Mécanismes de gélification des pectines
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Mécanismes de gélification des pectines
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS Mécanismes de gélification des pectines Eric AUBREE, Systems Bio Industries (SBI), Centre de Développement Alimentaire, Baupte, Carentan. ORIGINE La transformation progressive de la protopectine en pectine soluble se fait au cours de la croissance cellulaire, selon des mécanismes enzymatiques complexes qui aboutissent au ramollissement des tissus végétaux. (Thibault, 1980). ET STRUCTURE CHIMIQUE Les substances pectiques sont présentes dans tous les végétaux, localisées dans la lamelle moyenne et la paroi primaire des cellules où elles jouent le rôle de ciment intercellulaire, responsables de la rigidité et de la cohésion. En 1825, c’est le Français J. Braconnot qui l’isola pour la première fois et la baptisa Pectine du mot grec Pektos (ferme/rigide). La molécule de pectine se présente sous la forme d’un polymère linéaire d’acides D-galacturoniques joints en a (1-4) par une liaison glycosidique. La chaîne pectique, à l’état solide ou en solution présente une configuration spiralée avec un pas de 3 (figure 1). Elles sont associées à d’autres composants chimiques membranaires tels que cellulose, hémicellulose, lignine, par des liaisons physiques et/ou chimiques (Pilnik, Voragen, 1970). Le long de la chaîne principale, est présente toute une série de substitutions qui en font rarement une structure homogalacturonique simple. Les fonctions acides carboxyliques sont plus ou moins estérifiées par du méthanol (Fishman et al., 1986). On définit ainsi le Degré de Méthoxylation (DM) des Selon l’âge des tissus, on rencontre la pectine sous deux formes (Kirk et al., 1967) : – la protopectine : insoluble car liée aux autres composants. – L’acide pectique : soluble dans l’eau à froid. OH O 4 CO 6 O 5 H H H HO 1 2 OH 3 O H OCH3 CO H H O H H H HO OH O O CO H H H HO 33 H OH H Figure 1 : Structure de la pectine. O H O LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS pectines comme étant le nombre de fonctions carboxyliques méthylées pour cent motifs d’acide galacturonique de la chaîne principale. Enfin la chaîne d’acide galacturonique est interrompue par des unités de b-L-rhamnose, lié par ses carbones 1 et 2, qui provoquent une déviation de l’axe de la chaîne. Cette zone de flexibilité, appelée « coude pectique », facilitera la formation d’un réseau tridimensionnel, lors du processus de gélification. Les mêmes fonctions acides peuvent, au cours du traitement industriel de déméthylation en milieu ammoniacal, être amidées. Dans ce cas, on parlera du DA (Degré d’Amidation). Les pectines sont donc principalement caractérisées par leur teneur en acide galacturonique (AG), la longueur des chaînes d’acides galacturoniques (masse moléculaire) et le nombre de substituants autre qu’osidiques. Les fonctions acides sont souvent neutralisées par la présence d’ions mono ou divalents tels que Na+/K+/NH4+/Ca++. Des ramifications, principalement constituées par de courtes chaînes latérales de sucres neutres (galactanes, arabanes, xylanes,…) sont rattachées aux fonctions hydroxyles secondaires (C2 ou C3) de la chaîne principale (Rombouts et Pilnik, 1980). Ces ramifications sont souvent localisées en zones dites « chevelues », provoquant une interruption de la régularité des chaînes homogalacturoniques (De Vries, 1983). Dans certaines matières premières, leur quantité peut atteindre 10 %. DM (ou DE). DA EXTRACTION La pectine contenue dans les fruits a de tout temps été utilisée, in situ, par la ménagère, pour la gélification des confitures. Ce n’est qu’au début du xxe siècle que la pectine a fait l’objet d’une extraction industrielle, dans le but de compenser dans un premier temps la faible teneur en pectine de certains fruits (May, 1990). Aujourd’hui la pectine est très largement utilisée dans l’industrie agroalimentaire et pharmaceutique pour ses propriétés gélifiantes, stabilisantes ou viscosifiantes. De la même manière, sont liées aux fonctions hydroxyles C2 ou C3, des groupes acétyles. Ces derniers sont surtout présents dans certaines matières premières telles que le tournesol ou la betterave. Estérification : CH3OH Amidation : NH2 O H 4 6 O C O H 5 H 2 1 3 HO Chaînes latérales Neutralisation par : K, Na, NH4, Ca OH (figures 2, 3 et 4) Rhamnoses H HO O H Segments galacturoniques Acétylation par : CH3COOH Estérification : Sucres neutres (galactanes, arabanes, xylanes, etc.) Figure 4 : Représentation schématique de la molécule de pectine. Figure 2 : Substitution de l’acide galacturonique. O H H C OH H H O O O OH H OH H H H H H OH O O OH H H OH C H OH n C OH H O O R R Pour 100 unités A.G. : Acides pectiques Pectines (acides pectiniques) COOCH3 50 Pectines HM Pectines amidées COOCH3 50 Pectines HM R C O OH H OH H R = OH R = OH, OCH3 R = OH, OCH3, NH2 R H OH Figure 3 : Structure de la pectine. 34 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS line des pectines HM (May, 1990). Les différentes étapes de la fabrication des pectines sont représentées sur la figure 5. L’extraction industrielle de la pectine se fait à partir des sous-produits de l’industrie des jus de fruits. Marcs de pommes et écorces d’agrumes sont les sources principales et abondantes de pectine en raison de leur richesse en protopectine et en acide pectique. La pectine de pomme est plus riche en sucres neutres et en amidon (qui constitue le « ballast ») mais moins riche en protéines et calcium que la pectine d’agrumes. La phase de contrôle de chaque lot de poudre est aussi une étape fondamentale du procédé. Il est en effet impératif, pour assurer une reproductibilité dans l’application industrielle, de parfaitement standardiser les pectines avec des outils de caractérisation performants de manière à gommer les variations naturelles des matières premières. Le procédé d’extraction est basé sur l’hydrolyse en milieu acide et chaud de la protopectine qui se transforme en acide pectinique. Le jus obtenu est traité par de l’isopropanol, afin de précipiter la pectine. Le coagulum, à l’aspect fibreux, est lavé, pressé, séché sous vide, puis broyé pour obtenir une poudre fine (Kirk et al. 1967). Les réglages de la température, du pH et du temps de l’hydrolyse permettent de prédéterminer le DM de la pectine. Les pectines ainsi extraites, ont le plus souvent un DM compris entre 55 et 75 % (pectines HM). Leur masse moléculaire est généralement élevée. Les pectines LM sont obtenues par désestérification chimique, acide et/ou alca- D’autres sources de matières premières ont été envisagées pour l’extraction de pectine comme le tournesol ou la betterave mais n’ont pas encore fait l’objet de commercialisation intensive (qualité des matières premières/faible Poids Moléculaire/haute teneur en groupe acétyle/…). PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DES PECTINES Les pectines possèdent des propriétés épaississantes, stabilisantes et surtout gélifiantes. Propriétés gélifiantes MARC MATIÈRE PREMIÈRES ou ÉCORCES D’AGRUMES HYDROLYSE EXTRACTION Un gel est un réseau tridimensionnel de macromolécules incluant un solvant. Celui-ci est provoqué par des changements physiques ou chimiques qui tendent à diminuer la solubilité de la pectine, favorisant la formation de cristallisations locales (May, 1990). La gélification consiste en l’association des chaînes de polygalacturonate, par formation des zones de jonctions (Rees, 1969). La présence des zones « chevelues » et surtout des coudes pectiques (unité rhamnose) limite la taille des zones de jonctions, empêchant une précipitation totale et permet à une même macromolécule d’être liée à plusieurs autres, facilitant la formation du réseau. DE POMMES DE LA PROTOPECTINE AVEC DE L’ACIDE DANS UNE SOLUTION CHAUDE SÉPARATION PRESSAGE MARC DÉPECTINÉS FILTRATION CONCENTRATION COAGULATION PRÉCIPITATION DANS L’ALCOOL DISTILLATION D’ALCOOL LAVAGE OBTENTION Selon que l’on s’attache aux pectines HM ou LM, différenciées par leur DM (ou DE) (HM > 50 % LM < 50 %), le mécanisme de gélification ainsi que les propriétés du gel sont différentes. BROYAGE DES PECTINES EN POUDRE PRODUIT CONTRÔLE MÉLANGE FINI Le gel de pectine HM est un gel sucré et acide alors que le gel de pectine LM est principalement calcique, thermoréversible et thixotrope. DES LOTS STANDARDISATION SAG DE STANDARDISATION DA Propriétés stabilisantes CONTRÔLES sur les produits finis EXPÉDITION Dans ce cas, la propriété recherchée permet d’éviter la séparation d’un milieu hétérogène (ex : mix pour glace/préparation de fruits avec morceaux/boissons cacaotées…). Cette propriété peut être obtenue de différentes manières : CONTRÔLES avant expédition Figure 5 : Schéma d’extraction de la pectine 35 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS mation) d’un élément de volume compte tenu de son histoire. Elle peut donc servir par exemple à caractériser la texture des produits alimentaires. soit par augmentation de la viscosité, mais qui peut être un facteur limitant pour certaines applications où une forte viscosité est incompatible avec la rhéologie du produit, soit par création d’un réseau suffisamment efficace pour maintenir des particules en suspension mais suffisamment faible pour ne pas être perceptible (ex : les gels-liquides). On définit la texture comme l’ensemble des caractéristiques du produit qui sont à l’origine des sensations perçues ou encore « l’ensemble des propriétés rhéologiques et de structure d’un produit alimentaire perceptibles par les mécanorécepteurs, les récepteurs tactiles et éventuellement visuels et auditifs » (AFNOR V100-150). Exemple : Les pectines HM de haut DE possèdent cette propriété spécifique de pouvoir stabiliser des particules de caséines acides, par intéraction Pectines HM-caséines, dans des boissons laitières acidifiées. La pectine agit dans ce cas comme un défloculant et stabilise les caséines par encombrement stérique. En présence de pectine, les particules ne s’agrègent plus et la formation d’un sédiment est évitée. En rhéologie, les notions de solide et de liquide sont des notions très complexes qui diffèrent de celles communément admises. On leur préférera donc la distinction entre produits plastiques ou élastiques. Un corps est dit purement plastique si, soumis à une contrainte constante, il n’atteint jamais un état d’équilibre statique : sa déformation augmente indéfiniment, la substance s’écoule. Au contraire dans le cas d’un corps élastique pur, dès qu’une contrainte est appliquée, une déformation prend instantanément naissance, proportionnelle à la contrainte. Mais si la contrainte s’annule, le solide revient immédiatement à sa forme initiale. Propriétés viscosifiantes Cette propriété est obtenue quand les molécules modifient le comportement de la phase continue du fait de leur structure (PM/encombrement/…) sans pouvoir créer de zones de jonctions. Entre ces deux extrêmes, on trouve les produits viscoélastiques qui possèdent à la fois une composante plastique et une composante élastique. Et ces deux composantes s’expriment plus ou moins selon la contrainte ou la déformation imposée, et l’échelle de temps. Les pectines HM de haut poids moléculaire dans les milieux non propices à la gélification (ex : boisson fruitée) présentent cette propriété. En ce qui concerne les pectines LM, on parlera plutôt de comportement typiquement viscoélastique, dont chacune des composantes peut être modifiée en fonction, par exemple, de la teneur en calcium du milieu réactionnel. 1er cas : lorsque la composante plastique domine sur la composante élastique, on parle de produit visqueux. Le comportement étant dans ce cas plus proche de celui du plastique pur que de celui de l’élastique pur, le produit se caractérise par une certaine faculté à l’écoulement et on peut lui mesurer sa viscosité. NOTIONS DE RHÉOLOGIE Les mesures rhéologiques des gels sont faites pour plusieurs raisons (Mitchell, 1976). Cette notion de viscosité nous permet maintenant de définir plusieurs types de comportements viscoélastiques selon que : D’abord parce que la qualité du gel peut varier en fonction de la matière première, des méthodes d’extraction,… Il est essentiel pour le producteur d’avoir des tests fiables et reconnus. dans le cas extrême d’un produit purement plastique, le comportement est dit newtonnien : la viscosité est indépendante de la vitesse de cisaillement. Puis, parce que ces mesures peuvent être utilisées comme informations sur la structure interne du gel, aux côtés des mesures plus traditionnelles. La viscosité apparente diminue également avec le cisaillement mais il n’y a pas de seuil d’écoulement. On parle alors de comportement pseudoplastique ou rhéofluidifiant. Enfin parce qu’elles peuvent se substituer aux méthodes sensorielles dans l’évaluation de la texture du gel. Le corps s’écoule dès l’origine et la viscosité apparente augmente avec la contrainte ou la vitesse de déformation. Le corps est alors dit rhéoépaississant. Aussi est-il nécessaire de rappeler quelques notions de rhéologie. La rhéologie est la science des relations entre contraintes et déformations (ou vitesse de défor- La viscosité apparente décroît toujours avec le 36 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS cisaillement mais le corps ne commence à s’écouler qu’au-delà d’un certain seuil de contrainte appelé seuil d’écoulement. ponsable de la gélification des pectines HM. Le réseau tridimensionnel résultant, capable de fixer le solvant, est constitué d’un empilement de zones homogalacturoniques estérifiées sous forme hélicoïdale. 2e cas : Lorsqu’au contraire, la composante élastique domine sur la composante plastique, on a à faire à un produit qui s’apparente plus à un solide tel que l’on le conçoit naturellement et on mesure alors, non plus ses propriétés d’écoulement mais plutôt ses propriétés mécaniques. Le modèle proposé est le suivant : Rôle de l’acide À faible pH, la répulsion électrostatique est diminuée, du fait d’une plus large proportion de groupements carboxyliques non-ionisés. L’établissement de liaisons hydrogènes entre les groupes méthoxylecarboxyle et alcool est alors favorisé. Les gels sont par exemple classés dans cette catégorie et on peut donc les caractériser par leur comportement en compression. On utilise alors souvent les paramètres à la rupture (force nécessaire et déformation correspondante) ou encore le module élastique du gel lors de l’application de petites contraintes. Rôle du sucre La transition sol-gel apparaît, dans le cas des pectines, au cours du refroidissement. La température de prise et le temps de prise du gel sont des notions correspondant au passage d’une solution vraie à un état organisé. Le sucre agit comme agent déshydratant (abaissement de l’AW), favorisant le rapprochement des chaînes et donc l’établissement des liaisons hydrogènes. Toutefois, seules, les liaisons hydrogènes ne sont pas suffisantes pour contribuer à l’énergie nécessaire à la gélification. Aussi, il a été admis l’existence d’interactions hydrophobes entre les groupes méthoxyles, interactions essentielles à la formation du réseau (Oakenfull et Scott, 1984). Le rôle du sucre dans la formation du gel de HM est de stabiliser les zones de jonctions en favorisant les interactions hydrophobes. La contribution des liaisons hydrogènes est environ le double de celle des interactions hydrophobes mais seules, ces liaisons sont insuffisantes pour stabiliser les zones de jonctions. Il existe aussi des liaisons faibles types Van der Waals entre les groupes méthoxyles. Dans l’industrie alimentaire, on définit le temps de prise ou « setting time » d’une gelée comme le temps qui s’écoule entre le moment où tous les ingrédients nécessaires à la formation d’un gel sont rassemblés et le moment où la gélification apparaît (Colonna, Thibault, 1986). Mais les notions de temps de prise ou de température de prise du gel sont assez proches et très souvent employées indifféremment pour qualifier la prise de gel. En fait, on parlait surtout de temps de prise de gel avant qu’il ne soit admis que celui-ci correspondait en fait à une température de prise à partir de laquelle la solidification commence. Un temps de prise très court correspond à une température élevée et, réciproquement, si le temps de prise est plus long, la température de début de gélification sera plus basse. La longueur des zones de jonctions (de 18 à 250 unités d’acides galacturoniques entre 2 molécules de pectines) tend aussi à stabiliser le réseau. La longueur de ces zones de jonctions dépend des interactions hydrophobes, ellesmêmes sujettes à variations en fonction du DM de la pectine et de la concentration en sucre. La stabilité des interactions hydrophobes est renforcée par les sucres permettant d’augmenter la stabilité thermique des gels de HM. Si les liaisons hydrogènes sont affaiblies par une augmentation de température, il n’en va pas de même pour les interactions hydrophobes qui deviennent plus fortes. À côté de la concentration en sucre, la stabilité des interactions hydrophobes dépend aussi de la géométrie moléculaire des sucres et de leur intéraction avec les molécules d’eau voisines (Oakenfull et Scott, 1984). Mais il a quand même été montré que la température de gélification est influencée par la vitesse de refroidissement. Des vitesses plus rapides abaissent quelque peu la température de prise (Hinton, 1950 - Doesburg, 1965). MÉCANISME DE GÉLIFICATION DES PECTINES HM DÉFINITION Une combinaison de liaisons hydrogène et d’interactions hydrophobes est le mécanisme res37 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS COOH3 COOH3 COOH3 O O O O COOH3 OH O O O O O H H H O O CO O CO O O COOH3 O O C O H O O O O O O COOH3 O COOH3 D. Acide galacturanique Figure 6 : Liaison hydrogène à pH 3 faible répulsion électrostatique. La dispersion et la localisation des groupes carboxyles modifient aussi la température de gélification ainsi que les propriétés physiques du gel (Walter et Sherman, 1984). Ceci peut s’expliquer par la sensibilité accrue à certains cations divalents et à l’établissement de zones de jonctions de différentes longueurs. Intéractions hydrophobes Liaison hydrogène PECTINES HM : TEMPÉRATURE DE PRISE Milieu synthétique - Pectine HM : 0.36 % pH : 3.0 - TSS : 60˚C DE • Rapid Set • Medium Rapid Set • Slow set Figure 7 : Zones de jonction dans les gels de pectine HM 72 68 62 Température de prise 85 °C 66 °C 52 °C Une pectine de bas DE présente une force de gel supérieure, pour un SAG équivalent. Si la force de gel est supérieure, le pouvoir gélifiant (jelly grade) l’est aussi. Ex : une Slow Set de DE 53 % peut développer un pouvoir gélifiant 25 % plus élevé qu’une Rapid Set de DE 75 % (Doesburg et Grevers, 1960). Ainsi, les zones de jonctions stabilisées par des liaisons hydrogènes renforcées par des interactions hydrophobes conduisent à un gel de pectine HM acide, sucré et thermostable. (figures 6 et 7) FACTEURS AFFECTANT LA GÉLIFICATION Poids moléculaire La force de gel est très largement influencée par la présence de chaînes longues et flexibles dépendantes du poids moléculaire (Mitchell et Blanshard, 1976). Les propriétés de ce réseau vont être affectées par un certain nombre de facteurs : Intrinsèque Ainsi une pectine de haut PM, développe une force de gel supérieure car les longues chaînes restent liées après que les petites chaînes se soient rompues. Degré d’estérification Le degré d’estérification ainsi que la distribution des groupes carboxyle le long de la chaîne affectent la température de gélification et la force du gel. La rigidité du gel est déterminée par le nombre de jonctions effectives formées par chaîne. Donc, plus le poids moléculaire est faible, plus les Une pectine de haut DE présente une température de gélification plus élevée du fait de la plus 38 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS Force de gel (g) 120 Le poids moléculaire est en général relié au DE de le pectine. En effet, une pectine de type Rapid Set avec un haut DE possède un poids moléculaire plus élevé du fait de ses conditions d’extraction plus ménagées. 100 ;;;;; 80 ;; ;; ;; ;; ;; ;; ;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;; ;;;;;;;; chaînes sont courtes et plus le gel est faible. (Van Deventer-Schriemer et Pilnik, 1987). 60 La relation force de gel/pouvoir gélifiant (Jelly grade) n’est pas toujours constante et notamment varie en fonction du poids moléculaire (Christensen, 1954). 40 20 Sucres neutres 0 Leur présence et leur répartition le long de la chaîne principale peuvent affecter la formation des zones de jonction. Ces chaînes latérales ne semblent pas affecter l’élasticité mais plutôt les propriétés du gel (notammenent la force du gel peut être supérieure). La présence d’amidon le long de la chaîne pectique de pomme permet de réduire le côté cassant des gels de HM. ;;; ;;; ;;; ;;; 3,25 3,15 3,10 pH 2,95 2,80 Figure 8 : Force de gel d’une confiture 65° Brix avec une pectine Slow Set 150 à différents pH. Force de gel DE Groupes acétyles 73 63 81 Leur présence peut bloquer la gélification des pectines. La présence d’un groupe acétyle tous les 8 acides galacturoniques, inhibe totalement la gélification. Rhamnose Par la flexibilité qu’ils amènent, leur présence est un facteur favorisant le rapprochement des chaînes. 30 32 34 36 38 40 pH Matière première Figure 9 : Relation Force de gel, DE et pH. Les gels HM de citron sont généralement plus cassants, plus fermes et plus aqueux que les gels de pommes qui sont plus souples, plus lisses, développent plus de corps et ont un meilleur rendu aromatique. Sucres La stabilisation des zones de jonction par les interactions hydrophobes dépend de la concentration en sucre (un brix minimal de 63° étant nécessaire) et de la géométrie moléculaire des sucres. Il a été montré que le saccharose augmentait les interactions hydrophobes de 67 % (Oakenfull, 1984) et que d’autres polyols, tel le sorbitol pouvaient être encore plus efficaces. (figures 10 et 11) Extrinsèque Le pH est un facteur primordial de la gélification des pectines HM. Le gel ne pourra se former si le pH est supérieur à 3,5/3,6. La force de gel, tout comme la température de gélification sont inversement corrélées au pH (Rolin et De Vries). Une différence de pH de 2,82 à 3,12 peut faire varier de 30 % la force de gel (Ollivier, 1950). Une pectine de bas DE (Slow Set) nécessite un pH plus faible qu’une pectine de haut DE (Rapid Set) pour une force de gel équivalente. Ainsi existe-t-il un pH optimal de gélification pour chaque qualité de pectine HM en fonction de son DE. En fonction de l’extrait sec, il faudra donc ajuster le pH pour optimiser la force de gel ou bien changer de pectine. (figures 8 et 9) D’une manière générale, les sucres vont influencer la température de gélification et la force du gel. Des sucres de haut poids moléculaire vont augmenter la température de gélification alors que les monosaccharides vont plutôt l’abaisser, par rapport au saccharose. Toutefois le maltose ayant lui aussi tendance à augmenter la température de gélification, la manière dont les sucres lient l’eau, la rendent plus ou moins disponible pour la pectine est aussi à prendre en compte tout comme de possibles interactions sucres/pectines (May, 1988). (figure 12) 39 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS Force de gel (g) 6 COOCH3 pH : 3,15 Teneur en pectine : 0,5 1400 O 4 H Brix 1200 600 65° 400 62° 200 40 OH O 1 4 H O α 6 H COOCH3 OH COOCH3 O 4 H H O H 1 OH H H OH OH H 4 H 6 H α O 1 OH COOCH3 En conclusion, tout mélange de sucres, nécessitera un réajustement, au moins du pH, par rapport au saccharose. Durée (s) 20 OH H α Le fructose déplace plutôt le pH optimal de gélification. Avec une Rapid Set, si la force de gel est ± identique, le fructose entraîne une diminution de la température de gélification et donc des problèmes de flottaison (May, 1988). À noter que l’inversion a tendance à réduire le pouvoir gélifiant et à diminuer la température de gélification. 72° 68° 0 OH H 1 6 OH Figure 13 : Élimination bêta 1000 800 H H 74° H O 60 Figure 10 : Force de gel d’une pectine Slow Set à différents extraits secs. D’autres facteurs sont susceptibles d’affecter la force de gel des pectines HM. Le moment de l’ajout de l’acide. Température de prise (°C) 100 Rapid Set Medium Rapid Set Temps de cuisson Temps de maintien du produit dans des conditions acides et à haute température. Slow Set 80 Condition de conservation de la solution de pectine : Les pectines sont des molécules stables en milieu acide, mais ont tendance à se dégrader en milieu neutre ou légèrement alcalin, par b élimination. À haute température, à un pH > 5, les pectines HM auront tendance à se dégrader rapidement. Dans ces conditions, les pectines LM sont plus stables. 60 Ruban Jaune 40 20 À pH plus acide, la stabilité sera assurée pendant quelques heures. (figure 13) 0 60 65 70 75 La vitesse de refroidissement 77 Plus elle est lente, plus grand est le nombre de jonctions capables de se former, permettant l’obtention d’un gel plus élastique, avec moins de synérèse (Rao, 1993). Extrait sec (%) Figure 11 : Domaine d’utilisation des pectines HM en fonction de l’extrait sec. Force de gel CARACTÉRISATION DES GELS DE PECTINES HM Quantité pectine Température supplémentaire de gélification Glucose 43 DE 20 à 30 % de pectine Glucose 63 DE 6 à 12 % de pectine Fructose 3à6% de pectine Compte tenu de leur gélification dans des conditions précises, les pectines HM ne sont utilisées que dans des domaines d’applications restreints (confiture/confiserie/fourrage/…). En terme de caractérisation, la plupart des tests cherchent essentiellement à évaluer la température de gélification, la qualité et la force du gel. Figure 12 : Tableau des glucoses. 40 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS Température de gélification Ca2+ Celle-ci peut se déterminer avec des rhéomètres très performants (ex : mesure en statique, oscillation) et donc onéreux ou bien avec des viscosimètres plus classiques. Dans ce dernier cas les résultats sont plutôt du type comparatif compte tenu que la mesure est réalisée sous une certaine déformation qui affecte la température de gélification. Coil Ca2+ Ca2+ Qualité et force du gel. La relation entre structure chimique et propriétés physiques n’est pas encore tout à fait élucidée. Ainsi il n’est pas rare de voir des pectines HM bien que parfaitement caractérisées, se comporter différemment dans l’application. Aussi est-il nécessaire de faire appel à des tests de caractérisations rhéologiques et de bien les choisir eu égard à la fonctionnalité recherchée ; le consommateur muni de ses propres descripteurs étant le décideur final. Il existe basiquement deux types de tests : – tests non destructeurs (IFT - SAG/FIRA/Test par oscillation/…) –tests destructeurs (Tarr-Baker/Pektinomètre /Instron/…) Gel Ca2+ Précipité Ions calcium Figure 14 : Gélification pectines LM. lisée par une réticulation ponctuelle de deux chaînes, le Ca reliant deux molécules par leurs fonctions carboxyliques. Cette hypothèse a dû être rejetée car on observait que la stoechiométrie de la réaction n’était jamais respectée et que la quantité de Ca nécessaire à la gélification diminuait avec le DE. En 1969 ; Kohn a étudié la fixation du Ca sur l’acide galacturonique et sur des acides polygalacturoniques de différents degrés de polymérisation. Un effet coopératif a alors été mis en évidence : l’affinité pour le calcium augmente avec le degré de polymérisation de l’acide galacturonique. Par exemple : pour une confiture ou l’étalement n’est possible que par destruction du réseau, il est intéressant de connaître sa force à la rupture. Dans le cas d’une confiserie, on s’intéressera plutôt à la déformation du gel sous une certaine contrainte puis sa relaxation, représentatifs de l’impact des mâchoires sur le produit. MÉCANISME DE GÉLIFICATION DES PECTINES LM Puis par analogie avec les alginates, Rees a proposé en 1972 le modèle maintenant bien connu de la « boîte à œufs » dans lequel l’ion Ca prendrait part à neuf liaisons de coordinence avec deux oxygènes des liaisons glucosidiques, deux oxygènes des cycles, deux fonctions acides et trois fonctions alcool. Cette structure en « boîte à œufs » ne peut exister que dans des régions de la macromolécule pectique qui soient exemptes de rhamnoses et où les fonctions acides soient libres (ni estérifiées, ni amidées). Toute substitution des fonctions alcool secondaires (acétylation) gênera la formation de cette structure et donc la gélification. On considère d’ailleurs que les liaisons sont stables quand il y a au moins 7 groupes carboxyles consécutifs à l’intérieur de chaque chaîne (Kohn et Luknar, 1997 ; Powell et al. 1982). (figure 14) DÉFINITION Harvey énonça en 1960 que la formation des gels à partir de solutions de longues chaînes de polymères comme les pectines se fait grâce à des liaisons entre macromolécules voisines formant ainsi un réseau continu de haute stabilité mécanique. Il ajouta plus tard que le type de liaison dépend à la fois des caractéristiques des groupes chimiques placés convenablement le long des chaînes et de leur environnement. On soupçonnait, alors, les liaisons d’être des ponts hydrogéne, des attractions ioniques (attraction entre les groupements carboxyles ionisés et un cation) et peut-être même des liaisons covalentes. Mais on pensait jusque-là que la gélification était réa 41 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS et au nombre de jonctions susceptibles de se former, par chaîne. Schweiger (1962-1966) avait même envisagé une compétition entre deux types de complexation du calcium selon que celui-ci était complexé par les fonctions acides libres de 2 chaînes de pectine différentes (phénomène favorisant la gélification) ou bien par 2 fonctions acides libres consécutives d’une même chaîne (phénomène inhibant la formation d’un réseau tridimensionnel). Mais cette hypothèse a été démentie par les travaux de R. Kohn (1975). Ce dernier a en effet montré sur un modèle de molécule de pectine que la plus petite distance possible entre les groupes carboxyles dissociés est de5,5 à 5,8 Å. Or cette distance est trop importante pour permettre la chélation du calcium selon le mécanisme de liaison proposé par Schweiger. Le module élastique, G’, augmente de manière linéaire jusqu’à ce que 33 % des sites carboxyliques soient liés en zones de jonctions. Au-delà, le G’ augmente plus rapidement du fait de la mobilité réduite des chaînes déjà engagées. L’élasticité du gel dépendra de la mobilité des chaînes. Quand le DE est élevé, la température de gélification diminue, la flexibilité de la chaîne augmente et le gel est plus faible. Par contre, les gels de faible DE sont plus fermes. À chaque DE correspondra une certaine sensibilité au calcium et de ce fait une consommation optimale. (figure 15) Deux types d’association non covalentes intermoléculatires (par ponts H et les interactions hydrophobes) (Tanford, 1961) interviendraient également. Il existe en effet de multiples possibilités de ponts H le long de la chaîne de pectine en raison de ses fonctions oxygène et hydroxyle permettant de stabiliser la jonction entre les molécules de pectine (Walkinshaw et Arnott, 1981). Les groupes méthoxyles peuvent quant à eux participer dans des interactions hydrophobes. Celles-ci réduiraient la surface des interfaces entre régions polaires et apolaires, ce qui contribuerait à rapprocher les molécules de pectines (Plaschina et al.). DE COO Sensibilité au calcium 40-37 Basse 33-30 Moyenne 27-24 Elevée Vitesse de réaction Basse Moyenne Rapide Besoin en calcium Elevé Moyen exemple Brix 50° pH 3.75 20 12 Bas 7 Figure 15 : Gélification en fonction du DE. En solution, il a été montré que l’intéraction entre le calcium et la pectine augmentait quand la distribution des groupes carboxyliques libres était localisée plutôt qu’au hasard (Kohn et Luknar, 1994). Cette répartition est essentiellement fonction de la matière première (les acides carboxyliques libres sont plutôt répartis en bloc pour le citron et au hasard le long de la chaîne pour les pommes) et du procédé de déméthylation. Une déméthylation enzymatique permet l’obtention de zones déméthylées en bloc, facilitant l’aggrégation. FACTEURS AFFECTANT LA GÉLIFICATION Si chimiquement le gel se définit par l’existence d’un réseau continu, rhéologiquement, il se définit par la prédominance du comportement élastique sur le comportement visqueux. Typiquement le gel de LM, est viscoélastique. Chacune des composantes étant influencée par un certain nombre de facteurs : Amidation Les avis sont très partagés quant à l’effet des groupes amides et leur rôle dans le mécanisme de gélification des pectines LM. Certains auteurs ont affirmé que la présence des groupes amides dans la molécule de pectine LM tend à la rendre moins hydrophile, ce qui augmenterait sa capacité à gélifier. Les pectines amidées gélifieraient donc à des températures plus élevées, elles auraient besoin de moins de calcium pour une force de gel équivalente à un DE égal (risque de précipitation diminué) que les autres pectines LM (May, 1990). Intrinsèque Poids moléculaire/distribution des rhamnoses/présence de groupes acétyles/… Dans ce cas les effets seront les mêmes que pour les gels de pectine HM. Nombre (DE) et répartition des groupes carboxyliques le long de la chaîne : Toutes les pectines LM forment les mêmes types de jonctions. La variation de la sensibilité au calcium de chaque qualité est dûe à une différence de distribution des résidus 42 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS Besoin en calcium mg Ca2+/g pectine 19 0 Quand la force ionique du milieu augmente, les pectines LM ont besoin de moins de calcium pour gélifier. Ceci peut s’expliquer par la capacité du milieu à diminuer les répulsions électrostatiques et donc à favoriser la formation de jonctions (Garnier et al., 1994). Quand la force ionique augmente, les gels obtenus sont plus rigides. (figures 16 et 17) Quand le pH augmente, en général une plus grande quantité de calcium est requise : compte tenu de la plus faible dissociation des groupes carboxyliques diminuant ainsi la probabilité de liaison (Garnier et al, 1993). Viscosité (mPa.s) Acidité totale (TA) De la même manière, l’acidité totale titrable affecte la cinétique de réaction et donc la consommation en calcium. En fonction du milieu et par exemple des fruits utilisés, l’acidité totale guidera, comme le pH, les quantités nécessaires de calcium à ajouter. Pour des TA élevés, les gels sont plus fermes car ils lient mieux le calcium et en plus grande quantité. T°C pH = 3,5 80 300 60 pH = 4 0,7 Force ionique pH 400 0,4 TA Quand le pH est bas, la pectine réagit plus rapidement avec le calcium libre du milieu et la réaction optimale est obtenue avec une quantité plus faible de calcium. Extrinsèque 1 % Pectine LM 6 mg Ca2+/g pectine 40° Brix 16 ;;;; ;;;; ;;;; ;;;; ;;;; ;;;; ;;;; ;;;; 0,1 Figure 17 : Besoin en calcium d’une pectine LM En général, la présence de groupements amidés augmente la capacité à gélifier. La température de gélification est souvent supérieure et la quantité de calcium nécessaire plus faible, conduisant à des résultats plus reproductibles. 500 ;;; ;;; ;;; ;;; ;;; ;;; ;;; ;;; 22 Brix : 50 pH : 3,75 LM325 NH95 ; ; ; ;;;;;; ;; Racape et al. (1989) ont suggéré à ce propos que la gélification des pectines amidées ne s’explique pas complètement par le modèle de la boîte à œufs et que les groupes amides doivent permettre d’autres types d’associations entre les chaînes par ponts hydrogène. Cette hypothèse avait d’ailleurs été déjà émise antérieurement (Solms et al., Black et Smit, 1972b). L’amidation augmente la capacité gélifiante des pectines LM. Les pectines amidées ont besoin d’une quantité moindre de calcium du fait de la plus faible teneur en groupes carboxyles libres. Toutefois si le calcium est l’unique source de la gélification, elle devrait être plus faible du fait de la plus faible probabilité de liaison qu’avec les pectines LMNA. Comme ce n’est pas le cas, (en effet pour une force de gel équivalente, une pectine LMNA nécessite de 25 à 50 % plus de calcium qu’une LM amide), il y a donc d’autres types de liaisons en cause (Racape et al. 1989). Teneur en sucre 200 40 100 20 L’addition de sucre augmente la force de gel, augmente la température de gélification et diminue la synérèse (Christensen, 1986). L’effet du sucre est de promouvoir une gélification à teneur réduite en calcium. Plus l’extrait sec du milieu est élevé, plus la cinétique de réaction est rapide et plus petite est la quantité de calcium nécessaire. C’est un des facteurs clés pour la réussite de la gélification LM. L’impact des qualités de sucres est moindre qu’avec les pectines HM, sauf pour le fructose où la très 0 0,5 1,0 1,5 2,0 Durée KS Figure 16 : Réactivité d’une pectine en fonction du pH 43 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS 1000 1400 80 1200 800 Viscosité (mPa.s) Pectine 325 NH95 pH : 3.5 Teneur en pectine DE : 32 63° Brix DA : 18 Force de gel (g) T°C LM 290 NH95 6 mg Ca2+/g pectine 1000 60 60° Brix 600 50° Brix 800 40 400 35° Brix 600 40° Brix 400 20 200 20° Brix 0 0,5 1,0 1,5 2,0 200 25° Brix 0 Durée (s) 20 Dureté KS 40 60 Figure 19 : Force de gel d’une pectine LM en fonction de l’extrait sec. Figure 18 : Réactivité d’une pectine LM en fonction de l’extrait sec. Il existe donc un optimum de consommation en calcium pour chaque DE, correspondant à l’obtention d’une force de gel maximale associée à un gel lisse. Au-delà, même si la force de gel croît, le gel présente une certaine hétérogénéité à la coupe, on dit alors qu’il est en prégélification. Cet optimum peut varier en fonction de la qualité du sel de calcium ajouté. Tout sel soluble aura tendance à raccourcir la cinétique réactionnelle et donc à limiter la quantité de calcium nécessaire. L’utilisation de sels moins solubles retardant la disponibilité du calcium pour la pectine, permet la formation d’un gel avec une plus grande quantité de calcium, conduisant à des propriétés différentes. (figure 20) faible force de gel obtenue peut-être compensée par un ajout supplémentaire de calcium. À noter qu’en présence de sorbitol, les pectines LM non amides ont d’extrêmes difficultés à gélifier. (figures 18 et 19) Concentration et source de calcium Il a été démontré que la force de gel augmente avec la dose de calcium et ceci d’autant plus que le DE est bas (Owens et al., 1949). Mais d’une manière générale, on obtient des gels faibles et difficilement manipulables avec de faibles concentrations en calcium et des gels cassants susceptibles de faire de la synérèse avec de trop fortes concentrations (Wiles et Smit, 1971). Entre ces deux extrêmes, la rigidité du gel augmente avec la dose de calcium (Owens et al., 1949) et celà jusqu’à un certain point à partir duquel il apparaît des phénomènes de prégélification. Traitement mécanique et température : Compte tenu du mécanisme ionique mis en cause pour la gélification des pectines LM, sous l’action de contraintes mécaniques ou thermiques, les gels peuvent se reformer, ils sont réversibles. Cette caractéristique propre aux pectines LM, leur confère des comportements viscoélastiques très spécifiques et en font un élément de choix pour certaines applications agroalimentaires. La façon dont le calcium est ajouté est également très importante. Joseph et al. (1949) soutiennent à ce propos que le meilleur moyen d’obtenir un gel est de dissoudre la pectine en l’absence de calcium pour augmenter sa solubilité et d’additionner ensuite le calcium à la solution. Si la pectine et le calcium doivent être ajoutés simultanément, ils recommandent alors d’utiliser des sels de calcium peu solubles. La température de gélification apparente est influencée par la vitesse de refroidissement ; plus elle est rapide, plus basse est la température de gélification (Doesbourg, 1969). Au cours du réchauffage, la réversiblité sera fonction du nombre de liaisons. Ainsi les pectines LM non amides sont connues pour présenter une 44 LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS 15 ppm 5 ppm Contrainte de cisaillement (Pa) 100 80 0 ppm 60 40 20 Vitesse de cisaillement (S–1) 0 200 400 600 800 1000 Figure 20 : Courbe d’écoulement à différents taux de calcium d’un gel de pectine LM. meilleure stabilité au four que les pectines LM amidées. Un traitement mécanique plus ou moins ménageant au cours du refroidissement affecte la température de gélification, la force et les propriétés du gel. éviter des séparations jus/fruits mais suffisamment faible pour éviter l’éclatement des fruits). D’assurer un pouvoir de suspension dans le conteneur (le produit doit gélifier rapidement et suffisamment fort pour empêcher la migration des fruits). CARACTÉRISATION DES GELS DE PECTINES HM - APPLICATIONS AUX De faciliter le pompage et mélange avec la masse blanche (le produit doit être suffisamment fluide pour s’écouler sous faible contrainte). PRÉPARATIONS DE FRUITS Les pectines LM sont, de loin, les texturants les mieux adaptés à cette application compte tenu de leur comportement thixotrope. Un tel comportement ne peut évidemment pas être appréhendé par une simple mesure de la viscosité (Bostwick). Ces variations de comportement rhéologique au cours du procédé de fabrication ont été modélisées par SBI (Kravtchenko, 1994) sur un rhéométre à contrainte imposée de type Carri-med équipé d’un système cône-plan. (La température étant contrôlée par un système à effet Peltier intégré dans le plan). L’une des caractéristiques principales du gel de pectines LM est la capacité qu’ils ont à se restaurer après leur avoir appliqué un cisaillement et ce, à des températures inférieures à la température de gélification de la pectine. On dit alors que la texture est thixotrope. Cette thixotropie des gels de pectines LM est une propriété fondamentale recherchée dans certaines applications telles les préparations de fruits pour masse blanche. À côté des qualités organoleptiques recherchées, les préparations de fruits doivent présenter certaines caractéristiques telles que : Le profil rhéologique consiste en trois courbes : – excellente intégrité des fruits ; – distribution homogène des fruits dans le conteneur ; – texture stable dans le temps ; – pas de synérèse ; – écoulement et pompabilité aisés. Phase 1 : Mesure de la variation de viscosité en fonction de la température. Celle-ci n’augmente pas brutalement à l’approche du point de gel. Ceci est dû au fait que les gels de pectines LM sont thixotropes : le cisaillement provoque une rupture réversible du réseau moléculaire en formation. Le ou les agents de textures utilisés dans cette application ont pour but : Phase 2 : Après arrêt du cisaillement, mesure de la reprise thixotrope. Le gel dont la formation avait été retardée par le cisaillement se texture entraî- De contrôler la viscosité pendant les phases de cuisson et refroidissement (viscosité élevée pour 45 Module élastique (Pa) Viscosité (Pa.s) 0,20 0,15 0,10 0,05 0 80 70 60 50 40 Température (°C) 8 6 4 2 0 30 0 15 20 25 Durée (min) 30 Contrainte de cisaillement (Pa) LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS 60 50 40 30 20 10 0 0 100 200 300 400 500 600 700 Vitesse de cisaillement (s–1) Figure 21 : Modélisation des étapes clés de la production de préparations des fruits sur Carrimed. COLONNA, P ; THIBAULT, JF (1986) Propriétés sensorielles des polysaccharides, Apria, Paris p 19-46 nant une augmentation du module élastique (mesure de l’évolution du G’ par oscillation). Phase 3 : Mesure de la texture du produit fini par l’allure de la courbe d’écoulement. Tous les facteurs agissant sur le mécanisme de gélification des pectines LM (extrait sec, pH, disponibilité en calcium, DE, qualité de la pectine, présence d’autres colloïdes,…). ainsi que les contraintes de fabrication (traitement mécanique, vitesse de refroidissement, température de remplissage,…) vont affecter l’allure de ces courbes et permettre ou non la réussite du produit. Si le gel thixotrope de Pectine LM est très bien adapté à cette fabrication, il ne sera efficace que dans une certaine plage. Et donc, il faudra toujours adapter la qualité de la pectine LM utilisée en fonction de sa flexibilité et des conditions de production. (figure 21) DOESBURG, J. J ; (1965) Pectic susbtances in fresh and preserved fruits and vegetables. Ins. for Research on storage and Processing of Horticultural Produce, I. BV.T. Commun. 25, Wageningen, The Netherlands p. 21 DOESBURG, J. J ; GREEVERS G, (1960) Food Res, 25 634-45 FISHMAN, M. L ; PEPPER, L ; DAMERT, W. C ; BAFORD, R. 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