Le contentieux des 35 heures

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Le contentieux des 35 heures
Le contentieux des 35 heures
La loi Abry I du 13 juin 1998 a fixé la durée légale de travail à 35 heures pour les entreprises dont
l’effectif est supérieure à 20 salariés à compter du 1er janvier 2000 et a incité ces entreprises à ouvrir
des négociations collectives sur l’aménagement et la réduction de la durée de travail.
L’application d’accord collectif d’entreprise dans le secteur sanitaire, social et médico-social obéit à
des règles particulières. En effet, conformément à l’article L. 314-6 du code de l’action sociale et des
familles, les accords collectifs ne peuvent prendre effet qu’après leur agrément. Or cette procédure
entraîne inévitablement l’écoulement d’un certain délai entre la fin des négociations et le
commencement de l’application de l’accord.
1. Le rappel du contentieux
Certains syndicats de salariés, ont considéré que l’accord conventionnel de réduction du temps de
travail du 12 mars 1999 conclu dans le cadre de la CCN 1966 obligeait les associations à appliquer les
35 heures dès la fixation de la durée légale à 35 heures sans attendre l’agrément des accords
collectifs conclus à cet effet, ou les décisions unilatérales (soit dès le 1.01.2000 pour les associations
de plus de 20 salariés et dès le 1.01.2002 pour les associations de moins de 20 salariés). Ils ont
introduit un recours contre la fédération des employeurs de la convention collective du 15.03.1966.
Dans un premier jugement de référé du Tribunal de Grande Instance de Paris du 4 mai 2000,
confirmé par l’arrêt du 8.11.2000 de la Cour d’appel de Paris, les syndicats d’employeurs se sont vus
condamnés à diffuser une note selon laquelle ils recommandaient l’application des 35 heures et le
paiement des 4 heures au 1.01.2000 pour les associations de plus de 20 salariés qui continuaient à
appliquer 39 heures par semaine.
Les syndicats d’employeurs se sont aussitôt exécutés et ont appliqués la condamnation, tout en
introduisant un pourvoi en cassation.
Dans le même temps, diverses instances (Cours d’appel de Montpellier et Lyon) ont débouté les
salariés de leurs demandes d’heures supplémentaires.
Mais la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 4 juin 2002, a confirmé la décision du tribunal de
Grande Instance de Paris et de la Cour d’Appel de Paris en considérant qu’entre le 1er janvier 2000
(ou le 1er janvier 2002 si la structure a moins de 20 salariés) et la date d’agrément de l’accord de
réduction du temps de travail, les salariés qui auraient continué à travailler 39 heures par semaine
auront droit à l’indemnité de réduction du temps de travail et au paiement des heures accomplies
au-delà de 35 heures, majorées de la bonification alors applicable.
Ce même type de contentieux a également secoué les associations faisant application de la
convention collective 51.
Certains salariés, considérant que l’accord conventionnel du 2 février 1999 (conclu entre la FEHAP et
les organisations syndicales pour les associations appliquant la CCN 1951) obligeait les associations à
appliquer les 35 heures dès la fixation de la durée légale du travail à 35 heures, ont introduit un
recours contre leur employeur afin d’obtenir le paiement de l’indemnité dite de solidarité prévue par
cet accord pour maintenir les salaires lors du passage à 35 heures. Ils souhaitaient percevoir cette
indemnité dès le passage de la durée légale du travail à 35 heures (soit dès le 1.01.2000 pour les
associations de plus de 20 salariés et dès le 1.01.2002 pour les associations de moins de 20 salariés)
alors que l’employeur ne l’avait versée qu’au moment de la réduction effective du temps de travail
au sein de l’association (soit après agrément par le ministère).
La Cour de Cassation a rendu un arrêt en faveur de l’employeur précisant que l’entrée en vigueur des
dispositions de l’accord RTT du 2 février 1999 était subordonnée à la conclusion d’un accord
complémentaire d’entreprise soumis à l’agrément ministériel et à la conclusion d’une convention
avec l’État, ce qui lui a permis de conclure que jusqu’à l’accomplissement de ces formalités ,
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l’employeur était fondé à maintenir l’horaire collectif de travail à 39 heures, les heures accomplies de
la 36ème à la 39ème étant majorées de 10% conformément à la loi Aubry II. L’indemnité de solidarité
n’était donc pas due pour la période comprise entre la fixation de la durée légale à 35 heures et la
mise en œuvre effective de la RTT au sein de l’association après l’agrément.
La Cour de Cassation a ensuite adopté une solution inverse en juin 2002, considérant que cette
indemnité devait être payée durant la période litigieuse.
2. La loi du 17 janvier 2003
La loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi a
mis un terme à ce contentieux en fixant dans sont article 8 que « le complément différentiel de
salaire prévu par un accord collectif en vue d’assurer aux salariés la garantie du maintien de leur
rémunération mensuelle en vigueur à la date de la réduction collective du temps de travail à trentecinq heures ou en deçà, n’est dû qu’à compter de la date d’entrée en vigueur des accords d’entreprise
ou des décisions unilatérales relatifs à la réduction collective du temps de travail. Cette entrée en
vigueur est subordonnée à l’agrément ministériel prévu au même article ».
Réformant la jurisprudence de la cour de cassation, la loi est venue valider le principe selon lequel le
paiement de l’indemnité de RTT n’était dû qu’à compter de la mise en œuvre effective de la RTT et
non à partir de la date d’entrée en vigueur de la durée légale à 35 heures.
Une précision est apportée concernant à la fois la date d’application et les conséquences sur les
décisions passées en force de chose jugée. En effet, le dernier alinéa de l’article 8 prévoit que « ces
dispositions s’appliquent sous réserve des décisions passées en force de chose jugée. Elles ne
s’appliquent pas aux instances en cours à la date du 18 septembre 2002 ».
3. La décision du 24 novembre 2010 : vers un revirement ?
Sur une période courant de décembre 2004 à janvier 2005, 5 salariés employés d’une association
gestionnaire d’une maison d’enfant à caractère social ont saisi les juridictions prud’homales afin
d’obtenir un rappel de salaire au titre des heures de travail accomplies au-delà de 35 heures à
compter du 1er janvier 2000 et le 30 septembre 2001, date d’agrément de l’accord d’entreprise relatif
à l’ARTT.
Déboutés par les juges du fond au motif que l’article 8 de la loi du 17 janvier 2003 fait obstacle à
l’introduction de nouveau litige au-delà du 18 septembre 2002, les salariés ont formé un pourvoi en
cassation.
Fondant sa décision sur l’article 1er du protocole n°1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des
Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, la Cour de cassation opère un revirement qui
n’est pas sans susciter pour les associations certaines inquiétudes, puisque celle-ci statue en faveur
des salariés.
Considérant que « l’espérance légitime de pouvoir obtenir le paiement de rappels de salaire constitue
un bien au sens de l’article 1er dudit protocole, il appartient alors aux juges du fond de vérifier si
l’application rétroactive de l’article 8 de la loi Fillon respectait un juste équilibre entre les exigences
d’intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens », la cour de cassation
remet en cause la validité de la loi du 17 janvier 2003.
Compte tenu des incidences financières majeures susceptibles d’être engendrées par cette décision,
il conviendra de suivre avec vigilance les suites de cet arrêt…
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