Mécanismes de gélification des pectines

Transcription

Mécanismes de gélification des pectines
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
Mécanismes de
gélification des pectines
Eric AUBREE,
Systems Bio Industries (SBI),
Centre de Développement Alimentaire,
Baupte, Carentan.
ORIGINE
La transformation progressive de la protopectine
en pectine soluble se fait au cours de la croissance
cellulaire, selon des mécanismes enzymatiques
complexes qui aboutissent au ramollissement des
tissus végétaux. (Thibault, 1980).
ET STRUCTURE CHIMIQUE
Les substances pectiques sont présentes dans tous
les végétaux, localisées dans la lamelle moyenne
et la paroi primaire des cellules où elles jouent le
rôle de ciment intercellulaire, responsables de la
rigidité et de la cohésion. En 1825, c’est le Français
J. Braconnot qui l’isola pour la première fois et la
baptisa Pectine du mot grec Pektos (ferme/rigide).
La molécule de pectine se présente sous la forme
d’un polymère linéaire d’acides D-galacturoniques joints en a (1-4) par une liaison glycosidique. La chaîne pectique, à l’état solide ou en
solution présente une configuration spiralée
avec un pas de 3 (figure 1).
Elles sont associées à d’autres composants chimiques membranaires tels que cellulose, hémicellulose, lignine, par des liaisons physiques
et/ou chimiques (Pilnik, Voragen, 1970).
Le long de la chaîne principale, est présente toute
une série de substitutions qui en font rarement une
structure homogalacturonique simple. Les fonctions acides carboxyliques sont plus ou moins estérifiées par du méthanol (Fishman et al., 1986). On
définit ainsi le Degré de Méthoxylation (DM) des
Selon l’âge des tissus, on rencontre la pectine
sous deux formes (Kirk et al., 1967) :
– la protopectine : insoluble car liée aux autres
composants.
– L’acide pectique : soluble dans l’eau à froid.
OH
O
4
CO
6
O
5
H
H
H
HO
1
2
OH
3
O
H
OCH3
CO
H
H
O
H
H
H
HO
OH
O
O
CO
H
H
H
HO
33
H
OH
H
Figure 1 : Structure de la pectine.
O
H
O
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
pectines comme étant le nombre de fonctions carboxyliques méthylées pour cent motifs d’acide
galacturonique de la chaîne principale.
Enfin la chaîne d’acide galacturonique est interrompue par des unités de b-L-rhamnose, lié par
ses carbones 1 et 2, qui provoquent une déviation de l’axe de la chaîne. Cette zone de flexibilité, appelée « coude pectique », facilitera la formation d’un réseau tridimensionnel, lors du processus de gélification.
Les mêmes fonctions acides peuvent, au cours
du traitement industriel de déméthylation en
milieu ammoniacal, être amidées. Dans ce cas,
on parlera du DA (Degré d’Amidation).
Les pectines sont donc principalement caractérisées par leur teneur en acide galacturonique
(AG), la longueur des chaînes d’acides galacturoniques (masse moléculaire) et le nombre de
substituants autre qu’osidiques.
Les fonctions acides sont souvent neutralisées
par la présence d’ions mono ou divalents tels
que Na+/K+/NH4+/Ca++.
Des ramifications, principalement constituées par
de courtes chaînes latérales de sucres neutres
(galactanes, arabanes, xylanes,…) sont rattachées
aux fonctions hydroxyles secondaires (C2 ou C3)
de la chaîne principale (Rombouts et Pilnik, 1980).
Ces ramifications sont souvent localisées en zones
dites « chevelues », provoquant une interruption
de la régularité des chaînes homogalacturoniques
(De Vries, 1983). Dans certaines matières premières, leur quantité peut atteindre 10 %.
DM (ou DE).
DA
EXTRACTION
La pectine contenue dans les fruits a de tout temps
été utilisée, in situ, par la ménagère, pour la gélification des confitures. Ce n’est qu’au début du xxe
siècle que la pectine a fait l’objet d’une extraction
industrielle, dans le but de compenser dans un premier temps la faible teneur en pectine de certains
fruits (May, 1990). Aujourd’hui la pectine est très
largement utilisée dans l’industrie agroalimentaire
et pharmaceutique pour ses propriétés gélifiantes,
stabilisantes ou viscosifiantes.
De la même manière, sont liées aux fonctions
hydroxyles C2 ou C3, des groupes acétyles. Ces
derniers sont surtout présents dans certaines
matières premières telles que le tournesol ou la
betterave.
Estérification : CH3OH
Amidation : NH2
O
H
4
6
O
C O
H
5
H 2
1
3
HO
Chaînes
latérales
Neutralisation par :
K, Na, NH4, Ca
OH
(figures 2, 3 et 4)
Rhamnoses
H
HO O
H
Segments
galacturoniques
Acétylation par : CH3COOH
Estérification : Sucres neutres
(galactanes, arabanes, xylanes, etc.)
Figure 4 : Représentation schématique de la molécule de
pectine.
Figure 2 : Substitution de l’acide galacturonique.
O
H H
C
OH H
H
O
O
O
OH H
OH H
H H
H
H
OH
O
O
OH H
H
OH
C
H OH
n
C
OH
H
O
O
R
R
Pour 100 unités A.G. :
Acides pectiques
Pectines (acides pectiniques) COOCH3 50
Pectines HM
Pectines amidées
COOCH3 50
Pectines HM
R
C
O
OH
H
OH H
R = OH
R = OH, OCH3
R = OH, OCH3, NH2
R
H OH
Figure 3 : Structure de la pectine.
34
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
line des pectines HM (May, 1990). Les différentes étapes de la fabrication des pectines sont
représentées sur la figure 5.
L’extraction industrielle de la pectine se fait à partir des sous-produits de l’industrie des jus de
fruits. Marcs de pommes et écorces d’agrumes
sont les sources principales et abondantes de pectine en raison de leur richesse en protopectine et
en acide pectique. La pectine de pomme est plus
riche en sucres neutres et en amidon (qui constitue le « ballast ») mais moins riche en protéines
et calcium que la pectine d’agrumes.
La phase de contrôle de chaque lot de poudre est
aussi une étape fondamentale du procédé. Il est en
effet impératif, pour assurer une reproductibilité
dans l’application industrielle, de parfaitement
standardiser les pectines avec des outils de caractérisation performants de manière à gommer les
variations naturelles des matières premières.
Le procédé d’extraction est basé sur l’hydrolyse
en milieu acide et chaud de la protopectine qui
se transforme en acide pectinique. Le jus obtenu
est traité par de l’isopropanol, afin de précipiter
la pectine. Le coagulum, à l’aspect fibreux, est
lavé, pressé, séché sous vide, puis broyé pour
obtenir une poudre fine (Kirk et al. 1967). Les
réglages de la température, du pH et du temps de
l’hydrolyse permettent de prédéterminer le DM
de la pectine. Les pectines ainsi extraites, ont le
plus souvent un DM compris entre 55 et 75 %
(pectines HM). Leur masse moléculaire est généralement élevée. Les pectines LM sont obtenues
par désestérification chimique, acide et/ou alca-
D’autres sources de matières premières ont été
envisagées pour l’extraction de pectine comme le
tournesol ou la betterave mais n’ont pas encore fait
l’objet de commercialisation intensive (qualité des
matières premières/faible Poids Moléculaire/haute
teneur en groupe acétyle/…).
PROPRIÉTÉS
PHYSIQUES DES PECTINES
Les pectines possèdent des propriétés épaississantes, stabilisantes et surtout gélifiantes.
Propriétés gélifiantes
MARC
MATIÈRE
PREMIÈRES
ou
ÉCORCES D’AGRUMES
HYDROLYSE
EXTRACTION
Un gel est un réseau tridimensionnel de macromolécules incluant un solvant. Celui-ci est provoqué par des changements physiques ou chimiques qui tendent à diminuer la solubilité de la
pectine, favorisant la formation de cristallisations
locales (May, 1990). La gélification consiste en
l’association des chaînes de polygalacturonate,
par formation des zones de jonctions (Rees,
1969). La présence des zones « chevelues » et
surtout des coudes pectiques (unité rhamnose)
limite la taille des zones de jonctions, empêchant
une précipitation totale et permet à une même
macromolécule d’être liée à plusieurs autres,
facilitant la formation du réseau.
DE POMMES
DE LA
PROTOPECTINE AVEC
DE L’ACIDE DANS UNE
SOLUTION CHAUDE
SÉPARATION
PRESSAGE
MARC
DÉPECTINÉS
FILTRATION
CONCENTRATION
COAGULATION PRÉCIPITATION DANS L’ALCOOL
DISTILLATION
D’ALCOOL
LAVAGE
OBTENTION
Selon que l’on s’attache aux pectines HM ou LM,
différenciées par leur DM (ou DE) (HM > 50 % LM < 50 %), le mécanisme de gélification ainsi
que les propriétés du gel sont différentes.
BROYAGE
DES PECTINES
EN POUDRE
PRODUIT
CONTRÔLE
MÉLANGE
FINI
Le gel de pectine HM est un gel sucré et acide
alors que le gel de pectine LM est principalement
calcique, thermoréversible et thixotrope.
DES LOTS
STANDARDISATION
SAG
DE
STANDARDISATION
DA
Propriétés stabilisantes
CONTRÔLES
sur les produits finis
EXPÉDITION
Dans ce cas, la propriété recherchée permet
d’éviter la séparation d’un milieu hétérogène
(ex : mix pour glace/préparation de fruits avec
morceaux/boissons cacaotées…). Cette propriété
peut être obtenue de différentes manières :
CONTRÔLES
avant expédition
Figure 5 : Schéma d’extraction de la pectine
35
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
mation) d’un élément de volume compte tenu
de son histoire. Elle peut donc servir par exemple
à caractériser la texture des produits alimentaires.
soit par augmentation de la viscosité, mais qui
peut être un facteur limitant pour certaines applications où une forte viscosité est incompatible
avec la rhéologie du produit, soit par création
d’un réseau suffisamment efficace pour maintenir des particules en suspension mais suffisamment faible pour ne pas être perceptible (ex : les
gels-liquides).
On définit la texture comme l’ensemble des
caractéristiques du produit qui sont à l’origine
des sensations perçues ou encore « l’ensemble
des propriétés rhéologiques et de structure d’un
produit alimentaire perceptibles par les mécanorécepteurs, les récepteurs tactiles et éventuellement visuels et auditifs » (AFNOR V100-150).
Exemple :
Les pectines HM de haut DE possèdent cette propriété spécifique de pouvoir stabiliser des particules de caséines acides, par intéraction Pectines
HM-caséines, dans des boissons laitières acidifiées. La pectine agit dans ce cas comme un
défloculant et stabilise les caséines par encombrement stérique. En présence de pectine, les
particules ne s’agrègent plus et la formation d’un
sédiment est évitée.
En rhéologie, les notions de solide et de liquide sont
des notions très complexes qui diffèrent de celles
communément admises. On leur préférera donc la
distinction entre produits plastiques ou élastiques.
Un corps est dit purement plastique si, soumis
à une contrainte constante, il n’atteint jamais un
état d’équilibre statique : sa déformation augmente indéfiniment, la substance s’écoule.
Au contraire dans le cas d’un corps élastique
pur, dès qu’une contrainte est appliquée, une
déformation prend instantanément naissance,
proportionnelle à la contrainte. Mais si la
contrainte s’annule, le solide revient immédiatement à sa forme initiale.
Propriétés viscosifiantes
Cette propriété est obtenue quand les molécules
modifient le comportement de la phase continue
du fait de leur structure (PM/encombrement/…)
sans pouvoir créer de zones de jonctions.
Entre ces deux extrêmes, on trouve les produits
viscoélastiques qui possèdent à la fois une
composante plastique et une composante élastique. Et ces deux composantes s’expriment plus
ou moins selon la contrainte ou la déformation
imposée, et l’échelle de temps.
Les pectines HM de haut poids moléculaire dans
les milieux non propices à la gélification (ex :
boisson fruitée) présentent cette propriété.
En ce qui concerne les pectines LM, on parlera
plutôt de comportement typiquement viscoélastique, dont chacune des composantes peut être
modifiée en fonction, par exemple, de la teneur
en calcium du milieu réactionnel.
1er cas : lorsque la composante plastique
domine sur la composante élastique, on
parle de produit visqueux.
Le comportement étant dans ce cas plus proche de
celui du plastique pur que de celui de l’élastique pur,
le produit se caractérise par une certaine faculté à
l’écoulement et on peut lui mesurer sa viscosité.
NOTIONS DE RHÉOLOGIE
Les mesures rhéologiques des gels sont faites
pour plusieurs raisons (Mitchell, 1976).
Cette notion de viscosité nous permet maintenant de définir plusieurs types de comportements viscoélastiques selon que :
D’abord parce que la qualité du gel peut varier
en fonction de la matière première, des
méthodes d’extraction,… Il est essentiel pour le
producteur d’avoir des tests fiables et reconnus.
dans le cas extrême d’un produit purement plastique, le comportement est dit newtonnien : la viscosité est indépendante de la vitesse de cisaillement.
Puis, parce que ces mesures peuvent être utilisées
comme informations sur la structure interne du
gel, aux côtés des mesures plus traditionnelles.
La viscosité apparente diminue également avec
le cisaillement mais il n’y a pas de seuil d’écoulement. On parle alors de comportement pseudoplastique ou rhéofluidifiant.
Enfin parce qu’elles peuvent se substituer aux
méthodes sensorielles dans l’évaluation de la
texture du gel.
Le corps s’écoule dès l’origine et la viscosité apparente augmente avec la contrainte ou la vitesse de déformation. Le corps est alors dit rhéoépaississant.
Aussi est-il nécessaire de rappeler quelques
notions de rhéologie.
La rhéologie est la science des relations entre
contraintes et déformations (ou vitesse de défor-
La viscosité apparente décroît toujours avec le
36
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
cisaillement mais le corps ne commence à
s’écouler qu’au-delà d’un certain seuil de
contrainte appelé seuil d’écoulement.
ponsable de la gélification des pectines HM. Le
réseau tridimensionnel résultant, capable de
fixer le solvant, est constitué d’un empilement
de zones homogalacturoniques estérifiées sous
forme hélicoïdale.
2e cas : Lorsqu’au contraire, la composante
élastique domine sur la composante plastique, on a à faire à un produit qui s’apparente
plus à un solide tel que l’on le conçoit naturellement et on mesure alors, non plus ses propriétés
d’écoulement mais plutôt ses propriétés mécaniques.
Le modèle proposé est le suivant :
Rôle de l’acide
À faible pH, la répulsion électrostatique est diminuée, du fait d’une plus large proportion de groupements carboxyliques non-ionisés. L’établissement de
liaisons hydrogènes entre les groupes méthoxylecarboxyle et alcool est alors favorisé.
Les gels sont par exemple classés dans cette catégorie et on peut donc les caractériser par leur
comportement en compression. On utilise alors
souvent les paramètres à la rupture (force nécessaire et déformation correspondante) ou encore
le module élastique du gel lors de l’application
de petites contraintes.
Rôle du sucre
La transition sol-gel apparaît, dans le cas des pectines, au cours du refroidissement. La température de prise et le temps de prise du gel sont
des notions correspondant au passage d’une
solution vraie à un état organisé.
Le sucre agit comme agent déshydratant (abaissement de l’AW), favorisant le rapprochement
des chaînes et donc l’établissement des liaisons
hydrogènes. Toutefois, seules, les liaisons hydrogènes ne sont pas suffisantes pour contribuer à
l’énergie nécessaire à la gélification. Aussi, il a
été admis l’existence d’interactions hydrophobes
entre les groupes méthoxyles, interactions
essentielles à la formation du réseau (Oakenfull
et Scott, 1984). Le rôle du sucre dans la formation du gel de HM est de stabiliser les zones de
jonctions en favorisant les interactions hydrophobes. La contribution des liaisons hydrogènes
est environ le double de celle des interactions
hydrophobes mais seules, ces liaisons sont insuffisantes pour stabiliser les zones de jonctions. Il
existe aussi des liaisons faibles types Van der
Waals entre les groupes méthoxyles.
Dans l’industrie alimentaire, on définit le temps
de prise ou « setting time » d’une gelée comme le
temps qui s’écoule entre le moment où tous les
ingrédients nécessaires à la formation d’un gel
sont rassemblés et le moment où la gélification
apparaît (Colonna, Thibault, 1986).
Mais les notions de temps de prise ou de température de prise du gel sont assez proches et très
souvent employées indifféremment pour qualifier la prise de gel. En fait, on parlait surtout de
temps de prise de gel avant qu’il ne soit admis
que celui-ci correspondait en fait à une température de prise à partir de laquelle la solidification
commence. Un temps de prise très court correspond à une température élevée et, réciproquement, si le temps de prise est plus long, la température de début de gélification sera plus basse.
La longueur des zones de jonctions (de 18 à 250
unités d’acides galacturoniques entre 2 molécules de pectines) tend aussi à stabiliser le
réseau. La longueur de ces zones de jonctions
dépend des interactions hydrophobes, ellesmêmes sujettes à variations en fonction du DM
de la pectine et de la concentration en sucre. La
stabilité des interactions hydrophobes est renforcée par les sucres permettant d’augmenter la stabilité thermique des gels de HM. Si les liaisons
hydrogènes sont affaiblies par une augmentation
de température, il n’en va pas de même pour les
interactions hydrophobes qui deviennent plus
fortes. À côté de la concentration en sucre, la
stabilité des interactions hydrophobes dépend
aussi de la géométrie moléculaire des sucres et
de leur intéraction avec les molécules d’eau voisines (Oakenfull et Scott, 1984).
Mais il a quand même été montré que la température de gélification est influencée par la vitesse
de refroidissement. Des vitesses plus rapides
abaissent quelque peu la température de prise
(Hinton, 1950 - Doesburg, 1965).
MÉCANISME DE GÉLIFICATION
DES PECTINES HM
DÉFINITION
Une combinaison de liaisons hydrogène et d’interactions hydrophobes est le mécanisme res37
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
COOH3
COOH3
COOH3
O
O
O
O
COOH3
OH
O
O
O
O
O
H H
H
O
O
CO
O
CO
O
O
COOH3
O
O
C
O
H
O
O
O
O
O
O
COOH3
O
COOH3
D. Acide galacturanique
Figure 6 : Liaison hydrogène à pH 3
faible répulsion électrostatique. La dispersion et la
localisation des groupes carboxyles modifient aussi
la température de gélification ainsi que les propriétés physiques du gel (Walter et Sherman,
1984). Ceci peut s’expliquer par la sensibilité
accrue à certains cations divalents et à l’établissement de zones de jonctions de différentes longueurs.
Intéractions hydrophobes
Liaison hydrogène
PECTINES HM : TEMPÉRATURE DE PRISE
Milieu synthétique - Pectine HM : 0.36 %
pH : 3.0 - TSS : 60˚C
DE
• Rapid Set
• Medium Rapid Set
• Slow set
Figure 7 : Zones de jonction dans les gels de pectine HM
72
68
62
Température
de prise
85 °C
66 °C
52 °C
Une pectine de bas DE présente une force de
gel supérieure, pour un SAG équivalent. Si la
force de gel est supérieure, le pouvoir gélifiant
(jelly grade) l’est aussi. Ex : une Slow Set de DE
53 % peut développer un pouvoir gélifiant 25 %
plus élevé qu’une Rapid Set de DE 75 %
(Doesburg et Grevers, 1960).
Ainsi, les zones de jonctions stabilisées par des
liaisons hydrogènes renforcées par des interactions hydrophobes conduisent à un gel de pectine HM acide, sucré et thermostable. (figures 6 et 7)
FACTEURS
AFFECTANT LA
GÉLIFICATION
Poids moléculaire
La force de gel est très largement influencée par
la présence de chaînes longues et flexibles
dépendantes du poids moléculaire (Mitchell et
Blanshard, 1976).
Les propriétés de ce réseau vont être affectées
par un certain nombre de facteurs :
Intrinsèque
Ainsi une pectine de haut PM, développe une
force de gel supérieure car les longues chaînes
restent liées après que les petites chaînes se
soient rompues.
Degré d’estérification
Le degré d’estérification ainsi que la distribution des
groupes carboxyle le long de la chaîne affectent la
température de gélification et la force du gel.
La rigidité du gel est déterminée par le nombre
de jonctions effectives formées par chaîne. Donc,
plus le poids moléculaire est faible, plus les
Une pectine de haut DE présente une température de gélification plus élevée du fait de la plus
38
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
Force de gel (g)
120
Le poids moléculaire est en général relié au DE
de le pectine. En effet, une pectine de type Rapid
Set avec un haut DE possède un poids moléculaire plus élevé du fait de ses conditions d’extraction plus ménagées.
100
;;;;;
80
;;
;;
;;
;;
;;
;;
;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;;
;;;;;;;;
chaînes sont courtes et plus le gel est faible. (Van
Deventer-Schriemer et Pilnik, 1987).
60
La relation force de gel/pouvoir gélifiant (Jelly
grade) n’est pas toujours constante et notamment varie en fonction du poids moléculaire
(Christensen, 1954).
40
20
Sucres neutres
0
Leur présence et leur répartition le long de la
chaîne principale peuvent affecter la formation
des zones de jonction. Ces chaînes latérales ne
semblent pas affecter l’élasticité mais plutôt les
propriétés du gel (notammenent la force du gel
peut être supérieure). La présence d’amidon le
long de la chaîne pectique de pomme permet de
réduire le côté cassant des gels de HM.
;;;
;;;
;;;
;;;
3,25 3,15 3,10
pH
2,95 2,80
Figure 8 : Force de gel d’une confiture 65° Brix avec une
pectine Slow Set 150 à différents pH.
Force de gel
DE
Groupes acétyles
73
63
81
Leur présence peut bloquer la gélification des pectines.
La présence d’un groupe acétyle tous les 8 acides
galacturoniques, inhibe totalement la gélification.
Rhamnose
Par la flexibilité qu’ils amènent, leur présence est
un facteur favorisant le rapprochement des chaînes.
30
32
34
36
38
40
pH
Matière première
Figure 9 : Relation Force de gel, DE et pH.
Les gels HM de citron sont généralement plus
cassants, plus fermes et plus aqueux que les gels de
pommes qui sont plus souples, plus lisses, développent plus de corps et ont un meilleur rendu
aromatique.
Sucres
La stabilisation des zones de jonction par les
interactions hydrophobes dépend de la concentration en sucre (un brix minimal de 63° étant
nécessaire) et de la géométrie moléculaire des
sucres. Il a été montré que le saccharose augmentait les interactions hydrophobes de 67 %
(Oakenfull, 1984) et que d’autres polyols, tel le
sorbitol pouvaient être encore plus efficaces.
(figures 10 et 11)
Extrinsèque
Le pH est un facteur primordial de la gélification
des pectines HM. Le gel ne pourra se former si le
pH est supérieur à 3,5/3,6. La force de gel, tout
comme la température de gélification sont inversement corrélées au pH (Rolin et De Vries). Une
différence de pH de 2,82 à 3,12 peut faire varier
de 30 % la force de gel (Ollivier, 1950). Une pectine de bas DE (Slow Set) nécessite un pH plus
faible qu’une pectine de haut DE (Rapid Set) pour
une force de gel équivalente. Ainsi existe-t-il un
pH optimal de gélification pour chaque qualité de
pectine HM en fonction de son DE. En fonction de
l’extrait sec, il faudra donc ajuster le pH pour optimiser la force de gel ou bien changer de pectine.
(figures 8 et 9)
D’une manière générale, les sucres vont influencer
la température de gélification et la force du gel. Des
sucres de haut poids moléculaire vont augmenter la
température de gélification alors que les monosaccharides vont plutôt l’abaisser, par rapport au saccharose. Toutefois le maltose ayant lui aussi tendance à augmenter la température de gélification, la
manière dont les sucres lient l’eau, la rendent plus
ou moins disponible pour la pectine est aussi à
prendre en compte tout comme de possibles interactions sucres/pectines (May, 1988). (figure 12)
39
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
Force de gel (g)
6
COOCH3
pH : 3,15
Teneur en pectine : 0,5
1400
O
4
H
Brix
1200
600
65°
400
62°
200
40
OH
O
1
4
H
O
α
6
H
COOCH3
OH
COOCH3
O
4
H
H
O H
1
OH H
H
OH
OH
H
4
H
6
H
α
O
1
OH
COOCH3
En conclusion, tout mélange de sucres,
nécessitera un réajustement, au moins du
pH, par rapport au saccharose.
Durée (s)
20
OH H
α
Le fructose déplace plutôt le pH optimal de gélification. Avec une Rapid Set, si la force de gel est
± identique, le fructose entraîne une diminution
de la température de gélification et donc des problèmes de flottaison (May, 1988). À noter que
l’inversion a tendance à réduire le pouvoir gélifiant et à diminuer la température de gélification.
72°
68°
0
OH H
1
6
OH
Figure 13 : Élimination bêta
1000
800
H
H
74°
H
O
60
Figure 10 : Force de gel d’une pectine Slow Set à différents
extraits secs.
D’autres facteurs sont susceptibles d’affecter la
force de gel des pectines HM.
Le moment de l’ajout de l’acide.
Température
de prise (°C)
100
Rapid Set
Medium
Rapid Set
Temps de cuisson
Temps de maintien du produit dans des conditions acides et à haute température.
Slow Set
80
Condition de conservation de la solution de pectine :
Les pectines sont des molécules stables en milieu
acide, mais ont tendance à se dégrader en milieu
neutre ou légèrement alcalin, par b élimination. À
haute température, à un pH > 5, les pectines HM
auront tendance à se dégrader rapidement. Dans ces
conditions, les pectines LM sont plus stables.
60
Ruban Jaune
40
20
À pH plus acide, la stabilité sera assurée pendant
quelques heures. (figure 13)
0
60
65
70
75
La vitesse de refroidissement
77
Plus elle est lente, plus grand est le nombre de
jonctions capables de se former, permettant l’obtention d’un gel plus élastique, avec moins de
synérèse (Rao, 1993).
Extrait sec (%)
Figure 11 : Domaine d’utilisation des pectines HM en
fonction de l’extrait sec.
Force
de gel
CARACTÉRISATION DES GELS DE
PECTINES HM
Quantité pectine Température
supplémentaire de gélification
Glucose 43 DE
20 à 30 %
de pectine
Glucose 63 DE
6 à 12 %
de pectine
Fructose
3à6%
de pectine
Compte tenu de leur gélification dans des conditions précises, les pectines HM ne sont utilisées
que dans des domaines d’applications restreints
(confiture/confiserie/fourrage/…). En terme de
caractérisation, la plupart des tests cherchent
essentiellement à évaluer la température de gélification, la qualité et la force du gel.
Figure 12 : Tableau des glucoses.
40
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
Température de gélification
Ca2+
Celle-ci peut se déterminer avec des rhéomètres très
performants (ex : mesure en statique, oscillation) et
donc onéreux ou bien avec des viscosimètres plus
classiques. Dans ce dernier cas les résultats sont
plutôt du type comparatif compte tenu que la
mesure est réalisée sous une certaine déformation
qui affecte la température de gélification.
Coil
Ca2+
Ca2+
Qualité et force du gel.
La relation entre structure chimique et propriétés physiques n’est pas encore tout à fait élucidée. Ainsi il n’est pas rare de voir des pectines
HM bien que parfaitement caractérisées, se comporter différemment dans l’application. Aussi
est-il nécessaire de faire appel à des tests de
caractérisations rhéologiques et de bien les choisir eu égard à la fonctionnalité recherchée ; le
consommateur muni de ses propres descripteurs
étant le décideur final. Il existe basiquement
deux types de tests :
– tests non destructeurs (IFT - SAG/FIRA/Test
par oscillation/…)
–tests destructeurs (Tarr-Baker/Pektinomètre
/Instron/…)
Gel
Ca2+
Précipité
Ions calcium
Figure 14 : Gélification pectines LM.
lisée par une réticulation ponctuelle de deux
chaînes, le Ca reliant deux molécules par
leurs fonctions carboxyliques. Cette hypothèse a
dû être rejetée car on observait que la stoechiométrie de la réaction n’était jamais respectée et
que la quantité de Ca nécessaire à la gélification diminuait avec le DE. En 1969 ; Kohn a
étudié la fixation du Ca sur l’acide galacturonique et sur des acides polygalacturoniques de
différents degrés de polymérisation. Un effet
coopératif a alors été mis en évidence : l’affinité
pour le calcium augmente avec le degré de polymérisation de l’acide galacturonique.
Par exemple : pour une confiture ou l’étalement
n’est possible que par destruction du réseau, il
est intéressant de connaître sa force à la rupture.
Dans le cas d’une confiserie, on s’intéressera
plutôt à la déformation du gel sous une certaine
contrainte puis sa relaxation, représentatifs de
l’impact des mâchoires sur le produit.
MÉCANISME DE GÉLIFICATION
DES PECTINES LM
Puis par analogie avec les alginates, Rees a proposé en 1972 le modèle maintenant bien connu
de la « boîte à œufs » dans lequel l’ion Ca
prendrait part à neuf liaisons de coordinence
avec deux oxygènes des liaisons glucosidiques,
deux oxygènes des cycles, deux fonctions acides
et trois fonctions alcool. Cette structure en
« boîte à œufs » ne peut exister que dans des
régions de la macromolécule pectique qui soient
exemptes de rhamnoses et où les fonctions
acides soient libres (ni estérifiées, ni amidées).
Toute substitution des fonctions alcool secondaires (acétylation) gênera la formation de cette
structure et donc la gélification. On considère
d’ailleurs que les liaisons sont stables quand il y
a au moins 7 groupes carboxyles consécutifs à
l’intérieur de chaque chaîne (Kohn et Luknar,
1997 ; Powell et al. 1982). (figure 14)
DÉFINITION
Harvey énonça en 1960 que la formation des
gels à partir de solutions de longues chaînes de
polymères comme les pectines se fait grâce à des
liaisons entre macromolécules voisines formant
ainsi un réseau continu de haute stabilité mécanique. Il ajouta plus tard que le type de liaison
dépend à la fois des caractéristiques des groupes
chimiques placés convenablement le long des
chaînes et de leur environnement. On soupçonnait, alors, les liaisons d’être des ponts hydrogéne, des attractions ioniques (attraction entre
les groupements carboxyles ionisés et un cation)
et peut-être même des liaisons covalentes. Mais
on pensait jusque-là que la gélification était réa
41
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
et au nombre de jonctions susceptibles de se former, par chaîne.
Schweiger (1962-1966) avait même envisagé
une compétition entre deux types de complexation du calcium selon que celui-ci était
complexé par les fonctions acides libres de 2
chaînes de pectine différentes (phénomène
favorisant la gélification) ou bien par 2 fonctions acides libres consécutives d’une même
chaîne (phénomène inhibant la formation d’un
réseau tridimensionnel). Mais cette hypothèse
a été démentie par les travaux de R. Kohn
(1975). Ce dernier a en effet montré sur un
modèle de molécule de pectine que la plus
petite distance possible entre les groupes
carboxyles dissociés est de5,5 à 5,8 Å. Or cette
distance est trop importante pour permettre la
chélation du calcium selon le mécanisme de
liaison proposé par Schweiger.
Le module élastique, G’, augmente de manière
linéaire jusqu’à ce que 33 % des sites carboxyliques soient liés en zones de jonctions. Au-delà, le
G’ augmente plus rapidement du fait de la mobilité réduite des chaînes déjà engagées. L’élasticité du
gel dépendra de la mobilité des chaînes.
Quand le DE est élevé, la température de gélification diminue, la flexibilité de la chaîne augmente et le gel est plus faible. Par contre, les gels
de faible DE sont plus fermes. À chaque DE
correspondra une certaine sensibilité au calcium
et de ce fait une consommation optimale. (figure 15)
Deux types d’association non covalentes intermoléculatires (par ponts H et les interactions
hydrophobes) (Tanford, 1961) interviendraient
également. Il existe en effet de multiples possibilités de ponts H le long de la chaîne de pectine en
raison de ses fonctions oxygène et hydroxyle
permettant de stabiliser la jonction entre les
molécules de pectine (Walkinshaw et Arnott,
1981). Les groupes méthoxyles peuvent quant à
eux participer dans des interactions hydrophobes. Celles-ci réduiraient la surface des interfaces entre régions polaires et apolaires, ce qui
contribuerait à rapprocher les molécules de
pectines (Plaschina et al.).
DE
COO
Sensibilité
au calcium
40-37
Basse
33-30
Moyenne
27-24
Elevée
Vitesse
de réaction
Basse
Moyenne
Rapide
Besoin
en calcium
Elevé
Moyen
exemple
Brix 50°
pH 3.75
20
12
Bas
7
Figure 15 : Gélification en fonction du DE.
En solution, il a été montré que l’intéraction entre
le calcium et la pectine augmentait quand la distribution des groupes carboxyliques libres était localisée plutôt qu’au hasard (Kohn et Luknar, 1994).
Cette répartition est essentiellement fonction de la
matière première (les acides carboxyliques libres
sont plutôt répartis en bloc pour le citron et au
hasard le long de la chaîne pour les pommes) et du
procédé de déméthylation. Une déméthylation
enzymatique permet l’obtention de zones déméthylées en bloc, facilitant l’aggrégation.
FACTEURS
AFFECTANT LA
GÉLIFICATION
Si chimiquement le gel se définit par l’existence
d’un réseau continu, rhéologiquement, il se définit par la prédominance du comportement élastique sur le comportement visqueux. Typiquement le gel de LM, est viscoélastique. Chacune
des composantes étant influencée par un certain
nombre de facteurs :
Amidation
Les avis sont très partagés quant à l’effet des
groupes amides et leur rôle dans le mécanisme
de gélification des pectines LM. Certains auteurs
ont affirmé que la présence des groupes amides
dans la molécule de pectine LM tend à la rendre
moins hydrophile, ce qui augmenterait sa capacité à gélifier. Les pectines amidées gélifieraient
donc à des températures plus élevées, elles
auraient besoin de moins de calcium pour une
force de gel équivalente à un DE égal (risque de
précipitation diminué) que les autres pectines
LM (May, 1990).
Intrinsèque
Poids moléculaire/distribution des rhamnoses/présence de groupes acétyles/… Dans ce cas les effets
seront les mêmes que pour les gels de pectine
HM.
Nombre (DE) et répartition des groupes carboxyliques
le long de la chaîne : Toutes les pectines LM forment les mêmes types de jonctions. La variation
de la sensibilité au calcium de chaque qualité est
dûe à une différence de distribution des résidus
42
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
Besoin en calcium
mg Ca2+/g pectine
19
0
Quand la force ionique du milieu augmente, les
pectines LM ont besoin de moins de calcium pour
gélifier. Ceci peut s’expliquer par la capacité du
milieu à diminuer les répulsions électrostatiques
et donc à favoriser la formation de jonctions
(Garnier et al., 1994). Quand la force ionique augmente, les gels obtenus sont plus rigides. (figures 16
et 17)
Quand le pH augmente, en général une plus grande
quantité de calcium est requise : compte tenu de
la plus faible dissociation des groupes carboxyliques diminuant ainsi la probabilité de liaison
(Garnier et al, 1993).
Viscosité (mPa.s)
Acidité totale (TA)
De la même manière, l’acidité totale titrable
affecte la cinétique de réaction et donc la
consommation en calcium. En fonction du
milieu et par exemple des fruits utilisés, l’acidité
totale guidera, comme le pH, les quantités nécessaires de calcium à ajouter. Pour des TA élevés,
les gels sont plus fermes car ils lient mieux le calcium et en plus grande quantité.
T°C
pH = 3,5
80
300
60
pH = 4
0,7
Force ionique
pH
400
0,4
TA
Quand le pH est bas, la pectine réagit plus rapidement avec le calcium libre du milieu et la réaction optimale est obtenue avec une quantité plus
faible de calcium.
Extrinsèque
1 % Pectine LM
6 mg Ca2+/g pectine
40° Brix
16
;;;;
;;;;
;;;;
;;;;
;;;;
;;;;
;;;;
;;;;
0,1
Figure 17 : Besoin en calcium d’une pectine LM
En général, la présence de groupements amidés
augmente la capacité à gélifier. La température
de gélification est souvent supérieure et la quantité de calcium nécessaire plus faible, conduisant
à des résultats plus reproductibles.
500
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
;;;
22
Brix
: 50
pH
: 3,75
LM325 NH95
;
;
;
;;;;;;
;;
Racape et al. (1989) ont suggéré à ce propos que
la gélification des pectines amidées ne s’explique
pas complètement par le modèle de la boîte à
œufs et que les groupes amides doivent permettre d’autres types d’associations entre les
chaînes par ponts hydrogène. Cette hypothèse
avait d’ailleurs été déjà émise antérieurement
(Solms et al., Black et Smit, 1972b). L’amidation
augmente la capacité gélifiante des pectines LM.
Les pectines amidées ont besoin d’une quantité
moindre de calcium du fait de la plus faible
teneur en groupes carboxyles libres. Toutefois si
le calcium est l’unique source de la gélification,
elle devrait être plus faible du fait de la plus
faible probabilité de liaison qu’avec les pectines
LMNA. Comme ce n’est pas le cas, (en effet pour
une force de gel équivalente, une pectine LMNA
nécessite de 25 à 50 % plus de calcium qu’une
LM amide), il y a donc d’autres types de liaisons
en cause (Racape et al. 1989).
Teneur en sucre
200
40
100
20
L’addition de sucre augmente la force de gel, augmente la température de gélification et diminue la
synérèse (Christensen, 1986). L’effet du sucre est
de promouvoir une gélification à teneur réduite en
calcium. Plus l’extrait sec du milieu est élevé, plus
la cinétique de réaction est rapide et plus petite est
la quantité de calcium nécessaire. C’est un des facteurs clés pour la réussite de la gélification LM.
L’impact des qualités de sucres est moindre qu’avec
les pectines HM, sauf pour le fructose où la très
0
0,5
1,0
1,5
2,0
Durée KS
Figure 16 : Réactivité d’une pectine en fonction du pH
43
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
1000
1400
80
1200
800
Viscosité (mPa.s)
Pectine 325 NH95
pH : 3.5
Teneur en pectine
DE : 32
63° Brix
DA : 18
Force de gel (g)
T°C
LM 290 NH95
6 mg Ca2+/g pectine
1000
60
60° Brix
600
50° Brix
800
40
400
35° Brix
600
40° Brix
400
20
200
20° Brix
0
0,5
1,0
1,5
2,0
200
25° Brix
0
Durée
(s)
20
Dureté KS
40
60
Figure 19 : Force de gel d’une pectine LM en fonction de
l’extrait sec.
Figure 18 : Réactivité d’une pectine LM en fonction de
l’extrait sec.
Il existe donc un optimum de consommation en calcium pour chaque DE, correspondant à l’obtention
d’une force de gel maximale associée à un gel lisse.
Au-delà, même si la force de gel croît, le gel présente une certaine hétérogénéité à la coupe, on dit alors
qu’il est en prégélification. Cet optimum peut varier
en fonction de la qualité du sel de calcium ajouté.
Tout sel soluble aura tendance à raccourcir la cinétique réactionnelle et donc à limiter la quantité de
calcium nécessaire. L’utilisation de sels moins
solubles retardant la disponibilité du calcium pour la
pectine, permet la formation d’un gel avec une plus
grande quantité de calcium, conduisant à des propriétés différentes. (figure 20)
faible force de gel obtenue peut-être compensée
par un ajout supplémentaire de calcium.
À noter qu’en présence de sorbitol, les pectines LM
non amides ont d’extrêmes difficultés à gélifier.
(figures 18 et 19)
Concentration et source de calcium
Il a été démontré que la force de gel augmente
avec la dose de calcium et ceci d’autant plus que
le DE est bas (Owens et al., 1949). Mais d’une
manière générale, on obtient des gels faibles et
difficilement manipulables avec de faibles
concentrations en calcium et des gels cassants
susceptibles de faire de la synérèse avec de trop
fortes concentrations (Wiles et Smit, 1971).
Entre ces deux extrêmes, la rigidité du gel augmente avec la dose de calcium (Owens et al.,
1949) et celà jusqu’à un certain point à partir
duquel il apparaît des phénomènes de prégélification.
Traitement mécanique et température : Compte
tenu du mécanisme ionique mis en cause pour la
gélification des pectines LM, sous l’action de
contraintes mécaniques ou thermiques, les gels
peuvent se reformer, ils sont réversibles. Cette
caractéristique propre aux pectines LM, leur
confère des comportements viscoélastiques très
spécifiques et en font un élément de choix pour
certaines applications agroalimentaires.
La façon dont le calcium est ajouté est également
très importante. Joseph et al. (1949) soutiennent
à ce propos que le meilleur moyen d’obtenir un
gel est de dissoudre la pectine en l’absence de
calcium pour augmenter sa solubilité et d’additionner ensuite le calcium à la solution. Si la pectine et le calcium doivent être ajoutés simultanément, ils recommandent alors d’utiliser des
sels de calcium peu solubles.
La température de gélification apparente est
influencée par la vitesse de refroidissement ; plus
elle est rapide, plus basse est la température de
gélification (Doesbourg, 1969). Au cours du
réchauffage, la réversiblité sera fonction du
nombre de liaisons. Ainsi les pectines LM non
amides sont connues pour présenter une
44
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
15 ppm
5 ppm
Contrainte de cisaillement (Pa)
100
80
0 ppm
60
40
20
Vitesse de cisaillement (S–1)
0
200
400
600
800
1000
Figure 20 : Courbe d’écoulement à différents taux de calcium d’un gel de pectine LM.
meilleure stabilité au four que les pectines LM
amidées. Un traitement mécanique plus ou
moins ménageant au cours du refroidissement
affecte la température de gélification, la force et
les propriétés du gel.
éviter des séparations jus/fruits mais suffisamment faible pour éviter l’éclatement des fruits).
D’assurer un pouvoir de suspension dans le
conteneur (le produit doit gélifier rapidement et
suffisamment fort pour empêcher la migration
des fruits).
CARACTÉRISATION DES GELS DE
PECTINES HM - APPLICATIONS AUX
De faciliter le pompage et mélange avec la masse
blanche (le produit doit être suffisamment fluide
pour s’écouler sous faible contrainte).
PRÉPARATIONS DE FRUITS
Les pectines LM sont, de loin, les texturants les
mieux adaptés à cette application compte tenu
de leur comportement thixotrope. Un tel comportement ne peut évidemment pas être appréhendé par une simple mesure de la viscosité
(Bostwick). Ces variations de comportement
rhéologique au cours du procédé de fabrication
ont été modélisées par SBI (Kravtchenko, 1994)
sur un rhéométre à contrainte imposée de type
Carri-med équipé d’un système cône-plan. (La
température étant contrôlée par un système à
effet Peltier intégré dans le plan).
L’une des caractéristiques principales du gel de pectines LM est la capacité qu’ils ont à se restaurer
après leur avoir appliqué un cisaillement et ce, à des
températures inférieures à la température de gélification de la pectine. On dit alors que la texture est
thixotrope. Cette thixotropie des gels de pectines
LM est une propriété fondamentale recherchée
dans certaines applications telles les préparations de
fruits pour masse blanche.
À côté des qualités organoleptiques recherchées,
les préparations de fruits doivent présenter certaines caractéristiques telles que :
Le profil rhéologique consiste en trois courbes :
– excellente intégrité des fruits ;
– distribution homogène des fruits
dans le conteneur ;
– texture stable dans le temps ;
– pas de synérèse ;
– écoulement et pompabilité aisés.
Phase 1 : Mesure de la variation de viscosité en
fonction de la température. Celle-ci n’augmente
pas brutalement à l’approche du point de gel.
Ceci est dû au fait que les gels de pectines LM
sont thixotropes : le cisaillement provoque une
rupture réversible du réseau moléculaire en formation.
Le ou les agents de textures utilisés dans cette
application ont pour but :
Phase 2 : Après arrêt du cisaillement, mesure de la
reprise thixotrope. Le gel dont la formation avait
été retardée par le cisaillement se texture entraî-
De contrôler la viscosité pendant les phases de
cuisson et refroidissement (viscosité élevée pour
45
Module élastique (Pa)
Viscosité (Pa.s)
0,20
0,15
0,10
0,05
0
80
70
60
50
40
Température (°C)
8
6
4
2
0
30
0
15
20
25
Durée (min)
30
Contrainte de cisaillement (Pa)
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
60
50
40
30
20
10
0
0
100 200 300 400 500 600
700
Vitesse de cisaillement (s–1)
Figure 21 : Modélisation des étapes clés de la production de préparations des fruits sur Carrimed.
COLONNA, P ; THIBAULT, JF (1986) Propriétés
sensorielles des polysaccharides, Apria, Paris
p 19-46
nant une augmentation du module élastique
(mesure de l’évolution du G’ par oscillation).
Phase 3 : Mesure de la texture du produit fini par
l’allure de la courbe d’écoulement. Tous les facteurs agissant sur le mécanisme de gélification
des pectines LM (extrait sec, pH, disponibilité en
calcium, DE, qualité de la pectine, présence
d’autres colloïdes,…). ainsi que les contraintes
de fabrication (traitement mécanique, vitesse de
refroidissement, température de remplissage,…)
vont affecter l’allure de ces courbes et permettre
ou non la réussite du produit. Si le gel thixotrope de Pectine LM est très bien adapté à cette
fabrication, il ne sera efficace que dans une certaine plage. Et donc, il faudra toujours adapter la
qualité de la pectine LM utilisée en fonction de
sa flexibilité et des conditions de production.
(figure 21)
DOESBURG, J. J ; (1965) Pectic susbtances in fresh
and preserved fruits and vegetables. Ins. for
Research on storage and Processing of
Horticultural Produce, I. BV.T. Commun. 25,
Wageningen, The Netherlands p. 21
DOESBURG, J. J ; GREEVERS G, (1960) Food
Res, 25 634-45
FISHMAN, M. L ; PEPPER, L ; DAMERT, W. C ;
BAFORD, R. A (1986) Chemistry and function of
pectins, (Fishman M. L and JEN JJ eds.), ACS
symposium series 310, Washington
HARVEY, H. G (1960) Gels-with special reference to
pectin gels. Soc. Chem, Ind (London)
Monograph 7, 29-63
BIBLIOGRAPHIE
HINTON, C. L (1950) J. Scl, Food Agri 1, 300
JOSEPH, GH ; BAIER, W.E. (1949) Methods of
determining the firmness and setting time of pectin
test jellies. Food Technol. 3,85-90
BLACK, S. A ; SMIT, C.J.B (1972) The effect of
demethylation procedures on the quality of lowester pectins used in the dessert gels. Journal Food
Science 37 : 726
CHRISTENSEN, P. E (1954) Food Res., 19, 63
KIRK, OTHMEN, ENEYEL, (1967) Pectic substances, Chem. Technol, 14 pp 636- 651
CHRISTENSEN, S. H (1986) Pectins. in “Food
Hydrocolloids III” (M. GLICKSMAN, ed) CRC
Press, Boca Raton, Florida pp 205-203
KOHN, R (1975) Ion biding on polyuronates-alginates and pectin. Pure. Appl. Chem 42 (3) 371397
46
LA TEXTURE DES PRODUITS SUCRÉS
KOHN, R ; FURDA, 1 (1969) Binding of calcium
ions to acetyl derivatives of pectin. Coll. Czech.
Chem. Commun. 33, 2217-2225
REES, DA (1972) Polysaccharide gels : A molecular
view. Chem. Ind. (London) 19, 630-636
KOHN, R ; LUKNAR, 1 (1977)
SCHWEIGER, RG (1966) Kolloid Zschr. 208,28
MAY, C. D (1990). Industrial Pectins : Sources,
Productions and applications. Carbohydrate
Polymens. 12, 79-99
TANFORD, C (1961) Physical chemistry of macromolecules Wiley, New York
SCHWEIGER, RG (1962) J. Org Chem. 27.1789
THIBAULT, JF ; PETIT, R (1979) Les substances pectiques : Les polymères végétaux, polymères pariétaux et alimentaires non azotés, (Monties, B. eds.
Bordas), Paris
MITCHELL, JR (1976) Rheology of gels. Journal of
Texture studies 7 : 313
MITCHELL, J. R ; BLANSHARD, J.M.V (1976)
Rheological properties of pectate gels. Journal of
Textures studies 7 : 341
VAN DEVENTER ; SCHRIEMER, W. H ; PILNIK,
W (1987). Studies of pectin degradation. Acta
Alimentaria 16, 143-153
OLLIVER, M. (1950) Laboratory assesment of pectin
quality with special reference to jelly grading.
J. Sci Food Agr. 1,329-336
WALKINSHAW, M. D ; ARNOTT, S (1981).
Models for junction zones in pectinic acid and calcium pectale gels. J MOL. BIO. 153, 1075-1085
OAKENFULL J. G ; SCOTT A. G, (1985) Food
technology in Australia, 37 (4) 156
WILES, R. R ; SMIT, C.J.B. (Assignee Sunkist
Growers, Inc.) 1971. Method for producing pectins having high resistance to breakage and high
capability in the presence of calcium.U.S pat.
3,622,559
OWENS, H. S : McCREADY, RM ; Mac LAY W. D
(1949). Gelation characteristics of acid-precipitated pectinates. Food Technol. 3, 77- 82
PILNIK, W ; VORAGEN, A.G.J (1979). The blochemistry of fruits and their products. (Hulme, A.
C eds), London : Academic press, 1 p 53
WALTER R. H ; SHERMAN R. M (1984), J. Food
Sci, 49 (1) 67
PLASHCHINA, IG, and al. (1985) Structural studies of the solutions of anionic polysaccharides. I. V
Study of pectin solutions by light scattering.
Carbohydr. Polymers 5, 159-179
POWELL, D. A ; MORRIS, E. R ; GIDDLEY, MJ ;
REES, D. A (1982). Conformations and interactions of pectins. II Influence of residues sequence on
chain association in calcium pectate gels. J Mol.
Biol.155,571-531
ROLIN C ; DE VRIES JA, Pectin, (1990). Food
gels, Harris P ed, Elsevier, London, New York,
p 401-434
ROMBOUTS, F. M ; PILNIK, W (1980) Pectic
enzymes (A. H Rose Eds) Economic
Microbiology, Microbial enzymes and Bioconversions, Academic Press, London, 5 pp
227-282
RACAPE, E (1989) Influence des fonctions amides
sur les propriétés physico-chimiques des pectines.
Thèse (Nantes, France)
REES, DA (1970). Structure, conformation and
mechanism in the formation of polysaccharide gels
and networks. In advances in Carbohydrate
Chemistry and Biochemistry, Vol. 24, M.L.
wolfrom, R. S Tipson, and D. Horton (Editors)
Academic Press, New York
47

Documents pareils