poèmes
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Le hareng saur Il était un grand mur blanc-nu, nu, nu Contre le mur une échelle-haute, haute, haute, Et, par terre, un hareng saur-sec, sec, sec. Il vient, tenant dans ses mains-sales, sales, sales, Un marteau lourd, un grand clou-pointu, pointu, pointu, Un peloton de ficelle-gros, gros, gros, Alors il monte à l’échelle-haute, haute, haute, Et plante le clou pointu-toc, toc, toc, Tout en haut du grand mur blanc-nu, nu, nu. Il laisse le marteau-qui tombe, qui tombe, qui tombe Attache au clou la ficelle-longue, longue, longue, Et, au bout le hareng saur-sec, sec, sec. Il redescend de l’échelle-haute, haute, haute, L’emporte avec le marteau-lourd, lourd, lourd, Et puis, il s’en va ailleurs-loin, loin, loin. Et depuis, le hareng saur-sec, sec, sec, Au bout de cette ficelle-longue, longue, longue, Très lentement se balance-toujours, toujours, toujours, J’ai composé cette histoire-simple, simple, simple, Pour mettre en fureur les gens-graves, graves, graves, Et amuser les enfants-petits, petits, petits. Charles CROS Ce qui est comique Savez-vous ce qui est comique ? Une oie qui joue de la musique Un pou qui parle du Mexique Un bœuf retournant l’as de pique Un clown qui n’est pas dans un cirque Un âne chantant un cantique Un loir champion olympique Mais ce qui est le plus comique C’est d’entendre un petit moustique Répéter son arithmétique Maurice CAREME Locataires J’ai dans mon cartable (C’est épouvantable !) Un alligator Qui s’appelle Hector. J’ai dans ma valise (Ça me terrorise !) Un éléphant blanc Du nom de Roland. J’ai dans mon armoire (Mon Dieu, quelle histoire !) Un diplodocus Nommé Spartacus. Mais pour moi le pire, C’est sous mon chapeau D’avoir un vampire Logé dans ma peau. Jean-Luc MOREAU L’escargot philosophe C’était un petit escargot Qui n’aimait pas du tout la pluie « L’eau, c’est la vie » Dit-on souvent. Mais lui, n’en croyait pas un mot. Lorsqu’un jour, cédant enfin à son entourage, Il sortit affronter l’orage. Il n’avait pas, Si j’ose dire, fait trois pas, Qu’il glisse sur une salade ! Et le voilà parti de voltige en roulade Pour s’arrêter nul ne sait où, Quand, sur un énorme caillou, Il vient, le malheureux, fracasser sa coquille !... Et de se retrouver tout nu, comme une anguille… Chacun se moque ou compatit. C’était un philosophe : il se redresse et dit : « Que voulez-vous que ça me fasse ? Voilà tout ! Je serai limace… » Vital HEURTEBIZE Je suis plus jeune Je suis plus jeune que toi et pourtant je suis ton grand-père. Je suis très laid et pourtant je te ressemble. J’aime les farces et les grimaces. J’ai quatre mains ou quatre pieds suivant mes besoins. Je suis… un singe. Luce GUILBAUD Le bouton « J’aimerais, dit l’enfant qu’on dessine un bouton… » Alors, on a pris du papier très blanc et un crayon bien noir et bien taillé, et l’on a dessiné un bouton de culotte, un bouton de pression, un bouton d’ascenseur, un bouton de sonnette, un gros bouton de porte et beaucoup de boutons-d’or et de boutons de roses… « Vous n’y connaissez rien, dit l’enfant, un bouton, c’est recouvert de laine, ça fait « bê », et ça a de grands beaux yeux très doux et aussi quatre pattes… » On n’avait pas compris qu’il était enrhumé… ! Jehan DESPERT Rire Rigoler S’esclaffer Se désopiler Pouffer S’éclater Se gondoler Se marrer S’exploser Se poiler Glousser Se paillarder Se bidonner Se tordre Se tenir les côtelettes Rioter Riocher S’affiner les badigoinces S’esbaudir Se gaudisser S’exciter le zygomatique Se dilater la rate Se tire-bouchonner Tous ces verbes Tous ces verbes Ces verbes et ces mots… Il y a de quoi rire, tout de même ! Jean-Louis LE DIZET Rire Il faut que je vous dise Que le rire détend, Tout comme il exorcise Les cauchemars d’antan. Il y a le léger Le subtil ou le gros Le coincé, le figé, Le tendre, l’allégro. C’est une symphonie Un concerto en ré, Un grand moment béni Pour pouvoir s’évader. Il n’y a que le rire Qui puisse nous donner Les tendres souvenirs D’une époque oubliée. Il décore les yeux D’une belle lumière, Chez les jeunes et les vieux Sans faire de manières. Il est un des moyens De vivre en harmonie, Et pour le genre humain Le chemin de la vie. Marc ETIENNE N’importe quoi ! As-tu déjà vu Un lapin dodu Faire une addition À l’accordéon ? As-tu déjà vu Un taureau cornu Danser en jupette Au son des trompettes ? As-tu déjà vu Un chameau bourru Enseigner l’anglais À des Finlandais ? As-tu déjà vu Un mouton tondu Commander des gants Dans un restaurant ? As-tu déjà entendu Une histoire aussi tordue ? Elle est vraiment saugrenue… Je suis sûre que tu y as cru ! Claire POUTIERS L’oiseau du Colorado L’oiseau du Colorado Mange du miel et des gâteaux Du chocolat et des mandarines Des dragées des nougatines Des framboises des roudoudous De la glace et du caramel mou. L’oiseau du Colorado Boit du champagne et du sirop Suc de fraise et lait d’autruche Jus d’ananas glacé en cruche Sang de pêche et navet Whisky et café. L’oiseau du Colorado Dans un grand lit fait un petit dodo Puis il s’envole dans les nuages Pour regarder les images Et jouer un bon moment Avec la pluie et le beau temps. Robert DESNOS (La Ménagerie de Tristan) Le menu du boa – Monsieur le Boa, que mangerez-vous aujourd’hui ? des petits pois ? – Pouah – Des Noa ? – Pouah Pouah – Alors vous voulez quoa ? – Un turbot ~ ah ! ~ un jambonneau ~ ah ! ~ un rabot et un robot ~ ah ~ un lavabo, un escabeau, un koala ~ ah ! ah ! et encore quoa ? – troa foa gras d’oa premier choa. – Je voa. Et vous boarez ? – Un cocoa avec doa de vodka bien froa. Voa la ! – Au revoar Jacques ROUBAUD (Menu, menu) Les proverbes culbutés Pierre qui roule n’amasse pas mousse. Pierre qui mousse n’amasse pas rouille. Maille qui file n’amasse pas mousse. Pierre qui m’aille dévide un fil. Fille qui m’aille est bien plus douce. Pierre qui roule n’a ni sou ni maille. Moralité Tout va à la cruche à l’eau qu’au téléphone elle dit Allô. Claude ROY (La Cour de récréation) L’histoire du discours amoureux – – – – – – – – – – – – – – – – – Je t’aime. Moi aussi. Je sais. Je sais que tu le sais. Je sais que tu sais que je sais que tu m’aimes. Je sais que tu le sais et tu sais que je sais que tu sais que je le sais et tu sais que je sais que tu sais que je t’aime. Je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu sais que je t’aime, et je sais que tu sais que je sais que tu sais que je sais que tu le sais. Et tu aimes que je le sache ? Oui, j’aime savoir que tu le sais, j’aime que tu saches que je sais que tu m’aimes. Et moi j’aime savoir que tu sais que je sais que tu aimes savoir que je t’aime. J’aime savoir que tu saches que je sais que tu sais que j’aime aimer savoir que tu saches que je sais que tu m’aimes. J’aime t’aimer. Et moi j’aime aimer que tu aimes le savoir. Je sais que tu m’aimes et j’aime savoir que tu sais que je le sais. Je t’aime. Je sais. Je le savais. Jean-Michel ESPITALLIER L’onomatopée Lolo, nono, Mama, topée ! C’est pas possible À prononcer ! Glou-glou Tic-tac Do-do Pé-pé Tout ça C’est de l’O NOMATOPÉE ! Lolo, nono, Mama, topée ! Un mot À vous rendre toqué ! Cui-cui Chut-Chut Boum-boum Yé-yé Voilà des O NOMATOPÉES ! Lolo, nono, Mama, topée ! Pourquoi vouloir Tout compliquer ! Andrée CHEDID Anagrammes Par le jeu des anagrammes, Sans une lettre de trop, Tu découvres le sésame Des mots qui font d’autres mots. Me croiras-tu si je m’écrie Que toute NEIGE a du GÉNIE ? Vas-tu prétendre que je triche Si je change ton CHIEN en NICHE ? Me traiteras-tu de vantard Si une HARPE devient PHARE ? Tout est permis en poésie. Grâce aux mots, l’IMAGE est MAGIE. Pierre CORAN Le verlan des oiseaux choucas cachou Corbeau beau corps mésange ange mais goélands lents égaux fou de Bassan ouf de samba coucou coucou Michel BESNIER Ce qui me fait rire Donnez-moi un moustique à bicyclette, un dromadaire avec un gibus sur la tête, un kangourou qui joue de la trompette, un lapin qui mange son herbette avec couteau et fourchette, une araignée qui porte des lunettes, un escargot fumant la cigarette. Ou bien ne m’en donnez pas tant mais dites-moi plutôt quelque chose : « Je me suis disputé avec une rose. J’ai mangé une chaise et je l’ai trouvée trop salée. Mon manteau aime bien le risotto. À ma machine à écrire il a poussé une canine. » Ou bien ne m’en dites pas tant mais plutôt montrez-moi un sot qui se croit intelligent. Gianni RODARI Rédaction : ma vache Ma vache est bleu foncé, elle s’appelle Horace, elle aime bien prendre le tram mais sans jamais payer sa place. Tout au nord se trouvent ses cornes et sa queue est aux antipodes, elle porte un très vieux manteau et des souliers pas à la mode. Pour ce qui est de la surface, je ne l’ai jamais mesurée : elle doit être un peu moins grande que la Bretagne ou la Vendée. Ma vache est vraiment très sage et quand elle grandira elle sera la consolation de maman et de papa. (Je sais, maître, ma rédaction va sûrement vous étonner : mais comme je n’ai pas de vache, il m’a bien fallu l’inventer.) Gianni RODARI Deux petits éléphants C’était deux petits éléphants, Deux petits éléphants tout blancs. Lorsqu’ils mangeaient de la tomate Ils devenaient tout écarlates. Dégustaient-ils un peu d’oseille, On les retrouvait vert bouteille. Suçaient-ils une mirabelle, Ils passaient au jaune de miel. On leur donnait alors du lait : Ils redevenaient d’un blanc frais. Mais on les gava, près d’Angkor, Pour le mariage d’un raja, D’un grand sachet de poudre d’or. Et ils brillèrent, ce jour-là D’un tel éclat que plus jamais Ils ne redevinrent tout blancs, Ces jolis petits éléphants. Maurice CARÊME (Pomme de reinette) Comptine du vantard Des Playmobils ? J’en ai dix mille. Des cubes en bois ? Trois mille vingt-trois. Des déguisements ? Plus de deux cents. Des illustrés ? Quelque milliers. Et des gommettes ? Cinq cent trente-sept Mais de mikado, Zéro ! Jean LOR Un poème Un poème ça s’attrape un peu partout Comme de l’air en l’air ou de l’eau dans l’eau Il y a des armoires à mots où il dort bien plié comme du linge Il y a des arbres d’images où il fait le singe Mais quand il passe c’est tout de suite ou c’est raté Werner LAMBERSY (Belgique) Coccinelle Coccinelle rouge et perle parapluie à deux ailes où vol’ tu où cours-tu essuyer la vaisselle réchauffer les quenelles annoncer la nouvelle je fais un petit saut chez l’ami dermato enlever les points noirs que tu vois sur mon dos Jacques HAUROGNÉ Bientôt je n’aurai plus de voix Bientôt je n’aurai plus de voix Disait le voiturier Bientôt je n’aurai plus de chats Disait le châtaignier Bientôt je n’aurai plus de rats Disait le râtelier Bientôt je n’aurai plus de poux Disait le poulailler Bientôt je n’aurai plus de rampe Disait le rempailleur Mais tous ceux qui ne disaient rien Toux ceux-là n’en pensaient pas moins. Luc BERIMONT Charmant Je crois n’avoir jamais Lu un poème qui soit si laid. Un poème à te filer la chair de poule, Autant qu’une assiette de vieilles moules. Un poème à te faire perdre l’appétit, A faire passer tes intestins pour un gratin de spaghettis. Un poème gris et tout mouillé, un poème qui ne sent pas bon, Comme ton estomac et ton côlon. C’est un poumon, un pancréas ! C’est un rein ! Que dis-je, c’est un rein ? C’est une vésicule ! Tiens ! Mais t’es tout vert, mon pote ? C’est pourtant dans ton corps que cela mijote. Jon SCIEZSKA et Lane SMITH A Porto Rico A Porto Rico Un coq fait « cocorico » Au Costa Rica « cocorica » A Tokyo « cocorikyo » A Honolulu « cocoricu » A Washington Un coq fait « cocoricain » Michel BESNIER Comparaisons Si Popaul est plus beau Qu’Anatole et Toto Mais moins gros qu’Anatole Et plus gros que Toto, Quand bien même Anatole Pourrait être aussi beau, Si ce n’est que Popaul, Tout au moins que toto, J’en conclus qu’Anatole S’il n’est pas le plus beau, N’en déplaise à Popaul, Est toujours le plus gros. Jean-Luc MOREAU