Comment la communauté gay de Nice vit-elle le
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Comment la communauté gay de Nice vit-elle le
Comment la communauté gay de Nice vit-elle le débat autour du mariage pour tous ? «Un mariage c’est gay, ça ne peut pas être triste !» EDITO : Un mariage pour tous, oui mais pour qui ? Proposition de loi sur le mariage pour tous Le 7 novembre dernier, le 31ème engagement de François Hollande est adopté en Conseil des Ministres. Le 17 janvier 2013, la commission des lois qui décide de l’adopter à son tour. Une étape importante vient d’être franchie ! Certains diront même qu’elle est «historique». Aujourd’hui, 28 janvier 2013, la proposition de loi fait encore débat et le verdict de l’Assemblée Nationale est attendu avec impatience. De quoi s’agit-il ? Une proposition de loi partant du principe que tous les citoyens français, qu’importe leur orientation sexuelle, sont égaux en droit. Ainsi, le gouvernement retouchera le Code Civil pour que l’on puisse y trouver un article stipulant que le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. Les privilèges accordés aux nouveaux mariés de la République seront les mêmes que ceux instaurés depuis des décennies : - Tous les biens acquis ( ensemble ou séparément durant le mariage ) seront des biens communs. - Toutes les décisions relatives à la résidence principale devront être prises ensemble. - Le droit de réversion sera appliqué : le FRQMRLQWHVWEpQpÀFLDLUHG·XQHSDUWLHGHOD retraite du conjoint défunt. - En cas de divorce, l’un des conjoints peut recevoir une prestation compensatoire. - Le couple aura accès à l’adoption conjointe et à la reconnaissance de l’enfant du conjoint. «Liberté, Egalité, Paternité», «Dieu aime les hommes » : mais où sont les femmes ? À l’heure où la loi du mariage pour tous alimente la polémique nationale, une question demeure au sujet des couples lesbiens. En effet, la proposition de loi se penche sur le statut marital en basculant le terme « mari et femme » à « époux ». Ainsi, aux yeux de la loi, les couples hétérosexuels et gays seraient égaux. Néanmoins, la justice ne prévoit aucune appellation pour les couples exclusivement féminins. Autrement dit, le gouvernement actuel tente de combler une inégalité en en LQWHQVLÀDQWXQHDXWUH,QWHQVLÀFDWLRQODUJHPHQWDPSOLÀpHSDU le langage médiatique utilisant bien maladroitement, et à tort, « mariage gay ». Terme majoritairement réservé à l’union masculine. Cette erreur, certes involontaire, restera malgré tout dans l’Histoire. De ce fait, la réparer serait du plus judiFLHX[&RQVHLOGHÀOOHV« « Mon mariage, ma bataille : un pas de plus vers l’égalité. » Parade de Garibaldi à la Promenade, Nice revendique sa mixité. Cortège au nom du mariage pour tous, « Liberté, Egalité, Homoparentalité ». E galité, reconnaissance, différence... Les maîtres mots des personnes présentes samedi 19 janvier 2013, place Garibaldi au rendez-vous de 14h30 donné par l’association Lesbiennes Gays Bisexuelles et Transgenres (LGBT) de Nice. 22 villes de Province accueillent également l’événement. Mobilisation pluvieuse mais colorée au son de la musique électro. Parapluies et drapeaux DUFHQFLHOÁHXULVVHQWVXUODSODFHQLçoise grâce aux 1500 à 2000 personnes revendiquant le droit au mariage pour tous. Tous veulent des droits : celui de se marier, d’adopter, de s’aimer, tout simplement. Et ils ne reculeront devant rien pour obtenir cette liberté. Florent Santy, membre du centre LGBT est là pour rétablir l’égalité et obtenir une reconnaissance. Au cœur du cortège, des anonymes, des gens de tous les âges, de toutes les couleurs… Epaulant associations et partis politiques : Jeunes Ecologistes, Parti Socialiste, Front de Gauche… Au grand regret de Stéphane Cordier Perier, manifestant venu sans couleur politique : Aujourd’hui je ne milite pas, quand je suis à l’UMP je le fais. Aujourd’hui je revendique ! Cette manifestation et ce débat ne sont pas politiques. Est-ce que l’identité sexuelle est politique ? Non je ne pense pas. Bien évidemment, la politique n’est pas fédératrice en ce jour de manifestation. On s’indigne, on sort OHSRLQJRQHVWFKRTXpKRUULÀpHWHQ colère: 3DUFHTX·DXÀQDOWRXWFHTX·RQ veut, c’est être heureux, comme tout le monde ajoute Mélissa, sourire aux lèvres et rêves plein la tête. Face à un débat national d’une telle envergure, les réactions divergent. Cet après-midi, il y a les optimistes, à l’image de Marion, 19 ans, demeurant pleine d’espoir face à l’avenir de cette loi: Pourquoi des hétéros iraient manifester contre quelque chose qui ne les concerne même pas ? C’est ridicule ! De toute manière, ces actes sont pour moi tout simplement stupides. Depuis quand les gens décident pour le gouvernement ? Qu’ils aillent manifester contre cette loi si ça leur chante ! Moi, je reste optimiste et je sais que je me marierai avec celle que j’aime ! Mais, il y a également les fatalistes, ayant déjà vécu l’homophobie depuis des années et n’ayant plus vraiPHQWFRQÀDQFHHQO·DYHQLUVRFLDOFRPPH Osikovski soupirant sous son parapluie : Je n’espère rien, on ne peut pas rendre les gens plus humains ni les changer. Je suis là pour être là. Dans la foule, la France HVWTXDOLÀpHGHFRQVHUYDWULFHUpWURJUDGH et réactionnaire. Le président du LGBT de Nice s’indigne: Les arguments avancés contre un tel projet ne sont pas valides. Mais on ne peut pas discuter avec eux, et je doute qu’il soit possible de leur faire changer d’avis. Une mobilisation contre l’égalité est perçue comme un anachronisme dans notre 21e siècle. Un retard dans les mentalités, voici ce qui désole Jean-Luc, A la tête du cortège, politiques et associations militent coude à coude. relai d’Amnesty International dans les Alpes-Maritimes : C’est désolant de voir qu’en France, les gens n’ont pas évolué contrairement à l’Espagne par exemple. La future manifestation du dimanche 27 janvier à Paris délie les langues. L’envie de réaliser un coup d’éclat similaire aux « anti » se perçoit : J’espère que les manifestations d’aujourd’hui et de la semaine prochaine feront comprendre à la France que nous sommes tous égaux! clame Sébastien, 18 ans. 15 heures. La musique cesse. C’est le moment du discours de l’organisateur rappelant la raison de la présence de chacun : Ce n’est pas une question de mariage, mais une question de loi !. Des slogans ironiques tels que Folle mais pas frigide ou encore Dieu aime les hommes prouvent que l’on peut réSRQGUHjOD© KDLQHªSDUODÀHUWpHWOD MRLHGHYLYUH$ÀQGHSURPRXYRLUOXWWHU rassembler pour l’égalité. Quelques chiffres niçois 19 janvier 2013 : Nice manifeste en faveur du mariage pour tous. 1 500 à 2000 personnes réunies pour défendre le droit au mariage pour tous. Une vingtaine d’associations niçoises présentes dont Aglaé / LGBT / David et Jonathan / Polychromes... Un guide touristique spécial : « Nice, ville gay friendly ». Confessions côté Glam Même en pleine polémique, la fête et la bonne humeur sont au rendez-vous pour la communauté gay de Nice. Rencontre avec deux habitués de ce haut lieu typique des nuits homosexuelles niçoises. D imanche 20 janvier, 23h. Sainte soirée dominicale dans la nef du Glam. L’ambiance, survoltée et intimiste invite à danser au son d’une musique électro pop électrisante. DJ travesti, piliers du club et petits nouveaux, tous dansent sous fond de spots arc-en-ciel colorant cet espace dédié à la mixité ainsi qu’à l’égalité. Les genres se mélangent, font la fête, évoluent dans la soirée, seuls ou accompagnés. Rencontre d’un habitué souhaitant rester anonyme, détonnant par ses propos : Bien sûr que je suis pour le mariage gay, c’est l’appellation qui me dérange. Je ne suis pas pour le mot mariage. C’est un terme religieux, impliquant l’union de deux hétérosexuels. Le mariage gay, ce n’est pas le même type d’union. Propos surprenants et inattendus de la part de cet homme qui rajoute : On veut juste avoir les mêmes droits, mais je pense que les esprits en France sont loin d’être prêts pour accepter l’union homosexuelle. Le mot mariage est trop IRUWHWDFFHQWXHODGLIÀFXOWpG·DFFHSWDtion de la part de certaines personnes. Puis, plus tard dans la soirée, c’est le gérant du bar, Frank Vermeil, fondateur G·$JODpTXLVHFRQÀHVXUODUpIRUPHGX mariage et de la PMA (procréation médicalement assistée) : La PMA n’est pas le vrai débat, seulement 3 % des gens de la communauté sont parents. On met les enfants au cœur du débat pour agiter les passions alors qu’il faudrait l’axer sur le statut du conjoint. Frank ne se sent pas concerné par le débat centré sur les enfants puisque lui-même n’en veut pas. En couple depuis 15 ans, il s’interroge sur la protection de son conjoint Nous avons monté notre affaire à deux. Mais, ici tout est à mon nom. S’il m’arrive de mourir demain, l’établissement ferme et mon conjoint est à la rue. Il ne trouve pas cette polémique légitime et ne comprend pas les réactions outrées : Ce que les hétérosexuels ne comprennent pas, c’est que leurs droits ne vont pas être altérés, ça ne changera rien pour vous, ça changera tout pour nous. Une avancée reconnue par tous, dont Frank, qui alimentera encore pour longtemps les discussions du Glam. Annick s’offre au regard Rencontre avec une des fondatrices de l’association lesbienne Caram’elles. Annick 57 ans, délivre ses ressentis en tant qu’homosexuelle dans la société actuelle. E lle fait partie de la génération Mai 68, celle des baba-cool et des révolutionnaires. Ceux qui se sont battus pour faire changer les choses, le poing levé, plein de détermination. Son visage, qui ne traduit pas le passage des 57 années, s’illumine d’ambition et de jovialité lorsqu’elle parle de son association «Caram’elles». D’une voix douce et rauque qui transcrit sa lutte et son caractère, elle s’exprime : Notre but est d’aider les couples lesbiens à gérer les problèmes liés à ce statut à part dans une société pas toujours apte à l’accepter. Toujours très souriante, Annick essaie de rester forte en surface, mais elle boullionne à l’intérieur. De la souffrance, une histoire, des moments compliqués, ses yeux traduisent la vérité qui se cache au fond d’elle. Rire à propos de son âge, du fait qu’elle ne pourra plus avoir d’enfant et de son grand nez typiquement arménien; elle sait détourner l’attention. Mais ses yeux transparents de par leur couleur bleu-vert la trahissent : Annick laisse deviner un lourd passé, faisant d’elle la personne engagée qu’elle est aujourd’hui. En se revendiquant fémiQLQHHWÀqUHGHO·rWUHHOOHOLYUHYRORQtiers son opinion sur une société où le problème des lesbiennes est, selon elle, aussi celui d’être femme. Les lesbiennes subissent deux formes de discriminations : le machisme et l’homophobie. Elle nuance néanmoins son propos en précisant que les polémiques autour du mariage pour tous sont peut-être plus centrées sur les hommes, étant plus concernés par le problème de procréation que les femmes. Lorsqu’elle évoque des VXMHWV SOXV GLIÀFLOHV WHOV que la violence verbale ou la discrimination subies parfois par les lesbiennes, elle ne perd pas son large sourire... Mais ses yeux si Annick, 57 ans. singuliers, tels un miroir, UHÁqWHQWFHWWHVRXIIUDQFHHQIRXLHHQHOOH d’esprit et la sympathie de cette femme 6DERQQHKXPHXUQ·HVWSDVVXIÀVDQWH qui se présente comme quelqu’un de pour contrebalancer son manque d’opti- simple, de vrai et d’engagé donnent misme en ce qui concerne les mentali- l’espoir qu’un jour, elle sera reconnue tés françaises : elle ne croit pas en une à sa juste valeur par l’ensemble de la évolution à ce niveau là. Je ne crois pas société française. en la bonté des gens. Mais l’ouverture Au centre du LGBT Interview de François, 64 ans, et Christian, 62 ans. Le premier est adhérant actif et responsable de l’accueil au centre LGBT de Nice, le second est membre du LGBT et représentant du MRAP (mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples). Tous deux tiennent à préciser que les propos qu’ils tiennent dans cette interview n’engagent qu’eux-mêmes. Quelle est votre position sur la proposition de loi en faveur du mariage pour tous ? Christian : J’ai manifesté et appelé à le faire pour l’égalité des droits de tous les FLWR\HQVGDQVXQH5pSXEOLTXHODwTXH,O reste néanmoins très important de préciser qu’il existe deux sortes de mariages: le mariage religieux, et le mariage civil. Que les religieux aient leur propres règles, ça se comprend. Est ce que vous pensez qu’avec l’adoption de cette loi, les mentalités françaises au sujet des homosexuels vont changer ? François : J’espère oui. Mais en même temps, c’est parce que les mentalités changent que la loi va être possible. ,O IDXW TXDQG PrPH XQ PLQLPXP GH consensus pour que la loi puisse passer. Une fois que ce sera le cas, des gens qui étaient pourtant contre au départ, vont l’accepter petit à petit. Est ce que vous pensez que ce débat SHXWrWUHTXDOLÀpGH©SXUHPHQWSROLtique » ? Christian : C’est forcément un débat politique, qui concerne la cité. Malheureusement, on lui a donné un contenu plus politicien que politique. Mais il est vrai que la polarisation du mariage pour WRXVHVWWHOOHTX·LOHVWGHYHQXGLIÀFLOH d’aborder le sujet sans qu’il y ait tout de suite de l’animosité. François : Foncièrement contre, non, SDVjSULRUL,OHVWYUDLTXHO·RQSHXW remarquer que l’opposition met parfois en avant un homosexuel qui est contre, mais on trouvera toujours quelqu’un pour discréditer la communauté, mais ça reste loin d’être une majorité. François, adhérent du LGBT Que ressentez-vous personnellement lorsque vous entendez ou voyez des personnes foncièrement contre le mariage pour tous ? François : Je conçois parfaitement qu’on ne soit pas d’accord avec moi sur plein de questions. Mais, le racisme et l’homophobie, ce n’est pas une opinion : c’est un délit. Je respecte que des idées soient divergentes aux miennes tant qu’elles ne dépassent pas les limites du respect. Est-ce que, au sein du centre LGBT de Nice, vous connaissez des membres qui sont contre le mariage pour tous ? Un «gay» mécontent Lucas, 19 ans, étudiant en architecture, n’est pas contre le mariage pour tous, tout en ne rejoignant pas les positions de la communauté gay dont il fait partie. Te sens-tu seul dans ce cas là au sein de la communauté gay ? Non, je ne me sens pas seul du tout. Par contre je n’adhère pas forcément aux idées des associations (pour et contre). Je trouve que l’on oublie vite les véritables arguments du projet de loi et tous les problèmes qu’ils soulèvent. Une association, tant pour que contre, met en avant certains points en en dissimulant d’ autres... Comment réagis-tu face à toutes ces manifestations ? Je trouve que ces manifestations ont pris XQHDPSOHXUGpPHVXUpH,O\DpYLGHPment des arguments valables et indiscutables des deux côtés mais concrètement peu de gens connaissent le vrai projet de loi... Je trouve ça dommage de vouloir être si démonstratif alors que les homosexuels sont de plus en plus acceptés dans la société. Ces manifestations ne font qu’attiser la haine et multiplier les propos homophobes ! Penses-tu que cette loi va changer quelque chose dans les mentalités ? Je suis partagé quant au changement de mentalités vis à vis des gays. La mise en avant des homosexuels sur la scène nationale pourrait s’avérer être dangeUHXVHHWDPSOLÀHUOHVUpDFWLRQVKRPRphobes... Ecole EDJ Nouvelles, Nice, 2013 J1B LEA Job, SONIA Scarbonchi, CHARLINE Massari, CAROLINE Durand, MARGOT Dasque (rédactrice en chef).