Mise en page 1 - Erica Scourti
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SAISON VIDEO 2011 # 34 Saison Vidéo 2011 Editorial La Saison Vidéo compose ses programmes en associant les films d’esthétiques et de nationalités variées qu’elle reçoit chaque année. Ceux-ci se font l’écho de l’actualité de la création ou remettent en perspective des œuvres plus anciennes projetées avec des travaux plus récents. Cette année, en regard de l’exposition de Marie Voignier à l’Espace Croisé, où son dernier film L’hypothèse du Mokélémbembé, 2011, est à découvrir en avant-première ; Western DDR (2005) est confronté à Balade américaine en Flandres, 2009, de Jacques Lœuille, ancien étudiant du Fresnoy dont nous publions un entretien. La Saison Vidéo s’intéresse cette année aux résidences d’artistes. Celle d’Alexandra David, dans une maison de retraite, contexte qui a priori suscite l’évitement. Un entretien en approfondit les circonstances. L’artiste anglaise Miranda Sharp présente son projet I Love Basildon à artconnexion. Basildon est une ville nouvelle des années cinquante du Comté d’Essex. Le projet a été mis en place par Commissions East à Cambridge. Commissions East est associé à l’Espace Croisé, la Saison Vidéo et artconnexion dans le cadre du programme Face2Face (Interreg IVA). La Saison Vidéo poursuit ainsi la présentation d’artistes anglais : Neil Bryant, Jemima Burrill, Tom Dale, Sarah Dobai, Sarah Doyle, Laura Gannon, Michelle Naismith, Alex Pearl, Miranda Pennell, Erica Scourti, Miranda Sharp, James Stokes, Rachel Wilberforce. Six programmes en ligne sont proposés, deux de plus qu’en 2010. Les rencontres avec des artistes perdurent : Andreas Fohr, Mathias Delfau, Annelise Ragno, Bertrand Dezoteux qui s’est livré aussi à un entretien. Enfin Patrice Goasduff inaugure cette Saison Vidéo 2010 au CAUE du Nord à Lille, en partenariat avec l’ERSEP à Tourcoing, qui accueille par ailleurs Mathias Delfau en mars 2011. Saison Vidéo puts its programs together by associating films with varying aesthetics and of various nationalities, which it receives each year. These echo what is currently going on in film—and art—and give a new perspective to older works screened with more recent ones. This year, with regard to the Marie Voignier show at the Espace Croisé, where her latest film L’hypothèse du Mokélé-mbembé, 2011, can be previewed, Western DDR (2005) is compared with Balade américaine en Flandres, 2009, by Jacques Lœuille, a former Le Fresnoy student, an interview with whom we are publishing. Saison Vidéo is interested, this year, in artists’ residencies. Alexandra David’s, in an old people’s home, a context which, on the fact of it, prompts avoidance by contemporary society. An interview delves deeper into the circumstances. The English artist Miranda Sharp is presenting her project I Love Basildon at artconnexion. Basildon is a new town built in the 1960s in Essex. The project was set up by Commissions East in Cambridge. Commissions East is associated with the Espace Croisé, Saison Vidéo and artconnexion as part of the programme Face2Face (Interreg IVA). Saison Vidéo is also continuing its presentation of English artists: Neil Bryant, Jemima Burrill, Tom Dale, Sarah Dobai, Sarah Doyle, Laura Gannon, Michelle Naismith, Alex Pearl, Miranda Pennell, Erica Scourti, Miranda Sharp, James Stokes, Rachel Wilberforce. Six online programmes are being proposed, two more than in 2010. Meetings with artists are still on the bill: Andreas Fohr, Mathias Delfau, Annelise Ragno, Bertrand Dezoteux, who has also given an interview. Lastly, Patrice Goasduff is inaugurating this Saison Vidéo 2010 at the CAUE du Nord in Lille in partnership with the ERSEP at Tourcoing, which is welcoming Mathias Delfau on march 2011. Mo Gourmelon photographie extraite de I love Basildon, 2009, Miranda Sharp, p. 48 Saison Vidéo 2011 2 1 J A N V I E R - 3 0 AV R I L 2 0 1 1 . R O U B A I X , E S PA C E C R O I S É , L A C O N D I T I O N P U B L I Q U E 14 PLACE FAIDHERBE - 59100 - ROUBAIX - +33 3 20 73 90 71 - [email protected] - www.espacecroise.com MARIE VOIGNIER EXPOSITION DU MARDI AU SAMEDI DE 14 H À 18 H SUR RENDEZ-VOUS POUR LES GROUPES VERNISSAGE LE JEUDI 20 JANVIER À 19 H Depuis quelques années, Marie Voignier déplace - au sein de ses films - la lisière entre la réalité et la fiction. Dans sa nouvelle production L’hypothèse du Mokélé-mbembé, 2011, tournée au Sud du Cameroun et coproduite par l’Espace Croisé et Capricci Films, elle part en quête d’un animal inconnu de la zoologie. L’artiste accompagne Michel Ballot dans son périple. Juriste à Nice, il a renoncé à sa carrière pour endosser le rôle d’explorateur. Sa décision et son destin a priori incroyables participent à l’étrangeté du récit. For some years now, Marie Voignier has been shifting the boundary between reality and make-believe—in her films. In her new one, L’Hypothèse du Mokélémbembé, 2011, shot in southern Cameroon and co-produced by the Espace Croisé and Capricci Films, she sets off in search of an animal unknown to zoology. The artist accompanies Michel Ballot in his wanderings. Once a lawyer in Nice, this latter gave up that career and donned the mantle of an explorer. His decision and his fate, both a priori incredible, are part and parcel of the strangeness of the tale. 2 Saison Vidéo 2011 “Le Mokélé-mbembé est décrit par les Pygmées comme une sorte de grand rhinocéros avec un très long cou, une petite tête et une large queue puissante, capable de renverser les pirogues. Certains Pygmées affirment avoir vu des empreintes de pattes munies de trois griffes dans le sol. Dépourvue de poils, la créature serait brunrouge ou grise. Elle aurait une crête dorsale et n’émettrait aucun cri, bien que quelques témoins prétendent le contraire. Cet animal terrifiant qui ressemble à un dinosaure est présent dans les récits des Pygmées Baka depuis plus de deux siècles. Cependant, son existence n’est pas reconnue scientifiquement. Aucun spécimen, aucun squelette ni aucune dent n’ont à ce jour été portés à la connaissance des zoologistes, qui ne croient pas en l’existence de cette espèce autrement que sur un plan mythologique. Michel Ballot est quant à lui convaincu que les récits de cette région de l’Afrique ont un fond de vérité et que cette bête existe bel et bien. Pour tenter de le prouver, il organise régulièrement des expéditions dans les zones où elle aurait été aperçue. En général, il part accompagné de deux pisteurs pygmées. L’objectif de ces expéditions est double : d’une part explorer les territoires où le Mokele-mbembe a été aperçu, d’autre part aller au devant des Pygmées et collecter leurs récits. L’explorateur évolue dans un univers où la distinction entre ce qui est existe et ce que l’on fantasme n’est plus claire du tout, où le vraisemblable se mêle au légendaire, nous ramenant aux sources du mythe et de la fiction. J’ai proposé à Michel Ballot de faire un film de l’une de ses expéditions. L’intention n’est surtout pas de prendre parti pour ou contre l’existence du Mokele-mbembe ou de parvenir à la résolution de cette question à la fin du film. Je souhaite plutôt faire corps avec l’expédition menée par Michel Ballot, me mettre au service de sa recherche et suivre sa logique aussi loin que possible, jusqu’à ce que le spectateur puisse, en le suivant dans sa recherche et en écoutant les récits des Pygmées, imaginer la bête, la distinguer tapie derrière un buisson ou immergée au fond de la rivière. Le sujet du film n’est donc pas le Mokelembembe. Le sujet du film est la croyance : la croyance d’un homme dans sa quête ; la croyance des Pygmées dans cet animal ; et la croyance éprouvée du spectateur.” Marie Voignier Ce film est mis en relation avec des œuvres antérieures de l’artiste. 3 Saison Vidéo 2011 “The Mokélé-mbembé is described by the Pygmies as a sort of large rhinoceros with a very long neck, a small head, and a powerful tail, capable of upturning pirogues. Some Pygmies say they’ve seen three-clawed footprints in the ground. The creature is hairless, and reddish-brown or grey. It allegedly has a dorsal crest and makes no sound, though some claim the opposite. This terrifying animal which looks like a dinosaur has been present in the Baka Pygmies’ narratives for more than two centuries. But its existence is not scientifically acknowledged. No specimen, skeleton or tooth has to date been made known to zoologists, who do not believe in the existence of this species except on a mythological level. As for Michel Ballot, he is persuaded that the tales from these parts of Africa have a basis of truth to them, and that this beast surely does exist. In an attempt to prove as much, he regularly organizes expeditions to areas where it has apparently been sighted. He is usually accompanied by two pygmy trackers. The goal of these expeditions is twofold: on the one hand to explore territories where the Mokele-mbembe has been sighted, and on the other to encounter the Pygmies and collect their narratives. The explorer evolves in a world where the distinction between what exists and what is fantasized is no longer at all clear cut, where verisimilitude rubs shoulders with legend, leading us to the sources of myth and fiction. I suggested to Michel Ballot that I make a film of one of his expeditions. The intent is above all not to takes sides either for or against the existence of the Mokele-mbembe, nor to reach any solution to this question at the end of the film. I am keen, rather, to be part of the expedition led by Michel Ballot, make myself available for his research and follow his logic as far as possible, until the spectator can imagine the beast by following him in his quest and listening to Pygmy tales, and detect it crouching behind a bush or immersed at the bottom of a river; so the film’s subject is not the Mokelembembe. The film’s subject is belief: one man’s belief in his quest; the Pygmies’ belief in this animal; and the belief experienced by the spectator.” Marie Voignier This film is associated with the artist’s earlier works. 5 Saison Vidéo 2011 JEUDI 3 FÉVRIER 2011 À 19 H 30. LILLE, CAUE DU NORD 98 RUE DES STATIONS - 59000 - LILLE - +33 3 20 57 67 67 - [email protected] - www.caue-nord.com PAT R I C E G O A S D U F F En 2006, La Saison Vidéo présentait 31 Bd. Magenta monté en 2004. De son balcon, un point de vue unique, Patrice Goasduff documentait par un suivi photographique la construction de la médiathèque “Les Champs Libres” réalisée par l’architecte Christian de Portzamparc. La transformation d’un parking de centre ville en gigantesque chantier modifiait les habitudes et les comportements de chacun. Cette dimension sociologique captant les attitudes humaines face à la mouvance d’un chantier vivant et à la technique lourde est retracée dans cette mise en mouvement des photographies. Patrice Goasduff conclut sa trilogie consacrée au chantier avec Le chemin critique réalisé en 2009. In 2006, La Saison Vidéo presented 31 Bd. Magenta, edited in 2004. From his balcony, a one-off viewpoint, using photographic monitoring, Patrice Goasduff recorded the construction of the “Les Champs Libres” Media Centre, designed by the architect Christian de Portzamparc. The transformation of a downtown carpark into a gigantic building site altered everyone’s habits and behaviour. This sociological dimension, capturing human attitudes towards the movements of a live construction site and heavy technology, is traced in this mobile presentation of photographs. Patrice Goasduff wound up his trilogy devoted to the building site with Le chemin critique/The Critical Way, made in 2009. Organisé dans le cadre du cycle “Architectures filmées” 2010-2011 programmé par le Goethe-Institut de Lille et le CAUE du Nord. 18 h 30 : vernissage au CAUE du Nord de l’exposition “Expertise”, restitution d’un workshop, des étudiants de l’Ecole Régionale Supérieure d’Expression Plastique à Tourcoing. 6 RENCONTRE AVEC L’ARTISTE Saison Vidéo 2011 Le chemin critique, 2009, 49 mn Production Vivement Lundi, 40mcube,Tv Rennes 35 Après 31 Bd. Magenta et Parpaing, Le chemin critique est le troisième film d’une trilogie consacrée au chantier que j’ai entrepris en 2004. Chaque film donne à voir un chantier sous une forme différente comme une machine à perturber un espace contraint de la ville, un élément constitutif de la transformation de la vie de tout un chacun, le cadre d’un théâtre des représentations. Trois films, trois points de vue, trois chantiers. Le dernier opus vient en contrepoint du premier qui consistait à observer d’un point de vue unique et extérieur un chantier de construction. Le chemin critique prend le parti pris de pénétrer à l’intérieur d’un bâtiment mis à nu par un chantier de rénovation. Ici, je ne m’intéresse pas à la belle enveloppe extérieure du bâtiment donné à voir aux passants, je montre le chantier interdit au public, les dessous... La rénovation consiste à déposer un décorum, à transformer les espaces et à poser un nouveau décor. Dans ce film, je suis trois personnages qui chacun, selon sa fonction, me permet d’aborder ce chantier de façon complémentaire. Le Gardien, détenteur des clefs et des secrets du bâtiment, c’est lui qui ferme le bâtiment qui mute en chantier. Le Directeur technique, référent de l’utilisateur du bâtiment, il suit l’avancée des travaux. Le Coordinateur des travaux, acteur central du chantier, est chargé de sa bonne marche. Sur un chantier, le chemin critique est le terme employé pour désigner l’organisation des interventions techniques et des tâches à réaliser de manière chronologique jusqu’à la date de fin envisagée du projet. Sur le papier, il prend la forme d’une sorte d’arbre généalogique complexe. C’est dans cet univers que je promène le spectateur, dans un univers de poussière et de béton, dans un univers d’hommes dans lequel chacun tient son rôle. PG 7 Saison Vidéo 2011 Le chemin critique, 2009, 49 mn Production Vivement Lundi, 40mcube,Tv Rennes 35 After 31 Bd. Magenta and Parpaing, Le chemin critique/The critical way is the third film in a trilogy devoted to the building site which I embarked upon in 2004. Each film shows a building site in a different form, like a machine for disturbing a restricted city area, a component part of the transformation of the lives of all and sundry, and the setting for a theatre of representations. Three films, three viewpoints, three building sites. The last work is like a counterpoint to the first, which consisted in observing a construction site, from a one-off, outside viewpoint. Le chemin critique/The critical way adopts the decision to go right inside a building laid bare by a renovation project. Here, I am not interested in the building’s beautiful outside cladding as shown to passers-by; I show the site which is out of bounds to the public, and its underbelly… The renovation consists in creating a decorum, transforming spaces, and making a new décor. In this film, I follow three characters who all, depending on their job, enable me to deal with this site in a complementary way. The Watchman, who holds the keys and secrets of the building, is the person who closes up the building, which turns into a building site. The Technical Director, referent of the building’s users, follows the way the works are progressing. The Coordinator of the works, the site’s central figure, is responsible for the site’s smooth running. On a building site, the “critical way” is the term used to describe the organization of the technical interventions and tasks to be executed in a chronological manner up until the dead line set for the project. On paper, it takes the form of a sort of complex genealogical tree. It is into this world that I take the spectator, into a world of dust and concrete, into a man’s world where everyone has their role. PG 8 Saison Vidéo 2011 F É V R I E R 2 0 1 1 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m DECOLLEMENT DU RÉEL DANS CES CAPTURES DU RÉEL, TRAITEMENTS DE L’IMAGE, PERFORMANCES, MISES EN SCÈNE, LA BANDESONORE CONTRIBUE AMPLEMENT AU DÉCOLLEMENT DU RÉEL. IN THESE CAPTURES OF REALITY, IMAGE TREATMENTS, PERFORMANCES, MISES EN SCENE, THE SOUND TRACK MAKES A CONSIDERABLE CONTRIBUTION TO THE UNGLUEING OF REALITY. Adrienne Alcover Riccetto, 2010, 5 mn 30 Production École Nationale Supérieure d’Arts Paris-Cergy L’été, une fête foraine en Italie, une passerelle circulaire tourne vite, les garçons se risquent au centre, les filles restent assises autour. Le but est de garder l’équilibre. Les plus entraînés utilisent l’accélération du manège pour bondir. Les plus jeunes marchent en rythme, concentrés. Riccetto est le personnage principal de Raggazzi le roman de Pier Paolo Pasolini. AA Summer: a fairground in Italy, a round bridge spins fast, boys risk it in the middle; the girls stay sitting around it. The aim is to keep your balance. The best trained use the roundabout’s acceleration to jump. The youngest walk to the beat, concentrating. Riccetto is the lead character of Ragazzi, Pier Paolo Pasolini’s novel. AA 10 Saison Vidéo 2011 Neil Bryant Packaging, 2009, 2 mn 6 Fabien Rigobert Flanders, 2010, 4 mn 30 Production Musée de Flandre, Cassel ; DRAC Nord – Pas de Calais ; Espace Croisé ; Compagnie l’Oiseau-Mouche, Roubaix Je crée un tableau vidéographique, en référence aux maîtres flamands Brueghel, Jan van Eyck et Rogier Van de Weyden. Avec des acteurs, je travaille le geste et les attitudes, comme dans la peinture où un répertoire d’affect éloigne le récit d’une représentation naturaliste. Le déluge, l’apocalypse ou une dépression atmosphérique s’annoncent. Des protagonistes sont ensemble, visiblement face à une catastrophe. Il y a un incendie et de l’indifférence. FR I am creating a video painting which refers to the Flemish masters Brueghel, Jan van Eyck and Rogier Van de Weyden. I work on gesture and posture with the performers, the technique drawing on the kind of repertoire of codified figurative expressions of emotions that is found in painting, distancing the narrative from naturalist forms of representation. We can sense a coming flood, apocalypse or atmospheric depression. The protagonists stand together, manifestly facing the coming catastrophe. There is a fire and there is indifference. FR Le film est une interprétation libre d’idées ayant trait aux choses définies et indéfinies, altérées et inaltérées, cataloguées et non classifiées. Le film a été tourné au cours d’une série de visites dans des supermarchés du sud de l’Angleterre - des lieux qui semblent passifs et bénins mais qui se trouvent être des lieux de transformation et de production, où notre schéma de consommation définit une identité, une identité dont nous sommes complices mais qu’on nous révèle rarement. NB The film is a broad interpretation of ideas around things defined and undefined, processed and unprocessed, catalogued and uncategorized. The film was shot over a number of visits to supermarkets in southern England, places that seem passive and benign but which are places that have to do with process and product, where the pattern of our consumption defines an identity, an identity that we are complicit in the making of but which is rarely revealed to us. NB 11 Saison Vidéo 2011 James Stokes The Persistence of Vision, 2009, 5 mn 07 Une œuvre très personnelle qui explore plusieurs problématiques à la fois. En premier lieu, un sentiment d’incertitude dans l’environnement géographique de Londres ; ensuite, la sensation qu’une relation va bientôt prendre fin ; et, finalement, la dynamique de vulnérabilité/force qu’implique le fait de se retrouver nu face à une caméra. JS A piece of work that comes from a very personal place, with several issues being explored at the same time. Firstly a feeling of uncertainty in the geographical surroundings of London; secondly a sense that a relationship is going to end soon; and thirdly the vulnerability/strength dynamics of being naked in front of a camera. JS Véronique Hubert Utopia, le cube et les sandales, 2010, 4 mn 02 Tout en chantant “Liberté, chaussures à son pied”, la fée Utopia finit son armure : après le cube prothèse, les sandales-cubes qui émettent des sons et lui permettent de danser et d’expérimenter un charleston étrange. VH Singing: “Freedom, with shoes on”, the fairy called Utopia finishes her armour: after the prosthetic cube, cube-sandals emitting sounds and enabling her to dance and try out a strange Charleston. VH 12 Saison Vidéo 2011 Julia Boix-Vives Couture scratch, 2009, 3 mn 32 Dans l’espace restreint d’une capsule de survie, une femme s’installe dans un hamac pour effectuer quelques retouches de couture sur une poupée à son effigie. Le rythme trépidant du scratchvidéo sur la musique d’Amon Tobin hache cette scène paisible de travail manuel. Les ciseaux apparaissent puis disparaissent, la poupée s’anime, prend la place de l’autre, les membres féminins se mélangent dans un corps à corps inquiétant, on s’attend au pire… JBV In the cramped space of a survival capsule, a woman settles in a hammock to put a few finishing stitches to a doll which is her effigy. The hectic rhythm of the scratch video to music by Amon Tobin shatters this peaceful scene of manual work. The scissors appear then disappear, the doll becomes active, takes the place of the other, its female limbs mixing in a disconcerting hand-to-hand fight, and we expect the worst… JBV 13 Saison Vidéo 2011 J E U D I 1 0 F É V R I E R 2 0 1 1 À 1 8 H 3 0 . VA L E N C I E N N E S , M U S É E D E S B E A U X - A RT S BOULEVARD WATTEAU - 59300 VALENCIENNES - +33 3 27 22 57 20 - [email protected] - www.valenciennes.fr LABAS / LABRIT V I L N I U S / L I T U A N I E - I R B E N E / L E T TO N I E Deux réalités, depuis l’indépendance en 1991, de ce qu’il est convenu d’appeler les Pays Baltes, même s’ils ne partagent pas la même culture, ni la même langue, mais ont en commun l’occupation russe. Marija Linciuté se rappelle de son départ pour la France. Sa langue maternelle, le lituanien, est soustitrée en français. Citoyenne européenne, elle a la possibilité de voyager sans entrave. Les femmes du film de Catherine Dalfin ne profitent pas de cette nouvelle opportunité et ont une vie qui s’enfonce dans la précarité. Leurs paroles ne sont pas traduites. La réalisatrice s’en explique. Two realities, since the independence in 1991 of what are traditionally called the Baltic States, even if they do not share the same culture and language, though they do have in common the Russian occupation. Marija Linciuté remembers her departure for France. Her mother tongue, Lithuanian, is subtitled in French. As a European citizen, she can travel freely in the EU. The women in Catherine Dalfin’s film do not benefit from this new opportunity and lead an ever more precarious life. Their words are not translated. The director explains why. 14 Marija Linciuté Là-bas, Vilnius, 2009, 11 mn 08 Avant de venir en France, je voyageais très peu. De plus, j’avais l’habitude de vivre chez mes parents. Ce voyage m’a permis de me libérer du cocon dans lequel je m’étais enfermée pendant des années. Cela m’a beaucoup marquée et j’ai eu envie de faire une vidéo sur cette expérience. Dans cette vidéo, on m’entend - peu de temps avant mon grand départ pour l’étranger - raconter mes souvenirs, mes interrogations, mes envies. N’ayant pas l’habitude de voyager, je suis bousculée par beaucoup d’émotions, de nostalgie et d’inquiétudes. Il s’agit d’une réflexion sur le déplacement et sur ce qu’il induit comme bouleversements dans une sensibilité en formation. Le mot “Labas” veut dire “bonjour” en Lituanien et en français il désigne une direction. Mes vidéos, en général, proviennent de mes souvenirs et de mon habitude à observer minutieusement les choses quotidiennes. Les projets vidéos et photos sont souvent reliés à mon pays natal : la Lituanie. ML Before I came to France I hardly travelled at all. What’s more, I was used to living with my parents. This trip has helped me to shake off the cocoon I was confined in for years. It’s had a big effect on me and I wanted to make a video about this experience. In this video you hear me—not long before I set off abroad—talking about my memories, my questions, my desires. Not being accustomed to travelling, I am upset by lots of emotions, homesickness and anxieties. What is involved is a line of thinking about displacement and about what it prompts by way of upheavals in a sensibility in the making. The word “labas” means “hallo” or “bonjour” in Lithuanian, and in French it’s a direction. My videos in general come from my recollections and my habit of minutely observing everyday things. The video and photo projects are often linked with the country of my birth—Lithuania. ML 15 Saison Vidéo 2011 Catherine Dalfin Can you go quickly to the sun?, 2008, 44 mn Le camp d’Irbene fut construit en Lettonie par les Soviétiques pour abriter 2000 soldats ainsi que leurs familles et servir de base à un radiotélescope ultra-puisssant chargé d’espionner les communications entre l’Europe et l’Amérique du Nord durant la Guerre Froide. Peu après le départ des militaires, au moment de l’indépendance, quelques personnes s’installèrent sur place. Arrivées là par choix ou par abandon face aux difficultés de la vie, ces personnes m’ont touchée. J’ai eu envie de faire sentir comment on s’approprie un espace limite et comment on y conçoit son bonheur et son malheur. Ou, pour le dire autrement, comment on habite le monde et comment on est habité par lui. Je filme les gens et leur environnement sensible comme on filme un paysage où tout est en surface. Je fonde mon travail sur l’idée de présence au monde, cette chose fragile et silencieuse qui émane de certains lieux et individus capables d’exprimer de façon immédiate et implicite un certain rapport au monde. Je tente de restituer les choses telles que je les reçois au moment où je filme. Pour cette raison, je ne traduis pas toujours les séquences en langue étrangère, choisissant de ne traduire que ce que je parviens moimême à comprendre au moment de la captation d’une situation. Ainsi de la scène où trois femmes sont assises par terre et discutent de ce que signifie “Bonjour madame”. Le sens de cette séquence est moins à chercher dans ce qui se dit que dans la situation, les visages, les attitudes, les gestes, le timbre et l’énergie des voix. Ce qui est étonnant, c’est de s’apercevoir qu’une écoute attentive permet de comprendre une langue qu’on ne connaît pas beaucoup mieux qu’on ne l’aurait d’abord cru. CD 16 Saison Vidéo 2011 Irbene camp was built in Latvia by the Soviets to house 2000 soldiers as well as their families, and act as the base for an ultra-powerful radio telescope designed to spy on communications between Europe and North America during the Cold War. Shortly after the military left, at the moment of independence, one or two people set up home on the spot. Arrived there either by choice or abandonment in the face of life’s hardships, those people touched me. I wanted to get across how it felt to appropriate a space on the edge, and how people conceive their happiness and unhappiness in it. Or, to put it differently, how people inhabit the world and how people are inhabited by it. I film people and their perceptible surroundings the way you film a landscape where everything is on the surface. I base my work on the idea of presence in the world, this fragile and noiseless thing that emanates from certain places and individuals capable of expressing, in an immediate and implicit way, a certain relationship to the world. I try to reinstate things the way I take them in at the moment when I’m shooting. For this reason, I don’t always translate the sequences into a foreign language, choosing to translate only what I myself manage to understand at the moment of capturing a situation. So it is with the scene where three women sitting on the ground are discussing what “Good day, Mrs. So-and-So” means. Then sense of this sequence is to be sought less in what is said than in the situation, the faces, the attitudes, the gesture, the pitch and energy of the voices. What is surprising is the realization that an attentive ear helps to understand a language that you don’t know much better than you first believed. CD 17 Saison Vidéo 2011 S A M E D I 1 2 F É V R I E R 1 6 H 3 0 . VA L E N C I E N N E S , M U S É E D E S B E A U X - A RT S BOULEVARD WATTEAU - 59300 VALENCIENNES - +33 3 27 22 57 20 - [email protected] - www.valenciennes.fr FA I R E F R O N T En parallèle à l’exposition Tenir Debout, la Saison Vidéo propose un programme, dans lequel un protocole a été fixé à l’avance pour l’élaboration de chaque film. Les danseurs du film de Miranda Pennell se doivent de garder le contact avec une caméra qui se déplace de manière inattendue, vite ou lentement, à gauche ou à droite sur un rail. Les parents de Mark Raidpere doivent écouter un morceau de musique en silence, face à la caméra, avant de livrer leurs impressions. JC co-réalisateur du film de Mohammed Bourouissa livre son expérience de la vie carcérale par le biais d’un téléphone portable, selon les instructions de l’artiste. Ces trois dispositifs reposent sur l’attente et la concentration. Ce programme est précédé d’une visite guidée de l’exposition. In tandem with the exhibition Tenir Debout (Standing Up), Saison Vidéo is proposing a programme in which a protocol has been drawn up in advance for the making of each film. The dancers in Miranda Pennell’s film must stay in contact with a camera which moves about in unexpected ways, fast and slow alike, to left and right, on a track. Mark Raidpere’s parents have to listen in silence to a piece of music, looking at the camera, before giving their impressions. JC, co-director of Mohammed Bourouissa’s film, shares his experience of life in prison through a cell phone, based on the artist’s instructions. These three devices rely on expectation and concentration. This programme is being preceded by a guided tour of the exhibition. Miranda Pennell You made me love you, 2005, 4 mn Vingt et un danseurs sont tenus par votre regard fixe. Perdre le contact peut être une expérience traumatisante. MP Twenty-one dancers are held by your gaze. Losing contact can be traumatic. MP 18 Saison Vidéo 2011 Mohammed Bourouissa et JC Temps mort, 2009, 18 mn Production le Fresnoy, studio national des arts contemporains Au départ du projet, je voulais rendre compte de cette vie carcérale par le biais du téléphone portable. Que nous reste-t-il quand on nous prive de la plupart de nos libertés ? Quelles sont les choses essentielles qu’il nous reste et qui font que nous pouvons garder notre dignité d’homme, comme écouter de la musique, regarder le paysage ou la télévision, prier, espérer ?... Mais très vite après avoir reçu des séquences vidéos, je me suis rendu compte que le vrai sujet du film était cette relation entre cette vie carcérale et cette vie à l’extérieur et c’est grâce à cette confiance qu’il a fallu créer à deux que j’ai pris le parti de construire un projet se basant sur des échanges d’expériences et de sensations. MB At the start of the project, I wanted to describe this prison life by way of the mobile phone. What is left for us when we are deprived of most of our freedoms? What are the essential things that we still have, and which mean that we can hang on to our human dignity, like listening to music, looking at a landscape, or TV, praying, hoping...? But very swiftly after receiving video sequences, I realized that the real subject of the film was this relation between this prison life and the life outside, and it is thanks to the trust that it was necessary to create, the two of us together, that I decided to construct a project based on exchanges of experiences and sensations. MB 19 Saison Vidéo 2011 Mark Raidpere Dedication, 2008, 9 mn In a very enclosed ambience, Mark Raidpere asks his parents to listen to a piece of music by the famous Estonian composer of contemporary music, Erkki-Sven Tüür. Complying with a method drawn up by the artist, they first of all have to get ready to listen to the piece, then stay quiet for as long as the music lasts, before giving their impressions. They are filmed in a static shot, close up, in front of a wardrobe with a mirror, where the presence of their son between them can be felt. The video is perpetuating the pictorial tradition which puts the artist’s presence at the core of the work, by means of a carefully studied interplay involving the central mirror-effect process. Reactions differ. The father, as a connoisseur, tries to guess the composer’s name and makes reference to a piece of funeral oration music, as if he were in a situation of mourning near a coffin. While the mother, sporting a faint smile as she listens, says she found it hard to concentrate. The father shows himself totally inspired, while the mother, quite to the contrary, shows something more akin to impassiveness and reserve. It is impossible for her to imagine that acoustic space, pleading tiredness, boredom, and that fact that she is about to drop off to sleep after a sixteenhour working day, which places her intentionally in a hard-working social milieu. Here, Mark Raidpere offers us a touching tribute to his parents. His own celebrity, and his national and international recognition, like the composer’s, make him don the double role of artist and son. Despite the haunting musical quality, the parent’s clashing faces - in this new arrangement which is as spare as you can get, and at the same time carefully composed - hog all the film’s attention. Dans une ambiance très confinée, Mark Raidpere demande à ses parents d’écouter un morceau de musique du célèbre compositeur estonien de musique contemporaine Erkki-Sven Tüür. Selon un protocole défini par l’artiste, ils doivent tout d’abord se prêter à l’écoute, rester silencieux le temps du morceau, avant de livrer leurs impressions. Ils sont filmés en plan fixe et rapproché, devant une armoire réfléchissante où se devine la présence de leur fils entre eux. La vidéo perpétue la tradition picturale qui place la présence de l’artiste au cœur de l’œuvre par un jeu étudié du procédé d’effet miroir central. Les réactions s’avèrent contrastées. Le père tente de deviner le nom du compositeur en connaisseur et se réfère à une musique d’oraison funèbre comme s’il se retrouvait en situation de deuil à proximité d’un cercueil. Tandis que la mère, qui esquisse un sourire pendant l’écoute, exprime sa difficulté de concentration. Si le père se révèle totalement inspiré, la mère, au contraire, fait davantage preuve d’impassibilité et de réserve. Elle serait dans l’impossibilité de se représenter cet espace sonore, arguant la fatigue, l’ennui, l’endormissement imminent après une journée de seize heures de travail, qui la situe délibérément dans un milieu social laborieux. Mark Raidpere nous livre ici un attachant hommage à ses parents. Sa propre notoriété, sa reconnaissance nationale et internationale, comme celle du compositeur, lui font endosser le double rôle de l’artiste et du fils. Malgré la qualité musicale envoûtante, les visages discordants des parents accaparent toute l’attention du film, dans ce dispositif des plus dépouillé et très étudié. Mo Gourmelon, extrait de Mark Raidpere, catalogue éditions Espace Croisé, 2009, p. 25 et 52 21 Saison Vidéo 2011 M A R D I 1 5 F É V R I E R 2 0 1 1 À 1 4 H 3 0 . C A M B R A I , É C O L E S U P É R I E U R E D ’ A RT 7 RUE DU PAON - 59400 CAMBRAI - +33 3 27 72 78 78 - www.esa-cambrai.net L E FA RW E S T C ’ E S T I C I Le mythe américain est envisagé dans deux films. La caméra de Marie Voignier fait revivre un parc à thème western abandonné. Jacques Lœuille filme, dans les Flandres, des adeptes qui s’attachent aux épopées de l’histoire de l’Amérique. The american myth is seen in two films. Marie Voignier’s camera brings back to life an abandoned western theme. In Flanders, Jacques Lœuille films followers attached to the epic sagas of the history of America. Marie Voignier Western DDR, 2005, 10 mn Dès les premières images de Western DDR, 2005, une voix-off dénoue la singularité des prises de vues d’un village fantôme. “Silver Lake City est un parc d’attractions sur le thème du western qui n’aura été ouvert qu’une saison. Un village de cow-boy a été entièrement reconstruit dans un ancien centre de vacances communiste de RDA à Templin au Nord de Berlin. À près de 50 km de la frontière polonaise, Silver Lake City comptera un music-hall, plusieurs saloons, une église, une forge, des boutiques, une banque et un cimetière...”. Il est question dans ce film du passage d’un système politique et économique à un autre, de l’échec d’une conversion. Un choc de cultures, quand le divertissement remplace l’idéologie. Comme une conquête de l’Ouest en accéléré qui n’aurait pas abouti. Si le parc construit à l’emplacement de l’ancien centre de vacances “Pionier” - du nom de l’organisation de la jeunesse communiste fondée en 1948 qui devait forger l’esprit des enfants dans la ligne du parti unique - a aussi fermé ses portes ; la correspondance avec les pionniers du Far West est troublante. Dans ce décor planté, vidé de ses visiteurs, l’apparition par intermittence d’acteurs qui attendent, se préparent et jouent leurs scènes sème le doute entre le présent et le passé. Les enfants Pionier devenus visiteurs potentiels du parc hantent encore les lieux, comme les Indiens et les cow-boys. Les témoignages de la patronne de l’auberge de Templin, de la serveuse, du vieux monsieur à la gare, du gardien raniment de leurs souvenirs et commentaires les images désertées. Mais c’est une voix égale - annulant la diversité des expériences et des attentes - qui parle. From the very first images of the film Western DDR, 2005, a voice-off explains the unusual views of a phantom village. “Silver Lake City” is an amusement park with a Western theme which was only open for one season. A cowboy village was built in a former communist holiday camp of the DDR, in Templin to the north of Berlin. Almost 50 km from the Polish border, “Silver Lake City” had a music-hall, several saloons, a church, a forge, shops, a bank and a cemetery… This film is about the passing of one political and economic system to another, the failure of this conversion. A shock of cultures when amusement replaces ideology. Like an accelerated conquest of the West which didn’t work. The park was built on the former “Pioneer” holiday camp – the name of the Communist youth organisation founded in 1948 which was supposed to form the minds of the children in the unique party line – has also closed its doors; the link with the pioneers of the Far West is troubling. In this planted décor, emptied of its visitors, the occasional apparition of actors who wait, get ready and play their scenes throws a doubt onto present and past. The Pioneer children, potential visitors of the park, still haunt the place, like the cowboys and Indians. The eyewitness accounts of the owner of the inn in Templin, the waitress, the old man at the train station and the caretaker bring life to the deserted images with their reminiscences and commentaries. But it is a uniform voice -cancelling the diversity of the experiences and expectations- which speaks. Mo Gourmelon, in Ideal.loop, catalogue éditions Espace Croisé, Roubaix, 2007, p. 7 et 12 22 Saison Vidéo 2011 23 Saison Vidéo 2011 Jacques Lœuille RENCONTRE AVEC L’ARTISTE Balade américaine en Flandres, 2009, 44 mn Production Le Fresnoy, studio national des arts contemporains Balade américaine en Flandres est un essai documentaire composé de portraits d’adeptes du mythe américain dans le Nord de la France et en Belgique. Ces adeptes sont éleveur de bisons, collectionneur d’armes de la guerre de sécession, résident d’un village indien, membre d’une troupe de théâtre western, ou d’un groupe de reconstitution historique... Ils forment les facettes d’une Amérique archaïque dont l’original aurait été égaré - ou qui habite quelque part en nous tous, identique et différent pour chacun, comme un génome. J’ai commencé à filmer leurs costumes, leurs parures, leurs camouflages, leurs fards et toutes ces peaux des choses. Puis j’ai découvert les subtilités de leurs obédiences respectives : tel cowboy puise dans ses émerveillements d’enfant un monde aux réalités intimes ; tel sudiste de la guerre de sécession recherche une intensification de la vie dans une histoire étrangère où le rôle de l’étrangeté est justement d’accélérer une réalité, mais n’est-ce pas ce que nous attendons de toute fiction ? J’ai lu dans les carnets de Léonard de Vinci que “toute Partie tend à retrouver son Tout pour palier sa propre imperfection”. Cet aphorisme me touche car il manifeste la perte d’une unité originaire, il témoigne d’une sensibilité pour l’éclat et pour l’éloignement. J’ai voulu voir ces américains des Flandres semblables aux îlots de matière dont nous parle de Vinci, et m’y déceler. Tenter de découvrir ce que nous demandons à l’Amérique et qui nous ferait défaut ; ce qu’elle dit de nous que nous aurions exclu de notre discours. JL 24 An american stroll in Flanders is a documentary essay composed of portraits of adepts of the American myth in the north of France and Belgium. These enthusiasts might be bison-breeders, collector of weapons from the American Civil War, “Indian villagers,” a Westerns theater troupe, a group making historical reenactment… all forming various facets of a bygone America whose original has long passed into oblivion — or which lives somewhere within all of us, identical yet different for each, like a genome. I began filming their costumes, their ornaments, their disguises, their make-up, and all these skins of things; then I discovered the subtleties of their respective dispensations: one cowboy draws a private world from the wonder he experienced as a child; another American Civil War Confederate seeks to make life more intense through an alien history in which the role of the foreign is precisely to accelerate the real — but isn’t this what we all expect from fiction? I read in Leonardo da Vinci’s Notebooks that “every part tends to find its whole to compensate for its own imperfection.” This aphorism touches me because it expresses the loss of an original unity; it testifies to a sensibility for dispersion and estrangement. I wanted to envisage these “Flanders Americans” as the little islands da Vinci talks about, and to see myself in them. To try to discover what we want so much from America and what is missing in us; what America says about us that we have shut out from what we can say about ourselves. JL Saison Vidéo 2011 25 Saison Vidéo 2011 Entretien Jacques Lœuille I Feel Closer to Joyce’s Laughter Hélène Dantic : Dans la présentation de votre travail, vous mettez en doute les termes “fiction” et “documentaire”. Par ailleurs, en guise de descriptif de vos vidéos on trouve les expressions “film/vidéo d’artiste à caractère documentaire” ou encore “essai documentaire”. Plus qu’une difficulté à caractériser de manière péremptoire votre propre démarche, faut-il y voir un refus de classification ? Un artiste a-t-il besoin de justifier son rapport à la fiction ou à l’objectivité supposée du documentaire ? Jacques Lœuille : Il ne s’agit pas de justifier mais d’expliciter mon rapport au documentaire. Comme je m’intéresse aux sujets ambivalents, j’essaie de dissiper leur ambiguïté au plus vite. L’ambiguïté est un tour de manche, une imposture ; l’ambivalence rend les choses plus profondes et durables à mes yeux. La fiction et le documentaire s’imbriquent et se mêlent hors des œuvres, à mille niveaux, dans ce qu’on appelle la réalité. Les personnes que j’aime filmer se parent de costumes et chroniquent leurs passions. En incorporant leurs rêves dans la vie courante elles transforment ces couches de fictions en réalités. Les artistes vers lesquels j’éprouve le besoin de revenir – de Pieter Bruegel à Jim Harrison – jouent d’une certaine nudité du réel qui s’accorde à ma sensibilité pour l’ordinaire, les folklores et les mythologies populaires. HD : Cette nudité s’applique-t-elle également à vous et votre approche ? Je pense, notamment dans Essence ordinaire (2008), à vos apparitions soudaines (et parfois subies) à l’image, vos interventions pour tenter de “recadrer” un sujet de conversation ou encore lorsque vous commentez l’incapacité à saisir certaines images “clichés”... 26 JL : La nudité du réel - bien que ce soit une formule - correspond à ce que j’essaie de préserver sans vouloir “faire propre”, c’est-àdire : couper les plans au moment où ils débordent de leur sujet. J’essaie de donner l’impression que ces plans peuvent aboutir à n’importe quoi qui n’est pas forcément le sujet traité. D’une certaine manière j’applique une méthode de montage qui “tourne autour du pot” ; il en est de même pour le commentaire, même si je commence à penser que ma présence physique et/ou sonore est une pollution pour le spectateur auquel je préfère maintenant livrer une image plus crue et peut-être plus énigmatique quant à mes intentions. HD : Une sorte de phénoménologie par la caméra ? JL : Les savoirs que je filme sont ceux d’amateurs qui se transmettent par le mimétisme et la répétition. Ils ne sont pas toujours intéressants en eux-mêmes, d’ailleurs personne ne sait vraiment d’où ils viennent sinon d’une incertaine sagesse populaire. Ils sont autant le mode de transmission que le savoir lui-même. Ces gens m’intéressent car ils cristallisent quelque chose d’invisible en dehors de la pratique de ces savoirs. Ce sont des affections qui servent de fairevaloir à la sensibilité des personnes, même (surtout) quand ce sont des sensibilités étranges. En d’autres termes, ces savoirs disent quelque chose que nous excluons de notre discours. HD : Vous parliez de l’aspect humoristique que peut revêtir la réalité. Certains des sujets que vous choisissez s’y prêtent particulièrement... Cependant dans vos films, nul traitement à la Strip-Tease mais, au contraire, une approche très pudique qui valorise l'individu. JL : Il y a plusieurs rires dans le rire et j’espère relever des éléments drôles sans tomber dans le traitement de Strip-Tease, c’està-dire le voyeurisme. On me met souvent en garde, au moment de l’écriture de mes projets, du ridicule potentiel des choses que je veux filmer. C’est difficile d’expliquer en quoi j’échappe à ce voyeurisme, et peut-être à ce ridicule dont la télévision nous abreuve jusqu’à la nausée. Peut-être est-ce une retenue ou une pudeur car je ne suis pas nécessairement en empathie avec les Saison Vidéo 2011 personnes que je filme bien que je m’abstienne toujours de les juger. C’est une position morale dissoute dans une réponse esthétique. La divergence entre mon approche et celle de Strip-Tease est contenue dans la différence entre l’humour et l’ironie. L’ironie c’est rire du pétrin d’autrui tandis que l’humour c’est rire des embûches de notre condition. HD : On sent qu’une relation de confiance est établie entre les personnes rencontrées et vous-même, comment parvenez-vous à créer ce climat ? JL : Je me comporte très naturellement et comme je suis assez secret et introverti, la non violence de mon intrusion doit aider et peut-être mettre en confiance. Je fais aussi des répétitions avec les gens pour les rassurer quand ils en ont besoin, néanmoins cette relation est assez spontanée : on ne peut pas parler de direction d’acteur stricto sensu. HD : Peut-on voir deux approches distinctes dans votre rapport à la caméra ? L’une très spontanée permettant de saisir des moments sur le vif, accidentels (dont sont issues des images un peu tremblantes), l’autre extrêmement construite (dans laquelle transpirent vos références picturales) qui poserait le sujet et son cadre. JL : Pendant un moment l’idée du journal filmé était très présente et j’ai travaillé pour que ça émane de ma façon de filmer. C’était aussi lié à mon opinion sur les liens entre l’image et le son. C’est quelque chose que je fais moins car je crois que j’ai pris une bifurcation. Ces choses sont plus intégrées, moins “dites”. On me parle souvent du surgissement de références picturales dans ma façon de cadrer. D’un côté, j’en suis content puisque la peinture occupe une place importante dans mon regard. Mais de l’autre, je sais que l’élégance véritable est celle qui ne dénote pas ; et j’ai donc encore à chercher… J’aime quand les cadres sont à la limite du mal cadré, de l’accident survenu. D’où mon goût pour le hors-champ, le bord cadre, le flou, le contre-jour ; mais tout ceci est “orchestré” car je tourne avec une caméra capricieuse et gourmande qui demande des soins de réglage et beaucoup de lumière additionnelle. HD : On peut parler de référence picturale également au travers de la notion de composition, la forme accidentelle que peut revêtir vos images correspond aux sujets eux-mêmes. Dans Balade américaine en Flandres, 2009, on touche là le mythe, des reconstitutions plus que libres de faits historiques. Bien souvent les images en gros plans insistent sur la facticité des événements : une jeep du débarquement avec une plaque d’immatriculation belge, les morts qui respirent... Vous parliez de Pieter Bruegel, j’y retrouve la même approche en tant que spectatrice, se balader dans le tableau à la recherche des détails qui achèvent le tout. Peut-on pousser la comparaison jusque-là ? JL : La navigation visuelle dans la peinture de Bruegel est un vrai manifeste narratif. J’admire la manière de passer de la partie à l’ensemble, de l’anecdote au sujet. Enchâsser des micro-récits dans une trame d’ensemble tout en préservant l’indépendance du détail est une intention de composition qui provient de mon respect de la peinture flamande. Peut-être sous l’influence assimilée de Bruegel, m’est venu cet intérêt pour la façon dont le folklore revisite l’Histoire, pour les bricolages mythologiques, et pour les savoirs populaires qui résistent au spectacle du commerce. HD : Balade américaine en Flandres a été présentée à l’Espace Croisé dans le cadre de l’exposition d’Ali Kazma qui, au fil de ses vidéos, rassemble différents sujets sous le même thème des activités humaines dans le monde du travail. Trouvez-vous des analogies dans la manière dont vous construisez vos sujets, le fait de mettre en relation ? JL : Il y a des liens dans le goût des séries, mais nos démarches sont aussi très différentes car je ne rassemble pas mes sujets sous un thème : je pars d’une sensation. Balade américaine… est partie d’une volonté de filmer l’appropriation de l’Histoire par le folklore, les sociétés d’amateurs, les reconstitutions. Il me semble que ce traitement de l’Histoire provoquait une altération du réel : un glissement. La fiction est quelque chose de difficile à définir malgré le fait qu’on en perçoive distinctement les bords. La fiction s’arrête effectivement lorsque l’on passe à l’acte. Lorsque les personnes 27 Saison Vidéo 2011 que je filme passent à l’acte, elles n’entrent pas dans le réel mais dans le mythe. Lévi Strauss a écrit que pour “accéder au réel il fallait faire abstraction du vécu”. J’aimerais lui demander si l’impossibilité d’abstraction du vécu amènerait à une sublimation mythologique, mais je ne sais pas si ça m’aiderait à filmer. Cette altération du réel me provoque une sensation pleine d’ambiguïté, par delà le vrai et le faux. Elle m’est apparue comme un moment d’accélération vivant et d’intensité bizarre. Le thème de l’Amérique s’est imposé de lui-même dans la mesure où c’est probablement le plus grand véhicule de mythes en tous genres, que tout le monde à son mythe américain, et que l’Amérique n’existe pas, sinon comme une Idée… Octobre 2009 Interview I Feel Closer to Joyce’s Laughter Hélène Dantic: When you show your work, you cast doubt on the words “fiction” and “documentary”. What’s more, in background descriptions of your videos, we find expressions like “documentary-style artist’s video/film” and “documentary essay”. Should we read this as a refusal to be pigeonholed, rather than a difficulty with peremptorily describing your own approach and method? Does an artist need to justify his/her relation to fiction and the alleged objectivity of the documentary? Jacques Lœuille: It’s not a question of justifying so much as explaining my relation to the documentary. As I’m interested in ambivalent subjects, I try to dissipate their amibiguousness as fast as I can. Amibiguousness is a trick, an imposture; ambivalence makes things more profound and lasting, to my eye. Fiction and documentary are dovetailed and mixed, beyond works, on a thousand and one levels, in what we call reality. The people I like filming deck themselves out in costumes and record their passions. By incorporating their dreams in day-to-day life, they transform these layers of fictions into realities. They possibly incarnate what Shakespeare’s Prospero is saying with his: “We are such stuff as dreams are made on…”. The artists I feel a need to return to—from Pieter Brueghel to Jim Harrison—play with a certain reality nakedness, which tallies with my sensitivity towards things ordinary, folklore and popular mythologies. 28 Saison Vidéo 2011 HD: Does this nakedness also apply to you and your approach? I’m thinking, in particular, in Essence ordinaire, 2008, of your sudden (and at times suffered) appearances in the image, your interventions to try and “re-frame” a subject of conversation, or when you comment on the inability to grasp certain “cliché” images… JL: The nakedness of reality—even if it’s a formula—corresponds with what I’m trying to hang on to without wanting to “be clean”, otherwise put: cropping shots when they go beyond their subject. I try to give the impression that these shots can culminate in any old thing which is not necessarily the subject being dealt with. In a way, I’m applying an editing method which “beats about the bush”; the same goes for my commentaries, even if I’m beginning to think that my physical and/or sonic presence is a pollution for the viewer, whom I now prefer to offer a cruder and perhaps more enigmatic image, as far as my intentions are concerned. HD: A sort of phenomenology through the camera? JL: The knowledge I film belongs to amateurs who transmit to each other by mimicry and repetition. It’s not very interesting in itself, and anyway nobody really knows where it comes from, if not from a popular pseudo-wisdom. It’s the manner of transmission as much as the knowledge itself. These people interest me because they crystallize something invisible outside of the practice of these forms of knowledge. They are affections which act as a foil for people’s sensibilities, even (above all) when the sensibilities are strange. Otherwise put, this knowledge says something that we’re barring from our discourse. HD: You were talking about the witty side that reality can have. Some of the subjects you choose are particularly suited to that… Yet in your films there’s no Striptease treatment, but, on the contrary, a very demure approach which enhances the individual. JL: There are several kinds of laugh in laughter and I hope I pick out funny things without falling into the Striptease treatment, i.e. voyeurism. People often warn me, when I’m writing my projects, about the potential ridiculousness of the things I want to film. It’s hard to explain how I dodge this voyeurism, and perhaps this ridiculousness, which TV feeds us ad nauseam. Perhaps it’s a moderation or a modesty, because I’m not necessarily in empathy with the people I film, even though I always refrain from judging them. This is a moral stance dissolved in an ethical response. The divergence between my approach and that of Striptease is contained in the difference between wit and irony. Irony is laughing at other people’s fixes whereas wit, or humour, is laughing at the pitfalls of our condition. I feel closer to Joyce’s laughter. HD: One feels that a relationship of trust is established between the people encountered and yourself. How do you manage to create this atmosphere? JL: I behave very naturally and because I’m quite secretive and introverted, the non-violence of my intrusion must help and perhaps it makes people feel secure. I also do rehearsals with the people to comfort them when they need that, but nevertheless this relationship is pretty spontaneous—we can’t talk about directing actors in the strict sense of the term. HD: Can we see two distinct approaches in your relation to the camera? One very off-the-cuff making it possible to grasp moments on the spot, live, accidental moments (from which slightly tremulous images result), the other extremely constructed (in which your pictorial references come to light), which posits both subject and context. JL: For a moment, the idea of the filmed diary was very present and I’ve worked so that that emanates from my way of filming. It was also bound up with my opinion about the links between image and sound. This is something I’m doing less because I think that I’ve taken a fork (which is possibly a development). These things are more integrated, less “said”. People often talk to me about the upsurge of pictorial references in my way of framing things. On the one hand, I’m very content because painting has an important 29 Saison Vidéo 2011 place in my heart. But on the other hand, I know that real elegance is the kind that doesn’t point fingers: and so I’ve got some looking to do… I like it when the frames are verging on being badly framed, on the verge of having an accident. Whence my fondness for the out-of-shot, the frame edge, blurredness, backlighting; but all this is “orchestrated” because I shoot with a whimsical and greedy camera which demands careful settings and lots of extra light. HD: We can also talk about pictorial reference by way of the notion of composition, the accidental form that your images can have corresponds to the subjects themselves. In Balade américaine en Flandres, 2009, we’re touching on myth, and re-creations that are freer than historical facts. Quite often the close-up images emphasize the artificiality of events: a jeep from the landings with a Belgian number plate, dead people who’re breathing… You mentioned Pieter Brueghel; with him I find the same approach as a spectator, strolling in the picture looking for details which make the whole thing. Can we push the comparison that far? JL: Visual navigation in Brueghel’s painting is a real narrative manifesto. I admire that way of shifting from part to whole, anecdote to subject. Enshrining micro-narratives within an overall plot while preserving the independence of the detail is a compositional intention that stemns from my respect for Flemish painting. Perhaps under the assimilated influence of Brueghel I’ve come by this interest in the way in which folklore revisits History, in makeshift mythological things, and in popular knowledge which withstands the spectacle of commerce. HD: Balade américaine en Flandres was screened at the Espace Croisé as part of the Ali Kazma exhibition which, through his videos, brings together different subjects under the same theme of human activities in the world of work. Do you find analogies in the way you construct your subjects, the fact of liaising things? JL: There are connections in our fondness for series, but our approaches are also very different, because I don’t assemble my subjects under a theme: I start off from a sensation. 30 Balade américaine… is part of a desire to film the appropriation of History by folklore, amateur clubs, re-creations. It seems to me that this treatment of History gave rise to an alteration of reality: a slide. Fiction is something difficult to define despite the fact that we can clearly perceive the edges. Fiction effectively stops when you take action. When the people I film take action, they do not enter reality, but myth. Lévi-Strauss wrote that “to have access to reality it was necessary to make an abstraction of experience”. I’d like to ask him if the impossibility of abstracting experience might lead to a mythological sublimation, but I don’t know if that would help me to film. This alteration of reality provoked in me a sensation full of ambiguity, beyond true and false. It has appeared to me like a living moment of acceleration and weird intensity. The theme of America came to me all on its own insofar as it’s probably the greatest conveyor of myths in every genre, and because everyone has their American myth, and because America doesn’t exist, except as an idea… October 2009 Saison Vidéo 2011 31 Saison Vidéo 2011 JEUDI 17 FÉVRIER 2011 À 10 H. ROUBAIX, ESAAT (ÉCOLE SUPÉRIEURE DES ARTS APPLIQUÉS ET DU TEXTILE) 539 AVENUE DES NATIONS UNIES - 59100 ROUBAIX - +33 3 20 24 27 77 - [email protected] - www.esaat-roubaix.com T R AV E R S É E S L’étendue de la Méditerranée dans ses vis-à-vis et résonances à travers deux films : l’un le portrait d’une ville, Istanbul, avec comme point de départ Tamaris et comme point d’arrivée Marseille; l’autre, le portrait d’une femme qui confie ses souvenirs d’exil liés notamment au pourtour méditerranéen. The vast expanse of the Mediterranean in its comparisons and echoes, through two films: one, a portrait of a city, Istanbul, with, as its point of departure, Tamaris, and as its point of arrival, Marseille; the other a portrait of a woman recounting her memories of exile associated with, among other things, the Mediterranean rim. Erik Bullot Le Manteau de Michel Pacha, 1996, 16 mm, 16 mn Comment et pourquoi l’exotisme persiste sous le documentaire : tel est le motif de ce film tourné à Tamaris et Istanbul selon une voie située entre le journal filmé et le film-essai qui fait alterner de longues déambulations dans Istanbul, des portraits filmés, une visite à Tamaris et un retour à Marseille. EB How and why exoticism is a permanent feature of documentaries: this is the theme of this film shot at Tamaris and Istanbul, based on a method somewhere between the filmed diary and the film-as-essay, alternating long strolls in Istanbul, filmed portraits, a visit to Tamaris, and a return to Marseille. EB. 32 Saison Vidéo 2011 Nora Martirosyan Les Complices, 2008, 40 mn A woman conjures up her family memories, passing from generation to generation, east to west and north to south, around the Mediterranean. History faced with little (hi)stories takes us into different areas passed through by a teenager. Unaware of the past, he visits these places of memory. In the face of a re-made history and a history in the making, the sea between these two destines both separates and assembles. NM. Une femme évoque ses souvenirs de famille, les traversées de génération en génération, d’est en ouest et du nord au sud de la Méditerranée. L’Histoire confrontée aux petites histoires nous transporte dans divers espaces traversés par un adolescent. Inconscient du passé, il visite ces lieux de mémoire. Face à face d’une histoire recomposée et d’une histoire en devenir, la mer entre ces deux destinées sépare et rassemble. NM 33 Saison Vidéo 2011 Une fine lame qui divise Comment se fait intuitivement le rapprochement de deux films ? Vers 1860, nous énonce Erik Bullot, Michel Pacha, directeur des phares de l’Empire Ottoman, frappé par la similitude entre la rade de Toulon et la baie du Bosphore décide, à son retour de Constantinople, de s’installer à Tamaris et construit une réplique architecturale dans l’objectif de prolonger son séjour oriental. Il ira jusqu’à mettre en place, dans la rade de Toulon, un service de bateaux-mouches copiés sur ceux du Bosphore. En 1860, Véra arrière grand-mère de Mayliss Verseils, qui narre l’épopée de son histoire familiale dans Les Complices, réalisé par Nora Martirosyan, est contemporaine de l’abolition de l’esclavage en Russie. Cette concordance de date, toutefois frappante, ne saurait en être la raison suffisante. Mayliss Verseils - qui s’est identifiée à son arrière grand-mère : “femme fantasque, de tête, originale et qui appartenait à une famille de la noblesse terrienne” - déploie son récit face à la caméra. En discours direct, elle épluche inlassablement des légumes. Femme stylée, de ces scènes domestiques éclot toute sa sérénité, sa grâce. Il y a un parti pris, à considérer délibérément le témoignage d’Erik Bullot, tel un journal filmé, additionnant des considérations personnelles ainsi que celui de la protagoniste de Nora Martirosyan, en négligeant abusivement les images filmées, leur beauté, leur composition, leur montage. Les deux films instaurent le voyage. Si l’initiative est personnelle dans le cas d’Erik Bullot, qui berce ses images de sa voix-off et de la sensualité de la musique orientale, les déplacements de la famille de Mayliss Verseils, dans le bassin méditerranéen notamment, résultent de contraintes politiques et économiques. Les deux récits, qui se croisent à Istanbul, subissent un retournement. Le Manteau de Michel Pacha est l’histoire d’une bifurcation. Partir pour quelque chose et en trouver une autre. L’ouverture du voyage permet cette découverte. L’objet initial est la recherche à Istanbul du modèle architectural de la copie construite à Tamaris. C’est un motif de voyage comme un autre qui justifie le déplacement de l’auteur. Mais le présent surgit en force dans cette quête du passé. En effet : “La guerre civile s’est substituée à l’exotisme. Difficile aujourd’hui de voyager sans croiser, tragiquement sous les images, 34 la guerre plus ou moins proche.” Si la côte d’Azur et Istanbul ne dérogent pas à leurs visions de cartes postales, les déambulations dans les rues avoisinant le Bosphore, transforment avant tout l’auteur, lui apportent de nouvelles considérations. “Le voyage est une équation dont l’inconnue est le voyageur”. L’histoire de Mayliss Verseils bascule au cœur du film. Perpétuellement entourée d’enfants qui piochent dans ses légumes et la sollicitent, jouant avec son collier ou faisant apparaître subrepticement dans l’image, la figurine Buzz, elle demeure imperturbable et rayonnante dans l’énoncé de son récit. Tout à coup, elle confie: “Comme ma mère, j’appartiens à une séquence de trois filles, comme il y en a eu tant dans la famille. Il y a eu beaucoup d’enfants. Moi aussi, j’aurais aimé être grand-mère. Mais bon, voilà, avec mon mari, le soir souvent on va à la mer, on regarde les étoiles, il n’y a rien d’autre à regarder”. Dans ce dépit soudain, ce décroché, se lit le triste écart avec les mises en scènes de séquences familiales. La formule d’Erik Bullot resurgit. “En tournant sur soi-même, il semble que le sens de la rotation universelle soit soudain inversé. Nous devenons l’axe d’un monde qui gravite alentour. Voyageurs, nous sommes semblables à une planète dans le ciel des étoiles fixes.” La mère pour Mayliss incarne à la fois l’image d’un bonheur intense et d’une douleur inextricable quand l’Histoire percute celles qui sont vécues. “Notre maman, étendue sur le lit, rêveuse, avec le petit frère dans les bras, ça a été quelque chose de très fort pour moi, j’avais déjà cinq ans, je m’en souviendrai vraiment toute ma vie de cette naissance. Et puis je l’associe toujours aussi à ma mère, quelques années après, étendue sur son lit pleurant, des journées entières. Elle vient d’apprendre que sa mère est morte à Auschwitz.” Des portraits filmés scandent le film d’Erik Bullot : “À travers ces visages exposés à notre caméra percent encore les signes d’une origine mystérieuse. En un sens réactivant les mythes, les signes à nouveau de l’Orient tel qu’un Théophile Gautier pouvait les décrire. L’énigme sous le masque. Le pittoresque”. Ils sont impassibles ou gênés par cette exposition prolongée. L’adolescent, des Complices est quant à lui le relais qui tire le passé, composé de l’Histoire et d’histoires, vers l’avenir. Une jolie scène l’atteste. La femme découpe, cette fois, des betteraves. Elle en fait glisser une sur la table. Il la mange. Elle continue son récit et raconte ses Saison Vidéo 2011 premières bêtises dans l’appartement familial à Casablanca où elle entraîne ses petites sœurs. Il restera toujours silencieux, nul ne sait s’il est attentif ou absent. Il jouera du piano en arrière-plan et en solo de la guitare, driblera sur un terrain en bord de mer ou se déplacera entre les vitrines d’un musée archéologique. Est-il plus attiré par les statuettes antiques que par la destinée de la femme ? Considérant la situation d’un autre exilé, Aziz, Algérien, dont il a rencontré les cousins à Istanbul et qu’il retrouvera à Marseille, pour lui confier, tel un intercesseur, leurs photos, Erik Bullot se demande : “Quand irai-je en Algérie où je ne suis jamais allé ? Retournerai-je bientôt à Istanbul ? Combien déjà de pays me sont interdits ? J’ai voulu superposer le modèle et sa copie, à la manière de cartes géographiques. J’ai découvert une fine lame qui divise.” La mer, elle, emplit l’écran. Mo Gourmelon Erik Bullot, Le Manteau de Michel Pacha, 1996 Focus A thin blade that divides How can two films be intuitively compared? In 1860 or thereabouts, we are told by Erik Bullot, Michel Pacha, director of lighthouses of the Ottoman Empire, struck by the similarity between the Toulon roadstead and the Bay of the Bosphorus, decided, on his return to Constantinople, to set up home in Tamaris. He duly built an architectural replica, with the aim of extending his oriental sojourn. He went so far as to install, in the Toulon roadstead, a river-boat service copied from those on the Bosphorus. In 1860, Véra, great-grandmother of Mayliss Verseils, who recounts the saga of her family history in Les Complices, produced by Nora Martirosyan, was a witness to the abolition of slavery in Russia. This coincidental and nevertheless striking dating is not sufficient reason. Mayliss Verseils—who identified with her great-grandmother—“a capricious woman, headstrong and original, who belonged to the a noble landowning family”— tells her tale looking at the camera. Speaking live, she indefatigably peels vegetables. A well-brought-up woman, all her serenity and elegance blossoms from these household scenes. There is a point taken, if Erik Bullot’s testimony is intentionally considered, like a filmed diary, totting up personal considerations as well as those of Nora Martirosyan’s protagonist, wrongly neglecting the filmed images, their beauty, their composition, and their editing. The two films set up the journey. If the initiative is personal in the case of Erik Bullot, who lulls his images with his voice over and with the sensuality of oriental music, the travels of Mayliss Verseils’s family, in the Mediterranean basin in particular, are the outcome of political and economic limitations. The two narratives, which intersect in Istanbul, are turned inside out. Le Manteau de Michel Pacha is the story of a junction—a bifurcation. 35 Saison Vidéo 2011 Starting off towards one thing and finding another. The journey’s overture permits this discovery. The initial object is the quest, in Istanbul, for the architectural model of the copy constructed at Tamaris. This is a travel theme like any other which justifies the author’s movements. But the present surges powerfully forth in this search for the past. In effect: “Civil war has replaced exoticism. It’s hard these days to travel without coming upon war, more or less close, and tragically under the images.” If the French Riviera and Istanbul do not stray from their post card visions, strolls in the streets near the Bosphorus transform the author, first and foremost, and bring him new considerations. “The journey is an equation whose unknown factor is the traveler.” The story of Mayliss Verseils topples into the core of the film. Forever surrounded by children rummaging in her vegetables and asking her for things, playing with her necklace or surreptitiously bringing into the image the Buzz figurine, she remains imperturbable and radiant in the utterance of her narrative. All of a sudden she says: “Like my mother, I belong to a sequence of three daughters, just like all the others there’ve been in the family. There’ve been a lot of children. Me, too, I would have liked to be a granny. But, you know, that’s the way it is, with my husband in the evening, we often go to the sea and look at the stars—there’s nothing else to look at.” In this sudden fit of pique, this slip, you can read the sad difference with the presentations of family sequences. Erik Bullot’s words loom up again: “If you spin on your own axis, it seems that the direction of universal rotation is suddenly reversed. We become the axis of the a world that gravitates all around. As travellers we are like a planet in the sky of fixed stars.” Mayliss’s mother incarnates both the image of an intense happiness and that of an inextricable suffering, when History hits those that are experienced. “Our mummy, stretched out on the bed, daydreaming, with my little brother in her arms, has something very strong about it for me, I was already five years old, and I’ll really remember that birth all my life. And then I still associate it with my mother, a few years later, lying on her bed crying, for whole days on end. She’d just learnt that her mother had died in Auschwitz.” Filmed portraits punctuate Erik Bullot’s film: “Through these faces exposed to our camera, the signs of a mysterious origin show through. In a sense reactivating myths, signs, once more, of the Orient as 36 someone like Théophile Gautier might have described them. The enigma beneath the mask. The picturesque.” They are impassive or embarrassed by this prolonged exposure. The teenager of Les Complices is, for his part, the stage pulling the past, made of History and (hi)stories, towards the future. A cute scene illustrates as much. This time the woman is cutting up beetroots. She slips one across the table. He eats it. She carries on her tale and tells of her first silly doings in the family apartment in Casablanca, where she drags her little sisters. He will invariably stay silent, nobody knows whether he is attentive, or absent. He will play the piano in the background and a guitar solo, dribble a ball on a pitch by the sea, or move around among the showcases of an archaeological museum. Is he more attracted by the antique statuettes than by the destiny of the woman? Considering the situation of another exile, Aziz, an Algerian, whose cousins he met in Istanbul and whom he will find in Marseille, to give him, like an intercessor, their photos, Erik Bullot wonders: “When shall I go to Algeria, where I’ve never been? Shall I soon return to Istanbul? How many countries am I banned from already? I wanted to overlay the model and its copy, like maps. I discovered a thin blade that divides.” The sea, for its part, fills the screen. Mo Gourmelon Nora Martirosyan, Les Complices, 2008 Saison Vidéo 2011 37 Saison Vidéo 2011 V E N D R E D I 1 8 F É V R I E R À 1 0 H . R O U B A I X , LY C É E J E A N R O S TA N D – B Â T I M E N T A U D I O V I S U E L 361 GRAND RUE - 59100 ROUBAIX - + 33 3 20 20 59 30 L’ I M A G E I M P O S S I B L E L’ABSENCE D’IMAGE, L’ATTENTE D’IMAGE, L’IMAGE QUI PERD SON SENS, L’IMAGE INSOUTENABLE; AUTANT DE DONNÉES D’IMAGES IMPOSSIBLES. ABSENCE OF IMAGE, EXPECTATION OF IMAGE, IMAGE LOSING ITS MEANING, UNBEARABLE IMAGE; ALL SO MANY DATA OF IMPOSSIBLE IMAGES. Bärbel Pfänder Ein Schloss im Meer (Un château en mer), 2008, 12 mn Production Le Fresnoy, studio national des arts contemporains Mon grand-père ne se souvient pas toujours des photos qu’il a prises avant et pendant la Seconde Guerre Mondiale, en Allemagne, en France et en Russie. Sa mémoire s’affaiblit, je me demande comment se compose cette histoire fragmentaire individuelle et collective. BP My grandfather does not always recall the photos he took before and during the Second World War, in Germany, France, and Russia. His memory is failing, and I am wondering what this fragmentary individual and collective history is made up of. BP 38 Saison Vidéo 2011 Sirine Fattouh Sans, 2007, 22 mn 30 Sans est une vidéo tournée durant l’été 2007 à Tripoli et à Nahr-El-Bared, lieux des affrontements entre l’armée libanaise et les miliciens du Fatah Al Islam. La vidéo cherche à rendre hommage au lourd travail des journalistes et des photographes en période critique et à mettre l’accent sur les situations humoristiques qui peuvent se déclencher durant les moments de grandes tensions et de violences. Sans consiste à suivre un photographe libanais de l’AFP qui travaillait à Nahr-El-Bared pendant toute la durée des événements et à capturer l’ambiance tragique des bombardements. La vidéo s’est peu à peu transformée en raison des longues attentes qui ont été imposées par les trêves des combats. Un déplacement d’une ambiance lourde et tragique vers une prise en compte de l’environnement direct des photographes et journalistes, s’est effectué. SF Sans is a video made during the summer of 2007 in Tripoli and Nahr-El-Bared, places where the Lebanese army clashed with Fatah Al Islam militiamen. The video seeks to pay tribute to the serious work of journalists and photographers in a critical period, and emphasize funny situations which can be triggered during moments of great tension and violence. Sans consists in following a Lebanese AFP photographer who was working at Nahr-El-Bared throughout the events, and capturing the tragic atmosphere of the bombardments. The video underwent gradual changes because of the long periods of waiting imposed by truces in the fighting. A shift is made from a heavy and tragic atmosphere towards a consideration of the direct surroundings of the photographers and journalists. SF 39 Saison Vidéo 2011 Philippe Rouy Cheval Blême, 2009, 3 mn 55 Le 17 juillet 1939, un homme a été publiquement guillotiné devant une caméra. Les yeux d’un cheval n’en sauront jamais rien. PR On 17 July 1939 a man was guillotined in public in front of a camera. The eyes of a horse will never know anything of it. PR Marie Voignier Hearing the shape of a drum, 2010, 17 mn Co-production 6ème biennale d’art contemporain de Berlin et le Centre d’art contemporain de Brétigny Hearing the shape of a drum suit le déchaînement médiatique qui accompagne un procès retentissant en Autriche, celui du “Monstre de Amstetten”. Des centaines de journalistes et d’équipes techniques forment pour quelques jours une communauté éphémère qui compose la géographie du film. La presse est confrontée à une difficulté majeure : l’absence d’image, puisque le procès se tient à huis clos. Au delà de l’observation de la fabrication coûte que coûte d’images et de sujets, là où on ne sait rien et où on ne voit rien, le film pose la question de la présence d’une artiste sur le même terrain que les journalistes et avec les mêmes outils de production d’images et de sons. MV Hearing the shape of a drum the media frenzy that goes along with a headline trial in Austria, that of the “Monster of Amstetten”. For a few days, hundreds of journalists and technical crews form a fleeting community which makes the film’s geography. The press is faced with a major difficulty: the absence of imagery because the trial is held behind closed doors. Over and above the observation of the manufacture, whatever the cost, of images and subjects, precisely where people know nothing and see nothing, the film raises the question of the artist’s presence on the same turf as the journalists and with the same image and sound-producing tools. MV 40 Saison Vidéo 2011 Saison Vidéo 2011 M A R S 2 0 1 1 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m CAN YOU HEAR ME? DES MESSAGES AUX MULTIPLES EXPRESSIONS MESSAGES WITH MANY DIFFERENT EXPRESSIONS Mélanie Poinsignon Est-ce que vous m’entendez ? 2009, 1 mn Un homme prononce en silence la phrase : Est-ce que vous m’entendez ?, tandis qu’une femme la traduit en langage des sourds. Il se fait de plus en plus insistant. C’est alors le corps qui parle dans une urgence à se faire comprendre. In silence a man says: Can you hear me?, while a woman translates it into sign language. He becomes more and more emphatic. So it is the body talking with an urgent need to be understood. 42 Saison Vidéo 2011 Firat Bingöl I’m an artist, 2009, 46 s Nous voyons une personne qui s’exerce à l’anglais. Il conjugue le verbe être sous la forme “Je suis un artiste / Tu es un artiste…” Le personnage engendre un discours ironique en utilisant des méthodes d’apprentissage et de “mémorisation” de l’anglais afin de ne pas oublier qu’il est un artiste. L’intrusion soudaine du père – qui jure en kurde et lance “ne fais pas l’artiste” (une expression à la fois turque et kurde qui signifie “frimer, se la jouer”) – accentue l’ironie de la scène. FB We see a character who does exercises to learn English. He conjugates to be as “I am an artist / You are an artist …” The character creates an ironic discourse by using learning and ‘memorizing’ methods in English, and in order not to forget that he is an artist. The father’s sudden entry- by swearing in Kurdish and saying “don’t make artistry” (a saying both in Turkish and Kurdish, meaning “show off, make a great display…”) –makes the scene more ironical. FB 43 Saison Vidéo 2011 Laura Huertas Millan China Daily, 2008, 3 mn 12 Production École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris Reprise ironique de l’horoscope du journal China Daily, quotidien chinois contrôlé par l’Etat. Une jeune fille en costume de spectacle énonce les signes astrologiques en conseillant aux spectateurs de ne pas s’endetter, de bien suivre les ordres de leur chef, de ne pas avoir d’initiative propre. En arrière plan s’inscrivent des paysages quotidiens chinois, démolitions, reconstructions, chantiers. Les propos de la présentatrice, étrange mélange de doctrine confucianiste et d’asservissement ultra capitaliste sont mis en dialectique avec ces scènes de la vie quotidienne. LHM Ironical take-up of the horoscopes in the Statecontrolled China Daily newspaper. A young girl wearing a show costume lists the astrological signs, advising viewers not to run up debts, to follow their boss’s orders, and not do things on their own initiative. In the background there are everyday Chinese landscapes, demolitions, reconstructions, building sites. The announcer’s ideas, an odd mix of Confucian doctrine and ultra-capitalist subordination, are set in a dialectical way amid these scenes of daily life. LHM 44 Saison Vidéo 2011 Laurent Mareschal Capitales, 2009, 3 mn 41 Capitales is set in an exhibition venue. A man, with a bag with holes in it in his hand, spills kilos of alphabet noodles in lines or in small piles depending on the time spent in front of each work. Here I trace my itinerary, but above all I quantify time, it’s as if I were walking with a huge egg timer. Why alphabet noodles? Because when I look at an exhibition I experience a host of sensations and emotions, lots of ideas spring to mind, but they have not yet become words. LM Capitales investit un lieu d’exposition. Un homme, un sac percé à la main laisse échapper des kilos de pâtes alphabets en ligne ou en petits tas en fonction du temps passé devant chaque œuvre. Ici je trace ma déambulation, mais surtout je quantifie du temps, c’est comme si je me promenais avec un sablier géant. Pourquoi des pâtes alphabet ? Parce que quand je regarde une expo j’éprouve une foule de sensations, d’émotions, plein d’idées me traversent l’esprit, mais elles ne sont pas encore devenues mots. LM 45 Saison Vidéo 2011 Nicolas Carrier Hi, Bruce, 2010, 3 mn 23 Erica Scourti Citizen Choice, 2010, 5 mn 33 Sur un plateau de tournage déserté, un homme déambule entre les spots. Il proclame des paroles de Bruce Wayne puisées dans les six films de Batman. Silhouette disparaissant dans l’ombre du décor, l’incarnation de la doublure montre l’effacement du charisme du héros et de l’acteur sous une couverture mondaine. NC On a deserted film set, a man strolls between the spots. He recites Bruce Wayne’s lines taken from the six Batman films. Silhouette vanishing in the shadow of the décor, the incarnation of the understudy shows the erasure of the charisma of the hero and actor in an urbane guise. NC Des podcasts prônant la pensée positive, couvrant tous les sujets, de l’abondance et la prospérité à la famille et aux relations harmonieuses, sont montés ensemble et accompagnés de vidéos fournies par Getty pour raconter une histoire de liberté de choix et remise en question de soi dans la société de consommation. ES Positive thinking podcasts covering everything form abundance and prosperity to family and successful relationships, are cut together and accompanied by stock videos supplied by Getty to tell a story of freedom of choice and self-actualization in consumer society. ES 46 Saison Vidéo 2011 Marko Mäetamm Car ride, 2008, 3 mn 16 Cette œuvre traite de la façon dont les choses ont parfois l’air si différentes de ce qu’elles sont vraiment. Un vendredi matin ensoleillé du mois de mars, j’ai embarqué ma ravissante femme et mes deux merveilleux enfants dans notre Honda Civic et nous sommes partis passer un weekend à la campagne. MM This work is about how something looks very often different from how it actually is. One beautiful Friday in early March I put my lovely wife and two wonderful kids in our Honda Civic and we took a ride to spend a weekend in a country side. MM 47 Saison Vidéo 2011 M A R D I 8 M A R S 2 0 1 1 À 1 8 H 3 0 . L I L L E , A RT C O N N E X I O N 9 RUE DU CIRQUE - 59000 LILLE – + 33 3 20 21 10 51 - www.artconnexion.org - [email protected] MIRANDA SHARP RENCONTRE AVEC L’ARTISTE I Love Basildon, 2009, 7 mn Commande de l’Essex County Council avec le soutien de l’Arts Council. Mis en place par Commissions East Commissioned by Essex County Council and supported by Arts Council England. It is managed by Commissions East. I Love Basildon émane d’une résidence dans le quartier de Laindon à Basildon, une ville nouvelle ouvrière de l’après-guerre dans le Comté d’Essex. Après une formation spécifique de douze semaines, Miranda Sharp y incarne le rôle d’une manucure des années cinquante (les années de construction de cette ville). Elle rentre ainsi en contact avec les habitants du quartier au sens propre et figuré : par la dextérité de son toucher et l’attention accordée. En échange de cette délicate et surprenante action gratuite, les habitants conversent avec l’artiste et se livrent à des considérations qui relatent l’esprit du lieu. Le Genius Loci, tel était l’objet de cette résidence. Miranda Sharp entremêle, en sept minutes, espace public et privé dans le plus grand respect d’autrui bannissant le voyeurisme et ce malgré la poignance et la violence de certaines confidences retranscrites dans son journal. Le film dévoile l’étrangeté d’un protocole où l’artiste vêtue d’un costume rétro de manucure déambule dans Basildon et se prête à un face à face avec ses habitants. Ceux-ci, malgré la crise touchant leur ville, font preuve d’un attachement à leur lieu de vie. 48 I Love Basildon results from a residency in the Laindon neighbourhood of Basildon, a new postwar working-class town in the county of Essex. In it, after special training lasting for twelve weeks, Miranda Sharp incarnates the role of a 1950s’ manicurist (that was the period that saw the construction of this town). So she comes into contact with the neighbourhood residents, figuratively and literally: through the dexterity of her touch, and the attention granted. In exchange for this delicate and surprising gratuitous action, the residents talk with the artist and offer observations about the spirit of the place. The Genius loci, this was the object of this residency. In seven minutes, Miranda Sharp intermingles public place and private space in the greatest respect for others, rejecting voyeurism, and this despite the poignancy and violence of certain confidences transcribed in her diary. The film reveals the strangeness of a procedure where the artist dressed with a 1950’s beauty parlour costume strolls around Basildon and readies herself for direct encounters with its inhabitants. These latter, despite the crisis affecting their town, show an attachment to the place where they live. Saison Vidéo 2011 Extrait du journal Samedi, 11 juillet, 2009 Pour l’instant, j’ai fait trente cinq manucures en six jours. J’ai été le témoin d’un vol à l’étalage depuis ma position en vitrine dans le magasin Sue Ryder. On m’a raconté des choses sur des décès, des tumeurs cérébrales, des ruptures, et des violences domestiques, “mon petit ami me frappe tu vois”, des enfants mort-nés, des bagarres à mains nues à cause de l’alcool et des gens faisant l’amour dans le train (d’après une femme de quatre-vingts ans). Une femme invoqua la raison suivante pour refuser une manucure : “J’aime tellement frapper les gens et les longs ongles m’en empêchent”. Une femme de 22 ans partage sa douleur d’avoir perdu son bébé avant terme, à 32 semaines. Pendant les tentatives pour sauver son fils, on l’a transférée dans un centre spécialisé à Hertfordshire. Elle a détesté quitter Basildon. Elle ne peut pas s’imaginer habiter ailleurs. Si l’on dépasse les clichés des ragots concernant la classe ouvrière de banlieue ; il existe une réalité et une franchise unique qui m’ont impressionnée. Je trouve davantage de chaleur et d’ouverture d’esprit dans cette investigation que dans n’importe quelle autre tentative de mes travaux précédents. Cette communauté semble avoir accepté une femme de classe moyenne de la ville voisine de Billericay. Pour certains, je suis leur styliste personnelle du style des années cinquante. (Je ne fais pas la manucure française ou artificielle ; c’est le stade plus avancé). Pour d’autres, je suis une artiste qui est vraiment de leur côté et qui veut se mettre dans la peau de Basildon. Qu’est-ce que la ville signifie pour eux? Pour les vrais Eastenders, les Plotlanders qui ont déménagé et qui ont acheté des terrains pour le week-end, qui sont devenus leurs résidences permanentes pendant la guerre ; Basildon est synonyme “d’air frais”. Basildon Corporation fut établi par le Gouvernement en réponse aux mauvaises installations sanitaires de Plotlands. J’ai appris qu’il y avait sans cesse des inégalités à propos de la provision de logements. Laindon est vraiment dans sa dixième année de régénération. Les résidents font face à une existence incertaine et ils ne savent pas quand leurs bâtiments ou leurs maisons seront démolis. La communauté n’est pas établie. Il y a un esprit de lieu intangible ici qui semble s’établir non pas des alentours à proprement dit, mais d’une notion bien établie des relations avec les amis et la famille, c’est un échange véritable et significatif. Quand ce lien de la famille est faible ou absent, par exemple dans la psyché des mères de 19 ans, Basildon ne signifie “rien”. Pourtant de nos conversations j’en retiens qu’il est évident que leurs bébés sont un nouveau début, le début d’un sens renouvelé de la famille et de l’appartenance. MS 49 Saison Vidéo 2011 Field Diary Extract Saturday, 11th July, 2009 So far, I have performed thirty five manicures in six days. I’ve witnessed shop lifting from my prime position in the Sue Ryder shop window. I have been told about people’s deaths, brain tumours, break-ups, domestic violence, “my boyfriend hits me you see,” stillbirths, fist fights over spilt drinks and sex on trains (from an eighty year old woman). One woman declines to have a manicure for the following reason: “I like hitting people too much and long nails get in the way you see.” A woman, aged 22, shares with me the pain of losing her unborn baby boy at 32 weeks. During the attempts to sustain her son’s life they were transferred to specialist care in Hertfordshire. She hated leaving Basildon. She can’t imagine living anywhere else. If you get beyond the initial tabloid stereotype of an essentially working class new town community, there is a reality and a unique frankness that blows me away. I find more warmth and openness to my research than any other previous attempt in past work. This community seems to have embraced this middle class girl from the neighbouring town of Billericay. For some I’m their very own personal 1950s-style mobile nail technician (I don’t do tips or acrylics; that’s the advanced course). For others I’m an artist who is genuinely on their side and wants to get under the skin of Basildon. What does the town mean to them? For the original Eastenders, the Plotlanders who moved and bought plots of land for makeshift weekend retreats which turned into permanent homes during the War, Basildon means “fresh air”. Basildon Corporation was set up by the government in response to the poor sanitation of the Plotlands. I learn of the continued inequalities in housing provision. Laindon is well into its tenth year of regeneration. Residents face a limbo-like existence not knowing when their tower blocks, their homes, are being pulled down. 50 The community is unsettled. There is an intangible spirit of place here which seems to lie not in the physical surroundings but in a deeply-held notion of family relationships and friendships, and in genuine, meaningful exchange. When this connection to family is weak or absent, for example in the psyches of 19 year old mums, Basildon means “nothing”. Yet from our conversations it becomes evident that their babies are the new start, the beginning of a renewed sense of family and belonging. MS Saison Vidéo 2011 Une femme vient nous voir avec des bouquets d’œillets et pour me montrer la qualité de tenue de son vernis à ongles rouge. Elle nous déclare ensuite qu’elle ne supporte plus de se retrouver seule chez elle. Ce matin, on lui a diagnostiqué un cancer du sein en lui disant qu’il serait impossible à traiter. “Le médecin m’a dit qu’il m’écrirait une lettre pour m’expliquer”. Elle a travaillé comme technicienne supérieure en cardiologie à l’hôpital de Basildon pendant quarante-deux ans. Elle semble être sous le choc. Elle connaît la musique mais sa peur est palpable. J’enlève son vernis rouge et en applique une nouvelle couche, mais je ne peux m’empêcher de m’imaginer ces ongles rouge sang dans la salle de consultation au moment de la lecture du diagnostic. Je me demande si le spécialiste a remarqué ses ongles. MS One woman comes back with bunches of carnations for us and to show me how well her red nails had lasted. She then tells us that she can’t bear to be alone at home. This morning she had been given a diagnosis of breast cancer and was told it wasn’t going to be treated. “The doctor said he’d write me a letter to explain.” She worked as a senior cardio technician at Basildon hospital for forty-two years. She seems to be in shock. She knows the score but her fear is tangible. I take off the red and give her a new coat of varnish but can’t help but visualise these blood red nails in the consultation room as her diagnosis is read out. I wonder if the consultant had noticed her nails. MS diary extract 17 July 2009 51 Saison Vidéo 2011 M E R C R E D I 1 6 M A R S 2 0 1 1 À 2 0 H 3 0 . L I L L E , C E N T R E D ’ A RT S P L A S T I Q U E S E T V I S U E L S 4 RUE DES SARRAZINS – 59000 LILLE – +33 3 20 54 71 84 - [email protected] - www.mairie-lille.fr/fr/culture ANDREAS FOHR RENCONTRE AVEC L’ARTISTE Der Gang aufs Land (Les mamelles de la vérité) La marche vers la campagne (Les mamelles de la vérité), 2010, 27 mn 30 En 1979, j’ai vu l’exposition Monte Verita/Les mamelles de la vérité sur une colline, près d’Ascona, en Suisse, endroit magnifique et étrange où à partir de 1880 toutes sortes de gens se sont installés et ont essayé de vivre comme ils avaient envie de le faire. J’ai su plus tard que cette exposition, qui m’avait beaucoup impressionné, a été documentée et mise en scène par Harald Szeemann, dans le paysage même.Trente ans plus tard, j’y suis retourné, un peu par hasard, et l’exposition venait de fermer ses portes, la veille, mais aucun moyen de la revisiter une dernière fois. Trop dangereux à cause de la vétusté du bâtiment. Elle a été ouverte pendant 30 ans, sans qu’on ait bougé quoi que ce soit. L’eau rentrait par le toit. J’ai pris alors quelques images, à l’extérieur et aux alentours, pour m’aider à me souvenir. Le film Der Gang aufs Land (titre emprunté à l’élégie de Friedrich Hölderlin), capte et croise différentes voix, à différents moments, qui semblent participer à un même dessein. Il juxtapose un lieu à son en-face, le d’où l’on entend ce vers quoi on regarde. AF 52 Saison Vidéo 2011 In 1979, I saw the exhibition Monte Verita/Les mamelles de la vérité (Mount Truth/The Paps of Truth), on a hill near Ascona, in Switzerland, a splendid, strange place where, in 1880, all sorts of people set up home and tried to live the way they wanted to. I later on learnt that that show, which made a great impression on me, was documented and presented by Harald Szeemann, in the actual landscape. Thirty years later, I went back there, a bit by chance, and the show had just closed, the day before, but there was no way of visiting it a last time. Too dangerous because of the dilapidated state of the building. It stayed open for 30 years, and nobody had moved anything whatsoever. Water leaked through the roof. So I took a few pictures, outside and roundabout, to help me remember. The film Der Gang aufs Land (title borrowed from the elegy by Friedrich Hölderlin) captures and mixes different voices, at different moments, which seem to take part in one and same design. It juxtaposes a place with its vis–a-vis, the whence you hear with what you are looking at. AF 53 Saison Vidéo 2011 JEUDI 17 MARS 2011 À 14 H. TOURCOING, ÉCOLE RÉGIONALE SUPÉRIEURE D’EXPRESSION PLASTIQUE 36 BIS RUE DES URSULINES - 59200 TOURCOING - + 33 3 59 63 43 20 - [email protected] - http://www.tourcoing.fr/ersep M AT H I A S D E L FA U RENCONTRE AVEC L’ARTISTE 8, 2010, 17 mn un film d’animation 3D adapté de la pièce de théâtre 8 de Noëlle Renaude L’artiste Mathias Delfau développe en parallèle une activité de graphiste. Il est invité à présenter son travail d’adaptation de 8, pièce de théâtre de l’auteur Noëlle Renaude. Ignorant l’oralité, le corps de l’acteur, le jeu, les éléments habituels dramaturgiques ; l’espace de fiction est ainsi revisité. Les déplacements supposés des acteurs dessinent des lignes sinueuses. Les dialogues apparaissent en strates et les didascalies colorées résolvent l’identification des acteurs. Une bande-sonore, le déroulé d’un plan et le clignotement d’images situent l’action. The artist Mathias Delfau is developing a parallel activity as a graphic designer. He is being invited to show his adaptation of 8, a play by Noëlle Renaude. Sidestepping orality, the actor’s body, the acting itself, and the usual dramatic elements, the space of fiction is revisited. The supposed movements of the actors make sinuous lines. The dialogues appear in strata and the colourful stage directions solve the actors’ identification. A soundtrack, the unfurling of a plan, and the flashing of images all situate the action. 54 Saison Vidéo 2011 Après avoir travaillé avec Noëlle Renaude à la mise en page d’Une belle journée et de Topographie, où la recherche portait sur une mise en espace du déroulement du texte sur la page, j’ai cherché à mettre en scène une partie de sa pièce 8 dans l’espace 3D et le temps d’un film d’animation. Ce travail est la rencontre entre une recherche picturale abstraite et une situation incarnée par les cinq personnages de la pièce. 8 est avant tout un procédé, celui de ne pas donner à voir, ni à entendre la pièce telle qu’elle pourrait être jouée sur scène, mais à montrer les traces qu’elle pourrait produire. Ne pas chercher le sens mais le laisser apparaître dans les traces laissées par ces phrases qui sont dites, sans trop réfléchir à leurs portées, au gré de l’action. Ces phrases restent et influent sur le déroulement, dans les méandres des traces laissées par les déplacements de ces cinq personnages qui s’attirent et se repoussent au sein de ce qu’on pourrait appeler un groupe. Juste garder la subjectivité de l’axe de la caméra, comme celle des didascalies dans la pièce. Le mouvement de la caméra crée un second plan détaché de l’action. 8 est une sorte d’observatoire où l’action se déroule en même temps qu’elle est observée, dans ce qu’elle est et dans ce qu’elle produit. MD After working with Noëlle Renaude on the layout for Une belle journée, and Topographie, where the research focused on a spatialization of the unfolding of the texts on the page, I tried to stage a part of her play 8, in 3D space and for the time-frame of a cartoon film. This work is the encounter between abstract pictorial research and a situation embodied by the play’s five characters. 8 is above all a procedure, one of not presenting, or listening to the play as it might be acted on stage, but of showing the traces that it might produce. Not seeking the sense but letting it appear in the traces left by these sentences that are uttered, without thinking too much about their scope, as the action happens. These sentences remain and have an influence on the unfolding, in the meanders of the traces left by the movements of these five characters who attract and repel each other within what we might call a group. Just keeping the subjectivity of the camera’s axis, like that of the stage directions in the play. The camera’s movement creates a second level, separate from the action. 8 is a sort of observatory where the action unfolds at the same time as it is observed, in what it is and in what it produces. MD 55 Saison Vidéo 2011 MERCREDI 23 MARS 2010 À 14 H. TOURCOING, DÉPARTEMENT ARTS PLASTIQUES, UNIVERSITÉ DE LILLE III 29-31 RUE LEVERRIER - 59200 TOURCOING - +33 3 20 01 07 20 - [email protected] - www.univ-lille3.fr B E RT R A N D D E Z O T E U X RENCONTRE AVEC L’ARTISTE Dès ses premières vidéos - Mireille, 2006 et Roubaix 3000, 2007, (Saison Vidéo 2008), Bertrand Dezoteux introduit de l’incongruïté dans ses œuvres et s’essaye à un genre “le film de famille” pour lui donner une nouvelle forme. Le Corso, 2008, réalisé au Fresnoy durant sa deuxième année d’étude (Saison Vidéo 2009), qualifié par l’artiste de “documentaire animalier en 3D” confirme l’effervescence de son univers. L’exposition Dynasty en 2010 dévoilait au Palais de Tokyo un dernier film Zaldiaren Orena (l’heure du cheval), tout aussi étrange. In his earliest videos—Mireille, 2006 and Roubaix 3000, 2007 (Saison Video 2008)—Bertrand Dezoteux introduces an element of incongruousness into his works and tries his hand at a “family film” genre to give it a new form. Le Corso, 2008, made at Le Fresnoy in his second year of studies (Saison Video, 2009), described by the artist as a “3D animal documentary”, confirms the effervescence of his world. The exhibition Dynasty at the Palais de Tokyo in 2010 revealed a new film Zaldiaren Orena (The Time of the Horse), which is just as strange. Zaldiaren Orena, 2010, 14 mn Production le Palais de Tokyo, Paris Reposant sur un anachronisme, Zaldiaren Orena (l’heure du cheval) imagine la Seconde Guerre Mondiale à l’ère de la robotique. Ici, le chef-opérateur est une machine, capable d’effectuer tous les mouvements du cinéma (grue, travelling, panoramique, plongée/contre-plongée), mais à une échelle réduite, conforme à la technologie de l’époque, et aux moyens amateurs d’aujourd’hui. En voici l’intrigue : en 1943, les Allemands ont envoyé au Pays Basque un robot. Ce droïd a pour mission d’explorer une ferme afin d’y trouver un cheval prétendument caché. Zaldiaren Orena montre l’exploration de cet univers rural par un être mécanique qui perçoit les plantes, les animaux et les humains sur un même plan. Au départ simple présence contemplative, le robot sort progressivement de son état de veille, devenant de plus en plus belliqueux à l’égard des fermiers. BD 56 Based on an anachronism, Zaldiaren Orena [The Hour of the Horse] imagined the Second World War in the age of robots. Here, the director of photography is a machine, capable of making all the cinema movements (crane, tracking shot, sweeping short, overhead/low angle shot), but on a reduced scale, in accordance with the technology of the day, and the amateur wherewithal of today. Here is the plot: in 1943, the Germans sent a robot to the Netherlands. This droid’s mission was to explore a farm to find a horse allegedly hidden on it. Zaldiaren Orena shows the exploration of this rural world by a mechanical being which perceives plants, animals and human beings all on the same level. A simple contemplative presence to start with, the robot gradually gets away from its monitoring state, becoming increasingly bellicose towards the farmers. BD Saison Vidéo 2011 Entretien Le droïd regarde Mo Gourmelon : Après Roubaix 3000, 2007, et Le Corso, 2008, toutes deux présentées dans la Saison Vidéo en 2008 et 2009, voici Zaldiaren Orena, 2010, (L’heure du cheval). Cette vidéo poursuit la ruralité du Corso. Mais tout en utilisant toujours les nouvelles technologies, elle renoue avec la présence tangible d’acteurs et les prises de vues. Elle est bâtie sur un anachronisme entre la période de la Seconde Guerre Mondiale, en jeu, et la robotique à laquelle vous avez recours. On trouvait le même anachronisme dans les références à l’antique dans Roubaix 3000. Est-ce ce parti pris qui d’emblée vous a permis de développer un univers si incongru ? Que recherchez-vous dans l’anachronisme ? Bertrand Dezoteux : En fait, depuis le début, j’ai des difficultés avec toute forme de continuité, qu’elle soit narrative ou historique. Lorsque j’étais dans le secondaire, j’avais beaucoup de mal à reconstituer les liens entre les événements. J’ai tendance à considérer les époques comme des entités autonomes. De même au cinéma, il y a toujours un moment où je suis saisi d’un sursaut et où je me demande : comment en est-on arrivé là ? Comment ces personnages, dont j’ai essayé de suivre avec souci les trajectoires, les relations, se retrouvent-ils dans cette situation singulière ? L’action m’apparaît dès lors sans lien avec ce qui la précède et ce qui la suit. C’est pourquoi je suis si sensible aux formes romanesques que développe Alain Robbe-Grillet, du moins dans sa première période. En élaborant Zaldiaren Orena, je lisais La Jalousie. Le temps, dans ce livre, est structuré selon différents régimes. Il y a un temps “réel” qui correspond à la restitution directe des perceptions du narrateur. L’impression de regarder à travers ses yeux est accentuée par la méticulosité des descriptions, ses omissions volontaires, et l’emploi du présent de l’indicatif. Ensuite, ces fragments d’observation sont ressassés, sans cesse agencés selon un nouvel ordre, générant de la répétition et de la nouveauté. Enfin, au sein de ce feuilleté narratif, l’intrigue tente de trouver sa place, en se glissant dans des zones de non-dit, dans le hors-champ de la description, dont l’ambition est pourtant d’être aussi fine et exhaustive que possible ! J’ai été frappé dans ce roman, par le rôle central du regard. Il y a au premier abord une évidence de ce qui est montré. Par exemple, le narrateur décrit des moustiques qui tournent autour d’une lampe. Cela n’a rien de surprenant, c’est tout à fait intelligible. Mais dès que cette description devient insistante, exagérément détaillée, dès qu’elle sort de la norme, de ce qu’on est en droit d’attendre d’un roman, elle devient suspecte. On se demande alors pourquoi le narrateur éprouve le besoin de nous dire tout ça, quelle est son intention ? En préparant Zaldiaren Orena, je cherchais un système qui puisse largement favoriser le regard et l’observation, tout en brouillant les intentions du regardeur. Le choix d’un robot envahisseur s’est imposé, car son intelligence est non humaine ; et l’on peut supposer qu’elle est rudimentaire, au vu de l’époque dans laquelle s’inscrit l’action (les années 40). Le regard agité de la machine se pose sur les objets, sur les hommes, sur les végétaux et sur les animaux, avec le même détachement. Pour autant, ce droïd est doté d’une personnalité à la fois contemplative et agressive, une personnalité dont on a du mal à percevoir les contours, à démêler les automatismes du libre-arbitre. L’idée me plaisait de mettre le spectateur dans la même position que cet être mécanique. Qui a déjà vu un mouton rejoindre son troupeau, une fois tondu ? Qui a vu un poussin s’agiter et piailler pour sortir de son œuf ? Montrer ces choses essentielles, sans âge, familières de nos lointains ancêtres, au travers d’un œil robotique était très excitant, car il nous met dans un rapport doublement étrange. En premier lieu, on s’étonne de ne pas avoir vu ça plus tôt. Deuxièmement, en observant ces événements, on observe aussi celui qui les regarde, et à partir de là on essaye de le comprendre. J’essaye par là, avec mes vidéos, de mettre en jeu un véritable rapport d’altérité face aux images. Le récit étant la forme que je souhaite travailler, mais étant limité pour cela, le résultat peut alors paraître “incongru”. MG : Les scènes de naissance d’un poussin, de tonte, ne nous sont pas familières à nous, citadins, mais le sont à un paysan. Une scène est étrange. Un jeune homme et une jeune fille sont installés dans un bassin recouverts de plantes et s’embrassent, comme s’ils défiaient l’ennemi. Ce qui pourrait être mièvre est rattrapé par l’insolite de leur position. 59 Saison Vidéo 2011 BD : Je ne sais pas si les paysans ont vraiment le temps de regarder naître les poussins ! Je voulais dire que la vidéo impose un regard, il est vrai, à des gens qui viennent probablement des villes puisqu’ils se retrouvent dans des expositions. Mais même les agriculteurs voient rarement une éclosion avec une durée imposée, cette dimension d’image, et ces mouvements robotiques, non ? Je pense que les gens familiers de ces scènes peuvent les redécouvrir à travers le point de vue étranger du robot. Je voulais montrer une scène de baiser qui s’opère sous la contrainte, ce qui est une chose rare et courante à la fois. En effet, le baiser signe souvent un moment d’intensité au cinéma, alors que dans la réalité du tournage, il est forcé. Les acteurs sont contraints de s’embrasser. Et en faisant semblant de s’embrasser pour le bien de la fiction, ils s’embrassent vraiment. Dans la vidéo on est là face à un triangle : l’opérateur, tout puissant, exige un baiser ; le couple s’exécute. Peut-être veut-il voir ce qu’est l’amour ? Mais sa nature mécanique ne lui permet pas d’appréhender cette notion au-delà de l’acte superficiel et de sa répétition. Ce qui peut être excitant pour des humains, non ? MG : Je pense que dès que quelque chose est filmé, ou photographié d’ailleurs, et quel que soit le parti pris de celui qui le saisit, ce quelque chose est à redécouvrir. Si je vous suis le choix du robot a eu pour incidence de provoquer des images indifférenciées et instables ? BD : Les images qui me touchent sont celles pour lesquelles on peine à démêler les intentions de l’auteur. J’ai tenté d’associer un dispositif, un contexte, et une narration qui a priori sont incompatibles. Formellement, il me plaît d’associer un univers bucolique avec un grésillement électrique, ou de compter les fleurs au lieu de les trouver jolies. C’est une sorte de sabotage, de vandalisme. Tout ce qu’il regarde, le robot le salit par sa simple présence. MG : Une seule question est posée “Wo ist das Pferd ?” (Où est le cheval ?). Aucun ordre n’est prononcé. Ce qui est particulièrement troublant dans le cours du récit. BD : J’ai voulu réduire la communication du robot à sa plus simple expression, en privilégiant la dimension motrice et visuelle. Quand j’ai pensé à son langage, je voulais que l’on puisse croire qu’il avait une bande-son pré-enregistrée, qu’il pouvait jouer n’importe quand, 60 sans même savoir lui-même ce qu’il disait vraiment. C’est pourquoi cette question est posée à un buisson, ou un arbre, dont la branche coupée peut évoquer un œil. MG : Pour Roubaix 3000, vous avez bâti votre scénario à partir d’enregistrements de conversations familiales ; paroles qui ont été par la suite jouées en play-back par des acteurs amateurs roubaisiens. Vous délocalisiez ainsi ce fameux accent du Sud. Cet attachement à votre région se retrouve ici : du lieu de tournage au groupe folklorique. Tournez-vous cette fois avec vos proches et cette histoire appartient-elle à votre famille, tout en rejoignant l’Histoire avec l’Occupation ? Le fait qu’ils soient endimanchés participe-t-il aussi à l’anachronisme ? BD : L’anachronisme n’est pas un principe de départ. J’essaye de me frotter aux choses qui m’échappent, tout en faisant peu d’efforts pour les connaître vraiment. Quand j’ai pensé à reconstituer une scène paysanne dans les années 40, j’ai questionné ma grandmère sur les modes vestimentaires, je suis allé voir un vieux documentaire au musée basque de Bayonne, j’ai fait le tour des brocantes. Inconsciemment, j’ai dû développer l’aspect visuel des costumes au détriment des véritables mœurs de l’époque. Quelque part, je voulais habiller les personnages comme on fait la crèche à Noël ; en disposant les santons les plus jolis et les plus neufs près de Jésus au premier plan, et en repoussant les plus sommaires et les plus vétustes vers le fond, avec leurs moutons. Et puis cela me plaisait de filmer une intrigue se déroulant dans les années 40, avec un camescope mini-DV, en 4/3, dans un format qui a 15 ans. Cette technologie anéantit tout espoir de créer l’illusion qu’exige la reconstitution. En même temps, on peut croire que la vidéo, elle, a été réalisée il y 10 ans. MG : On retrouve dans Zaldiaren Orena, le même garçon que dans Distrans, 2008, (Saison Vidéo 2009). Il est trop tôt pour parler d’acteur fétiche, quel statut lui accordez-vous ? En relisant la présentation de votre vidéo pour le programme Volatil, je suis étonnée que vous énonciez vos limites avec le récit, car vous êtes réellement un conteur. Vos présentations de films sont à elles seules des histoires ! BD : Ce jeune homme s’appelle Paul Rodriguez, c’est mon cousin. Il est très instinctif et aborde les scènes frontalement, sans se Saison Vidéo 2011 poser mille questions. J’aime sa spontanéité et sa fraîcheur et je suis un peu frustré de ne pas avoir encore pu vraiment trouver un rôle qui le mette réellement à l’épreuve. Mais nous y travaillons. Nous cherchons désormais les idées ensemble, ainsi cela me permet de voir où il souhaite aller. Pour un prochain projet, nous nous intéressons à l’œuvre de Ursula K Le Guin, ce qui est un retour à la science-fiction depuis Distrans, mais avec des influences féministes. En bref, nous imaginons des mondes où le genre est soumis à la frénésie d’invention qui caractérise généralement la sciencefiction. MG : Ce jeune homme est tondu devant le robot. La scène de la tonte à laquelle fait suite l’interrogatoire tête en bas avec la jeune femme, dépassent la seule observation, comment les avez-vous conçues ? BD : En effet, le robot n’est pas seulement passif et observateur. Il interagit avec les fermiers. Il leur barre la route, les interroge, les menace et les intimide. Dans les deux scènes que vous mentionnez, et même dans celle du bassin, il les violente. Avec ces situations, je voulais suggérer l’étendue de sa force physique. Il est capable de les suspendre la tête en bas, de les tondre, de les plonger dans un lavoir marécageux. Il est costaud. Par contre, lorsqu’il rencontre enfin le cheval, il reste impuissant. Ses facultés ne lui permettent pas de se mesurer à l’animal. Cette limite est avant tout celle du prototype qui a été construit pour la vidéo. Cette scène était intéressante car elle nous plaçait dans les conditions réelles de l’oppression. Le cheval, en sentant le robot s’énerver à ses côtés, n’a pas eu à faire semblant d’avoir peur. Il était vraiment inquiet face à la machine, il s’est enfui. 62 Interview The Droïd Takes a Look Mo Gourmelon: After Roubaix 3000, 2007, and Le Corso, 2008, both shown at the Saison Vidéo in 2008 and 2009, here we have Zaldiaren Orena, 2010 (The Time of the Horse). This video looks at the rural life of Le Corso. But while still invariably using new technologies, it links back up with the tangible presence of actors and shots. It is built around an anachronism between the Second World War period, game-like, and the robotics you have recourse to. We found the same anachronism in the references to Antiquity in Roubaix 3000. Is it this decision which instantly enabled you to develop such an incongruous world? What are you looking for in anachronism? Bertrand Dezoteux: From the outset, actually, I’ve had problems with every kind of continuity, be it narrative or historical. When I was at high school. I had a lot of trouble recreating links between goings-on. I have a tendency to regard periods as autonomous entities. Likewise with film—there’s always a moment when I start and ask myself: how did we get here? How do these characters, whose careers and relations I’ve been carefully trying to follow, find themselves in this unusual situation? Henceforth, the action strikes me as being without any link with what goes before or after it. This why I’m so aware of the novelistic forms developed by Alain RobbeGrillet, at least in his early period. When I was working on Zaldiaren Orena, I was reading Jealousy. Time, in that book, is structured in relation to different systems. There’s a “real” time which corresponds to the direct re-creation of the narrator’s perceptions. The impression of looking through his eyes is accentuated by the miraculous nature of the descriptions, the deliberate omissions, ands the use of the indicative present. Then these observational fragments are harped on about, endlessly arranged in a new order, giving rise to repetition and novelty. Lastly, within this layered narrative, the Saison Vidéo 2011 plot tries to get a foothold, by slipping into zones where things are not-said, in the off-screen area of description, whose aim, nevertheless, is to be as subtle and exhaustive as possible! In that novel, I was struck by the central role of the eye, and the way it looks. At first glance, there’s something obvious about what is shown. For example, the narrator describes mosquitoes buzzing around a lamp. There’s nothing surprising about this, it’s totally understandable. But as soon as this description becomes emphatic and exaggeratedly detailed, as soon as it strays from the norm, and from what one can rightfully expect from a novel, it becomes suspect. So we wonder why the narrator feels a need to tell us all this—what’s his intention? While I was preparing Zaldiaren Orena, I was looking for a system that might really encourage the eye and observation, while at the same time blurring the onlooker’s intentions. The choice of an invading robot imposed itself, because its intelligence is not human, and we can suppose that it’s rudimentary, given the period in which the action is incorporated (the 1940s). The agitated eye of the machine comes to rest on objects, on people, on plants and animals, with the same detachment. For all this, this droid is endowed with an at once contemplative and aggressive personality, one whose outlines are not easy to make out, and unravel the automatic devices of free will. I liked the idea of putting the onlooker in the same position as that mechanical being. Who’s seen a sheep rejoin its flock, once it’s been sheared? Who’s seen a chick kicking and cheeping to get out of its egg? Showing these essential things which are ageless and familiar, going way back to your remote ancestors, through a robotic eye, was very exciting, because it puts in a relationship that’s strange twice over. Firstly, we’re amazed we haven’t seen it earlier. Secondly, in observing these goings-on, we also observe the person looking at them, and based on that we try to understand. Thereby, with my videos, I’m trying to bring in a real relation of otherness, face-toface with the images. Because the narrative is the form I want to work with, though it’s limited as a result, the outcome may accordingly seem “incongruous”. MG: The birth scenes of a chick, and sheep shearing, are not familiar to all of us, we city folk, but they are to a country person. One scene is strange. A young man and a young woman are in a pond covered with plants, kissing, as if they were defying the enemy. What might be mawkish is saved by the unusualness of their position. BD: I don’t know if country people—peasants—really have the time to look at chicks being born! I wanted to say that the video imposes a way of looking, it’s true, on people who probably come from cities, because there they are in exhibitions. But even farmers rarely see an egg hatching with an imposed time-frame, and this dimension of imagery, and these robotic movements, do they? I think people familiar with such scenes can rediscover them through the alien viewpoint of the robot. I wanted to show a kissing scene that takes place without restrictions, which is something at once rare and commonplace. In fact, the kiss often marks an intense moment in film, whereas in the reality of the shoot it’s forced. The actors are obliged to kiss. And in pretending to kiss for the purposes of make-believe, they really do embrace. In the video there’s a triangle: the cameraman, allpowerful, demands a kiss; the couple complies. Maybe he wants to see what love is? But his mechanical nature doesn’t permit him to grasp this notion beyond the superficial act and its repetition. Which can be exciting for human beings, can’t it? MG: I think that once something is filmed, or photographed, incidentally, and whatever the decision made by the person grasping it, that something is there to be rediscovered. If I follow you, the choice of the robot had the effect of provoking undifferentiated and unstable images? BD: The images that touch me are those for which it’s hard to unravel the authors’ intentions. I’ve tried to associate a system, a context, and a narrative which are all, on the face of it incompatible. In a formal sense, I like associating a bucolic world with an electric crackle, and counting flowers instead of finding them pretty. It’s a sort of sabotage, and vandalism. Whatever the robot looks at, it dirties it just by its presence. 63 Saison Vidéo 2011 MG: A single question is asked: “Wo ist das Pferd?”—where is the horse? No order is given. This is especially disturbing in the course of the narrative. BD: I wanted to scale down the robot’s communication to the simplest expression, favouring the motor and visual dimension. When I thought about its language, I wanted people to be able to believe that there was a pre-recorded soundtrack, that it could be played any time, even without the robot knowing what it was really saying. This is why this question is asked of a bush or a tree, whose cut branch can conjure up an eye. MG: For Roubaix 3000, you built your script around recordings of family conversations; words which were then played back by amateur actors from Roubaix. In so doing you relocate the famous southern accent. This attachment to your region crops up again here: from the shooting place to the folklore group. Are you filming this time with your nearest and dearest, and does this story belong to your family, while linking up with the History of the Occupation? Is the fact that they’re all dressed up to the nines in their Sunday best also part of the anachronism? BD: The anachronism is not a basic principle. I try to rub shoulders with things that elude me, while at the same time making little effort to really get to know them. When I thought about re-creating a peasant scene from the 1940s, I asked my grandmother about how people were dressed, and I went to see an old documentary in the Basque Museum in Bayonne; I went round the bric-à-brac shops. Unwittingly, I must have developed the visual aspect of the costumes to the detriment of the real customs of the period. Somewhere I wanted to dress the characters the way you make a Christmas crib; by arranging the prettiest and newest crib figures near Jesus in the foreground and by pushing the most perfunctory and old-fashioned figures towards the background, together with their sheep. And then I enjoyed filming a plot taking place in the 1940s, with a mini-DV camcorder, in 4/3, in a 15 year-old format. This technology destroys any hope of creating the illusion required by the reconstruction. At the same time, you may think that the video, for its part, was made 20 years ago. MG: In Zaldiaren Orena, we find the same boy as in Distrans, 2008 (2009 Video Season). It is too soon to talk in terms of fetish actor but what status do you give him? Re-reading the presentation of your video for the programme Volatil, I am amazed that you state your limits with the narrative, because you really are a story teller. Your presentations of films are stories in their own right! BD: This young man’s name is Paul Rodriguez; he is my cousin. He is very instinctive and tackles scenes head on, without asking a thousand and one questions. I like his spontaneity and his freshness and I am a bit frustrated that I have not yet been able to really find a part that truly puts him through his paces. But we are working on it. We are now looking for ideas together, so this enables me to see where he wants to go. For an upcoming project, we are interested in the work of Ursula K. Le Guin, which is a return to science fiction since Distrans, but with feminist influences. In a word, we are imagining worlds where gender is subject to the frenzy of invention which generally hallmarks science fiction. MG: This young man has his hair shorn off in front of the robot. The shearing scene which is followed by the interrogation, head down, with the young woman, goes beyond mere observation. How did you conceive them? BD: The robot is actually not just passive and observing. It interacts with farmers. It bars the road to them, questions them, threatens them and intimidates them. In the two scenes you mention, and even in the pond scene, it assaults them sexually. With these situations I was keen to suggest the extent of its physical strength. It is capable of hanging them head downwards, cutting off their hair and plunging them in a swampy washhouse. It is tough. On the other hand, when it finally meets the horse, it remains powerless. Its capacities do not permit it to measure itself against the animal. This limit is above all that of the prototype that was built for the video. This scene was interesting because it put us in real conditions of oppression. Sensing the robot becoming agitated at its side, the horse didn’t have to pretend to be afraid. It was really anxious near the machine, and ran away. 65 Saison Vidéo 2011 AV R I L 2 0 1 1 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m E S PA C E S F I C T I O N S A PARTIR DE LA CONSIDÉRATION ET DE L’ARPENTAGE DE L’ESPACE URBAIN ET ARCHITECTURAL, NOUER DES FICTIONS. REGARDER VERS LE PASSÉ, TOUT AUTANT QUE VERS L’AVENIR. BASED ON THE CONSIDERATION AND CRISS-CROSSING OF THE URBAN AND ARCHITECTURAL SPACE, CONNECTING FICTIONS. LOOKING AT THE PAST AS MUCH AS THE FUTURE. Zoé Baraton, Sümbül Kecelioglu, Maud Lemaitre Ein Bauhaus film, 2009, 9 mn Production École Nationale Supérieure d’Art de Bourges Vidéo collective réalisée pour l’exposition Bauhaus Impact, présentée à Ankara et Weimar en juillet 2009. Réactivation de certaines théories du Bauhaus sur l’appréhension de l’architecture. Manipulation de l’image par un changement du rapport à l’espace et à la gravité. Déambulation d’un personnage dans un espace labyrinthique. ZB A collective video made for the exhibition Bauhaus Impact, held in Ankara and Weimar in July 2009. Reactivation of one or two Bauhaus theories about the understanding of architecture. Manipulation of imagery by a change in the relationship to space and gravity. A character strolling in a maze-like space. ZB 66 Saison Vidéo 2011 Guillaume Linard-Osorio Os candagos, 2010, 8 mn In 1964, when Philippe de Broca filmed L’Homme de Rio/The Man from Rio, Brasília was a huge construction site. The city planned to attract Brazil’s upper class and thus had to come to terms with an undesirable but indispensable population—the construction workers. Also known as “candagos”, these immigrants accounted for more than 50% of the working population, and were housed directly on site. The point of departure of the video Os candagos is an excerpt from The Man from Rio, a precise moment when Jean-Paul Belmondo is being chased in the city of Brasília. My work here consists in bringing out the documentary dimension of this passage to the detriment of the screenplay. The whole sequence is reworked image by image. Jean-Paul Belmondo is erased as is all trace of life, which focuses the eye on the city’s construction site, acting as the film’s décor. By depriving the film of its actors, it is matter of conjuring up the removal of this population: Brasília, high point of the modern movement in architecture, becomes a ghost town. GL-O. En 1964, quand Philippe de Broca tourne L’homme de Rio, Brasília est un vaste chantier. La ville qui veut attirer les hautes classes sociales brésiliennes doit alors composer avec une population indésirable mais indispensable, les constructeurs. Appelés aussi “candagos”, ces immigrés représentent plus de 50 % de la population active et sont logés directement sur le chantier. Le point de départ de la vidéo Os candagos est un extrait de L’homme de Rio, un moment précis où Jean-Paul Belmondo est poursuivi dans la ville de Brasília. Mon travail consiste ici à faire ressortir la dimension documentaire de ce passage au détriment du scénario. L’ensemble de la séquence est retravaillé image par image. Jean-Paul Belmondo y est effacé ainsi que toute trace de vie, ce qui focalise le regard sur le chantier de la ville qui fait office de décor pour le film. En privant le film de ses acteurs il s’agit d’évoquer l’effacement de cette population : Brasília, point d’orgue du mouvement moderne en architecture devient ville fantôme. GL-O 67 Saison Vidéo 2011 Rachel Wilberforce Vanishing Point, 2009, 5 mn 12 Sophie Combes The Land of Milk and Honey, 2008, 4 mn À travers une séquence filmique produite à partir d’une seule photographie de barres d’immeubles, la critique sociale est détournée au profit de la fantasmagorie. Les effets spéciaux modifient le sens du discours et font basculer le réel dans la perte de logique en un court moment d’abstraction. SC Through a film sequence produced from a single photograph of low-rise buildings, social criticism is hijacked in favour of phantasmagoria. Special effects alter the sense of the discourse and topple reality over into a loss of logic in a brief moment of abstraction. SC 68 Vanishing Point explore la nature transformatrice et transcendante des espaces théâtraux internes comme ils existent au-delà de notre perception immédiate de la relation spectateur/scène. L’œuvre se concentre sur ce domaine lorsqu’il n’est pas occupé par ses usages principaux, comme entre les représentations ou lorsqu’il est vide. Dans ce contexte contemplatif, l’œuvre s’engage sur la problématique de la représentation telle qu’elle se pose dans l’œuvre de Brecht, Artaud ou Brook, en cherchant à la déconstruire. RW Vanishing Point explores the transformative and transcending nature of theatrical internal spaces as existing beyond ones’ immediate perception of spectator/stage relationship. The work focuses on this domain when not used for primary purposes such as between performance or when left empty. In this meditative context the work engages with, and seeks to deconstruct issues of representation as raised in the work of Brecht, Artaud and Brook. RW Saison Vidéo 2011 Beat Lippert Vehicule, 2008, 8 mn 28 Performance dans le cadre du Festival Eternal-tour à Rome et Rifrazioni à Nettuno. Il s’agissait de transporter une fausse colonne romaine de Genève à Rome et de la tirer de Rome à Nettuno en vélo, ville à la périphérie de Rome. Cette action a pour but de décentraliser, mais aussi de rendre à cet objet une activité autre qu’objet d’archivage ou simple représentation d’un passé. Un passé dans lequel les touristes et voyageurs du Grand Tour souhaitent en vain s’y promener. BL Performance as part of the Eternal-tour Festival in Rome and Rifrazioni at Nettuno. This involved transporting a mock Roman column from Geneva to Rome, and pulling it by bike from Rome to Nettuno, a town on Rome’s outskirts. The aim of this work is to decentralize, but also to give this object an activity other than an archival object or the simple representation of a past. A past in which tourists and travelers making the Grand Tour vainly want to walk about in. BL Armand Morin Climatic fictions, 2009, 5 mn 30 Production École Supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole Cette vidéo a été tournée en Arizona, dans différents parcs naturels (Painted desert, Petrified forest) ainsi qu’à Biosphere 2, centre d’étude scientifique où quatre écosystèmes et climats ont été artificiellement reconstitués sous une serre située en plein désert. Le montage et la voix du guide de Biosphere 2 construisent un documentaire de science-fiction, absurde mais inquiétant. AM This video was shot in Arizona, in different nature parks (Painted desert, Petrified forest) as well as at Biosphere 2, a scientific study centre where four ecosystems and climates have been artificially re-created in a greenhouse situated in the middle of the desert. The editing and the Biosphere 2 guide’s voice construct a science-fiction documentary, which is absurd but disconcerting. AM 69 Saison Vidéo 2011 Arnaud Dezoteux Monter le Meuble, 2010, 4 mn 15 Production École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris Dans un loft encore vide, un homme et une femme montent leur premier meuble en kit. Alors que le modèle en kit est censé faciliter la construction de l’objet, le couple semble ici lutter. Les fortes lumières braquées sur l’action et le dépouillement des décors en images de synthèse donnent une trop grande importance à cette activité généralement ordinaire. Le sentiment de gratitude qu’une entreprise comme IKEA confère normalement à ses clients (apprécier le meuble comme si on l’avait conçu soi-même) est mis en péril. Les personnages ont du mal à venir à bout de l’opération ; et de même, la vidéo résiste à satisfaire le spectateur dans l’aboutissement de l’action qu’il regarde. AD In a still empty loft, a man and a woman are putting together their first piece of kit furniture. While the kit model is supposed to facilitate the construction of the object, the couple here seems to be squabbling. The bright lights trained on the action and the spareness of the décors in synthetic images attach too much importance to this usually ordinary activity. The feeling of gratitude that an organization like IKEA normally imbues in its clients (appreciating the piece of furniture purchased as if one had designed it oneself) is endangered. The characters have trouble completing the operation; and likewise, the video fails to satisfy the spectator in the accomplishment of the action he is watching. AD 70 Saison Vidéo 2011 Laura Gannon A house in Cap-Martin 1, 2007-2009, 7 mn 40 Supported by The Elephant Trust, Outset Art Fund, Culture Ireland and Arts Council Ireland Music: Maurice Ohana, compositions 2 & 6 La maison E1027 conçue par Eileen Gray a subi de nombreuses métamorphoses depuis sa construction en 1929. Elle a été le théâtre d’un meurtre, des squatters en ont vandalisé l’intérieur et Le Corbusier peignit huit fresques d’un bout à l’autre de la maison sans autorisation. J’y ai eu accès en 2007, peu avant le début de sa grande restauration, qui s’achèvera en décembre 2010. La maison était alors sévèrement décapitée : une carcasse de bâtiment dépouillée de ses équipements et installations, comme un corps dévêtu. Je voulais la filmer avant qu’elle ne perde sa fonction domestique, aussi ténue soit-elle. A l’issue de sa restauration, elle aura le statut de “monument”. Ce qui m’intéressait était la façon dont Gray était partie des principes du modernisme et avait créé une maison autour du corps, conçue pour la relaxation et le plaisir, se projetant au-delà des idéaux modernes d’hygiène et de fonction mécanique. Un bâtiment est un objet inanimé et, peu importe ce qui se passe entre ses murs, il n’est jamais en mesure de dévoiler ses secrets. A house in Cap-Martin 1 est une étude de ces murs et des secrets qui s’y sont cachés. LG The house E1027 designed by Eileen Gray went through many metamorphosis since it was built in 1929. A murder was committed on its site, squatters vandalised the interior and Le Corbusier painted eight murals throughout the house without permission. I got access in 2007, shortly before the major restoration began, this restoration will be complete in December 2010. At that point the house was severely decapitated, a shell-like building stripped of its fixtures and fittings like a body without clothes. I wanted to film it before it ceased to have a domestic function, no matter how tenuous. After its restoration it will have a “monument” status. I was interested in how Gray had started with the principles of modernist and created a house that was about the body and was designed for relaxation and pleasure, moving beyond the modernist ideals of hygiene and machinelike function. A building is an inanimate object and regardless of how many things happen within its walls, it is never able to speak and divulge its secrets. A house in Cap-Martin 1 is a study of these walls and the secrets that lay within. LG 71 Saison Vidéo 2011 M E R C R E D I 6 AV R I L 2 0 1 1 À 1 4 H . TO U R C O I N G , I U T B L I L L E I N F O C O M M U N I C AT I O N 35 RUE SAINTE BARBE - 59200 TOURCOING - +33 3 20 76 25 00 - [email protected] - www.iut-univ-lille3.fr FRÉMISSEMENTS Les films s’inscrivent dans la nuit ou dans le brouillard, mettent en jeu des émergences et des disparitions. À travers les clignotements d’images, les vacillements, les distortions, les silences ou rythmes orchestrés, les gestes furtifs, les hésitations et quelques rituels obscurs, s’incère le désir. The films are incorporated in night or fog, introducting emergences and disappearances. Through the flashing images, waverings, distortions, orchestrated silences and tempos, strealthy gestures, hesitations and one or two obscure rituals, desire rears its head. Julia Boix-Vives Tango d’hiver, 2008, 9 mn 18 Une femme vêtue d’un long manteau noir danse seule dans la neige. Une musique extrêmement douce accompagne ses mouvements lents. Cette grâce envoûte et trouble. De son corps se détache son double puis son triple. La danse continue nonchalante et harmonieuse. Au loin, on peut deviner les petites silhouettes des voitures défiler prudemment dans cette immensité blanche et fantomatique. Cette vidéo est un conte. Il nous emporte par la force magique de cette image contrastée de l’homme au milieu des éléments. JBV A woman wearing a long black coat dances alone in the snow. Extremely soft music accompanies her slow movements. This elegance spellbinds and disturbs. Her double emerges from her body, then her triple. The dance carries on, nonchalant and harmonious. Faraway, we can make out the small shapes of cars driving carefully along in this white and ghostly immensity. This video is a tale. It carries us along through the magical power of this contrasting image of the man in the midst of the elements. JBV 72 Saison Vidéo 2011 Fiona Lindron Jacky, 2010, 6 mn 03 Une femme déambule dans l’obscurité, exclusivement éclairée par les flashs de paparazzis qui la poursuivent. Une errance fantomatique dans un terrain vague qui évoque une nuit sans fin. FL A woman strolls along in the darkness, lit solely by the flashbulbs of paparazzi pursuing her. A ghostlike roaming in wasteland which evokes an endless night. FL Véronique Hubert A Venir (Le monde sera beau), 2009, 9 mn 51 Une petite fille inquiétante dont on ne voit pas le visage est immobile dans un décor bucolique. Une voix androgyne annonce qu’elle “ne supportera pas la terreur venue et à venir”. Tout s’accélère. Les personnages Female et Utopia apparaissent et se mêlent, à l’enfant, aux éléments… Ces trois personnages ont décidé : “Le monde sera beau”. VH A disquieting little girl, whose face we cannot see, is motionless in a bucolic décor. An androgynous voice announces that it “will not put up with the terror that’s happened and is to come.” Everything speeds up. The Female and Utopia characters appear and mingle, with the child, and the elements. These three characters have decided: “The world will be beautiful.” VH 73 Saison Vidéo 2011 Maria Frycz Masha Sha The usual drama, 2009, 8 mn Une romantique sentimentale attend un miracle. MS A sentimental romantic is waiting for a miracle. MS Schnee, 2005, 5 mn 55 Schnee est un film en super 8 qui parle d’un étrange voyageur des neiges. Un jour froid et venteux, une personne traverse un paysage enneigé à la recherche d’une boule de neige. Il s’agit d’une histoire sans fin, quelque part entre la réalité et le rêve. Les caractéristiques du format super 8, à savoir les cadences d’images variées et le son postsynchronisé, donnent à l’histoire une valeur intemporelle, tout en se penchant sur les propriétés mêmes du médium film. MF Schnee is a super 8 film about an unusual snow wanderer. On a cold, windy day the person traverses a snowy landscape in search of a snowball. It is a never ending tale from somewhere between reality and dream. Characteristics of the super 8 film, different frame speeds and post-synchronised sound, lend the story a timeless level as well as reflecting on the properties of the medium of film itself. MF 74 Saison Vidéo 2011 Alex Pearl Little Death 3, 2007, 3 mn 11 Les films Little Death montrent des plans rapprochés de ce que Pearl décrit comme “changements d’états irréversibles” : une allumette qui prend feu et se consume, une aspirine qui se dissout dans un verre, un ballon qui se dégonfle. Dans chacun des cas, on a ajouté à l’objet deux points et une ligne, l’évocation absolument minimale d’un visage. Le ballon, en se dégonflant, passe d’une certitude rebondie et bondissante à une impuissance flasque et en devient ainsi pathétique, ceci étant particulièrement accentué par la bande-son minimaliste : à l’exception d’un ballon qui éclate en claquant, l’horrible altération est subie en silence. Lawrence Bradby The Little Death films show close ups of what Pearl describes as “non-reversible state changes”: a match igniting and burning down, an aspirin dissolving in a glass, a balloon deflating. In each case the object has been given two dots and a line, the absolute minimum to evoke a face. The balloon’s slow deflation from plump jiggling certainty to flaccid impotence becomes full of pathos, particularly given the minimal soundtrack: apart from one balloon which bursts with a bang, the awful change is endured in silence. Lawrence Bradby Gérard Cairaschi Magia, 2010, 6 mn 35 Un jeune garçon façonne avec de la terre des objets qu’il manipule, combine et associe, dans un rituel obscur. De même que les objets/représentations qu’il crée se combinent et développent un récit, l’imbrication par l’alternance rapide d’images sur l’écran façonne des images/apparitions que seule la lanterna magica et la magie du montage permettent. Magica signifie enchantement. GC A young boy makes things with clay which he handles, combines and associates, in an obscure ritual. Just as the objects/representations he creates are combined and develop a narrative, the dovetailing by quick alternation of images on the screen fashions images/appearances which only the lanterna magica and the magic of editing permit. Magica means enchantment. GC. 75 Saison Vidéo 2011 J E U D I 1 4 AV R I L À 1 8 H . C A L A I S , M U S É E D E S B E A U X - A RT S 25 RUE RICHELIEU - 62100 CALAIS - + 33 3 21 46 48 40 - [email protected] - www.musee.calais.fr ANNELISE RAGNO RENCONTRE AVEC L’ARTISTE Dans le cadre de l’exposition L’Art est un sport de combat, la Saison Vidéo propose une rencontre avec la jeune artiste Annelise Ragno basée à Dijon et qui a reçu en 2007 le premier prix de la Jeune Création à Mulhouse. Cette artiste, adepte du corps en mouvement, ne cache pas dans le titre de ses installations vidéos les sports filmés : Cheval d’Arçon, Saut, Aviron, Rugby, Ping-Pong. Cependant ces corps en action et en pleine concentration semblent détachés de leur activité première. Ils sont libérés dans un état entre flottement et extase. Cette rencontre est précédée d’une visite guidée de L’Art est un sport de combat par Jean-Marc Huitorel, commissaire de l’exposition. As part of the exhibition L’Art est un sport de combat [Art is a Martial Sport], Saison Vidéo is proposing an encounter with the young Dijon-based artist Annelise Ragno who, in 2007, was awarded the first prize for Jeune Création in Mulhouse. This artist, who is involved with the body in motion, does not hide the sports filmed in the titles of her video installations : Cheval d’Arçon, Saut, Aviron, Rugby, PingPong. But these bodies in action and in deep concentration seem detached from their primary activity. They are freed in a state somewhere between flotation and ecstasy. This encounter is being preceded by a guided tour of L’Art est un sport de combat by Jean-Marc Huitorel, curator of the exhibition. 76 Saison Vidéo 2011 mouvement du corps mécanique de l’image Je filme des sportifs sur les lieux de leur entraînement et quel que soit le sport, je réduis l’action à leurs gestes essentiels. Je tente par un cadrage serré et un montage cadencé de décontextualiser les mouvements du corps en action. Manifestation de gestes, ambiguïté des images, d’une action isolée par le cadre. L’enjeu est d’amener le regard du spectateur à un autre niveau. Chercheuse d’images de corps en action, que je transforme en représentations de corps en extase. Ce sont dans les moments où le sportif est dans l’oubli de lui-même, de sa propre image que j’interviens pour isoler ces instants limites. C’est alors par l’accumulation de moments infinitésimaux, formant une boucle, que le temps se dilate. Gestes ininterrompus ouvrant alors le registre des significations. Stratégie contrainte, exercice formel. L’image volée mais incontournable que j’engage, joue alors ses propres limites. Annelise Ragno movement of the body mechanics of the image I film sportspeople in the places where they train, and whatever the sport, I scale down the action to their essential gestures. By tight framing and well paced editing I try to decontextualize the movements of the body in action. Manifestation of gestures, ambiguity of images, of an action isolated by the frame. The challenge is to bring the spectator’s gaze to another level. I am someone looking for images of bodies in action, which I transform into representations of bodies in ecstasy. It is in the moments when the athlete has forgotten about him-or herself, and about his or her own image that I intervene to isolate these extreme moments. So it is by accumulation of tiny moments, forming a loop, that time expands. Uninterrupted gestures thus opening up the system of meanings. Limited strategy, formal exercise. The stolen but not unavoidable image that I engage thus enacts its own limits. Annelise Ragno 77 Saison Vidéo 2011 M A I 2 0 1 1 . W W W. S A I S O N V I D E O . C O M À VOS MARQUES TENSIONS, GESTES, ATTITUDES ET RYTHMES QUI ÉPROUVENT LA RÉSISTANCE, LA RÉJOUISSANCE, L’INCONGRUITÉ, L’INADAPTATION, LE DÉFOULEMENT OU FRISENT L’INFRACTION TENSIONS, GESTURES, ATTITUDES AND TEMPOS, WHICH EXPERIENCE RESISTANCE, ENJOYMENT, INCONGRUITY, LACK OF ADAPTATION, AND RELEASE, OR SKIRT INFRACTION. Tali Keren Two Chinamen, 2008, 3 mn 06 Deux immigrés asiatiques ouvriers du bâtiment se lancent dans ce qui semble être un concours de chatouilles. Cet événement fictif a lieu sur un toit du Sud de Tel-Aviv – le carrefour résidentiel et commercial d’une communauté de travailleurs immigrés et de réfugiés en augmentation constante en Israël. Ici, à travers la réalisation et la documentation de cette scène, la question du rôle de l’artiste se pose. Quelle différence y a-t-il entre la collaboration et l’exploitation ? Cette documentation peut-elle être “honnête” ? Quel est le rôle des médias, de la vidéo et de la représentation au sein de relations sociales aussi complexes ? TK Two Asian migrant construction workers engage in what seems to be a tickling competition. This fictional event takes place on a roof top in south Tel-Aviv-the residential and commercial hub of Israel’s growing migrant worker and refugee community. In both directing and documenting the scene the role of the artist is questioned. What is difference between collaboration and exploitation? Can the “truthful” documentation? What is the role of media, video and representation in complex social relaties? TK 78 Saison Vidéo 2011 Sarah Doyle Dancehall Danceoff, 2008, 2 mn 30 Dans mon travail, je me sers principalement des techniques mixtes et du dessin. J’ai également conçu des œuvres vidéo et multimédia. Je me sers de l’adolescence dans mes œuvres comme le symbole d’un sentiment de fragilité, d’inaptitude sociale ou de malaise. En tant qu’adultes, nous avons tous été adolescents et ce passage a souvent été douloureux, lorsque nous cherchons à trouver notre place dans le monde. Je m’intéresse particulièrement à ces périodes où nous manquons tant de confiance en nous-mêmes, où notre mal-être est à fleur de peau. Ce sentiment est tapi au fond de tout individu, même le plus confiant. La plupart des gens, qu’ils soient adultes ou adolescents, sont conscients de leurs propres malaises et manies et se sentent donc en empathie avec ceux-ci. SD My work uses mixed media and drawing as the main processes. As well as this I have created work in video and multi media. I use the teenage years in my work as a symbol of feeling fragile, socially inept or awkward. As adults we have all been teenagers and it’s a painful time for most of us, when we want to find where we fit in the world. I am interested in these times when we are unsure of ourselves, when our insecurities are very close to the surface. This feeling is always lurking in the background of even the most confident person. Most people whether they are teenagers or adults can see their own insecurities and foibles and feel empathy with this. SD 79 Saison Vidéo 2011 Matthieu Martin The search, 2010, 6 mn 51 Production University of Toronto at the Sheridan College Art and Art history program. The search est une vidéo performative réalisée en studio. Elle a pour sujet l’intrusion de la surveillance dans la vie privée. Celle-ci introduit un geste généralement effectué dans l’espace public (aéroports, entrée de certains sites culturels…) dans un espace privé. Un couple l’accomplit dans une atmosphère neutre. Situation paradoxale, presque érotique, d’une durée volontairement longue et dérangeante. Une danse où le geste intrusif redéfinit l’espace et les corps. MM The Search is a studio-made performance video. It’s subject is the intrusion of surveillance in private life. This latter introduces a gesture usually made in public places (airports, entrances to certain cultural venues…) into a private space. A couple makes it in a neutral atmosphere. Paradoxical, almost erotic situation, lasting for a deliberately long and disconcerting period of time. A dance where the intrusive gesture redefines both space and bodies. MM. 80 Jemima Burrill Playground, 2010, 8 mn 12 Jemima Burrill continue à explorer son obsession de la banalité et la façon dont elle peut transposer le domestique dans un domaine alternatif, tout en restant dans les limites du quotidien. La protagoniste se livre à des actes incongrus dans une aire de jeux. Il s’agit peut-être d’une mère engoncée dans des vêtements d’employée, ou d’une employée prise au piège d’un tourbillon de miasmes domestiques. Dans les deux cas , elle se plonge dans la relation entre humour et tristesse, dans la façon dont le confort et l’inconfort peuvent coexister. Jemima Burrill continues to explore her obsession with the mundane and how she can transgress from the domestic into an alternative realm, whilst remaining in the confines of the everyday. The protagonist performs inappropriate acts in a playground. Perhaps she is a mother trapped in professional clothing, or a professional trapped in a round of domestic miasma. Either way, she delves into the relationship between humour and sadness, and how comfort and discomfort can co-exist. Saison Vidéo 2011 Beat Lippert Ride, 2009, 3 mn 44 Comme de nombreux musées d’art ancien, l’architecture du Musée d’art et d’histoire réunit sur sa façade divers éléments de l’architecture classique : colonnes, chapiteaux, corniches, volutes, frises… Beat Lippert a décidé de transformer ces ornements en prises. Il fait ainsi escalader la façade du bâtiment par un grimpeur, Antoine Le Menestrel et incite à gravir cet édifice de la mémoire. BL Mathias Delfau Mur, 2006, 6 mn 26 Musique : Silence reactif par Nachtluft Mur est l’accumulation de plusieurs réflexions sur le point de vue. Le lointain et le proche, l’abstrait et le figuratif, le beau et l’immonde, le bruit et le silence… Mur, c’est essayer de casser un mur avec sa tête, ça ne sert à rien mais c’est courageux. MD Like many museums of ancient art, the architecture of the Museum of Art and History brings together on its façade different features of classical architecture: columns, capitals, cornices, volutes, friezes… Beat Lippert decided to turn these ornaments into grips. So he gets a climber, Antoine Le Menestrel, to scale the building’s façade, encouraging a climb of this edifice of memory. BL Mur/Wall is the accumulation of several thoughts about the viewpoint. Near and far, abstract and figurative, beautiful and filthy, noise and silence… Wall is trying to break a wall with your head, it doesn’t serve any purpose, but it’s brave. MD 81 Saison Vidéo 2011 J U I N 2 0 1 1 . W W W. S A I S O N V I D E O . C O M DÉRIVES DÉPLACEMENTS, TENTATIVES, RENCONTRES INCONGRUES, RENVERSEMENTS, ÉCARTS DE LA NORME OU DU CADRE ÉTABLI. MOVEMENTS, ATTEMPTS, INCONGRUOUS ENCOUNTERS, REVERSALS, DISCREPANCIES FROM THE NORM, AND FROM THE ESTABISHED FRAMEWORK. Marion Berry Ascension, 2009, 5 mn 32 L’ascension est un duel entre le corps et la musique. Dans l’escalade continue de la montagne, je ne m’arrête de jouer du saxophone que lorsque je ne peux ni souffler, ni avancer. De cette confrontation entre un essoufflement progressif et une pensée musicale, héritant malgré moi d’une conception classique de la note juste, l’un perturbant l’autre, apparaissent de nouveaux sons, un nouveau corps sonore. Le souffle devient une nouvelle note qui, évoluant en crescendo jusqu’à devenir le soliste de l’action, est le témoin de la présence irréfutable de mon corps en effort, qui souffle et souffre, qui permet le son et se meurt à le créer. MB The ascent is a duel between the body and the music. In the continual scaling of the mountain, I only stop playing the saxophone when I can’t breathe, or move forward any more. From this confrontation between becoming increasingly out of breath and musical thoughts, inheriting, despite myself, a classical conception of the right note, the one disturbing the other, new sounds appear, and a new acoustic body. The breath becomes a new note which, in evolving as a crescendo until it becomes the soloist in action, is the witness of the irrefutable presence of my body making an effort, puffing and suffering, which permits the sound and dies in creating it. MB 82 Saison Vidéo 2011 Shot Through a été ma réponse aux effets d’un usage excessif de la force, tout à fait dans l’air vers 2006/2007, à la fois politiquement et élémentairement. Comme dans une mauvaise farce, j’ai remplacé le claquement d’une baguette de tambour par la détonation d’un fusil. Chaque coup de feu est un effondrement plus qu’un crescendo. Intentionnellement percussive, la jubilation burlesque induite par le montage provoque une rencontre d’autant plus gratuite entre la force et l’objet, ou devrait-on dire sujet ? Ce qui semblait drôle au premier abord devient peu à peu cruel, au fur et à mesure que chaque tambour est “abattu”. Seul un coup de tonnerre vient libérer cet acte de violence des contraintes de sa mise en scène, mais, ce faisant, pose la question de savoir si ces pulsions primaires sont véritablement outrepassées ou si elles ne sont que subsumées, dans l’attente d’un nouveau déclencheur. TD Tom Dale Shot Through, 2007, 4 mn Shot Through was my response to effects of excessive force, which was very much in the air both politically and elementally around 2006/2007. Like a bad pun I replaced the bang of a drumstick with the bang of a gun. Each shot a collapse instead of a crescendo. Intentionally percussive the slapstick jubilation of the editing gives way to a more gratuitous encounter between force and object or should that be subject ? What was funny in the beginning becomes cruel by the end, as individual drums are “picked off3. Only a crack of thunder shakes this act of violence from the confines of its setting but in doing so asks whether these primal urges are really progressed beyond or are only ever subsumed, awaiting a new trigger and release. TD 83 Saison Vidéo 2011 Sun Noh En plein air, 2010, 5 mn 55 Le film se focalise sur des individualités inadaptées, parachutées dans une nature inattendue; une promenade brutale, privée de technologie. Au milieu de nulle part dans cette situation absurde, elles se révèlent vulnérables. SN The film focuses on ill-suited individualities, parachuted into an expected nature; a brutal walk, devoid of technology. In the middle of nowhere in this absurd situation, they reveal their vulnerability. SN Charlie Jeffery Can we look with the cave filters, 2010, 2 mn 50 Un monde à l’envers, ou simplement un reflet - dans un lac trop solide - d’un lieu que nous ne voyons pas. Une figure masquée sort des bois, semble désorientée et un peu déséquilibrée. Elle commence à courir, mais pour échapper à quoi et pour aller vers où ? Elle disparaît derrière un tas de terre et rocher où pousse un arbre à l’envers. CJ An inside-out world, or simply a reflection—in a lake that is too solid—of a place that we do not see. A masked figure emerges from the woods, seems disoriented and a little off-kilter. It starts to run, but to escape from what and to go where? It disappears behind a mound of earth and rock, where a tree is growing the wrong way round. CJ 84 Saison Vidéo 2011 Marthe Bolda Check Point 2, 2009, 2 mn 30 Après Check Point 1 filmé à Lille, Check Point 2, a été tourné à Bamako au Mali, avant un troisième volet à Seattle. Je me mets en scène dans des situations au bord de l’effondrement, de l’évanouissement. Je crée une fiction à partir du réel, ne plus être de là-bas. Je suis dans une recherche de validation de passage. Je suis noire, mais ce n’est pas l’unique sujet de mon travail. J’interroge des questions fondamentales de l’identité dans l’actualité de notre civilisation contemporaine, avec ces tourments intrinsèques bien au-delà des problèmes des flux migratoires. Le check point est l’endroit du rassemblement, du passage obligé dans un parcours. MB After Check Point 1 filmed in Lille, Check Point 2 was shot in Bamako, Mali, prior to a third part made in Seattle. I present myself in situations where I am on the brink of collapse, nearly fainting. I create fiction out of the real: no longer being from there. I am looking for a validation of the passage. I am black, but that is not the only subject in my work that sanctions this displacement. I address the fundamental issues of identity in the actuality of contemporary civilisation with all its intrinsic torments, well beyond questions of migratory flows. The checkpoint is the place of assembly, a necessary point of passage on an itinerary. MB 85 Saison Vidéo 2011 Virginie Yassef Et le mur lui obéit..., 2004, 4 mn 30 Et le mur lui obéit cherche et balbutie une histoire. C’est la récolte d’étranges phénomènes. C’est aussi une rencontre de deux enfants avec l’autre, l’étrange, un mystérieux personnage. Aussitôt la temporalité change, sort du temps réel, se rallonge dans un ralentissement. Les gestes et les mouvements s’échappent du présent. Les trois personnages de l’action s’éloignent, se dirigent vers un autre monde, ils nous invitent à les suivre. Nous entrons alors dans une réalité déréglée, peuplée de phénomènes et d’êtres mystérieux. Ce monde étrange serait un interstice spatio-temporel produit par cette rencontre, produit par et dans l’esprit de ces enfants. En suivant le principe de “Moins on en montre plus on en voit” selon Maurice Tourneur, les scènes se prolongent dans un scénario fantôme diffus et brumeux. VY Et le mur lui obéit/And the Wall Obeys Him seeks and stammers out a story. It is a collection of strange phenomena. It is also a meeting between two children and the other, the strange, a mysterious character. Straight away the time-frame switches, leaves real time, and is prolonged in a deceleration. Gestures and movements dodge the present. The three characters in the action move away, heading towards another world, inviting us to follow them. So we enter an out-of-sync reality, filled with mysterious phenomena and beings. This strange world is a space-time interstice created by this encounter, produced by and in the minds of these children. In abiding by the principle “The less you show the more you see”, according to Maurice Tourneur, the various scenes are extended in a ghostly scenario that is vague and misty. VY 86 Saison Vidéo 2011 Marthe Bolda Addictions, 2010, 5 mn During electoral campaigns in Africa, it is a tradition for the different political parties to create cloths (known as pagnes) as effigies of their candidate, and to offer these figures to local people. Similarly, during official visits by French heads of state, governments produce pagnes bearing the portraits of their guests. I appropriate this object and use it in comparison with an iconographic reproduction of heads of state. This involves a desired and imposed cooperation with regard to economic interests at stake, following decolonialization. The video series is made up of five videos based on official post-independence visits made by French presidents to Africa. MB Lors des campagnes électorales en Afrique, il est de tradition pour les différents partis politiques de créer des pagnes à l’effigie de leur candidat et de les offrir à la population. De même, lors des visites officielles des chefs d’état français, les gouvernements produisaient des pagnes avec le portrait de leurs hôtes. Je détourne cet objet et je l’utilise en confrontation avec une reproduction iconographique des chefs d’Etat. Il s’agit d’une coopération souhaitée et imposée aux regards des intérêts économiques en jeu, suite à la décolonisation. La série vidéographique est composée de 5 vidéos selon les visites officielles des présidents français en Afrique après les indépendances. MB 87 Saison Vidéo 2011 1 4 J U I N – 9 J U I L L E T 2 0 1 1 . R O U B A I X , E S PA C E C R O I S É LA CONDITION PUBLIQUE - 14 PLACE FAIDHERBE - 59100 ROUBAIX - +33 3 20 73 90 71 - WWW.ESPACECROISE.COM IDEAL #13 NOUS AVONS AIMÉ CES FILMS AVEC UNE TOTALE SUBJECTIVITÉ SANS RECHERCHE DE LIENS ENTRE EUX. UNE DIVERSITÉ D’UNIVERS... DU MARDI AU SAMEDI DE 14 H À 18 H SUR RENDEZ VOUS POUR LES GROUPES WE LIKED THESE FILMS IN TOTAL SUBJECTIVITY WITHOUT TRYING TO FIND LINKS BETWEEN THEM. DIFFERENT WORLDS... Michelle Naismith Feel the Hollow, 2007, 10 mn 30 Dans Feel the Hollow, on retrouve certains ingrédients récurrents qui composent le vocabulaire filmique de Michelle Naismith : le gourou/soignant plus dérangé que ses patients, la fugacité de la vie, la désillusion et la fuite vers des mondes meilleurs… La rose vers laquelle se retourne l’héroïne déchue de Feel the Hollow est un des éléments de dérive scénaristique et psychologique… Les docteurs/gourous qui reviennent régulièrement dans ses films et autour desquels s’organise le récit sont des personnages à contre temps, sommés de résoudre les problèmes existentiels de leurs patients/adorateurs mais se perdant dans les limbes d’une pratique loufoque où affleure le mysticisme et les traitements occultes. Patrice Joly In Feel the Hollow, we find certain recurrent ingredients which make up Michelle Naismith’s cinematic vocabulary: the guru/nurse who is more deranged than his patients, the fleetingness of life, the disillusionment of running away to other worlds… The rose to which the fallen heroine of Feel the Hollow turns is one of the factors of scripted, psychological drift… The guru/doctors who regularly crop up in her films and around whom the narrative is organized, are counter-characters, summoned to solve the existential problems of their worshipping patients, but going astray in the limbo of a bizarre practice where mysticism and occult treatments bob to the surface. Patrice Joly 88 Saison Vidéo 2011 Sarah Dobai Short Story Piece, 2005, 10 mn Une projection de 10 minutes, dans laquelle une séquence de clichés fixes construit une narration multiple en prenant des images familiales courantes comme point de départ de mes propres recherches. Short Story Piece est construit comme une série de scénarios récurrents et leur contraire. On y retrouve la sensation étouffante de l’espace domestique, qui dresse un portrait de famille tendu, entrecoupé d’images de paysages urbains inhabités. L’usage d’images fixes dans la construction d’une œuvre filmique et la grande qualité de ces images m’ont poussée à m’intéresser au statut du réalisme dans le cinéma et la littérature. Comme le suggère son titre, l’œuvre traite précisément de ce statut. Y participent des auteurs tels que Raymond Carver, Carson McCullers et Tennessee Williams, dont l’intérêt profond pour l’intimité à l’intérieur d’un paysage social marginal semble coïncider avec le mien. SD A 10-minute projection piece in which a sequence of stills builds a multiple narrative that takes common images of the family as the point of departure for my own studies. Short Story Piece is organized as a series of recurrent scenarios and their reversal. In it, the suffocating sense of domestic space, which draws up a troubled family portrait, is interspersed with images of uninhabited cityscapes. Through the work’s use of stills to construct a film piece and the heightened quality of those stills, I became interested in thinking about the status of realism in cinema and literature. As its title suggests the work deals with precisely this status. Involved are American authors such as Raymond Carver, Carson McCullers and Tennessee Williams, whose concern with intimacy in an alienated social landscape seems to coincide with my own. SD 89 Saison Vidéo 2011 Neil Beloufa Sans titre, 2010, 15 mn Production Le Fresnoy, studio national des arts contemporains “Les rideaux en soie ont été brûlés par la pleine lune à travers les vitres. Vous savez que les rayons lunaires abrutissent plus que ceux du soleil ?” Un décor en carton et photographies reconstitue une villa luxueuse type californienne en Algérie. Ses habitants, des voisins et d’autres protagonistes s’y projettent pour expliquer pourquoi et comment celle-ci a été occupée par des terroristes pour se cacher alors que, paradoxalement elle est entièrement vitrée. Ils l’auraient même entretenue jusqu’à ne pas y laisser de traces. Cette anecdote improbable et insolvable pousse les personnages à inventer les images d’une période médiatisée sans image ni histoire en manquant l’objet principal. NB “Silk curtains have been burnt by the full moon though the window. You know that lunar rays knock you out more than those of the sun?” A cardboard decor and photographs reconstitute a luxury Californian-type villa in Algeria. Its inhabitants, neighbours and other protagonists imagine themselves there to explain why and how the latter was occupied by terrorists in order to hide whilst, paradoxically, it is entirely in glass. They even polished it clean so as to leave no traces. This improbable and irresolvable anecdote encourages the characters to invent images of an event given media coverage without the images nor the story and thus missing the main point. NB 90 Saison Vidéo 2011 Thomas Léon Escape from abstraction island, 2009, 11 mn 30 Coproduction Ville de Beauvais, Le LABO, DRAC Picardie. L’installation fait directement référence au cinéma à grand spectacle dans son organisation et sa dramaturgie (succession des scènes, rôle de la musique) autant que dans les moyens techniques mis en œuvre. Conçue comme un film d’aventure dont le personnage principal est la caméra, la vidéo traverse une île qui est aussi un répertoire de formes. Elle s’organise comme un long travelling arrière : à l’intérieur d’une structure cristalline, à travers différents lieux désertés et désertiques, en survolant la mer au large d’une forme prismatique. La nature des objets et des lieux figurés ainsi que leurs relations ne sont jamais évidentes, la caméra changeant de direction pour se rapprocher des surfaces et jouant d’effets d’échelle en se perdant parfois dans les détails. TL The installation makes a direct reference to blockbuster films in their organization and dramatic character (succession of scenes, role of music) as much as in the technical wherewithal used. Devised as an adventure film where the leading character is the camera, the video moves across an island which is also a repertory of forms. It is organized like a long backward tracking shot: inside a crystalline structure, through different deserted and desert-like places, moving over the sea, way offshore, with a prismatic form. The nature of the objects and places depicted as well as their relations are never evident, with the camera changing direction to get close to the surfaces and playing with effects of scale, sometimes becoming lost in the details. TL 91 Saison Vidéo 2011 92 Saison Vidéo 2011 Tali Keren Autobody, 2009, 8 mn 30 Un groupe de mécaniciens palestiniens démonte une vieille Subaru dans un garage, dans un acte à la fois esthétique et banal. Lorsqu’arrive un deuxième groupe de travailleurs israéliens, l’acte de destruction se mue en événement théâtral. La vidéo pose la question de la monumentalité du geste sculptural et le positionne dans les réalités politiques d’Israël – en lien avec l’esprit national héroïque du “travailleur sioniste”. On explore au fil de l’œuvre les tensions entre la documentation et la représentation, l’authenticité, la vérité documentaire et la fiction. TK A group of Palestinian car mechanics takes apart an old Subaru vehicle in a garage, in an action that is both aesthetic and mundane. When a second group of Jewish Israeli workers arrives, the act of destruction becomes a theatrical event. The video raises questions about the monumentality of the sculptural gesture and locates it within the political realities of Israel – in relation to the heroic national ethos of the “Zionist Worker”. Tensions between documentation and re-presentation, authenticity, documentary truth and fiction are explored throughout the work. TK Alex Pearl Call 2, 2010, 9 mn 16 Production The Whitstable Biennale 2010 Au cours de son travail sur un roman, une sorte d’histoire de vampires basée sur la forme du journal utilisée par Bram Stoker, mais sans effets d’intrigue ou de menace surnaturelle, Pearl se prend d’intérêt pour le monde du loto. Call 2 se concentre sur les femmes du Club de Loto Whitstable qui suivent, de façon hypnotique, la voix du Crieur. While working on a novel, a sort of Vampire story based on Bram Stoker’s diary form, but without the benefit of plot or supernatural threat, Pearl became interested in the world of bingo. Call 2 concentrates on the women of the Whitstable Bingo Club moving hypnotically to the voice of the Caller. 93 Saison Vidéo 2011 Alexandra Dav id Bienvenue sur le folie express, 2009, 7 mn 14 Réalisée dans le cadre de la résidence d’artiste et de Bientôt une nouvelle exposition avec Sophie Usunier à la maison de retraite “Notre Maison” à Nancy, avec le soutien du Frac Lorraine, de l’AMMR et de la ville de Nancy. Produced as part of the artist’s residency and the exhibition Soon a new show with Sophie Usunier at the “Notre Maison” old people’s home in Nancy, with the backing of the FRAC Lorraine, the AMMR and the city of Nancy. La vidéo démarre par un descriptif des nuits à la maison de retraite “Notre Maison” à Nancy. La nuit inquiète. Les repères se perdent, la vie s’égare. Cette vidéo est l’histoire de mon séjour à “Notre Maison”. Je me suis attachée au ressenti de cet environnement particulier qu’est une maison de retraite, à la manière dont on se laisse gagner par le rythme des habitants, et plus encore par leur mode de pensée et de fonctionnement qui n’est pas toujours de tout repos. Les moments d’incohérence sont le résultat du temps prolongé dans ce lieu où toute personne saine d’esprit (ou pas) finit par perdre ses repères. La vidéo a été tournée à la lumière d’une lampe de poche, la même qui me servait lorsque je déambulais quotidiennement la nuit dans les couloirs. AD The video starts with a background description of nights at the “Notre Maison” old people’s home in Nancy. The night is disconcerting. Landmarks are lost, life goes astray. This video is the story of my stay at “Notre Maison”. I became attached to what I felt about that specific environment represented by a retirement home, by the way you become overtaken by the rhythm of the inhabitants, and even more by their way of thinking and operating, which is not always the most restful. Moments of incoherence are the outcome of the extended time in that place where any sane person (or otherwise) ends up losing their references. The video was shot by flashlight, the same one I used when I walked every night along those corridors. AD 94 Saison Vidéo 2011 Entretien Un rapport étrange au corps Mo Gourmelon : On se souvient de A feeling of today, 2007, (projetée dans le programme Les Climats, Saison Vidéo 2008) qui, partant de vos expériences personnelles, retranscrivait à partir de vos dessins et de votre voix, une sorte de cartographie des liaisons amoureuses à l’ère d’Internet. Le procédé est identique pour Bienvenue sur le folie express, on entend votre voix tandis que des dessins rendent compte avec beaucoup de distanciation et d’humour de votre expérience d’une résidence d’artiste dans une maison de retraite à Nancy, “Notre Maison”. Quelles sont les circonstances de cette résidence et les motifs qui vous ont incitée à l’accepter ? Si les expériences amoureuses sont assez communes et partagées, vouloir considérer la vieillesse et encore plus sa décrépitude est a priori moins engageant… Alexandra David : C’est effectivement une résidence qui a eu lieu dans des circonstances un peu particulières. Le Directeur de “Notre Maison”, Monsieur L’Huillier, réfléchissait déjà depuis un moment à faire intervenir des artistes dans sa maison de retraite. Il nous a donc contactées, Sophie Usunier et moi-même, en nous faisant une demande très précise. Il souhaitait avoir un regard extérieur sur “Notre Maison”, un regard qui serait indépendant de celui du corps médical, des familles et des personnes impliquées avec les résidents. C’est une démarche rare venant d’un directeur de maison de retraite. Nous avons trouvé la proposition stimulante. J’ai également perçu cette invitation comme une opportunité de travailler avec Sophie (dont j’aime beaucoup le travail et la personnalité) et comme la possibilité d’une expérience forte qui ne pouvait que nourrir mon travail. Se retrouver en immersion totale dans un environnement qui contient tout ce que nous tentons de fuir en permanence, et prendre le risque de ne pas en sortir indemne, c’était excitant. MG : En effet le directeur a eu une attitude singulière. Souvent le statut de l’artiste invité n’est pas très clair et on lui demande de mettre en place - plus ou moins implicitement - des démarches participatives, qui ne sont pas toujours très réussies. AD : Dans notre cas, le directeur a été très clair sur ce point. Il ne souhaitait surtout pas que l’on confonde notre présence et notre travail 95 Saison Vidéo 2011 avec de l’animation. Notre simple présence bouleversait le quotidien de la maison de retraite et posait question. Je pense que c’est le but qu’il cherchait. Il n’a donné aucune raison à notre présence, juste le fait que nous soyions artistes et que nous allions vivre dans “Notre Maison” pendant un mois et demi en tant que résidentes. Lorsqu’on lui posait la question : à savoir ce que nous allions faire en tant qu’artistes ; il répondait de façon évasive qu’il n’en savait rien, qu’il ne savait pas non plus si nous allions produire quelque chose, que les artistes aujourd’hui ne fabriquaient pas toujours des formes. Cette situation de doute surprenait mais elle était en même temps rassurante. Comme si le fait de ne pas savoir ce qui allait se passer n’avait aucune gravité. De toute façon, en ce qui me concerne, la demande d’une démarche participative aurait été un risque. J’aurais été tentée de contourner cette contrainte pour faire un travail qui interroge cette notion. MG : Comment avez-vous abordé ce contexte ? Avez-vous travaillé en même temps que Sophie Usunier ? On sent chez vous une volonté de dédramatisation ? Pourquoi ce choix de la lampe de poche ? AD : J’ai abordé ce contexte en me posant la question de ma propre vieillesse. Ce qui était au départ assez angoissant. C’est ce qui m’a poussée à vouloir vivre, autant que possible, ce que je vais devenir. J’ai donc partagé les mêmes repas que les résidents, tenté de suivre leurs horaires, activités et de vivre leurs nuits. L’expérience était une performance que j’ai volontairement choisi de traiter hors d’un pathos facile. Je cherchais à m’éloigner de l’image brutale que l’on peut avoir de ce type de lieu et de la vieillesse qui, à mon avis, ne fait que nourrir le culte de la jeunesse, voire du jeunisme, dont nous sommes déjà bien assez infectés. Dédramatiser dans mon travail, c’est aussi désamorcer. Cela a pour fonction de créer un déplacement du regard et des habitudes. J’ai également tenté de m’éloigner du documentaire sociologique ou d’une position de savante, ce qui m’a permis de créer un recul entre ce que je sais d’une maison de retraite, de la vieillesse, et ce que j’ai pu expérimenter et voir réellement. À partir de cet instant, la démence par exemple, devient, non plus l’expression d’une pathologie dégénérative, mais une source de création dont le discours n’est pas si éloigné du langage du théâtre de l’absurde, et les actes similaires à ceux d’une performance artistique. J’ai d’ailleurs utilisé la vidéo comme un outil de pensée, non d’expression, mais bien de pensée 96 et précisément de pensée non linéaire mais faite d’extrapolations, un peu comme lorsque l’on navigue d’une idée à une autre sur Internet. Il y a bien une idée de départ mais qui se perd un peu au fur et à mesure. C’est ce qui me permet de raconter mon expérience dans la maison de retraite en parlant autant de ce qui s’y passe que de ce que j’imagine. Tout cela avec une distanciation ironique à la fois du lieu, des gens et de moi-même. La lampe de poche a un peu la même fonction que l’histoire dans la vidéo. J’ai laissé le vécu décider de la forme. Les résidents sont couchés très tôt et dorment souvent la porte ouverte. Nous évitions avec Sophie Usunier de les déranger en allumant les lumières des couloirs, d’où la lampe de poche. J’ai aussi choisi la nuit parce que c’est un des moments les plus difficiles, les résidents en s’endormant ne sont jamais sûrs de se réveiller. D’ailleurs, heureusement que nous étions en résidence ensemble avec Sophie. Je n’aurais jamais pu dormir seule la nuit dans la chambre alors que j’entendais les cris angoissés et répétitifs d’une dame au troisième. MG : À propos de démence, vous déclarez : “On parle beaucoup de démence ici. Démence, Démence, Démon ramène ta sœur ici ! On devrait quand même pas autant en parler. C’est quand même la sœur de celui dont on ne prononce pas le nom. Ça c’est moi en démence. Je me trouve assez sexy”. Vous vous en sortez bien finalement ! AD : Oui ! Même si j’ai été immergée totalement en tant que résidente, il reste le fait que c’est temporaire, que je ne suis pas encore vieille et dépendante. Puis c’est toujours une posture d’artiste où le but est d’arriver à mettre une certaine distance de façon à offrir un regard critique. C’est ce que j’ai voulu faire avec la démence. C’est un mot qui est traité comme l’église aurait traité le démon. Les sonorités des deux mots sont d’ailleurs assez proches. Même dans le langage courant nous préférons parler d’Alzheimer plutôt que de démence. Je me moque de ce mot tabou dans une maison de retraite. Quasiment tout le monde est atteint d’une certaine forme de démence mais on ne peut pas utiliser ce mot pour en parler. Dans l’environnement de la maison de retraite, la démence est la pathologie qui m’a le plus stimulée et déroutée. C’est difficile de savoir quand le discours ou les actions Saison Vidéo 2011 de la personne en face sont liés à la démence ; moi-même je me suis souvent trompée. Sans compter qu’en dehors de ce contexte, cela aurait pu être de l’art ou de la performance. Puis, si l’on considère la réalité comme un consensus commun sur lequel nous nous sommes inconsciemment mis d’accord en tant qu’humains pour faciliter la communication, alors la réalité d’une personne atteinte de démence n’est au final qu’un point de vue qui nous est étranger. Les écouter c’est un peu comme se retrouver en face d’un chaman ou d’un médium qui vous donne des bribes de phrases qu’il vous faut interpréter. Ça a toujours du sens, même si on met du temps à le trouver. L’ensemble de l’expérience était effectivement positif. Ce dont nous avons pu rendre compte par une exposition, dans la maison de retraite même, où les résidents pouvaient avoir accès aux pièces que nous avons réalisées. C’est difficile de savoir réellement comment les résidents atteints de démence ont perçu nos pièces mais c’était intéressant de voir concrètement et réellement qu’une exposition de ce type pouvait créer des croisements au niveau des publics. Dans ce cas, c’était aussi l’occasion d’ouvrir ce lieu qui ne nous renvoie rien d’accueillant à un public qui n’y serait jamais venu autrement. Puis, bien que nous n’ayons pas réalisé toutes nos pièces en commun avec Sophie, l’expérience a créé un fil directeur dans l’exposition, qui je pense, laissait transparaître notre soutien mutuel. MG : Vous avez aussi recours à la digression à propos du terme “Personnalité” ou de la “personne alitée”... AD : Les confusions et les non-sens sont nourrissants pour l’imaginaire. Cela devient un jeu qui décale la réalité de ce que l’on voit, à ce que l’on comprend. C’est un peu comme se mettre dans la peau d’un résident atteint de démence. Tout a du sens. Le contexte est juste un peu confus. Je me rappelle une dame qui tous les matins me parlait du soleil éblouissant. Effectivement, les lumières de son couloir étaient très vives. La remarque était juste, mais le contexte décalé. Dans le cas des personnalités/personnes 97 Saison Vidéo 2011 alitées ; j’ai trouvé que cela créait un rapprochement qui avait du sens. Une personnalité et la personne alitée reçoivent toutes deux une attention particulière. C’était également une façon de souligner mon attachement aux résidents. Ce sont de vraies personnalités, avec des histoires et des comportements qui vous surprennent quotidiennement. Nous avons ainsi appris une nuit, grâce aux insomnies de notre voisine de palier, comment se faisait le champagne de contrebande dans les sous-sols de “Notre Maison”. MG : Il y a donc ce parti pris de se mettre à la place de, jusqu’à dormir dans la maison de retraite, c’est-à-dire partager l’un des moments les plus angoissants - ce qui semble particulièrement téméraire - au lieu d’être de passage. Est-ce la raison pour laquelle vous déclarez en voix off : “J’ai quand même développé un rapport étrange au corps ici.” ? Formule percutante. AD : La différence entre une résidence où l’on rentre chez soi le soir, et une où l’on est en immersion totale, c’est que la première permet de se changer les idées alors que la seconde ne permet aucune échappatoire. Je pense que si nous avions été de passage, il y aurait eu moins de tensions alors que c’est précisément, à mon avis, le moment où les choses deviennent intéressantes. Nous avons tenu un blog quotidiennement lors de notre séjour qui rend bien compte de cela. L’énervement, la fatigue, l’enfermement déclenchent un état proche de la folie qui permet de comprendre autant physiquement que mentalement ce qui traverse les résidents. Le corps pose effectivement beaucoup question dans une maison de retraite. À force de garder les gens en vie par tous les moyens médicaux possibles cela engendre inévitablement un environnement où la vision du corps qui dégénère est très présente. Au départ cela m’a atteint inconsciemment. Puis je me suis rendue compte que j’achetais non plus de la crème pour le visage mais de la crème anti-ride. La moindre remarque (même pour plaisanter) qui pouvait faire référence à mon corps m’atteignait. L’environnement de malades me rendait aussi un peu hypocondriaque. Une maison de retraite médicalisée vous renvoie toujours à quelque chose du malade, même lorsque tout est fait esthétiquement pour aller à l’encontre. C’est psychologique, nous ne pouvons nous 98 cacher le fait que l’on s’y trouve parce qu’on ne peut plus se débrouiller seul et que c’est la dernière étape avant la mort. Mais cette affection sur mon corps m’a surtout permis de questionner les normalités et anormalités dont notre société s’est accommodée par rapport au corps vieillissant. Une “bimbo mature” (argot pour parler d’une femme d’un certain âge ayant subit pas mal d’interventions chirurgicales) est parfois considérée plus acceptable qu’une personne ridée dont le corps raconte la vie. Je me demande par conséquent, où le rapport au corps est le plus étrange. Si c’est dans une maison de retraite ou sous le bistouri de la chirurgie esthétique. Lorsque j’évoque le corps dans la vidéo c’est pour amener par diverses expériences indirectement à cette réflexion. Saison Vidéo 2011 Interview A Strange Relation to the Body Mo Gourmelon: People remember A Feeling of Today, 2007, (screened in the Les Climats programme, Saison Vidéo, 2008) which was based on your personal experiences, and, using your drawings and your voice, transcribed a sort of cartography of amorous liaisons in the age of the Internet. The procedure is identical for Bienvenue sur le folie express; we hear your voice, while drawings, in a very removed and witty way, describe your experience of an artist’s residency in an old people’s home in Nancy called “Notre Maison”. What were the circumstances of that residency and the reasons which prompted you to accept it? If amorous experiences are fairly common and shared, wanting to deal with old age and, even more so, its decrepitness is on the face of it less engaging… Alexandra David: It was a residency which actually took place in slightly special circumstances. The Director of the old people’s home, Mr. L’Huillier, had already been thinking for a while about getting artists involved in his home. So he contacted us—Sophie Usunier and myself—with a very precise request. He wanted to have an outsider’s eye on “Notre Maison”, a way of seeing it that would be independent of the medical profession’s, and of the way families and people involved with the residents see it. This is a rare approach coming from the director of an old people’s home. We found the proposal stimulating. I also saw it as an opportunity to work with Sophie (whose work and personality I like a lot), and as a possibility of having a powerful experience which could not fail but nurture my work. It was exciting to find myself completely immersed in an environment that contains everything we spend our time fleeing from, and taking the risk of not getting out of there unscathed. MG: The director had an unusual attitude, in fact. The status of the invited artist is often not very clear and he or she is asked—more or less implicitly—to introduce participatory approaches which aren’t always very successful. AD: In our case, the director was very clear about this. Above all he didn’t want us to muddle our presence and our work with the programme. Our mere presence upset the daily round of the old people’s home and raised questions. I think that’s the goal he was aiming at. He didn’t give any reason for our presence, just the fact that we were artists and were going to live in “Notre Maison” for a month and a half as residents. When he was asked what we were going to get up to as artists, he answered in an evasive way that he didn’t know, nor did he know if we were going to produce anything, saying that today’s artists didn’t always produce forms. This state of doubt was surprising but at the same time it was reassuring. As if the fact of not knowing what was going to happen wasn’t anything serious. In any event, as far as I’m concerned, a request for a participatory approach would have been risky. I would have been tempted to get around that restriction to produce something challenging that idea. MG: How did you deal with the context? Did you work simultaneously with Sophie Usunier? You give off a feeling that you want to de-dramatize things… Why this decision involving the flashlight? AD: I dealt with the context by asking myself about my own old age. Which was a bit distressing to start with. That’s what’s made me want to experience what I’m going to become, as much as possible. So I shared meals with the residents, tried to keep to their schedules and activities, and I experienced their nights. It was all a performance which I deliberately chose to deal with without resorting to any facile pathos. I tried to get away from the brutal images that people can have of this type of place and of old age, images which, in my view, merely nurture the youth cult which has already pretty much infected us all. Dedramatizing things in my work is also like defusing things; its function is to create a shift of eye and habits. I also tried to get away from the sociological documentary, and any kind of scholarly position, which enabled me to create a hindsight between what I know about an old people’s home, and old age, and what I was able to experiment with and actually see. From that moment on, dementia, for example, no 99 Saison Vidéo 2011 longer becomes the expression of a degenerative pathology but a source of creation where the discourse is not that far removed from the language of the theatre of the absurd, and the acts are akin to those of an artistic performance. Incidentally, I used video as a tool for thinking, not a tool for expressing, but actually thinking and, to be more precise, not linear thinking but thinking made up of extrapolations, a bit like when you surf from one idea to another on the Internet. There is of course a basic idea, but it gradually goes a bit astray. It’s what helps me to recount my experience in the old people’s home by talking as much about what happens in it as about what I imagine. All this with an ironical remove from the place, from the people, and from myself. The flashlight has a bit the same function as the story in the video. I let experience decide on the form. The residents go to bed very early and they often sleep with their door open. We made sure, Sophie Usunier and I, that we didn’t disturb anyone by switching on the lights in the corridors, which explains the flashlight. I also chose nighttime because it’s one of those most difficult moments—when the residents fall asleep they’re never sure they’re going to wake up again. What’s more, and luckily, I was artist-in-residence with Sophie; I could never have slept on my own at night in the bedroom while I was hearing the repeated distressed cries of a lady on the third floor. MG: You say this about dementia: “There’s a lot of talk about dementia here. Dementia, Dementia, Demon bring your sister here! But there shouldn’t be so much talk about it. It’s the sister all the same of the person whose name is not uttered. That’s me in dementia. I think I’m quite sexy.” In the end you came out of it all right! AD: Yes! Even if I was totally immersed as a resident, the fact remains that it’s temporary, and that I’m not yet old and dependent. Then there’s always an artist’s posture, where the aim is to manage to put a certain distance in such a way as to offer a critical eye. This is what I wanted to do with dementia. It’s a word that’s treated the way the church dealt with demons. The sounds of the two words are quite close, by the way. Even if in current parlance we prefer to talk of Alzheimer’s rather than dementia. I 100 laugh a bit at this taboo word in an old people’s home. Nearly everyone has a certain form of dementia, but you can’t use this word to talk about it. In the environment of the old people’s home, dementia is the pathological condition that stimulated and disconcerted me the most. It’s hard to know when the words and actions of the person opposite you are linked with dementia; I myself often got it wrong. Without reckoning on the fact that, out of context, it might have been art or performance. Then if you consider reality to be a shared consensus about which we’re all unwittingly in agreement as human beings, to make communications easier, then the reality of a person suffering from dementia is, in the end, just a viewpoint which is foreign to us. Listening to them is a bit like finding yourself with a shaman or a medium who gives you snippets of sentences which you have to interpret. It always makes sense, even if you take time to find it. In any event, our experience brought us a great deal and enabled us to put on a show in the actual old people’s home itself, where the residents could have access to the works we produced. It’s difficult to really know how residents suffering from dementia saw our pieces, but it was interesting to see in a concrete way how an exhibition could really create interactions at the level of the different kinds of public. In this instance, it was also an opportunity to open up that place, which has nothing welcoming about it, to a public that would otherwise never have set foot in it. Then, although not all the pieces were made in common with Sophie, the experience created a guiding thread in the show which I think gave glimpses of our mutual support. MG: You also made use of digression with regard to the term: Personality, and the bedridden person. AD: Confusion and nonsense fuel the imagination. This becomes a game which shifts the reality of what we see, through what we understand. It’s a bit like putting yourself in the skin of a resident suffering from dementia. Everything means something, the context is just a bit muddled. I remember a lady who, every morning, talked to me about the dazzling sun. In fact the lights in her corridor were very bright. Her observation was quite right, the context was just a bit off. On the case of personalities/bedridden people, I found that this created a connection that made sense. A personality and a bedridden person both get special attention. This was also a way of emphasizing my attachment Saison Vidéo 2011 to the residents. They are real personalities with histories and patterns of behavior which take you by surprise day in day out. So one night, because of the insomnia of our neighbour, we learnt how bootleg champagne was made in the basement of “Notre Maison”. to our body is at its strangest—if it’s not in an old people’s home or under the scalpel of plastic surgery. When I describe my body in the video it’s to lead indirectly to this line of thinking by way of different experiences. MG: So there’s a decision made to put yourself in the place of [a resident], to the point of sleeping in the old people’s home, in other words to share one of the most distressing moments—which seems particularly foolhardy—instead of just passing through. Is this why you say, as a voice over: I did all the same develop a strange relation to the body here? A striking thought. AD: The difference between a residency, where you go home every night, and one where you’re totally immersed is that the former enables you to rethink things, whereas the latter doesn’t offer any outlet. I think that if we’d just been passing through, there would have been less tension, whereas, in my opinion, that is precisely the moment when things become interesting. We kept a daily blog during our stay which describes all that. The irritation, the tiredness, and the confinement, they all trigger a state close to madness which helps you to understand, physically as much as mentally, what goes through the residents’ minds. The body actually raises a lot of questions in an old people’s home. By virtue of keeping people alive by every medical means possible, this inevitably gives rise to an environment where visions of bodies degenerating are very present. To begin with this unwittingly affected me. Then I realized that I was no longer buying face cream but anti-wrinkle cream. The slightest observation (even in jest) that might refer to my body got to me. The environment of sick people also made me a bit hypochondriac. A old people’s home with medical surveillance invariably refers you to something sick, even when everything is done, aesthetically speaking, to work against that. It’s psychological, we can’t hide from the fact that you are there because you can no longer do things for yourself, and this is the last stage before death. But this attachment to my body helped me above all to question the normalities and abnormalities which our society goes along with in relation to ageing bodies. A mature “bimbo” (slang for a woman of a certain age who has had more than a few operations) is sometimes considered more acceptable than a wrinkled person whose body recounts their life. As a result, I wonder where our relation 101 Saison Vidéo 2011 J U I L L E T 2 0 1 1 . W W W. S A I S O N V I D E O . C O M THE INTERNAL URAL Ce programme résulte d’une collaboration entre la Saison Vidéo et le National Center for Contemporary Arts Ekaterinburg Branch. Il poursuit les échanges de programmations menés entre le NCCA à Ekaterinbourg et l’Espace Croisé dans le cadre de l’année France-Russie en 2010. À partir d’une exposition intitulée The Internal Ural et organisée en 2009 par Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov et Svetlana Usoltseva ; la Saison Vidéo a choisi des vidéos à présenter sur son site. L’Oural partage avec le Nord-Pas de Calais un passé industriel restructuré. “The Internal Ural n’est ni un plagiat de Pelevin, ni un hommage à Beuys. Il s’agit de l’alchimie même qui se produit à cette frontière géographique si attrayante entre l’Europe et l’Asie, de la métaphore trompeuse d’une région au décor existentiel extrêmement riche… Les gens qui vivent dans l’Oural ne font pas que grandir dans ces montagnes, ces forêts et ces champs de neige infinis, ils portent aussi en eux le gène d’une grande mythologie de l’Oural.” Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov. This programme is the outcome of a joint venture involving Saison Vidéo and the National Center for Contemporary Arts Ekaterinburg Branch. It carries on the programme exchanges undertaken between the NCCA in Ekaterinburg and the Espace Croisé as part of the France-Russia Year in 2010. Based on an exhibition called The Internal Ural, organized in 2009 by Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov and Svetlana Usoltseva, Saison Vidéo has chosen various videos to show on its website. The Urals share a restructured industrial past with the Nord-Pas de Calais Region. “The Internal Ural is not a plagiary from Pelevin, neither a homage to Beuys. It is the very alchemy which occurs on such geographically attractive frontier of Europe and Asia, a deceptive metaphor for the region extremely rich in existential background… People living in the Urals not only grow into these mountains, forests and fields of endless snow, but also carry a gene of a great Ural mythology.” Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov. 102 Saison Vidéo 2011 Oleg Blyablyas 887788, 2001, 3 mn 55 Une grande fosse près de la mine Magnetitovaya de la ville de Nizhny Tagil. “C’était une grande montagne qui devint une profonde crevasse” - c’est ainsi que les gens décrivent cet endroit, où la ville prit ses racines. La nouvelle d’un minerai de meilleure qualité qu’en Suède se propagea jusqu’à Saint Petersbourg. Une pure veine ombilicale de minerai de fer dans le ventre de la montagne attira les usines Demidov. La mine affecta les destinées. Les nobles patrons d’usines, les maîtres fraichement arrivés de la ville de Tula, les Vieux Croyants au pouvoir, les serfs, les bagnards contraints à l’usine – tous nourrissaient leurs vies à travers la veine ombilicale de minerai. L’énergie de milliers d’hommes creusa davantage la fosse. La veine ombilicale fut extraite. L’un de ses fragments est conservé dans un musée local depuis déjà 200 ans. La fosse, telle un ventre desséché, ses enfants se mirent à la remplir de boue, fétide et corrompue. Ils n’ont pas besoin de frères et sœurs. Un yacht sous une voile blanche dans une crevasse sale et négligée, comme une ultime tentative de tomber enceinte… OB A big pit next to the Magnetitovaya mine in the town of Nizhny Tagil. “It was a high mountain that became a deep pit” – people say about the place, from which the city started growing. The news about an ore of a higher quality than in Sweden reached St. Petersburg. Pure umbilical core of magnetic iron ore in the mountain womb brought up Demidov plants. The pit affected fates. Noble factory owners, newly arrived masters from the city of Tula, governing Old Believers, serfs, runaway state convicts bind to the plant – all of them were nourishing lives through ore umbilical core. Energy of thousands of people deepened the pit. The umbilical core is withdrawn. Only a piece taken out of it is staying in a local museum for 200 years already. The pit, dried-up womb, its children started to fill with slush, rotten and viscous. They don’t need brothers and sisters. Yacht under white sail in dirty, neglected pit as illegal relationship, is the last attempt to get pregnant... OB 103 Saison Vidéo 2011 Den Marino The Clouds, 2008, 6 mn 11 Quand j’étais enfant, je n’étais jamais satisfait lorsque mes parents m’expliquaient que les nuages étaient formés de souffles de la Terre. Ces merveilleux géants, châteaux, îles flottantes et lapins en peluche pouvaient donc sortir d’une flaque asséchée ! En rêve, je m’imaginais d’énormes machines qui produisaient du coton céleste en tous genres. Les années sont passées et, lors d’un de mes voyages au-dessus de l’Oural, j’ai trouvé et reconnu cet endroit étrange et sacré, d’où viennent les nuages. DM In my childhood I was never satisfied by my parents’ explanation, that clouds are formed by the Earth’s exhalations. These wonderful giants, castles, floating islands, plush bunnies could appear just from a dry puddle! In my fantasies I saw a place, where huge machines were producing sky cotton of all kinds. Time has passed and during one of my journeys over the Urals I finally found and recognized this strange and sacred place, where clouds come out from. DM 104 Saison Vidéo 2011 Zer Gut (Vladimir Seleznyov, Ivan Snigirev Evgeny Goltsov, Stanislav Cherva). Visualization of domestication, or casus of modern ornithology, 2002-2003, 3 mn 29 Des artistes du groupe Zer Gut ont matérialisé avec des graines de tournesol leurs photographies d’identité sur la neige. La vidéo montre la disparition progressive des images, le processus symbolique de la mort. Les portraits disparaissent au fur et à mesure que les oiseaux picorent les graines. ZG Artists from the group Zer Gut inlaid with sunflower seeds on the snow their passport photos. Video shows gradual disappearance of the images, symbolic process of dying. The portraits are vanishing as birds are pecking up the seeds. ZG 105 Saison Vidéo 2011 Alexander Shaburov The Victim of Titanic, 1999, 5 mn 17 Cette performance vidéo fut filmée avant que l’artiste ne déménage à Moscou et ne devienne célèbre en tant que membre du groupe “Blue Noses”. La vidéo fait partie de la série “Direct expression of feelings” (Expression directe des sentiments), basée sur le principe selon lequel un visage humain est le moyen de communication le plus efficace et impressionnant – un code universel. A travers son propre visage, l’artiste illustre la fonction communicative de l’art – celle de traduire des états émotionnels. Il s’agit en même temps d’une parodie ironique des performances d’Oleg Mavromati, qui affirma qu’à une époque de grandes éditions et de citations, un artiste ne peut être authentique que lorsqu’il éprouve de la douleur. Ici, Shaburov se met dans des situations où il lui est impossible de simuler – il ressent vraiment le froid, l’humidité, l’inconfort, etc., ce qui provoque sur son visage l’apparition de grimaces drôles et touchantes. Alisa Prudnikova This video performance was created before the artist moved to Moscow and became famous as a member of the group “Blue Noses”. The video is a part of the series “Direct expression of feelings” based on the fact that a human face is the most effective and impressive mean of communication, a universal code. By his own face the artist illustrates communicative function of art – to translate emotional states. At the same time this is an ironic parody on performances by Oleg Mavromati, who asserted that in times of large editions and quotations the artist can be genuine only when feeling pain. Here Shaburov puts himself in such situations when there is no opportunity to simulate – he really feels cold, dampness, discomfort, etc., which causes funny and touching grimaces appear on his face. Alisa Prudnikova 106 Saison Vidéo 2011 Viktor Davydov Dunya the Fine-Spinner, 1997, 2 mn 38 Les particularités de l’amour national qui arrivent de temps en temps. Les traditions familiales des natifs de l’Oural : une mariée avec un coquard, nageant dans un trou dans la glace, ainsi que d’autres détails fascinants sur les coutumes des gens “des régions austères de l’Oural”. VD The specificity of the national love that happens from time to time. The Ural natives’ traditions of family life: a bride with a shiner, swimming in an ice hole, and other fascinating details of customs of “severe Ural region” people. VD Elena Klimova The sense of the Site, 2009, 5 mn 29 En se retrouvant dans un lieu, nous tentons tous de faire appel à nos souvenirs et d’apporter un sens nouveau à cet espace. Inconsciemment, nous voulons nous approprier ce lieu ou y laisser une trace de nous-mêmes. Nous sommes à la recherche d’un tel endroit et nous espérons qu’il s’agit là de l’espace de l’existence inévitable. EK Finding ourselves in some place, we are trying to recall our memory and bring a new meaning to this space. Unconsciously, we wish to appropriate the place or to leave a part of ourselves in it. We are looking for such a place and hoping that it is the very space of inevitable existence. EK 107 Saison Vidéo 2011 Les artistes 108 Catherine Dalfin, vit à Paris lives in Paris p. 16 Adrienne Alcover, née en 1972, vit à Paris born in 1972, lives in Paris p. 10 Alexandra David, née en 1974, vit à Grenoble Born in 1974, lives in Grenoble p. 94 Zoé Baraton, née en 1987, vit à Poitiers Born in 1987, lives in Poitiers p. 66 Viktor Davydov, né en 1953, vit à Ekaterinbourg Born in 1953, lives in Ekaterinburg p. 107 Neil Beloufa, né en 1985, vit à Paris Born in 1985, lives in Paris p. 90 Mathias Delfau, né en 1968, vit à Colombes Born in 1968, lives in Colombes p. 54, 81 Marion Berry, née en 1987, vit à Dijon Born in 1987, lives in Dijon p. 82 Arnaud Dezoteux, né en 1987, vit à Paris Born in 1987, lives in Paris p. 56 Firat Bingöl, né en 1981, vit à Istanbul Born in 1981, lives in Istanbul p. 43 Bertrand Dezoteux, né en 1982, vit à Paris Born in 1982, lives in Paris p. 70 Oleg Blyablyas, né en 1967, vit à Kaliningrad Born in 1967, lives in Kaliningrad p. 103 Sarah Dobai, née en 1965, vit à Londres Born in 1965, lives in London. p. 89 Julia Boix-Vives, née en 1970, vit à Eindhoven Born in 1970, lives in Eindhoven p. 13, 72 Sarah Doyle, née en 1978, vit à Londres Born in 1978, lives in London p. 79 Marthe Bolda, née en 1970, vit à Lille et Bamako Born in 1970, lives in Lille and Bamako p. 85, 87 Sirine Fattouth, née en 1980, vit à Paris Born in 1980, lives in Paris p. 39 Mohammed Bourouissa, né en 1978, vit à Paris Born in 1978, lives in Paris p. 19 Andreas Fohr, né en 1971, vit à Paris Born in 1971, lives in Paris p. 52 Neil Bryant, né en 1968, vit à Chichester Born in 1968, lives in Chichester p. 11 Maria Frycz, née en 1981, vit à Berlins Born in 1981, lives in Berlin p. 74 Erik Bullot, né en 1963, vit à Paris Born in 1963, lives in Paris p. 32 Laura Gannon, née en 1972, vit à Londres Born in 1972, lives in London p. 71 Jemima Burrill, née en 1970, vit à Londres Born in 1970, lives in London p. 80 Patrice Goasduff, né en 1972, vit à Rennes Born in 1972, lives in Rennes p. 06 Gérard Cairaschi, né en 1956, vit à Paris Born in 1956, lives in Paris p. 75 Véronique Hubert, née en 1970, vit à Vitry sur Seine Born in 1970, lives in Vitry sur Seine p. 12, 73 Nicolas Carrier, né en 1981, vit à Paris Born in 1981, lives in Paris p. 46 Laura Huertas Millan, née en 1983, vit à Lille et Bogota Born in 1983, lives in Lille and Bogota p. 44 Sophie Combes, née en 1974, vit à Malissard Born in 1974, lives in Malissard p. 68 Charlie Jeffery, né en 1975, vit à Paris Born in 1975, lives in Paris p. 84 Tom Dale, né en 1974, vit à Londres Born in 1974, lives in London p. 83 Tali Keren, né en 1982, vit à Tel-Aviv, Israel Born in 1982, lives Tel-Aviv, Israel p. 78, 93 Saison Vidéo 2011 Elena Klimova, née en 1986, vit à Ekaterinbourg Born in 1986, lives in Ekaterinburg p. 107 Bärbel Pfänder, née en 1979, vit à La Bazoque, France Born in 1979, lives in La Bazoque, France p. 40 Thomas Léon, né en 1981, vit à Paris Born in 1981, lives in Paris p. 91 Mélanie Poinsignon née en 1976, vit à Paris Born in 1976, lives in Paris p. 42 Guillaume Linard-Osorio, né en 1978, vit à Paris Born in 1978, lives in Paris p. 67 Mark Raidpere, né en 1975, vit à Tallinn, Estonie Born in 1975, lives in Tallinn, Estonia p. 21 Marija Linciuté, née en 1985, vit à Vilnius et Grenoble Born in 1985, lives in Vilnius and Grenoble p. 15 Annelise Ragno, née en 1982, vit à Dijon Born in 1982, lives in Dijon p. 76 Fiona Lindron, née en 1976, vit à Dijon Born in 1976, lives in Dijon p. 73 Fabien Rigobert, né en 1968, vit à Roubaix Born in 1968, lives in Roubaix p. 11 Beat Lippert, né en 1977, vit à Paris et Genève Born in 1977, lives in Paris and Genova p. 69, 81 Philippe Rouy, né en 1971, vit à Paris Born in 1971, lives in Paris p. 38 Jacques Lœuille, né en 1983, vit à Bruxelles Born in 1983, lives in Brussels p. 24 Erica Scourti, née en 1980, vit à Londres Born in 1980, lives in London p. 46 Marko Mäetamm, né en 1965, vit à Tallinn, Estonie Born in 1965, lives in Tallinn, Estonia p. 47 Masha Sha, née 1982, vit à St-Petersbourg Born in 1982, lives in Saint-Petersburg p. 74 Laurent Mareschal, né en 1975, vit à Paris Born in 1975, lives in Paris p. 45 Alexander Shaburov, né en 1965, vit à Moscou Born in 1965, lives in Moscow p. 106 Den Marino, né en 1978, vit à Ekaterinbourg Born in 1978, lives in Ekaterinburg p. 104 Miranda Sharp, née en 1972, vit à Hastings, GB Born in 1972, lives in Hastings, UK p. 48 Matthieu Martin, né en 1986 vit à Bayeux et Toronto Born in 1986, lives in Bayeux and Toronto p. 80 James Stokes, né en 1979, vit à Bristol Born in 1979, lives in Bristol p. 12 Nora Martirosyan, née en 1973, vit à Montpellier Born in 1973, lives in Montpellier p. 33 Marie Voignier, née en 1974, vit à Paris Born in 1974, lives in Paris p. 02, 22, 40 Armand Morin, né en 1984, vit à Lille Born in 1984, lives in Lille p. 69 Rachel Wilberforce, née en 1975, vit à Londres et Ipswich Born in 1975, lives in London and Ipswich p. 68 Michelle Naismith, née en 1967, vit à Bruxelles Born in 1967, lives in Brussels p. 88 Virginie Yassef, née 1970, vit à Paris Born in 1970, lives in Paris p. 86 Sun Noh, née 1979, vit à Grenoble Born in 1979, lives in Grenoble p. 84 ZER GUT p. 105 Alex Pearl, né en 1968 vit Ipswich, GB Born in 1968, lives in Ipswich, UK p. 75, 93 Miranda Pennell, née en 1963, vit à Londres Born in 1963, lives in London p. 18 Stanislav Cherva, né en 1973, vit à Ekaterinbourg Born in 1973, lives in Ekaterinburg Evgeny Goltsov, née en 1980, vit à Moscou Born in 1980, lives in Moscow Vladimir Seleznyov, né en 1973, vit à Ekaterinbourg Born in 1973, lives in Ekaterinburg Ivan Snigirev, né en 1978, vit à Ekaterinbourg Born in 1978, lives in Ekaterinburg 109 Saison Vidéo 2011 110 21 janvier – 26 mars 2011, Espace Croisé, Roubaix, MARIE VOIGNIER p. 02 Jeudi 3 février 2011 à 19 h 30, CAUE, Lille, PATRICE GOASDUFF p. 06 Février 2011, www.saisonvideo.com, LE DÉCOLLEMENT DU RÉEL p. 10 Jeudi 10 février 2011 à 18 h 30, Musée des Beaux-Arts, Valenciennes, CATHERINE DALFIN / MARIJA LINCIUTÉ p. 14 Samedi 12 février 2011 à 16 h 30, Musée des Beaux-Arts, Valenciennes, FAIRE FRONT p. 18 Mardi 15 février 2011 à 14 h 30, École Supérieure d’Art, Cambrai, LE FARWEST C’EST ICI p. 22 Jeudi 17 février 2011 à 10 h, ESAAT, Roubaix, TRAVERSÉES : NORA MARTIROSYAN / ERIK BULLOT p. 32 Vendredi 18 février 2011 à 10 h, Lycée Jean Rostand, Roubaix, L’IMAGE IMPOSSIBLE p. 38 Mars 2011, www.saisonvideo.com, CAN YOU HEAR ME ? p. 42 Mardi 8 mars 2011 à 18 h 30, artconnexion, Lille, MIRANDA SHARP p. 48 Mercredi 16 mars 2011 à 20 h 30, Centre d’arts plastiques et visuels, Lille, ANDREAS FOHR p. 52 Jeudi 17 mars 2011 à 14 h, ERSEP, Tourcoing, MATHIAS DELFAU p. 54 Mercredi 23 mars 2011 à 14 h, UFR arts plastiques, Tourcoing, BERTRAND DEZOTEUX p. 56 Avril 2011, www.saisonvideo.com, ESPACES FICTIONS p. 66 6 avril 2011 à 14 h, IUT B Infocommunication, Tourcoing, FRÉMISSEMENTS p. 72 Jeudi 14 avril 2011 à 18 h, Musée des Beaux-Arts, Calais, rencontre avec ANNELISE RAGNO p. 76 Mai 2011, www.saisonvideo.com, À VOS MARQUES p. 78 Juin 2011, www.saisonvideo.com, DÉRIVES p. 82 14 juin – 9 juillet 2011, Espace Croisé, Roubaix, IDEAL #13 p. 88 Juillet 2011, www.saisonvideo.com, INTERNAL URAL p. 102 Saison Vidéo 2011 La Saison Vidéo remercie les artistes sans qui ces programmes vidéos n’auraient pas lieu : La Saison Video thanks the artists without whom these video programmes could not have been organised: Adrienne Alcover, Zoé Baraton (+ Sümbül Kecelioglu, Maud Lemaitre), Neil Beiloufa, Marion Berry, Firat Bingöl, Oleg Blyablyas, Julia Boix-Vives, Marthe Bolda, Mohammed Bourouissa, Neil Bryant, Erik Bullot, Jemima Burrill, Gérard Cairaschi, Nicolas Carrier, Sophie Combes, Tom Dale, Catherine Dalfin, Alexandra David, Viktor Davydov, Mathias Delfau, Arnaud Dezoteux, Bertrand Dezoteux, Sarah Dobai, Sarah Doyle, Sirine Fattouth, Andreas Fohr, Maria Frycz, Laura Gannon, Patrice Goasduff, Véronique Hubert, Laura Huertas Millan, Charlie Jeffery, Tali Keren, Elena Klimova, Thomas Léon, Guillaume Linard-Osorio, Marija Linciuté, Fiona Lindron, Beat Lippert, Jacques Lœuille, Marko Mäetamm, Laurent Mareschal, Den Marino, Matthieu Martin, Nora Martirosyan, Armand Morin, Michelle Naismith, Sun Noh, Alex Pearl, Miranda Pennell, Bärbel Pfänder, Mélanie Poinsignon, Mark Raidpere, Annelise Ragno, Fabien Rigobert, Philippe Rouy, Erica Scourti, Masha Sha, Alexander Shaburov, Miranda Sharp, James Stokes, Marie Voignier, Rachel Wilberforce, Virgine Yassef, Zer Gut (Vladimir Seleznyov, Ivan Snigirev, Evgeny Goltsov, Stanislav Cherva) Ainsi que les musées, institutions, lieux d’expositions, associations, écoles d’art, lycées, établissements d’enseignement supérieur qui en ont rendu possible l’élaboration et la lisibilité : It also thanks exhibition venues, the museums, associations, art schools, secondary schools and higher education centres that helped implement this programme and make it legible: Philippe Tavernier, Béatrice Auxent, Véronique Beaussart, Yves Brochard, Nathalie Cogez-Poisson, Amanda Crabtree Emmanuelle Delapierre, Andreas Fohr, Barbara Forest, France Latournerie, Véronique Perus, Françoise Pierard, Marie Joseph Pilette, Benoît Poncelet et tous ceux qui par leurs conseils, enseignants, artistes, critiques d’art nous ont aiguillés dans nos choix et spécialement : and it thanks all those teachers, artists and art critics who, by their advice, have guided our choices and specially: Joël Bartoloméo, Anthony Coursier, Michael Cousin (Outcasting), Alexandra David, Ben Eastop, Jacques Lœuille, Antoinette Ohannessian, Georges Rey, Emmanuel Saulnier, Natalia Trebik, Virginie Yassef, David Wright, Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov et Svetlana Usoltseva Mark Raidpere est représenté par la galerie Michel Rein, Paris Virginie Yassef est représentée par la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Paris Miranda Pennell est distribuée par Lux, Londres Philippe Rouy est distribué par Heure Exquise !, Mons en Baroeul 111 Saison Vidéo 2011 La Saison Vidéo a été créée en 1988 Ce numéro est le trente cinquième SAISON VIDÉO 21 AVENUE LE CORBUSIER F-59042 Lille cedex tél : +33 3 61 50 68 23 email: [email protected] - www.saisonvideo.com direction artistique : Mo Gourmelon coordination : Sophie Cardonne relecture : Marine Le Carrérès traductions : Simon Pleasance et Fronza Woods, Lucy Pons Crédits photographiques : les artistes et la Saison Vidéo 2010. Le Fresnoy pour Neil Beloufa et Mohammed Bourouissa copyright : SAISON VIDÉO Les textes ou parties et photographies ne peuvent être reproduits sans accord préalable La SAISON VIDÉO est soutenue par le Ministère de la Culture - DRAC Nord-Pas de Calais le Conseil Régional Nord-Pas de Calais, la Ville de Lille, le Conseil Général du Nord L’Union Européenne à travers le projet Face2Face du programme de Coopération Transfrontalière Interreg IVA, 2 Mers Seas Zeeën, Investir dans votre futur Conception graphique : nocrea 2011 Impression : SNEL Grafics sa, Liège, Belgique Directeur de publication : Eric Deneuville Dépot légal 1er trimestre 2011 112 photographie extraite de I love Basildon, 2009, Miranda Sharp, p. 48 couverture : photographies extraites de Zaldiaren Orena,2010, Bertrand Dezoteux, p. 56