Le modèle est rentable et attire même des
investisseurs : ainsi, fin 2005, Metaboli a levé 6 millions d’euros par l’intermédiaire de l’entrée
11
dans son capital de 3 investisseurs, Intel Capital, Innovacom et Alven Capital.
Ce type d’offre se retrouve chez d’autres acteurs majeurs du secteur comme
l’américain Direct2Drive, au fonctionnement très semblable à l’offre « buy and download »
de Metaboli. En parallèle, il propose le téléchargement de films, de mangas…
La mise en place de solutions de distribution digitale par des acteurs historiques du
marché
Comme nous venons de le voir, des acteurs nouveaux se sont positionnés sur le
créneau de la distribution digitale de jeux vidéo, mais certains acteurs « historiques » du
marché (développeurs, éditeurs) proposent eux aussi des solutions plus ou moins avancées
et développées afin d’assurer la vente dématérialisée de jeux « classiques ».
Pour ce qui est des développeurs, l’exemple le plus symbolique est celui de la
plateforme Steam proposée par Valve Software. Ce studio de développement américain
a réalisé deux des plus gros succès du jeu vidéo ces dernières années, Half-Life et HalfLife 2 (15 millions de ventes en tout) ; en 2003, il décide de créer une plateforme qui
centralisera à la fois les fonctionnalités multi-joueurs de ses jeux, les mises à jour et
extensions, et l’achat direct des jeux développés par le studio. Devant le succès rencontré
11
http://www.afjv.com/press0512/051208_distribution_dematerialisee_metaboli.htm
Michon Etienne - 2008
51
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
par la plateforme, et en s’appuyant notamment sur la faiblesse des coûts de distribution,
Valve a proposé à d’autres éditeurs d’utiliser Steam pour diffuser digitalement leurs jeux
en contrepartie d’un intéressement. Ainsi, la plateforme s’est progressivement développée
et a attiré de plus en plus de développeurs et d’éditeurs à l’utiliser pour distribuer leurs
jeux. Attention, Steam reste pour ces entreprises une alternative intéressante et n’est pas
le seul vecteur de diffusion de leurs jeux (ou même le vecteur majoritaire). En Février 2008,
Steam offrait un catalogue de plus de 250 jeux et comptait plus de 15 millions de
comptes. Les principaux éditeurs diffusant une partie de leurs jeux via Steam sont Ubisoft,
Take-Two Interactive, Eidos Interactive ou encore THQ. Parmi les développeurs, on compte
Id Software ou Epic Games. A ce titre, lors de l’accord de distribution passé entre Steam
et Epic Games en Mas 2008, Jay Wilbur, Vice-Président d’Epic, a déclaré : « Steam est
une technologie révolutionnaire qui nous ouvre une nouvelle façon de mettre nos jeux entre
les mains de millions de joueurs PC à travers le monde. Valve a changé le visage de la
12
distribution digitale pour les développeurs, les éditeurs et les consommateurs ».
Autre avantage de Steam, il permet de diffuser des jeux à plus faible budget,
réalisés par des éditeurs indépendants ou de petites équipes de studios majeurs,
qui n’auraient pas été rentables en distribution physique, à l’image de Portal, jeu au départ
commercialisé sur Steam et qui a généré un tel engouement qu’il a par la suite été distribué
par les canaux classiques.
Une capture d’écran du portail Steam
(source : www.steam.com)
Les données chiffrées sur les ventes de Steam sont malheureusement indisponibles :
il aurait été intéressant de voir l’évolution de ses ventes comparées aux ventes en magasin.
Cependant, le 30 Mai 2008, le Président de Steam Gabe Newell a fait une annonce qui
restera sûrement comme l’un des tournants de cette année 2008 dans l’industrie : les
ventes sur Steam des produits Valve vont bientôt dépasser leurs ventes physiques.
Si aucune date précise n’a été donnée, cette annonce pourrait avoir un effet d’entrainement
13
sur des acteurs de l’industrie qui hésitaient encore à se lancer dans la distribution digitale.
Newell a également affirmé que la croissance des ventes physiques des produits
12
13
52
http://www.gamesindustry.biz/articles/epics-unreal-titles-now-on-steam “Epic’s Unreal Title now on Steam”
http://www.gamesindustry.biz/articles/digital-overtaking-retail-for-valve_2 “Digital Overtaking Retail for Valve”
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Valve plafonnait en-dessous des 10% actuellement, « alors que nous voyons près de
200% de croissance dans les moyens alternatifs de connexion avec le client ».
Mais les éditeurs ont également commencé à mettre en place des solutions
de distribution digitale de contenu. Fin 2005, Electronic Arts (l’un des plus importants
éditeurs au monde) annonçait sa volonté de créer une plateforme en ligne permettant
d’acheter et de télécharger ses jeux. Aujourd’hui, l’EA Store propose d’acheter la version
digitale des plus gros jeux du catalogue de l’éditeur.
Schéma de l’offre actuelle en matière de distribution digitale
pour les jeux « classiques », marché consoles et PC confondus
Cependant, en nous appuyant sur lce schéma (fig.23), nous pouvons formuler une
critique majeure à l’offre actuelle de diffusion digitale de jeux classiques (surtout sur
PC) : alors que l’offre n’a encore qu’un poids relatif marginal par rapport au total des
ventes, elle reste très atomisée et manque de lisibilité. De nombreux acteurs sont sur le
marché, chacun disposant d’un catalogue propre et partiel. De l’autre côté, l’offre retail est
limitée par des considérations spécifiques (espace, stocks…), mais offre de très nombreux
produits et toutes les nouveautés importantes, ce qui n’est pas toujours le cas des portails
de diffusion en ligne.
Une troisième catégorie d’acteur s’est lancée, avec du retard, sur le chemin de la
distribution digitale : il s’agit des constructeurs de consoles de salon. Mais le poids
du marché des jeux sur consoles est tel qu’ils possèdent une grande force d’influence sur
le processus de dématérialisation, aussi bien comme accélérateur potentiel que comme
frein. En effet, le marché des jeux sur consoles est de loin le segment qui pèse le plus dans
l’industrie du jeu vidéo : en 2006, l’IDATE estimait que les ventes de jeux sur console au
niveau mondial avaient généré 12 milliards d’euros, contre 4 milliards pour les jeux sur PC
Michon Etienne - 2008
53
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
(distribution physique uniquement). La distribution digitale sur console était inexistante avec
la précédente génération de consoles (Playstation 2, Xbox, Gamecube) ; mais les choses
ont changé avec la génération actuelle, qui comprend la Wii de Nintendo, la Xbox 360 de
Microsoft et la Playstation 3 de Sony. Chacune de ces consoles comprend une plateforme
en ligne qui permet d’accéder à du contenu dématérialisé ; mais la richesse du contenu
proposé reste limitée et dépend de la console.
Le « Wiiware » que propose la Wii de Nintendo reste limité en matière de diffusion
digitale. Il propose essentiellement d’acheter des jeux anciens (classiques des années 80,
90 et 2000) en échange de « Wii Points » que l’on achète en ligne ou en magasin via des
cartes. Ces jeux coûtent entre 7 et 15€. Nintendo a annoncé sa volonté de développer sa
plateforme en proposant des jeux spécifiques au Wiiware. Tom Prata, senior director of
project development chez Nintendo America a annoncé le 2 Juin 2008 qu’une centaine de
14
jeux prévus spécialement pour le Wiiware étaient actuellement en développement.
La Playstation 3 s’appuie sur le « Playstation Network » qui propose des
fonctionnalités supplémentaires. Un joueur peut par exemple télécharger gratuitement
des démonstrations de jeu avant ou après leur sortie afin de pouvoir les essayer avant de les
acheter. De même, de la même manière que le Wiiware, il dispose d’un accès payant à des
jeux anciens (fonctionne également à base de points achetables en ligne ou en magasin).
Mais le Playstation Network se démarque aussi en proposant des achats de jeux récents.
Cependant, le catalogue reste limité et se cantonne essentiellement à des jeux moins chers
et moins avancés que la majeure partie de l’offre sur PS3.
La Xbox 360 et son Xbox Live proposent la solution la plus avancée. Le Xbox Live
comprend un « Xbox Live Marketplace » qui est un magasin en ligne permettant au joueur
de se procurer, comme dans le cas de la Wii et de la Playstation 3, des bandes-annonces,
démonstrations de jeux, jeux anciens (toujours par un système de point). L’innovation
majeure du Xbox Live est, d’une part, son interaction avec le monde du PC (les utilisateurs
de PC ont accès à du contenu proposé par le Xbox Live – cela s’explique par le fait que
la Xbox est un produit Microsoft), et surtout d’autre part la présence de fonctionnalités de
Video On Demand (VOD) : les utilisateurs de Xbox 360 peuvent télécharger, de manière
gratuite ou payante suivant les cas, des films, des émissions télévisées, etc. Pour cela,
Microsoft a passé des accords de distribution avec des studios majeurs comme Paramount
ou Warner Bros et des chaines de télévision de premier plan comme CBS, Disney Channel
ou MTV. Cela donne à Microsoft et sa Xbox 360 une réelle avance en termes de contenu
dématérialisé. On compte aujourd’hui environ 10 millions d’utilisateurs du Xbox Live.
Les possibilités de diffusion digitale sur le marché des consoles restent encore
largement limitées, et dépendent des constructeurs de consoles eux-mêmes. S’ils travaillent
en permanence à améliorer leur offre, la diffusion digitale ne concerne toujours pas le cœur
du marché. Plusieurs acteurs de l’industrie ne sont pas satisfaits par cette situation, qui
limite les possibilités de diffusion et de jeu en ligne. Ainsi, dans une interview donnée au site
Games Industry, Brian Farell, PDG de THQ (éditeur et développeur, un acteur important du
marché qui a réalisé 1,35 milliards de $ de CA en 2007), affirme que les revenus générés en
ligne pour les éditeurs de jeux sur consoles ne seront pas importants tant que les fabricants
de plateformes ne pousseront pas plus loin leur développement online. Il salue cependant
15
le Xbox Live, plus riche et très « user-friendly » (simple et convivial).
14
15
http://www.gamesindustry.biz/articles/100-wiiware-games-in-development“100 wiiware games in development”
http://www.gamesindustry.biz/articles/format-holders-need-to-expand-dlc-market-says-farrell “Format holders need to
expand DLC market, says Farrell”
54
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Des parallèles entre jeu vidéo et VOD (Video On Demand) : vers un nouveau mode
de consommation digitale
Le développement de la distribution digitale dans le jeu vidéo partage plusieurs points
communs avec celui de la VOD (Video On Demand), en termes de solutions techniques
comme d’offre. La VOD est une « technique de diffusion de contenus vidéo numériques
(interactive) offerts ou vendus par les réseaux câblés, comme Internet, ou les réseaux non
câblés, comme la téléphonie 3G ». Ces points communs se retrouvent à différents niveaux :
∙
Développement permis par les évolutions techniques et l’accélération des débits
internet et mobile
∙
Structuration de l’offre parallèle : accès illimité en échange d’un forfait mensuel, ou
achat à l’unité
∙
Acteurs proches : poids lourds du cinéma, chaines de télévision ou fournisseurs
d’accès internet
∙
Ponts entre les deux secteurs, à l’image du service VOD proposé par le Xbox Live
5 – Synthèse
Nous avons pu voir dans cette partie que, sous l’influence de la dématérialisation de la
diffusion, l’ensemble de l’offre de jeu vidéo évolue.
Elle se déploie sous de nouvelles formes de jeu qui s’appuient sur des
technologies nouvelles, avec l’émergence du marché des casual games, très dynamique
et qui recrute ses consommateurs bien au-delà des cercles classiques du jeu vidéo. De
plus, la distribution de ces jeux est essentiellement assurée par forme digitale. Deuxième
type de jeu bien ancré dans la distribution dématérialisée, les jeux communautaires qui
réussissent à convaincre de plus en plus de joueurs d’abandonner les expériences solos
pour s’aventurer dans des mondes persistants. L’ensemble du marché s’oriente de plus en
plus vers le communautaire.
Mais l’offre évolue également au travers des modes de distribution : la diffusion
digitale peut être assurée directement par les acteurs, ou alors au travers de plateformes
centralisant de nombreux jeux. Ces solutions se développent aussi progressivement sur
le marché des jeux classiques, sous l’influence d’acteurs comme Steam, Metaboli ou
Direct2Drive, et montrent plusieurs points communs avec la VOD.
Cependant, si la diffusion dématérialisée a le mérite d’exister sur le marché des
consoles de nouvelle génération (ce qui n’était pas le cas pour la génération précédente),
elle ne concerne pas le cœur du marché : la vente de jeux sur consoles, soit 1/3 du
chiffre d’affaires de l’industrie au niveau mondial. Par conséquent, la diffusion digitale est
loin d’être la norme actuellement. Elle reste une alternative à la vente retail classique (pèse
pour 10% des ventes de jeu vidéo en 2007 selon PWC).
Michon Etienne - 2008
55
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Estimation du développement de la distribution dématérialisée suivant le type de jeu
NB : Ce schéma se base sur une estimation globale car il n’est pas possible d’obtenir
des chiffres précis sur le poids de la distribution digitale pour chaque type de jeu ; il reste
cependant représentatif de l’évolution de l’offre digitale suivant les types de jeux.
L’évolution de l’offre, aussi bien en termes de contenu des jeux que des modes
de distribution, crée de nouvelles possibilités de consommation pour les joueurs. Cette
évolution s’est accompagnée de l’émergence de différentes politiques de « pricing » (modes
de facturation) qui ouvrent de nouvelles possibilités aux acteurs du marché. Encore faut-il
choisir une politique adaptée au type de jeu et susceptible d’être profitable. C’est ce que
nous allons étudier dans notre seconde partie.
B – La multiplication des possibilités de facturation
ouvre de nouveaux horizons
Avec l’avènement de la consommation par internet et le développement de la diffusion
digitale de jeux, le modèle historique et classique de diffusion et de vente d’un jeu vidéo
se retrouve face à de nombreuses alternatives. Historiquement, le modèle est simple :
le consommateur se procure son jeu auprès d’un détaillant ou d’une grande surface
(spécialisée ou non) à un prix. En échange de ce prix, il obtient un produit sous forme
physique, dont il est propriétaire. Ce modèle a prévalu depuis les premières consoles de
e
salon (fin des années 1970) jusqu’à la 6 génération de consoles, antérieure à la génération
actuelle.
Aujourd’hui, ce mode de consommation se retrouve challengé par l’inventivité des
développeurs, éditeurs ou diffuseurs qui, en s’appuyant notamment sur la dématérialisation,
56
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
proposent de nombreuses façon de payer (ou non…) un jeu. Dans cette partie, nous
examinerons donc les différentes politiques de « pricing » existantes, en nous appuyant
à chaque fois sur une étude de cas, afin d’en déterminer les forces, les faiblesses et
l’adaptation aux types de jeu. Ensuite, nous nous intéresserons à l’évolution dans le temps
de ces modes de facturation au travers de l’exemple de l’Asie du Sud-est, continent le plus
avancé en matière de diffusion dématérialisée.
1 – Des modes de facturation de plus en plus variés
Nous allons chercher à les segmenter afin de les analyser plus facilement.
∙
La vente classique : achat simple
variés
Types de jeu :
Distribution :
matérielle (principalement), digitale (à la marge)
C’est le modèle historique : le consommateur achète son jeu une fois et en
devient propriétaire. Cette vente peut s’effectuer en magasin ou en ligne pour les
produits physiques ; elle se développe également, comme nous l’avons vu, de manière
dématérialisée (« buy and download »). Les dépenses marketing sont orientées vers une
promotion du produit cherchant à conduire à l’acte d’achat qui est le cœur du système. Elle
est utilisée pour de nombreux types de jeux.
Ce mode de diffusion prédomine largement sur consoles. L’une des faiblesses du
système est qu’il ne permet pas au consommateur d’essayer le jeu. Or, face à l’offre de
plus en plus importante, l’essai devient un facteur déterminant de choix. Nous verrons que
quasiment toutes les autres formules de facturation proposent l’essai d’un jeu. Pour corriger
cela, les fabricants de consoles proposent de plus en plus de « démos » gratuites via la
plateforme en ligne des consoles (le joueur télécharge une partie limitée du jeu : 30mn de
jeu ou un niveau, par exemple).
∙
Vente classique couplée à un système d’abonnement
Types de jeu
: MMORPG (principalement) – jeux de rôles massivement multijoueurs
Distribution
: matérielle (principalement), digitale (à la marge)
Son fonctionnement est proche du modèle historique. A la base, le joueur achète
également le jeu, en magasin ou de manière digitale. La différence vient du fait que par la
Michon Etienne - 2008
57
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
suite, afin de pouvoir jouer, le consommateur devra s’acquitter d’un abonnement. Ce type
de facturation s’applique à un type bien précis de jeu : les jeux massivement multi-joueurs
en ligne. Sur ces jeux, le joueur ne peut jouer qu’en étant connecté à l’univers persistant du
jeu : l’abonnement justifie l’accès au service, finance les serveurs hébergeant le jeu. Une
dimension de service est associée au paiement de l’abonnement : le développeur continue,
en parallèle, à travailler à l’amélioration du jeu. Les bugs sont réparés, les déséquilibres
corrigés, tandis que le joueur est protégé des éventuels « tricheurs » (il y a donc une
forme de police). Du contenu supplémentaire peut être proposé (nouveaux objets, nouveau
monde, etc.) gratuitement ou moyennant un supplément.
Etude de cas : World of Warcraft. Nous avons déjà abordé ce cas dans ce mémoire. Ce
jeu est depuis 2004 l’un des symboles du jeu en ligne, et est depuis 2005 le jeu massivement
multi-joueurs en ligne le plus populaire ; il compte actuellement plus de 10 millions de
joueurs. Le jeu nécessite donc d’abord d’être acheté, en magasin ou de manière digitale. A
son lancement en 2004, il était proposé à un prix de 44,9€, avant de baisser progressivement
pour atteindre son prix actuel de 14,9€. Par la suite, pour jouer, il est nécessaire de payer un
abonnement. Plusieurs formules sont disponibles, avec des prix dégressifs selon la durée
d’engagement :
∙
Un mois d’abonnement : 12,99 €
∙
Trois mois d’abonnement : 35,97 € (soit 11,99 € par mois)
∙
Six mois d’abonnement : 65,94 € (soit 10,99 € par mois)
L’abonnement est payable en ligne, mais il est également possible d’acheter des cartes
prépayées en magasin. Cela permet à World of Warcraft (ou WOW) de toucher un public
jeune ne disposant pas de moyens de paiement en ligne, et qui fait partie de son cœur de
cible.
Nous avons également mentionné l’importance de l’essai d’un jeu dans la décision
d’achat ; ainsi, WOW ne déroge pas à la règle, et diverses opérations promotionnelles ont
rythmé la vie du jeu : 1 à 3 mois d’abonnement gratuit à l’achat du jeu, période d’essai de
10 jours ne nécessitant pas l’achat préalable du jeu pour jouer, etc. La dimension addictive
du jeu renforce la probabilité d’achat après essai.
WOW dispose également d’une troisième source de revenus : à la vente du jeu et la
facturation des abonnements vient s’ajouter du contenu supplémentaire payant. Blizzard
Entertainment, qui a développé le jeu, a annoncé sa volonté de sortir une fois par an une
extension payante à World of Warcraft . Ainsi, début 2007 était lancé aux Etats-Unis
et en Europe The Burning Crusade au prix de 34,99€, puis 29,99€ actuellement. Cette
extension permet d’accéder à de nouveaux territoires, de jouer avec de nouvelles classes de
personnages, etc. A noter qu’en parallèle des versions « collector » du jeu et de l’extension
sont régulièrement proposées à la vente à un prix supérieur (incluant un guide, des photos,
etc.).
Blizzard, en parallèle, stimule la communauté au travers d’événements (grands
tournois), de concours…
58
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Modèle du jeu gratuit + abonnement
Types de jeu
Distribution
: MMORPG et autres jeux communautaires
: digitale
Le principe de base de ce modèle diffère des deux modèles précédents dans
le sens ou l’accès au jeu au départ est gratuit. Il s’obtient essentiellement par
téléchargement (donc par distribution digitale), ou peut être joué directement sur
internet. Une partie du jeu est gratuite mais limitée à un ou plusieurs niveaux (accès
à une partie de l’univers ; temps de jeu limité ; évolution du personnage bridée,
ou autres). Pour accéder à l’ensemble du jeu, il faut s’acquitter d’un abonnement
(souvent mensuel, comme dans le cas de World of Warcraft). Celui-ci est nécessaire
pour profiter de toute l’expérience ludique offerte par le jeu.
Etude de cas : DOFUS.Nous avons également eu l’occasion d’aborder ce jeu de rôle à
succès développé et auto-distribué sur internet par la société française Ankama Games. Il
compte actuellement 4 millions de joueurs dont 30% souscrivant à un abonnement payant,
pour un montant mensuel de 5€. Cet abonnement donne accès à l’intégralité du jeu, tandis
que la version gratuite ne permet que de profiter partiellement des possibilités de DOFUS et
de son univers. D’abord lancé uniquement en France en 2004, il est aujourd’hui disponible
dans 8 langues différentes. A noter que DOFUS propose plusieurs offres d’abonnement
avec des tarifs dégressifs suivant la durée choisie.
Michon Etienne - 2008
59
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
A gauche : Tarifs de la version payante du jeu DOFUS ; à droite, récapitulatif des
différences entre version gratuite et abonnement (www.dofus.com)
Les tarifs proposés sont :
5€ pour un mois
14,5€ pour trois mois
27,5€ pour six mois
48€ pour un an
Des formules d’abonnement à la semaine accessibles par audiotel existent aussi, afin
de permettre à un maximum de joueurs de pouvoir s’abonner (jeunes joueurs notamment).
Le coût relativement faible de l’abonnement permet d’attirer un public différent de celui des
MMORPG plus classiques comme World of Warcraft , d’autant plus que les coûts de
développement plus faibles rendent le prix soutenable. DOFUS se positionne donc sur un
créneau différent.
Le jeu innove aussi en offrant aux joueurs, en fonction de la durée de leur abonnement,
un cadeau sous forme d’un objet ou animal au sein du jeu. En échange de cet abonnement,
le développeur fournit les serveurs et travaille à l’amélioration du jeu. Nous noterons
également que la présence d’une communauté a permis à Ankama d’éditer différents
produits dérivés destinés aux joueurs : mangas, magazine, t-shirts, peluches…
60
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Exemple de cadeau reçu pour la souscription d’un abonnement d’un an
(www.dofus.com)
Modèle gratuit + payant
Types de jeu
Distribution
: casual games (essentiellement)
: digitale
Ce modèle est finalement très proche du modèle précédent : l’accès au jeu
au départ est gratuit. Il s’obtient essentiellement par téléchargement (donc par
distribution digitale), ou peut être joué directement sur internet. Une partie du jeu est
gratuite mais limitée à un ou plusieurs niveaux (accès à une partie seulement des
possibilités ; temps de jeu limité). Pour accéder à l’ensemble du jeu, il faut acquérir la
version complète, qui est payante (le client paye une seule fois un prix fixé, et non un
abonnement). Ces jeux sont essentiellement des casual games, avec un faible coût
de développement, qui permet de vendre à un prix relativement et d’être rapidement
rentable, tout en autorisant les échecs. Un développeur de casual games a intérêt
à maximiser la diffusion gratuite de son jeux via des portails par exemple afin, par
ricochet, d’écouler un plus grand nombre de versions payantes.
Etude de cas : ZUMA. ZUMA est un jeu de type puzzle sorti au départ sur PC en
2003, développé et édité par l’un des leaders mondiaux sur le marché du casual game,
PopCap Games, basé aux Etats-Unis. Il est disponible à la fois sur le site de PopCap et sur
de multiples sites de jeux casual en version gratuite. Cette version gratuite est limitée en
nombres de niveaux, et, n’étant disponible qu’en ligne, nécessite d’être connecté pour jouer.
Une version complète est disponible à la vente pour 19,95€ sur le site de PopCap : cette
Michon Etienne - 2008
61
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
version comporte de nombreux niveaux supplémentaires, de la musique, et permet de jouer
sans être connecté à internet. Le développeur du jeu à intérêt à ce que la version gratuite
de son jeu soit disponible sur un maximum de sites ; en effet, pour un taux d’achat fixe, cela
maximisera d’autant plus le nombre d’acheteurs finaux. D’autre part, le jeu existe aussi sur
de multiples supports mobiles : iPod, PDA, téléphones portables... uniquement en version
payante. PopCap a diversifié ses canaux d’approvisionnement en lançant une version
matérielle pour le commerce en 2004, tandis que le jeu est également téléchargeable de
manière payante sur le service Xbox Live de Microsoft.
Source : www.popcap.com
PopCap propose plusieurs jeux casual dans le même esprit que Zuma, avec plusieurs
points communs fondamentaux partagés par de nombreux casual games : simplicité du jeu,
addiction, compréhension rapide (2 ou 3 règles de base). Tous ces jeux sont diffusés
selon le modèle gratuit + payant à un prix unique de 19,95€, ce qui en fait des produits
extrêmement rentables.
Forte de son succès, PopCap Games a continué sa croissance par des rachats : celui
d’une autre entreprise de Casual Games, Sprout Games, puis en 2007 celui Spintop Games,
créatrice du portail de vente du même nom. En 2006, l’entreprise a ouvert une filiale en
Europe et distribue aujourd’hui des jeux d’autres acteurs du marché des casual games en
plus de ses produits. En Août 2007, PopCap annonçait avoir vendu plus de 350 millions
de jeux dans le monde.
62
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
∙
Le modèle épisodique
Types de jeux
Distribution
: aventure (besoin d’une trame)
: digitale
Ce modèle très novateur est très récent dans l’industrie du jeu vidéo. Il se base
sur le modèle des séries télévisées : on vend non pas un produit sous la forme d’un
seul jeu, mais on propose en fait une aventure décomposée en plusieurs épisodes.
Ceux-ci sont publiés à intervalles réguliers et constituent chacun un jeu propre, mais
ils sont reliés par une trame scénaristique qui se déroule au fil des épisodes. Chaque
épisode coûte le même prix (en général assez faible pour être incitatif).
Etude de cas : Sam & Max . Le studio américain Telltale Games développe et
distribue selon ce modèle épisodique une série de jeux inspirés de la bande dessinée
américaine Sam and Max . Le
premier épisode, « Culture Shock » est sorti en
Octobre 2006. Depuis, 10 autres épisodes sont sortis, séparés à chaque fois par un
intervalle d’un mois environ ; ils sont découpés en saisons de six épisodes chacune,
soit exactement comme une série télévisée, avec une intrigue se déroulant au fil
des épisodes. Chaque épisode est proposé au prix de $8,95, mais il est également
possible d’acheter
tous les épisodes d’une saison pour un prix préférentiel de
$29,95 pour la première saison et $34,95 pour la seconde. L’offre est même complétée
par un dernier pack qui permet d’acheter le reste d’une saison si l’on a déjà acheté
un épisode, pour $21. Afin d’attirer de nouveaux clients, un épisode est disponible
gratuitement. A noter que Telltale Games distribue lui-même les épisodes, mais le
studio a passé pour la première saison un accord de distribution avec Gametap (un
portail de diffusion digitale) qui permet au portail de proposer un nouvel épisode 15
jours avant sa sortie. Telltale a gagné plusieurs
récompenses pour son jeu ; si les
chiffres de ventes n’ont pas été révélés, le lancement d’une seconde saison en 2007
(saison toujours en cours en Mai 2008) laisse augurer que l’initiative a été rentable.
Michon Etienne - 2008
63
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
∙
Le modèle des micro-transactions (ou « Free-to-play »)
Types de jeux
: très variés (jeu de rôle communautaire, jeu de course, etc.) et
communautaires.
Distribution
: digitale.
Ce modèle est en développement rapide et est très intéressant. Il est
probablement le système de « pricing » le plus avancé et actuellement le plus
rémunérateur, et existe essentiellement en Asie pour l’instant. Le jeu dans son
ensemble est proposé gratuitement, en distribution digitale. Le joueur à accès à
l’ensemble des possibilités offertes par le jeu (niveaux, univers, etc.) de manière
gratuite. Cependant, certains objets/compétences/etc. permettant de faire progresser
le personnage du joueur ou son véhicule, par exemple, sont payants. Ces jeux étant
des jeux multi-joueurs et communautaires, le joueur doit donc payer s’il veut disposer
de plus d’atouts que ses adversaires… Les prix sont en général très bas : l’ensemble
du système est donc basé sur ce que l’on appelle les « micro-achats ». Tout est fait
pour que ces achats soient le plus simple et le plus instinctif possible. Le méthode
souvent utilisée est de vendre ces objets contre un certain nombre de points ou
contre une monnaie virtuelle que le joueur pourra obtenir contre un paiement en
monnaie réelle.
Le marché est dominé par trois acteurs, tous asiatiques
: Ijji, filiale américaine
du site Coréen Hangame ; Gpotato, portail japonais ; et Nexon, entreprise coréenne.
Les entreprises positionnées sur
ce marché sont donc des acteurs spécialisés sur
ce créneau des micro-transactions, et non des poids lourd du marché du jeu vidéo
.
64
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Cependant, en Janvier 2008, Electronic Arts, l’un des principaux éditeurs de jeux
vidéo dans le monde, a annoncé la sortie prochaine du jeu « Battlefield Heroes »,
diffusé
gratuitement, et qui génèrerait des revenus « grâce à la publicité et aux
16
micro-transactions » , sans donner plus de précisions. Il s’agit de la première initiative de
ce type de la part d’un acteur majeur du marché.
Les trois acteurs mentionnés fonctionnent d’une manière semblable :
∙
Une offre large de jeux de différents types segmentés afin de toucher le plus grand
nombre de joueurs possible
∙
Tous ces
∙
Les transactions s’effectuent à l’aide d’une monnaie virtuelle (le GCoin pour
Ijji, le Nexon Cash pour Nexon et les coupons Gpotato pour Gpotato) que le
joueur doit se procurer en échange de monnaie réelle. Cette monnaie peut être
obtenue en ligne ou en magasin au travers de cartes (permettant aux joueurs
de tous âges de s’en procurer). Exemple : 10 GCoins de Ijji coûtent 1 dollar.
Le faible coût d’une transaction abaisse les barrières psychologiques qui
freineraient l’achat. Les tarifs sont dégressifs afin de pousser le joueur à un
achat plus important
∙
Cette monnaie virtuelle est utilisée pour effectuer des micro-transactions.
A titre d’exemple, dans le jeu de course Drift City distribué par Ijji, un
joueur peut acheter un nouveau coloris de
peinture pour sa voiture pour 20
Gcoins, soit 2 dollars. Chaque jeu dispose d’une boutique très complète où de
nombreux accessoires sont disponibles. Ainsi, il existe de nombreux moyens
de stimuler les achats : promotions, soldes, objets en séries très limitées…
jeux sont gratuits et basés sur le système de micro-transactions
Un exemple d’offre promotionnelle sur la boutique de Drift City
(source : http://drift.ijji.com/driftshop.nhn)
ce pack comprenant de la peinture jaune, un néon jaune, un aileron et un additif moteur
coûtera 12 dollars au joueur
∙
Certains jeux ont également une monnaie sans équivalent réel en circulation qui
récompense les vainqueurs et les bonnes performances. Mais contrairement à la
monnaie principale, elle ne permet pas de se procurer tous les objets (mécanisme
d’incitation ici aussi)
∙
Dans certains cas, les concepteurs poussent les choses extrêmement loin : ainsi,
certains objets payants ne restent en possession du joueur que pendant une durée
limité !
16
http://www.clubic.com/actualite-91814-ea-battlefield-heroes-fps-gratuit.html “EA dévoile Battlefield Heroes, un FPS gratuit »
Michon Etienne - 2008
65
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Un exemple de boutique : celle du jeu de guerre « Soldier Front » d’Ijji.
(source : http://sfront.ijji.com/itemshop/itemList.nhn?category=P&page=2)
Ce modèle est essentiellement déployé en Asie ; très populaire, il génère des revenus
très importants, d’autant que la gratuité du jeu permet de toucher un nombre de plus en
plus important de joueurs. Plus ce nombre est important, plus le nombre de joueurs qui vont
consommer au travers de micro-transactions sera élevé. La dimension communautaire et
l’accent mis sur la compétition stimulent les achats, qui sont facilités par les nombreuses
possibilités de paiement et la vente physique de cartes. Un joueur peut potentiellement
dépenser bien plus que s’il avait acheté le jeu en une fois à un prix retail.
Ces jeux sont souvent très riches, d’autant que les concepteurs ont intérêt à rajouter
régulièrement du contenu et des challenges pour pousser les consommateurs à continuer
à jouer et à acheter. Moins complexes et évolués graphiquement que des jeux classiques,
ils autorisent les échecs à leurs développeurs et permettent de mener des tests sur des
échantillons de joueurs afin de tester la réussite d’un produit. (Clément Galiay : « Un jeu de
ce type est peu cher à développer : il est donc possible de prendre plus de risques
et de faire des beta-tests avant de lancer le jeu. Il est probable que plusieurs jeux de
Nexon aient échoué avant le succès de Kart Rider »).
Si un joueur se lasse d’un jeu, il peut trouver dans le catalogue large offert par ses
concepteurs un autre jeu susceptible de lui plaire où il pourra par exemple utiliser l’argent
qui lui reste. Ces micro-transactions ont donc un potentiel énorme, d’autant que les coûts
de création d’objet, comparés à ceux de création d’un jeu, sont très faibles. (« Les microachats dynamisent le marché » - Pierre Carde). A noter également que ce modèle est
très récent : la première monnaie virtuelle, le Nexon Cash, a été introduite en 2005.
66
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Autre point important, ces jeux font parfois appel à de la publicité présente à
l’intérieur même du jeu afin de générer de nouvelles sources de revenus : partenariat avec
des marques automobiles pour un jeu de voiture, par exemple.
Etude de cas : Kart Rider. Le jeu Kart Rider ( Crazyracing Kartrider en Corée du Sud)
est édité par la société sud-coréenne Nexon. Sorti en Corée du Sud en 2004, il est l’un des
jeux en ligne les plus populaire en Asie et se base sur le système des micro-transactions.
Au travers du Nexon Cash, Nexon a lancé la première monnaie virtuelle destinée à être
utilisée pour des micro-achats. Kart Rider est un jeu de course qui propose à de nombreux
joueurs de s’affronter dans des courses multi-joueurs, des championnats, des coupes…
Différents modèles de karts, et plusieurs équipements sont disponibles gratuitement. Mais
les améliorations, certains nouveaux karts, des éléments de personnalisation sont eux
payants. Le Nexon Cash est disponible en ligne mais également au travers de Nexon Cards,
des cartes vendues en magasin sous forme physique. Afin d’optimiser leur diffusion, Nexon
a passé des accords de distribution avec des grandes surfaces, des détaillants (Seven
Eleven, etc.).
Une monnaie virtuelle sans équivalent réel, la Lucci, est gagnée avec les courses. Mais
elle ne permet d’acheter des objets que de manière temporaire : ainsi, tout est fait pour que
le joueur achète du Nexon Cash. La boutique est très développée et Nexon a même passé
des contrats avec des constructeurs automobiles réputés afin de proposer des karts dérivés
de leurs modèles (BMW par exemple).
La boutique de Kart Rider (ici, achat de costume pour le pilote) (source : gamespot.com)
Kart Rider est un incroyable phénomène de société en Corée : on y compte 15
millions d’utilisateurs pour 49 millions d’habitants ! La maximisation du nombre de
Michon Etienne - 2008
67
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
joueurs permet d’augmenter mécaniquement le nombre d’objets achetés. En parallèle, Kart
Rider intègre des fonctions communautaires développées. Nexon a par ailleurs commencé
à commercialiser son jeu aux Etats-Unis en 2007, alors qu’il est déjà un succès majeur en
Chine et au Japon.
Enfin, sa rentabilité dépasse de loin la majeure partie des jeux de l’industrie : on estime
qu’il génère environ 100 millions de dollars par trimestre.
∙
Modèle entièrement gratuit, financé par la publicité (« add-funded games »)
Types de jeu : variés
Distribution : digitale
Ce mode de facturation est particulier : il concerne des jeux entièrement gratuits,
financés par la publicité. Il s’agit de casual games, mettant directement en scène la marque
concernée (puzzles, etc.). Plus souvent, le financement par la publicité est croisé avec le
système des micro-transactions. Par exemple, le jeu Urban Rivals (jeu de rôle multijoueurs basé sur un système de combat avec des cartes), qui rassemble plus de 2 millions
de joueurs, est né d’une collaboration entre un développeur français et les éditions Soleil, qui
éditent des bandes dessinées. Le principe était de créer un jeu communautaire permettant
de mettre en avant les personnages des bandes dessinées de l’éditeur.
∙
Synthèse
L’émergence de nouvelles possibilités de diffusion crée donc en même temps de
nouvelles opportunités en matière de facturation. Le mode « classique » basé sur
l’acte de
vente,
auquel est venu se greffer par la suite le modèle comprenant
un abonnement (essentiellement dans le cas des MMORPG), reste essentiellement
réservé aux canaux de diffusion matériels.
Face à cela, les jeux s’appuyant sur une base gratuite ont logiquement choisi
d’assurer leur diffusion par internet afin d’éviter les coûts et contraintes de la
distribution matérielle, qui auraient absorbé la majorité de leurs marges. Ces modes
de « pricing » restent étroitement associés à des types de jeux auxquels ils sont
plus ou moins adaptés. Si les politiques de facturation nouvelles que nous avons
examiné présentent souvent des différences importantes et des qualités propres,
nous pouvons dégager quelques points communs entre elles :
68
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
∙
L’attrait de la base gratuite permet d’attirer le joueur au travers de l’essai et des
phénomènes d’entrainement et d’addiction qui peuvent se créer
∙
La dimension communautaire renforce l’attractivité du jeu et pousse à la
consommation
∙
Les plus faibles coûts de développement et de distribution permettent de
dégager des marges supérieures et autorisent un échec (rarement surmontable
dans le cas de jeux classiques)
∙
En-dehors du modèle gratuit+payant, ils permettent de générer des revenus
constants
Un acteur du marché pourra choisir, en fonction du type de jeu qu’il souhaite diffuser
et de ses choix stratégiques, l’un de ces modes de facturation. Cependant, nous
mettrons particulièrement en
lumière le modèle épisodique ainsi que celui du
« free-to-play » basé sur les micro-transactions et parfois la publicité, qui semblent
porteurs d’un potentiel particulier.
Ces nouveaux modes de facturation doivent être considérés comme des
innovations commerciales et, en ce sens, mettent un certain temps avant
de se diffuser dans l’industrie et d’être réutilisés, modifiés, améliorés. En ce
sens, l’Asie constitue un exemple intéressant : particulièrement en avance en
termes d’équipement internet et de diffusion digitale, elle nous permet d’observer
l’évolution de l’utilisation de ces modes de facturation dans le temps et d’en tirer
d’éventuelles leçons pour l’Europe et les Etats-Unis
2 – L’évolution de l’utilisation des modes de facturation dans le temps
à travers l’exemple asiatique
L’Asie comporte de nombreux pays dont les sociétés sont les plus « connectées » de la
planète (Japon, Corée du Sud, Taiwan, tandis que la Chine les rattrape de plus en plus vite).
Le jeu en ligne y est notamment très développé (d'après le Korea Game Development &
Promotion Institute, sur un panel représentatif de 1500 sud-coréens, 75,3% affirment avoir
joué aux jeux vidéo, pour 61,8% de joueurs réguliers et 66,3% de joueur en ligne assidus)
17
et en avance de plusieurs années sur l’Europe et les Etats-Unis. Les modes de facturation
que nous avons étudié ont chacun connu une période de domination avant que la tendance
ne migre vers les micro-achats.
Evolution comparée des modes de facturation dominants en Asie, en Europe et aux
Etats-Unis
17
http://www.jeuxonline.info/article/2626/mmorpg-comme-vecteur-ideologique « Les MMORPG comme vecteurs idéologiques »
Michon Etienne - 2008
69
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
L’Asie, comme première alternative à la vente classique, a vu se développer le système
d’abonnements avec l’émergence des jeux de rôle multi-joueurs en ligne. Puis quand
le marché a été saturé, il a progressivement migré vers un système s’appuyant sur les
jeux gratuits, d’abord avec un abonnement, avant que n’émerge le modèle actuellement
dominant des micro-transactions. En parallèle, la vente classique matérielle a perdu du
terrain tandis que le mode de facturation « gratuit + payant » se développait avec les casual
games. (« L’Asie montre une évolution, une maturation intéressante dans le temps sur
la question des politiques de prix » - Clement Galiay). Les Etats-Unis et l’Europe voient
actuellement se dessiner la fin du système basé sur la vente physique et les abonnements,
alors qu’émergent progressivement les jeux gratuits. Cela dit, rien ne garantit que l’évolution
soit semblable à celle du continent asiatique, d’autant plus que de nouveaux modes de
facturation peuvent faire leur apparition.
Ainsi, cette seconde partie du mémoire nous a pour l’instant permis d’observer, au
travers du phénomène de dématérialisation de la diffusion, une évolution de l’offre à 3
niveaux :
∙
Au niveau de son contenu (types de jeu)
∙
Au niveau des modes de distribution
∙
Au niveau des politiques de facturation
Dans cette troisième sous-partie, nous allons nous intéresser à une quatrième évolution :
celle qui concerne le rapport entre l’offre et sa demande, c’est-à-dire entre les acteurs du
marché et les consommateurs. Cette évolution se fait au travers de deux phénomènes : le
glissement de la vente matérielle simple vers la prestation de service, qui constituera selon
nous le principal moteur de la dématérialisation ; et la suppression des intermédiaires entre
offre et demande qui met en place un rapport direct entre vendeur et consommateur.
70
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
C – De la vente pure à la prestation de service : une
nouvelle relation BtoC
Nous allons d’abord examiner en quoi la mise en place de la distribution digitale opère un
glissement de la vente simple à la fourniture d’une prestation de service. Puis nous verrons
que le développement de ce service constitue un moteur majeur dans l’émergence de la
diffusion digitale, avant de nous intéresser au rapport direct entre offre et demande qui
semble se développer.
1 – La distribution digitale ou le passage de la vente matérielle à la
prestation de service
Comme nous avons eu l’occasion de l’évoquer précédemment, l’offre de jeux vidéo évolue
en même temps que ses modes de diffusion. Ils ne se contentent pas de déplacer
dans le champ d’internet la distribution classique; ils ouvrent de nouvelles possibilités,
parmi lesquelles on retrouve la fourniture d’un contenu supplémentaire au joueur
et d’un ensemble de services. Ce contenu prend la forme d’améliorations techniques,
de nouveaux objets, mondes, quêtes, etc. ; les services existent au travers d’outils
communautaires (forums, chats, groupes, compétitions, etc.), du maintien des serveurs et
de leur bon fonctionnement, de l’édiction de règles que les joueurs doivent respecter afin
d’assurer le bon fonctionnement du jeu (protection contre les tricheries) et qui passe souvent
par le besoin d’une « police » virtuelle.
Intéressons-nous tout d’abord à la fourniture d’un contenu supplémentaire. Elle est
une constante dans la distribution dématérialisée, tous modes de distribution et de
facturation confondus :
∙
∙
∙
Cette dimension est très présente dans le cas des jeux communautaires ,
notamment ceux fonctionnant par un système d’abonnement (vente +
abonnement ou gratuit + abonnement), mais également ceux basés sur les
micro-transactions. L’abonnement ne donne pas uniquement le droit de jouer :
il permet aussi au joueur de profiter d’améliorations techniques, de corrections
apportées au jeu, d’accéder à de nouvelles fonctionnalités qui se rajoutent avec
le temps (exemple : l’équipe de DOFUS travaille
actuellement à un DOFUS
2.0 à l’aspect graphique amélioré, sans surcoût pour l’utilisateur).
Le contenu supplémentaire existe même dans le cas de la vente classique
dématérialisée : ainsi, par exemple, Metaboli propose un contenu additionnel
(même très limité) pour l’achat de certains jeux : véhicules, cartes, etc.
Le modèle des casual games est différent ; le contenu supplémentaire est rare,
d’autant que ces jeux présentent un aspect communautaire inexistant.
Le contenu supplémentaire est nécessaire à la bonne santé économique des
modèles car il justifie l’argent versé régulièrement par le joueur. En retour, cela permet
au fournisseur du jeu de fidéliser ses clients et de sécuriser ses sources de revenus.
A noter que le contenu supplémentaire peut être payant : c’est le cas des add-ons, ou
extensions ( une extension ou un addiciel - add-on en anglais- est un supplément d'un jeu
vidéo, c’est-à-dire des niveaux, des équipements, des armes, des scénarios ou campagnes
supplémentaires ; il nécessite le jeu original). Leur développement requiert un temps et un
budget bien supérieurs à des améliorations ponctuelles et enrichit significativement un jeu,
Michon Etienne - 2008
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La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
ce qui justifie leur vente (d’autant que le prix proposé est généralement inférieur à celui
du jeu auquel l’extension s’ajoute). C’est par exemple le cas de The Burning Crusade ,
extension de World of Warcraft que nous avons eu l’occasion d’évoquer (vendue plus cher,
cette fois-ci, que le jeu original).
D’autre part, les jeux distribués digitalement s’accompagnent également d’un
ensemble de services fournis aux joueurs. Ces services peuvent prendre la forme
d’outils communautaires (forums de discussion, chats, classement, profils personnalisés),
d’organisation d’événements virtuels (compétitions en ligne, concours), d’assistance aux
joueurs (aides, conseillers en ligne), mais se manifestent aussi au travers de la mise à
disposition des infrastructures nécessaires au jeu en ligne (serveurs, modération, police).
Ainsi, toutes ces nouvelles possibilités offertes aux joueurs par le jeu en ligne et
la distribution dématérialisée font évoluer la vente de jeu vidéo d’une vente pure
et ponctuelle à une prestation de service durable étendue dans le temps : « La
er
dématérialisation doit être couplée à une logique de service. Dans le 1
cas on
e
vend de la boîte, dans le 2
cas on vend de la prestation » (Pierre Carde).
Elle tranche radicalement avec la quasi-absence de services associés à la vente
matérielle classique, qui se limite en général à une assistance technique et à quelques
fonctionnalités en ligne moins évoluées que ce que l’on voit émerger actuellement.
Récemment, le développeur Valve Software, dont nous avons pu étudier la plateforme
Steam (plateforme mêlant aspect communautaire et distribution digitale), a annoncé le
lancement prochain d’une nouvelle offre gratuite appelée Steam Cloud, qui symbolise cette
tendance à la prestation de service
Steam Cloud désigne en fait un ensemble de nouvelles possibilités qui seront ajoutées
d’ici la fin de l’année à la plateforme Steam, et qui se basent sur l’utilisation des serveurs de
la plateforme : alors que Steam permet déjà au joueur de jouer à l’un de ses jeux à distance
72
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
depuis n’importe quel ordinateur, Steam Cloud va étendre ce service aux données. Ainsi,
un joueur pourra retrouver une sauvegarde d’un de ses jeux ou sa configuration clavier
depuis n’importe quel ordinateur connecté à internet, et les utiliser pour jouer. Ces données
seront stockées indéfiniment sur les serveurs de Steam, sans aucune limite en termes
d’espace. Steam Cloud propose donc gratuitement aux utilisateurs des jeux Valve un
espace de stockage en ligne illimité et accessible depuis n’importe quel ordinateur.
Valve a annoncé que d’autres services viendront se greffer à Steam Cloud : mises à jour
automatique, diagnostic d’un ordinateur et de ses performances afin de proposer les jeux et
les mises à jour les plus adaptées, fonctions sociales plus développées, etc. Ainsi, Steam
confirme qu’elle est l’une des plateformes les plus innovantes en termes de distribution
dématérialisée, et un exemple à surveiller.
A noter une limite majeure à cette évolution globale vers la prestation de service :
si elle est une réalité dans la distribution de jeux sur PC, la prestation de service est encore
embryonnaire au niveau des jeux sur consoles : nous expliquerons cette différence
essentiellement par le caractère peu développé de la distribution digitale sur ce marché
(voir II-A, Une nouvelle offre : l’apparition de nouveaux types de jeu et de modes de
distribution novateurs). Le problème est que ce retard des consoles ralentit de manière
globale l’émergence de la diffusion digitale (« La question majeure, c’est le moment où
les consoles vont s’y mettre » ; « Le marché des consoles gagnerait à une meilleure
prise en compte du consommateur. Il est pour le moment ignoré, notamment en
matières de services » - Pierre Carde).
2 – Prestation de service et ergonomie, principaux moteurs de la
distribution digitale
Comme nous le verrons par la suite, si la distribution digitale ouvre de nouvelles perspectives
en termes de rentabilité en abaissant significativement les coûts de distribution, elle ne s’est
pas pour le moment accompagnée d’une baisse globale des prix (essentiellement en raison
du poids encore important de la distribution retail). Pour que la distribution digitale devienne
le mode de distribution principal dans l’industrie du jeu vidéo à moyen voire long terme, il
lui faut donc un « moteur », un élément qui pousserait les consommateurs à se détourner
de la distribution retail pour la distribution digitale.
Selon nous, le moteur principal sera l’ergonomie de ce mode de distribution, renforcée
par la prestation de service associée que nous avons pu décrire.
La difficulté d’une répercussion à la baisse sur les prix, au moins à court terme
La hausse des marges et des revenus générés par la distribution digitale, peut-on
penser, pourrait permettre de baisser les prix sur le marché du jeu vidéo (parfois élevés
dans le cas de jeux classiques distribués sur internet ou dans le commerce : compter 70€
pour un jeu récent sur console de dernière génération). Mais cette hypothèse est pour le
moment difficilement envisageable en raison du poids important de la distribution physique :
d’une part cela mécontenterait largement les distributeurs, qui disposent d’un pouvoir de
nuisance (« on ne peut pas leur expliquer que le jeu va être disponible en ligne et
moins cher » - Pierre Carde ; « Metaboli ne peut pas se permettre d’avoir une politique
de prix différente de celle du retail. Il pèse trop lourd ; la différence peut se faire sur du
contenu additionnel » Anthony Macaré). De plus cela diminuerait encore le revenu capté
par un éditeur pour la vente d’un jeu, alors qu’il est déjà en diminution. C’est aussi pour
cela que la diffusion digitale s’accompagne d’une dimension de services, afin de justifier
Michon Etienne - 2008
73
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
le maintien des prix. Une baisse de prix peut être envisageable à plus long terme mais
uniquement une fois que la distribution retail sera minoritaire.
Une distribution attractive car « user-friendly »
L’un des avantages majeurs de la distribution digitale est qu’elle est simple et
ergonomique : elle est « user-friendly ». Les intermédiaires sont supprimés, les questions
de rupture de stock ou de déplacement jusqu’à un point de vente n’existent plus. Le
consommateur reçoit son produit directement chez lui au travers d’internet. Il est cependant
nécessaire qu’il soit habitué à ce type de consommation ; nous avons pu montrer dans notre
première partie que les habitudes de consommation évoluaient dans ce sens. (« Le moteur
vient du fait que le contenu est user-friendly » ; « le digital est plus ergonomique
globalement, et plus simple. C’est le moteur primaire » - Pierre Carde). Cette simplicité
a la possibilité de séduire de nouveaux utilisateurs. C’est ce que nous avons pu observer
dans le cas de l’industrie musicale dans notre première partie.
A ce moteur primaire viennent s’ajouter des moteurs secondaires : fourniture de
service, possibilités offertes par les nouvelles formes de jeu, profondeur du catalogue…
3 – Un “direct to customer model” : la suppression des intermédiaires
entre offre et demande
Nous avons donc pu constater qu’au travers de l’émergence de services au joueur
qui accompagnent le développement de la diffusion dématérialisée en général, c’est
une nouvelle relation « business to customer » ou BtoC qui s’installe. Une autre
caractéristique de cette nouvelle relation, elle aussi influencée par la dématérialisation, est
la proximité grandissante entre offre et demande.
En effet, la diffusion digitale tend à diminuer le nombre d’intermédiaires entre
concepteurs du jeu et joueurs, voire à les supprimer. Nous avons eu l’occasion dans ce
mémoire de nous intéresser aux différents modes de diffusion dématérialisée : nous avons
ainsi pu voir que de plus en plus d’acteurs impliqués dans la conception des jeux (éditeurs,
voire développeurs) diffusaient directement leurs produits. Tous les intermédiaires liés à la
vente retail (distributeurs, diffuseurs, importateurs, centrales d’achat, etc. suivant les cas) se
retrouvent supprimés : le contact entre offre et demande est direct (en-dehors de cas comme
ceux des plateformes de diffusion comme Metaboli). Par conséquent, alors qu’auparavant
offre et demande étaient relativement isolés et compartimentés, la diffusion digitale permet
de les rapprocher. Le contact est d’autant plus facilité par les outils communautaires mis en
place pour les jeux : forums, chats, mais aussi services d’assistance technique. L’information
peut remonter beaucoup plus vite. Ce rapprochement à des conséquences à plusieurs
niveaux :
Adaptation de l’offre : il est possible de cerner les attentes des joueurs et, au travers
notamment de la fourniture de contenu supplémentaire, d’améliorer le produit afin de les
satisfaire, et donc d’augmenter l’audience potentielle tout en constituant une base solide et
plus fidèle. En parallèle, il est possible de décrire aux joueurs les futures évolutions d’un
jeu, d’expliquer les éventuels problèmes techniques et les solutions mises en place pour
y remédier… Cette évolution vient s’inscrire dans la continuité de la logique de service
que nous avons mis en lumière. Les développeurs de DOFUS, du studio Ankama Games,
disposent ainsi d’un blog où ils détaillent les différentes modifications sur lesquelles ils
travaillent et réagissent aux remarques et inquiétudes des joueurs. Extrait d’un article :
74
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
« Je vous concocte ce ticket pour préciser et révéler certains points importants sur
la grande nouveauté présentée vendredi passé, DOFUS 2.0. Tout d'abord, j'ai constaté
en lisant vos réactions que l'une des plus grandes craintes récurrentes était le soucis
des performances . Vais-je pouvoir continuer à jouer à DOFUS avec mon PC? Vais-je
être contraint d'éviter les cartes de Zaap sous peine de voir fondre mon processeur? Notre
objectif sur ce point est clair : DOFUS 2.0 est destiné à la même configuration minimale
que le DOFUS que vous connaissez . En clair, nous faisons tout pour que vous n'ayez pas
à changer vos habitudes de jeu sur DOFUS 2.0. Si tout va bien, vous devriez retrouver des
performances équivalentes ou meilleures sur DOFUS 2.0 par rapport à la version actuelle. »
18
Création de contenu directement par les utilisateurs : c’est le principe de plus en
plus développé de « user-generated content », ou contenu généré par l’utilisateur. Ce terme
désigne l’expansion de la production et de la diffusion de contenu par le grand public,
au travers de nouvelles technologies accessibles au plus grand nombre. Ce contenu sera
diffusé dans différents médias. On y inclut notamment les sites de vidéos (Youtube), les
blogs, les podcasts, les wikis (Wikipédia), les réseaux sociaux (Facebook, Myspace)… Ce
phénomène prend une place de plus en plus importante dans le jeu vidéo, sous différentes
formes : production de contenu scénaristique, création de mondes, d’objets, de cartes,
etc. Pour l’encourager, des outils de développement peuvent être mis gratuitement à la
disposition des joueur. L’un des exemples les plus marquants dans le domaine du contenu
généré par l’utilisateur est celui de Counter-Strike . Il s’agit d’un jeu de tir multi-joueurs en
ligne basé sur le jeu Half-Life de Valve Software, et développé par 2 étudiants américains
en reprenant la base de Half-Life (moteur graphique, armes….) pour créer des niveaux
ou s’affrontent deux équipes, terroristes et contre-terroristes. Ce jeu reste le plus grand
succès multi-joueurs de tous les temps. Il a par la suite directement été édité et distribué par
Valve, au travers de Steam notamment. De nombreux acteurs clés du marché ont compris
le potentiel du contenu généré par les utilisateurs et montrent une volonté de le développer
dans de futurs jeux. Ainsi, le PDG d’Ubisoft, Yves Guillemot, déclarait en Août 2008 : « Nous
devons placer les joueurs sous le feu des projecteurs, reconnaitre leur créativité, et s’assurer
19
que le consommateur soit la star ».
Participation des futurs joueurs à la phase de développement : historiquement, le
contenu généré par l’utilisateur est surtout apparu après la sortie d’un jeu. Cependant, on
peut observer de plus en plus de studios de développement échanger avec les futurs joueurs
pendant la phase de développement d’un jeu, afin de recueillir des avis, des remarques…
Par exemple, Ankama Games, le studio de développement qui a réalisé DOFUS, a mis en
place un blog où l’équipe de développement du prochain jeu d’Ankama, Wakfu , détaille
l’avancée de son travail, explique aux joueurs les différentes étapes du développement
et leur soumet des captures d’écrans, des dessins de personnages, etc. Ceux-ci peuvent
réagir et commenter ces travaux. Extrait d’article posté sur le blog (qui existe en anglais
et en français) :
« Car oui, c'est un boulot, et pas des plus simples ! Nous allons voir ensemble ici
en quoi ça consiste exactement d'être animateur sur Wakfu. Nous animons avec
le logiciel Flash. Nous fabriquons, pour chaque personnage, une sorte de « kit
» comprenant les différentes vues, et tous les éléments qui le composent (bras,
18
19
http://devblog.dofus.com/fr/categories/11-developpement.html
http://www.gamesindustry.biz/articles/eif-our-consumers-are-the-stars-says-guillemot “Our consumers are the stars” says
Guillemot
Michon Etienne - 2008
75
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
tête, pieds, jambes, etc.). On obtient alors une marionnette que l'on peut modifier,
20
transformer, décliner, pour lui donner les poses que l'on souhaite. »
Bien entendu, le contact n’est pas coupé dans le cas de la vente de jeux classiques sous
forme physique. Des outils semblables peuvent exister et mettre en relation joueurs et
concepteurs. Mais le degré d’implication reste bien inférieur, et le joueur ne peut presque
pas interagir avec le contenu du jeu.
La suppression des intermédiaires entre offre et demande met donc en place
une nouvelle relation BtoC, avec une visibilité bien supérieure du consommateur
qui permet d’adapter l’offre à ses besoins et de l’impliquer jusque dans la création
de contenu directement pour le jeu. De plus, les consommateurs sont de plus en plus
identifiables avec le développement des communautés. Cette relation s’inscrit dans la
logique de prestation de service que nous avons préalablement identifié.
Cela dit, nous aurons l’occasion de voir que cet aspect nécessite certaines
compétences et que la communication avec les consommateurs mobilise des ressources :
en effet, les risques existent. Une insatisfaction sera relayée bien plus rapidement au
sein d’une communauté et il est tout à fait envisageable d’imaginer des mouvements de
protestation ou de retraits qui menaceraient la rentabilité d’un jeu. Tout cet aspect sera
abordé au travers du thème de la gestion de communauté.
Synthèse de la deuxième partie
20
76
http://devblog.wakfu.com/fr
Michon Etienne - 2008
II – L’offre : une évolution à la fois dans la forme et le contenu
Nous avons donc pu observer, tout au long de cette deuxième partie, que l’offre actuelle
de jeu vidéo connaissait des mutations à plusieurs niveaux, sous l’influence de l’émergence
de la distribution digitale. L’évolution de cette offre est de nature à pousser le consommateur
vers la distribution digitale, qui présente pour lui plusieurs atouts :
∙
Simplicité et ergonomie (« user-friendly »)
∙
Dimension de service
∙
Dimension communautaire et participative
∙
Variété des modes de facturation (adaptation au budget)
∙
Profondeur et variété de l’offre
Il convient cependant de préciser que cette offre digitale n’est pas parfaite. Sa limite
principale est qu’elle reste largement limitée sur le marché des consoles ; sa seconde limite
est qu’elle manque de lisibilité sur le marché du PC.
L’évolution profonde de l’offre que nous avons donc mise en valeur a des conséquences
importantes sur les acteurs du marché. La diffusion digitale joue ainsi à plusieurs niveaux :
elle ouvre de nouvelles possibilités, remet en cause le business model historique de
l’industrie, et permet à de nouveaux acteurs de faire leur entrée sur le marché… C’est ce
que nous allons aborder dans notre troisième et dernière partie.
Michon Etienne - 2008
77
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
III – L’industrie du jeu : conséquences
sur le marché et ses acteurs
La dématérialisation de la diffusion, nous l’avons vu, ouvre de nouvelles perspectives en
termes d’offre pour les entreprises de l’industrie. Nous allons chercher à décrire et à évaluer
ces perspectives.
Pour cela, nous allons d’abord étudier les changements qu’introduit la diffusion digitale
par rapport au schéma classique de la distribution physique : les avantages qu’elle procure,
mais aussi les changements qu’elle occasionne. En effet, ce sont les activités des acteurs
de l’industrie qui évoluent également. Il faut savoir répondre à ces nouveaux enjeux et aux
nouveaux besoins afin de tirer profit de ce nouveau mode de diffusion.
Ensuite, nous examinerons les effets de la mise en place de cette diffusion digitale sur
les acteurs de l’industrie : elle ne concerne pas tous les acteurs au même niveau. Tous n’ont
pas la même activité, le même rôle… D’autant que de nouvelles entreprises arrivent sur le
marché et pourraient remettre en cause la position des acteurs les plus « historique ».
Nous essayerons également de déterminer ce qui pourrait définitivement propulser
l’industrie dans la direction de la diffusion dématérialisée. Enfin, nous nous pencherons sur
les limites de la distribution digitale et les blocages qui pourraient ralentir son expansion.
A – Vers un nouveau business model ? Les acteurs du
jeu vidéo face à de nouveaux enjeux
1 – Evolution du business model et avantages de la diffusion
dématérialisée
La mise en place de la distribution digitale remet en cause le mode de diffusion historique
du jeu vidéo, en même temps qu’une grande partie de son business model classique. Mais
cela se fait avec de nombreux gains théoriques, et notamment tous ceux découlant de la
fin des contraintes imposées par la distribution physique, que nous avons pu détailler en
introduction, en nous appuyant notamment sur l’approche de Marshall L.Fisher. Ainsi, nous
allons chercher à nommer ces principaux gains, en détaillant les risques qu’engendre la
distribution retail.
Le besoin grandissant d’une solution de distribution alternative
Ces risques existent à un double niveau : au niveau de la fabrication du produit, et au
niveau de sa commercialisation.
78
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
Concernant la fabrication du produit, un premier risque est pris au moment du
pressage du jeu. Il faut choisir un nombre d’unités à fabriquer : or ce choix est crucial, car
les possibilités de pressage sont limitées (notamment sur le marché des consoles puisque
ce sont les fabricants de consoles qui assurent le pressage), et les royalties au fabricant
sont versés au pressage et non à la vente (de l’ordre de 15%). Il y a un double danger : la
rupture de stock d’un côté, les invendus de l’autre. Cela est d’autant plus vrai sur un marché
où 80% des ventes d’un jeu (en retail) se font lors des 6 premières semaines. Au niveau de
la commercialisation du produit, un second risque existe : les produits sont mis en dépôtvente. Ainsi, l’éditeur récupèrera d’éventuels invendus.
On voit donc ici que la prise de risque est forte, et que l’anticipation des ventes doit
être faite au mieux. Mais elle reste souvent difficile ; de plus les profits sont également
limités par les contraintes et les coûts liées à la vente retail : adaptation géographique
des produits (boîtes, manuels) coûts de distribution, offre limitée par l’espace en rayon,
besoin de trade marketing pour mettre le produit en valeur… Un produit potentiellement
à succès peut très vite devenir un échec en cas de mauvaise gestion de la fabrication
et de l’approvisionnement.
Si l’on raisonne en termes d’acteurs du marché, la vente retail fait d’abord prendre des
risques aux éditeurs ; mais cette prise de risque rejaillit sur les studios de développement,
puisque les éditeurs auront tendance à choisir des produits ayant les plus grandes chances
de succès. D’autre part, les distributeurs absorbent la majeure partie de la marge, alors que
la tendance globale est à la hausse des coûts de développement et à une hausse de la
pression concurrentielle : la situation de vient de moins en moins tenable. La prise de
risque supérieure n’est pas récompensée par une marge plus forte. (« Il y a une double
prise de risque : au niveau de la fabrication d’abord, au niveau du retail ensuite »
- Pierre Carde). Il faut donc chercher une alternative à la distribution retail, afin de
diminuer les risques et de maximiser les marges.
Une situation de moins en moins tenable
Michon Etienne - 2008
79
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Les avantages de la distribution digitale
Il est possible de séparer ces avantages en 2 catégories : d’un côté les avantages liés
à l’affranchissement des contraintes de la distribution physique, de l’autre et les avantages
propres.
Les avantages de la distribution digitale sont indéniables ; il nous faut également
souligner que son émergence étant récente et largement incomplète, une partie de ses
avantages se basent sur une approche théorique et des anticipations. On y inclut donc
80
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
tous les points positifs liés au « contournement » de la vente retail, en termes de
gestion des stocks ou de la fabrication, mais aussi en termes de catalogue, puisque la
diffusion digitale devrait permettre non seulement d’allonger la durée de vie d’un jeu, mais
aussi de continuer à valoriser des produits plus anciens. Ainsi, comme le précise Cédric
Lagarrigue, directeur général de Focus Home Interactive, éditeur de jeux, « Tous les ans,
4 000 références de jeux sortent en France et seulement 200 peuvent être commercialisées
en même temps en boutique. Avec ce système, nous pouvons proposer un grand nombre
21
de jeux, y compris notre bas de catalogue » .
De plus, la diffusion digitale comporte de nombreux avantages propres. Nous avons
déjà pu évoquer l’élargissement de l’offre, les nouvelles possibilités de facturation,
l’obtention de revenus de manière régulière ou encore la proximité avec la demande. Mais
la diffusion digitale ouvre également d’autres perspectives. Nous commencerons par
la difficile question des nouvelles marges. En effet, comme nous avons eu l’occasion de
le voir (schéma de la chaîne de valeur actuelle du jeu vidéo en introduction), la distribution
physique capte environ 40% des marges générées par un jeu. La distribution digitale fait
que cette partie importante de la marge finale serait à réallouer. Nous allons donc essayer
de déterminer qui capterait cette nouvelle marge.
Tout d’abord, il faut souligner que la distribution digitale a un coût. Elle nécessite l’achat
de bande passante pour permettre le téléchargement, la mise en place d’une plateforme,
d’une solution de paiement. Dans son intervention d’Avril 2008, que nous avons déjà eu
l’occasion de citer, Anthony Macaré (Head of Publishing de Metaboli) soulignait que les
coûts fixes et techniques étaient réels : coût de la technologie de distribution, service de
facturation, entretien des serveurs, achat de bande passante. Cédric Lagarrigue estime que
ces coûts absorbent environ 15% de la marge finale : « Pour nous, la dématérialisation
entraîne des frais fixes d'environ 15 % sur le prix du jeu. Il faut payer la bande passante,
la mise en place d'un système de paiement et, le cas échéant, le prestataire revendeur.
Si les ventes suivent, le modèle devient vite rentable. » . Pour déterminer qui capte le
reste de la marge, il faut ensuite voir comment le jeu est distribué : nous distinguerons
distribution directe (assurée par le développeur lui-même ou l’éditeur) et distribution
indirecte (assurée par des plateformes comme Steam ou Metaboli).
21
http://www.01net.com/editorial/314431/les-jeux-video-pechent-leurs-nouveaux-joueurs-en-ligne/?rss « Les jeux vidéo
pêchent leurs nouveaux joueurs en ligne »
Michon Etienne - 2008
81
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Evaluation des marges captées par les
acteurs dans le cas d’une diffusion dématérialisée
Dans le cas de la distribution directe, la marge récupérée est la plus élevée. L’éditeur
doit assumer les coûts de mise en place de la distribution digitale, de l’ordre de 15% : le reste
de la marge échoit en majeure partie à l’éditeur, à répartir avec le studio de développement
(il existe tous types d’accords à ce niveau). Il est possible que le studio de développement
touche une marge supérieure dans ce modèle. Il est même envisageable qu’un studio qui
choisit de diffuser ses propres produits via internet (« self-publishing ») capte entre 70 et
80% de la marge, mais cela implique comme nous le verrons une prise de risque importante
et une certaine capacité d’investissement.
Dans le cas de la distribution indirecte, la marge captée est plus faible. En
contrepartie, l’éditeur n’assume pas le coût de la distribution digitale, et passe par un portail
de diffusion (Steam, Metaboli) qui absorbe une partie de la marge. Anthony Macaré estimait
que dans ce cas la marge revenant à l’éditeur variait de 30 à 45% suivant la maturité du
produit (baisse de la marge reversée avec l’âge du jeu), mais aussi suivant le fait que
le jeu soit directement vendu sur le portail ou via un intermédiaire (fournisseur d’accès
internet) qui récupère lui aussi une partie de la marge. En termes de revenu par jeu, ce
système est donc équivalent à la distribution physique ; mais il reste bien plus compétitif
en termes de coût de diffusion. Ajoutons également que la diffusion indirecte est pour le
moment obligatoire sur le marché des consoles, puisque seules les plateformes intégrées
des fabricants (Xbox Live par exemple) permettent de télécharger des jeux (et seule une très
faible partie du catalogue pour l’instant). Notre chiffre de 15 à 30% est donc une estimation
qui comprend les coûts de diffusion pour le fabricant ainsi qu’une marge supplémentaire,
82
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
puisqu’il est probable que ces fabricants de consoles chercheront à compenser la perte des
revenus générés au pressage en réclamant des royalties par jeu vendu digitalement.
Dans les deux cas, l’avantage sur la distribution physique est réel : la distribution
directe suppose une plus grande prise de risque et des investissements supérieurs, mais
cette prise de risque est récompensée par une marge supérieure ; la distribution indirecte
rapporte une marge semblable à la distribution physique, mais le revenu par jeu reste
supérieur en raison de l’absence de coûts de diffusion.
Nous pouvons également mentionner d’autres avantages liés à la distribution
digitale. Elle permet par exemple de limiter le piratage, dont l’impact économique est
de plus en plus important, sur le marché PC notamment. Son impact global est difficile
à chiffrer, mais on estime aujourd’hui que pour un jeu acheté, deux autres exemplaires
de ce jeu vont circuler de manière piratée. A titre d’exemple, le jeu Crysis édité par
Electronic Arts et sorti en Novembre 2007, malgré l’attente qu’il a généré chez les joueurs
et des commentaires élogieux de la presse, a été un demi-échec en termes de vente, et
un vrai échec en termes de rentabilité. La raison est simple : pour un exemplaire vendu,
près d’une dizaine d’exemplaires étaient téléchargés illégalement (comme me l’a précisé
Pierre Carde). La diffusion par internet, avec des systèmes d’identification et de vérification
des droits plus poussés, est une solution efficace (même si elle n’est pas infaillible : les
piratages de serveurs existent, mais ils ne sont pas à la portée du premier joueur venu).
Nous ajouterons également que la diffusion digitale permet de lancer son jeu sur
un nouveau marché à moindres coûts : l’essentiel des coûts proviendra de la traduction
et de quelques adaptations, de marketing si nécessaire, et non de la constitution d’un
réseau de distribution, de la fabrication de nouveaux exemplaires du jeu, de la distribution
aux points de vente, etc. Ainsi, Focus Home Interactive a pu lancer certains de ses jeux
aux Etats-Unis uniquement en téléchargement : «Nous sommes spécialisés dans les jeux
atypiques et ce système permet de se passer d'une distribution classique pour eux. Ainsi,
Virtual Skipper ou Pro Cycling Manager, vendus en boîte en France, ne sont disponibles
aux Etats-Unis qu'en téléchargement. Et nous lancerons deux jeux cet été uniquement en
téléchargement. », précise Cédric Lagarrigue. Enfin, la diffusion digitale permet aussi
d’obtenir des informations précises en termes de ventes (suivi des ventes en temps
réel, impossible avec la distribution retail) mais également sur le profil des consommateurs
(temps de jeu, âge, dépenses, etc.). Ces données marketing sont précieuses et peuvent
servir à plusieurs niveaux, comme une l’adaptation de l’offre actuelle ou le ciblage pour un
nouveau produit.
Ainsi, la distribution dématérialisée, qu’elle soit directe ou indirecte, présente de
nombreux avantages par rapport à la distribution physique : évolution des marges, gains
en termes de coûts de distribution, protection supérieure contre le piratage, allongement
du cycle de vie d’un produit… Mais elle suppose également des contraintes. Comme nous
l’avons vu, elle est étroitement liée à l’évolution de l’offre. Or ces changements ne sont
pas sans conséquences pour les acteurs du secteur, qui doivent faire face à de nouveaux
enjeux et voient leurs activités évoluer vers de nouveaux domaines qu’ils doivent cerner et
maîtriser afin de transformer diffusion digitale d’un atout théorique en un atout réel.
2 - Dématérialisation et nouveaux domaines de compétences
Nous avons pu voir que la diffusion digitale menait à une évolution de l’offre de jeux vidéo,
qui se déploie sous de nouvelles formes et implique un nouveau rapport à la demande. Cela
suppose la mise en œuvre de compétences nouvelles sortant des compétences classiques
Michon Etienne - 2008
83
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
des acteurs du marché (développement pour les studios ; financement, suivi de projets et
distribution physique pour les éditeurs). Sans la maîtrise de ces nouvelles compétences,
il semble difficile de pouvoir exploiter les possibilités nouvelles offertes par la distribution
digitale. Nous allons donc nous intéresser à ces nouveaux domaines d’expertise.
Le déploiement d’une offre en ligne
La diffusion digitale suppose de déployer son offre sur internet, quel que soit le canal
choisi. La distribution indirecte a l’avantage de fournir des solutions « clés en main » et
d’externaliser la diffusion digitale. Mais elle implique des marges inférieures et donne à
l’offreur une visibilité plus limitée. La mise en place d’une solution de distribution directe
laisse augurer des perspectives économiques intéressantes ; mais afin de les exploiter, il
faut être capable de mettre en place une offre en ligne solide. Celle-ci comporte deux volets
majeurs : un volet technique, et un volet marketing.
Le volet technique suppose le développement d’une plateforme (un site internet
en général, un programme à installer parfois comme avec Steam) ; d’une solution de
téléchargement ou de jeu direct en ligne ; d’une solution de paiement sécurisé (ou de
plusieurs : plus l’offre en moyens de paiement est large, plus le consommateur a de chances
de trouver un moyen adapté. A titre d’exemple, l’abonnement à DOFUS peut être payé par
audiotel, carte bancaire, virement, chèque, ou solutions de paiement en ligne comme Paypal
ou Pay By Cash) ; d’un achat/location de serveurs et de bande passante (pour assurer un
téléchargement rapide ou héberger le jeu en ligne) ; d’un système anti-piratage. Tous ces
moyens doivent être adaptés au jeu, à son audience et à sa clientèle. Une bande passante
ou des serveurs inadaptés peuvent faire rater des achats ou perdre des joueurs insatisfaits
par les performances du jeu en ligne.
Le volet marketing fait référence à la promotion du produit sur internet. Il est très
important pour le déploiement d’une offre digitale, et peut tout à fait être accompagné
d’une promotion par des moyens classiques. Ces problématiques peuvent être familières
à certains acteurs rôdés comme les éditeurs, mais beaucoup moins à d’autres auxquels
la dématérialisation ouvre de nouvelles portes comme les studios de développement
souhaitant diffuser eux-mêmes leur produit. Il s’agit donc d’offrir une visibilité adaptée à
son produit sur internet, à l’aide de moyens « classiques » (bannières), et également au
travers du référencement (« Enregistrement d'un site web dans les annuaires, les moteurs
de recherche, les portails spécialisés » selon le Petit Robert ) ; (« le référencement est
un point central » -Salima Bessarhaoui). Il se fait par l’achat de liens sponsorisés ou de
« Trusted Feeds » (liens qui apparaissent dans les résultats naturels du moteur de recherche
et non dans les liens sponsorisés).
L’un des avantages majeurs d’internet est qu’il permet de cibler de manière très précise
des consommateurs potentiels ; ainsi, même des jeux positionnés sur des niches de marché
pourront viser leur audience potentielle avec précision. En outre, il est possible de mettre
en place une campagne sur internet pour des coûts modestes (« les dépenses marketing
nouvelles en ligne sont moins chères qu’un spot TV ou des pubs dans les journaux.
On peut aussi s’appuyer sur un modèle viral à la manière de Facebook » - Clément
Galiay.).
La gestion de réseaux de distribution multiples
Autre champ de compétence qui évolue avec la diffusion digitale, la gestion
des réseaux de distribution. En effet, avec la distribution physique, un éditeur est en
contact avec un nombre limité et clairement identifié de partenaires, qu’il connait. La
dématérialisation ouvre de nouveaux réseaux de distribution, crée une proximité nouvelle
84
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
avec le client ; on peut aller jusqu’à imaginer une distribution via la « long tail », c’est-à-dire
les joueurs eux-mêmes(au travers de blogs, sites de fans, etc.).
Les relations à entretenir sont d’autant plus nombreuses pour les éditeurs qu’un jeu
a souvent intérêt à être distribué sur plusieurs portails pour augmenter sa visibilité. La
conséquence est que les relations à entretenir sont plus nombreuses pour l’éditeur, il doit
s’adresser à beaucoup d’acteurs qui ne se ressemblent pas : portails tiers, portails des
fabricants de consoles, sites de jeux, etc. La centralisation de l’information devient une
nouvelle problématique.
Proximité avec la demande : la question de la gestion de communauté
Nous avons eu l’occasion de souligner à plusieurs reprises le développement des
jeux communautaires et le fait que la majeure partie d’entre eux était distribuée de
manière digitale. Ils permettent notamment une plus grande proximité avec la demande.
Mais cette proximité doit être gérée et utilisée à bon escient. Ainsi, la problématique de
gestion de communauté prend une importance grandissante dans le métier d’éditeur ou
de développeur, pour peu que l’on souhaite diffuser un jeu de manière digitale, et d’autant
plus si ce jeu est à caractère communautaire ou multi-joueurs. Traditionnellement, les
communautés de joueurs ont émergé avec le développement d’internet, et étaient souvent
indépendantes des concepteurs d’un jeu. Avec l’émergence de la diffusion digitale et
de nouveaux outils de communication, cette barrière peut être levée. Encore faut-il que
les acteurs du marché en aient la volonté. Une communauté s’organise autour d’un site
internet, fondé par des fans ou par l’éditeur/le développeur lui-même. Les communications
s’établissent entre les membres mais aussi entre les membres et les concepteurs du jeu.
La gestion de communauté est un métier à part entière. Pour comprendre son
22
importance, nous allons identifier les apports d’une communauté à un jeu.
Ils se
répartissent à deux niveaux : avant la sortie du jeu, et une fois le jeu sorti.
Avant la sortie du produit, une communauté permet de relayer les attentes des
joueurs, de donner des informations sur les configurations matérielles, de recueillir des
avis sur les images ou vidéos, ou encore de mener des pré-tests (beta-test). Ces avis
sont précieux et permettent des corrections ou adaptations du produit. Après la sortie du
produit, la communauté peut faire remonter plus rapidement et de manière plus organisée
des informations aux équipes techniques (problèmes, bugs, incompatibilités) permettant de
mieux identifier et corriger les problèmes. Elle fournit un support technique et une entraide
aux joueurs, aide à recueillir des statistiques sur les profits des joueurs, et génère même
du contenu.
Les apports d’une communauté sont donc précieux et multiples. Mais sa création
et sa gestion ne sont pas simples : une telle entité nécessite l’allocation de ressources
dédiées, au travers d’outils et de la fourniture régulière d’un contenu aux membres.
Les outils utilisables sont un site internet, des fonctions communautaires (forums, chats,
wikis, blogs, emails), mais aussi des kits de développement pour favoriser le « usergenerated content » ; la fourniture d’un contenu aux membres peut prendre la forme
de photos, vidéos, informations, interviews, blog des développeurs (comme nous l’avons
observé pour DOFUS ou WAKFU )… qui créent une proximité et des relations entre
l’offre et la demande. Il est nécessaire d’entretenir et de fidéliser la communauté avec un
contenu régulièrement mis à jour et des événements comme des concours, tournois… Pour
faciliter la tâche de la gestion de communauté, il est conseillé de s’appuyer sur un « noyau
22
Appui sur l’intervention de Benjamin Vossey dans le cadre de l’Atelier Dématérialisation organisé par Lyon Game le 17
Avril 2008
Michon Etienne - 2008
85
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
dur » de joueurs passionnés par le jeu, qui peuvent remplir des fonctions d’animation ou de
modération ou sein de la communauté. Ils sont souvent plus impliqués, et moins coûteux
qu’un personnel recruté dans ce but (exemple : les contributeurs à la communauté française
dédiée à Steam, Vossey, sont tous bénévoles ; les modérateurs de la communauté de
Metaboli ne sont rétribués que par un abonnement gratuit).
L’exemple d’Half-Life (dont les deux épisodes ont été un grand succès) que nous
avons déjà pu évoquer (ainsi que Counter-Strike qui en est) montre bien le rôle que peut
jouer une communauté bien organisée, soutenue par les concepteurs du jeu, et disposant
d’outils adaptés (Steam).
Afin de conclure cette partie, nous allons nous pencher sur l’exemple d’un studio de
développement Rhône-alpin qui synthétise à la fois les nouvelles perspectives ouvertes par
la dématérialisation de la diffusion, en même temps que les nouvelles contraintes qu’elle
suscite.
3 - Etude de cas : AGE Studios
Cette étude se base sur un entretien que j’ai pu obtenir avec Mr Philippe Thibaut, cofondateur d’AGE Studios, studio de développement basé à Lyon. Fondé en 2005, AGE
propose « aux joueurs des créations originales, culturelles et ludiques développées par les
petits studios ou producteurs indépendants sur des segments originaux et qui ne trouvent
pas, ou difficilement, preneur auprès des intervenants traditionnels du marché. ». AGE
est donc développeur et éditeur en même temps au travers d’AGEOD, structure sœur qui
emploie la même équipe et édite les jeux du studio. Son offre se situe sur une niche :
elle concerne des jeux de stratégie historiques au tour-par-tour en 2 dimensions et ultraréalistes. Ainsi, ses coûts de développement son limités ; mais ses coûts de recherche et
de rédaction sont plus élevés, car le créneau du studio est de pousser le détail historique
au maximum afin de rendre compte fidèlement du contexte historique dans lequel se
déploie le jeu. Sa distribution s’effectue essentiellement de manière digitale : « 10%
s’effectuent en vente par correspondance et retail, 90% par diffusion dématérialisée »
selon P.Thibaut, et ses jeux sont vendus selon une facturation classique basée sur un achat
ponctuel.
AGE a su tirer parti des avantages de la distribution dématérialisée à plusieurs niveaux :
Atteinte d’une nouvelle clientèle : AGE vend 5000 à 6000 pièces par jeu, une
distribution classique n’aurait donc pas été envisageable (trop coûteuse et inadaptée à une
clientèle très spécifique).
Marge supérieure : hors coûts techniques de distribution, le studio capte l’essentiel
de la marge.
Outils marketing : le ciblage précis des outils marketing en ligne permet au site d’AGE
d’afficher un taux d’achat impressionnant de 27% (il est de l’ordre de 1% en e-commerce).
Proximité avec la demande : utilisation d’une communauté pour fidéliser ses
consommateurs (95% des acheteurs d’un jeu achètent le prochain produit du studio à sa
sortie) et générer du contenu. Ainsi, 50% du contenu d’American Civil War provient des
utilisateurs.
Informations sur les joueurs : le profil-type d’un joueur est un homme de 35-40 ans,
d’une CSP + voire ++.
86
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
Ouverture sur de nouveaux marchés : 80 % de la clientèle est anglo-saxonne (EtatsUnis, Canada, Grande-Bretagne)
Mais si AGE a su s’appuyer au maximum sur les possibilités offertes par la diffusion
digitale, c’est aussi parce que le studio a sur se doter des compétences nouvelles liées à
cette forme de distribution :
Déploiement d’une solution de vente en ligne « buy and download » : elle est
assurée par le site d’AGE au travers d’outils fournis par un prestataire. L’externalisation
s’explique par la lourdeur des investissements à réaliser, estimés à 20 000€, auxquels
s’ajoute l’emploi d’un salarié. Mr Thibaut souligne sa volonté de réaliser cet investissement à
terme, lorsque l’entreprise aura atteint la masse critique suffisante. Le système de paiement
à distance a été développé avec une banque.
Développement d’une communauté : non prévue à la base, cette communauté a
émergé avec le premier jeu du studio. Un noyau dur s’est formé, et a finalement été recruté.
Aujourd’hui, une partie de l’équipe d’AGE est issue de la communauté, et le nouveau site
a été fait par l’un de ses membres. « C’est une excellente garantie d’implication » précise
Philippe Thibaut.
La diffusion digitale comporte donc de nombreux avantages : mais pour pouvoir les
exploiter, il faut également prendre la mesure des nouveaux besoins qu’elle soulève. Ceuxci poussent les acteurs du marché à évoluer dans de nouveaux domaines de compétences
particuliers qui dépassent souvent leurs tâches « historiques ». Ils nécessitent la mise en
œuvre de ressources particulières et font évoluer le métier des acteurs de l’industrie (« il y
a une évolution et une confusion des métiers dans l’industrie » - Salima Bessarhoui ;
« il s’agit d’un nouveau métier : travailler une communauté, faire de la prestation de
service, référencer. On n’est plus seulement dans la vente pure » - Pierre Carde).
Mais les changements occasionnés par cette nouvelle forme de distribution ne se
manifestent pas de la même façon suivant les acteurs de l’industrie que l’on considère.
Dans notre seconde sous-partie, nous allons examiner le rôle des acteurs historiques
face à l’émergence d’acteurs nouveaux, et nous pencher sur les conséquences de la
dématérialisation sur leurs fonctions et poids respectifs.
B – Nouveaux acteurs et acteurs historiques : une
redistribution des cartes ?
En nous intéressant aux évolutions de l’offre de jeu vidéo, nous avons pu constater qu’une
partie de cette nouvelle offre était proposée par des acteurs nouveaux qui ne se fondent pas
dans les rôles de la chaine de valeur classique du jeu vidéo. Certains d’entre eux sont des
moteurs majeurs de la diffusion digitale. Nous allons donc examiner leurs caractéristiques
avant de nous interroger sur l’évolution des rôles des acteurs historiques sous l’influence
de la dématérialisation de la diffusion.
1 – De nouveaux acteurs dynamiques, locomotives de la diffusion
digitale
Michon Etienne - 2008
87
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Ces nouveaux acteurs se situent sur des segments particuliers et innovants (casual
games, jeux communautaires, micro-achats), ou sur des logiques de niche (à l’image AGE
Studios). Ce sont souvent des structures plus souples et plus petites que les éditeurs, et
qui se chargent à la fois d’éditer et de distribuer leurs jeux. La diffusion de leur produit
est essentiellement assurée de manière digitale, tout comme la majorité de leur marketing
et de leur communication (« les petites structures souples dominent » - Pierre Carde).
Ces structures ont bâti sur le succès de leurs premiers jeux et se sont développées en
proposant une offre de plus en plus étoffée et en diversifiant leur activité tout en poursuivant
leur croissance.
L’exemple typique est PopCap Games, qui a notamment développé Zuma (voir
I-A-1, « Les casual games, précurseurs dans le domaine de la distribution digitale »).
Fondée en 2000 à Seattle, l’entreprise a tout d’abord lancé un premier jeu à succès,
Bejeweled , proposé au travers de diverses plateformes de jeu casual et achetable dans
sa version complète selon le principe du « gratuit + payant » détaillé auparavant dans ce
mémoire. Le succès de ce jeu a permis à Popcap de développer d’autres casual games
mais aussi de racheter d’autres entreprises du secteur en 2005 et 2007 pour poursuivre sa
croissance. Par la suite, PopCap a signé un accord avec Steam pour diffuser ses jeux via
cette plateforme. Aujourd’hui, cette structure de 95 personnes distribue également les jeux
d’autres développeurs de casual games, et a remporté plus de 25 récompenses diverses
pour ses jeux.
Leur rôle est à mi-chemin entre celui d’un développeur et d’un éditeur : ils financent
et distribuent leurs jeux mais également parfois ceux d’autres acteurs du secteur (sans
avoir besoin d’une énorme puissance financière puisque les coûts de développement et de
distribution sont largement plus faibles que pour des jeux classiques), et les développent
en même temps. De plus, ils constituent des moteurs majeurs pour la distribution
digitale, d’autant plus qu’elle est leur canal de diffusion principal : ils innovent afin de mettre
au point de nouvelles technologies de diffusion, de nouveaux modes de facturation, de
nouveaux types de jeu. Ils ne se trouvent pas ralentis par le business model classique
du jeu vidéo comme le sont certains acteurs historiques, comme nous le verrons. Le
problème vient du fait que, malgré leur succès, ils ont du mal à tirer le reste du
marché vers la dématérialisation, dans le sens où ils ne sont pas (encore ?) reconnus
comme des locomotives, et opèrent sur des segments différents comme le casual game
(« les locomotives existent, c’est-à-dire le casual, mais elles ne sont pas vues comme
telles » - Pierre Carde).
Ajoutons également que les acteurs déjà présents ont la capacité de créer des
barrières à l’entrée sur le marché de la distribution dématérialisée. Ainsi, l’existence
de Steam, qui est présent sur ce créneau depuis 2003, a convaincu plusieurs éditeurs
majeurs de diffuser leurs jeux de manière digitale non pas en lançant leur propre portail
mais en passant par Steam (à l’image d’Atari, THQ ou Eidos), qui récupère au passage une
partie des bénéfices générés. Ces barrières à l’entrée sont créées par la technologie (les
acteurs déjà présents ont développé une technologie de diffusion efficace), les habitudes et
la confiance des consommateurs, la visibilité de ces portails de diffusion…
Ainsi, les acteurs les plus avancés en matière de diffusion dématérialisée sont
en majorité des structures nouvelles dont internet constitue la raison d’être. Mais le
développement de la diffusion dématérialisée touche également de plus en plus le reste des
acteurs et peut faire évoluer leur rôle de manière significative.
88
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
2 – Les studios de développement et la question du self-publishing
Historiquement, les studios de développement se trouvent engagés dans une relation
déséquilibrée marquée par la domination des éditeurs en raison de leur rôle de financeurs
des projets. Ce déséquilibre est d’autant plus marqué que les coûts de développement
augmentent avec le niveau technologique et les générations de consoles. En parallèle,
la distribution digitale ouvre de nouvelles perspectives, notamment au travers de
la possibilité de distribuer soi-même ses produits. Ce modèle fonctionne avec succès
sur des marchés comme le casual game. Cependant, le fait de passer au self-publishing
constituerait dans la plupart des cas une grosse prise de risque.
En effet, dans la chaîne de valeur actuelle, le développeur se soucie de ce qu’il sait le
mieux faire, c'est-à-dire le développement du jeu et l’aspect technique. Le self-publishing
l’obligerait à élargir ses compétences à de nouveaux domaines comme la distribution ou le
marketing, historiquement assurés par l’éditeur. Cela supposerait des effectifs supérieurs et
une capacité d’investissement importante : la prise de risque serait majeure. Une alternative
consisterait en la création, au sein de studios de développement, de petites équipes
travaillant sur de petits projets innovants auto-distribués (casual game, épisodique…) tandis
que le gros des effectifs continuerait au moins pour un temps à travailler sur les projets
majeurs commandés par les éditeurs et destinés pour la majorité au marché classique.
La prise de risque serait limitée, et l’initiative constituerait un test, qui en cas de succès
créerait une source additionnelle de revenus pouvant servir à financer à termes d’autres
projets du même genre. Dans tous les cas, le développeur sortirait de son cœur de métier
en concentrant de nouvelles compétences et en développant de nouvelles activités comme
la distribution (« il y a une confusion grandissante des métiers » - Salima Bessarhaoui).
Le self-publishing est donc une option ambitieuse et risquée, mais potentiellement
très rentable. Il nous faut bien entendu préciser qu’elle n’est une option que pour les
studios indépendants, et non pour ceux appartenant à des éditeurs. Elle reste cependant
encore peu développée chez les acteurs habitués au business model historique du jeu
vidéo (« La majorité des développeurs n’est pas encore sur le marché du selfpublishing » - Salima Bessarhaoui). Il est souvent difficile de se passer d’un éditeur en
termes de financement ou de distribution (« il est difficile de se passer des réseaux d’un
éditeur » - Clément Galiay). Valve reste l’une des exceptions : un studio de développement
important, qui réalise la majorité de ses ventes par voie dématérialisée, qui s’auto-distribue
et s’autofinance.
Précisons que si comme nous le prévoyons et le détaillerons par la suite, la distribution
dématérialisée est amenée à prendre à plus ou moins long terme une place de plus en plus
importante au détriment de la distribution physique, nous ne saurons que conseiller la mise
en œuvre progressive, au moins par des projets de taille réduite dans un premier temps, du
self-publishing. Cela pourrait constituer un avantage concurrentiel décisif au fur et à mesure
que la diffusion digitale prendra de l’importance.
3 – Les éditeurs : des « dinosaures » avec une énorme capacité de
projection
Les éditeurs ont toujours eu un rôle central dans l’industrie du jeu vidéo, et ce depuis de
nombreuses années. La course permanente à la technologie et l’élargissement progressif
du marché n’ont fait que renforcer leur position, en tant que financiers principaux, preneurs
de risques, ainsi que distributeurs et promoteurs des produits de l’industrie. Ce terme
Michon Etienne - 2008
89
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
provocateur de « dinosaure » volontairement utilisé par Pierre Carde vient souligner un
fait majeur : les éditeurs sont les acteurs les plus impliqués dans la chaine de valeur
classique du jeu vidéo. Outre le financement, leur rôle majeur est de gérer la distribution,
la fabrication, la répartition des stocks, le marketing… Leurs liens avec les distributeurs
sont historiques, et ils restent les acteurs qui captent la marge la plus importante dans la
distribution classique après la distribution elle-même.
Mais la distribution digitale sous sa forme actuelle se déploie largement hors
de la zone d’influence des éditeurs et en contournant la distribution physique classique.
Elle reste pour le moment marginale et concerne des formes de jeux se différenciant des
jeux classiques qui restent le cœur du marché. Pourquoi les éditeurs sont-ils pour le
moment en retrait sur le marché de la distribution digitale ? Nous pouvons avancer
trois facteurs d’explication : l’inertie liée au poids important de la distribution physique
dans le revenu et les activités des éditeurs (« aujourd’hui, les gros sont bloqués avec
la distribution retail » - Pierre Carde) ; la force de résistance et de nuisance potentielle
que pourrait constituer la distribution physique si d’aventure les éditeurs décidaient de se
retirer au moins partiellement du circuit classique de distribution ; et enfin ce qui continue
à constituer à nos yeux l’un des freins majeurs, voire le frein principal, au développement
de la diffusion digitale, c’est-à-dire les possibilités limitées qu’offrent pour le moment les
consoles à ce niveau.
Cependant, plusieurs faits récents semblent aller dans le sens d’une prise
de conscience, de la part d’éditeurs majeurs, du potentiel de la distribution
dématérialisée. Ainsi, lors de l’arrivée à la tête d’Atari/Infogrames d’une nouvelle équipe
dirigeante en Mars 2008, le nouveau PDG David Gardner a affirmé que « le jeu en ligne
occuperait une place centrale dans la renaissance d’Atari », en affirmant son intérêt pour
les jeux en ligne joué directement depuis un serveur, sans téléchargement, et pour les
nouveaux modèles gratuits basés sur les micro-transactions. Autre indice majeur de cette
prise de conscience, la sortie prévue à l’été 2008 de Battlefield Heroes , développé et
distribué par Electronic Arts, premier jeu « free-to-play » distribué par un acteur majeur
du secteur (que nous avons pu aborder dans notre II-B-1, « Des modes de facturation
de plus en plus variés »). Peu de détails ont encore filtré, notamment sur la question de
l’utilisation des micro-transactions ; mais l’on sait déjà qu’il repose sur quelques principes
de base : accessibilité (jouable par le plus grand nombre), simplicité technique (fonctionne
sur la majorité des PC et peu cher à développer) et jeu exclusivement en ligne. Il s’appuie
sur la franchise Battlefield, très connue des joueurs (« Battlefield Heroes est un test ; il a
le mérite d’être un test fait par un gros » Pierre Carde).
Le risque est que cette prise de conscience arrive trop tard, car les éditeurs ont déjà
été devancés par des acteurs plus petits mais qui ont commencé à ériger des barrières à
l’entrée de par leur existence et leur visibilité sur le créneau de la distribution dématérialisée.
90
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
Capture d’écran de Battlefield Heroes
(source : jeuxvideopc.com)
Cependant, les éditeurs majeurs disposent d’une énorme capacité de projection,
capable de surmonter ces barrières ; c’est-à-dire que le jour où la diffusion dématérialisée
deviendra une priorité stratégique, ils auront les moyens de rattraper leur retard et de lancer
de nouveaux produits sur ce marché. Cette capacité de projection provient tout d’abord de
leur puissance financière : à titre d’exemple, Ubisoft a réalisé en 2007 un chiffre d’affaires
de 928 millions d’euros (pour un résultat net de 109,8M€) ; Electronic Arts a la même année
affiché un CA de 4,02 milliards de dollars, pour un résultat net de 339 millions de dollars. Elle
provient également de leur capacité créative, puisque les plus gros éditeurs disposent de
studios internes performants avec des équipes de talent qui ont réalisé de nombreux jeux à
succès, mais également de leur renommée dans l’industrie et particulièrement auprès des
consommateurs qui reconnaissent la qualité de leurs jeux et leurs différentes marques.
4 – D’où viendra le déclic pour l’industrie ?
Les paragraphes précédents nous ont permis de montrer qu’en dehors des nouveaux
acteurs du marché, les acteurs historiques de l’industrie restent pour le moment encore
largement tournés vers la distribution physique (« tout le monde se regarde en chien de
faïence » - Pierre Carde). Si les « locomotives » actuelles ne sont pas perçu comme telles,
d’où pourrait venir l’impulsion pour l’industrie ?
L’industrie du jeu vidéo fonctionne beaucoup en se basant sur la règle du précédent :
lorsqu’un jeu innovant rencontre un gros succès, on voit apparaitre de nombreux produits
Michon Etienne - 2008
91
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
proches cherchant à s’engouffrer dans la brèche créée, à l’image de World of Warcraft et
du marché des MMORPG. De l’avis de chacune des personnes que j’ai pu rencontrer lors
de mes entretiens, « il y a besoin de quelqu’un qui se va lancer et réussir » (Clément
Galiay). Nous avons vu que l’impulsion peut venir des éditeurs qui disposent d’une
importante capacité de projection. Elle pourrait également provenir d’un studio qui se
lancerait dans le self-publishing (« un petit développeur avec un gros succès peut créer
un précédent et tirer l’ensemble » - Clément Galiay). Dans la musique, le point de départ
a été Apple. Sa position actuelle montre que la prise de risque peut être récompensée par
un quasi-monopole à terme (ce qui est difficilement envisageable dans le jeu vidéo ; on peut
toutefois facilement imaginer un gain sensible de parts de marché).
Notre avis sur la question est que les fabricants de consoles peuvent également
jouer un rôle majeur en encourageant la distribution digitale au travers de leurs
plateformes (« ce qui va faire la différence, c’est le moment où les consoles vont
s’y mettre » - Pierre Carde). Microsoft est assez intéressant à ce niveau avec son Xbox
Live, mais les solutions de distribution restent bien plus limitées que sur PC. Il faut bien
rappeler que les ventes de jeux sur consoles pèsent pour 1/3 des revenus de l’industrie du
jeu vidéo au niveau mondial. La question qui se pose est aussi de savoir si ces fabricants
le souhaitent, car la vente physique est aussi avantageuse pour eux.
Dans cette deuxième sous-partie, nous avons pu observer les conséquences, à la fois
présentes mais également potentiellement futures, de l’émergence de la distribution digitale
sur les acteurs de l’industrie. Ce nouveau mode de diffusion a permis à de nouveaux acteurs
de faire leur entrée dans l’industrie. Ces petites structures plus souples et positionnés
sur des marchés en croissance ont pour le moment devancé les acteurs historiques qui
restent pour la majorité tournés vers la distribution digitale, tout en créant quelques barrières
à l’entrée. Ce nouveau mode de diffusion pourrait cependant modifier considérablement
leurs rôles et amener à terme à une confusion des métiers : les studios de développement
se voient offrir des opportunités de self-publishing, alors que les éditeurs restent pour le
moment relativement en-dehors de la diffusion digitale. Mais ils commencent à esquisser
une prise de conscience du potentiel de ce nouveau mode de diffusion et disposent des
ressources nécessaires pour s’y lancer quand ils l’auront décidé. Se pose donc la question
de savoir quand ce moment arrivera : il est très probable qu’il faudra un succès important
d’un acteur visible de l’industrie, studio ou éditeur, dans le domaine de la diffusion digitale
afin de créer une impulsion décisive.
Ainsi, dans notre troisième et dernière sous-partie nous allons nous intéresser aux
limites de la distribution dématérialisée et aux forces de résistance qui pourraient en ralentir
l’émergence.
C – Limites de la distribution dématérialisée et forces
de résistance
Comme nous avons pu le constater au travers de ce mémoire, si l’industrie prend de plus en
plus conscience du potentiel de la distribution digitale, cette dernière reste pour le moment
cantonnée à certains segments spécifiques. Nous allons chercher à expliquer pourquoi,
et voir en quoi son émergence pourrait être ralentie dans le futur par certaines forces de
résistance.
92
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
1 – Limites actuelles au développement de la diffusion digitale
Limites techniques et psychologiques
Ces limites ont notamment été abordées dans notre première partie, « La demande :
les attitudes de consommation et le niveau d’équipement semblent dessiner un paysage
favorable à l’émergence de solutions de distribution dématérialisées ». Nous avons
notamment pu voir que si un contexte socio-technique favorable était en train de se
développer, des limites existaient encore : au niveau technique, on constate toujours des
décalages en termes de pénétration du haut débit entre l’Asie d’un côté, et l’Europe et les
Etats-Unis de l’autre ; mais surtout des différences importantes en termes de débit, les EtatsUnis affichant un retard significatif à ce niveau. Cela limite donc les possibilités de diffusion
et rend la distribution moins facile, ergonomique, et donc « user-friendly ». Or nous avons
souligné que cette caractéristique était le moteur primaire de la diffusion digitale. Le niveau
technologique global évolue rapidement, mais il faut cependant lui laisser du temps. Au
niveau psychologique, les comportements de consommation dénotent une certaine inertie
et évoluent plus lentement que l’offre elle-même. Des signaux positifs proviennent de la
consommation en ligne de produits culturels ou de jeu, mais ici encore seul le temps, et des
impulsions provenant du marché, permettront à ces comportements d’intégrer la diffusion
digitale.
Poids de la vente retail
Elle reste le canal de diffusion historique de l’industrie du jeu vidéo et pèse
encore très lourd sur le marché, malgré ses inconvénients et son incompatibilité
grandissante avec la hausse des coûts de développement. Aujourd’hui, selon PWC, elle est
responsable de 90% des ventes de jeu, contre 10% pour la distribution digitale ; mais ces
statistiques sous-estiment probablement le poids de cette dernière car elles ne prennent
pas en compte le casual game et le MMORPG. Elle reste encore largement un réflexe en
matière de consommation.
Le marché des jeux consoles reste largement en retard
Comme nous l’avons souligné, le retard du marché des consoles en termes de diffusion
digitale est probablement le frein majeur à l’émergence de ce mode de distribution, d’autant
qu’il est le marché principal de l’industrie. Ce retard s’explique à différents niveaux :
Caractéristiques techniques des consoles : elles ne sont encore pas suffisamment
pensées comme online. La Xbox360 n’est par exemple pas équipée pour se connecter à
internet par wifi ! De plus, leur technologie est « statique » pendant tout un cycle (de 5 à
6 ans), en attendant qu’elles soient remplacées par la future génération de consoles, alors
que les PC évoluent en permanence. Leur évolution technique est donc plus lente. Elles
sont en outre limitées par la taille limitée de leur disque dur ou de leur mémoire interne
(voire leur absence : le modèle le moins cher de Xbox 360 est proposé à moins de 200€
mais sans disque dur).
Dépendance vis-à-vis des fabricants : les fabricants de console contrôlent la diffusion
des contenus sur leurs machines, que ce soit au niveau de la distribution physique
comme au niveau de la distribution digitale. Ils verrouillent les possibilités, et les éditeurs
ou développeurs souhaitant diffuser leurs jeux sur console par voie dématérialisée sont
tributaires du bon vouloir des fabricants. Aujourd’hui, alors que le marché PC peut utiliser
internet pour mettre en place des solutions de distribution digitale, le marché console doit
passer par les plateformes intégrées des consoles, encore limitées et qui ne permettent
pour le moment pas de diffuser de jeux classiques.
Michon Etienne - 2008
93
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
2 – Des forces de résistance ralentissant le développement de la
diffusion digitale dans le futur ?
La diffusion digitale est donc une tendance récente qui est progressivement en
train de prendre de l’importance en s’appuyant sur ses avantages et son important
potentiel. Mais son développement dans les années à venir pourrait être freiné par
des forces de résistance, notamment de la part d’acteurs économiques qui pourraient
voir leurs revenus diminuer en raison de la mise en place de ce nouveau modèle.
L’essentiel de ces forces de résistance sont concentrées entre les mains des distributeurs
physiques.
En effet, la vente retail pèse aujourd’hui pour environ 90% des ventes de jeu vidéo,
hors casual games et MMORPG. La situation est très bénéfique pour les distributeurs :
les produits sont en dépôt-vente dans leurs rayons (pas de prise de risque), ils captent
l’essentiel de la marge (environ 40%) et se servent des jeux comme produit d’appel pour
pousser les clients à consommer d’autres produits, comme nous l’avons évoqué dans le
cas de l’industrie cinématographique (Wal-Mart se servant du DVD comme produit d’appel).
Sources : PWC – Strategy Analytics
Or la distribution digitale, nous l’avons vu, suppose de contourner totalement ces
distributeurs physiques. Ainsi, des prévisions comme celles du cabinet Strategy Analytics
anticipent que le poids de la distribution physique dans l’industrie du jeu vidéo passera de
90% en 2007 à 67% en 2011, tandis que celui de la distribution digitale augmentera de
10% à 33% dans le même laps de temps. Ces évolutions auraient des conséquences
certaines sur les revenus obtenus par la distribution physique au travers de la vente
de jeux vidéo.
Pour ralentir ou limiter le processus, on peut imaginer que ces distributeurs utilisent
des moyens de pression, notamment sur les fabricants de consoles, qui commercialisent
au travers de la distribution physique de nombreux autres produits (électronique pour
Sony, logiciels pour Microsoft, jeux sur consoles portable non dont la diffusion n’est pas
dématérialisée) mais également leurs consoles mêmes ! Si Wal-Mart déréférençait les
baladeurs Sony, cela aurait des conséquences économiques importantes sur le groupe. De
plus, la distribution physique sert également à ces fabricants de consoles qui s’en servent
94
Michon Etienne - 2008
III – L’industrie du jeu : conséquences sur le marché et ses acteurs
pour écouler consoles et accessoires. Ils pourraient donc eux-mêmes avoir intérêt à ce que
les jeux ne désertent pas les étals de ces magasins.
Cependant, des forces de résistance ne tiennent en général pas longtemps face à une
innovation convaincante plébiscitée par les consommateurs. Le DVD lui-même avait reçu
un accueil des plus mitigés de la part des distributeurs retail. L’une des solutions pour la
distribution physique pourrait être de mettre en place ses propres plateformes de diffusion
digitale.
3 – Synthèse
En dépit de son potentiel, la distribution dématérialisée reste limitée par différents facteurs,
aussi bien techniques que psychologique. Son frein majeur provient du retard qu’accuse
le marché des jeux sur consoles en matière de diffusion digitale… Mais le poids de
la distribution retail joue également de manière significative. En outre, elle constitue la
principale force de résistance capable de ralentir la mise en place de la diffusion digitale
dans un futur proche. Il est intéressant de voir que le jeu vidéo partage donc des points
communs avec le cinéma, comme nous le soulignions dans notre première partie (I-C-2,
« Cinéma et jeu vidéo, une situation similaire ») :
∙
La remise en cause progressive d’un business model classique et historique
∙
Une indécision des acteurs majeurs à franchir le pas digital
∙
Une dépendance importante vis-à-vis de la distribution physique (en dépit de ses
limites) laissant craindre des mesures de rétorsion
∙
Une prise d’initiative restant pour l’instant l’apanage de petites structures
indépendantes
Synthèse de la troisième partie
Michon Etienne - 2008
95
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
La mise en place de la diffusion digitale peut donc avoir un impact important
sur les acteurs de l’industrie du jeu vidéo. D’une part, elle présente de nombreux
avantages, tout d’abord en permettant d’évier les contraintes de la distribution physique,
mais également en créant des opportunités nouvelles : proximité avec le consommateur,
obtention de marges supérieures, valorisation de l’ensemble du catalogue, protection contre
le piratage, élargissement de l’offre et des possibilités de facturation, obtention de revenus
plus réguliers… L’accès à ces avantages nécessite des efforts importants : il faut être
capable de repenser son activité et de déployer les nouvelles compétences qu’implique la
distribution digitale. Sans ces compétences, les possibilités d’échec sont réelles. Ainsi, il faut
savoir déployer une offre en ligne, mais également gérer une communauté et apprendre à
traiter avec de nombreux diffuseurs de différentes natures. Certaines de ces tâches peuvent
être externalisées, mais cette externalisation a un coût.
En ouvrant de nouvelles possibilités, la diffusion digitale peut également modifier
l’équilibre des forces dans l’industrie. Les acteurs classiques ont pour le moment été
devancés par de nouvelles structures qui suivent un business model différent. De nouvelles
opportunités émergent pour les studios, qui voient le self-publishing devenir une réalité
risquée mais potentiellement très rentable ; les éditeurs sont pour le moment trop retenus
par la distribution physique mais ont une force de frappe suffisante pour rattraper leur retard.
L’émergence de la diffusion digitale n’est pas pour autant un processus continu et
stable : des forces de résistance existent et pourraient en ralentir le développement ; notre
conclusion sera l’occasion d’examiner les perspectives réalistes de mise en place de cette
distribution dématérialisée.
96
Michon Etienne - 2008
Conclusion
Conclusion
Bilan
Nous allons chercher à revenir sur l’ensemble des éléments abordés dans ce mémoire, afin
de faire le point sur l’avancée de notre démonstration et de voir quelles réponses apporter
à nos problématiques.
Les pré-requis : le niveau technologique, l’équipement et la demande dessinent-ils un
paysage favorable au développement de la dématérialisation ?
Le développement d’une distribution digitale telle que l’on peut la voir émerger
aujourd’hui aurait été quasiment impensable au début de notre décennie. Mais les avancées
technologiques majeures réalisées sur les trois marchés principaux du jeu vidéo en termes
de débit internet, alors qu’en parallèle de plus en plus de consommateurs y adoptent le
haut débit, font que le nombre de clients potentiels pour les jeux diffusés par voie digitale
augmente chaque jour. L’équipement en PC comme en consoles de jeu suit cette courbe
ascendante.
Cet environnement technique en modernisation permanente s’accompagne d’une
évolution des comportements de consommation, sous l’influence de l’e-commerce et du
jeu en ligne notamment. Ces nouveaux comportements permettent à la diffusion digitale
d’occuper une place de plus en plus importante dans d’autres industries culturelles comme
celle de la musique, et dessinent les perspectives d’un marché prometteur pour le jeu vidéo.
Bien entendu, ce paysage socio-technique n’est pas parfait. Des différences, parfois
majeures, existent encore entre les territoires, parmi lesquels l’Asie (ou tout du moins une
partie de l’Asie) s’affirme comme le continent « online » par excellence. Mais ces limites
n’empêchent pas le bilan global d’être positif. Nous pouvons donc affirmer que le contexte
actuel est favorable, et que le contexte à moyen terme (5 à 7 ans) s’annonce lui très
favorable au déploiement de la diffusion digitale de jeux vidéo.
Quel impact aura cette dématérialisation sur l’offre de jeux vidéo ?
La dématérialisation est de nature à influer profondément sur l’offre de jeu vidéo. Si
seule une partie pour le moment marginale (bien qu’en progression constante) de l’offre est
actuellement diffusée de manière dématérialisée, l’étude de cette offre et de ses modalités
nous permet d’identifier des changements à plusieurs niveaux :
∙
Au niveau de sa forme (nouveaux types de jeux et nouveaux joueurs)
∙
Au niveau de sa distribution (émergences de différents modèles de diffusion)
∙
Au niveau de sa facturation (nombreuses innovations en termes de pricing)
∙
Au niveau de son rapport à la demande (prestation de service et rapport direct au
consommateur)
Cette offre nouvelle est susceptible de pousser le consommateur vers la diffusion
dématérialisée qui, si elle ne permet pas pour le moment aux jeux d’être moins chers, lui offre
de nombreux avantages : ergonomie, dimension de service, variété de l’offre, adaptation
au budget…
Michon Etienne - 2008
97
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Elle reste encore imparfaite, puisque largement limitée sur le marché des consoles et
manquant de lisibilité sur le marché du PC.
Nous pouvons donc affirmer que la diffusion digitale, en ouvrant des perspectives
inconnues avec la distribution classique, permet le développement d’une nouvelle offre
susceptible d’élargir considérablement le nombre de consommateurs potentiels et les
perspectives de croissance. De nombreuses options restent peu exploitées par les acteurs
de l’industrie : cette offre devrait donc continuer à se diversifier et à conquérir de nouveaux
segments (jeux sur consoles notamment) dans les années à venir.
Quelles conséquences cette transformation aura-t-elle sur l’industrie, son business
model et ses acteurs ?
L’émergence de la distribution dématérialisée peut potentiellement générer de
nombreux changements pour l’industrie du jeu vidéo et ses acteurs. Elle ouvre de
nouvelles perspectives en raison de ses avantages propres mais également dans le
sens où elle permet de contourner une distribution physique de plus en plus porteuse
de contradictions et de contraintes.
Il faut souligner que ces impacts positifs doivent être recherchés : le déploiement
d’une offre digitale suppose de maîtriser de nouvelles compétences et d’élargir
ses activités classiques. La création de nouvelles opportunités laisse imaginer une
remise en cause de la configuration actuelle de l’industrie, avec l’émergence de
nouveaux acteurs qui possèdent une longueur d’avance sur les acteurs historiques
encore largement tournés vers la distribution physique. Si la distribution digitale offre
potentiellement des opportunités à chaque acteur, le futur de l’industrie dépendra de
la capacité de ces acteurs à les saisir.
Discussion et mise en perspective
Nous l’avons vu, la dématérialisation de la diffusion dans le jeu vidéo est porteuse d’un
nombre important de changements. Elle ouvre des perspectives qui ont le potentiel pour
révolutionner l’industrie telle qu’elle s’est mise en place depuis les années 70.
En ce sens, la distribution digitale n’est pas qu’une réponse à la faillite progressive de la
distribution physique. Elle doit être à la fois envisagée comme la réaction à une situation de
plus en plus insoutenable sur le plan économique, et en même temps comme un processus
naturel né de la recherche de nouvelles opportunités, de l’innovation vers laquelle tendent
en permanence de nombreux acteurs du secteur.
Elle a le potentiel pour accélérer très largement la croissance de l’industrie, aussi bien
en créant des profits importants qu’en élargissant largement la base de joueurs. Le secteur
a déjà connu une croissance remarquable en s’appuyant sur une population de joueurs au
profil assez stable dans le temps (hommes de 15 à 30 ans). Le succès actuel de produits
comme le casual game ou le Wii Fit (jeux proposant des exercices physiques sur Wii) laisse
imaginer des perspectives de croissance significatives, liées à la conquête de nouveaux
joueurs.
C’est pour cela que l’évolution vers la diffusion digitale doit être très largement
encouragée ; nous ne pouvons par exemple que conseiller vivement aux studios de
développement de profiter des nouvelles opportunités qu’elle offre pour sortir d’un système
98
Michon Etienne - 2008
Conclusion
classique instable et dangereux pour se lancer dans le self-publishing qui dessine de riches
perspectives.
Quelles échéances ?
Il est maintenant admis que la diffusion digitale est porteuse de profonds changements.
Cependant, comme nous avons pu le préciser à plusieurs reprises dans ce mémoire, elle est
une tendance récente et un phénomène encore jeune, en plein développement. Rappelons
qu’à l’heure actuelle, on considère qu’elle pèse pour un peu plus de 10% de la distribution
globale de jeux vidéo (son poids est d’ailleurs similaire dans l’industrie musicale).
Afin d’essayer de déterminer à quel horizon la diffusion dématérialisée pourrait
s’imposer comme la norme sur le marché du jeu vidéo en lieu et place de la distribution
physique, il nous faut considérer plusieurs données :
∙
L’évolution des accès internet, des débits et des comportements de consommation
∙
Le développement des solutions en ligne et l’élargissement de la distribution digitale
au marché des consoles
∙
Le poids des forces de résistance potentielles
∙
L’impulsion donnée par un ou des acteurs majeurs
Strategy Analytics prévoit que la distribution digitale pèsera pour 33% du revenu total dans
le secteur du jeu vidéo d’ici 2011. Il nous faut donc nous référer aux courbes d’évolution du
haut débit examinées dans notre première partie, ainsi qu’à la date d’arrivée de la prochaine
génération de consoles (aux alentours en 2011). Il faut également prendre en compte les
forces de résistance : il est probable qu’elles jouent, mais pourront difficilement résister à
une innovation qui serait soutenue par le consommateur. Leur potentiel de ralentissement
se chiffre selon nous à un voire deux ans. Une solution imaginable et plus constructive serait
d’imaginer la mise en place par les distributeurs physiques de leurs propres plateformes de
diffusion digitale. En prenant tous ces facteurs en compte, il nous semble raisonnable de
fixer la « ligne de cassure » (date à laquelle la distribution digitale deviendra majoritaire) à
l’horizon 2013-2014, soit d’ici 5 à 6 ans.
Michon Etienne - 2008
99
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Bibliographie
Ouvrages
ATAMER, Tugrul et CALORI, Roland.
Diagnostic et décisions stratégiques
e
–2
édition, Paris : Dunod, 2003. 509p.
ESKENAZI, Jean-Pierre et CAZALS, François.
Marketing online et
ère
référencement
–1
édition, Paris : Webedition, 2005. 307p.
Sous la direction de DETRIE, Jean Pierre.
Stragegor, Politique Générale de
e
l’Entreprise
-4
édition, Paris : Dunod, 2005. 888p.
ère
La Chaine de Valeur – 1
édition, Paris : Editions d’Organisation, Collection Harvard
Business Review, 2000. 316p. (Titre original : Harvard Business Review on managing
the value chain, traduit de l’américain par V.Phalippou)
Périodiques
Hollywood and the internet, The Economist, 15-22 Février 2008
PORTER, Michael. How the different market forces shape strategy, Harvard Business
Review – Janvier 2008, Volume 86, Numéro 1
Ressources en ligne
Le Nouveau Petit Robert de la Langue Française 2008, Edition électronique
Michel CALLON, Bruno LATOUR et Madeleine AKRICH. A quoi tient le succès des
innovations ? Gérer et comprendre, Annales des Mines, 1988
Etudes et rapports
100
Michon Etienne - 2008
Bibliographie
BARBIER, Pierre-Louis.
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BARBIER, Pierre-Louis.
Quelles solutions pour financer un jeu indépendant ?
Projet de fin d’études, ESC Grenoble, Novembre 2007. 34p.
FRIES, Fabrice.
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, rapport remis au Ministère de l’Industrie, de l’Economie et des
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Paris, premier pôle jeu vidéo d’Europe continentale : données, témoignages et
projets ,
Paris Développement, Dossiers d’Actualité #1, Septembre 2006
Enjeux et défis de l’industrie en Ile-de-France : monographie Image/jeux vidéo
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(DRIRE), Edition 2007. 32p.
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Entertainement Software Association (ESA), Edition 2007. 16p.
Note de conjoncture Lyon Game : Etat des lieux et perspectives du secteur du jeu vidéo
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Global Entertainment and Media Outlook, 2006-2010, PriceWaterhouseCoopers, Juin
2006. 636p.
IFPI Digital Music Report 2008, International federation of Phonographic Industry, Avril
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Electronic Gaming in the Digital Home II – Charts and Samples, Parks Associates, Avril
2008. 7p.
OECD Factbook 2008: Economic, Environmental and Social Statistics : Computer and
internet access by households, OECD, Avril 2008
Webographie
www.01.net, site d’actualité sur internet et les nouvelles technologies
www.apom.org , site de l’Association des Producteurs d’Œuvres Multimédia
www.apple.com , site d’Apple, iTunes Store Top Music Retailer in the US
www.afjv.com, site de l’Agence Française pour le Jeu Vidéo :
La distribution de jeu vidéo, comment ça marche
Jeu vidéo : vers les consoles nouvelle génération
Panorama GfK de la micro et de l’Internet 2007 : le marché français à l’âge de raison, «
S’équiper… pour rester connecté ! »
Michon Etienne - 2008
101
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Financements, aides et subventions pour l’industrie du jeu vidéo et les produits
multimédias
Fiches pratiques consacrées au jeu vidéo en ligne
Metaboli lève 6 millions d’euros pour accélérer son développement en Europe
http://www.battlefield-heroes.com/, site du jeu Battlefield Heroes
www.blizzard.com, site de Blizzard Entertainment
www.clubic.com, site français sur les nouvelles technologies
http://devblog.dofus.com/fr/categories/11-developpement.html, blog des développeurs
de DOFUS
http://devblog.wakfu.com/fr/categories/7-developpement.html , blog des développeurs
de WAKFU
www.dicodunet.com, dictionnaire en ligne des nouvelles technologies
http://www.direct2drive.com/ site américain de diffusion digitale
www.dofus.com, site du jeu DOFUS
www.electronlibre.info
Amazon Contre Itunes, le choc des titans
www.eurogamer.fr, portail francophone sur les jeux vidéo
www.fredcavazza.net/, blog dédié aux nouvelles technologies
www.gamasutra.com , site anglophone à l’industrie du jeu vidéo
Q&A: Stardock's Wardell Talks Distribution Revolution With Impulse
How To Compare Online Gaming Businesses
Moving The Industry Forward: Peter Molyneux Speaks
www.gamedaily.com
Online Chinese Game Sales Hit $1.7 Billion in 2007
www.gamedev.net
Interview : Thomas Bahon d’Ankama Games
www.gamesindustry.biz, site anglophone à l’industrie du jeu vidéo
Digital overtaking retail for Valve
Sony halves cost of PS3 development kit
Price cut boosts PS3 sales 250-300%
EA expects PS3 to outsell 360 in 2008
Ubisoft to open Singapore studio
Epic's Unreal titles now on Steam
Console war is "totally irrelevant" – Sorenson
Videogames still "miles away" from mass market, says Amor
Format holders need to expand DLC market, says Farrell
Mobile game downloads continue slow growth
102
Michon Etienne - 2008
Bibliographie
'Jury is still out' on downloadable content, says Rare
North America mobile games worth $3 billion by 2012
Mobile games businesses attaining longevity
Valve announces Steamworks development tools
Advertising sets mobile games free
Atari titles now available via Steam
EA to release free ad-supported Battlefield title
In the Works
A Question Of Size
GAME to push online user recommendations
David Amor - Still Buzzing
It's a "brutal environment" for indies, says Ninja Theor
Nintendo sales up 73% for the year
PopCap partners with Acme Mobile for Southeast Asia distribution
Square Enix to help PopCap break Japan
I'd struggle to make an online game for less than $50 million, says Jones
Portal was offered to XBLA, but rejected
The Last of the Independents?
Microsoft: GTA IV will boost Live subscribers
MMO Week: Is the market maturing?
Online subscriptions exceed $1 billion a year, says NPD
Xbox Live Arcade's David Edery
The last generation of consoles?
Games industry becoming a broadcast model, says St John
Home platforms are segmenting multiplayer market - CapcomLost Planet reaches 1
million downloads
Valve not concerned about piracy in PC marke
Valve announces Steam Cloud
EIF: "Our consumers are the stars," says Guillemot
http://gigaom.com site Anglophone sur les jeux vidéos
http://fr.gpotato.eu/ portail européen de Gpotato
www.ifpi.org, site de l’ International federation of Phonographic Industry
www.ipsos.fr, site de l’institut de sondage IPSOS
http://www.ijji.com, site d’Ijji, entreprise spécialisée dans le free-to-play
www.journaldunet.com, site francophone consacré à internet et aux nouvelles
technologies
Michon Etienne - 2008
103
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Chiffres clés de l’Internet et des nouvelles technologies en France et dans le monde
Monde : le marché du e-commerce
Amazon, le tableau de marche d’un champion
Monde : le marché du jeu en ligne
Jeu vidéo : quel avenir pour la dématérialisation ?
MySpace va créer une chaîne de jeux en ligne en 2008
Un nouveau modèle économique
"Sans le piratage, le chiffre d'affaires des jeux vidéo triplerait"
www.joystiq.com, site anglophone sur les jeux vidéo
www.lexpansion.com, site d’actualité économique
Le jeu PC est-il en danger de mort ?
Les jeux vidéo en ligne rapportent deux fois plus d'argent
La vente en ligne de jeux vidéo explose
Interview de Michel Guillemot (Gameloft)
www.metaboli.com, site du distributeur en ligne Metaboli
www.mmogchart.com site fournissant des statistiques sur les jeux en ligne
http://www.nexon.net site du développeur et éditeur coréen Nexon
www.popcap.com, site de l’éditeur/développeur de casual games Popcap Games
http://www.oezratty.net, blog sur les nouvelles technologies et l’innovation
http://retailindustry.about.com/, site américain sur la distribution retail
http://seabuzz.wordpress.com/ blog consacré aux advergames
www.steampowered.com, site de la plateforme Steam
http://www.telltalegames.com, site du développeur américain Telltalegames
www.zdnet.fr, site consacré à internet et aux nouvelles technologies
104
Michon Etienne - 2008
Annexes
Annexes
Travail terrain
1 – Tableau synthétique des entretiens
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de
Lyon /!\
2 – Grille d’entretien
/!\ A consulter sur place au centre de documentation de l'Institut d'Etudes Politiques de
Lyon /!\
Présentation du mémoire
Dématérialisation de la diffusion dans l’industrie du jeu vidéo.
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : vers une nouvelle offre et une nouvelle
configuration de marché ?
La distribution n’évolue pas seule : c’est tout le jeu qui évolue avec lui. Quels nouveaux
jeux, quelles nouvelles formes, quels nouveaux clients : ce sont les vrais questions.
Différents buts :
∙
∙
∙
∙
Etat des lieux du marché
La demande et l’équipement sont-ils prêts pour la dématérialisation ?
Quelles modalités de mise en place ? (types de jeu, différentes politiques de prix,
référencement et marketing online)
Conséquences pour le marché et ses acteurs.
Guide d’entretien
Introduction
∙
∙
∙
Une définition de la dématérialisation ?
Hausse des coûts et nouvelle génération de consoles : des contradictions de plus en
plus fortes ?
La dématérialisation, une réponse aux limites du business model actuelle ou une
nouvelle tendance profonde du marché ?
I – L’équipement et la demande : prêts pour un développement du online ?
∙
∙
∙
∙
∙
L’équipement actuel (en haut débit notamment) est-il suffisant ?
Le online doit-il attendre un équipement suffisant, ou va-t-il au contraire le stimuler ?
La demande est-elle prête pour une consommation de jeu dématérialisée ?
Comment la faire évoluer ?
Peut-on s’inspirer d’un autre secteur ?
Michon Etienne - 2008
105
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
II – Quelles formes de dématérialisation : des choix stratégiques.
∙
∙
∙
∙
∙
∙
Types de jeu : la dématérialisation va-t-elle favoriser certains types de jeu aux
dépends d’autres ?
Quels nouveaux types de jeu ?
De nombreuses possibilités en termes de facturation. Certaines sont-elles meilleures
que d’autres ? (dépendent aussi du type de jeu)
Quel nouveau marketing ? (cf référencement)
Conquérir un nouveau public : la « fin » du hardcore gamer ?
Transition vers la prestation de service ?
III – Conséquences pour le marché et ses acteurs
∙
∙
∙
∙
∙
Penses-tu que l’impulsion va venir d’une catégorie d’acteurs en particulier ? (petites
structures)
Vers une confusion des métiers avec des studios-éditeurs ?
Quelle catégorie d’acteur en tirerait le plus grand avantage ?
Vers un nouveau business model ?
Des forces de résistance ?
3 – Reprises d’entretiens
Entretien 1- S.Bessarhaoui, P-L Barbier, 13 Février 2008
Reprise de l’entretien
Infos marché
∙
∙
∙
∙
∙
∙
Développement du online : 15M d’utilisateurs Steam, 10M d’utilisateurs Xbox Live =
de plus en plus d’acteurs sur le marché (cf GAMETAP aux USA – propose anciens
jeux en accès online, une partie payante et une partie gratuite).
Nouveaux business models : exemple de WSG avec séries TV/ jeu vidéo. Incarne
un personnage, streaming pur, look next-gen, click-and-play. Insiste sur la créativité
(scénaristes…). La cible n’est pas uniquement les hardcore gamers, mais plus
large. Pour le online, on touche à la question du référencement qui devient
majeure. Il se creuse des fossés entre les studios. On pourrait parler de « advanced
casual games ». Mais la dématérialisation « marche pour tout le monde ».
Evolution du métier : « le métier de développeur n’existe plus ». Le rôle classique
de développeur évolue très vite. Mais les développeurs ne sont pas encore sur le
marché du self-publishing. « Il y a une confusion des métiers ».
Rôle central de la R&D : investissements importants. WSG a les moyens de le faire.
« La technologie crée l’avantage concurrentiel ».
Politique de prix : des choix à faire. Abonnement + paiement « à l’épisode »
Evolution de la cible : la segmentation change (cf social games)
Recommandations mémoire
Approche demande. Etudier jeu communautaire, le profil des joueurs évolue.
Etudier les opportunités : haut débit, HD, taux d’équipement…
Entretien 2 – P.Carde, 13 Mars 2008
106
Michon Etienne - 2008
Annexes
Guide d’entretien
Introduction
Une définition de la dématérialisation ?
« La dématérialisation est ce qui va véritablement changer l’industrie dans les mois
et les années qui viennent ». Prolongement de ce qui se fait dans la musique et dans le
cinéma. Dans le film, baisse des revenus. Définition : diffusion « hors support physique ».
La sécurisation du contenu est une problématique.
« La vente en téléchargement strict est pour moi le cœur de l’histoire ». « Le support
physique, on sait très bien depuis longtemps qu’il ne sert plus à rien ».
Dans la musique, Apple à été le moteur. Dans le jeu, il n’y a pas encore d’acteur majeur.
Les locomotives existent ne sont pas vues comme telles : cad le Casual. ZUMA ouvre la voie.
Un Assassin’s Creed est moins avancé que ZUMA en terme de distribution dématérialisée
(chercher info sur le jeu). Jeu très addictif, avec achat ensuite (chercher nombre de ventes).
Développeur-éditeur : PopCap, l’un des principaux acteurs du secteur.
Le monde du JV a été, au niveau de la démat, devancé par des acteurs de petite taille.
Les gros sont bloqués avec la distribution retail. Wal-Mart : 40% distribution DVD aux US. On
ne peut pas leur expliquer que le jeu va être disponible en ligne, et qui plus est moins cher.
Des acteurs se sont déjà positionnés (Steam).
La question majeure, c’est le moment où les consoles vont s’y mettre, avec des achats
complets de jeux en ligne. C’est entré par le mobile, ensuite le casual, le MMO est dans une
logique similaire. Il reste une bonne partie du marché retail PC.
Le Home PS3, « à la fois intéressant et un peu fumeux ». Une des raisons pour
lesquelles le film n’est pas passé en démat est dû au manque d’ergonomie (connexion TVPC). La Xbox est un bon point d’entrée dans les foyers en technologie numérique.
Pour les consoles, il faut un axe fort de vente et des axes secondaires.
Marché PC très dynamique si on ne prend pas en compte les nouvelles formes de
jeu. C’est le classique qui recule. Ex de Crysis : four financier (1 vendu, 10 downloadé).
C’est le gros problème du jeu PC depuis 5 ans. Arkane : 200 000 ventes, 900 000 solutions
downloadées ! Le casual offre une protection, comme pour le MMO. Le prix d’achat crée
une incitation au piratage (cf marché Russe). Attention, piratage de serveur existe aussi.
Ce qui fait la différence, c’est la capacité à offrir régulièrement un contenu
supplémentaire. Rappel du besoin que la console y aille aussi.
« La mécanique du marché de la console est structurellement déséquilibrée », avec la
vente à perte des machines. Mais il faut que les magasins acceptent de vendre avec peu
de marge.
Hausse des coûts et nouvelle génération de consoles : des contradictions de plus en
plus fortes ?
Bonne question… Il y a un gros bullshit sur les coûts de développement. « La plupart des
mecs qui dépensent ce pognon-là sont en train de se mettre droit dans le mur » - « ça n’a pas
de sens ». Seuls une 30aine de jeux par an sont rentables à un tel niveau d’investissement.
Il y a cette espèce de folie unanimement partagée. Un coût plus raisonnable coûte de 2 à
5M€ (« raisonnable, tenable » - 300 000 pièces).
Le moteur vient du fait qu’à un moment donné, le contenu est user-friendly.
Michon Etienne - 2008
107
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Article de Rob Fahey : le piratage est surtout plus pratique avant d’être moins cher.
« Le digital est plus ergonomique globalement, et plus simple ». Exemple de la DS.
C’est le moteur primaire. Après, il y a une possibilité évidente de diminution des prix.
er
1 effet : coût de distrib’. Autre question : les royalties sont payées au pressage (donc :
prise de risque sur un jeu que l’on n’est pas sûr de vendre). En plus, fenêtres de tir de
pressage sont limitées. Double risque : retail + fabrication. Distribution digitale fait gagner
à un double niveau. Il faut que cette augmentation du revenu net soit compensée par un
service à VA.
La dématérialisation, on part du principe que c’est envoyer du contenu en ligne. Il faut
aller au-delà : vers la dissociation du support et du droit. Pour vraiment booster la chose,
nd
on va vers une autorisation de revendre le droit d’utilisation (2 marché).
IMPORTANT : les produits sont en dépôt-vente !!!
On vend un travail intellectuel. Ce que l’on paye, c’est un droit d’utilisation d’un
programme, une expérience. Pas le droit de télécharger sur son PC. Immatérialisation.
Gagnerait à une meilleure prise en compte du consommateur. Il est ignoré par les
fabricants de consoles notamment en termes de services.
La dématérialisation doit être couplée à une logique de service. Dans le 1
e
vend de la boîte, dans le 2 de la prestation.
er
cas on
La dématérialisation, une réponse aux limites du business model actuelle ou une
nouvelle tendance profonde du marché ?
I – Demande et équipement : le terreau pour un développement du online ?
L’équipement actuel (en haut débit notamment) est-il suffisant ?
70% en France environ.
Graphique de The Economist : débit/temps de DL.
Le haut débit facilite et accélère la consommation dématérialisée.
Le online doit-il attendre un équipement suffisant, ou va-t-il au contraire le stimuler ?
Les consoles ne sont pas encore suffisamment pensées comme online.
La demande est-elle prête pour une consommation de jeu dématérialisée ?
A étudier dans le détail. Les habitudes évoluent doucement. Il faut comparer avec les
autres formes de consommation (livres, DVDs, musique).
Ce n’est pas le fait que les gens ne soient pas prêts, mais qu’ils doivent prendre
l’habitude.
Il faut un impetus, un incentive : prix, profondeur du catalogue, services.
Autre avantage : différentes modalités de consommation (politique de facturation)
Problème : la possession rassure. Dans ce sens, l’iPod est une rupture (on abandonne
le support physique).
Le truc le plus évident est qu’il y a une suppression de l’intermédiation.
Modifie la règle du jeu avec le self-publishing à partir du moment où il est auto-financé.
108
Michon Etienne - 2008
Annexes
Marketing et relation consommateur : AGE Studios. A la pointe car niche et grosse
relation consommateurs (gestion de communautés, forums…). Donc nouveau métier
(travailler sur une communauté, référencer, prestation et plus seulement vente pure). Aussi
risque de retour de bâton.
e
Le nom de l’éditeur est la 7 chose que les gens retiennent. Travail de branding à faire.
Ce qui fait le rôle du publisher, c’est le financement.
Comment la faire évoluer ?
II – Des choix stratégiques : segments, politique de prix, marketing
La dématérialisation favorisera-t-elle un type de jeu au dépend d’un autre ?
« Révolution est en marche ».
Pas du massivement multi pour tout
Jeux qui marchent le mieux ne sont pas du hardcore. CF Kart Rider de Nexon, 20-30M
de joueurs en Corée. Pour progresser, acheter des karts. Item-based.
Marchés intéressants : Chine, Corée du Sud
Pas de changement fondamental sur le type de jeu
Question du marché de l’occasion
Elargissement du nombre de joueurs = baisse du hardcore, mais cohabite quand même.
Quels nouveaux types de jeu ?
De nombreuses possibilités en termes de politique de prix. Certaines sont-elles
meilleures que d’autres ? (dépendent aussi du type de jeu)
Pas de baisse de prix, au – dans un 1
er
temps
On peut être hardcore et casual
Les micro-achats dynamisent le marché
La question des ad-funded games (ex : BF Heroes)
1 option comme une autre. BF Heroes est un test, a le mérite d’être un test fait par un
gros. Tout le monde se regarde en chien de faïence.
Quel nouveau marketing ? (cf référencement)
La question marketing va au-delà du référencement. Le référencement est petit.
Conquérir un nouveau public : la « fin » du hardcore gamer ?
Peut-on s’inspirer d’un autre secteur ?
III – Conséquences sur le marché et ses acteurs
Penses-tu que l’impulsion va venir d’une catégorie d’acteurs en particulier ?
Les petites structures souples. Logiques de niche comme Big Fish en PPD. Valve gros
studio autofinancé mais « pas convaincant ». Viendrait donc + de nouveaux acteurs qui
boostent.
Michon Etienne - 2008
109
La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
« Le métier de développeur n’existe plus » : vers une confusion des métiers avec des
studios-éditeurs ?
La division sstraitance/devt/Prod/market existe encore mais de manière de – en –
visible
On va vers une atomisation du marché.
Quelle catégorie d’acteur en tirerait le plus grand avantage ?
Vers un nouveau business model ?
Marché du casual : tout le monde est « copain » et diffuse les jeux des autres
Les gros éditeurs sont des « dinosaures »
« Le nouveau joueur, c’est une femme qui a 40 ans »
Il faut sortir du cœur du marché
Des forces de résistance ?
Entretien 3 – C.Galiay, 1er Avril 2008
Guide d’entretien
Introduction
∙
Une définition de la dématérialisation ?
∙
« Tout ce qui n’est pas matériel »
∙
Hausse des coûts et nouvelle génération de consoles : des contradictions de plus en
plus fortes ?
∙
Oui et non. Les jeux comme ceux sur le PSN sont moins chers. Les budgets
augmentent, mais il y a de nouvelles sources de financement, comme le in-game ad.
Au Canada par exemple, les aides sont telles que les couts de main d’œuvre sont
limités. L’outsourcing aide aussi.
∙
La pression des actionnaires pousse vers le résultat et la baisse de prise de risque
(d’où les sequels). La course technologique n’a pas de limite, les couts sont amortis
avec le temps. Et les consommateurs sont prêts à payer. De plus, la dématérialisation
a des risques aussi.
∙
La dématérialisation, une réponse aux limites du business model actuelle ou une
nouvelle tendance profonde du marché ?
I – L’équipement et la demande : prêts pour un développement du online ?
L’équipement actuel (en haut débit notamment) est-il suffisant ?
Oui, même si les USA sont en retard. L’équipement n’est pas l’obstacle principal, la
technique n’est pas un problème.
Le online doit-il attendre un équipement suffisant, ou va-t-il au contraire le stimuler ?
La demande est-elle prête pour une consommation de jeu dématérialisée ?
Est-ce que les clients « de base » sont prêts ? « Ils font ce que le marketing leur dit de
faire ». Les ventes sur le net en hausse sont déjà un signe d’encouragement. Le parallèle
avec la musique est intéressant. Le Wiiware développe aussi le casual.
Comment la faire évoluer ?
110
Michon Etienne - 2008
Annexes
Dépenses market nouvelles, gestion de communauté par exemple. Le marketing en
ligne est moins cher qu’un spot TV ou des pubs journaux. Ex de facebook : modèle en ligne,
pas de pub. Modèle viral.
Peut-on s’inspirer d’un autre secteur ?
« Tous les médias en général ». Livre, musique, jeux sur mobiles qui ont été les
précurseurs. Regarder l’Asie. « Toute la dématérialisation du contenu est venue du
téléphone ».
II – Quelles formes de dématérialisation : des choix stratégiques.
Types de jeu : la dématérialisation va-t-elle favoriser certains types de jeu aux dépends
d’autres ?
Le casual a été un précurseur ? Va-t-il rester un leader ? Pas forcément, à voir. Il reste
des contraintes techniques comme la mémoire. Le jeu sur serveur a ses limites aussi. On
va voir se développer l’épisodique, les add-ons. Ex. déjà de Mass Effect, GTA IV. L’un des
challenges pour GTA a été de faire une XP plus profonde ; difficile d’élargir avec point de
vue technique, on s’est tourné vers le multi. Plus adulte, plus petit, plus communautaire.
Microsoft aurait payé incroyablement cher pour du contenu online exclusif.
COD4, jeu le plus joué sur le live. Les succès conditionnent la façon de jouer et poussent
vers le online.
Microsoft sur la guerre des formats : payé peu pour HD-DVD alors que le BR a couté
très cher à Sony, notamment pour les droits de studios US. Pquoi ? Seul objectif de Microsoft
serait de se lancer sur la distribution digitale. La 360 est déjà intéressante à ce niveau-là.
Ont bossé a fond sur Games for Windows et XBLA pour offrir une plateforme multicontenus
avec jeu, mails, messagerie… Il faut laisser du temps au PSN, plus jeune.
Quels nouveaux types de jeu ?
De nombreuses possibilités en termes de facturation. Certaines sont-elles meilleures
que d’autres ? (dépendent aussi du type de jeu)
CEO d’Acclaim qui croit à fond au « free-to-play »
Evolution et maturation du marché sur les politiques de prix. Ex de l’Asie, d’abord abo,
puis baisse quand trop de concurrence et lassitude, passage au free+pay, puis item-based
qui est le modèle actuel comme avec Kart Rider. Peu cher à dvper, peut prendre des risques
et faire des tests beta puis lancer. Combien de plantages de Nexon avant Kart Rider ? Le
plus de joueurs, le plus de payant (même 1%, et même si micro-achats).
Actuellement en EUR/US, fin de l’ère abonnement.
Quel nouveau marketing ? (cf référencement)
Conquérir un nouveau public : la « fin » du hardcore gamer ?
Difficile d’anticiper.
Transition vers la prestation de service ?
III – Conséquences pour le marché et ses acteurs
Penses-tu que l’impulsion va venir d’une catégorie d’acteurs en particulier ? (petites
structures)
Michon Etienne - 2008
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La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Besoin de qqun qui va le faire bien et réussir. Aujourd’hui, Sam & Max et son
fon,ctionnement par épisodes est intéressant. GTA peut être la locomotive. Comme WOW
pour les MMO.
Il faut avoir les épaules pour snober le retail. Auj, juste Microsoft peut le faire. Mais les
forces de résistance existent. Gros risque à prendre, qui va oser ?
Valve est intéressant. Au début, Steam était pour leur seul usage, aujourd’hui ils le
proposent à des gros. Bonne solution contre le piratage. En plus, hausse de la marge, crée
des habitudes de conso.
Vers une confusion des métiers avec des studios-éditeurs ?
Un petit dvpeur avec gros succès peut aussi créer un précédent et tirer l’ensemble. Il
va falloir du temps. Difficile de se passer des réseaux d’un publisher.
Self-publishing : Introversion Software, fonctionne en autoF. Jeux reconnus par la
presse mais peu de succès. Des paris tireront le secteur.
Quelle catégorie d’acteur en tirerait le plus grand avantage ?
Vers un nouveau business model ?
Changements majeurs à la prochaine génération de consoles, besoin encore
d’évolutions techniques
Des forces de résistance ?
Entretien 4 – Intervention de A.Macaré, 17 Avril 2008
NB : iTunes 1
er
vendeur de musique aux USA avec 19% de parts de marché.
PWC : dans le JV en 2007, 90% de retail, 10% de digital.
Strategy analytics : en 2011, 67% de retail et 33% de digital.
Attention : stats hors casual/MMO.
La dématérialisation ouvre de nouveaux réseaux de distribution, crée une proximité
nouvelle avec le client. On peut aller jusqu’à imaginer une distribution via la « long
tail » (blogs, sites de fans, etc.). Conséquences : les relations à entretenir sont plus
nombreuses pour l’éditeur, il doit s’adresser à beaucoup d’acteurs qui ne se ressemblent
pas vraiment. La centralisation de l’information devient une nouvelle problématique. La
dématérialisation permet aussi un meilleur suivi des ventes que le retail, et fournit des
données marketing très précises (temps de jeu, profil du joueur, etc.)
METABOLI est numéro 1 en Europe. Il distribue directement, mais aussi au travers de
FAI. On retrouve 2 offres :
Games on demand, offre historique avec un système d’abonnement qui permet
d’accéder à un catalogue de jeux. On trouve une offre à 9€ et une offre à 19€, 1 nouveau
jeu est mis en ligne par semaine. (via site Metaboli)
Buy and download, rajoutée ensuite, achat de jeu en 1 fois avec DL. Suivi des prix
retail (via site Games planet)
Pas de concurrent € : 100 000 abonnés €, présence FR, ALL, UK (en hausse sur ces
2), ITA (marche moins bien). Pour le GoD, utilise technologie ISR Exent qui permet de jouer
en streaming. Les données sont cryptées, des checks sont effectués très régulièrement et
il faut être connecté pour jouer.
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Michon Etienne - 2008
Annexes
Metaboli doit travailler sur sa communauté également. Un abonné reste en
moyenne 10 mois. Il n’y a pas beaucoup de jeux d’indies qui ne viennent pas
d’éditeurs. Metaboli reste grand public et donc axé licences, gros jeu. De plus, il faut que
le marketing suive.
Partage de revenus : entre 30 et 45% à l’éditeur. La marge qui lui est accordée dépend
aussi de la maturité du produit (baisse avec le temps). Peut être plus faible si distribution
via FAI qui capte aussi une partie de la marge. Coûts fixes et techniques réels :
Technologie de distribution onéreuse
Rémunération des canaux de distribution comme les FAI
Coûts cachés (services de facturation, entretien des serveurs, bande passante, DRM)
Metaboli ne peut pas se permettre d’avoir une politique de prix différente de celle du
retail. Il pèse trop lourd ; la différence peut se faire sur du contenu additionnel (véhicules,
maps, etc.) En termes de market, l’approche est classique : banners, partenaires, achat de
mots-clés… Les partenaires comme les FAI fournissent une visibilité gratuite.
Entretien 5 – Intervention et discussion – B.Vossey, 17 Avril 2007
Thème : importance de la communauté de joueurs.
Site créé en 2000, indépendant et donc non affilié à Valve, Steam… 6000 membres
inscrits et entièrement développé en interne par une équipe de bénévoles (sans contact
direct).
Steam lancé en 2004 par Valve. Lancement pour répondre aux pbs de synchronisation
de MAJ, de rencontre des nombreux joueurs de CS et HL. Steam permet identification,
achat et DL, jeu online, MAJ, communauté, anticheat… 13 M d’inscrits.
Une communauté apporte :
En visibilité (pub gratuite)
En marketing
En technique (beta testing, retours sur le jeu, etc.)
Plusieurs niveaux :
Avant dispo du jeu, avis, remarques sur previews, sur univers, vidéos, scénario ; infos
techniques ; beta-testing…
Une fois le jeu dispo : remontée d’infos, entraide, personnalisation et génération de
contenus (MODs)
Ex : 300 MODs pour HL dont CS, Desert Combat.
Une communauté :
Doit être prête pour le lancement du jeu
Doit fidéliser via un portail
Doit rapprocher jeu et joueurs
Mise à dispo d’un kit de dev’ est un plus
Partenariats sont importants
Maintenir le lien pour faire durer la relation joueur-créateur
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La distribution dématérialisée dans le jeu vidéo : enjeux et perspectives
Réactivité est une notion-clé
Limites : modération (souvent, obtenue à travers la responsabilisation de membres.
Ex : sur Metaboli, ont un abo gratuit). Steam reste intrusif.
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