Communication de Patrik Le Nestour

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Communication de Patrik Le Nestour
Titre : Traduire le haiku ? Des lustres de coups fourrés
par Patrik Le Nestour
Résumé : Il va sans dire que l’italien adage « traduttore tradittore » ne peut être mis en question,
même pour une forme aussi brève et renommée que le haikai, renommé haiku depuis 1900.
La question qui se pose est d’ordre stylistique, à savoir que la stylistique japonaise est aux antipodes
de celle de la langue d’arrivée, français ou autre. Mais on examinera également les tendances
stylistiques dues au temps, aux modes, au degré de connaissance culturelle des deux langues chez
chaque traducteur, à son respect/irrespect des formes – métrique, ordre des arguments – et... à son
inspiration. Parmi maints exemples bilingues glanés sur plus d’un siècle, au moins un haikai sera
présenté sous de multiples traductions, que l’assistance sera invitée à enrichir... ou appauvrir : le
célébrissime grenouillage de Bashô.
Mots-clés : poésie japonaise, stylistique, haiku, métrique, arguments, traduction, Bashô.
Title : « Translating haikus : donkey-years of eye-coups...»
by Patrik Le Nestour
Abstract : It goes without saying that the Italian saying ‘traduttore tradittore’ cannot be gensaid, even
for such a short and well-known form as the haikai, better known as haiku since 1900.
The question raised is a stylistic one, that is to say that japanese stylistics are very far from English,
French and other stylistics. Stylistic trends that stam from differences in time, tense, fashion, the
cultural knowledge of languages by each translator and his or her respect/irrespect for form - metrics,
word order and inspiration - will be taken into consideration.
Among several bilingual examples gathered over more than a century, at least one haikai will be
examined in many translations, which the audience will be invited to enrich ... or impoverish : Bashô’s
almost too famous froggish poem.
Key-words : Japanese poetry, metrics, haiku, stylistic, translation, word order, Bashô.
俳句の翻訳・・・長年捻られた?句の数々・・・
パトリック・ル=ネストゥール
リール大学、日本文化
《 トラドゥットーレ・トラディットーレ :翻訳者は虚偽の者 》というイタリアの格言は、言
うまでもなく、1900年からは俳句と呼ばれる、短い形式でその名を馳せる俳諧の場合にも当て嵌
ると言えよう。
仏語又はその他の訳される言語と日本語の、とりわけ日本詩歌における文体との異質さを考えると、
文体上の問題は当然起こってくる。然しながら、作品の時代の傾向、言語の用法や時制の扱い方、更
には翻訳者の日本文化に対する知識度を検証することによって、翻訳がいかに作品の本質を踏襲して
いるか、または逸脱しているか、窺い知れよう。また句の調子、語呂、そして翻訳者のインスピレー
ションは如何なるものか・・・
一世紀以上に亘る数ある翻訳のうちでも、例えば、あのあまりにも有名な芭蕉の蛙は、聞く者を満
足させるだろうか、それともがっかりさせてしまうのだろうか。
キーワード;日本詩歌、文体、俳句、調子、語順又は語呂、日本文化、芭蕉
Atelier XXXVII : La part intraduisible en poésie
« Traduire le haiku ? Des lustres de coups fourrés »
Patrik LE NESTOUR - 1
I – De l’adoption à la tradaptation
Est-ce suffisant / de pondre trois petits vers / pour faire un poème ?
C’est bien un tercet / de surcroît en 5-7-5 / mais pas un poème !
L’ont bien senti et compris tous ceux et celles qui, depuis plus d’un siècle, ont eu des coups
de cœur et se sont fourré dans la tête d’adopter l’esprit et/ou la forme brève et japonaise du
tercet, tandis que les japonisants plus ou moins connaisseurs de la langue s’évertuaient à en
traduire/adapter/tradapter.
Parmi les premiers - les adoptants – et parmi les premiers – dans le temps, au début du XXè
siècle -, André Suarès (1909), ami de Paul Claudel et de Romain Rolland, écrivait sur des
écrivains européens, mais s’est autorisé une plaquette approximative qu’il a intitulée Coples
et sous-titrée « Sur le Haï Kaï [sic] l’Utah [sic, tous mormons mis à part] ou Tanka & le petit
poème Japonais [sic pour la majuscule] ». On reviendra en section II sur sa forme à lui, plus
riche que haikuteuse.
A la même époque, Paul-Louis Couchoud, qui est allé au Japon, opte également pour le
terme ‘haïkaï’, le préférant à ‘haïku’, ‘haïkaï hokku’ ou ‘ku’ [sic pour les trémas]. Le ‘u’
français leur faisait craindre le cul-de-sac, à lui et à ses contemporains. Mais lui, au moins, a
su trouver le bon 5 /7/5 (en 1905) :
Il a l’air tout fier / D’avoir vu le fond de l’eau / Le petit canard
Cent ans plus tard, le très prolifique haikiste Patrick Blanche (2005) m’a transmis dans un
courrier un mot magique : il qualifie de ‘passeurs’ tous ceux-celles « qui nous ont permis
d’aborder la sensibilité nippone », et il avance une quinzaine de noms. Lui-même étant l’un
de ces passeurs, je poursuis la citation de sa lettre, qui relate trois ‘passations’ tradaptations
d’un célèbre tercet : « Dans son livre remarquable En village de miséreux [Gallimard, 1996]
Jean Cholley nous offre cette traduction d’un poème d’Issa :
Ce monde n’est autre / Que le dessus d’un enfer / Où l’on va voir les fleurs
Yo no naka wa / jigoku no ue no
/ hanami kana
世の中は地獄の上の花見哉 (小林一茶1763-1827)
Maurice Coyaud l’avait ainsi traduit :
En ce monde nous marchons / Sur le toit de l’enfer et regardons / Les fleurs
Etant depuis longtemps un ‘fan’ d’Issa, je me suis permis de tenter cette adaptation, en
tenant compte du rythme de l’original :
En ce monde nous / Foulons le toit de l’enfer / Regardant les fleurs
Cette citation aux trois versions d’un même tercet [d’un même ku / coup eût été ambigu]
donne une idée de l’intraduisible et du rajouté et des non-dits, toutes questions qui seront
abordées en section III.
Pour cerner les impératifs de traduction et définir mieux, et diachroniquement, le haiku et
quelques options théoriques de sa traduction, nous allons maintenant puiser dans la
présentation d’un Atelier de japonais au sein des Septièmes assises de la traduction littéraire
en Arles en 1990 (publication Atlas-Actes Sud, 1991). [ Ce document et bien d’autres nous
ont été communiqués par André Delteil]
Ledit atelier était animé par Alain Kervern, auquel nous attribuons la paternité de la
rédaction :
(…). La tradition de la traduction européenne dégage une doctrine assez ferme :
- une parfaite transfusion du sens de l’original ;
- avec un style du même genre que le style de l’original ;
2
-
l’idéal, ce sont "des traductions qui seraient aussi belles tout en serrant le texte de
plus près".
[Nous tenterons d’illustrer cet idéal infra]
Abordant plus directement la traduction du haïku, une définition de ce type de poème a
semblé indispensable. L’essentiel du haïku tient à quelques caractéristiques :
- une forme concise en dix-sept syllabes ;
- une césure ;
- de l’humour ;
- un mot ou une allusion rappelant un thème de saison.
Ce thème de saison a une fonction unificatrice dans le poème et donne cohérence à des
impressions fugaces et dispersées.
Historiquement, c’est le haïkaï qui apparaît d’abord en marge des joutes poétiques à
la cour impériale. C’est une distraction, un amusement, un badinage.
Puis vient le hokku, d’abord ‘verset initial’ d’une séquence de ‘poèmes liés en chaîne’
(renga), puis verset détaché, devenu indépendant, et cité isolément.
Enfin arrive le haïku. Il s’agit d’une contraction de haïkaï-hokku qui désigne
clairement, à la fin du XIXè siècle, des hokku composés en dehors de toute préoccupation
d’enchaînement.
Quelques traducteurs de haiku ont avancé des principes de traduction.
(a)
Dans Le Problème de la poésie japonaise : technique et traduction, Georges
Bonneau remarque en 1938 que la poésie japonaise et la poésie française ont ceci de
commun que le compte des syllabes y est essentiel. « Mais surtout [dit-il] la poésie japonaise
est syllabique, c’est-à-dire qu’elle compte non les accents mais les syllabes. Or le français
est la seule langue européenne dont les mètres soient syllabiques, toutes les autres poésies
d’Europe étant fondées sur l’accentuation ou sur la quantité. » En ce sens, la poésie
japonaise pourrait trouver dans le syllabisme du français une base de traduction intéressante.
Il a donc proposé des règles pour traduire le haïku :
1) rechercher et respecter le sens ;
2) en poésie plus encore qu’en prose, respecter l’ordre des mots ;
3) la poésie japonaise étant syllabique, respecter dans la traduction le nombre de
syllabes de chaque vers ou, si impossible, la proportion entre le nombre de
syllabes de chaque vers ;
4) en présence d’un procédé de technique, ne jamais négliger de le rendre par
transposition.
(b)
Un autre Européen, spécialiste de traduction du haïku, Fernando RodriguezIzquierdo, donne quelques observations sur les techniques de traduction :
1) ne pas s’attacher de façon inconditionnelle au nombre de pieds dans la
traduction, mais s’en tenir à une grande brièveté ;
2) insister sur la valeur poétique du singulier [ ?] dans le poème japonais ;
3) donner dans la traduction autant d’importance que dans la langue originale aux
syntagmes nominaux. (…) [ = ne pas les remplacer par des verbes ou faire des
phrases] (…) ;
4) mettre l’accent sur la difficulté à traduire le mot [de] césure ;
5) rendre avec légèreté (…) les différents niveaux de langue (…) ;
6) rendre la valeur connotative du mot de saison.
(c) Etiemble, qui anima à la Sorbonne des cours sur la traduction de quelques haïku
célèbres, présente sa façon de traduire ces poèmes :
- fournir le texte japonais ;
3
-
[mot à mot rigoureux, mot de saison, mot césure, ruses de ponctuation exigent des
commentaires]
Donner une traduction s’interdisant tout jeu de mime et qui s’imposera de respecter le
syllabisme des trois séquences, en les disposant horizontalement, sur une seule
ligne, avec deux blancs marquant les coupures métriques.
(d) Maurice Coyaud enfin remarque à propos de sa technique de traduction du haïku dans
Fourmis sans ombre (1978) : « Mon principe de traduction est le vers libre, qui seul permet
de serrer de près l’ordre des idées. Je respecte donc cet ordre dans toute la mesure du
possible, et ne m’octroie de libertés que celles que me souffle le texte original ». [Fin de la
citation d’AK (1990-91)]
On se doit en la matière de consulter André Delteil (1988) auteur d’un monument de thèse
sur le haiku [sans tréma qui traumatise certains]. Dans une missive de juillet (2005), il me
rappelle trois problèmes qu’il a maintes fois traités : (1) la métrique ; (2) la rhétorique de
l’effet de coupe, d’écho ; (3) les références de saison.
(1) la métrique, un aboutissement ; n’est pas la nôtre, même si 5+7=12, ce qui ferait un
alexandrin [On reviendra en section II sur ce problème, avec la notion d’antialex(andrin)]. Il
faut tenter d’approcher de l’original, c’est essentiel, d’éviter les ‘e muets’ qui faussent tout –
sujet sur lequel personne n’est probablement d’accord avec son voisin en France. (…).
(2) la rhétorique de l’effet de coupe, j’ajoute ‘d’écho’, ce qui justifie que je répète parfois,
en traduction, un mot qui n’est pas répété dans l’original de Bashô [mais qui vient rendre la
puissance de l’exclamatif à effet de coupe ‘ya’ :
Etang, vieil étang… pour Fu-ru-ike ya / kawazu tobikomu / mizu no oto
古池や蛙飛びこむ水の音 (松尾芭蕉1644-1694)
[AD utilise encore ailleurs ce processus de répétition, cette fois pour rendre la puissance de
‘mo’ ‘même’ ‘ô combien’, dans le célèbre tercet de Shiki à l’article de la mort dans sa
chambre d’hôpital :
Encore et encore / de la neig(e) la profondeur / je voulais savoir
Iku tabi mo / yuki no fukasa o / tazunekeri
いくたびも雪の深さを尋ねけり (正岡子規1867-1902)
André Delteil poursuit, rappelant les termes de sa thèse (1988) en citant des théoriciens
japonais sur les mots de césure-coupe-écho (kireji) ] : rhétorique ayant pour but d’enrichir le
sens en ménageant une ou plusieurs syllabes à fonction d’interruption dans le verset, et qui
bloquent l’écoulement de sens. [p. 412 de la thèse]. Le kireji oblige à relire, introduire de la
résilience [p. 426]. (…)
(3) la référence de saison. (…) contraction des divers aspects de l’activité humaine. (…) Il y
a là l’essence d’une conscience cognitive et d’une conscience esthétique cultivées à travers
les siècles [p. 76]…
Qu’est-ce qu’on fait, nous, en français, vis-à-vis de cela ? Des pages de notes ! [m’écrit-il]
Que fait-on de tous ces mots et expressions codées ? La ‘lune voilée’ est forcément du
printemps, comme ‘le vent qui brille’… »
Pour clore cette section, nous pouvons verser une goutte d’eau limpide dans la nébuleuse
de l’intraduisible, approchant de l’idéal évoqué bien plus haut : « une traduction qui serait
aussi belle tout en serrant au plus près le sens de l’original ». Les deux tercets sont dus à un
nippo-francophone, Fu-an :
Soudain l’on déchante / au jardin sans belle étoile / soudain l’ondée chante
Niwaka ame / soto-ne no yume ya / niwa ga ame
にわか雨外寝の夢や庭が雨
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(仏安1937-)
II - Temps et mode
Le fait même de ‘composer’ un poème a évolué avec le temps et la mode. André Delteil
(1988) observe qu’en opposition à migaku, mot verbal signifiant ‘polir’ un texte, le
vocabulaire du haiku d’aujourd’hui, dans le prolongement de celui du hokku de haikai, fait
une large place au mot verbal hineru, qui signifie ‘donner de l’effet’ dans le sens de ‘tordre’ »
[fin de citation d’AD (p. 24, note 2)]. Nous avons, en français familier, ‘torcher’ : ‘un poème
bien torché’.
En 1909, lorsque André Suarès croyait écrire un « petit poème japonais », il était bien de son
temps en s’obligeant à rimailler, en vers de 10 (voire 8 pieds sans les ‘e’ muets), 8 8 8 et 6
pieds :
Qu’est-c(e) que l(e) plaisir sans la douleur ?
Qui le connaît, qui l’imagine ?
Sans la nuit, qu’est-ce que la couleur ?
Ou la rose sans les épines ?
Ou l’amour sans les pleurs ?
A la même époque, est-ce Paul-Louis Couchoud (1879-1959) qui a tradapté sous forme de
cloche de 2 / 4 (ou 5) / 5 (ou 6) pieds de large ce tercet (bien classique en 5 / 7 / 5) de
Buson ?
Fraîcheur
Le son de la cloche
Quand il quitte la cloche
… alors qu’une cloche de temple est … cylindrique au Japon ! En 5-7-5, à l’instar de Parên,
on pourrait tradapter en :
Ah, quelle fraîcheur / quand de la cloche il s’éloigne / le son de la cloche !
Suzushisa ya / kane o hanaruru / kane no koe
涼しさや鐘をはなるゝ鐘の声 (与謝蕪村1716-1783)
Parmi les formes occidentales culturellement prisées, on pense à l’alexandrin ; sans qu’on
puisse lui attribuer de ‘mot de césure’, il comporte une césure, à l’hémistiche 6+6, ou deux
(4+4+4), ou en d’autres endroits, moins classiques ; il était tentant de revoir un alexandrin
dans le 5/7 des deux premiers vers du haiku. On pourrait le qualifier de ‘paralexandrin’,
abrégeable en ‘paralex’ (sed lex !). Il y a vingt ans, Alêne, linguiste mais poète encore
instable, a eu sur un lit d’hôpital la révélation syncrétique - et prolifique depuis - d’une forme
fixe en 5 - 7 - 7 - 5, qu’il a plus tard baptisée ‘sonance’ : cela pourrait ressembler à deux
‘paralex’, si ce n’est que les vers sont rimés, à rimes embrassées a - b - b - a ; de sorte
qu’Alêne préfère les appeler ‘antialexandrins’ (‘antialex’), et en rejeter ainsi l’alexandrinité…
Un petit problème lexical nous irrite depuis longtemps. Comme il touche au temps - à un bon
millénaire et demi -, nous saisissons l’occasion d’en débattre ici. Un fameux tercet de Bashô
de la fin du XVIIe siècle évoque des combattants du XIIe siècle, que presque tous les
tradaptateurs s’évertuent à traduire par ‘guerriers’, tel Georges Bonneau :
Herbes d’été / La place où les guerriers / Rêvent
Natsu kusa ya / tsuwamono-domo ga / yume no ato
夏草や兵どもが夢の跡
(芭蕉)
De même que pour l’armée romaine le combattant barbare n’était pas miles mais un hostis
hostile, le guerrier ne peut être que barbare, germain ou viking : nos chevaliers et nos
mousquetaires ne sont pas des guerriers - sans foi ni loi. Pour Bashô, les tsuwamono de
cinq siècles avant lui jouissaient-ils d’une certaine aura chevaleresque, où n’étaient-ils que
de la piétaille ? Pour tradapter ce tercet, Parên a opté pour un noble combat, tout en
l’associant à de vulgaires rejets botaniques :
Herbes de l’été / de preux et de valeureux / des rejets de rêves
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Mais le Bashô bouddhiste n’avait peut-être pas autant de déférence envers eux…
Autre temps, autre mode. Cité par André Delteil (1988, p. 387-8) le haikiste vingtième
séculier Ishida Hakyô précisait que « le haiku n’est pas littérature. C’est la vie dans sa
crudité. (…) Faire des haiku est exactement la même chose que vivre. » Et AD d’ajouter :
« Avec cette conception où le haiku devient un des ressorts de la vie, il se trouve différencié
des autres arts, qui apparaissent par contraste comme le produit de constructions. Le haiku
pour Hakyô est un souffle quotidien, auquel il est conféré une « force pesante, dure, à la
respiration bloquée. Et AD de tradapter ainsi :
Presque au point du jour / boîtes aux lettres du mois de mai / quartier par quartier
Hi-no-de mae / go-gatsu no posuto / machi ni machi ni
日の出まえ五月のポスト町に町に (石田波郷1913-1969)
III - Non-dits
La présente saison nous fait tergiverser entre averses et fin d’été : y a pu d’saison ! Mais les
haikistes nippones et nippons disposent, elles zé eux, de milliers de termes connotés de tel
mois et telle saison. Rares sont les haikistes qui rejettent cette contrainte. Mais à quoi sert le
kigo ? Dans Fourmis sans ombre, Maurice Coyaud (1978) précise : « Les haikistes ont
longtemps été fidèles à cette référence saisonnière. Elle leur était une assurance : celle de
ne pas tomber dans l’abstraction. La brièveté n’est jamais pour eux une façon de concentrer
l’idée. Elle n’est rien d’autre qu’un ‘dire bref’’. (…) Cinq syllabes, puis sept, puis cinq : c’est
peu. La concision du microcosme. »
Lorsque Georges Bonneau a tradapté un tercet de Bashô pénétré de bruine et de brume non
loin du grand pont de Seta – sous lequel se déverse le lac Biwa, vers le sud, et bien plus loin
la Mer Intérieure, il ne s’est pas mouillé sous la pluie saisonnière, de sorte qu’il a effacé le
mot de saison dans un brouillard coupable, à couper au couteau :
Pluie saisonnière / Seul à transparaître / Le pont de Seta
Samidare ni / kakurenu mono ya / Seta no hashi
五月雨に隠れぬものや瀬田の橋
(芭蕉)
La bruine persistante est caractéristique de la cinquième lunaison, comme ses idéogrammes
l’indiquent au sein du calendrier lunaire, que le Japon a grossièrement et lâchement ( = pas
tout à fait) abandonné à la fin du XIXe siècle. Aussi Parên n’est-il pas non plus tout à fait
fidèle en tradaptant :
Longue pluie de juin / Seul à ne pas disparaître / le Pont de Seta
Si un Japonais francophone entend juin il comprend ‘sixième mois’, et on retombe en plein
décalage mensuel. Peut-on envisager une solution bâtarde et républicaine ? Prairial,
neuvième mois du calendrier républicain, allait du 20 mai au 18 juin –ou dans ces eaux-là !
Les poètes japonais (et autres) sont souvent de drôles d’oiseaux. Depuis quinze siècles,
autant dans les waka – ‘poèmes japonais’, par opposition aux ‘poèmes chinois’ ou à la
chinoise kanshi - et surtout dans la forme ‘brève’ tanka -, ils ont évoqué des quantités
d’oiseaux, tous ‘mots de saison’ kigo, et plus particulièrement le plus prenant d’entre eux,
hototogisu. Celui-ci dispose d’au moins huit idéographies, mais ne doit surtout pas être
traduit par ‘coucou’, bien qu’il appartienne à la même famille. Plus petit, il a les mêmes
mœurs déplorables de squatter, mais son chant est très différent. Hôte estival des forêts, on
l’entend appeler de loin, mais quand on s’approche il est déjà ailleurs et réitère son appel.
Dans ‘Ran’ le film épique de Kurosawa Akira (1985), le long traveling du début du film est
baigné des appels du hototogisu. Dans les tercets où Issa l’évoque, il est transcrit par deux
idéogrammes : ‘oiseau du temps (qui passe)’ :
Lun(e) du troisièm(e) soir / Perfection de la courbure / Hototogisu
Mika-zuki to / sori ga au yara / hototogisu
三日月とそりがあふやら時鳥
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(一茶)
La courbure dont il s’agit est celle du sabre, avec les mêmes brillance et acuité. Splendide.
Mais comme disait André Delteil, son champ, son chant d’absence implique beaucoup…de
notes…
On touche là sans doute à ce que Jacqueline Pigeot (1997), dans ses Questions de poétique
japonaise, tradapte en « image intérieure, proche du fantasme : omokage, qu’on peut
opposer souvent à l’image visuelle. »
La poétesse Kaga-no-Chiyo, alias Chiyo-jo (1703-75) a perdu un enfant en bas âge. Après
s’être faite nonne à 52 ans, elle était encore fortement marquée par cette absence du petit
diable qui, à l’instar de tous les petits, s’ingéniait à percer de ses petits doigts les fenêtres en
papier shôji :
L’enfant qui déchire / Les shôji n’est plus là / Oh quelle froidure !
Yaburu ko no / nakute shôji no / samusa ka na
破る子のなくて障子の寒さかな
(千代女〈加賀千代〉1703-1775)
Cet enfant absent est pourtant latent, par omokage, dans d’autres tercets. Dans celui-ci,
probablement :
S’il n’était son cri / Le héron serait perdu / Dans l’ombre enneigée
Koe nakuba / sagi ushinawan / kesa no yuki
声なくて鷺失わむ今朝の雪
(千代女)
Le héron étant blanc, il se dissipe dans l’aube neigeuse. Alors on peut se demander si le
pluriel héronné de Maurice Coyaud (2000) ne passe pas à côté de la résonance de l’enfant
passé :
Sans leur cris / On ne verrait pas ces hérons / Neige matinale
Par ailleurs, Maurice Coyaud, toujours dans De fête en fête (2000), donne un exemple du
transfert dont peut être victime le tradaptateur : après avoir raconté les cauchemars qui l’ont
rongé durant la nuit, il les fait déborder sur sa tradaptation d’un délicat tercet de Chiyo-jo :
Papillons quels / cauchemars font / vibrer tes ailes ?
chôchô ya / nani o yume mite / hane-zukai
蝶々や何を夢見て羽づかい
(千代女)
Dis-moi papillon / de quoi as-tu donc rêvé / pour battre des ailes ?
Dans le vaste domaine de l’intraduisible, on rencontre aussi du beaucoup moins subtil, mais
encore plus insurmontable. Livrons tel quel ce tercet bien torché, à l’âge de six ans, par la
poétesse Densute-jo (1634-98), contemporaine de Bashō (1644-94) :
Un matin de neige / un 2 et encore un 2 / qu’écrivent mes socques
Yuki no asa / ni no ji ni no ji no / geta no ato
雪の朝二の字二の字の下駄のあと
(田捨女1634-1698)
Bien sûr, tout Japonais comprend … que les deux ‘dents’ qui ressortent sous chaque socque
en bois impriment dans la neige deux gros traits parallèles en creux. Or les chiffres 1, 2, 3 en
sino-japonais ne sont que des pictogrammes, de un trait, deux traits, trois traits horizontaux.
C’est donc simple comme 2 et 2 font 4. A 6 ans !
Bien que 5 - 7 - 5 soit la forme canonique du haiku, on constate une grande variété de
déviations. Parfois flagrantes, lorsque tel vers comporte un ‘caractère en trop’ ji-amari, ou,
plus rarement, un ‘caractère manquant’ ji-tarazu. Il va sans dire que les ‘défauts’ rythmiques
des tradaptations en français (etc) sont encore plus nombreux. S’agit-il pour autant de
malhonnêteté, de surcroît de liberté, de pauvreté, d’incapacité, d’ego mal maîtrisé ?
Dans sa thèse aux ressources inépuisables, André Delteil (1988) cite une fort intéressante
théorie, à la fois rigoureuse et tolérante, due à Bekku Sadanori (1977), qui consiste à
intégrer tout haiku (ou presque) dans une structure de trois mesures à quatre temps.
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Chaque syllabe ordinaire occupe un demi-temps, de sorte que le premier pentamètre remplit
une mesure, dont le troisième temps donne plus d’importance à la cinquième syllabe,
souvent occupée par un mot de coupe, kireji. Il en est ainsi de furu Ike ya [ + pause] ; la
deuxième mesure est occupée par l’heptamètre, avec un demi-temps pour chaque syllabe,
sauf la septième qui occupe un temps entier : kawazu tobi-komu [ + pause d’un demi-temps],
pour enchaîner aussitôt sur le dernier pentamètre : mizu no oto [ + pause finale ou point
d’orgue]. Chaque trait figuré ici sous une syllabe marque un des temps solfiables de chaque
mesure.
Examinons ce qui se passe avec une ‘déviation » d’Issa, où, pour les besoins de la cause,
l’ironique haikiste cite en deuxième et troisième vers les injonctions des sbires d’un cortège
quelque peu seigneurial : Ecartez-vous ! Place au cheval du Maître !, et dont voici la
tradaptation de Jean Cholley (1996, p. 166-7) :
Petit de moineau / écarte-toi écarte-toi / car passe le cheval du Sire !
Suzume no ko / soko noke soko noke / onma ga tôru
雀の子そこのけそこのけ御馬が通る
(一茶)
Au lieu d’un 5 - 7 – 5 classique, on va devoir, et pouvoir, insérer ce 5 - 8 – 7 dans nos trois
mesures, qui sont de fait toutes prêtes à accueillir ce flagrant débordement des deux
derniers vers : soko noke soko noke, où le premier so occupe le dernier demi-temps de la
mesure du pentamètre du petit moineau, qu’on enjoint de se pousser au plus vite ; et de
même le dernier demi-temps de cette seconde mesure est déjà occupé par la tête du cheval :
onma ga to-o-ru [ + point d’orgue = le cortège est passé et le piaf l’a échappé belle]…
En japonais, certaines voyelles peuvent s’amuïr comme le ‘u’ (prononcer ‘ou’, voire ‘eu’) de
futatsu, mot qu’on prononce couramment ‘ftats’. Néanmoins pour les besoins du pentamètre
de Sekitei, futatsu compte pour trois pieds :
Comme si deux pierres / S’approchent l’une de l’autre / Soir d’automne
Ishi futatsu / ai-yoru-gotoshi / aki no kure
石ふたつ相寄る如し秋の暮れ (原石鼎1886-1951)
On remarque dans la tradaptation d’André Delteil (1991) un phénomène parallèle de nonamuïssement. Par dérision régionale franco-française, postulons que le contraire d’amuïr est
‘midifier’ : alors qu’il n’en a pas l’accent, AD a un nom du Midi et demeure dans le Midi, où
« les lettress sont faitess pour être prononcé-e-ss ». D’où la ‘midification’ du ‘e’ de comme,
et du ‘e’ de l’une pour parfaire le 5 - 7 - 5 en français [en fait 5 - 7 - 3 ici !].
Certains traducteurs - dont AD - peuvent aussi passer allègrement de la synérèse à la
diérèse, quand cela les arrange pour le décompte : pluie (2 pieds) saisonnnière (4 pieds) ; ou
pour faire classe(-ique) : mystérieux (4 pieds).
Il fallait évoquer ces problèmes de petits arrangements stylistiques, mais revenons à nos
trois mesures plus ou moins bien remplies, et retrouvons André Delteil (1988, p.25, note 1),
qui signale que la lecture en public du haiku contemporain ménage [outre le bis] une ou
plusieurs pauses, notamment là où l’effet de coupe, point d’articulation des images, est le
plus important.
De Julien Vocance (1937) voici un tercet où il m’a longemps semblé qu’il manquait deux
pieds au centre :
Silence et fraîcheur / Un plongeon. L’éclair / D’un martin-pêcheur
Mais à la lumière de l’ameublement des mesures de quatre temps, la deuxième peut être en
son centre meublée par la surprise et le suspense d’une valeur de deux demi-temps ;
autrement dit, un temps entier mais dans lequel intervient un silence qui crée un effet de
syncope.
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Enfin voici, pour clore cet exposé, même si j’ai en réserve une coda sur le thème de la
grenouille, une étonnante application possible du déroulement haikien en trois mesures.
Parmi les rares oiseaux qui en ont eu assez du 5 - 7 - 5 bien sage et bien rempli, un certain
Ozaki Hôsai (1885-1926) a contracté, sur une île de la Mer Intérieure en 1925-26, une toux
rédhibitoire mais pas indicible, puisque tragique en 3 x 3 pieds, qui ont été repris de façon
chronique, notamment en Arles en 1990, où des tradaptateurs jouaient volontiers sur la
coïncidence entre toussant et tout seul. Quinze ans après Arles, et près de quatre-vingts ans
après la disparition de Hôsai (1926), nous avons, nous aussi, le front de jouer – de façon
quelque peu cartésienne – avec ses maux et ses mots :
Je tousse / donc je suis / …seul
Seki o / shite-mo / hitori
J’ai beau tousser [je reste] seul [serait plus honnête]
Mettons un point d’orgue sur la scansion possible en trois mesures de quatre temps :
Seki o hmm hmm / shite-mo hmm hmm / hitori hmm hmm
咳をしても一人
(尾崎放哉1885-1926)
En imaginant que les derniers toussotements vont en s’étouffant.
CODA
Grenouille ou raine ou rainette
Pour aborder des siècles d’élucubrations autour du grenouillant tercet de Bashô (1686),
rappelons-en la nippone teneur, et nous examinerons, ensuite, et l’énigme de la (non-)
spontanéité du maître hokkuiste et quelques tradaptations publiées ou non, et enfin quelques
parodies savoureuses.
古池や蛙飛びこむ水の音
(松尾芭蕉
1644-1694)
Furu- ike ya / Kawazu tobi- komu / mizu no oto
‘vieil’ ‘étang’ ! / ‘raine’ ‘sautant’ ‘pénétrer’ / ‘eau’ ‘de’ ‘bruit’
Il est bien connu que Bashô, un jour de printemps, en composa d’abord les deux dernières
mesures, qui lui furent inspirées soudain par le bruit d’une grenouille sautant dans l’eau. Un
de ses disciples, Kikaku, lui suggéra de débuter par Yamabuki ya (jaunes fleurs de kerrie),
mais le maître opta finalement pour Furu-ike ya (vieil étang !). Auteur d’un ouvrage intitulé La
grenouille a-t-elle plongé dans le vieil étang ?, Hasegawa Kai (2005) présente sous un
éclairage nouveau le célèbre tercet.
Dans un article complémentaire de la présentation des thèses de Hasegawa, Dominique
Palmé (2005) précise que selon Ôoka Makoto, qu’elle cite, « si la poésie préexiste à nos
catégories spatio-temporelles, elle peut prendre, quand elle s’incarne dans l’instantanéité, la
forme bondissante d’une grenouille. D’ailleurs… grenouille et vieille mare ne seraient-elles
pas une seule et même réalité ? Parce qu’elle bouscule, - comme les kôan du Rinzai-zen nos certitudes rationnelles, l’interrogation inhérente à ce poème nous laisse aussi étourdis
que le premier être vivant au premier jour du monde…(…) Peut-être que la valeur du haiku
réside moins dans ses qualités esthétiques que dans les réflexions et les rêveries qu’il
suscite en nous… (…). Le poète flotte dans un espace intérieur (…) où il n’est plus
nécessaire de savoir ce qu’on écoute (…). Il s’agit d’un espace de concentration détachée,
qui est aussi celui de la méditation. » [Fin de la citation de D. Palmé, qui nous signale, de
Jean Sarocchi, un article « aussi érudit qu’iconoclaste », « Traduire le haiku ? », proférant
que « Bien traduire le haiku ne se peut ni ne se doit, mais que l’on peut, et l’on doit, bien le
trahir. »]
9
Au deuxième vers apparaît un batracien, bien décidé à se jeter à l’eau mais bien imprécis
quant à sa taille, son âge, sa couleur… et son espèce : même si son joli nom en ancien
français est devenu arboricole, raine ou rainette doivent bien se mouiller de temps à autre. Et
qu’importe au tradaptateur, comme on peut le constater dans les multiples tercets qui suivent,
publiés ou non, presque tous glanés par Dominique Palmé et Alain Briot en 2005.
Petite anthologie des traductions de Furu-ike ya de Bashô (1686)
(par ordre alphabétique des patronymes)
Vieil étang / Au plongeon d’une grenouille / L’eau se brise
(Corinne Atlan & Zéno Bianu)
Sur l’étang mort / Un bruit de grenouille / Qui plonge
(Georges Bonneau)
L’étang éteint / Dans l’eau, qui plonge ? / Floc, la grenouille
(Georges Bonneau)
Paix du vieil étang / Une grenouille y plonge / Un « ploc » dans l’eau
(Nicolas Bouvier)
Une vieille mare / Et, quand une grenouille plonge / Le bruit que fait l’eau…
(Paul-Louis Couchoud)
Le vieil étang / Une grenouille plonge / Le bruit de l’eau
(Fouad El-Etr & Muraoka Kumiko)
Sur le vieil étang / Une grenouille s’élance / Ploc dans l’eau !
(Vadime Eliseeff)
Une vieille mare / Une raine en vol plongeant / et l’eau en rumeur
(Etiemble)
A ma vieille mare / qu’une seule raine plonge / l’eau se met à bruire
(Jacques Gouttenoire)
Le vieil étang / le bruit d’une grenouille / qui saute dans l’eau
(Marquis de la Mazelière)
Le vieil étang / Une grenouille y saute pfloc ! / Le bruit de l’eau
(Roger Munier)
Ya un vieil étang / où rainette va sauter / et bruitera l’eau
(Parên)
Le vieil étang / une grenouille y plonge. / Ah ! Quel bruit !
(Karl Petit)
Le vieil étang …/ Une grenouille plonge / Bruit de l’eau
(Jacqueline Pigeot)
Dans le vieil étang / Une grenouille plonge / Un ploc dans l’eau
(Georges Renondeau)
Ah ! Le vieil étang ! / Et le bruit de l’eau / où saute la grenouille !
(Michel Revon)
Tout un vieil étang / là où saute la grenouille / dans un clapotis
(Dominique Palmé)
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Ah le vieil étang / une grenouille qui plonge / Et le bruit de l’eau
(René Sieffert)
La vieille mare / Une grenouille saute / Le bruit de l’eau
(Kenneth White)
Un mystère persiste – au fond de l’étang à tout jamais peut-être : pourquoi ce tercet
a fait couler tant d’encre, en tant d’eau, autant dans la recherche de la bonne
formulation que dans la parodie. A commencer par trois célèbres hokkuistes de
l’époque d’Edo :
Buson :
Furu ike ni / zōri shizumite / mizore kana
古池に草履沈ミてみぞれ哉
(蕪村)
Traduit ainsi par Joan Titus-Carmel :
Dans le vieil étang / une sandale s’enfonce / ah ! neige fondue
Ryôkan :
Ara ike ya / kawazu tobi-komu / oto mo nashi
新池や蛙飛びこむ音もなし (良寛〈山本栄蔵〉1758-1831)
Un nouvel étang / La grenouille de plonger / Pas un bruit dans l’eau
Sengai, moine zen, qui dès 1811 (passé 60 ans) s’est surtout consacré à la poésie, à la
calligraphie et à la peinture à l’encre. En un tryptique – reproduit ci-après -, il a joint le geste
à la parole pour ironiser sur la grenouille et Bashô ; voici le tercet du volet de gauche :
Furu ike ya / Bashô tobi-komu / mizu no oto
古池や芭蕉飛びこむ水の音
(尾崎放哉 1750-1837)
Dans le vieil étang / C’est Bashô qui va plonger / Fair(e) du bruit dans l’eau
Dans ce dernier tercet, on peut avancer que faute de batracien et de mot de saison – la
grenouille est cataloguée dans les mots de printemps -, on a quitté le haikai-hokku pour
tomber dans un nouveau style, ironique et/ou parodique, le senryû, du nom de Karai Senryû
(1718-90), qui en a fait un genre à part, avec des centaines de milliers d’adeptes vers la fin
du XVIIIè siècle. On peut donc considérer que Buson, Ryôkan et Sengai, qui étaient
contemporains de Senryû, ont ici donné dans le genre senryû. Et à plus forte raison les
tercets qui vont suivre, qui sont tous récents :
Fu-an :
Ya un vieil étang / La nénette glisse et tombe / Un gros bruit dans l’eau
Parên :
Dans le vieil étang / discrètement quand j’y pisse / Oh le bruit de l’eau !
Monparen :
Ah les temps si calmes / quand va sauter la rainette / en l’eau qui bruira
Domi :
Si l’étang est vieux / La grenouille se porte bien / Je vous remercie.
Index des mots en japonais
《用語リスト》
俳諧・haikai /
連歌・renga /
発句・hokku /
句・ku /季語・kigo /
切れ字・kireji /
磨く・migaku /
捻る・hineru /
和歌・waka /
漢詩・kansi /
短歌・tanka /
面影・omokage /
障子・shōji /
字余り・ji-amari /
字足らず・ji-tarazu /公案・kōan /臨済禅・rinzai-zen /
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