Méthodes de caractérisation d`une pile à combustible - LIRIS

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Méthodes de caractérisation d`une pile à combustible - LIRIS
Méthodes de caractérisation d’une pile à
combustible
Jonathan Deseure, Pierre-Xavier Thivel & Marc Marchesiello
IUT 1 de Grenoble
Département chimie
39-41 Boulevard Gambetta, 38000 GRENOBLE
[email protected], [email protected],
[email protected]
Sections de rattachement : 62
Secteur : Secondaire
RÉSUMÉ. Pour approfondir la compréhension du comportement de piles à combustible de type
PEMFC et optimiser leurs performances, il est nécessaire de développer des mesures non
intrusives en temps réel. Dans ce contexte, le présent travail décrit des méthodes de
caractérisation non-invasives, ainsi que des exemples d’applications issus des travaux réalisés au
Laboratoire d’Electrochimie et de Physico-Chimie des Matériaux et des Interfaces (LEPMI,
UMR. 5631 CNRS, UJF, INPG) ou de travaux pratiques au département de chimie de Grenoble.
Les méthodes utilisées peuvent être classées en méthodes électrochimiques ou nonélectrochimiques. Ces dernières sont alors locales ou globales.
MOTS-CLÉS : pile à combustible PEMFC, courbes de polarisation, spectroscopie d’impédance,
bilan hydrique, champs magnétique rayonné.
1.
Introduction
Dans une pile à combustible (Fuel Cell en anglais) les réactifs sont amenés en
continu jusqu’à la surface des électrodes. Ainsi, en théorie, un tel dispositif peut
fonctionner indéfiniment tant que l’on apporte le combustible (dihydrogène notamment)
à l’anode et le comburant (dioxygène) à la cathode. Il existe différents types de pile à
combustible se distinguant en premier lieu par la nature de l’électrolyte utilisé. Les
dispositifs PEMFC (Proton Exchange Membrane Fuel Cell) utilisent comme électrolyte
une membrane solide échangeuse de protons communément appelée PEM. Le matériau
de référence constituant les PEM est le Nafion®. Le principe d’une PEMFC est le
suivant (figure 1) : la membrane PEM est prise en sandwich entre deux électrodes
poreuses de carbone comportant une fine couche d’un catalyseur à base de platine sur
1
lequel se font les réactions anodique et cathodique. En effet, ce métal est un des rares à
posséder une activité catalytique suffisante en milieu acide pour la réduction de
l’oxygène et l’oxydation de l’hydrogène.
Circuit
extérieur
anode
cathode
I
O2
H2
H
+
H 2O
Membrane
=
électrolyte
Catalyseur
(Zone de réaction)
Figure 1 . Principe de fonctionnement d’une pile à combustible.
A l’anode, on observe l’oxydation du dihydrogène [1] :
H2 → 2 H+ + 2 e -
[1]
Les protons produits migrent jusqu’à la cathode à travers la membrane échangeuse de
protons où ils sont récupérés par le dioxygène qui est alors réduit [2] :
½ O 2 + 2 H + + 2 e - → H 2O
[2]
La réaction bilan [3] est alors la suivante :
H 2 + ½ O 2 → H 2O
[3]
La membrane conductrice protonique doit être saturée en eau, condition essentielle
pour assurer une bonne conductivité ionique. Pour cette raison, une PEMFC qui a été
arrêtée, et dont la membrane est par conséquent asséchée, fonctionne mieux après un
certain temps d’utilisation grâce à l’eau qui est produite au niveau de la cathode (on
parle d’hydratation de la membrane). Cependant, après ce temps de mise en route,
l’excès d’eau doit être éliminé en continu pour éviter le phénomène de noyage (blocage
du transport des gaz dans les électrodes).
2
2.
Méthodes électrochimiques
2.1.
Etude sous courant continu
L’obtention des courbes densité de courant – potentiel permet de distinguer les
principaux phénomènes limitant les performances d’une pile à combustible. A courant
nul, le potentiel de chaque électrode est donné par la loi de Nernst, et la différence de
potentiel thermodynamique entre l’anode et la cathode est donc représentée par
l’équation [4] ci-dessous.
∆E = E
0
02 / H 2 O
( [ ])
RT
ln PO 2 H +
+
4F
4
[ ]
+ 2

RT  H  
0

ln
− E H +/ H 2 +

2 F  PH 2  



[4]
Pour une pression partielle en dioxygène et en dihydrogène égale à une atmosphère,
le potentiel thermodynamique correspond à la différence des potentiels standards E0,
soit 1,23V à 25 °C. Cette valeur de 1,23 V est celle qui est théoriquement attendue aux
bornes de la pile en circuit ouvert. Cependant, dés lors qu’elle débite un courant, le
potentiel est toujours inférieur à 1,23 V en raison de différents phénomènes dissipant
l’énergie : surtension d’activation due au transfert électronique (caractère plus ou moins
lent des réactions électrochimiques), surtension due au transport de matière (apport des
réactifs jusqu’aux électrodes et départ des produits de réaction) et enfin chute ohmique
dans l’électrolyte et dans les divers matériaux conducteurs électroniques.
V (en V)
La figure 2, ci-dessous montre un exemple de courbe de polarisation obtenue dans
le cas d’une pile de 25 cm2 dite en respiration car alimentée en dioxygène, côté cathode,
directement par contact avec l’air ambiant. L’allure très caractéristique de cette courbe
de polarisation peut s’interpréter à la lumière des différents phénomènes dissipatifs
énoncés précédemment.
1,2
1,0
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
I (e n A)
Figure 2. Courbe de polarisation d’une pile de surface 25 cm2
3
La courbe fait apparaître trois zones distinctes. De 0 à 0,5 A environ, la chute de
potentiel est due à la surtension d’activation (la cinétique est gouvernée par le transfert
électronique), de 0,5 à 8 A environ, elle est due à la chute ohmique localisée
essentiellement dans l’électrolyte solide, et au-delà de 8 A apparaissent les problèmes de
diffusion des réactifs vers les sites catalytiques (la cinétique est alors limitée par le
transport de matière). La valeur maximale atteinte lors de cette étude est 8,6 A. Cette
valeur correspond au courant limite que peut débiter la pile. Nous avons pu observer à
ce point de fonctionnement un important dégagement de chaleur. On observe aussi un
effondrement de la puissance débitée par la pile.
Comme le montre la figure 2, à courant nul, la tension aux bornes de la pile est
inférieure à 1,23 V. En pratique, cette valeur n’est jamais atteinte pour des raisons
encore sujettes à caution. Il semblerait, néanmoins, qu’une contribution sans doute non
négligeable de ce phénomène soit liée à la perméabilité de la membrane vis-à-vis des
gaz et notamment du dihydrogène (cross-over). La diffusion du dihydrogène, même si
elle est minime, conduit inévitablement à l’existence d’un courant interne au niveau de
la cathode (réaction entre H2 et O2) et à l’établissement d’un potentiel mixte inférieur au
potentiel thermodynamique du couple O2/H2O.
2.2.
Etude sous courant alternatif de faible amplitude
La pile à combustible est un système non linéaire et non stationnaire. On ne peut
donc mesurer sa fonction de transfert qu’en utilisant des signaux d’amplitude
suffisamment faible autour d’un point de fonctionnement que l’on suppose quasi
stationnaire pendant la durée des mesures. Le principe de la spectroscopie d’impédance
électrochimique (Gabrielli, 1994) est de générer ces signaux afin de voir le
comportement du système ; en faisant varier la fréquence, on peut dissocier les
dynamiques mises en jeu. Les méthodes d'impédance sont largement utilisées pour
suivre l'évolution du comportement de cellules de piles à combustible de type PEMFC
sous différentes conditions de polarisation ou de composition des gaz d’alimentation.
Entre autre, elles permettent de modéliser la pile par un circuit équivalent et de remonter
à des grandeurs, tel que les capacités de double couche, les résistances liées au transfert
de charge, au transport par diffusion et/ou convection. Des schémas électriques
équivalents ont par exemple été proposés (Eikerling, 1999) pour décrire la couche active
d’une électrode, voire le comportement électrique d’une pile entière (Bautista, 2004).
La spectroscopie d’impédance électrochimique a notamment permis de visualiser et
de localiser un phénomène de noyage d’une cellule donnée dans un stack (empilement
de plusieurs cellules) comme le montre la figure 3. Celle-ci a été obtenue sur un stack
de 500 W constitué de 16 cellules de 100 cm2, pour un courant de 50 A. Les mesures
ont été réalisées à l’aide d’un potentiostat-analyseur de fréquences de la société
Metrohm. L’amplitude du signal est de 10 % par rapport au courant opératoire et la
fréquence varie de 5 kHz à 0,5 Hz.
4
- Im (Z) [Ohm]
0,008
basse
fréquence
0,006
purge
0,004
condition normale
haute
fréquence
0,002
cellule noyée
cellule après purge
0
0
0,002
0,004
0,006
0,008
0,01
0,012
0,014
0,016
Re (Z) [O hm]
Figure 3 . Point de fonctionnement 50 A, spectres d’impédances :
décroissant des fréquences de 5 kHz à 0,5 Hz. (Rhodat, 2007).
indique le sens
Dans cette expérience, en utilisant un modèle classique (Usman Iftikhar et al., 2006),
il a été mis en évidence que le noyage d’une cellule (cellule noyée sur la figure) affecte
sa résistance de transfert de charge à la cathode par rapport à une cellule fonctionnant
normalement (condition normale). Un balayage d’azote (purge) a permis d’évacuer
l’eau et de revenir à des conditions de fonctionnement normales (cellule après purge).
En conclusion, on peut utiliser la spectroscopie d’impédance non seulement pour
caractériser les électrodes d’une pile à combustible mais aussi pour diagnostiquer
d’éventuelles défaillances.
2.3.
Interruption de courant
L’interruption de courant est une méthode consistant à faire délivrer un certain
courant à la pile puis à couper instantanément la demande en courant tout en
enregistrant la variation de potentiel. L’interruption de courant peut être assimilée à une
réponse à un échelon de courant. Suite à cette interruption, on observe une
augmentation instantanée du potentiel due à la suppression de la chute ohmique. On
peut ainsi remonter à la résistance interne de l’assemblage membrane électrode. Cette
méthode (Rhodat, 2007) a permis de vérifier que l’humidification progressive de la
membrane, liée à la production de l’eau à la cathode, est bénéfique car celle-ci permet
une diminution de la résistance interne de la membrane.
5
3.
Méthodes non électrochimiques
3.1.
Méthodes globales
Ces méthodes permettent de caractériser une pile à combustible d’une manière
globale, c'est-à-dire par des informations récupérées à l’entrée et/ou à la sortie de la pile.
Parmi ces techniques, peuvent être cités les bilans de matière et/ou de chaleur
(Rammousse, 2005), le suivi des pertes de charge de chacun des gaz réactifs ou encore
la mesure des distributions de temps de séjours. Ces méthodes ont été appliquées sur des
piles à combustible sous alimentation en dioxygène et dihydrogène contrôlée (mesure
des pressions à l’entrée et à la sortie, des débits, de la température, du taux d’humidité).
Le tableau 1 regroupe les résultats d’un bilan en eau réalisé sur une monocellule de
25 cm2 (Rhodat, 2007). Les masses d’eau recueillies (Mexp) du coté anodique après une
heure de fonctionnement ont été pesées et comparées aux masses d’eau théoriques
(Mth) obtenues à partir de la loi de Faraday.
I(A)
5
10
Mth (g)
3 ,4
6,7
Mexp (g)
2,8
6,0
Mvap
0,4
0,3
15
10,1
9,3
0,3
Tableau 1 . Bilan hydrique obtenu sur une monocellule de 25 cm2 (Rhodat, 2007).
Ces résultats montrent que l’eau produite à l’anode est récupérée majoritairement en
sortie du compartiment anodique, l’écart entre valeurs théoriques et expérimentales
pouvant s’expliquer par l’entraînement de l’eau sous forme vapeur (Mvap) dans le flux
gazeux en le supposant à saturation. Ainsi, une quantité faible, voire négligeable,
traverse la membrane.
Un suivi de la différence des pressions entre l’amont et l’aval de chacun des canaux
d’alimentation en gaz permet de mesurer les pertes de charge et de voir d’éventuels
phénomènes d’accumulation d’eau (figure 4.). Dans cette expérience, le courant est
maintenu constant à 10 A à l’aide d’une charge programmable constituée d’une
résistance passive. L’augmentation des pertes de charge dans le compartiment anodique
est directement reliée à l’apparition de gouttes d’eau liquide responsable d’une
diminution des performances de la pile à combustible (baisse du potentiel).
6
0,4
0,38
0,8
0,36
0,7
0,34
0,6
0,32
0,5
0,3
0,4
0,28
0,3
Pertes de pression (PSI)
Potentiel (V)
1
0,9
0,26
Bouchon d’eau
0,2
0,1
I = 10 A
0
0
100
200
300
400
500
0,24
Potentiel
0,22
Canal O2
0,2
600
Canal H2
T emps (secondes)
Figure 4. Profil des pertes de charge, monocellule de 25 cm2, courant de 10 A.
La mesure des pertes de charge est donc un moyen de contrôler le bon
fonctionnement d’une pile. Dès l’apparition de pertes importantes signifiant
l’accumulation d’eau, une augmentation du débit peut être ponctuellement réalisée en
vue d’entraîner et d’éliminer cette eau.
Une méthode classique du génie des procédés consiste à mesurer la distribution des
temps de séjour (DTS) en vue de décrire et de modéliser les phénomènes d’écoulement
et de mélange dans un réacteur. Cette technique a été utilisée sur une monocellule
(Boillot, 2005) en utilisant comme traceur gazeux l’ozone. Les canaux de distribution à
la surface de l’électrode ont été assimilés à une cascade de réacteurs parfaitement agités.
Cette approche hydrodynamique a été intégrée dans un modèle électrochimique
(Deseure, 2008), afin de déterminer des zones de non-uniformité de fonctionnement
(zones noyées ou zones asséchées) à la surface de la cathode d’une PEMFC.
3.2.
Méthode locale : mesure du champ magnétique induit
La mesure du champ magnétique induit par la circulation des courants est un moyen
de connaître la distribution du courant sur la surface des électrodes (Sailler, 2007). Des
mesures de champ magnétique induit réalisées sur une pile en respiration à l’aide d’un
capteur « 2 axis magnetic sensor Honeywell® » ont montré que la distribution du
courant n’était pas homogène à la surface de l’anode, ce qui a permis de conclure à une
distribution elle-même non homogène du flux d’hydrogène vers l’électrode.
7
4.
Conclusions
Une pile à combustible est un réacteur électrochimique ouvert : il est donc
nécessaire d’étudier les différents phénomènes gouvernant la cinétique électrochimique
ainsi que les problèmes liés à la gestion des flux entrant et sortant. Pour comprendre le
fonctionnement et les dysfonctionnements d’une pile on a recours à des méthodes de
caractérisation électrochimiques et non électrochimiques. Les courbes de polarisation et
la spectroscopie d’impédance sont des méthodes pertinentes pour la connaissance des
étapes limitantes et pour la gestion de l’eau. Des méthodes propres au génie des
procédés (mesure de pertes de charge, bilans, DTS) apportent, elles, des informations
sur la gestion des fluides. Enfin, une méthode non intrusive (mesure des champs
magnétiques induits) peut être utilisée pour dresser une cartographie de la distribution
des densités de courants.
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