Formation Guides Patrimoine Géologie et
Transcription
Formation Guides Patrimoine Géologie et
Martigny, le 21 septembre 2010 Formation Guides du Patrimoine Géologie et matières premières Notes du cours de Pascal Tissières et Dominique Tritenne Pierres ornementales du Chablais 1. Historique Epoque romaine : Forte demande en calcaire (de Neuchâtel à Forum Claudii Vallensium - Martigny), en tuf et en mortier à la chaux. Moyen Age : Les bâtiments romains servent de carrière, sinon beaucoup de construction en chaux. Les fours à chaux sont des fours où le calcaire (CaCO3) est porté à 900°C. Le calcaire se désintègre et se transforme en chaux vive (CaO). La chaux vive est alors utilisée avec du sable et de l'eau pour fabriquer un mortier : elle se transforme alors en chaux éteinte (Ca(OH)2) puis redevient calcaire par carbonatation. Les lieux-dits "Raffort, Raffour" rappellent l'emplacement d'un four à chaux. Barbier en signale à Armoy-Liaud, Reyvroz, Lugrin, St-Gingolph. Le Chablais français compte 57 fours en 1856, et sa production égale à elle seule à peu près la production de toutes les autres provinces de Savoie. Elle atteint 7202 tonnes avec 170 ouvriers. du 16e au 19e siècle : Les villes et villages s'équipent de fontaines publiques (pierres de St-Triphon, Collombey). 17 et 18e siècles : L'art religieux baroque (autels, fonds baptismaux) encourage l'exploitation de pierres colorées (Roche : dynastie des sculpteurs Doret, St-Triphon, Villeneuve, Collombey). 1798 – 1848 : La demande diminue avec les troubles politiques entre catholiques et protestants en Suisse. dès 1850 : Nouvel essor grâce au développement du chemin de fer (StTriphon, Arvel). Le style néoclassique stimule la demande de pierres moins colorées pour les gares, les églises et les bâtiments publics (pierres de Bex, St-Triphon, Collombey, Arvel). Exploitation systématique des blocs erratiques en granite sur le coteau de Monthey. Seuls quatre blocs sont sauvés à la suite de 2 protestation d'associations de protection de la nature : la Pierre des Marmettes (1'8424 m3), la Pierre à Dzo (300 m3), la Pierre des Muguets (1'000 m3) et la Pierre Studer (500 m3). 1865 : Exposition des pierres naturelles de Suisse à Olten. 1883 : Exposition nationale à Zürich : promotion des pierres du pays. 1888 – 1892 : L'aile Est du Palais fédéral fait étalage des principales pierres de Suisse (St-Triphon, etc.). 1890 – 1900 : Apogée des carrières : plus de 700. 20e siècle : Avènement du béton, de la construction métallique, de la pierre artificielle (terrazzo, ciment coloré). 1929 : 167 carrières en Suisse. dès 1950 : Les carrières sont exploitées pour les granulats à béton, ballast CFF, gravillons routiers, graves de fondation et enrochements. 2010 : Dans les Chablais, les carrières en activité sont : FAMSA (Massongex et Monthey), Sous-Vent (Bex), Arvel (Villeneuve), Meillerres 2. Comment classifie-t-on les pierres ? Deux grandes classes : • les pierres dures (riches en quartz) : granite, gneiss, certains grès, quartzite; • les pierres tendres (riches en calcaires) : calcaire, marbres, certains grès. Les critères sont : Pierres dures Pierres tendres - composition riche en quartz calcaire massive stratifiée - résistance à la compression > 1.6 t/cm2 (> 160 MPa) > 0.5 t/cm2 (> 50 MPa) - porosité environ 1 % 0.5 - 20 % > 50 GPa 10 - 50 GPa 2.5 - 2.7 t/m3 2.4 - 2.7 t/m3 - sensibilité au gel faible faible à forte - sensibilité aux intempéries faible forte - structure - module d'élasticité - densité 3. Liste des carrières 3 MATIERES PREMIERES DU CHABLAIS SUISSE Marnes et calcaires : fabrication de ciment Lieux Coordonnées Contexte géologique Remarques Pierre à Perret / Vouvry 557'650 / 130'500 Calcaire du Malm + couches rouges du Crétacé abandonné vers 1950 (Holderbank) Les Râpes / St-Maurice 565'800 / 117'100 Calcaires et marnes du Crétacé abandonné vers 1980 (Dionisotti) Eau Froide / Roche 561'300 / 134'600 Calcaire du Malm + couches rouges du Crétacé abandonné vers 1990 (Holderbank) Lieux Coordonnées Contexte géologique Remarques Tovassière / Morgins 552'600 / 117'800 Résurgences d'eaux très dures pas d'exploitation connue Tuf Chaux : fabrication de chaux vive et de chaux éteinte Lieux Coordonnées Contexte géologique Remarques Lappiaz / Monthey 561'500 / 123'100 Calcaire de l'Urgonien abandonné vers (Dionisotti) 4 Pierre ornementale / Ballast de chemin de fer + Granulats à béton Lieux Coordonnées Contexte géologique Remarques Muraz inconnu Brèche noire de Muraz exploitation vers 1880, abandonné Ilettes / Massongex 564'300 / 121'600 Grès du Flysch vers 1920; Gamma, Losinger, FAMSA (ballast) Choëx - Champ Bernard / Monthey 564'000 / 120'800 Grès du Flysch Dionisotti, FAMSA (ballast) Choëx - Freneys / Monthey 564'200 / 120'300 Grès du Flysch FAMSA (ballast) Barme / Collombey 561'800 / 124'800 fontaines; Parvex, abandonné Fénalet / St-Gingolph 552'500 / 137'500 Calcaires rouges du Crétacé (Barrémien) : "marbre de Collombey" Grès ultra-helvétiques (Flysch) Châtelet / Bouveret 555'250 / 136'500 Grès (Flysch et Molasse rouge) Bussien, abandonné Champ de Barme / Champéry 554'700 / 111'400 Calcaire noir du Malm vers 1890 - vers 1960, caverne, abandonné Tinière / Villeneuve -- Calcaire noduleux du Malm 1773 : J.-F. Doret : Soleure, abandonné Arvel / Villeneuve 561'500 / 137'500 Calcaire spathique et siliceux du Toarcien "Arvel rose" - "Arvel noir" Sur les Oches / Roche 551'220 / 134'000 Calcaire gris du Malm et "Rouge de Roche" 1756 : Doret, abandonné Truchefardel / Yvorne 561'200 / 133'400 Calcaire rouge du Malm 1674 : Hôtel de Ville de Lausanne, abandonné Châble Rouge / Yvorne 562'000 / 132'200 Couches rouges du Crétacé ~ 1810 : Ch. d'Hauteville à St-Légier, abandonné Andonces / St-Triphon 564'100 / 125'800 Calcaire siliceux noir du Trias Lessus / St-Triphon 564'450 / 127'150 Calcaire siliceux noir du Trias Sous-Vent / Bex 566'500 / 120'400 Calcaire siliceux rouge du Crétacé "Rouge du Rhône" abandonné 16 ème siècle : Cathédrale de Lausanne; ponts de Genève, Bouygues (granulats) ~ 1260 : Cathédrale de Lausanne, fontaines, abandonné ~ 1950 : commune de Bex : moellons, fontaines, sculpture, carrière de Sous-Vent SA (granulats, gravillons routiers, etc.) 5 Gypse du Trias : fabrication du plâtre (sulfate de calcium) Lieux Coordonnées Contexte géologique Remarques Tinière / Villeneuve 561'600 / 138'700 Trias Exploitation souterraine abandonnée vers 1915 Montet / Bex 567'000 / 123'500 Trias Exploitation à ciel ouvert Gipsunion/Fixit Lieux Coordonnées Contexte géologique Remarques Chesières / Vallon des Vaux 569'700 / 127'600 Trias 1790 - 1818 Salin / Grande Eau 567'600 / 130'000 Trias Fondement / Gryonne 570'000 / 126'100 Trias sur fascines, puis par chauffage; Bouillet / Gryonne 568'300 / 125'300 Trias Extraction par galeries puis par forages Sel du Trias Dès le 15 ème siècle : évaporation de la saumure Galeries visitables Granite / blocs erratiques Lieux Coordonnées Contexte géologique Monthey / Collombey nombreux sites sur le coteau Granite du Glacier du Mont Blanc Remarques 19 ème siècle : Pattaroni, Breganti, etc. 6 GISEMENTS DU CHABLAIS SUISSE Métaux et soufre N° CREALP Lieux Coordonnées Elément Contexte géologique Dates d'exploitation Remarques 351 Dent de Hautaudon 565'440 / 143'710 Fer Couches rouges du Crétacé mention en 1564 Hématite 440 Boitses / Lavey 569'110 / 115'380 Plomb Gneiss du Massif des Aiguilles Rouges -- Galène, chalcopyrite -- Arveyes 570'900 / 126'100 Soufre Trias -- -- Barboleusaz 571'260 / 125'900 Soufre Trias -- -- Gorges de la Gryonne 570'500 / 125'900 Soufre Trias -- -- Sublin 569'000 / 124'000 Soufre Trias exploitation Fer Pisolithes éocène Nappe de Morcles -- 428 Lac d'Anthémoz / Champéry 557'750 / 111'400 associé à manganèse 333 Pte de Chésery / Morgins 551'700 / 117'800 Manganèse Nappe de la Brèche -- 511 Dreveneuse / Collombey 557'840 / 123'150 Aluminium Bauxite du Dogger -- 483 Plan Verney / Evionnaz 565'420 / 113'955 Plomb Quartzite et argilite du Trias -- 360 Epinassey 567'000 / 115'250 Plomb Paragneiss du Massif des Aiguilles Rouges découverte en 1940 507 Salantin / Evionnaz 566'170 / 112'170 Plomb Paragneiss du Massif des Aiguilles Rouges 1853 - 1855 20-25 t galène argentifère 336 Cocorier / Evionnaz 566'180 / 112'675 Plomb Paragneiss du Massif des Aiguilles Rouges 1925 - 1927 2 galeries 536 Echelle / Evionnaz 567'270 / 112'915 Plomb Paragneiss du Massif des Aiguilles Rouges 19 -- ? / Morgins -- Fer Flysch du Niesen ème siècle -- Galène, pyrite Galène, argent Galerie de 4 m Galène : pyrite + galène 7 GISEMENTS DU CHABLAIS SUISSE Charbon N° CREALP 433 498 Lieux Contexte géologique Dates d'exploitation Remarques 569'880 / 117'980 Grès du Trias parautochtone Exploitation jusqu'au début de ème 20 siècle -- Rocher des Rayes / Rougemont 580'900 / 152'800 Couches à Mytilus du Dogger Prospection en 1942 2 galeries Laysace / Morcles Coordonnées 441 Borsalet / Château d'Oex 578'900 / 146'900 Couches à Mytilus du Dogger Prospection en 1918 Galeries -- Vuargny / Aigle -- Couches à Mytilus du Dogger Mention en 1855 Fossiles de plantes 348 Corbeyrier 562'300 / 132'350 Couches rouges du Crétacé 443 Pointe à la Houille / Diablerets 579'800 / 127'700 Couches rouges du Crétacé Aucun 3138 Foilleuse / Morgins 555'490 / 120'240 Nappe de la Brèche Prospection vers 1910 346 Combre / Vouvry 551'050 / 131'400 Couches à Mytilus du Dogger 1850 - 1945 (?) -- Sex de la Calle / Vouvry -- Couches à Mytilus du Dogger 1850 - 1945 (?) 314 Blancsex / Vouvry 553'940 / 130'800 Couches à Mytilus du Dogger 1850 - 1945 (?) 538 Torrent Mayen / Vionnaz 558'100 / 129'450 Couches à Mytilus du Dogger 1850 - 1945 (?) 537 Torrent Greffe - Cornillon 557'700 / 127'700 Couches à Mytilus du Dogger 1850 - 1945 (?) N° CREALP Lieux Coordonnées Contexte géologique Dates d'exploitation Remarques -- Rigoles de Vionnaz 2 Guerres mondiales CIBA - Monthey Prospection au 19 ème siècle Barytine Réserve estimée à 100'000 t (?) 3 galeries à 2'000 m Tourbe 559'400 / 127'300 Marécages de la Plaine du Rhône 8 4. Commentaires à la liste des carrières 4.1 Ardoises • Contexte géologique En 1875, Barbier signale des ardoisières en activité à Morzine (dans le rocher du Séez, alternant avec des bancs calcaires de la Brêche supérieure (Malm), La Chapelle-en-Faucigny, Servoz (sur les pentes du Brévent et à Pormenaz), Taninges (au Praz-de-Lys) et Samoëns. • Exploitation de Morzine – Montriond Les ardoisières semblent avoir été découvertes en 1734, et exploitées depuis. L'ardoise a une résistance à l'écrasement de 1500 kg/cm2. Au début du XXème siècle, 2 millions de pièces sont commercialisées. Les galeries sont soumises à des éboulements (19 octobre 1862 et 2 mars 1873). L'association des ardoisiers de Morzine travaille à la promotion du matériau. • Exploitation de Châtel Les carrières de schiste calcaire fournissent de l'ardoise depuis 1678 semble-t-il (date gravée sur la poutre maîtresse d'un atelier). Les ardoises taillées quittaient la carrière sur des luges pour rejoindre la vallée. 4.2 Calcaires et "marbres" • Contexte géologique des calcaires rouges de Vailly et de La Vernaz Il s'agit d'une brèche noduleuse de teinte rouge à brun-vert, datée géologiquement du Malm (Argovien, 150 millions d'années). Ce calcaire a servi à réaliser des éléments sculptés dès le XIIIème siècle au château de Chillon. En finition polie, la plus ancienne réalisation répertoriée est une cheminée au château de Vullierens, datée de 1713. • Exploitation de Vailly Elle est située au lieu-dit "chez Layat", près du village du Lavouet, entre Vailly et Bellevaux. Les marches et la balustrade du chœur de l'église Saint-Hippolyte en proviennent (1725), ainsi que le marbre rouge des vasques de la fontaine de l'Hôtel-de-Ville (1737). Les marbriers Doret travaillèrent ce marbre au XVIIIème siècle, avant d'utiliser au XIXème siècle une qualité équivalente et de même niveau géologique dans des blocs éboulés dans la vallée de La Tinière (Villeneuve). • Exploitation de La Vernaz Gisement exploité en carrière à ciel ouvert sur la commune de La Vernaz. Deux couleurs : rouge et brun-vert, avec deux faciès, noduleux ou compact. La couleur la plus recherchée est le rouge-acajou. Les fentes de décompression sont remplies de calcite blanche d'un bel effet. On trouve parfois de belles ammonites. Pour cette raison, ce marbre est caractéristique du faciès "ammonitico rosso". On trouve dans cette famille le marbre de Vérone (Italie) et le marbre de Guillestre dans les Hautes-Alpes (la plaque de marbre entourant le portrait de Saint-François-de-Sales 9 dans l'église Saint-Hippolyte est polie dans du marbre de Vérone). Le monument le plus célèbre sculpté dans ce marbre est un monument "naturel" : les spectaculaires gorges du Pont du Diable, creusées dans la vallée de la Dranse. La date la plus ancienne attestée pour une réalisation en marbre de La Vernaz est 1761. Elle est gravée sur un petit oratoire dans le village de La Vernaz avec le texte suivant : "Très bonne et très puissante mère, pries pour nous, Nicolas Hauteville petit Jean". Il est probable qu'il fut utilisé localement bien avant, mais les archives communales conservent des demandes d'ouverture et de fouilles qui ne datent que de la seconde moitié du XIXème siècle. En 1863, une demande d'ouverture de carrière de "pierre à marbre" est faite par M. Eusèbe Barbero. En mars 1882, la commune accorde à M. Alexandre de Libemont l'autorisation de "pratiquer des fouilles, afin d'ouvrir, si il y a lieu des carrières d'exploitation de marbre". En avril de la même année, l'exploitation est confiée au comte de Challaye de Lavalette. Il extrait ce marbre et le travaille dans un atelier avec une scierie hydraulique, à Bioge, de 1882 à 1892. Les ouvrages les plus remarquables consistent en cheminées "qui varient de la modeste capucine, au Louis XV et à la Renaissance la plus finement ornée". L'architecte de la construction de la nouvelle église de Fourvière, Sainte-MariePerrin, lui commande le premier décembre 1885, quatre petits blocs dans lesquels seront tournées quatre colonnettes qui ornent une loggia au-dessus des galeries de la basilique. Le paiement de FFr. 315.00 intervient en août 1886. L'atelier de Bioge est détruit par une crue le 3 octobre 1888. Le comte de Challaye abandonne l'exploitation en 1892. C'est un exploitant établi au 3 rue Voltaire à Genève, Emile Anthonioz, qui l'exploite de 1894 à 1923. Il installe une scierie à fil hélicoïdal sur place. Son entreprise prospère jusqu'à la Première Guerre mondiale. Il fournit cheminées, monuments funéraires, revêtements muraux pour autels d'églises, carrelage à destination des cantons de Vaud et Genève. Des blocs sont envoyés scier à Villebois (01), sous les appellations commerciales de "Rouge des Dranses" ou "Rouge Anthonioz". En 1923, il abandonne l'exploitation, sous prétexte du refus de la commune de lui laisser construire une glissoire pour descendre des blocs vers la route de Thonon. C'est en 1958 que mon grand-père Henri Tritenne, fabricant de matériaux à Thoiry(01), reprend l'exploitation pour la production de granulés de marbre et d'enduits de façade. Mon père Louis-Jean a transformé et scié des blocs à usage marbrier pour la réfection des sols de l’église et de la mairie de La Vernaz, du restaurant Baud au Jotty. Il réalisa de nombreuses sculptures dans ce marbre. L'exploitation s’arrêta avec la cession de l'entreprise en 1994. • Exploitation de Meillerie Calcaire siliceux noir, très dur, à cassure tranchante, de 200 à 175 millions d'années (Ere secondaire, Jurassique, Pliensbachien). Barbier relate l'exploitation de moellons calcaires compacts, aux carrières de Balme et de Locon, le long du lac, près de Meillerie. Ils sont très employés pour la construction à Genève, Lausanne et sur toute la côte. Il s'en extrayait en 1858, 300 barques qui contenaient environ 7'000 m2 de pierre, et donnaient un produit de FFR. 36'000.00 à 40'000.00 par an. On occupait environ 100 ouvriers. En 1867, on y emploie 300 personnes. Le dernier des grands chantiers est la fourniture de pierres pour la construction du palais de la Société des Nations à Genève en 1931. 10 • Exploitation de La Tinière A proximité de Villeneuve fut exploitée dans la vallée de la Tinière, une brèche noduleuse rouge, brun-verdâtre ou violette, datée de l'Argovien (Malm), d'environ 150 millions d'années. Les marbriers débitèrent probablement des blocs éboulés. Ce lieu a fourni aussi un calcaire à crinoïdes, liés dans une pâte rouge vif à violette, daté du Lias (180 millions d'années), qui n'est finalement pas si différent de la brèche de Tarentaise, extraite à Villette en Savoie, du même âge. Cette carrière savoyarde fut aussi exploitée par les Doret, de 1762 à 1775. • Exploitation du marbre d'Arvel (Villeneuve) Il est aussi un calcaire à échinodermes du Lias moyen, exploité par Louis Doret, semble-t-il à partir de 1827. De teinte gris-noir à rose-brun, il prend un beau poli. • Exploitation de La Preisaz à Roche Les Doret extrayaient un marbre rouge à Roche, au lieu dit "en la Preisaz" ou "sur les Oches". Il s'agit aussi d'un calcaire gris du Malm, caractérisé par des veines de calcite blanche, prenant par endroit une teinte rougeâtre. • Exploitation de Truchefardel à Roche Le marbre le plus réputé du Chablais vaudois est le rouge jaspé de Truchefardel. Il s'agit d’un calcaire coralligène, riche en fossiles. Les couleurs rouge, grise, brune et jaune y sont mélangées, donnant un aspect unique à ce calcaire marbrier du plus bel effet décoratif. C'est un calcaire d'âge Jurassique moyen (environ 160 millions d'années). Les Doret l'exploitèrent à partir de 1756. • Exploitation de marbre du Châble rouge près d’Yvorne Il correspond à un matériau qui est géologiquement présent dans les couches rouges du Crétacé supérieur- Paléocène (fin de l'ère secondaire, début de l'ère tertiaire, 95 à 55 millions d'années), à proximité d'Yvorne. Le site exact d'extraction n'est pas connu. Il fut d'un emploi plus rare que les autres matériaux. • Exploitation du calcaire noir de St-Triphon Il est d'âge triasique moyen (245 millions d'années). Prenant un très beau poli, il est facilement identifiable à cause des joints stylolithiques (en forme de sutures crâniennes) qui le parcourent. Il fut exploité comme marbre par les Doret à partir de 1767. • Exploitation du marbre noir de Champéry. Un calcaire siliceux, de teinte noir, fut exploité sur les hauteurs de Champéry aux Champs de Barme. Dans les années 1950-1960, l'usine de concassage de mon grand père Henri Tritenne se fournissait en blocs à concasser, mais l'usure occasionnée par ce matériau sur les broyeurs fit abandonner cette fourniture. 11 4.3 Grès • Contexte géologique Le grès, appelé aussi molasse, est une roche datée du Burdigalien (Miocène, Ère tertiaire, entre 20 et 16 millions d'années). C'est une roche détritique, formée de grains de quartz réunis dans un ciment principalement calcaire. Sa teinte verte est due à la présence de glauconie. Cette roche se met en place avec l'émergence des reliefs alpins. • Exploitation de Sciex – Massongy Barbier mentionne une molasse à grain fin, qui durcit à l'air, très estimée, au Pralioz, ainsi qu'à Allinges. • Exploitations de Monthey/Choëx – Massongex. 4.4 Argiles • Exploitation de Tuileries – Brécoreus : argile glacio-lacustre. • Exploitation de Bellevaux : argile de barrage glaciaire (activité jusqu'en 1970). • Exploitation de Thonon : époque romaine. • Exploitation de St-Triphon : 1836 – 1920; famille Croptier. 4.5 Tuf • Contexte géologique. Le tuf est tendre, plus ou moins vacuolaire, léger et de couleur beige. En outre, il supporte bien les écarts de température et de ce fait, c'est un excellent régulateur hydrothermique. Sa formation particulière mérite quelques explications : l'eau qui percole à travers des terrains calcaires, s'enrichit en carbonate en solution à l'état de bicarbonate. A la résurgence de l'eau sous forme de sources ou de griffons, ce dernier, par perte de pression et par augmentation de la température, donne un dépôt de calcite (CaCO3) qui concrétionne sur la végétation, en général prospère aux alentours d'un point d'eau. Ensuite, la matière organique végétale se putréfie et disparaît pour donner un aspect vacuolaire à la roche. Des empreintes fossiles sont parfois conservées. Un gros amas constitue une tuffière ou touvière, et sa vitesse de formation est de l'ordre de plusieurs centimètres par an. Seule roche renouvelable à l'échelle humaine, son importance dans la construction et la multiplicité de ses utilisations sont souvent ignorées. • Exploitation de Saint-Jeoire-en-Faucigny. • Gisements de Tovassière – Morgins. 12 4.6 Gypse • Exploitation d'Armoy – Thonon Barbier signale en 1875, des exploitations à Cervens, Draillant, Armoy-Liaud, Reyvroz, Bellevaux, Vacheresse, la Chapelle, La Vernaz. Ces divers gypses appartiennent en partie au Flysch, comme dans le Faucigny, et en partie se trouvent dans le Kossener-Schichten. Ils sont parfois assez solides et compacts pour être employés comme pierre d'ornementation faux albâtre. En 1856, la province du Chablais possède 30 fours qui emploient 58 ouvriers pour une production de 591 tonnes. Les gypses d'Armoy sont cuits au coke, et moulus dans une fabrique qui doit comptée parmi les plus importantes de l'Empire, car elle produit par an 100'000 quintaux métriques de plâtre qu'on vend principalement à Genève et sur les bords du lac, à raison de FFR 1.75 à 2.00 le quintal métrique. • 5. Exploitation de Bex par Gipsunion puis Fixit. Technique d'exploitation en carrière Une fois déterminé les besoins du chantier, la capacité de la roche à répondre à la demande, et la possibilité de la transporter de la carrière au chantier, la première décision du carrier est d'exploiter à ciel ouvert, à l'endroit où la roche affleure en surface, ou en galerie souterraine, en s’enfonçant au pied d’une falaise, par exemple. On a vu qu’il pouvait aussi débiter des blocs éboulés ou charriés. Son souci va être de sortir des blocs approchant le plus possible du format nécessaire au chantier. Les techniques d'extraction ont peu évolué de l'époque romaine au XIXème siècle. Seule l'utilisation de la poudre noire (explosif déflagrant), ramenée de Chine par Marco Polo au XIIIème siècle, marquera un tournant important. Le rapport de Barbier en 1875, mentionne que dans les carrières de Franclens, "l'extraction se fait en creusant des rainures autour du bloc à détacher, de façon à l'obtenir sous une forme parallélépipédique parfaite. Ces rainures se font à la broche, à la trombe, ou à la chaîne sans fin. La broche est un long ciseau, sur lequel on frappe avec un marteau, qui s'emploie quand on avance horizontalement le front de taille. La trombe est une espèce de pic, et l'on en fait usage lorsque, après avoir dégagé, à la poudre, le toit de la masse, on exploite celle-ci sous les pieds. La chaîne sans fin est une chaîne à la Vaucanson mue par une petite machine à vapeur locomobile à grande vitesse". Au XIXème siècle, l'air comprimé (auquel le nom de Germain Sommeiller, ingénieur et député savoyard est associé) et le fil hélicoïdal à la roche constituent une évolution majeure. La dernière innovation technologique importante est l'utilisation du diamant industriel depuis 1970, pour améliorer le rendement des outils de coupe. Le fil diamanté permet des coupes rapides, et les haveuses, déjà utilisées au XIXème siècle en roche tendre, sont désormais performantes en roche dure. Il faut noter que les besoins de machines et d'engins de chantier pour les travaux publics (tunnels, routes, ouvrages d'art), dès le XIXème siècle, ont fait aussi progresser le machinisme pour l'exploitation des carrières.