extraits - Le livre de l`Unité

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extraits - Le livre de l`Unité
METAMORPHOSE
Mon souffle circule en un flot rythmique et subtil ;
II remplit mes membres d'un pouvoir divin :
J'ai bu l'Infini tel un vin de géant.
Le temps est mon théâtre ou mon rêve somptueux.
A présent mes cellules illuminées sont une brillante esquisse de joie
Et changés sont les rameaux de mes nerfs frémissants
En fins canaux d'extase opale et diaphane
Par l'influx de l'Inconnu et du Suprême.
Je ne suis plus un vassal de la chair,
Un esclave de la Nature et de sa lourde loi ;
Je ne suis plus prisonnier de l'étroit filet des sens.
Mon âme sans limite s'étend à une vision démesurée,
Mon corps est l'instrument heureux et vivant de Dieu,
Mon esprit un vaste soleil de lumière immortelle.
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NIRVANA
Tout est aboli, seul demeure l'Unique silencieux.
L'esprit délivré de la pensée, le cœur pur de ressentiment
Croissent désormais inexistants au delà de la foi ;
II n'est plus de moi, plus de Nature, connus-inconnus.
La ville, tableau d'ombre sans couleur,
Flotte et frissonne, irréelle ;
Des formes sans relief passent,
moules creux d'un théâtre ;
Tel un rocher sombrant dans un abîme sans rivages
le monde a disparu.
Seule l'Eternité illimitable est là.
Une Paix prodigieuse, sans visage, immobile
Remplace tout ce qui jadis fut moi ;
En Elle un vide heureux, sans nom, silencieux
Qui va mourir dans l'Insaisissable
Ou tressaillir avec les océans de l'Infini.
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LES AUTRES MONDES
Une multitude irisée de coteaux et de mers,
Et dans la verte solitude la lueur des ruisseaux,
Des étoiles sans traces, des symphonies miraculeuses
De couleurs qui flottent dans des éthers sans ombres,
Une danse de mouches-de-feu dans l'obscurité agitée ;
Dans un pâle minuit, la lumière argentée de la lune,
Les flammes importunes d'une fleur écarlate
Et le soudain éclat d'ailes dans un ciel d'or,
D'étranges formes d'oiseaux et de bêtes comme des souvenirs tombent
Sur le silence extasié de forêts surnaturelles ;
Le calme visage des dieux sur de vastes décors
Révélant la merveille des infinitudes,
A travers les voiles transparents de l'admiration et de la ioie,
Monde après monde surgit dans la vision éveillée.
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SONGE LE PARACLET
Tel un brillant archange qui vole dans la vision
Plongé dans le rêve-conquis des immensités de l'esprit,
Plus loin que les longues crêtes vertes des océans de la vie,
Plus loin que les ciels orangers de la conscience mystique
Ma pensée volait, dissoute dans les vastitudes de Dieu.
Un vent aux ailes sans sommeil, lointaines, grandes, lumineuses,
Soutenait la recherche rouge-or des pas qui foulent
Les confins évanescents et muets de l'Espace et du Temps.
La face éclatante de l'hippogriffe à l'auréole bleu-pâle,
Ermite, solitaire, bravant les chemins sans limites,
Rayonnait au-dessus des sommets de l'existence infinie
dépouillés de l'univers ;
Les profonds crépuscules de l'abîme du monde s'effondraient.
Des royaumes solaires de vision surnaturelle,
Des océans lunaires rouges-pâles de félicité continue
Dessinaient l'élan indistinct de leur oœur avec de douces voix.
Affamé, l'âme vaste à surprendre les secrets inconnus du suprême
Au-delà voilés de pures flammes,
Franchissant des silences-pouvoirs qui passent ivres d'extase,
S'élevant loin ^au-dessus des éthers d'un soleil éternel,
Songeait le Paraclet errant aux grandes ailes,
Insaisissable, chantant avec lenteur un langage de feu.
Seul il était, unique, illimité, nu, inaltérable.
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SOUVERAINETÉ29
Tel un vol d'astre visionnaire
éclair dans les immensités du rêve à vrilles d'or vers l'impalpable
plonge, par delà les mers vertes
par delà les secrets orangés des yeux mystiques
flotte l'esprit de mon corps égaré libéré dans les vastes pertes de Dieu.
Brillent au loin les ailes éveillées
du vent qui troue au large loin la poursuite pourprée
des pas foulant les confins morts des mètres fugitifs.
Miroitement de lignes pâles bleues
ermite audacieusement des chemins qui s'en vont,
par delà les sommets nus des perpétuités
il rayonne. Au-dessous les humains crépuscules
sont gouffres. O palmes d'or ! soleil des visions célestes
océans océans de blancheur irisée en sa béatitude infinie
le spasme vague bat ses élans, douces voix !
Bouche d'âme affamée à surprendre
l'inconnu blanc des voiles-feux derniers
sillons des souverains silences
aux tourbillons d'extase
par delà les éthers éblouis à jamais
l'esprit, aile d'azur voyageuse, pensait ,
immatérialisé; calme chantant un verbe-flamme-flux.
Seul il était, illimité sans voile inaltérable.
29. D'après Thoughi thé Paradete de Shrî Aurobindo. Deuxième version de
la traduction, qui se trouve dans « Les sentiers de l'Ame », du même auteur, p. 91.
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LUNE DE DEUX HEMISPHERES
Une barque de lune d'or flotte et se balance doucement
Jetant un feu de pâle lumière bleue sacrée
Sur la queue embrasée du dragon de la nuit évanescente
Qui luit au loin, et navigue,
En effleurant les bancs d'étoiles illuminés ;
Elle inonde la terre et submerge le cœur qui voit
Avec les profondeurs et les étendues de l'océan de l'Infini.
Un vaisseau de lune d'or vogue ou fuit sans cesse
Dans les cieux de notre esprit et jamais ne s'arrête, carène bleue,
Lançant sa flamme d'azur pâle sur ce champ gris,
Boucle du dragon de la nuit, —
Et il se hâte,
Conduisant les corvettes éclairées d'étoiles-pensées
Vers l'Aube, leur port d'attache,
Vers la Lumière dévoilée,
Vers l'Infini à face de Soleil
Vers l'Eternité révélée.
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ROSE DE DIEU
Rosé de Dieu, tache vermeille sur les s.aphirs du ciel,
Rosé de Béatitude, flamme-douce, teinte sept fois par les sept extases !
Jaillis dans notre cœur d'humanité, O miracle, O ferveur,
Passiflore de l'Innommable, bourgeon du Nom mystique.
Rosé de Dieu, grande corolle de sagesse sur les cimes de l'existence,
Rosé de Lumière, cœur immaculé de l'ultime vision !
Demeure dans la pensée de notre matérialité, O Mystère d'or, fleur,
Soleil au firmament de l'Eternel, hôte de l'Heure merveilleuse.
Rosé de Dieu, force damassée de l'Infini, rouge icône de puissance,
Rosé de Pouvoir avec ton halo de diamant perçant la nuit !
En flammes, dans la volonté de l'être mortel, trace le miracle de ton
dessein,
Image d'Immortalité, irruption de Dieu en l'homme.
Rosé de Dieu, pourpre éprise du divin Désir incarné,
Rosé de Vie, regorgeant de pétales, ivre de couleurs !
Transforme le corps de l'être périssable en un poème doux et magique ;
Unis en nous la terre et le ciel, rends immortels les enfants du Temps.
Rosé de Dieu telle un éclair d'extase sur le visage de l'Eternité,
Rosé de l'Amour, insondable rubis de toutes choses, passion-brûlante
de la Grâce !
Surgis du fond de la nostalgie qui sanglote dans les abîmes de la
Nature :
Fais de la terre la patrie du Merveilleux et de la vie le baiser de la
Béatitude.
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