Pull ! Partie de chasse stylée avec le fondateur de la marque

Transcription

Pull ! Partie de chasse stylée avec le fondateur de la marque
TENDANCESSPÉCIAL CHASSE
Les dandys
de la gâchette
Pull ! Partie de chasse stylée avec le fondateur
de la marque Vicomte A, Arthur de Soultrait, et
son flamboyant designer, James Harvey-Kelly.
PAR MARINE DE LA HORIE
D
’un geste mécanique, Arthur plonge
dans sa gibecière et en exhume une
poignée de cartouches. Il charge,
épaule son fusil Beretta et vise. « J’adore le
tir, mais j’aime aussi la difficulté. Comme ici,
où les oiseaux volent très haut. »
Le nez en l’air, à l’affût du moindre
volatile et d’un pas cadencé, il progresse
dans la forêt. Vêtu de knickers en peau,
des chaussettes jaune canari dépassent
de ses grosses bottes en caoutchouc. Il
faut dire que ce trentenaire déluré dénote
par rapport au chasseur lambda, avec ses
petits bracelets brésiliens et sa barbe de
quinze jours.
James Harvey-Kelly, 26 ans, dégaine de
dandy hipster et grosses bagouzes, lui emboîte le pas, hilare. Le tailleur anglais de
Savile Row a troqué son costume sur mesure et ses derbys, qu’il porte toujours pieds
nus, contre un total look de chasseur en
tweed pour fouler les sous-bois du château
de Janvry, haut lieu de la chasse situé aux
environs de Paris (voir pages suivantes).
Lancer de bottes
au château de Janvry.
Le fondateur (à dr.) embarque
son designer (à g.) dans
ses parties de chasse.
110 | 4 septembre 2014 | Le Point 2190
Le fondateur de la marque de prêt-àporter Vicomte A a réussi à imposer son
style aristo chic décalé dans de nombreux
pays du globe, mais il s’adonne toujours
entre amis à sa grande passion, la chasse,
pour garder les pieds sur terre.
James se prête de bonne grâce à la marotte de son boss. « J’aime tout ce qui tourne
autour de la chasse, l’ambiance, les grandes
PHOTOS KHANH RENAUD/SQUARE
Arthur de Soultrait
chasse depuis qu’il a 10 ans.
Ce qu’il aime, c’est tirer des
oiseaux très haut dans le ciel.
tablées. C’est un art de vivre où on passe des
moments fantastiques avec des gens sympas »,
poursuit le jeune Londonien en rajustant
son catogan.
Arthur de Soultrait a la gâchette facile
depuis sa plus tendre enfance. C’est avec
sa grand-mère, gentiment baptisée « Calamity Granny », qu’Arthur a tiré ses premières cartouches, à 10 ans. « Une fois,
elle avait mis de la viande à décongeler.
Quand elle a vu un chat partir avec, elle l’a
froidement abattu ! Mais elle m’a aussi appris
les règles de sécurité… », raconte Arthur,
qui possède une collection d’une vingtaine de fusils et de carabines, essentiellement des petits calibres.
Jeune adulte, il rôdait dans la propriété
familiale de la Nièvre avec sa 4L et son
fusil, à la poursuite de ragondins.
Mais ce passionné de tir exulte quand
il arrive à toucher des oiseaux qui volent
à près de 70 mètres de hauteur. Il utilise
des canons très longs de 81 centimètres
(contre 70 en moyenne). Il adore les fusils juxtaposés, signés Gastinne-Renette,
une marque mythique dont il exploite
la ligne de prêt-à-porter très …
Le Point 2190 | 4 septembre 2014 | 111
TENDANCESSPÉCIAL CHASSE
Le Graal
aux portes de Paris
Arthur ne conçoit pas
de chasser sans festoyer
jusqu’au bout de la nuit.
James ne dit pas non.
… remarquée. Mais en ce moment
il utilise un Beretta superposé, parfait
pour les oiseaux de haut vol. Le jeune
homme ne tarit pas d’éloges sur son armurier solognot, un orfèvre en matière
de réglages.
Pour ce globe-trotter qui parcourt le
monde au gré de ses ouvertures de boutiques, retourner chaque week-end chez lui
dans la Nièvre pour se ressourcer est
capital. « J’adore être au milieu de la nature,
chasser dès que je peux avec mon chien Fripe
ou m’entraîner au ball-trap », sourit le gentleman-entrepreneur.
Ses meilleurs souvenirs de chasse ?
« A Chambord, évidemment,
et dans le Berkshire, chez
mon ancien correspondant anglais.
J’y vais depuis que j’ai 12 ans. Et
comme Charly est le voisin de Pippa
Middleton, c’est elle qui recharge
mon fusil ! » s’amuse le jet-setter, qui apprécie le côté chaleureux et très sportif de la
chasse outre-Manche et ne
conçoit pas de chasser sans festoyer jusqu’au bout de la nuit.
Arthur et James sont la preuve
112 | 4 septembre 2014 | Le Point 2190
vivante que la chasse n’est pas l’apanage
des quinquagénaires en veste huilée kaki
à col de velours. Les deux hommes entendent bien dépoussiérer l’image un
peu snob et élitiste qu’elle véhicule. « La
chasse, c’est comme les courses de chevaux,
hyperpopulaire et fraternel, s’enflamme
Arthur. Un jour, j’ai chassé avec un professeur d’histoire qui me racontait que quand
il avait demandé à ses élèves ce qu’était un
vicomte, on lui avait répondu : une marque
de fringues ! C’est l’un des plus beaux compliments qu’on m’ait jamais faits »,
poursuit-il.
« C’est un vieux monde, mais qui attire aussi les jeunes. Et puis je
trouve ça très sexy quand une
fille tire », poursuit James, l’œil
coquin, en avouant que le vestiaire
des chasseurs l’inspire souvent pour
imaginer ses collections de prêt-àporter.
Une fois à l’intérieur, exit les bottes
crottées et place à des slippers et un
pantalon en velours côtelé rose pour
goûter au repos du chasseur. Car, même
au vert, les deux hommes n’en sont pas
moins d’irréductibles dandys §
Le château de Janvry appartient
à la famille Reille depuis 1784.
Occupée par les Allemands
pendant la Seconde Guerre
mondiale, cette jolie bâtisse du
XVIIe siècle est, depuis 1953, un
haut lieu de la chasse, situé à une
trentaine de kilomètres au sud
de la capitale, dans la haute vallée
de Chevreuse.
Janvry, qui s’étend sur 300 hectares, est entouré de très belles plaines à perdreaux gris. La propriété
est aujourd’hui extrêmement
réputée pour ses battues de faisans
de haut vol. On peut aussi y
chasser devant soi ou à l’approche
faisan, petit ou gros gibier.
La baronne Reille, chaleureuse et
passionnée, accueille toujours ses
invités (français, écossais, italiens,
qatariens…) autour d’un feu de
cheminée et de bons petits plats
servis dans la spectaculaire cuisine
ancienne, éclairée à la bougie. Elle
fait en sorte que tout le monde
puisse s’amuser et découvrir des
traditions qui tendent à
disparaître.
Une dizaine de personnes peuvent
participer à deux battues par jour.
En plus des chasses, qui se
déroulent dans un cadre préservé
et une ambiance intime (8 à
10 personnes) et conviviale, le
château de Janvry propose l’organisation de journées d’études ou
de séminaires.
Idéal pour une plongée au cœur
d’un art de vivre à la française §
M. D. L. H.
www.chateaudejanvry.com.
Le vestiaire parfait
selon Mettez
2
3
1
L
Total look. A Paris,
c’est une institution.
Conseils maison pour
s’équiper chic.
4
’aventure Mettez commence quai de
la Rapée en 1847. La griffe parisienne
se fait d’abord connaître grâce à sa fameuse toile indestructible et imperméable. Elle est utilisée notamment pour
confectionner des tentes foraines et militaires ou pour des articles pour la marine.
Elle va aussi servir à tailler des vêtements
de travail destinés aux pêcheurs, jardiniers, charretiers et mineurs.
Dès 1936, la société se diversifie dans
les vêtements de loisirs et de chasse. Manteaux, pèlerines, gilets et vestes de rabatteurs, taillés dans la fameuse toile Mettez, remportent un franc succès.
Aujourd’hui encore on trouve chez Mettez, situé désormais dans le quartier de
la Madeleine, des vêtements classiques,
chics et fonctionnels, façonnés de façon
artisanale. Souvent éditées en petites séries, les pièces de style autrichien, anglais
ou irlandais sont parfois distribuées en
exclusivité. La boutique est aussi réputée pour ses lainages imperméables brossés avec des chardons. Effet plumes de
canard garanti pour rester bien au chaud
en pleine battue §
Mettez. 12, boulevard Malesherbes, Paris 8e.
Voici, selon Alain Francès, l’âme de la
maison du boulevard Malesherbes, les
qualités essentielles qu’un vêtement de
chasse doit réunir :
Solidité. La veste de chasse doit pouvoir
résister aux ronces et aux épines. A l’image
de la veste Saint-Hubert, réalisée dans une
toile lin et coton très solide.
Imperméabilité. Elle doit aussi supporter une journée sous une pluie battante
sans être traversée. Une veste doublée
d’une membrane waterproof (Gore-Tex
ou autre) ou une veste Barbour en coton
huilé possédera cette qualité.
Confort. Le chasseur doit être bien protégé mais aussi à l’aise. La veste Chambord
avec ses soufflets dans le dos lui permet
d’épauler et de tirer sans gêne. La surveste
avec emmanchures raglan lui donne une
réelle liberté de mouvements. Il pourra
porter des knickers – pantalon arrivant
en dessous du genou – en peau de cerf,
très épais, souples et confortables.
Elégance. Cela fait partie du folklore de
la chasse. La tenue se compose en général
d’un costume en tweed 3 pièces (veste à
soufflets, gilet, knickers), d’une chemise
anglaise Viyella à petits carreaux tattersall et d’une cravate motif chasse, souvent
assortie à la couleur des chaussettes. Tout
comme le garter, le petit cordon noué
autour du mollet permettant de tenir la
chaussette, qui contribue à la « touche
fantaisie », que le chasseur osera porter
de couleur vive (rouge, jaune, vert pomme,
violet…) pour égayer un ensemble souvent kaki ou marron. Pour l’ouverture, il
pourra aussi assortir à ses knickers en
peau une veste à ganses en cuir et soufflets en coton, velours côtelé ou tweed §
M. D. L. H.
Le Point 2190 | 4 septembre 2014 | 113
STANISLAS GAZEAUD - DR
1. La veste Saint-Hubert.
2. Le costume en tweed.
3. Les knickers Cerf.
4. La veste Chambord.