Mise en page 1 - Erica Scourti

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Mise en page 1 - Erica Scourti
SAISON VIDEO
2011
# 34
Saison Vidéo 2011
Editorial
La Saison Vidéo compose ses programmes en associant les films d’esthétiques et de nationalités variées qu’elle reçoit chaque année.
Ceux-ci se font l’écho de l’actualité de la création ou remettent en perspective des œuvres plus anciennes projetées avec des travaux
plus récents. Cette année, en regard de l’exposition de Marie Voignier à l’Espace Croisé, où son dernier film L’hypothèse du Mokélémbembé, 2011, est à découvrir en avant-première ; Western DDR (2005) est confronté à Balade américaine en Flandres, 2009, de
Jacques Lœuille, ancien étudiant du Fresnoy dont nous publions un entretien.
La Saison Vidéo s’intéresse cette année aux résidences d’artistes. Celle d’Alexandra David, dans une maison de retraite, contexte
qui a priori suscite l’évitement. Un entretien en approfondit les circonstances. L’artiste anglaise Miranda Sharp présente son projet
I Love Basildon à artconnexion. Basildon est une ville nouvelle des années cinquante du Comté d’Essex. Le projet a été mis en place
par Commissions East à Cambridge. Commissions East est associé à l’Espace Croisé, la Saison Vidéo et artconnexion dans le cadre du
programme Face2Face (Interreg IVA). La Saison Vidéo poursuit ainsi la présentation d’artistes anglais : Neil Bryant, Jemima Burrill,
Tom Dale, Sarah Dobai, Sarah Doyle, Laura Gannon, Michelle Naismith, Alex Pearl, Miranda Pennell, Erica Scourti, Miranda Sharp,
James Stokes, Rachel Wilberforce.
Six programmes en ligne sont proposés, deux de plus qu’en 2010. Les rencontres avec des artistes perdurent : Andreas Fohr, Mathias
Delfau, Annelise Ragno, Bertrand Dezoteux qui s’est livré aussi à un entretien. Enfin Patrice Goasduff inaugure cette Saison Vidéo
2010 au CAUE du Nord à Lille, en partenariat avec l’ERSEP à Tourcoing, qui accueille par ailleurs Mathias Delfau en mars 2011.
Saison Vidéo puts its programs together by associating films with varying aesthetics and of various nationalities, which it
receives each year. These echo what is currently going on in film—and art—and give a new perspective to older works screened
with more recent ones. This year, with regard to the Marie Voignier show at the Espace Croisé, where her latest film L’hypothèse
du Mokélé-mbembé, 2011, can be previewed, Western DDR (2005) is compared with Balade américaine en Flandres, 2009, by
Jacques Lœuille, a former Le Fresnoy student, an interview with whom we are publishing.
Saison Vidéo is interested, this year, in artists’ residencies. Alexandra David’s, in an old people’s home, a context which, on the
fact of it, prompts avoidance by contemporary society. An interview delves deeper into the circumstances. The English artist
Miranda Sharp is presenting her project I Love Basildon at artconnexion. Basildon is a new town built in the 1960s in Essex. The
project was set up by Commissions East in Cambridge. Commissions East is associated with the Espace Croisé, Saison Vidéo and
artconnexion as part of the programme Face2Face (Interreg IVA). Saison Vidéo is also continuing its presentation of English artists:
Neil Bryant, Jemima Burrill, Tom Dale, Sarah Dobai, Sarah Doyle, Laura Gannon, Michelle Naismith, Alex Pearl, Miranda Pennell,
Erica Scourti, Miranda Sharp, James Stokes, Rachel Wilberforce.
Six online programmes are being proposed, two more than in 2010. Meetings with artists are still on the bill: Andreas Fohr,
Mathias Delfau, Annelise Ragno, Bertrand Dezoteux, who has also given an interview. Lastly, Patrice Goasduff is inaugurating
this Saison Vidéo 2010 at the CAUE du Nord in Lille in partnership with the ERSEP at Tourcoing, which is welcoming Mathias
Delfau on march 2011.
Mo Gourmelon
photographie extraite de I love Basildon, 2009, Miranda Sharp, p. 48
Saison Vidéo 2011
2 1 J A N V I E R - 3 0 AV R I L 2 0 1 1 . R O U B A I X , E S PA C E C R O I S É , L A C O N D I T I O N P U B L I Q U E
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MARIE VOIGNIER
EXPOSITION DU MARDI AU SAMEDI DE 14 H À 18 H
SUR RENDEZ-VOUS POUR LES GROUPES
VERNISSAGE LE JEUDI 20 JANVIER À 19 H
Depuis quelques années, Marie Voignier déplace - au sein de ses films - la lisière entre la réalité et la fiction.
Dans sa nouvelle production L’hypothèse du Mokélé-mbembé, 2011, tournée au Sud du Cameroun et coproduite par l’Espace Croisé et Capricci Films, elle part en quête d’un animal inconnu de la zoologie.
L’artiste accompagne Michel Ballot dans son périple. Juriste à Nice, il a renoncé à sa carrière pour endosser
le rôle d’explorateur. Sa décision et son destin a priori incroyables participent à l’étrangeté du récit.
For some years now, Marie Voignier has
been shifting the boundary between
reality and make-believe—in her films.
In her new one, L’Hypothèse du Mokélémbembé, 2011, shot in southern
Cameroon and co-produced by the
Espace Croisé and Capricci Films, she
sets off in search of an animal unknown
to zoology. The artist accompanies
Michel Ballot in his wanderings. Once a
lawyer in Nice, this latter gave up that
career and donned the mantle of an
explorer. His decision and his fate, both
a priori incredible, are part and parcel
of the strangeness of the tale.
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Saison Vidéo 2011
“Le Mokélé-mbembé est décrit par les
Pygmées comme une sorte de grand rhinocéros avec un très long cou, une petite tête et
une large queue puissante, capable de renverser les pirogues. Certains Pygmées affirment avoir vu des empreintes de pattes
munies de trois griffes dans le sol.
Dépourvue de poils, la créature serait brunrouge ou grise. Elle aurait une crête dorsale
et n’émettrait aucun cri, bien que quelques
témoins prétendent le contraire. Cet animal
terrifiant qui ressemble à un dinosaure est
présent dans les récits des Pygmées Baka
depuis plus de deux siècles. Cependant, son
existence n’est pas reconnue scientifiquement. Aucun spécimen, aucun squelette ni
aucune dent n’ont à ce jour été portés à la
connaissance des zoologistes, qui ne croient
pas en l’existence de cette espèce autrement que sur un plan mythologique.
Michel Ballot est quant à lui convaincu que
les récits de cette région de l’Afrique ont un
fond de vérité et que cette bête existe bel et
bien. Pour tenter de le prouver, il organise
régulièrement des expéditions dans les zones
où elle aurait été aperçue. En général, il
part accompagné de deux pisteurs pygmées.
L’objectif de ces expéditions est double :
d’une part explorer les territoires où le
Mokele-mbembe a été aperçu, d’autre part
aller au devant des Pygmées et collecter
leurs récits. L’explorateur évolue dans un
univers où la distinction entre ce qui est
existe et ce que l’on fantasme n’est plus
claire du tout, où le vraisemblable se mêle
au légendaire, nous ramenant aux sources du
mythe et de la fiction.
J’ai proposé à Michel Ballot de faire un film de l’une de ses expéditions. L’intention n’est
surtout pas de prendre parti pour ou contre l’existence du Mokele-mbembe ou de parvenir
à la résolution de cette question à la fin du film. Je souhaite plutôt faire corps avec l’expédition menée par Michel Ballot, me mettre au service de sa recherche et suivre sa
logique aussi loin que possible, jusqu’à ce que le spectateur puisse, en le suivant dans sa
recherche et en écoutant les récits des Pygmées, imaginer la bête, la distinguer tapie derrière
un buisson ou immergée au fond de la rivière. Le sujet du film n’est donc pas le Mokelembembe. Le sujet du film est la croyance : la croyance d’un homme dans sa quête ; la
croyance des Pygmées dans cet animal ; et la croyance éprouvée du spectateur.”
Marie Voignier
Ce film est mis en relation avec des œuvres antérieures de l’artiste.
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Saison Vidéo 2011
“The Mokélé-mbembé is described by the Pygmies as a sort of large
rhinoceros with a very long neck, a small head, and a powerful tail,
capable of upturning pirogues. Some Pygmies say they’ve seen
three-clawed footprints in the ground. The creature is hairless, and
reddish-brown or grey. It allegedly has a dorsal crest and makes no
sound, though some claim the opposite. This terrifying animal which
looks like a dinosaur has been present in the Baka Pygmies’ narratives for more than two centuries. But its existence is not scientifically acknowledged. No specimen, skeleton or tooth has to date
been made known to zoologists, who do not believe in the existence
of this species except on a mythological level.
As for Michel Ballot, he is persuaded that the tales from these parts
of Africa have a basis of truth to them, and that this beast surely
does exist. In an attempt to prove as much, he regularly organizes
expeditions to areas where it has apparently been sighted. He is
usually accompanied by two pygmy trackers. The goal of these expeditions is twofold: on the one hand to explore territories where the
Mokele-mbembe has been sighted, and on the other to encounter
the Pygmies and collect their narratives. The explorer evolves in a
world where the distinction between what exists and what is fantasized is no longer at all clear cut, where verisimilitude rubs shoulders with legend, leading us to the sources of myth and fiction.
I suggested to Michel Ballot that I make a film of one of his expeditions. The intent is above all not to takes sides either for or against
the existence of the Mokele-mbembe, nor to reach any solution to
this question at the end of the film. I am keen, rather, to be part of
the expedition led by Michel Ballot, make myself available for his
research and follow his logic as far as possible, until the spectator
can imagine the beast by following him in his quest and listening to
Pygmy tales, and detect it crouching behind a bush or immersed at
the bottom of a river; so the film’s subject is not the Mokelembembe. The film’s subject is belief: one man’s belief in his quest;
the Pygmies’ belief in this animal; and the belief experienced by the
spectator.” Marie Voignier
This film is associated with the artist’s earlier works.
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Saison Vidéo 2011
JEUDI 3 FÉVRIER 2011 À 19 H 30. LILLE, CAUE DU NORD
98 RUE DES STATIONS - 59000 - LILLE - +33 3 20 57 67 67 - [email protected] - www.caue-nord.com
PAT R I C E G O A S D U F F
En 2006, La Saison Vidéo présentait 31 Bd. Magenta monté en 2004. De son
balcon, un point de vue unique, Patrice Goasduff documentait par un suivi
photographique la construction de la médiathèque “Les Champs Libres”
réalisée par l’architecte Christian de Portzamparc. La transformation d’un
parking de centre ville en gigantesque chantier modifiait les habitudes et
les comportements de chacun. Cette dimension sociologique captant les
attitudes humaines face à la mouvance d’un chantier vivant et à la technique
lourde est retracée dans cette mise en mouvement des photographies.
Patrice Goasduff conclut sa trilogie consacrée au chantier avec Le chemin
critique réalisé en 2009.
In 2006, La Saison Vidéo presented 31 Bd. Magenta, edited in 2004.
From his balcony, a one-off viewpoint, using photographic monitoring, Patrice Goasduff recorded the construction of the “Les
Champs Libres” Media Centre, designed by the architect Christian
de Portzamparc. The transformation of a downtown carpark into a
gigantic building site altered everyone’s habits and behaviour. This
sociological dimension, capturing human attitudes towards the
movements of a live construction site and heavy technology, is traced in this mobile presentation of photographs. Patrice Goasduff
wound up his trilogy devoted to the building site with Le chemin
critique/The Critical Way, made in 2009.
Organisé dans le cadre du cycle “Architectures filmées” 2010-2011
programmé par le Goethe-Institut de Lille et le CAUE du Nord.
18 h 30 : vernissage au CAUE du Nord de l’exposition “Expertise”,
restitution d’un workshop, des étudiants de l’Ecole Régionale
Supérieure d’Expression Plastique à Tourcoing.
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RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Saison Vidéo 2011
Le chemin critique, 2009, 49 mn
Production Vivement Lundi, 40mcube,Tv Rennes 35
Après 31 Bd. Magenta et Parpaing, Le chemin critique est le troisième
film d’une trilogie consacrée au chantier que j’ai entrepris en 2004.
Chaque film donne à voir un chantier sous une forme différente
comme une machine à perturber un espace contraint de la ville, un
élément constitutif de la transformation de la vie de tout un chacun,
le cadre d’un théâtre des représentations. Trois films, trois points de
vue, trois chantiers.
Le dernier opus vient en contrepoint du premier qui consistait à observer d’un point de vue unique et extérieur un chantier de construction.
Le chemin critique prend le parti pris de pénétrer à l’intérieur d’un
bâtiment mis à nu par un chantier de rénovation. Ici, je ne m’intéresse
pas à la belle enveloppe extérieure du bâtiment donné à voir aux passants, je montre le chantier interdit au public, les dessous...
La rénovation consiste à déposer un décorum, à transformer les
espaces et à poser un nouveau décor. Dans ce film, je suis trois personnages qui chacun, selon sa fonction, me permet d’aborder ce chantier de façon complémentaire. Le Gardien, détenteur des clefs et des
secrets du bâtiment, c’est lui qui ferme le bâtiment qui mute en chantier.
Le Directeur technique, référent de l’utilisateur du bâtiment, il suit
l’avancée des travaux. Le Coordinateur des travaux, acteur central du
chantier, est chargé de sa bonne marche.
Sur un chantier, le chemin critique est le terme employé pour désigner
l’organisation des interventions techniques et des tâches à réaliser de
manière chronologique jusqu’à la date de fin envisagée du projet. Sur
le papier, il prend la forme d’une sorte d’arbre généalogique complexe.
C’est dans cet univers que je promène le spectateur, dans un univers
de poussière et de béton, dans un univers d’hommes dans lequel chacun
tient son rôle. PG
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Saison Vidéo 2011
Le chemin critique, 2009, 49 mn
Production Vivement Lundi, 40mcube,Tv Rennes 35
After 31 Bd. Magenta and Parpaing, Le chemin critique/The
critical way is the third film in a trilogy devoted to the building
site which I embarked upon in 2004. Each film shows a building
site in a different form, like a machine for disturbing a restricted city area, a component part of the transformation of the
lives of all and sundry, and the setting for a theatre of representations. Three films, three viewpoints, three building sites.
The last work is like a counterpoint to the first, which consisted
in observing a construction site, from a one-off, outside viewpoint. Le chemin critique/The critical way adopts the decision
to go right inside a building laid bare by a renovation project.
Here, I am not interested in the building’s beautiful outside
cladding as shown to passers-by; I show the site which is out of
bounds to the public, and its underbelly…
The renovation consists in creating a decorum, transforming
spaces, and making a new décor. In this film, I follow three characters who all, depending on their job, enable me to deal with
this site in a complementary way. The Watchman, who holds
the keys and secrets of the building, is the person who closes
up the building, which turns into a building site. The Technical
Director, referent of the building’s users, follows the way the
works are progressing. The Coordinator of the works, the site’s
central figure, is responsible for the site’s smooth running.
On a building site, the “critical way” is the term used to describe the organization of the technical interventions and tasks
to be executed in a chronological manner up until the dead line
set for the project. On paper, it takes the form of a sort of
complex genealogical tree.
It is into this world that I take the spectator, into a world of
dust and concrete, into a man’s world where everyone has
their role. PG
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Saison Vidéo 2011
F É V R I E R 2 0 1 1 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
DECOLLEMENT DU RÉEL
DANS CES CAPTURES DU RÉEL, TRAITEMENTS DE L’IMAGE, PERFORMANCES, MISES EN SCÈNE, LA BANDESONORE CONTRIBUE AMPLEMENT AU DÉCOLLEMENT DU RÉEL.
IN THESE CAPTURES OF REALITY, IMAGE TREATMENTS, PERFORMANCES, MISES EN SCENE, THE SOUND TRACK
MAKES A CONSIDERABLE CONTRIBUTION TO THE UNGLUEING OF REALITY.
Adrienne Alcover
Riccetto, 2010, 5 mn 30
Production École Nationale Supérieure d’Arts Paris-Cergy
L’été, une fête foraine en Italie, une passerelle circulaire
tourne vite, les garçons se risquent au centre, les filles restent assises autour. Le but est de garder l’équilibre. Les plus
entraînés utilisent l’accélération du manège pour bondir. Les
plus jeunes marchent en rythme, concentrés. Riccetto est le
personnage principal de Raggazzi le roman de Pier Paolo
Pasolini. AA
Summer: a fairground in Italy, a round bridge spins fast,
boys risk it in the middle; the girls stay sitting around it.
The aim is to keep your balance. The best trained use the
roundabout’s acceleration to jump. The youngest walk to
the beat, concentrating. Riccetto is the lead character of
Ragazzi, Pier Paolo Pasolini’s novel. AA
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Saison Vidéo 2011
Neil Bryant
Packaging, 2009, 2 mn 6
Fabien Rigobert
Flanders, 2010, 4 mn 30
Production Musée de Flandre, Cassel ; DRAC Nord – Pas de
Calais ; Espace Croisé ; Compagnie l’Oiseau-Mouche, Roubaix
Je crée un tableau vidéographique, en référence aux maîtres flamands
Brueghel, Jan van Eyck et Rogier Van de Weyden. Avec des acteurs, je
travaille le geste et les attitudes, comme dans la peinture où un répertoire d’affect éloigne le récit d’une représentation naturaliste. Le
déluge, l’apocalypse ou une dépression atmosphérique s’annoncent. Des
protagonistes sont ensemble, visiblement face à une catastrophe. Il y
a un incendie et de l’indifférence. FR
I am creating a video painting which refers to the Flemish masters
Brueghel, Jan van Eyck and Rogier Van de Weyden. I work on gesture and posture with the performers, the technique drawing on the
kind of repertoire of codified figurative expressions of emotions
that is found in painting, distancing the narrative from naturalist
forms of representation. We can sense a coming flood, apocalypse
or atmospheric depression. The protagonists stand together, manifestly facing the coming catastrophe. There is a fire and there is
indifference. FR
Le film est une interprétation libre d’idées ayant trait aux choses
définies et indéfinies, altérées et inaltérées, cataloguées et non
classifiées. Le film a été tourné au cours d’une série de visites dans
des supermarchés du sud de l’Angleterre - des lieux qui semblent passifs et bénins mais qui se trouvent être des lieux de transformation
et de production, où notre schéma de consommation définit une
identité, une identité dont nous sommes complices mais qu’on nous
révèle rarement. NB
The film is a broad interpretation of ideas around things defined
and undefined, processed and unprocessed, catalogued and
uncategorized. The film was shot over a number of visits to
supermarkets in southern England, places that seem passive and
benign but which are places that have to do with process and
product, where the pattern of our consumption defines an identity, an identity that we are complicit in the making of but which
is rarely revealed to us. NB
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Saison Vidéo 2011
James Stokes
The Persistence of Vision, 2009, 5 mn 07
Une œuvre très personnelle qui explore plusieurs problématiques à
la fois. En premier lieu, un sentiment d’incertitude dans l’environnement géographique de Londres ; ensuite, la sensation qu’une
relation va bientôt prendre fin ; et, finalement, la dynamique de
vulnérabilité/force qu’implique le fait de se retrouver nu face à
une caméra. JS
A piece of work that comes from a very personal place, with
several issues being explored at the same time. Firstly a feeling of uncertainty in the geographical surroundings of London;
secondly a sense that a relationship is going to end soon; and
thirdly the vulnerability/strength dynamics of being naked in
front of a camera. JS
Véronique Hubert
Utopia, le cube et les sandales, 2010, 4 mn 02
Tout en chantant “Liberté, chaussures à son pied”, la fée Utopia
finit son armure : après le cube prothèse, les sandales-cubes qui
émettent des sons et lui permettent de danser et d’expérimenter
un charleston étrange. VH
Singing: “Freedom, with shoes on”, the fairy called Utopia
finishes her armour: after the prosthetic cube, cube-sandals
emitting sounds and enabling her to dance and try out a strange
Charleston. VH
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Saison Vidéo 2011
Julia Boix-Vives
Couture scratch, 2009, 3 mn 32
Dans l’espace restreint d’une capsule
de survie, une femme s’installe dans
un hamac pour effectuer quelques
retouches de couture sur une poupée
à son effigie. Le rythme trépidant du
scratchvidéo sur la musique d’Amon
Tobin hache cette scène paisible de
travail manuel. Les ciseaux apparaissent puis disparaissent, la poupée
s’anime, prend la place de l’autre,
les membres féminins se mélangent
dans un corps à corps inquiétant, on
s’attend au pire… JBV
In the cramped space of a survival capsule, a woman settles in a
hammock to put a few finishing
stitches to a doll which is her
effigy. The hectic rhythm of the
scratch video to music by Amon
Tobin shatters this peaceful
scene of manual work. The scissors appear then disappear, the
doll becomes active, takes the
place of the other, its female
limbs mixing in a disconcerting
hand-to-hand fight, and we expect
the worst… JBV
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Saison Vidéo 2011
J E U D I 1 0 F É V R I E R 2 0 1 1 À 1 8 H 3 0 . VA L E N C I E N N E S , M U S É E D E S B E A U X - A RT S
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LABAS / LABRIT
V I L N I U S / L I T U A N I E - I R B E N E / L E T TO N I E
Deux réalités, depuis l’indépendance en 1991, de ce qu’il est
convenu d’appeler les Pays Baltes, même s’ils ne partagent pas
la même culture, ni la même langue, mais ont en commun
l’occupation russe. Marija Linciuté se rappelle de son départ
pour la France. Sa langue maternelle, le lituanien, est soustitrée en français. Citoyenne européenne, elle a la possibilité de voyager sans entrave. Les femmes du film de
Catherine Dalfin ne profitent pas de cette nouvelle opportunité et ont une vie qui s’enfonce dans la précarité. Leurs
paroles ne sont pas traduites. La réalisatrice s’en explique.
Two realities, since the independence in 1991 of what are
traditionally called the Baltic States, even if they do not
share the same culture and language, though they do have
in common the Russian occupation. Marija Linciuté
remembers her departure for France. Her mother tongue,
Lithuanian, is subtitled in French. As a European citizen,
she can travel freely in the EU. The women in Catherine
Dalfin’s film do not benefit from this new opportunity and
lead an ever more precarious life. Their words are not
translated. The director explains why.
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Marija Linciuté
Là-bas, Vilnius, 2009, 11 mn 08
Avant de venir en France, je voyageais très peu. De plus, j’avais l’habitude de vivre chez mes parents. Ce voyage m’a permis de me
libérer du cocon dans lequel je m’étais enfermée pendant des années. Cela m’a beaucoup marquée et j’ai eu envie de faire une vidéo
sur cette expérience.
Dans cette vidéo, on m’entend - peu de temps avant mon grand départ pour l’étranger - raconter mes souvenirs, mes interrogations,
mes envies. N’ayant pas l’habitude de voyager, je suis bousculée par beaucoup d’émotions, de nostalgie et d’inquiétudes. Il s’agit d’une
réflexion sur le déplacement et sur ce qu’il induit comme bouleversements dans une sensibilité en formation. Le mot “Labas” veut
dire “bonjour” en Lituanien et en français il désigne une direction.
Mes vidéos, en général, proviennent de mes souvenirs et de mon habitude à observer minutieusement les choses quotidiennes. Les projets
vidéos et photos sont souvent reliés à mon pays natal : la Lituanie. ML
Before I came to France I hardly travelled at all.
What’s more, I was used to living with my parents. This
trip has helped me to shake off the cocoon I was confined in for years. It’s had a big effect on me and I wanted to make a video about this experience.
In this video you hear me—not long before I set off
abroad—talking about my memories, my questions, my
desires. Not being accustomed to travelling, I am upset
by lots of emotions, homesickness and anxieties. What
is involved is a line of thinking about displacement and
about what it prompts by way of upheavals in a sensibility in the making. The word “labas” means “hallo”
or “bonjour” in Lithuanian, and in French it’s a direction.
My videos in general come from my recollections and
my habit of minutely observing everyday things. The
video and photo projects are often linked with the
country of my birth—Lithuania. ML
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Saison Vidéo 2011
Catherine Dalfin
Can you go quickly to the sun?, 2008, 44 mn
Le camp d’Irbene fut construit en Lettonie par les Soviétiques pour
abriter 2000 soldats ainsi que leurs familles et servir de base à un
radiotélescope ultra-puisssant chargé d’espionner les communications entre l’Europe et l’Amérique du Nord durant la Guerre
Froide.
Peu après le départ des militaires, au moment de l’indépendance,
quelques personnes s’installèrent sur place. Arrivées là par choix
ou par abandon face aux difficultés de la vie, ces personnes m’ont
touchée. J’ai eu envie de faire sentir comment on s’approprie un
espace limite et comment on y conçoit son bonheur et son malheur.
Ou, pour le dire autrement, comment on habite le monde et comment on est habité par lui.
Je filme les gens et leur environnement sensible comme on filme
un paysage où tout est en surface. Je fonde mon travail sur l’idée de
présence au monde, cette chose fragile et silencieuse qui émane
de certains lieux et individus capables d’exprimer de façon immédiate et implicite un certain rapport au monde. Je tente de restituer les choses telles que je les reçois au moment où je filme. Pour
cette raison, je ne traduis pas toujours les séquences en langue
étrangère, choisissant de ne traduire que ce que je parviens moimême à comprendre au moment de la captation d’une situation.
Ainsi de la scène où trois femmes sont assises par terre et discutent de ce que signifie “Bonjour madame”. Le sens de cette
séquence est moins à chercher dans ce qui se dit que dans la situation, les visages, les attitudes, les gestes, le timbre et l’énergie
des voix. Ce qui est étonnant, c’est de s’apercevoir qu’une écoute
attentive permet de comprendre une langue qu’on ne connaît pas
beaucoup mieux qu’on ne l’aurait d’abord cru. CD
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Saison Vidéo 2011
Irbene camp was built in Latvia by the Soviets to house 2000
soldiers as well as their families, and act as the base for an
ultra-powerful radio telescope designed to spy on communications between Europe and North America during the Cold War.
Shortly after the military left, at the moment of independence, one or two people set up home on the spot. Arrived
there either by choice or abandonment in the face of life’s
hardships, those people touched me. I wanted to get across
how it felt to appropriate a space on the edge, and how people conceive their happiness and unhappiness in it. Or, to put
it differently, how people inhabit the world and how people
are inhabited by it.
I film people and their perceptible surroundings the way you
film a landscape where everything is on the surface. I base my
work on the idea of presence in the world, this fragile and noiseless thing that emanates from certain places and individuals
capable of expressing, in an immediate and implicit way, a
certain relationship to the world. I try to reinstate things the
way I take them in at the moment when I’m shooting. For this
reason, I don’t always translate the sequences into a foreign
language, choosing to translate only what I myself manage to
understand at the moment of capturing a situation. So it is
with the scene where three women sitting on the ground are
discussing what “Good day, Mrs. So-and-So” means. Then
sense of this sequence is to be sought less in what is said than
in the situation, the faces, the attitudes, the gesture, the
pitch and energy of the voices. What is surprising is the realization that an attentive ear helps to understand a language
that you don’t know much better than you first believed. CD
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Saison Vidéo 2011
S A M E D I 1 2 F É V R I E R 1 6 H 3 0 . VA L E N C I E N N E S , M U S É E D E S B E A U X - A RT S
BOULEVARD WATTEAU - 59300 VALENCIENNES - +33 3 27 22 57 20 - [email protected] - www.valenciennes.fr
FA I R E F R O N T
En parallèle à l’exposition Tenir Debout, la Saison Vidéo propose un programme, dans lequel un protocole a été fixé à
l’avance pour l’élaboration de chaque film. Les danseurs du film de Miranda Pennell se doivent de garder le contact avec
une caméra qui se déplace de manière inattendue, vite ou lentement, à gauche ou à droite sur un rail. Les parents de
Mark Raidpere doivent écouter un morceau de musique en silence, face à la caméra, avant de livrer leurs impressions.
JC co-réalisateur du film de Mohammed Bourouissa livre son expérience de la vie carcérale par le biais d’un téléphone
portable, selon les instructions de l’artiste. Ces trois dispositifs reposent sur l’attente et la concentration.
Ce programme est précédé d’une visite guidée de l’exposition.
In tandem with the exhibition Tenir Debout (Standing Up), Saison Vidéo is proposing a programme in which a protocol has been drawn up in advance for the making of each film. The dancers in Miranda Pennell’s film must stay
in contact with a camera which moves about in unexpected ways, fast and slow alike, to left and right, on a track.
Mark Raidpere’s parents have to listen in silence to a piece of music, looking at the camera, before giving their
impressions. JC, co-director of Mohammed Bourouissa’s film, shares his experience of life in prison through a cell
phone, based on the artist’s instructions. These three devices rely on expectation and concentration.
This programme is being preceded by a guided tour of the exhibition.
Miranda Pennell
You made me love you, 2005, 4 mn
Vingt et un danseurs sont tenus par votre regard
fixe. Perdre le contact peut être une expérience
traumatisante. MP
Twenty-one dancers are held by your gaze.
Losing contact can be traumatic. MP
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Saison Vidéo 2011
Mohammed Bourouissa et JC
Temps mort, 2009, 18 mn
Production le Fresnoy, studio national des arts contemporains
Au départ du projet, je voulais rendre compte de cette vie carcérale par le biais du téléphone portable. Que nous reste-t-il quand
on nous prive de la plupart de nos libertés ? Quelles sont les choses essentielles qu’il nous reste et qui font que nous pouvons garder
notre dignité d’homme, comme écouter de la musique, regarder le paysage ou la télévision, prier, espérer ?... Mais très vite après
avoir reçu des séquences vidéos, je me suis rendu compte que le vrai sujet du film était cette relation entre cette vie carcérale et
cette vie à l’extérieur et c’est grâce à cette confiance qu’il a fallu créer à deux que j’ai pris le parti de construire un projet se basant
sur des échanges d’expériences et de sensations. MB
At the start of the project, I wanted to describe this prison life by way of the mobile phone. What is left for us
when we are deprived of most of our freedoms? What are
the essential things that we still have, and which mean
that we can hang on to our human dignity, like listening
to music, looking at a landscape, or TV, praying,
hoping...? But very swiftly after receiving video
sequences, I realized that the real subject of the film
was this relation between this prison life and the life
outside, and it is thanks to the trust that it was necessary to create, the two of us together, that I decided to
construct a project based on exchanges of experiences
and sensations. MB
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Saison Vidéo 2011
Mark Raidpere
Dedication, 2008, 9 mn
In a very enclosed ambience, Mark Raidpere asks his parents to listen
to a piece of music by the famous Estonian composer of contemporary music, Erkki-Sven Tüür. Complying with a method drawn up
by the artist, they first of all have to get ready to listen to the
piece, then stay quiet for as long as the music lasts, before giving
their impressions. They are filmed in a static shot, close up, in
front of a wardrobe with a mirror, where the presence of their son
between them can be felt. The video is perpetuating the pictorial
tradition which puts the artist’s presence at the core of the work,
by means of a carefully studied interplay involving the central mirror-effect process. Reactions differ. The father, as a connoisseur,
tries to guess the composer’s name and makes reference to a piece
of funeral oration music, as if he were in a situation of mourning
near a coffin. While the mother, sporting a faint smile as she listens, says she found it hard to concentrate. The father shows himself totally inspired, while the mother, quite to the contrary, shows
something more akin to impassiveness and reserve. It is impossible
for her to imagine that acoustic space, pleading tiredness, boredom,
and that fact that she is about to drop off to sleep after a sixteenhour working day, which places her intentionally in a hard-working
social milieu. Here, Mark Raidpere offers us a touching tribute to
his parents. His own celebrity, and his national and international
recognition, like the composer’s, make him don the double role of
artist and son. Despite the haunting musical quality, the parent’s
clashing faces - in this new arrangement which is as spare as you
can get, and at the same time carefully composed - hog all the
film’s attention.
Dans une ambiance très confinée, Mark Raidpere demande à ses
parents d’écouter un morceau de musique du célèbre compositeur
estonien de musique contemporaine Erkki-Sven Tüür. Selon un protocole défini par l’artiste, ils doivent tout d’abord se prêter à
l’écoute, rester silencieux le temps du morceau, avant de livrer
leurs impressions. Ils sont filmés en plan fixe et rapproché, devant
une armoire réfléchissante où se devine la présence de leur fils
entre eux. La vidéo perpétue la tradition picturale qui place la présence de l’artiste au cœur de l’œuvre par un jeu étudié du procédé
d’effet miroir central. Les réactions s’avèrent contrastées. Le père
tente de deviner le nom du compositeur en connaisseur et se
réfère à une musique d’oraison funèbre comme s’il se retrouvait en
situation de deuil à proximité d’un cercueil. Tandis que la mère,
qui esquisse un sourire pendant l’écoute, exprime sa difficulté de
concentration. Si le père se révèle totalement inspiré, la mère, au
contraire, fait davantage preuve d’impassibilité et de réserve. Elle
serait dans l’impossibilité de se représenter cet espace sonore,
arguant la fatigue, l’ennui, l’endormissement imminent après une
journée de seize heures de travail, qui la situe délibérément dans
un milieu social laborieux. Mark Raidpere nous livre ici un attachant hommage à ses parents. Sa propre notoriété, sa reconnaissance nationale et internationale, comme celle du compositeur, lui
font endosser le double rôle de l’artiste et du fils. Malgré la qualité musicale envoûtante, les visages discordants des parents accaparent toute l’attention du film, dans ce dispositif des plus
dépouillé et très étudié.
Mo Gourmelon, extrait de Mark Raidpere, catalogue éditions Espace Croisé, 2009, p. 25 et 52
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Saison Vidéo 2011
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Le mythe américain est envisagé dans deux films. La caméra de Marie Voignier fait revivre un parc à thème western abandonné.
Jacques Lœuille filme, dans les Flandres, des adeptes qui s’attachent aux épopées de l’histoire de l’Amérique.
The american myth is seen in two films. Marie Voignier’s camera brings back to life an abandoned western theme.
In Flanders, Jacques Lœuille films followers attached to the epic sagas of the history of America.
Marie Voignier
Western DDR, 2005, 10 mn
Dès les premières images de Western DDR, 2005, une voix-off
dénoue la singularité des prises de vues d’un village fantôme.
“Silver Lake City est un parc d’attractions sur le thème du western
qui n’aura été ouvert qu’une saison. Un village de cow-boy a été
entièrement reconstruit dans un ancien centre de vacances communiste de RDA à Templin au Nord de Berlin. À près de 50 km de la
frontière polonaise, Silver Lake City comptera un music-hall,
plusieurs saloons, une église, une forge, des boutiques, une
banque et un cimetière...”. Il est question dans ce film du passage
d’un système politique et économique à un autre, de l’échec d’une
conversion. Un choc de cultures, quand le divertissement remplace
l’idéologie. Comme une conquête de l’Ouest en accéléré qui n’aurait pas abouti. Si le parc construit à l’emplacement de l’ancien
centre de vacances “Pionier” - du nom de l’organisation de la jeunesse communiste fondée en 1948 qui devait forger l’esprit des
enfants dans la ligne du parti unique - a aussi fermé ses portes ; la
correspondance avec les pionniers du Far West est troublante. Dans
ce décor planté, vidé de ses visiteurs, l’apparition par intermittence d’acteurs qui attendent, se préparent et jouent leurs scènes
sème le doute entre le présent et le passé. Les enfants Pionier
devenus visiteurs potentiels du parc hantent encore les lieux,
comme les Indiens et les cow-boys. Les témoignages de la patronne
de l’auberge de Templin, de la serveuse, du vieux monsieur à la
gare, du gardien raniment de leurs souvenirs et commentaires les
images désertées. Mais c’est une voix égale - annulant la diversité
des expériences et des attentes - qui parle.
From the very first images of the film Western DDR, 2005, a
voice-off explains the unusual views of a phantom village. “Silver
Lake City” is an amusement park with a Western theme which
was only open for one season. A cowboy village was built in a
former communist holiday camp of the DDR, in Templin to the
north of Berlin. Almost 50 km from the Polish border, “Silver Lake
City” had a music-hall, several saloons, a church, a forge, shops,
a bank and a cemetery… This film is about the passing of one
political and economic system to another, the failure of this
conversion. A shock of cultures when amusement replaces ideology. Like an accelerated conquest of the West which didn’t
work. The park was built on the former “Pioneer” holiday camp
– the name of the Communist youth organisation founded in 1948
which was supposed to form the minds of the children in the
unique party line – has also closed its doors; the link with the
pioneers of the Far West is troubling. In this planted décor, emptied of its visitors, the occasional apparition of actors who wait,
get ready and play their scenes throws a doubt onto present and
past. The Pioneer children, potential visitors of the park, still
haunt the place, like the cowboys and Indians. The eyewitness
accounts of the owner of the inn in Templin, the waitress, the old
man at the train station and the caretaker bring life to the deserted images with their reminiscences and commentaries. But it
is a uniform voice -cancelling the diversity of the experiences
and expectations- which speaks.
Mo Gourmelon, in Ideal.loop, catalogue éditions Espace Croisé, Roubaix, 2007, p. 7 et 12
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Saison Vidéo 2011
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Saison Vidéo 2011
Jacques Lœuille
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Balade américaine en Flandres, 2009, 44 mn
Production Le Fresnoy, studio national des arts contemporains
Balade américaine en Flandres est un essai documentaire composé
de portraits d’adeptes du mythe américain dans le Nord de la
France et en Belgique. Ces adeptes sont éleveur de bisons, collectionneur d’armes de la guerre de sécession, résident d’un village
indien, membre d’une troupe de théâtre western, ou d’un groupe
de reconstitution historique... Ils forment les facettes d’une
Amérique archaïque dont l’original aurait été égaré - ou qui habite
quelque part en nous tous, identique et différent pour chacun,
comme un génome.
J’ai commencé à filmer leurs costumes, leurs parures, leurs
camouflages, leurs fards et toutes ces peaux des choses. Puis j’ai
découvert les subtilités de leurs obédiences respectives : tel cowboy puise dans ses émerveillements d’enfant un monde aux réalités
intimes ; tel sudiste de la guerre de sécession recherche une intensification de la vie dans une histoire étrangère où le rôle de
l’étrangeté est justement d’accélérer une réalité, mais n’est-ce
pas ce que nous attendons de toute fiction ?
J’ai lu dans les carnets de Léonard de Vinci que “toute Partie tend
à retrouver son Tout pour palier sa propre imperfection”. Cet aphorisme me touche car il manifeste la perte d’une unité originaire, il
témoigne d’une sensibilité pour l’éclat et pour l’éloignement. J’ai
voulu voir ces américains des Flandres semblables aux îlots de
matière dont nous parle de Vinci, et m’y déceler. Tenter de découvrir
ce que nous demandons à l’Amérique et qui nous ferait défaut ; ce
qu’elle dit de nous que nous aurions exclu de notre discours. JL
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An american stroll in Flanders is a documentary essay composed
of portraits of adepts of the American myth in the north of
France and Belgium. These enthusiasts might be bison-breeders,
collector of weapons from the American Civil War, “Indian villagers,” a Westerns theater troupe, a group making historical reenactment… all forming various facets of a bygone America
whose original has long passed into oblivion — or which lives
somewhere within all of us, identical yet different for each, like
a genome. I began filming their costumes, their ornaments,
their disguises, their make-up, and all these skins of things;
then I discovered the subtleties of their respective dispensations: one cowboy draws a private world from the wonder he
experienced as a child; another American Civil War Confederate
seeks to make life more intense through an alien history in
which the role of the foreign is precisely to accelerate the real —
but isn’t this what we all expect from fiction? I read in Leonardo
da Vinci’s Notebooks that “every part tends to find its whole to
compensate for its own imperfection.” This aphorism touches
me because it expresses the loss of an original unity; it testifies
to a sensibility for dispersion and estrangement. I wanted to
envisage these “Flanders Americans” as the little islands da
Vinci talks about, and to see myself in them. To try to discover
what we want so much from America and what is missing in us;
what America says about us that we have shut out from what we
can say about ourselves. JL
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Saison Vidéo 2011
Entretien
Jacques Lœuille
I Feel Closer to Joyce’s Laughter
Hélène Dantic : Dans la présentation de votre travail, vous mettez
en doute les termes “fiction” et “documentaire”. Par ailleurs,
en guise de descriptif de vos vidéos on trouve les expressions
“film/vidéo d’artiste à caractère documentaire” ou encore
“essai documentaire”. Plus qu’une difficulté à caractériser de
manière péremptoire votre propre démarche, faut-il y voir un
refus de classification ? Un artiste a-t-il besoin de justifier son
rapport à la fiction ou à l’objectivité supposée du documentaire ?
Jacques Lœuille : Il ne s’agit pas de justifier mais d’expliciter
mon rapport au documentaire. Comme je m’intéresse aux
sujets ambivalents, j’essaie de dissiper leur ambiguïté au plus
vite. L’ambiguïté est un tour de manche, une imposture ; l’ambivalence rend les choses plus profondes et durables à mes
yeux. La fiction et le documentaire s’imbriquent et se mêlent
hors des œuvres, à mille niveaux, dans ce qu’on appelle la réalité.
Les personnes que j’aime filmer se parent de costumes et chroniquent leurs passions. En incorporant leurs rêves dans la vie
courante elles transforment ces couches de fictions en réalités.
Les artistes vers lesquels j’éprouve le besoin de revenir – de
Pieter Bruegel à Jim Harrison – jouent d’une certaine nudité du
réel qui s’accorde à ma sensibilité pour l’ordinaire, les folklores
et les mythologies populaires.
HD : Cette nudité s’applique-t-elle également à vous et votre
approche ? Je pense, notamment dans Essence ordinaire (2008),
à vos apparitions soudaines (et parfois subies) à l’image, vos
interventions pour tenter de “recadrer” un sujet de conversation
ou encore lorsque vous commentez l’incapacité à saisir certaines images “clichés”...
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JL : La nudité du réel - bien que ce soit une formule - correspond à
ce que j’essaie de préserver sans vouloir “faire propre”, c’est-àdire : couper les plans au moment où ils débordent de leur sujet.
J’essaie de donner l’impression que ces plans peuvent aboutir à
n’importe quoi qui n’est pas forcément le sujet traité. D’une certaine manière j’applique une méthode de montage qui “tourne
autour du pot” ; il en est de même pour le commentaire, même si
je commence à penser que ma présence physique et/ou sonore est
une pollution pour le spectateur auquel je préfère maintenant
livrer une image plus crue et peut-être plus énigmatique quant à
mes intentions.
HD : Une sorte de phénoménologie par la caméra ?
JL : Les savoirs que je filme sont ceux d’amateurs qui se transmettent par le mimétisme et la répétition. Ils ne sont pas toujours intéressants en eux-mêmes, d’ailleurs personne ne sait vraiment d’où
ils viennent sinon d’une incertaine sagesse populaire. Ils sont autant
le mode de transmission que le savoir lui-même. Ces gens m’intéressent car ils cristallisent quelque chose d’invisible en dehors de la
pratique de ces savoirs. Ce sont des affections qui servent de fairevaloir à la sensibilité des personnes, même (surtout) quand ce sont
des sensibilités étranges. En d’autres termes, ces savoirs disent
quelque chose que nous excluons de notre discours.
HD : Vous parliez de l’aspect humoristique que peut revêtir la réalité.
Certains des sujets que vous choisissez s’y prêtent particulièrement... Cependant dans vos films, nul traitement à la Strip-Tease
mais, au contraire, une approche très pudique qui valorise l'individu.
JL : Il y a plusieurs rires dans le rire et j’espère relever des éléments drôles sans tomber dans le traitement de Strip-Tease, c’està-dire le voyeurisme. On me met souvent en garde, au moment de
l’écriture de mes projets, du ridicule potentiel des choses que je
veux filmer. C’est difficile d’expliquer en quoi j’échappe à ce
voyeurisme, et peut-être à ce ridicule dont la télévision nous
abreuve jusqu’à la nausée. Peut-être est-ce une retenue ou une
pudeur car je ne suis pas nécessairement en empathie avec les
Saison Vidéo 2011
personnes que je filme bien que je m’abstienne toujours de les
juger. C’est une position morale dissoute dans une réponse esthétique. La divergence entre mon approche et celle de Strip-Tease
est contenue dans la différence entre l’humour et l’ironie. L’ironie
c’est rire du pétrin d’autrui tandis que l’humour c’est rire des
embûches de notre condition.
HD : On sent qu’une relation de confiance est établie entre les personnes rencontrées et vous-même, comment parvenez-vous à
créer ce climat ?
JL : Je me comporte très naturellement et comme je suis assez
secret et introverti, la non violence de mon intrusion doit aider et
peut-être mettre en confiance. Je fais aussi des répétitions avec
les gens pour les rassurer quand ils en ont besoin, néanmoins cette
relation est assez spontanée : on ne peut pas parler de direction
d’acteur stricto sensu.
HD : Peut-on voir deux approches distinctes dans votre rapport à
la caméra ? L’une très spontanée permettant de saisir des moments
sur le vif, accidentels (dont sont issues des images un peu tremblantes), l’autre extrêmement construite (dans laquelle transpirent vos références picturales) qui poserait le sujet et son cadre.
JL : Pendant un moment l’idée du journal filmé était très présente
et j’ai travaillé pour que ça émane de ma façon de filmer. C’était
aussi lié à mon opinion sur les liens entre l’image et le son. C’est
quelque chose que je fais moins car je crois que j’ai pris une bifurcation. Ces choses sont plus intégrées, moins “dites”. On me parle
souvent du surgissement de références picturales dans ma façon
de cadrer. D’un côté, j’en suis content puisque la peinture occupe
une place importante dans mon regard. Mais de l’autre, je sais que
l’élégance véritable est celle qui ne dénote pas ; et j’ai donc
encore à chercher… J’aime quand les cadres sont à la limite du mal
cadré, de l’accident survenu. D’où mon goût pour le hors-champ,
le bord cadre, le flou, le contre-jour ; mais tout ceci est “orchestré”
car je tourne avec une caméra capricieuse et gourmande qui
demande des soins de réglage et beaucoup de lumière additionnelle.
HD : On peut parler de référence picturale également au travers
de la notion de composition, la forme accidentelle que peut revêtir vos images correspond aux sujets eux-mêmes. Dans Balade américaine en Flandres, 2009, on touche là le mythe, des reconstitutions plus que libres de faits historiques. Bien souvent les images
en gros plans insistent sur la facticité des événements : une jeep
du débarquement avec une plaque d’immatriculation belge, les
morts qui respirent... Vous parliez de Pieter Bruegel, j’y retrouve
la même approche en tant que spectatrice, se balader dans le
tableau à la recherche des détails qui achèvent le tout. Peut-on
pousser la comparaison jusque-là ?
JL : La navigation visuelle dans la peinture de Bruegel est un vrai
manifeste narratif. J’admire la manière de passer de la partie à
l’ensemble, de l’anecdote au sujet. Enchâsser des micro-récits
dans une trame d’ensemble tout en préservant l’indépendance du
détail est une intention de composition qui provient de mon respect de la peinture flamande. Peut-être sous l’influence assimilée
de Bruegel, m’est venu cet intérêt pour la façon dont le folklore
revisite l’Histoire, pour les bricolages mythologiques, et pour les
savoirs populaires qui résistent au spectacle du commerce.
HD : Balade américaine en Flandres a été présentée à l’Espace
Croisé dans le cadre de l’exposition d’Ali Kazma qui, au fil de ses
vidéos, rassemble différents sujets sous le même thème des activités humaines dans le monde du travail. Trouvez-vous des analogies dans la manière dont vous construisez vos sujets, le fait de
mettre en relation ?
JL : Il y a des liens dans le goût des séries, mais nos démarches sont
aussi très différentes car je ne rassemble pas mes sujets sous un
thème : je pars d’une sensation. Balade américaine… est partie
d’une volonté de filmer l’appropriation de l’Histoire par le folklore,
les sociétés d’amateurs, les reconstitutions. Il me semble que ce
traitement de l’Histoire provoquait une altération du réel : un glissement. La fiction est quelque chose de difficile à définir malgré
le fait qu’on en perçoive distinctement les bords. La fiction s’arrête
effectivement lorsque l’on passe à l’acte. Lorsque les personnes
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Saison Vidéo 2011
que je filme passent à l’acte, elles n’entrent pas dans le réel mais
dans le mythe. Lévi Strauss a écrit que pour “accéder au réel il fallait
faire abstraction du vécu”. J’aimerais lui demander si l’impossibilité
d’abstraction du vécu amènerait à une sublimation mythologique,
mais je ne sais pas si ça m’aiderait à filmer. Cette altération du
réel me provoque une sensation pleine d’ambiguïté, par delà le
vrai et le faux. Elle m’est apparue comme un moment d’accélération vivant et d’intensité bizarre. Le thème de l’Amérique s’est
imposé de lui-même dans la mesure où c’est probablement le plus
grand véhicule de mythes en tous genres, que tout le monde à son
mythe américain, et que l’Amérique n’existe pas, sinon comme
une Idée…
Octobre 2009
Interview
I Feel Closer to Joyce’s Laughter
Hélène Dantic: When you show your work, you cast doubt on the
words “fiction” and “documentary”. What’s more, in background
descriptions of your videos, we find expressions like “documentary-style artist’s video/film” and “documentary essay”. Should we
read this as a refusal to be pigeonholed, rather than a difficulty
with peremptorily describing your own approach and method? Does
an artist need to justify his/her relation to fiction and the alleged
objectivity of the documentary?
Jacques Lœuille: It’s not a question of justifying so much as explaining
my relation to the documentary. As I’m interested in ambivalent
subjects, I try to dissipate their amibiguousness as fast as I can.
Amibiguousness is a trick, an imposture; ambivalence makes things
more profound and lasting, to my eye. Fiction and documentary are
dovetailed and mixed, beyond works, on a thousand and one levels,
in what we call reality. The people I like filming deck themselves
out in costumes and record their passions. By incorporating their
dreams in day-to-day life, they transform these layers of fictions
into realities. They possibly incarnate what Shakespeare’s Prospero
is saying with his: “We are such stuff as dreams are made on…”.
The artists I feel a need to return to—from Pieter Brueghel to Jim
Harrison—play with a certain reality nakedness, which tallies with
my sensitivity towards things ordinary, folklore and popular
mythologies.
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Saison Vidéo 2011
HD: Does this nakedness also apply to you and your approach? I’m
thinking, in particular, in Essence ordinaire, 2008, of your sudden
(and at times suffered) appearances in the image, your interventions to try and “re-frame” a subject of conversation, or when you
comment on the inability to grasp certain “cliché” images…
JL: The nakedness of reality—even if it’s a formula—corresponds
with what I’m trying to hang on to without wanting to “be clean”,
otherwise put: cropping shots when they go beyond their subject.
I try to give the impression that these shots can culminate in any
old thing which is not necessarily the subject being dealt with. In
a way, I’m applying an editing method which “beats about the
bush”; the same goes for my commentaries, even if I’m beginning
to think that my physical and/or sonic presence is a pollution for
the viewer, whom I now prefer to offer a cruder and perhaps more
enigmatic image, as far as my intentions are concerned.
HD: A sort of phenomenology through the camera?
JL: The knowledge I film belongs to amateurs who transmit to each
other by mimicry and repetition. It’s not very interesting in itself,
and anyway nobody really knows where it comes from, if not from
a popular pseudo-wisdom. It’s the manner of transmission as much
as the knowledge itself. These people interest me because they
crystallize something invisible outside of the practice of these
forms of knowledge. They are affections which act as a foil for
people’s sensibilities, even (above all) when the sensibilities are
strange. Otherwise put, this knowledge says something that we’re
barring from our discourse.
HD: You were talking about the witty side that reality can have.
Some of the subjects you choose are particularly suited to that…
Yet in your films there’s no Striptease treatment, but, on the
contrary, a very demure approach which enhances the individual.
JL: There are several kinds of laugh in laughter and I hope I pick
out funny things without falling into the Striptease treatment, i.e.
voyeurism. People often warn me, when I’m writing my projects,
about the potential ridiculousness of the things I want to film. It’s
hard to explain how I dodge this voyeurism, and perhaps this ridiculousness, which TV feeds us ad nauseam. Perhaps it’s a moderation or a modesty, because I’m not necessarily in empathy with the
people I film, even though I always refrain from judging them. This
is a moral stance dissolved in an ethical response. The divergence
between my approach and that of Striptease is contained in the
difference between wit and irony. Irony is laughing at other people’s
fixes whereas wit, or humour, is laughing at the pitfalls of our
condition. I feel closer to Joyce’s laughter.
HD: One feels that a relationship of trust is established between
the people encountered and yourself. How do you manage to
create this atmosphere?
JL: I behave very naturally and because I’m quite secretive and
introverted, the non-violence of my intrusion must help and perhaps
it makes people feel secure. I also do rehearsals with the people
to comfort them when they need that, but nevertheless this relationship is pretty spontaneous—we can’t talk about directing actors
in the strict sense of the term.
HD: Can we see two distinct approaches in your relation to the
camera? One very off-the-cuff making it possible to grasp moments
on the spot, live, accidental moments (from which slightly tremulous images result), the other extremely constructed (in which
your pictorial references come to light), which posits both subject
and context.
JL: For a moment, the idea of the filmed diary was very present
and I’ve worked so that that emanates from my way of filming. It
was also bound up with my opinion about the links between image
and sound. This is something I’m doing less because I think that
I’ve taken a fork (which is possibly a development). These things
are more integrated, less “said”. People often talk to me about the
upsurge of pictorial references in my way of framing things. On the
one hand, I’m very content because painting has an important
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Saison Vidéo 2011
place in my heart. But on the other hand, I know that real elegance is the kind that doesn’t point fingers: and so I’ve got some
looking to do… I like it when the frames are verging on being badly
framed, on the verge of having an accident. Whence my fondness
for the out-of-shot, the frame edge, blurredness, backlighting; but
all this is “orchestrated” because I shoot with a whimsical and
greedy camera which demands careful settings and lots of extra
light.
HD: We can also talk about pictorial reference by way of the notion
of composition, the accidental form that your images can have
corresponds to the subjects themselves. In Balade américaine en
Flandres, 2009, we’re touching on myth, and re-creations that are
freer than historical facts. Quite often the close-up images emphasize the artificiality of events: a jeep from the landings with a
Belgian number plate, dead people who’re breathing… You mentioned Pieter Brueghel; with him I find the same approach as a spectator, strolling in the picture looking for details which make the
whole thing. Can we push the comparison that far?
JL: Visual navigation in Brueghel’s painting is a real narrative manifesto. I admire that way of shifting from part to whole, anecdote
to subject. Enshrining micro-narratives within an overall plot while
preserving the independence of the detail is a compositional intention that stemns from my respect for Flemish painting. Perhaps
under the assimilated influence of Brueghel I’ve come by this interest
in the way in which folklore revisits History, in makeshift mythological things, and in popular knowledge which withstands the
spectacle of commerce.
HD: Balade américaine en Flandres was screened at the Espace
Croisé as part of the Ali Kazma exhibition which, through his
videos, brings together different subjects under the same theme of
human activities in the world of work. Do you find analogies in the
way you construct your subjects, the fact of liaising things?
JL: There are connections in our fondness for series, but our
approaches are also very different, because I don’t assemble my subjects under a theme: I start off from a sensation.
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Balade américaine… is part of a desire to film the appropriation of
History by folklore, amateur clubs, re-creations. It seems to me
that this treatment of History gave rise to an alteration of reality:
a slide. Fiction is something difficult to define despite the fact that
we can clearly perceive the edges. Fiction effectively stops when
you take action. When the people I film take action, they do not
enter reality, but myth. Lévi-Strauss wrote that “to have access to
reality it was necessary to make an abstraction of experience”. I’d
like to ask him if the impossibility of abstracting experience might
lead to a mythological sublimation, but I don’t know if that would
help me to film. This alteration of reality provoked in me a sensation full of ambiguity, beyond true and false. It has appeared to me
like a living moment of acceleration and weird intensity. The
theme of America came to me all on its own insofar as it’s probably the greatest conveyor of myths in every genre, and because
everyone has their American myth, and because America doesn’t
exist, except as an idea…
October 2009
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Saison Vidéo 2011
JEUDI 17 FÉVRIER 2011 À 10 H. ROUBAIX, ESAAT (ÉCOLE SUPÉRIEURE DES ARTS APPLIQUÉS ET DU TEXTILE)
539 AVENUE DES NATIONS UNIES - 59100 ROUBAIX - +33 3 20 24 27 77 - [email protected] - www.esaat-roubaix.com
T R AV E R S É E S
L’étendue de la Méditerranée dans ses vis-à-vis et résonances à travers
deux films : l’un le portrait d’une ville, Istanbul, avec comme point de
départ Tamaris et comme point d’arrivée Marseille; l’autre, le portrait
d’une femme qui confie ses souvenirs d’exil liés notamment au pourtour méditerranéen.
The vast expanse of the Mediterranean in its comparisons and
echoes, through two films: one, a portrait of a city, Istanbul, with,
as its point of departure, Tamaris, and as its point of arrival,
Marseille; the other a portrait of a woman recounting her memories of exile associated with, among other things, the
Mediterranean rim.
Erik Bullot
Le Manteau de Michel Pacha, 1996, 16 mm, 16 mn
Comment et pourquoi l’exotisme persiste sous le documentaire :
tel est le motif de ce film tourné à Tamaris et Istanbul selon
une voie située entre le journal filmé et le film-essai qui fait
alterner de longues déambulations dans Istanbul, des portraits
filmés, une visite à Tamaris et un retour à Marseille. EB
How and why exoticism is a permanent feature of documentaries: this is the theme of this film shot at Tamaris
and Istanbul, based on a method somewhere between
the filmed diary and the film-as-essay, alternating long
strolls in Istanbul, filmed portraits, a visit to Tamaris,
and a return to Marseille. EB.
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Nora Martirosyan
Les Complices, 2008, 40 mn
A woman conjures up her family memories, passing from generation to generation, east to west and north to south, around the
Mediterranean. History faced with little (hi)stories takes us into
different areas passed through by a teenager. Unaware of the
past, he visits these places of memory. In the face of a re-made
history and a history in the making, the sea between these two
destines both separates and assembles. NM.
Une femme évoque ses souvenirs de famille, les traversées de
génération en génération, d’est en ouest et du nord au sud de la
Méditerranée. L’Histoire confrontée aux petites histoires nous
transporte dans divers espaces traversés par un adolescent.
Inconscient du passé, il visite ces lieux de mémoire. Face à face
d’une histoire recomposée et d’une histoire en devenir, la mer
entre ces deux destinées sépare et rassemble. NM
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Une fine lame qui divise
Comment se fait intuitivement le rapprochement de deux films ?
Vers 1860, nous énonce Erik Bullot, Michel Pacha, directeur des
phares de l’Empire Ottoman, frappé par la similitude entre la rade
de Toulon et la baie du Bosphore décide, à son retour de
Constantinople, de s’installer à Tamaris et construit une réplique
architecturale dans l’objectif de prolonger son séjour oriental. Il
ira jusqu’à mettre en place, dans la rade de Toulon, un service de
bateaux-mouches copiés sur ceux du Bosphore. En 1860, Véra
arrière grand-mère de Mayliss Verseils, qui narre l’épopée de son
histoire familiale dans Les Complices, réalisé par Nora Martirosyan,
est contemporaine de l’abolition de l’esclavage en Russie. Cette
concordance de date, toutefois frappante, ne saurait en être la
raison suffisante. Mayliss Verseils - qui s’est identifiée à son arrière
grand-mère : “femme fantasque, de tête, originale et qui appartenait à une famille de la noblesse terrienne” - déploie son récit face
à la caméra. En discours direct, elle épluche inlassablement des
légumes. Femme stylée, de ces scènes domestiques éclot toute sa
sérénité, sa grâce. Il y a un parti pris, à considérer délibérément
le témoignage d’Erik Bullot, tel un journal filmé, additionnant des
considérations personnelles ainsi que celui de la protagoniste de
Nora Martirosyan, en négligeant abusivement les images filmées,
leur beauté, leur composition, leur montage. Les deux films instaurent le voyage. Si l’initiative est personnelle dans le cas d’Erik
Bullot, qui berce ses images de sa voix-off et de la sensualité de la
musique orientale, les déplacements de la famille de Mayliss
Verseils, dans le bassin méditerranéen notamment, résultent de
contraintes politiques et économiques. Les deux récits, qui se croisent à Istanbul, subissent un retournement.
Le Manteau de Michel Pacha est l’histoire d’une bifurcation. Partir
pour quelque chose et en trouver une autre. L’ouverture du voyage
permet cette découverte. L’objet initial est la recherche à Istanbul
du modèle architectural de la copie construite à Tamaris. C’est un
motif de voyage comme un autre qui justifie le déplacement de
l’auteur. Mais le présent surgit en force dans cette quête du passé.
En effet : “La guerre civile s’est substituée à l’exotisme. Difficile
aujourd’hui de voyager sans croiser, tragiquement sous les images,
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la guerre plus ou moins proche.” Si la côte d’Azur et Istanbul ne
dérogent pas à leurs visions de cartes postales, les déambulations
dans les rues avoisinant le Bosphore, transforment avant tout l’auteur, lui apportent de nouvelles considérations. “Le voyage est une
équation dont l’inconnue est le voyageur”. L’histoire de Mayliss
Verseils bascule au cœur du film. Perpétuellement entourée d’enfants qui piochent dans ses légumes et la sollicitent, jouant avec
son collier ou faisant apparaître subrepticement dans l’image, la
figurine Buzz, elle demeure imperturbable et rayonnante dans
l’énoncé de son récit. Tout à coup, elle confie: “Comme ma mère,
j’appartiens à une séquence de trois filles, comme il y en a eu tant
dans la famille. Il y a eu beaucoup d’enfants. Moi aussi, j’aurais
aimé être grand-mère. Mais bon, voilà, avec mon mari, le soir souvent on va à la mer, on regarde les étoiles, il n’y a rien d’autre à
regarder”. Dans ce dépit soudain, ce décroché, se lit le triste écart
avec les mises en scènes de séquences familiales. La formule d’Erik
Bullot resurgit. “En tournant sur soi-même, il semble que le sens
de la rotation universelle soit soudain inversé. Nous devenons l’axe
d’un monde qui gravite alentour. Voyageurs, nous sommes semblables à une planète dans le ciel des étoiles fixes.” La mère pour
Mayliss incarne à la fois l’image d’un bonheur intense et d’une
douleur inextricable quand l’Histoire percute celles qui sont
vécues. “Notre maman, étendue sur le lit, rêveuse, avec le petit
frère dans les bras, ça a été quelque chose de très fort pour moi,
j’avais déjà cinq ans, je m’en souviendrai vraiment toute ma vie
de cette naissance. Et puis je l’associe toujours aussi à ma mère,
quelques années après, étendue sur son lit pleurant, des journées
entières. Elle vient d’apprendre que sa mère est morte à
Auschwitz.” Des portraits filmés scandent le film d’Erik Bullot : “À
travers ces visages exposés à notre caméra percent encore les
signes d’une origine mystérieuse. En un sens réactivant les mythes,
les signes à nouveau de l’Orient tel qu’un Théophile Gautier pouvait les décrire. L’énigme sous le masque. Le pittoresque”. Ils sont
impassibles ou gênés par cette exposition prolongée. L’adolescent,
des Complices est quant à lui le relais qui tire le passé, composé
de l’Histoire et d’histoires, vers l’avenir. Une jolie scène l’atteste.
La femme découpe, cette fois, des betteraves. Elle en fait glisser
une sur la table. Il la mange. Elle continue son récit et raconte ses
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premières bêtises dans l’appartement familial à Casablanca où elle
entraîne ses petites sœurs. Il restera toujours silencieux, nul ne sait
s’il est attentif ou absent. Il jouera du piano en arrière-plan et en solo
de la guitare, driblera sur un terrain en bord de mer ou se déplacera
entre les vitrines d’un musée archéologique. Est-il plus attiré par les
statuettes antiques que par la destinée de la femme ? Considérant la
situation d’un autre exilé, Aziz, Algérien, dont il a rencontré les cousins à Istanbul et qu’il retrouvera à Marseille, pour lui confier, tel un
intercesseur, leurs photos, Erik Bullot se demande : “Quand irai-je en
Algérie où je ne suis jamais allé ? Retournerai-je bientôt à Istanbul ?
Combien déjà de pays me sont interdits ? J’ai voulu superposer le
modèle et sa copie, à la manière de cartes géographiques. J’ai découvert une fine lame qui divise.” La mer, elle, emplit l’écran.
Mo Gourmelon
Erik Bullot, Le Manteau de Michel Pacha, 1996
Focus
A thin blade that divides
How can two films be intuitively compared? In 1860 or thereabouts, we are told by Erik Bullot, Michel Pacha, director of lighthouses of the Ottoman Empire, struck by the similarity between
the Toulon roadstead and the Bay of the Bosphorus, decided, on
his return to Constantinople, to set up home in Tamaris. He duly
built an architectural replica, with the aim of extending his
oriental sojourn. He went so far as to install, in the Toulon
roadstead, a river-boat service copied from those on the
Bosphorus. In 1860, Véra, great-grandmother of Mayliss Verseils,
who recounts the saga of her family history in Les Complices,
produced by Nora Martirosyan, was a witness to the abolition of
slavery in Russia. This coincidental and nevertheless striking
dating is not sufficient reason. Mayliss Verseils—who identified
with her great-grandmother—“a capricious woman, headstrong
and original, who belonged to the a noble landowning family”—
tells her tale looking at the camera. Speaking live, she indefatigably peels vegetables. A well-brought-up woman, all her serenity and elegance blossoms from these household scenes. There
is a point taken, if Erik Bullot’s testimony is intentionally considered, like a filmed diary, totting up personal considerations as
well as those of Nora Martirosyan’s protagonist, wrongly neglecting the filmed images, their beauty, their composition, and
their editing. The two films set up the journey. If the initiative
is personal in the case of Erik Bullot, who lulls his images with
his voice over and with the sensuality of oriental music, the
travels of Mayliss Verseils’s family, in the Mediterranean basin in
particular, are the outcome of political and economic limitations.
The two narratives, which intersect in Istanbul, are turned
inside out.
Le Manteau de Michel Pacha is the story of a junction—a bifurcation.
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Starting off towards one thing and finding another. The journey’s
overture permits this discovery. The initial object is the quest, in
Istanbul, for the architectural model of the copy constructed at
Tamaris. This is a travel theme like any other which justifies the
author’s movements. But the present surges powerfully forth in
this search for the past. In effect: “Civil war has replaced exoticism. It’s hard these days to travel without coming upon war, more
or less close, and tragically under the images.” If the French
Riviera and Istanbul do not stray from their post card visions,
strolls in the streets near the Bosphorus transform the author, first
and foremost, and bring him new considerations. “The journey is
an equation whose unknown factor is the traveler.” The story of
Mayliss Verseils topples into the core of the film. Forever surrounded by children rummaging in her vegetables and asking her for
things, playing with her necklace or surreptitiously bringing into
the image the Buzz figurine, she remains imperturbable and
radiant in the utterance of her narrative. All of a sudden she says:
“Like my mother, I belong to a sequence of three daughters, just
like all the others there’ve been in the family. There’ve been a lot
of children. Me, too, I would have liked to be a granny. But, you
know, that’s the way it is, with my husband in the evening, we
often go to the sea and look at the stars—there’s nothing else to
look at.” In this sudden fit of pique, this slip, you can read the sad
difference with the presentations of family sequences. Erik Bullot’s
words loom up again: “If you spin on your own axis, it seems that
the direction of universal rotation is suddenly reversed. We
become the axis of the a world that gravitates all around. As travellers we are like a planet in the sky of fixed stars.” Mayliss’s
mother incarnates both the image of an intense happiness and that
of an inextricable suffering, when History hits those that are experienced. “Our mummy, stretched out on the bed, daydreaming,
with my little brother in her arms, has something very strong about
it for me, I was already five years old, and I’ll really remember
that birth all my life. And then I still associate it with my mother,
a few years later, lying on her bed crying, for whole days on end.
She’d just learnt that her mother had died in Auschwitz.” Filmed
portraits punctuate Erik Bullot’s film: “Through these faces exposed to our camera, the signs of a mysterious origin show through.
In a sense reactivating myths, signs, once more, of the Orient as
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someone like Théophile Gautier might have described them. The
enigma beneath the mask. The picturesque.” They are impassive
or embarrassed by this prolonged exposure. The teenager of Les
Complices is, for his part, the stage pulling the past, made of
History and (hi)stories, towards the future. A cute scene illustrates
as much. This time the woman is cutting up beetroots. She slips
one across the table. He eats it. She carries on her tale and tells
of her first silly doings in the family apartment in Casablanca,
where she drags her little sisters. He will invariably stay silent,
nobody knows whether he is attentive, or absent. He will play the
piano in the background and a guitar solo, dribble a ball on a pitch
by the sea, or move around among the showcases of an archaeological museum. Is he more attracted by the antique statuettes than
by the destiny of the woman? Considering the situation of another
exile, Aziz, an Algerian, whose cousins he met in Istanbul and
whom he will find in Marseille, to give him, like an intercessor,
their photos, Erik Bullot wonders: “When shall I go to Algeria,
where I’ve never been? Shall I soon return to Istanbul? How many
countries am I banned from already? I wanted to overlay the model
and its copy, like maps. I discovered a thin blade that divides.” The
sea, for its part, fills the screen.
Mo Gourmelon
Nora Martirosyan, Les Complices, 2008
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V E N D R E D I 1 8 F É V R I E R À 1 0 H . R O U B A I X , LY C É E J E A N R O S TA N D – B Â T I M E N T A U D I O V I S U E L
361 GRAND RUE - 59100 ROUBAIX - + 33 3 20 20 59 30
L’ I M A G E I M P O S S I B L E
L’ABSENCE D’IMAGE, L’ATTENTE D’IMAGE, L’IMAGE QUI PERD SON SENS,
L’IMAGE INSOUTENABLE; AUTANT DE DONNÉES D’IMAGES IMPOSSIBLES.
ABSENCE OF IMAGE, EXPECTATION OF IMAGE, IMAGE LOSING ITS MEANING,
UNBEARABLE IMAGE; ALL SO MANY DATA OF IMPOSSIBLE IMAGES.
Bärbel Pfänder
Ein Schloss im Meer (Un château en mer), 2008, 12 mn
Production Le Fresnoy, studio national des arts contemporains
Mon grand-père ne se souvient pas toujours des photos qu’il a
prises avant et pendant la Seconde Guerre Mondiale, en
Allemagne, en France et en Russie. Sa mémoire s’affaiblit, je
me demande comment se compose cette histoire fragmentaire
individuelle et collective. BP
My grandfather does not always recall the photos he took
before and during the Second World War, in Germany,
France, and Russia. His memory is failing, and I am wondering what this fragmentary individual and collective history
is made up of. BP
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Sirine Fattouh
Sans, 2007, 22 mn 30
Sans est une vidéo tournée durant l’été 2007 à Tripoli et à Nahr-El-Bared, lieux des affrontements
entre l’armée libanaise et les miliciens du Fatah Al Islam. La vidéo cherche à rendre hommage au
lourd travail des journalistes et des photographes en période critique et à mettre l’accent sur les
situations humoristiques qui peuvent se déclencher durant les moments de grandes tensions et de
violences. Sans consiste à suivre un photographe libanais de l’AFP qui travaillait à Nahr-El-Bared
pendant toute la durée des événements et à capturer l’ambiance tragique des bombardements.
La vidéo s’est peu à peu transformée en raison des longues attentes qui ont été imposées par les
trêves des combats. Un déplacement d’une ambiance lourde et tragique vers une prise en compte
de l’environnement direct des photographes et journalistes, s’est effectué. SF
Sans is a video made during the summer of
2007 in Tripoli and Nahr-El-Bared, places
where the Lebanese army clashed with Fatah
Al Islam militiamen. The video seeks to pay
tribute to the serious work of journalists and
photographers in a critical period, and
emphasize funny situations which can be triggered during moments of great tension and
violence. Sans consists in following a
Lebanese AFP photographer who was working
at Nahr-El-Bared throughout the events, and
capturing the tragic atmosphere of the bombardments. The video underwent gradual
changes because of the long periods of waiting imposed by truces in the fighting. A shift
is made from a heavy and tragic atmosphere
towards a consideration of the direct surroundings of the photographers and journalists. SF
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Philippe Rouy
Cheval Blême, 2009, 3 mn 55
Le 17 juillet 1939, un homme a été publiquement guillotiné devant une caméra. Les yeux d’un cheval n’en sauront
jamais rien. PR
On 17 July 1939 a man was guillotined in public in
front of a camera. The eyes of a horse will never know
anything of it. PR
Marie Voignier
Hearing the shape of a drum, 2010, 17 mn
Co-production 6ème biennale d’art contemporain
de Berlin et le Centre d’art contemporain de
Brétigny
Hearing the shape of a drum suit le déchaînement
médiatique qui accompagne un procès retentissant en
Autriche, celui du “Monstre de Amstetten”. Des centaines de journalistes et d’équipes techniques forment
pour quelques jours une communauté éphémère qui
compose la géographie du film. La presse est confrontée
à une difficulté majeure : l’absence d’image, puisque le
procès se tient à huis clos. Au delà de l’observation de
la fabrication coûte que coûte d’images et de sujets, là
où on ne sait rien et où on ne voit rien, le film pose la
question de la présence d’une artiste sur le même terrain
que les journalistes et avec les mêmes outils de production d’images et de sons. MV
Hearing the shape of a drum the media frenzy that
goes along with a headline trial in Austria, that of
the “Monster of Amstetten”. For a few days, hundreds of journalists and technical crews form a fleeting community which makes the film’s geography.
The press is faced with a major difficulty: the
absence of imagery because the trial is held behind
closed doors. Over and above the observation of the
manufacture, whatever the cost, of images and
subjects, precisely where people know nothing and
see nothing, the film raises the question of the
artist’s presence on the same turf as the journalists
and with the same image and sound-producing
tools. MV
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M A R S 2 0 1 1 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
CAN YOU HEAR ME?
DES MESSAGES AUX MULTIPLES EXPRESSIONS
MESSAGES WITH MANY DIFFERENT EXPRESSIONS
Mélanie Poinsignon
Est-ce que vous m’entendez ?
2009, 1 mn
Un homme prononce en silence la phrase :
Est-ce que vous m’entendez ?, tandis
qu’une femme la traduit en langage des
sourds. Il se fait de plus en plus insistant.
C’est alors le corps qui parle dans une
urgence à se faire comprendre.
In silence a man says: Can you hear me?,
while a woman translates it into sign language. He becomes more and more
emphatic. So it is the body talking with
an urgent need to be understood.
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Firat Bingöl
I’m an artist, 2009, 46 s
Nous voyons une personne qui s’exerce à
l’anglais. Il conjugue le verbe être sous la
forme “Je suis un artiste / Tu es un artiste…”
Le personnage engendre un discours ironique
en utilisant des méthodes d’apprentissage et
de “mémorisation” de l’anglais afin de ne
pas oublier qu’il est un artiste. L’intrusion
soudaine du père – qui jure en kurde et lance
“ne fais pas l’artiste” (une expression à la
fois turque et kurde qui signifie “frimer, se la
jouer”) – accentue l’ironie de la scène. FB
We see a character who does exercises to
learn English. He conjugates to be as “I am
an artist / You are an artist …” The character creates an ironic discourse by
using learning and ‘memorizing’ methods
in English, and in order not to forget that
he is an artist. The father’s sudden
entry- by swearing in Kurdish and saying
“don’t make artistry” (a saying both in
Turkish and Kurdish, meaning “show off,
make a great display…”) –makes the scene
more ironical. FB
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Laura Huertas Millan
China Daily, 2008, 3 mn 12
Production École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris
Reprise ironique de l’horoscope du journal China Daily,
quotidien chinois contrôlé par l’Etat. Une jeune fille en
costume de spectacle énonce les signes astrologiques
en conseillant aux spectateurs de ne pas s’endetter, de
bien suivre les ordres de leur chef, de ne pas avoir d’initiative propre. En arrière plan s’inscrivent des paysages
quotidiens chinois, démolitions, reconstructions, chantiers. Les propos de la présentatrice, étrange mélange
de doctrine confucianiste et d’asservissement ultra
capitaliste sont mis en dialectique avec ces scènes de la
vie quotidienne. LHM
Ironical take-up of the horoscopes in the Statecontrolled China Daily newspaper. A young girl wearing a show costume lists the astrological signs, advising viewers not to run up debts, to follow their boss’s
orders, and not do things on their own initiative. In
the background there are everyday Chinese landscapes, demolitions, reconstructions, building sites.
The announcer’s ideas, an odd mix of Confucian doctrine and ultra-capitalist subordination, are set in a
dialectical way amid these scenes of daily life. LHM
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Laurent Mareschal
Capitales, 2009, 3 mn 41
Capitales is set in an exhibition venue. A man, with a bag with holes
in it in his hand, spills kilos of alphabet noodles in lines or in small piles
depending on the time spent in front of each work. Here I trace my
itinerary, but above all I quantify time, it’s as if I were walking with a
huge egg timer. Why alphabet noodles? Because when I look at an exhibition I experience a host of sensations and emotions, lots of ideas
spring to mind, but they have not yet become words. LM
Capitales investit un lieu d’exposition. Un homme, un sac percé à
la main laisse échapper des kilos de pâtes alphabets en ligne ou en
petits tas en fonction du temps passé devant chaque œuvre. Ici je
trace ma déambulation, mais surtout je quantifie du temps, c’est
comme si je me promenais avec un sablier géant. Pourquoi des
pâtes alphabet ? Parce que quand je regarde une expo j’éprouve
une foule de sensations, d’émotions, plein d’idées me traversent
l’esprit, mais elles ne sont pas encore devenues mots. LM
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Nicolas Carrier
Hi, Bruce, 2010, 3 mn 23
Erica Scourti
Citizen Choice, 2010, 5 mn 33
Sur un plateau de tournage déserté, un homme déambule entre les
spots. Il proclame des paroles de Bruce Wayne puisées dans les six
films de Batman. Silhouette disparaissant dans l’ombre du décor,
l’incarnation de la doublure montre l’effacement du charisme du
héros et de l’acteur sous une couverture mondaine. NC
On a deserted film set, a man strolls between the spots. He
recites Bruce Wayne’s lines taken from the six Batman films.
Silhouette vanishing in the shadow of the décor, the incarnation
of the understudy shows the erasure of the charisma of the hero
and actor in an urbane guise. NC
Des podcasts prônant la pensée positive, couvrant tous les
sujets, de l’abondance et la prospérité à la famille et aux relations harmonieuses, sont montés ensemble et accompagnés de
vidéos fournies par Getty pour raconter une histoire de liberté
de choix et remise en question de soi dans la société de
consommation. ES
Positive thinking podcasts covering everything form abundance and prosperity to family and successful relationships,
are cut together and accompanied by stock videos supplied
by Getty to tell a story of freedom of choice and self-actualization in consumer society. ES
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Marko Mäetamm
Car ride, 2008, 3 mn 16
Cette œuvre traite de la
façon dont les choses ont parfois l’air si différentes de ce
qu’elles sont vraiment. Un
vendredi matin ensoleillé du
mois de mars, j’ai embarqué
ma ravissante femme et mes
deux merveilleux enfants dans
notre Honda Civic et nous
sommes partis passer un
weekend à la campagne. MM
This work is about how
something looks very
often different from
how it actually is. One
beautiful Friday in early
March I put my lovely
wife and two wonderful
kids in our Honda Civic
and we took a ride to
spend a weekend in a
country side. MM
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M A R D I 8 M A R S 2 0 1 1 À 1 8 H 3 0 . L I L L E , A RT C O N N E X I O N
9 RUE DU CIRQUE - 59000 LILLE – + 33 3 20 21 10 51 - www.artconnexion.org - [email protected]
MIRANDA SHARP
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
I Love Basildon, 2009, 7 mn
Commande de l’Essex County Council avec le soutien de l’Arts Council. Mis en place par Commissions East
Commissioned by Essex County Council and supported by Arts Council England. It is managed by Commissions East.
I Love Basildon émane d’une résidence dans le quartier de Laindon
à Basildon, une ville nouvelle ouvrière de l’après-guerre dans le
Comté d’Essex. Après une formation spécifique de douze semaines,
Miranda Sharp y incarne le rôle d’une manucure des années cinquante (les années de construction de cette ville). Elle rentre ainsi
en contact avec les habitants du quartier au sens propre et figuré :
par la dextérité de son toucher et l’attention accordée. En
échange de cette délicate et surprenante action gratuite, les habitants conversent avec l’artiste et se livrent à des considérations
qui relatent l’esprit du lieu. Le Genius Loci, tel était l’objet de
cette résidence. Miranda Sharp entremêle, en sept minutes,
espace public et privé dans le plus grand respect d’autrui bannissant le voyeurisme et ce malgré la poignance et la violence de certaines confidences retranscrites dans son journal. Le film dévoile
l’étrangeté d’un protocole où l’artiste vêtue d’un costume rétro de
manucure déambule dans Basildon et se prête à un face à face
avec ses habitants. Ceux-ci, malgré la crise touchant leur ville,
font preuve d’un attachement à leur lieu de vie.
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I Love Basildon results from a residency in the Laindon neighbourhood
of Basildon, a new postwar working-class town in the county of Essex.
In it, after special training lasting for twelve weeks, Miranda Sharp
incarnates the role of a 1950s’ manicurist (that was the period that
saw the construction of this town). So she comes into contact with the
neighbourhood residents, figuratively and literally: through the dexterity
of her touch, and the attention granted. In exchange for this delicate
and surprising gratuitous action, the residents talk with the artist and
offer observations about the spirit of the place. The Genius loci, this
was the object of this residency. In seven minutes, Miranda Sharp
intermingles public place and private space in the greatest respect for
others, rejecting voyeurism, and this despite the poignancy and violence of certain confidences transcribed in her diary. The film reveals
the strangeness of a procedure where the artist dressed with a 1950’s
beauty parlour costume strolls around Basildon and readies herself for
direct encounters with its inhabitants. These latter, despite the crisis
affecting their town, show an attachment to the place where they
live.
Saison Vidéo 2011
Extrait du journal
Samedi, 11 juillet, 2009
Pour l’instant, j’ai fait trente cinq manucures en six jours. J’ai été le
témoin d’un vol à l’étalage depuis ma position en vitrine dans le magasin
Sue Ryder. On m’a raconté des choses sur des décès, des tumeurs cérébrales, des ruptures, et des violences domestiques, “mon petit ami me
frappe tu vois”, des enfants mort-nés, des bagarres à mains nues à
cause de l’alcool et des gens faisant l’amour dans le train (d’après une
femme de quatre-vingts ans). Une femme invoqua la raison suivante
pour refuser une manucure : “J’aime tellement frapper les gens et les
longs ongles m’en empêchent”.
Une femme de 22 ans partage sa douleur d’avoir perdu son bébé avant
terme, à 32 semaines. Pendant les tentatives pour sauver son fils, on
l’a transférée dans un centre spécialisé à Hertfordshire. Elle a détesté
quitter Basildon. Elle ne peut pas s’imaginer habiter ailleurs.
Si l’on dépasse les clichés des ragots concernant la classe ouvrière de
banlieue ; il existe une réalité et une franchise unique qui m’ont
impressionnée. Je trouve davantage de chaleur et d’ouverture d’esprit
dans cette investigation que dans n’importe quelle autre tentative de
mes travaux précédents. Cette communauté semble avoir accepté une
femme de classe moyenne de la ville voisine de Billericay. Pour certains, je suis leur styliste personnelle du style des années cinquante.
(Je ne fais pas la manucure française ou artificielle ; c’est le stade plus
avancé). Pour d’autres, je suis une artiste qui est vraiment de leur
côté et qui veut se mettre dans la peau de Basildon. Qu’est-ce que la
ville signifie pour eux?
Pour les vrais Eastenders, les Plotlanders qui ont déménagé et qui ont
acheté des terrains pour le week-end, qui sont devenus leurs résidences permanentes pendant la guerre ; Basildon est synonyme “d’air
frais”.
Basildon Corporation fut établi par le Gouvernement en réponse
aux mauvaises installations sanitaires de Plotlands. J’ai appris
qu’il y avait sans cesse des inégalités à propos de la provision de
logements. Laindon est vraiment dans sa dixième année de régénération. Les résidents font face à une existence incertaine et ils
ne savent pas quand leurs bâtiments ou leurs maisons seront démolis. La communauté n’est pas établie. Il y a un esprit de lieu intangible ici qui semble s’établir non pas des alentours à proprement
dit, mais d’une notion bien établie des relations avec les amis et
la famille, c’est un échange véritable et significatif. Quand ce lien
de la famille est faible ou absent, par exemple dans la psyché des
mères de 19 ans, Basildon ne signifie “rien”. Pourtant de nos
conversations j’en retiens qu’il est évident que leurs bébés sont un
nouveau début, le début d’un sens renouvelé de la famille et de
l’appartenance. MS
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Saison Vidéo 2011
Field Diary Extract
Saturday, 11th July, 2009
So far, I have performed thirty five manicures in six days. I’ve witnessed shop lifting from my prime position in the Sue Ryder shop
window. I have been told about people’s deaths, brain tumours,
break-ups, domestic violence, “my boyfriend hits me you see,”
stillbirths, fist fights over spilt drinks and sex on trains (from an
eighty year old woman). One woman declines to have a manicure
for the following reason: “I like hitting people too much and long
nails get in the way you see.”
A woman, aged 22, shares with me the pain of losing her unborn
baby boy at 32 weeks. During the attempts to sustain her son’s life
they were transferred to specialist care in Hertfordshire. She
hated leaving Basildon. She can’t imagine living anywhere else.
If you get beyond the initial tabloid stereotype of an essentially
working class new town community, there is a reality and a unique
frankness that blows me away. I find more warmth and openness
to my research than any other previous attempt in past work. This
community seems to have embraced this middle class girl from the
neighbouring town of Billericay. For some I’m their very own personal 1950s-style mobile nail technician (I don’t do tips or acrylics;
that’s the advanced course). For others I’m an artist who is genuinely on their side and wants to get under the skin of Basildon.
What does the town mean to them?
For the original Eastenders, the Plotlanders who moved and bought
plots of land for makeshift weekend retreats which turned into
permanent homes during the War, Basildon means “fresh air”.
Basildon Corporation was set up by the government in response to
the poor sanitation of the Plotlands. I learn of the continued inequalities in housing provision. Laindon is well into its tenth year of
regeneration. Residents face a limbo-like existence not knowing
when their tower blocks, their homes, are being pulled down.
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The community is unsettled. There is an intangible spirit of place
here which seems to lie not in the physical surroundings but in a
deeply-held notion of family relationships and friendships, and in
genuine, meaningful exchange. When this connection to family is
weak or absent, for example in the psyches of 19 year old mums,
Basildon means “nothing”. Yet from our conversations it becomes
evident that their babies are the new start, the beginning of a
renewed sense of family and belonging. MS
Saison Vidéo 2011
Une femme vient nous voir avec des bouquets d’œillets et pour me montrer la qualité de tenue de son vernis à ongles rouge.
Elle nous déclare ensuite qu’elle ne supporte plus de se retrouver seule chez elle. Ce matin, on lui a diagnostiqué un cancer du sein en lui disant qu’il serait impossible à traiter. “Le médecin m’a dit qu’il m’écrirait une lettre pour m’expliquer”.
Elle a travaillé comme technicienne supérieure en cardiologie à l’hôpital de Basildon pendant quarante-deux ans. Elle semble être sous le choc. Elle connaît la musique mais sa peur est palpable. J’enlève son vernis rouge et en applique une nouvelle couche, mais je ne peux m’empêcher de m’imaginer ces ongles rouge sang dans la salle de consultation au moment de
la lecture du diagnostic. Je me demande si le spécialiste a remarqué ses ongles. MS
One woman comes back with bunches of carnations for us and to show me how well her red nails had lasted. She then tells
us that she can’t bear to be alone at home. This morning she had been given a diagnosis of breast cancer and was told it
wasn’t going to be treated. “The doctor said he’d write me a letter to explain.” She worked as a senior cardio technician at
Basildon hospital for forty-two years. She seems to be in shock. She knows the score but her fear is tangible. I take off the
red and give her a new coat of varnish but can’t help but visualise these blood red nails in the consultation room as her diagnosis
is read out. I wonder if the consultant had noticed her nails. MS
diary extract 17 July 2009
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Saison Vidéo 2011
M E R C R E D I 1 6 M A R S 2 0 1 1 À 2 0 H 3 0 . L I L L E , C E N T R E D ’ A RT S P L A S T I Q U E S E T V I S U E L S
4 RUE DES SARRAZINS – 59000 LILLE – +33 3 20 54 71 84 - [email protected] - www.mairie-lille.fr/fr/culture
ANDREAS FOHR
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Der Gang aufs Land (Les mamelles de la vérité)
La marche vers la campagne (Les mamelles de la vérité), 2010, 27 mn 30
En 1979, j’ai vu l’exposition Monte Verita/Les
mamelles de la vérité sur une colline, près d’Ascona,
en Suisse, endroit magnifique et étrange où à partir
de 1880 toutes sortes de gens se sont installés et ont
essayé de vivre comme ils avaient envie de le faire.
J’ai su plus tard que cette exposition, qui m’avait
beaucoup impressionné, a été documentée et mise en
scène par Harald Szeemann, dans le paysage
même.Trente ans plus tard, j’y suis retourné, un peu
par hasard, et l’exposition venait de fermer ses
portes, la veille, mais aucun moyen de la revisiter
une dernière fois. Trop dangereux à cause de la
vétusté du bâtiment. Elle a été ouverte pendant 30
ans, sans qu’on ait bougé quoi que ce soit. L’eau rentrait par le toit.
J’ai pris alors quelques images, à l’extérieur et aux
alentours, pour m’aider à me souvenir. Le film Der
Gang aufs Land (titre emprunté à l’élégie de
Friedrich Hölderlin), capte et croise différentes voix,
à différents moments, qui semblent participer à un
même dessein. Il juxtapose un lieu à son en-face, le
d’où l’on entend ce vers quoi on regarde. AF
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Saison Vidéo 2011
In 1979, I saw the exhibition Monte Verita/Les mamelles de la vérité (Mount Truth/The Paps of Truth), on a
hill near Ascona, in Switzerland, a splendid, strange place where, in 1880, all sorts of people set up home
and tried to live the way they wanted to. I later on learnt that that show, which made a great impression on
me, was documented and presented by Harald Szeemann, in the actual landscape. Thirty years later, I went
back there, a bit by chance, and the show had just closed, the day before, but there was no way of visiting
it a last time. Too dangerous because of the dilapidated state of the building. It stayed open for 30 years,
and nobody had moved anything whatsoever. Water leaked through the roof. So I took a few pictures, outside and roundabout, to help me remember.
The film Der Gang aufs Land (title borrowed from the elegy by Friedrich Hölderlin) captures and mixes different voices, at different moments, which seem to take part in one and same design. It juxtaposes a place
with its vis–a-vis, the whence you hear with what you are looking at. AF
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Saison Vidéo 2011
JEUDI 17 MARS 2011 À 14 H. TOURCOING, ÉCOLE RÉGIONALE SUPÉRIEURE D’EXPRESSION PLASTIQUE
36 BIS RUE DES URSULINES - 59200 TOURCOING - + 33 3 59 63 43 20 - [email protected] - http://www.tourcoing.fr/ersep
M AT H I A S D E L FA U
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
8, 2010, 17 mn
un film d’animation 3D
adapté de la pièce de théâtre 8 de Noëlle Renaude
L’artiste Mathias Delfau développe en parallèle une activité de graphiste. Il est invité à présenter son travail
d’adaptation de 8, pièce de théâtre de l’auteur Noëlle
Renaude. Ignorant l’oralité, le corps de l’acteur, le jeu,
les éléments habituels dramaturgiques ; l’espace de fiction est ainsi revisité. Les déplacements supposés des
acteurs dessinent des lignes sinueuses. Les dialogues
apparaissent en strates et les didascalies colorées résolvent l’identification des acteurs. Une bande-sonore, le
déroulé d’un plan et le clignotement d’images situent
l’action.
The artist Mathias Delfau is developing a parallel activity as a graphic designer. He is being invited to show
his adaptation of 8, a play by Noëlle Renaude.
Sidestepping orality, the actor’s body, the acting
itself, and the usual dramatic elements, the space of
fiction is revisited. The supposed movements of the
actors make sinuous lines. The dialogues appear in
strata and the colourful stage directions solve the
actors’ identification. A soundtrack, the unfurling of
a plan, and the flashing of images all situate the
action.
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Saison Vidéo 2011
Après avoir travaillé avec Noëlle Renaude à la mise en page d’Une
belle journée et de Topographie, où la recherche portait sur une
mise en espace du déroulement du texte sur la page, j’ai cherché
à mettre en scène une partie de sa pièce 8 dans l’espace 3D et le
temps d’un film d’animation. Ce travail est la rencontre entre une
recherche picturale abstraite et une situation incarnée par les cinq
personnages de la pièce. 8 est avant tout un procédé, celui de ne
pas donner à voir, ni à entendre la pièce telle qu’elle pourrait être
jouée sur scène, mais à montrer les traces qu’elle pourrait produire. Ne pas chercher le sens mais le laisser apparaître dans les
traces laissées par ces phrases qui sont dites, sans trop réfléchir à
leurs portées, au gré de l’action. Ces phrases restent et influent
sur le déroulement, dans les méandres des traces laissées par les
déplacements de ces cinq personnages qui s’attirent et se repoussent au sein de ce qu’on pourrait appeler un groupe. Juste garder
la subjectivité de l’axe de la caméra, comme celle des didascalies
dans la pièce. Le mouvement de la caméra crée un second plan
détaché de l’action. 8 est une sorte d’observatoire où l’action se
déroule en même temps qu’elle est observée, dans ce qu’elle est
et dans ce qu’elle produit. MD
After working with Noëlle Renaude on the layout for Une belle
journée, and Topographie, where the research focused on a spatialization of the unfolding of the texts on the page, I tried to stage
a part of her play 8, in 3D space and for the time-frame of a cartoon
film. This work is the encounter between abstract pictorial
research and a situation embodied by the play’s five characters. 8
is above all a procedure, one of not presenting, or listening to the
play as it might be acted on stage, but of showing the traces that
it might produce. Not seeking the sense but letting it appear in the
traces left by these sentences that are uttered, without thinking
too much about their scope, as the action happens. These sentences remain and have an influence on the unfolding, in the
meanders of the traces left by the movements of these five characters who attract and repel each other within what we might call
a group. Just keeping the subjectivity of the camera’s axis, like
that of the stage directions in the play. The camera’s movement
creates a second level, separate from the action. 8 is a sort of
observatory where the action unfolds at the same time as it is
observed, in what it is and in what it produces. MD
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Saison Vidéo 2011
MERCREDI 23 MARS 2010 À 14 H. TOURCOING, DÉPARTEMENT ARTS PLASTIQUES, UNIVERSITÉ DE LILLE III
29-31 RUE LEVERRIER - 59200 TOURCOING - +33 3 20 01 07 20 - [email protected] - www.univ-lille3.fr
B E RT R A N D D E Z O T E U X
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Dès ses premières vidéos - Mireille, 2006 et Roubaix 3000, 2007, (Saison Vidéo 2008), Bertrand Dezoteux introduit
de l’incongruïté dans ses œuvres et s’essaye à un genre “le film de famille” pour lui donner une nouvelle forme.
Le Corso, 2008, réalisé au Fresnoy durant sa deuxième année d’étude (Saison Vidéo 2009), qualifié par l’artiste
de “documentaire animalier en 3D” confirme l’effervescence de son univers. L’exposition Dynasty en 2010
dévoilait au Palais de Tokyo un dernier film Zaldiaren Orena (l’heure du cheval), tout aussi étrange.
In his earliest videos—Mireille, 2006 and Roubaix 3000, 2007 (Saison Video 2008)—Bertrand Dezoteux introduces an element of incongruousness into his works and tries his hand at a “family film” genre to give it a
new form. Le Corso, 2008, made at Le Fresnoy in his second year of studies (Saison Video, 2009), described by the artist as a “3D animal documentary”, confirms the effervescence of his world. The exhibition
Dynasty at the Palais de Tokyo in 2010 revealed a new film Zaldiaren Orena (The Time of the Horse), which
is just as strange.
Zaldiaren Orena, 2010, 14 mn
Production le Palais de Tokyo, Paris
Reposant sur un anachronisme, Zaldiaren Orena (l’heure du cheval) imagine la Seconde Guerre Mondiale à l’ère de la robotique.
Ici, le chef-opérateur est une machine, capable d’effectuer tous
les mouvements du cinéma (grue, travelling, panoramique, plongée/contre-plongée), mais à une échelle réduite, conforme à la
technologie de l’époque, et aux moyens amateurs d’aujourd’hui.
En voici l’intrigue : en 1943, les Allemands ont envoyé au Pays
Basque un robot. Ce droïd a pour mission d’explorer une ferme afin
d’y trouver un cheval prétendument caché. Zaldiaren Orena montre l’exploration de cet univers rural par un être mécanique qui
perçoit les plantes, les animaux et les humains sur un même plan.
Au départ simple présence contemplative, le robot sort progressivement de son état de veille, devenant de plus en plus belliqueux
à l’égard des fermiers. BD
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Based on an anachronism, Zaldiaren Orena [The Hour of the Horse]
imagined the Second World War in the age of robots. Here, the director of photography is a machine, capable of making all the cinema
movements (crane, tracking shot, sweeping short, overhead/low angle
shot), but on a reduced scale, in accordance with the technology of
the day, and the amateur wherewithal of today. Here is the plot: in
1943, the Germans sent a robot to the Netherlands. This droid’s mission was to explore a farm to find a horse allegedly hidden on it.
Zaldiaren Orena shows the exploration of this rural world by a mechanical being which perceives plants, animals and human beings all on
the same level. A simple contemplative presence to start with, the
robot gradually gets away from its monitoring state, becoming increasingly bellicose towards the farmers. BD
Saison Vidéo 2011
Entretien
Le droïd regarde
Mo Gourmelon : Après Roubaix 3000, 2007, et Le Corso, 2008, toutes
deux présentées dans la Saison Vidéo en 2008 et 2009, voici
Zaldiaren Orena, 2010, (L’heure du cheval). Cette vidéo poursuit la
ruralité du Corso. Mais tout en utilisant toujours les nouvelles technologies, elle renoue avec la présence tangible d’acteurs et les
prises de vues. Elle est bâtie sur un anachronisme entre la période
de la Seconde Guerre Mondiale, en jeu, et la robotique à laquelle
vous avez recours. On trouvait le même anachronisme dans les références à l’antique dans Roubaix 3000. Est-ce ce parti pris qui d’emblée vous a permis de développer un univers si incongru ? Que
recherchez-vous dans l’anachronisme ?
Bertrand Dezoteux : En fait, depuis le début, j’ai des difficultés avec
toute forme de continuité, qu’elle soit narrative ou historique.
Lorsque j’étais dans le secondaire, j’avais beaucoup de mal à
reconstituer les liens entre les événements. J’ai tendance à considérer les époques comme des entités autonomes. De même au cinéma,
il y a toujours un moment où je suis saisi d’un sursaut et où je me
demande : comment en est-on arrivé là ? Comment ces personnages,
dont j’ai essayé de suivre avec souci les trajectoires, les relations,
se retrouvent-ils dans cette situation singulière ? L’action m’apparaît
dès lors sans lien avec ce qui la précède et ce qui la suit. C’est pourquoi je suis si sensible aux formes romanesques que développe Alain
Robbe-Grillet, du moins dans sa première période. En élaborant
Zaldiaren Orena, je lisais La Jalousie. Le temps, dans ce livre, est
structuré selon différents régimes. Il y a un temps “réel” qui correspond à la restitution directe des perceptions du narrateur.
L’impression de regarder à travers ses yeux est accentuée par la
méticulosité des descriptions, ses omissions volontaires, et l’emploi
du présent de l’indicatif. Ensuite, ces fragments d’observation sont
ressassés, sans cesse agencés selon un nouvel ordre, générant de la
répétition et de la nouveauté. Enfin, au sein de ce feuilleté narratif,
l’intrigue tente de trouver sa place, en se glissant dans des zones de
non-dit, dans le hors-champ de la description, dont l’ambition est
pourtant d’être aussi fine et exhaustive que possible ! J’ai été
frappé dans ce roman, par le rôle central du regard. Il y a au premier
abord une évidence de ce qui est montré. Par exemple, le narrateur
décrit des moustiques qui tournent autour d’une lampe. Cela n’a
rien de surprenant, c’est tout à fait intelligible. Mais dès que cette
description devient insistante, exagérément détaillée, dès qu’elle
sort de la norme, de ce qu’on est en droit d’attendre d’un roman,
elle devient suspecte. On se demande alors pourquoi le narrateur
éprouve le besoin de nous dire tout ça, quelle est son intention ?
En préparant Zaldiaren Orena, je cherchais un système qui puisse
largement favoriser le regard et l’observation, tout en brouillant les
intentions du regardeur. Le choix d’un robot envahisseur s’est
imposé, car son intelligence est non humaine ; et l’on peut supposer
qu’elle est rudimentaire, au vu de l’époque dans laquelle s’inscrit
l’action (les années 40). Le regard agité de la machine se pose sur
les objets, sur les hommes, sur les végétaux et sur les animaux, avec
le même détachement. Pour autant, ce droïd est doté d’une personnalité à la fois contemplative et agressive, une personnalité dont on
a du mal à percevoir les contours, à démêler les automatismes du
libre-arbitre. L’idée me plaisait de mettre le spectateur dans la
même position que cet être mécanique. Qui a déjà vu un mouton
rejoindre son troupeau, une fois tondu ? Qui a vu un poussin s’agiter
et piailler pour sortir de son œuf ? Montrer ces choses essentielles,
sans âge, familières de nos lointains ancêtres, au travers d’un œil
robotique était très excitant, car il nous met dans un rapport doublement étrange. En premier lieu, on s’étonne de ne pas avoir vu ça
plus tôt. Deuxièmement, en observant ces événements, on observe
aussi celui qui les regarde, et à partir de là on essaye de le comprendre. J’essaye par là, avec mes vidéos, de mettre en jeu un véritable
rapport d’altérité face aux images.
Le récit étant la forme que je souhaite travailler, mais étant limité
pour cela, le résultat peut alors paraître “incongru”.
MG : Les scènes de naissance d’un poussin, de tonte, ne nous sont
pas familières à nous, citadins, mais le sont à un paysan. Une scène
est étrange. Un jeune homme et une jeune fille sont installés dans
un bassin recouverts de plantes et s’embrassent, comme s’ils
défiaient l’ennemi. Ce qui pourrait être mièvre est rattrapé par l’insolite
de leur position.
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Saison Vidéo 2011
BD : Je ne sais pas si les paysans ont vraiment le temps de regarder
naître les poussins ! Je voulais dire que la vidéo impose un regard, il
est vrai, à des gens qui viennent probablement des villes puisqu’ils
se retrouvent dans des expositions. Mais même les agriculteurs
voient rarement une éclosion avec une durée imposée, cette dimension d’image, et ces mouvements robotiques, non ? Je pense que les
gens familiers de ces scènes peuvent les redécouvrir à travers le
point de vue étranger du robot.
Je voulais montrer une scène de baiser qui s’opère sous la
contrainte, ce qui est une chose rare et courante à la fois. En effet,
le baiser signe souvent un moment d’intensité au cinéma, alors que
dans la réalité du tournage, il est forcé. Les acteurs sont contraints
de s’embrasser. Et en faisant semblant de s’embrasser pour le bien
de la fiction, ils s’embrassent vraiment. Dans la vidéo on est là face
à un triangle : l’opérateur, tout puissant, exige un baiser ; le couple
s’exécute. Peut-être veut-il voir ce qu’est l’amour ? Mais sa nature
mécanique ne lui permet pas d’appréhender cette notion au-delà de
l’acte superficiel et de sa répétition. Ce qui peut être excitant pour
des humains, non ?
MG : Je pense que dès que quelque chose est filmé, ou photographié
d’ailleurs, et quel que soit le parti pris de celui qui le saisit, ce
quelque chose est à redécouvrir. Si je vous suis le choix du robot a
eu pour incidence de provoquer des images indifférenciées et instables ?
BD : Les images qui me touchent sont celles pour lesquelles on peine
à démêler les intentions de l’auteur. J’ai tenté d’associer un dispositif, un contexte, et une narration qui a priori sont incompatibles.
Formellement, il me plaît d’associer un univers bucolique avec un
grésillement électrique, ou de compter les fleurs au lieu de les trouver jolies. C’est une sorte de sabotage, de vandalisme. Tout ce qu’il
regarde, le robot le salit par sa simple présence.
MG : Une seule question est posée “Wo ist das Pferd ?” (Où est le
cheval ?). Aucun ordre n’est prononcé. Ce qui est particulièrement
troublant dans le cours du récit.
BD : J’ai voulu réduire la communication du robot à sa plus simple
expression, en privilégiant la dimension motrice et visuelle. Quand
j’ai pensé à son langage, je voulais que l’on puisse croire qu’il avait
une bande-son pré-enregistrée, qu’il pouvait jouer n’importe quand,
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sans même savoir lui-même ce qu’il disait vraiment. C’est pourquoi
cette question est posée à un buisson, ou un arbre, dont la branche
coupée peut évoquer un œil.
MG : Pour Roubaix 3000, vous avez bâti votre scénario à partir
d’enregistrements de conversations familiales ; paroles qui ont été
par la suite jouées en play-back par des acteurs amateurs roubaisiens. Vous délocalisiez ainsi ce fameux accent du Sud. Cet attachement à votre région se retrouve ici : du lieu de tournage au
groupe folklorique. Tournez-vous cette fois avec vos proches et
cette histoire appartient-elle à votre famille, tout en rejoignant
l’Histoire avec l’Occupation ? Le fait qu’ils soient endimanchés
participe-t-il aussi à l’anachronisme ?
BD : L’anachronisme n’est pas un principe de départ. J’essaye de
me frotter aux choses qui m’échappent, tout en faisant peu d’efforts pour les connaître vraiment. Quand j’ai pensé à reconstituer
une scène paysanne dans les années 40, j’ai questionné ma grandmère sur les modes vestimentaires, je suis allé voir un vieux documentaire au musée basque de Bayonne, j’ai fait le tour des brocantes. Inconsciemment, j’ai dû développer l’aspect visuel des
costumes au détriment des véritables mœurs de l’époque. Quelque
part, je voulais habiller les personnages comme on fait la crèche à
Noël ; en disposant les santons les plus jolis et les plus neufs près
de Jésus au premier plan, et en repoussant les plus sommaires et
les plus vétustes vers le fond, avec leurs moutons. Et puis cela me
plaisait de filmer une intrigue se déroulant dans les années 40,
avec un camescope mini-DV, en 4/3, dans un format qui a 15 ans.
Cette technologie anéantit tout espoir de créer l’illusion qu’exige
la reconstitution. En même temps, on peut croire que la vidéo,
elle, a été réalisée il y 10 ans.
MG : On retrouve dans Zaldiaren Orena, le même garçon que dans
Distrans, 2008, (Saison Vidéo 2009). Il est trop tôt pour parler d’acteur
fétiche, quel statut lui accordez-vous ? En relisant la présentation
de votre vidéo pour le programme Volatil, je suis étonnée que vous
énonciez vos limites avec le récit, car vous êtes réellement un
conteur. Vos présentations de films sont à elles seules des histoires !
BD : Ce jeune homme s’appelle Paul Rodriguez, c’est mon cousin.
Il est très instinctif et aborde les scènes frontalement, sans se
Saison Vidéo 2011
poser mille questions. J’aime sa spontanéité et sa fraîcheur et je
suis un peu frustré de ne pas avoir encore pu vraiment trouver un
rôle qui le mette réellement à l’épreuve. Mais nous y travaillons.
Nous cherchons désormais les idées ensemble, ainsi cela me permet de voir où il souhaite aller. Pour un prochain projet, nous nous
intéressons à l’œuvre de Ursula K Le Guin, ce qui est un retour à
la science-fiction depuis Distrans, mais avec des influences féministes. En bref, nous imaginons des mondes où le genre est soumis
à la frénésie d’invention qui caractérise généralement la sciencefiction.
MG : Ce jeune homme est tondu devant le robot. La scène de la
tonte à laquelle fait suite l’interrogatoire tête en bas avec la jeune
femme, dépassent la seule observation, comment les avez-vous
conçues ?
BD : En effet, le robot n’est pas seulement passif et observateur. Il
interagit avec les fermiers. Il leur barre la route, les interroge, les
menace et les intimide. Dans les deux scènes que vous mentionnez,
et même dans celle du bassin, il les violente. Avec ces situations,
je voulais suggérer l’étendue de sa force physique. Il est capable
de les suspendre la tête en bas, de les tondre, de les plonger dans
un lavoir marécageux. Il est costaud. Par contre, lorsqu’il rencontre enfin le cheval, il reste impuissant. Ses facultés ne lui permettent pas de se mesurer à l’animal. Cette limite est avant tout celle
du prototype qui a été construit pour la vidéo. Cette scène était
intéressante car elle nous plaçait dans les conditions réelles de
l’oppression. Le cheval, en sentant le robot s’énerver à ses côtés,
n’a pas eu à faire semblant d’avoir peur. Il était vraiment inquiet
face à la machine, il s’est enfui.
62
Interview
The Droïd Takes a Look
Mo Gourmelon: After Roubaix 3000, 2007, and Le Corso, 2008, both
shown at the Saison Vidéo in 2008 and 2009, here we have Zaldiaren
Orena, 2010 (The Time of the Horse). This video looks at the rural
life of Le Corso. But while still invariably using new technologies, it
links back up with the tangible presence of actors and shots. It is
built around an anachronism between the Second World War period,
game-like, and the robotics you have recourse to. We found the
same anachronism in the references to Antiquity in Roubaix 3000. Is
it this decision which instantly enabled you to develop such an
incongruous world? What are you looking for in anachronism?
Bertrand Dezoteux: From the outset, actually, I’ve had problems
with every kind of continuity, be it narrative or historical. When I
was at high school. I had a lot of trouble recreating links between
goings-on. I have a tendency to regard periods as autonomous entities. Likewise with film—there’s always a moment when I start and
ask myself: how did we get here? How do these characters, whose
careers and relations I’ve been carefully trying to follow, find themselves in this unusual situation? Henceforth, the action strikes me as
being without any link with what goes before or after it. This why
I’m so aware of the novelistic forms developed by Alain RobbeGrillet, at least in his early period. When I was working on Zaldiaren
Orena, I was reading Jealousy. Time, in that book, is structured in
relation to different systems. There’s a “real” time which corresponds to the direct re-creation of the narrator’s perceptions. The
impression of looking through his eyes is accentuated by the miraculous nature of the descriptions, the deliberate omissions, ands the
use of the indicative present. Then these observational fragments
are harped on about, endlessly arranged in a new order, giving rise
to repetition and novelty. Lastly, within this layered narrative, the
Saison Vidéo 2011
plot tries to get a foothold, by slipping into zones where things are
not-said, in the off-screen area of description, whose aim, nevertheless, is to be as subtle and exhaustive as possible! In that novel, I was
struck by the central role of the eye, and the way it looks. At first
glance, there’s something obvious about what is shown. For example, the narrator describes mosquitoes buzzing around a lamp.
There’s nothing surprising about this, it’s totally understandable. But
as soon as this description becomes emphatic and exaggeratedly
detailed, as soon as it strays from the norm, and from what one can
rightfully expect from a novel, it becomes suspect. So we wonder
why the narrator feels a need to tell us all this—what’s his intention?
While I was preparing Zaldiaren Orena, I was looking for a system
that might really encourage the eye and observation, while at the
same time blurring the onlooker’s intentions. The choice of an invading robot imposed itself, because its intelligence is not human, and
we can suppose that it’s rudimentary, given the period in which the
action is incorporated (the 1940s). The agitated eye of the machine
comes to rest on objects, on people, on plants and animals, with the
same detachment. For all this, this droid is endowed with an at once
contemplative and aggressive personality, one whose outlines are not
easy to make out, and unravel the automatic devices of free will. I
liked the idea of putting the onlooker in the same position as that
mechanical being. Who’s seen a sheep rejoin its flock, once it’s been
sheared? Who’s seen a chick kicking and cheeping to get out of its
egg? Showing these essential things which are ageless and familiar,
going way back to your remote ancestors, through a robotic eye, was
very exciting, because it puts in a relationship that’s strange twice
over. Firstly, we’re amazed we haven’t seen it earlier. Secondly, in
observing these goings-on, we also observe the person looking at
them, and based on that we try to understand. Thereby, with my
videos, I’m trying to bring in a real relation of otherness, face-toface with the images. Because the narrative is the form I want to
work with, though it’s limited as a result, the outcome may accordingly seem “incongruous”.
MG: The birth scenes of a chick, and sheep shearing, are not familiar
to all of us, we city folk, but they are to a country person. One scene
is strange. A young man and a young woman are in a pond covered
with plants, kissing, as if they were defying the enemy. What might
be mawkish is saved by the unusualness of their position.
BD: I don’t know if country people—peasants—really have the time
to look at chicks being born! I wanted to say that the video imposes
a way of looking, it’s true, on people who probably come from
cities, because there they are in exhibitions. But even farmers
rarely see an egg hatching with an imposed time-frame, and this
dimension of imagery, and these robotic movements, do they? I
think people familiar with such scenes can rediscover them
through the alien viewpoint of the robot.
I wanted to show a kissing scene that takes place without restrictions, which is something at once rare and commonplace. In fact,
the kiss often marks an intense moment in film, whereas in the
reality of the shoot it’s forced. The actors are obliged to kiss. And
in pretending to kiss for the purposes of make-believe, they really
do embrace. In the video there’s a triangle: the cameraman, allpowerful, demands a kiss; the couple complies. Maybe he wants to
see what love is? But his mechanical nature doesn’t permit him to
grasp this notion beyond the superficial act and its repetition.
Which can be exciting for human beings, can’t it?
MG: I think that once something is filmed, or photographed, incidentally, and whatever the decision made by the person grasping
it, that something is there to be rediscovered. If I follow you, the
choice of the robot had the effect of provoking undifferentiated
and unstable images?
BD: The images that touch me are those for which it’s hard to unravel the authors’ intentions. I’ve tried to associate a system, a
context, and a narrative which are all, on the face of it incompatible. In a formal sense, I like associating a bucolic world with an
electric crackle, and counting flowers instead of finding them
pretty. It’s a sort of sabotage, and vandalism. Whatever the robot
looks at, it dirties it just by its presence.
63
Saison Vidéo 2011
MG: A single question is asked: “Wo ist das Pferd?”—where is the
horse? No order is given. This is especially disturbing in the course
of the narrative.
BD: I wanted to scale down the robot’s communication to the simplest expression, favouring the motor and visual dimension. When I
thought about its language, I wanted people to be able to believe
that there was a pre-recorded soundtrack, that it could be played
any time, even without the robot knowing what it was really saying.
This is why this question is asked of a bush or a tree, whose cut
branch can conjure up an eye.
MG: For Roubaix 3000, you built your script around recordings of
family conversations; words which were then played back by amateur actors from Roubaix. In so doing you relocate the famous southern accent. This attachment to your region crops up again here:
from the shooting place to the folklore group. Are you filming this
time with your nearest and dearest, and does this story belong to
your family, while linking up with the History of the Occupation? Is
the fact that they’re all dressed up to the nines in their Sunday best
also part of the anachronism?
BD: The anachronism is not a basic principle. I try to rub shoulders
with things that elude me, while at the same time making little
effort to really get to know them. When I thought about re-creating
a peasant scene from the 1940s, I asked my grandmother about how
people were dressed, and I went to see an old documentary in the
Basque Museum in Bayonne; I went round the bric-à-brac shops.
Unwittingly, I must have developed the visual aspect of the costumes
to the detriment of the real customs of the period. Somewhere I
wanted to dress the characters the way you make a Christmas crib;
by arranging the prettiest and newest crib figures near Jesus in the
foreground and by pushing the most perfunctory and old-fashioned
figures towards the background, together with their sheep. And then
I enjoyed filming a plot taking place in the 1940s, with a mini-DV
camcorder, in 4/3, in a 15 year-old format. This technology destroys
any hope of creating the illusion required by the reconstruction. At
the same time, you may think that the video, for its part, was made
20 years ago.
MG: In Zaldiaren Orena, we find the same boy as in Distrans, 2008
(2009 Video Season). It is too soon to talk in terms of fetish actor
but what status do you give him? Re-reading the presentation of
your video for the programme Volatil, I am amazed that you state
your limits with the narrative, because you really are a story teller. Your presentations of films are stories in their own right!
BD: This young man’s name is Paul Rodriguez; he is my cousin. He
is very instinctive and tackles scenes head on, without asking a
thousand and one questions. I like his spontaneity and his freshness
and I am a bit frustrated that I have not yet been able to really find
a part that truly puts him through his paces. But we are working
on it. We are now looking for ideas together, so this enables me to
see where he wants to go. For an upcoming project, we are interested in the work of Ursula K. Le Guin, which is a return to science
fiction since Distrans, but with feminist influences. In a word, we
are imagining worlds where gender is subject to the frenzy of
invention which generally hallmarks science fiction.
MG: This young man has his hair shorn off in front of the robot. The
shearing scene which is followed by the interrogation, head down,
with the young woman, goes beyond mere observation. How did
you conceive them?
BD: The robot is actually not just passive and observing. It interacts with farmers. It bars the road to them, questions them, threatens them and intimidates them. In the two scenes you mention,
and even in the pond scene, it assaults them sexually. With these
situations I was keen to suggest the extent of its physical strength.
It is capable of hanging them head downwards, cutting off their
hair and plunging them in a swampy washhouse. It is tough. On the
other hand, when it finally meets the horse, it remains powerless.
Its capacities do not permit it to measure itself against the animal.
This limit is above all that of the prototype that was built for the
video. This scene was interesting because it put us in real conditions of oppression. Sensing the robot becoming agitated at its
side, the horse didn’t have to pretend to be afraid. It was really
anxious near the machine, and ran away.
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Saison Vidéo 2011
AV R I L 2 0 1 1 . w w w. s a i s o n v i d e o . c o m
E S PA C E S F I C T I O N S
A PARTIR DE LA CONSIDÉRATION ET DE L’ARPENTAGE DE L’ESPACE URBAIN ET ARCHITECTURAL, NOUER DES
FICTIONS. REGARDER VERS LE PASSÉ, TOUT AUTANT QUE VERS L’AVENIR.
BASED ON THE CONSIDERATION AND CRISS-CROSSING OF THE URBAN AND ARCHITECTURAL SPACE,
CONNECTING FICTIONS. LOOKING AT THE PAST AS MUCH AS THE FUTURE.
Zoé Baraton, Sümbül Kecelioglu, Maud Lemaitre
Ein Bauhaus film, 2009, 9 mn
Production École Nationale Supérieure d’Art de Bourges
Vidéo collective réalisée pour l’exposition Bauhaus Impact, présentée à Ankara et Weimar en juillet 2009. Réactivation de certaines
théories du Bauhaus sur l’appréhension de l’architecture.
Manipulation de l’image par un changement du rapport à l’espace
et à la gravité. Déambulation d’un personnage dans un espace
labyrinthique. ZB
A collective video made for the exhibition Bauhaus Impact,
held in Ankara and Weimar in July 2009. Reactivation of one or
two Bauhaus theories about the understanding of architecture.
Manipulation of imagery by a change in the relationship to
space and gravity. A character strolling in a maze-like space. ZB
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Saison Vidéo 2011
Guillaume Linard-Osorio
Os candagos, 2010, 8 mn
In 1964, when Philippe de Broca filmed L’Homme de Rio/The Man
from Rio, Brasília was a huge construction site. The city planned to
attract Brazil’s upper class and thus had to come to terms with an
undesirable but indispensable population—the construction workers.
Also known as “candagos”, these immigrants accounted for more
than 50% of the working population, and were housed directly on
site. The point of departure of the video Os candagos is an excerpt
from The Man from Rio, a precise moment when Jean-Paul Belmondo
is being chased in the city of Brasília. My work here consists in bringing out the documentary dimension of this passage to the detriment
of the screenplay. The whole sequence is reworked image by image.
Jean-Paul Belmondo is erased as is all trace of life, which focuses the
eye on the city’s construction site, acting as the film’s décor. By
depriving the film of its actors, it is matter of conjuring up the removal of this population: Brasília, high point of the modern movement
in architecture, becomes a ghost town. GL-O.
En 1964, quand Philippe de Broca tourne L’homme de Rio, Brasília
est un vaste chantier. La ville qui veut attirer les hautes classes
sociales brésiliennes doit alors composer avec une population indésirable mais indispensable, les constructeurs. Appelés aussi “candagos”, ces immigrés représentent plus de 50 % de la population
active et sont logés directement sur le chantier. Le point de départ
de la vidéo Os candagos est un extrait de L’homme de Rio, un
moment précis où Jean-Paul Belmondo est poursuivi dans la ville de
Brasília. Mon travail consiste ici à faire ressortir la dimension documentaire de ce passage au détriment du scénario. L’ensemble de
la séquence est retravaillé image par image. Jean-Paul Belmondo
y est effacé ainsi que toute trace de vie, ce qui focalise le regard
sur le chantier de la ville qui fait office de décor pour le film. En
privant le film de ses acteurs il s’agit d’évoquer l’effacement de
cette population : Brasília, point d’orgue du mouvement moderne
en architecture devient ville fantôme. GL-O
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Saison Vidéo 2011
Rachel Wilberforce
Vanishing Point, 2009, 5 mn 12
Sophie Combes
The Land of Milk and Honey, 2008, 4 mn
À travers une séquence filmique produite à partir d’une seule photographie de barres d’immeubles, la critique sociale est détournée
au profit de la fantasmagorie. Les effets spéciaux modifient le sens
du discours et font basculer le réel dans la perte de logique en un
court moment d’abstraction. SC
Through a film sequence produced from a single photograph
of low-rise buildings, social criticism is hijacked in favour of
phantasmagoria. Special effects alter the sense of the discourse and topple reality over into a loss of logic in a brief
moment of abstraction. SC
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Vanishing Point explore la nature transformatrice et transcendante des
espaces théâtraux internes comme ils existent au-delà de notre perception immédiate de la relation spectateur/scène. L’œuvre se
concentre sur ce domaine lorsqu’il n’est pas occupé par ses usages
principaux, comme entre les représentations ou lorsqu’il est vide.
Dans ce contexte contemplatif, l’œuvre s’engage sur la problématique
de la représentation telle qu’elle se pose dans l’œuvre de Brecht,
Artaud ou Brook, en cherchant à la déconstruire. RW
Vanishing Point explores the transformative and transcending
nature of theatrical internal spaces as existing beyond ones’ immediate perception of spectator/stage relationship. The work focuses
on this domain when not used for primary purposes such as between performance or when left empty. In this meditative context
the work engages with, and seeks to deconstruct issues of representation as raised in the work of Brecht, Artaud and Brook. RW
Saison Vidéo 2011
Beat Lippert
Vehicule, 2008, 8 mn 28
Performance dans le cadre du Festival Eternal-tour à Rome et
Rifrazioni à Nettuno. Il s’agissait de transporter une fausse colonne
romaine de Genève à Rome et de la tirer de Rome à Nettuno en
vélo, ville à la périphérie de Rome. Cette action a pour but de
décentraliser, mais aussi de rendre à cet objet une activité autre
qu’objet d’archivage ou simple représentation d’un passé. Un
passé dans lequel les touristes et voyageurs du Grand Tour souhaitent en vain s’y promener. BL
Performance as part of the Eternal-tour Festival in Rome and
Rifrazioni at Nettuno. This involved transporting a mock Roman
column from Geneva to Rome, and pulling it by bike from Rome
to Nettuno, a town on Rome’s outskirts. The aim of this work
is to decentralize, but also to give this object an activity other
than an archival object or the simple representation of a past.
A past in which tourists and travelers making the Grand Tour
vainly want to walk about in. BL
Armand Morin
Climatic fictions, 2009, 5 mn 30
Production École Supérieure des Beaux-Arts de Nantes Métropole
Cette vidéo a été tournée en Arizona, dans différents parcs naturels (Painted desert, Petrified forest) ainsi qu’à Biosphere 2, centre d’étude scientifique où quatre écosystèmes et climats ont été
artificiellement reconstitués sous une serre située en plein désert.
Le montage et la voix du guide de Biosphere 2 construisent un
documentaire de science-fiction, absurde mais inquiétant. AM
This video was shot in Arizona, in different nature parks
(Painted desert, Petrified forest) as well as at Biosphere 2, a
scientific study centre where four ecosystems and climates
have been artificially re-created in a greenhouse situated in
the middle of the desert. The editing and the Biosphere 2
guide’s voice construct a science-fiction documentary, which is
absurd but disconcerting. AM
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Saison Vidéo 2011
Arnaud Dezoteux
Monter le Meuble, 2010, 4 mn 15
Production École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris
Dans un loft encore vide, un homme et une femme montent leur premier meuble en kit. Alors que le modèle
en kit est censé faciliter la construction de l’objet, le couple semble ici lutter. Les fortes lumières braquées sur
l’action et le dépouillement des décors en images de synthèse donnent une trop grande importance à cette activité généralement ordinaire. Le sentiment de gratitude qu’une entreprise comme IKEA confère normalement à
ses clients (apprécier le meuble comme si on l’avait conçu soi-même) est mis en péril. Les personnages ont du
mal à venir à bout de l’opération ; et de même, la vidéo résiste à satisfaire le spectateur dans l’aboutissement
de l’action qu’il regarde. AD
In a still empty loft, a man and a woman are
putting together their first piece of kit furniture. While the kit model is supposed to facilitate the construction of the object, the
couple here seems to be squabbling. The
bright lights trained on the action and the
spareness of the décors in synthetic images
attach too much importance to this usually
ordinary activity. The feeling of gratitude
that an organization like IKEA normally
imbues in its clients (appreciating the piece
of furniture purchased as if one had designed
it oneself) is endangered. The characters
have trouble completing the operation; and
likewise, the video fails to satisfy the spectator in the accomplishment of the action he is
watching. AD
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Saison Vidéo 2011
Laura Gannon
A house in Cap-Martin 1, 2007-2009, 7 mn 40
Supported by The Elephant Trust, Outset Art Fund,
Culture Ireland and Arts Council Ireland
Music: Maurice Ohana, compositions 2 & 6
La maison E1027 conçue par Eileen Gray a subi de nombreuses métamorphoses depuis sa construction en 1929. Elle a été le théâtre
d’un meurtre, des squatters en ont vandalisé l’intérieur et Le Corbusier peignit huit fresques d’un bout à l’autre de la maison sans
autorisation. J’y ai eu accès en 2007, peu avant le début de sa grande restauration, qui s’achèvera en décembre 2010. La maison
était alors sévèrement décapitée : une carcasse de bâtiment dépouillée de ses équipements et installations, comme un corps dévêtu.
Je voulais la filmer avant qu’elle ne perde sa fonction domestique, aussi ténue soit-elle. A l’issue de sa restauration, elle aura le statut
de “monument”. Ce qui m’intéressait était la façon dont Gray était partie des principes du modernisme et avait créé une maison
autour du corps, conçue pour la relaxation et le plaisir, se projetant au-delà des idéaux modernes d’hygiène et de fonction mécanique. Un bâtiment est un objet inanimé et, peu importe ce qui se passe entre ses murs, il n’est jamais en mesure de dévoiler ses
secrets. A house in Cap-Martin 1 est une étude de ces murs et des secrets qui s’y sont cachés. LG
The house E1027 designed by Eileen Gray went through
many metamorphosis since it was built in 1929. A murder was committed on its site, squatters vandalised the
interior and Le Corbusier painted eight murals throughout the house without permission. I got access in
2007, shortly before the major restoration began, this
restoration will be complete in December 2010. At that
point the house was severely decapitated, a shell-like
building stripped of its fixtures and fittings like a body
without clothes. I wanted to film it before it ceased to
have a domestic function, no matter how tenuous. After
its restoration it will have a “monument” status. I was
interested in how Gray had started with the principles of
modernist and created a house that was about the body
and was designed for relaxation and pleasure, moving
beyond the modernist ideals of hygiene and machinelike function. A building is an inanimate object and
regardless of how many things happen within its walls, it
is never able to speak and divulge its secrets. A house in
Cap-Martin 1 is a study of these walls and the secrets
that lay within. LG
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Saison Vidéo 2011
M E R C R E D I 6 AV R I L 2 0 1 1 À 1 4 H . TO U R C O I N G , I U T B L I L L E I N F O C O M M U N I C AT I O N
35 RUE SAINTE BARBE - 59200 TOURCOING - +33 3 20 76 25 00 - [email protected] - www.iut-univ-lille3.fr
FRÉMISSEMENTS
Les films s’inscrivent dans la nuit ou dans le brouillard, mettent en jeu des émergences et des disparitions.
À travers les clignotements d’images, les vacillements, les distortions, les silences ou rythmes orchestrés, les
gestes furtifs, les hésitations et quelques rituels obscurs, s’incère le désir.
The films are incorporated in night or fog, introducting emergences and disappearances. Through the flashing images, waverings, distortions, orchestrated silences and tempos, strealthy gestures, hesitations
and one or two obscure rituals, desire rears its head.
Julia Boix-Vives
Tango d’hiver, 2008, 9 mn 18
Une femme vêtue d’un long manteau noir danse seule dans la
neige. Une musique extrêmement douce accompagne ses mouvements lents. Cette grâce envoûte et trouble. De son corps se
détache son double puis son triple. La danse continue nonchalante et harmonieuse. Au loin, on peut deviner les petites
silhouettes des voitures défiler prudemment dans cette immensité blanche et fantomatique. Cette vidéo est un conte. Il nous
emporte par la force magique de cette image contrastée de
l’homme au milieu des éléments. JBV
A woman wearing a long black coat dances alone in the snow.
Extremely soft music accompanies her slow movements. This
elegance spellbinds and disturbs. Her double emerges from
her body, then her triple. The dance carries on, nonchalant
and harmonious. Faraway, we can make out the small shapes
of cars driving carefully along in this white and ghostly
immensity. This video is a tale. It carries us along through the
magical power of this contrasting image of the man in the
midst of the elements. JBV
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Saison Vidéo 2011
Fiona Lindron
Jacky, 2010, 6 mn 03
Une femme déambule dans l’obscurité, exclusivement éclairée par
les flashs de paparazzis qui la poursuivent. Une errance fantomatique dans un terrain vague qui évoque une nuit sans fin. FL
A woman strolls along in the darkness, lit solely by the flashbulbs of paparazzi pursuing her. A ghostlike roaming in wasteland which evokes an endless night. FL
Véronique Hubert
A Venir (Le monde sera beau), 2009, 9 mn 51
Une petite fille inquiétante dont on ne voit pas le visage est immobile
dans un décor bucolique. Une voix androgyne annonce qu’elle “ne supportera pas la terreur venue et à venir”. Tout s’accélère. Les personnages Female et Utopia apparaissent et se mêlent, à l’enfant, aux éléments… Ces trois personnages ont décidé : “Le monde sera beau”. VH
A disquieting little girl, whose face we cannot see, is motionless in
a bucolic décor. An androgynous voice announces that it “will not
put up with the terror that’s happened and is to come.” Everything
speeds up. The Female and Utopia characters appear and mingle,
with the child, and the elements. These three characters have
decided: “The world will be beautiful.” VH
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Saison Vidéo 2011
Maria Frycz
Masha Sha
The usual drama, 2009, 8 mn
Une romantique sentimentale attend un miracle. MS
A sentimental romantic is waiting for a miracle. MS
Schnee, 2005, 5 mn 55
Schnee est un film en super 8 qui parle d’un étrange voyageur des
neiges. Un jour froid et venteux, une personne traverse un paysage
enneigé à la recherche d’une boule de neige. Il s’agit d’une histoire
sans fin, quelque part entre la réalité et le rêve. Les caractéristiques
du format super 8, à savoir les cadences d’images variées et le son
postsynchronisé, donnent à l’histoire une valeur intemporelle, tout en
se penchant sur les propriétés mêmes du médium film. MF
Schnee is a super 8 film about an unusual snow wanderer. On a cold,
windy day the person traverses a snowy landscape in search of a
snowball. It is a never ending tale from somewhere between reality
and dream. Characteristics of the super 8 film, different frame
speeds and post-synchronised sound, lend the story a timeless level
as well as reflecting on the properties of the medium of film itself. MF
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Saison Vidéo 2011
Alex Pearl
Little Death 3, 2007, 3 mn 11
Les films Little Death montrent des plans rapprochés de ce que Pearl
décrit comme “changements d’états irréversibles” : une allumette qui
prend feu et se consume, une aspirine qui se dissout dans un verre, un
ballon qui se dégonfle. Dans chacun des cas, on a ajouté à l’objet deux
points et une ligne, l’évocation absolument minimale d’un visage. Le
ballon, en se dégonflant, passe d’une certitude rebondie et bondissante à une impuissance flasque et en devient ainsi pathétique, ceci
étant particulièrement accentué par la bande-son minimaliste : à l’exception d’un ballon qui éclate en claquant, l’horrible altération est
subie en silence. Lawrence Bradby
The Little Death films show close ups of what Pearl describes as
“non-reversible state changes”: a match igniting and burning
down, an aspirin dissolving in a glass, a balloon deflating. In each
case the object has been given two dots and a line, the absolute
minimum to evoke a face. The balloon’s slow deflation from plump
jiggling certainty to flaccid impotence becomes full of pathos, particularly given the minimal soundtrack: apart from one balloon
which bursts with a bang, the awful change is endured in silence.
Lawrence Bradby
Gérard Cairaschi
Magia, 2010, 6 mn 35
Un jeune garçon façonne avec de la terre des objets qu’il manipule, combine et associe, dans un rituel obscur. De même que les
objets/représentations qu’il crée se combinent et développent un
récit, l’imbrication par l’alternance rapide d’images sur l’écran
façonne des images/apparitions que seule la lanterna magica et la
magie du montage permettent. Magica signifie enchantement. GC
A young boy makes things with clay which he handles, combines and associates, in an obscure ritual. Just as the
objects/representations he creates are combined and develop
a narrative, the dovetailing by quick alternation of images on
the screen fashions images/appearances which only the lanterna magica and the magic of editing permit. Magica means
enchantment. GC.
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Saison Vidéo 2011
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ANNELISE RAGNO
RENCONTRE AVEC L’ARTISTE
Dans le cadre de l’exposition L’Art est un sport de combat, la Saison Vidéo propose une rencontre avec la jeune artiste Annelise Ragno
basée à Dijon et qui a reçu en 2007 le premier prix de la Jeune Création à Mulhouse. Cette artiste, adepte du corps en mouvement, ne
cache pas dans le titre de ses installations vidéos les sports filmés : Cheval d’Arçon, Saut, Aviron, Rugby, Ping-Pong. Cependant ces corps
en action et en pleine concentration semblent détachés de leur activité première. Ils sont libérés dans un état entre flottement et
extase.
Cette rencontre est précédée d’une visite guidée de L’Art est un sport de combat par Jean-Marc Huitorel, commissaire de l’exposition.
As part of the exhibition L’Art est un sport
de combat [Art is a Martial Sport], Saison
Vidéo is proposing an encounter with the
young Dijon-based artist Annelise Ragno
who, in 2007, was awarded the first prize
for Jeune Création in Mulhouse. This
artist, who is involved with the body in
motion, does not hide the sports filmed in
the titles of her video installations :
Cheval d’Arçon, Saut, Aviron, Rugby, PingPong. But these bodies in action and in
deep concentration seem detached from
their primary activity. They are freed in a
state somewhere between flotation and
ecstasy.
This encounter is being preceded by a guided tour of L’Art est un sport de combat
by Jean-Marc Huitorel, curator of the
exhibition.
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Saison Vidéo 2011
mouvement du corps
mécanique de l’image
Je filme des sportifs sur les lieux de leur entraînement et quel
que soit le sport, je réduis l’action à leurs gestes essentiels.
Je tente par un cadrage serré et un montage cadencé de
décontextualiser les mouvements du corps en action.
Manifestation de gestes, ambiguïté des images, d’une action
isolée par le cadre. L’enjeu est d’amener le regard du spectateur à un autre niveau.
Chercheuse d’images de corps en action, que je transforme en
représentations de corps en extase. Ce sont dans les moments
où le sportif est dans l’oubli de lui-même, de sa propre image
que j’interviens pour isoler ces instants limites. C’est alors
par l’accumulation de moments infinitésimaux, formant une
boucle, que le temps se dilate. Gestes ininterrompus ouvrant
alors le registre des significations.
Stratégie contrainte, exercice formel. L’image volée mais
incontournable que j’engage, joue alors ses propres limites.
Annelise Ragno
movement of the body
mechanics of the image
I film sportspeople in the places where they train, and whatever the sport, I scale down the action to
their essential gestures. By tight framing and well paced editing I try to decontextualize the movements of the body in action. Manifestation of gestures, ambiguity of images, of an action isolated by
the frame. The challenge is to bring the spectator’s gaze to another level.
I am someone looking for images of bodies in action, which I transform into representations of bodies
in ecstasy. It is in the moments when the athlete has forgotten about him-or herself, and about his or
her own image that I intervene to isolate these extreme moments. So it is by accumulation of tiny
moments, forming a loop, that time expands. Uninterrupted gestures thus opening up the system of
meanings.
Limited strategy, formal exercise. The stolen but not unavoidable image that I engage thus enacts its
own limits.
Annelise Ragno
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Saison Vidéo 2011
M A I 2 0 1 1 . W W W. S A I S O N V I D E O . C O M
À VOS MARQUES
TENSIONS, GESTES, ATTITUDES ET RYTHMES QUI ÉPROUVENT LA RÉSISTANCE, LA RÉJOUISSANCE,
L’INCONGRUITÉ, L’INADAPTATION, LE DÉFOULEMENT OU FRISENT L’INFRACTION
TENSIONS, GESTURES, ATTITUDES AND TEMPOS, WHICH EXPERIENCE RESISTANCE, ENJOYMENT,
INCONGRUITY, LACK OF ADAPTATION, AND RELEASE, OR SKIRT INFRACTION.
Tali Keren
Two Chinamen, 2008, 3 mn 06
Deux immigrés asiatiques ouvriers du bâtiment se lancent dans ce
qui semble être un concours de chatouilles. Cet événement fictif a
lieu sur un toit du Sud de Tel-Aviv – le carrefour résidentiel et commercial d’une communauté de travailleurs immigrés et de réfugiés
en augmentation constante en Israël. Ici, à travers la réalisation et
la documentation de cette scène, la question du rôle de l’artiste
se pose. Quelle différence y a-t-il entre la collaboration et l’exploitation ? Cette documentation peut-elle être “honnête” ? Quel
est le rôle des médias, de la vidéo et de la représentation au sein
de relations sociales aussi complexes ? TK
Two Asian migrant construction workers engage in what seems
to be a tickling competition. This fictional event takes place
on a roof top in south Tel-Aviv-the residential and commercial
hub of Israel’s growing migrant worker and refugee community. In both directing and documenting the scene the role of
the artist is questioned. What is difference between collaboration and exploitation? Can the “truthful” documentation?
What is the role of media, video and representation in complex
social relaties? TK
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Saison Vidéo 2011
Sarah Doyle
Dancehall Danceoff, 2008, 2 mn 30
Dans mon travail, je me sers principalement des techniques
mixtes et du dessin. J’ai également conçu des œuvres vidéo
et multimédia. Je me sers de l’adolescence dans mes
œuvres comme le symbole d’un sentiment de fragilité,
d’inaptitude sociale ou de malaise. En tant qu’adultes, nous
avons tous été adolescents et ce passage a souvent été douloureux, lorsque nous cherchons à trouver notre place dans
le monde. Je m’intéresse particulièrement à ces périodes
où nous manquons tant de confiance en nous-mêmes, où
notre mal-être est à fleur de peau. Ce sentiment est tapi au
fond de tout individu, même le plus confiant. La plupart des
gens, qu’ils soient adultes ou adolescents, sont conscients
de leurs propres malaises et manies et se sentent donc en
empathie avec ceux-ci. SD
My work uses mixed media and drawing as the main
processes. As well as this I have created work in video
and multi media. I use the teenage years in my work
as a symbol of feeling fragile, socially inept or awkward. As adults we have all been teenagers and it’s a
painful time for most of us, when we want to find
where we fit in the world. I am interested in these
times when we are unsure of ourselves, when our
insecurities are very close to the surface. This feeling
is always lurking in the background of even the most
confident person. Most people whether they are
teenagers or adults can see their own insecurities and
foibles and feel empathy with this. SD
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Saison Vidéo 2011
Matthieu Martin
The search, 2010, 6 mn 51
Production University of Toronto at the Sheridan College Art
and Art history program.
The search est une vidéo performative réalisée en studio. Elle a
pour sujet l’intrusion de la surveillance dans la vie privée. Celle-ci
introduit un geste généralement effectué dans l’espace public
(aéroports, entrée de certains sites culturels…) dans un espace
privé. Un couple l’accomplit dans une atmosphère neutre.
Situation paradoxale, presque érotique, d’une durée volontairement
longue et dérangeante. Une danse où le geste intrusif redéfinit
l’espace et les corps. MM
The Search is a studio-made performance video. It’s subject is
the intrusion of surveillance in private life. This latter introduces a gesture usually made in public places (airports,
entrances to certain cultural venues…) into a private space. A
couple makes it in a neutral atmosphere. Paradoxical, almost
erotic situation, lasting for a deliberately long and disconcerting period of time. A dance where the intrusive gesture redefines both space and bodies. MM.
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Jemima Burrill
Playground, 2010, 8 mn 12
Jemima Burrill continue à explorer son obsession de la banalité et la
façon dont elle peut transposer le domestique dans un domaine
alternatif, tout en restant dans les limites du quotidien. La protagoniste se livre à des actes incongrus dans une aire de jeux. Il s’agit
peut-être d’une mère engoncée dans des vêtements d’employée, ou
d’une employée prise au piège d’un tourbillon de miasmes domestiques. Dans les deux cas , elle se plonge dans la relation entre humour
et tristesse, dans la façon dont le confort et l’inconfort peuvent
coexister.
Jemima Burrill continues to explore her obsession with the mundane
and how she can transgress from the domestic into an alternative
realm, whilst remaining in the confines of the everyday. The protagonist performs inappropriate acts in a playground. Perhaps she
is a mother trapped in professional clothing, or a professional
trapped in a round of domestic miasma. Either way, she delves
into the relationship between humour and sadness, and how
comfort and discomfort can co-exist.
Saison Vidéo 2011
Beat Lippert
Ride, 2009, 3 mn 44
Comme de nombreux musées d’art ancien, l’architecture du
Musée d’art et d’histoire réunit sur sa façade divers éléments de l’architecture classique : colonnes, chapiteaux,
corniches, volutes, frises… Beat Lippert a décidé de transformer ces ornements en prises. Il fait ainsi escalader la
façade du bâtiment par un grimpeur, Antoine Le Menestrel
et incite à gravir cet édifice de la mémoire. BL
Mathias Delfau
Mur, 2006, 6 mn 26
Musique : Silence reactif par Nachtluft
Mur est l’accumulation de plusieurs réflexions sur le point de
vue. Le lointain et le proche, l’abstrait et le figuratif, le beau
et l’immonde, le bruit et le silence… Mur, c’est essayer de casser
un mur avec sa tête, ça ne sert à rien mais c’est courageux. MD
Like many museums of ancient art, the architecture of
the Museum of Art and History brings together on its
façade different features of classical architecture:
columns, capitals, cornices, volutes, friezes… Beat
Lippert decided to turn these ornaments into grips. So
he gets a climber, Antoine Le Menestrel, to scale the
building’s façade, encouraging a climb of this edifice of
memory. BL
Mur/Wall is the accumulation of several thoughts about
the viewpoint. Near and far, abstract and figurative, beautiful and filthy, noise and silence… Wall is trying to break a
wall with your head, it doesn’t serve any purpose, but it’s
brave. MD
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Saison Vidéo 2011
J U I N 2 0 1 1 . W W W. S A I S O N V I D E O . C O M
DÉRIVES
DÉPLACEMENTS, TENTATIVES, RENCONTRES INCONGRUES, RENVERSEMENTS, ÉCARTS
DE LA NORME OU DU CADRE ÉTABLI.
MOVEMENTS, ATTEMPTS, INCONGRUOUS ENCOUNTERS, REVERSALS, DISCREPANCIES
FROM THE NORM, AND FROM THE ESTABISHED FRAMEWORK.
Marion Berry
Ascension, 2009, 5 mn 32
L’ascension est un duel entre le corps et la musique. Dans l’escalade continue de la montagne, je ne m’arrête de jouer du saxophone que lorsque je ne peux ni souffler, ni avancer. De cette
confrontation entre un essoufflement progressif et une pensée
musicale, héritant malgré moi d’une conception classique de la
note juste, l’un perturbant l’autre, apparaissent de nouveaux sons,
un nouveau corps sonore. Le souffle devient une nouvelle note qui,
évoluant en crescendo jusqu’à devenir le soliste de l’action, est le
témoin de la présence irréfutable de mon corps en effort, qui souffle
et souffre, qui permet le son et se meurt à le créer. MB
The ascent is a duel between the body and the music. In the
continual scaling of the mountain, I only stop playing the
saxophone when I can’t breathe, or move forward any more.
From this confrontation between becoming increasingly out
of breath and musical thoughts, inheriting, despite myself, a
classical conception of the right note, the one disturbing the
other, new sounds appear, and a new acoustic body. The
breath becomes a new note which, in evolving as a crescendo
until it becomes the soloist in action, is the witness of the
irrefutable presence of my body making an effort, puffing and
suffering, which permits the sound and dies in creating it. MB
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Saison Vidéo 2011
Shot Through a été ma réponse aux effets d’un usage
excessif de la force, tout à fait dans l’air vers
2006/2007, à la fois politiquement et élémentairement.
Comme dans une mauvaise farce, j’ai remplacé le claquement d’une baguette de tambour par la détonation
d’un fusil. Chaque coup de feu est un effondrement
plus qu’un crescendo. Intentionnellement percussive,
la jubilation burlesque induite par le montage provoque une rencontre d’autant plus gratuite entre la
force et l’objet, ou devrait-on dire sujet ? Ce qui semblait drôle au premier abord devient peu à peu cruel,
au fur et à mesure que chaque tambour est “abattu”.
Seul un coup de tonnerre vient libérer cet acte de
violence des contraintes de sa mise en scène, mais,
ce faisant, pose la question de savoir si ces pulsions
primaires sont véritablement outrepassées ou si elles
ne sont que subsumées, dans l’attente d’un nouveau
déclencheur. TD
Tom Dale
Shot Through, 2007, 4 mn
Shot Through was my response to effects of
excessive force, which was very much in the air
both politically and elementally around
2006/2007. Like a bad pun I replaced the bang of
a drumstick with the bang of a gun. Each shot a
collapse instead of a crescendo. Intentionally
percussive the slapstick jubilation of the editing
gives way to a more gratuitous encounter between
force and object or should that be subject ? What
was funny in the beginning becomes cruel by the
end, as individual drums are “picked off3. Only a
crack of thunder shakes this act of violence from
the confines of its setting but in doing so asks
whether these primal urges are really progressed
beyond or are only ever subsumed, awaiting a
new trigger and release. TD
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Saison Vidéo 2011
Sun Noh
En plein air, 2010, 5 mn 55
Le film se focalise sur des individualités inadaptées, parachutées dans
une nature inattendue; une promenade brutale, privée de technologie.
Au milieu de nulle part dans cette situation absurde, elles se révèlent
vulnérables. SN
The film focuses on ill-suited individualities, parachuted into an
expected nature; a brutal walk, devoid of technology. In the middle
of nowhere in this absurd situation, they reveal their vulnerability. SN
Charlie Jeffery
Can we look with the cave filters, 2010, 2 mn 50
Un monde à l’envers, ou simplement un reflet - dans un lac trop
solide - d’un lieu que nous ne voyons pas. Une figure masquée sort
des bois, semble désorientée et un peu déséquilibrée. Elle commence à courir, mais pour échapper à quoi et pour aller vers où ?
Elle disparaît derrière un tas de terre et rocher où pousse un arbre
à l’envers. CJ
An inside-out world, or simply a reflection—in a lake that is too
solid—of a place that we do not see. A masked figure emerges
from the woods, seems disoriented and a little off-kilter. It
starts to run, but to escape from what and to go where? It
disappears behind a mound of earth and rock, where a tree is
growing the wrong way round. CJ
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Saison Vidéo 2011
Marthe Bolda
Check Point 2, 2009, 2 mn 30
Après Check Point 1 filmé à Lille, Check Point 2,
a été tourné à Bamako au Mali, avant un troisième volet à Seattle. Je me mets en scène
dans des situations au bord de l’effondrement,
de l’évanouissement. Je crée une fiction à partir du réel, ne plus être de là-bas. Je suis dans
une recherche de validation de passage. Je suis
noire, mais ce n’est pas l’unique sujet de mon
travail.
J’interroge des questions fondamentales de
l’identité dans l’actualité de notre civilisation
contemporaine, avec ces tourments intrinsèques bien au-delà des problèmes des flux
migratoires. Le check point est l’endroit du rassemblement, du passage obligé dans un parcours. MB
After Check Point 1 filmed in Lille, Check
Point 2 was shot in Bamako, Mali, prior to a
third part made in Seattle. I present myself in
situations where I am on the brink of collapse,
nearly fainting. I create fiction out of the real:
no longer being from there. I am looking for a
validation of the passage. I am black, but that
is not the only subject in my work that sanctions this displacement.
I address the fundamental issues of identity in
the actuality of contemporary civilisation with
all its intrinsic torments, well beyond questions of migratory flows. The checkpoint is the
place of assembly, a necessary point of passage on an itinerary. MB
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Saison Vidéo 2011
Virginie Yassef
Et le mur lui obéit..., 2004, 4 mn 30
Et le mur lui obéit cherche et balbutie une histoire. C’est la récolte d’étranges phénomènes. C’est aussi une rencontre de deux enfants avec l’autre, l’étrange, un mystérieux personnage. Aussitôt la temporalité change, sort du temps
réel, se rallonge dans un ralentissement. Les gestes et les mouvements s’échappent du présent. Les trois personnages
de l’action s’éloignent, se dirigent vers un autre monde, ils nous invitent à les suivre. Nous entrons alors dans une réalité déréglée, peuplée de phénomènes et d’êtres mystérieux. Ce monde étrange serait un interstice spatio-temporel
produit par cette rencontre, produit par et dans l’esprit de ces enfants. En suivant le principe de “Moins on en montre plus
on en voit” selon Maurice Tourneur, les scènes se prolongent dans un scénario fantôme diffus et brumeux. VY
Et le mur lui obéit/And the Wall Obeys Him
seeks and stammers out a story. It is a collection of strange phenomena. It is also a meeting
between two children and the other, the
strange, a mysterious character. Straight away
the time-frame switches, leaves real time, and
is prolonged in a deceleration. Gestures and
movements dodge the present. The three characters in the action move away, heading
towards another world, inviting us to follow
them. So we enter an out-of-sync reality, filled
with mysterious phenomena and beings. This
strange world is a space-time interstice created
by this encounter, produced by and in the minds
of these children. In abiding by the principle
“The less you show the more you see”, according to Maurice Tourneur, the various scenes
are extended in a ghostly scenario that is vague
and misty. VY
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Saison Vidéo 2011
Marthe Bolda
Addictions, 2010, 5 mn
During electoral campaigns in Africa, it is a tradition for the
different political parties to create cloths (known as pagnes) as
effigies of their candidate, and to offer these figures to local
people. Similarly, during official visits by French heads of state,
governments produce pagnes bearing the portraits of their
guests. I appropriate this object and use it in comparison with an
iconographic reproduction of heads of state. This involves a desired
and imposed cooperation with regard to economic interests at
stake, following decolonialization. The video series is made up of
five videos based on official post-independence visits made by
French presidents to Africa. MB
Lors des campagnes électorales en Afrique, il est de tradition pour
les différents partis politiques de créer des pagnes à l’effigie de
leur candidat et de les offrir à la population. De même, lors des
visites officielles des chefs d’état français, les gouvernements produisaient des pagnes avec le portrait de leurs hôtes. Je détourne
cet objet et je l’utilise en confrontation avec une reproduction
iconographique des chefs d’Etat. Il s’agit d’une coopération souhaitée et imposée aux regards des intérêts économiques en jeu,
suite à la décolonisation. La série vidéographique est composée de
5 vidéos selon les visites officielles des présidents français en
Afrique après les indépendances. MB
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Saison Vidéo 2011
1 4 J U I N – 9 J U I L L E T 2 0 1 1 . R O U B A I X , E S PA C E C R O I S É
LA CONDITION PUBLIQUE - 14 PLACE FAIDHERBE - 59100 ROUBAIX - +33 3 20 73 90 71 - WWW.ESPACECROISE.COM
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NOUS AVONS AIMÉ CES FILMS AVEC UNE TOTALE SUBJECTIVITÉ SANS
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FIND LINKS BETWEEN THEM. DIFFERENT WORLDS...
Michelle Naismith
Feel the Hollow, 2007, 10 mn 30
Dans Feel the Hollow, on retrouve certains ingrédients récurrents qui
composent le vocabulaire filmique de Michelle Naismith : le
gourou/soignant plus dérangé que ses patients, la fugacité de la vie,
la désillusion et la fuite vers des mondes meilleurs… La rose vers
laquelle se retourne l’héroïne déchue de Feel the Hollow est un des
éléments de dérive scénaristique et psychologique… Les docteurs/gourous qui reviennent régulièrement dans ses films et autour desquels
s’organise le récit sont des personnages à contre temps, sommés de
résoudre les problèmes existentiels de leurs patients/adorateurs mais
se perdant dans les limbes d’une pratique loufoque où affleure le mysticisme et les traitements occultes. Patrice Joly
In Feel the Hollow, we find certain recurrent ingredients which
make up Michelle Naismith’s cinematic vocabulary: the guru/nurse
who is more deranged than his patients, the fleetingness of life,
the disillusionment of running away to other worlds… The rose to
which the fallen heroine of Feel the Hollow turns is one of the
factors of scripted, psychological drift… The guru/doctors who
regularly crop up in her films and around whom the narrative is
organized, are counter-characters, summoned to solve the existential
problems of their worshipping patients, but going astray in the
limbo of a bizarre practice where mysticism and occult treatments
bob to the surface. Patrice Joly
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Saison Vidéo 2011
Sarah Dobai
Short Story Piece, 2005, 10 mn
Une projection de 10 minutes, dans laquelle une séquence de clichés fixes construit une narration multiple en prenant des images
familiales courantes comme point de départ de mes propres
recherches. Short Story Piece est construit comme une série de
scénarios récurrents et leur contraire. On y retrouve la sensation
étouffante de l’espace domestique, qui dresse un portrait de
famille tendu, entrecoupé d’images de paysages urbains inhabités.
L’usage d’images fixes dans la construction d’une œuvre filmique
et la grande qualité de ces images m’ont poussée à m’intéresser
au statut du réalisme dans le cinéma et la littérature. Comme le
suggère son titre, l’œuvre traite précisément de ce statut. Y participent des auteurs tels que Raymond Carver, Carson McCullers et
Tennessee Williams, dont l’intérêt profond pour l’intimité à l’intérieur d’un paysage social marginal semble coïncider avec le mien. SD
A 10-minute projection piece in which a sequence of stills
builds a multiple narrative that takes common images of the
family as the point of departure for my own studies. Short
Story Piece is organized as a series of recurrent scenarios and
their reversal. In it, the suffocating sense of domestic space,
which draws up a troubled family portrait, is interspersed with
images of uninhabited cityscapes. Through the work’s use of
stills to construct a film piece and the heightened quality of
those stills, I became interested in thinking about the status
of realism in cinema and literature. As its title suggests the
work deals with precisely this status. Involved are American
authors such as Raymond Carver, Carson McCullers and
Tennessee Williams, whose concern with intimacy in an alienated social landscape seems to coincide with my own. SD
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Saison Vidéo 2011
Neil Beloufa
Sans titre, 2010, 15 mn
Production Le Fresnoy, studio national des arts contemporains
“Les rideaux en soie ont été brûlés par la pleine lune à travers
les vitres. Vous savez que les rayons lunaires abrutissent plus que
ceux du soleil ?” Un décor en carton et photographies reconstitue une villa luxueuse type californienne en Algérie. Ses habitants, des voisins et d’autres protagonistes s’y projettent pour
expliquer pourquoi et comment celle-ci a été occupée par des terroristes pour se cacher alors que, paradoxalement elle est entièrement vitrée. Ils l’auraient même entretenue jusqu’à ne pas y
laisser de traces. Cette anecdote improbable et insolvable pousse
les personnages à inventer les images d’une période médiatisée
sans image ni histoire en manquant l’objet principal. NB
“Silk curtains have been burnt by the full moon though the
window. You know that lunar rays knock you out more than
those of the sun?” A cardboard decor and photographs
reconstitute a luxury Californian-type villa in Algeria. Its
inhabitants, neighbours and other protagonists imagine
themselves there to explain why and how the latter was
occupied by terrorists in order to hide whilst, paradoxically,
it is entirely in glass. They even polished it clean so as to
leave no traces. This improbable and irresolvable anecdote
encourages the characters to invent images of an event given
media coverage without the images nor the story and thus
missing the main point. NB
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Saison Vidéo 2011
Thomas Léon
Escape from abstraction island, 2009, 11 mn 30
Coproduction Ville de Beauvais, Le LABO, DRAC Picardie.
L’installation fait directement référence au cinéma à grand
spectacle dans son organisation et sa dramaturgie (succession
des scènes, rôle de la musique) autant que dans les moyens
techniques mis en œuvre. Conçue comme un film d’aventure
dont le personnage principal est la caméra, la vidéo traverse
une île qui est aussi un répertoire de formes. Elle s’organise
comme un long travelling arrière : à l’intérieur d’une structure
cristalline, à travers différents lieux désertés et désertiques,
en survolant la mer au large d’une forme prismatique. La
nature des objets et des lieux figurés ainsi que leurs relations
ne sont jamais évidentes, la caméra changeant de direction
pour se rapprocher des surfaces et jouant d’effets d’échelle en
se perdant parfois dans les détails. TL
The installation makes a direct reference to blockbuster films in their organization and dramatic character
(succession of scenes, role of music) as much as in the
technical wherewithal used. Devised as an adventure
film where the leading character is the camera, the
video moves across an island which is also a repertory
of forms. It is organized like a long backward tracking
shot: inside a crystalline structure, through different
deserted and desert-like places, moving over the sea,
way offshore, with a prismatic form. The nature of the
objects and places depicted as well as their relations
are never evident, with the camera changing direction
to get close to the surfaces and playing with effects of
scale, sometimes becoming lost in the details. TL
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Saison Vidéo 2011
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Saison Vidéo 2011
Tali Keren
Autobody, 2009, 8 mn 30
Un groupe de mécaniciens palestiniens démonte une vieille
Subaru dans un garage, dans un acte à la fois esthétique et banal.
Lorsqu’arrive un deuxième groupe de travailleurs israéliens,
l’acte de destruction se mue en événement théâtral. La vidéo
pose la question de la monumentalité du geste sculptural et le
positionne dans les réalités politiques d’Israël – en lien avec l’esprit national héroïque du “travailleur sioniste”. On explore au fil
de l’œuvre les tensions entre la documentation et la représentation, l’authenticité, la vérité documentaire et la fiction. TK
A group of Palestinian car mechanics takes apart an old Subaru
vehicle in a garage, in an action that is both aesthetic and
mundane. When a second group of Jewish Israeli workers
arrives, the act of destruction becomes a theatrical event. The
video raises questions about the monumentality of the sculptural
gesture and locates it within the political realities of Israel – in
relation to the heroic national ethos of the “Zionist Worker”.
Tensions between documentation and re-presentation, authenticity, documentary truth and fiction are explored throughout
the work. TK
Alex Pearl
Call 2, 2010, 9 mn 16
Production The Whitstable Biennale 2010
Au cours de son travail sur un roman, une sorte d’histoire de vampires basée sur la forme du journal utilisée par Bram Stoker, mais
sans effets d’intrigue ou de menace surnaturelle, Pearl se prend
d’intérêt pour le monde du loto. Call 2 se concentre sur les
femmes du Club de Loto Whitstable qui suivent, de façon hypnotique, la voix du Crieur.
While working on a novel, a sort of Vampire story based on
Bram Stoker’s diary form, but without the benefit of plot or
supernatural threat, Pearl became interested in the world of
bingo. Call 2 concentrates on the women of the Whitstable
Bingo Club moving hypnotically to the voice of the Caller.
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Saison Vidéo 2011
Alexandra Dav id
Bienvenue sur le folie express, 2009, 7 mn 14
Réalisée dans le cadre de la résidence d’artiste et de Bientôt une nouvelle exposition
avec Sophie Usunier à la maison de retraite “Notre Maison” à Nancy, avec le soutien du
Frac Lorraine, de l’AMMR et de la ville de Nancy.
Produced as part of the artist’s residency and the exhibition Soon a new show with
Sophie Usunier at the “Notre Maison” old people’s home in Nancy, with the backing
of the FRAC Lorraine, the AMMR and the city of Nancy.
La vidéo démarre par un descriptif des nuits à la maison de retraite
“Notre Maison” à Nancy. La nuit inquiète. Les repères se perdent, la
vie s’égare. Cette vidéo est l’histoire de mon séjour à “Notre Maison”.
Je me suis attachée au ressenti de cet environnement particulier
qu’est une maison de retraite, à la manière dont on se laisse gagner
par le rythme des habitants, et plus encore par leur mode de pensée
et de fonctionnement qui n’est pas toujours de tout repos. Les
moments d’incohérence sont le résultat du temps prolongé dans ce
lieu où toute personne saine d’esprit (ou pas) finit par perdre ses
repères. La vidéo a été tournée à la lumière d’une lampe de poche, la
même qui me servait lorsque je déambulais quotidiennement la nuit
dans les couloirs. AD
The video starts with a background description of nights at the
“Notre Maison” old people’s home in Nancy. The night is disconcerting. Landmarks are lost, life goes astray. This video is the story of
my stay at “Notre Maison”. I became attached to what I felt about
that specific environment represented by a retirement home, by
the way you become overtaken by the rhythm of the inhabitants,
and even more by their way of thinking and operating, which is not
always the most restful. Moments of incoherence are the outcome
of the extended time in that place where any sane person (or
otherwise) ends up losing their references. The video was shot by
flashlight, the same one I used when I walked every night along
those corridors. AD
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Saison Vidéo 2011
Entretien
Un rapport étrange au corps
Mo Gourmelon : On se souvient de A feeling of today, 2007, (projetée
dans le programme Les Climats, Saison Vidéo 2008) qui, partant de vos
expériences personnelles, retranscrivait à partir de vos dessins et de
votre voix, une sorte de cartographie des liaisons amoureuses à l’ère
d’Internet. Le procédé est identique pour Bienvenue sur le folie
express, on entend votre voix tandis que des dessins rendent compte
avec beaucoup de distanciation et d’humour de votre expérience
d’une résidence d’artiste dans une maison de retraite à Nancy, “Notre
Maison”. Quelles sont les circonstances de cette résidence et les
motifs qui vous ont incitée à l’accepter ? Si les expériences amoureuses sont assez communes et partagées, vouloir considérer la vieillesse et encore plus sa décrépitude est a priori moins engageant…
Alexandra David : C’est effectivement une résidence qui a eu lieu dans
des circonstances un peu particulières. Le Directeur de “Notre
Maison”, Monsieur L’Huillier, réfléchissait déjà depuis un moment à
faire intervenir des artistes dans sa maison de retraite. Il nous a donc
contactées, Sophie Usunier et moi-même, en nous faisant une
demande très précise. Il souhaitait avoir un regard extérieur sur
“Notre Maison”, un regard qui serait indépendant de celui du corps
médical, des familles et des personnes impliquées avec les résidents.
C’est une démarche rare venant d’un directeur de maison de retraite.
Nous avons trouvé la proposition stimulante. J’ai également perçu
cette invitation comme une opportunité de travailler avec Sophie
(dont j’aime beaucoup le travail et la personnalité) et comme la possibilité d’une expérience forte qui ne pouvait que nourrir mon travail.
Se retrouver en immersion totale dans un environnement qui contient
tout ce que nous tentons de fuir en permanence, et prendre le risque
de ne pas en sortir indemne, c’était excitant.
MG : En effet le directeur a eu une attitude singulière. Souvent le statut
de l’artiste invité n’est pas très clair et on lui demande de mettre en
place - plus ou moins implicitement - des démarches participatives,
qui ne sont pas toujours très réussies.
AD : Dans notre cas, le directeur a été très clair sur ce point. Il ne souhaitait surtout pas que l’on confonde notre présence et notre travail
95
Saison Vidéo 2011
avec de l’animation. Notre simple présence bouleversait le quotidien
de la maison de retraite et posait question. Je pense que c’est le but
qu’il cherchait. Il n’a donné aucune raison à notre présence, juste le
fait que nous soyions artistes et que nous allions vivre dans “Notre
Maison” pendant un mois et demi en tant que résidentes. Lorsqu’on lui
posait la question : à savoir ce que nous allions faire en tant qu’artistes ;
il répondait de façon évasive qu’il n’en savait rien, qu’il ne savait pas
non plus si nous allions produire quelque chose, que les artistes
aujourd’hui ne fabriquaient pas toujours des formes. Cette situation
de doute surprenait mais elle était en même temps rassurante. Comme
si le fait de ne pas savoir ce qui allait se passer n’avait aucune gravité.
De toute façon, en ce qui me concerne, la demande d’une démarche
participative aurait été un risque. J’aurais été tentée de contourner
cette contrainte pour faire un travail qui interroge cette notion.
MG : Comment avez-vous abordé ce contexte ? Avez-vous travaillé en
même temps que Sophie Usunier ? On sent chez vous une volonté de
dédramatisation ? Pourquoi ce choix de la lampe de poche ?
AD : J’ai abordé ce contexte en me posant la question de ma propre
vieillesse. Ce qui était au départ assez angoissant. C’est ce qui m’a
poussée à vouloir vivre, autant que possible, ce que je vais devenir.
J’ai donc partagé les mêmes repas que les résidents, tenté de suivre
leurs horaires, activités et de vivre leurs nuits. L’expérience était une
performance que j’ai volontairement choisi de traiter hors d’un pathos
facile. Je cherchais à m’éloigner de l’image brutale que l’on peut
avoir de ce type de lieu et de la vieillesse qui, à mon avis, ne fait que
nourrir le culte de la jeunesse, voire du jeunisme, dont nous sommes
déjà bien assez infectés. Dédramatiser dans mon travail, c’est aussi
désamorcer. Cela a pour fonction de créer un déplacement du regard
et des habitudes. J’ai également tenté de m’éloigner du documentaire
sociologique ou d’une position de savante, ce qui m’a permis de créer
un recul entre ce que je sais d’une maison de retraite, de la vieillesse,
et ce que j’ai pu expérimenter et voir réellement. À partir de cet instant, la démence par exemple, devient, non plus l’expression d’une
pathologie dégénérative, mais une source de création dont le discours
n’est pas si éloigné du langage du théâtre de l’absurde, et les actes
similaires à ceux d’une performance artistique. J’ai d’ailleurs utilisé la
vidéo comme un outil de pensée, non d’expression, mais bien de pensée
96
et précisément de pensée non linéaire mais faite d’extrapolations,
un peu comme lorsque l’on navigue d’une idée à une autre sur
Internet. Il y a bien une idée de départ mais qui se perd un peu au
fur et à mesure. C’est ce qui me permet de raconter mon expérience dans la maison de retraite en parlant autant de ce qui s’y
passe que de ce que j’imagine. Tout cela avec une distanciation
ironique à la fois du lieu, des gens et de moi-même. La lampe de
poche a un peu la même fonction que l’histoire dans la vidéo. J’ai
laissé le vécu décider de la forme. Les résidents sont couchés très
tôt et dorment souvent la porte ouverte. Nous évitions avec Sophie
Usunier de les déranger en allumant les lumières des couloirs, d’où
la lampe de poche. J’ai aussi choisi la nuit parce que c’est un des
moments les plus difficiles, les résidents en s’endormant ne sont
jamais sûrs de se réveiller. D’ailleurs, heureusement que nous
étions en résidence ensemble avec Sophie. Je n’aurais jamais pu
dormir seule la nuit dans la chambre alors que j’entendais les cris
angoissés et répétitifs d’une dame au troisième.
MG : À propos de démence, vous déclarez : “On parle beaucoup de
démence ici. Démence, Démence, Démon ramène ta sœur ici ! On
devrait quand même pas autant en parler. C’est quand même la
sœur de celui dont on ne prononce pas le nom. Ça c’est moi en
démence. Je me trouve assez sexy”. Vous vous en sortez bien finalement !
AD : Oui ! Même si j’ai été immergée totalement en tant que résidente, il reste le fait que c’est temporaire, que je ne suis pas
encore vieille et dépendante. Puis c’est toujours une posture
d’artiste où le but est d’arriver à mettre une certaine distance de
façon à offrir un regard critique. C’est ce que j’ai voulu faire avec
la démence. C’est un mot qui est traité comme l’église aurait
traité le démon. Les sonorités des deux mots sont d’ailleurs assez
proches. Même dans le langage courant nous préférons parler
d’Alzheimer plutôt que de démence. Je me moque de ce mot
tabou dans une maison de retraite. Quasiment tout le monde est
atteint d’une certaine forme de démence mais on ne peut pas utiliser ce mot pour en parler. Dans l’environnement de la maison de
retraite, la démence est la pathologie qui m’a le plus stimulée et
déroutée. C’est difficile de savoir quand le discours ou les actions
Saison Vidéo 2011
de la personne en face sont liés à la démence ; moi-même je me suis
souvent trompée. Sans compter qu’en dehors de ce contexte, cela
aurait pu être de l’art ou de la performance. Puis, si l’on considère la
réalité comme un consensus commun sur lequel nous nous sommes
inconsciemment mis d’accord en tant qu’humains pour faciliter la
communication, alors la réalité d’une personne atteinte de démence
n’est au final qu’un point de vue qui nous est étranger. Les écouter
c’est un peu comme se retrouver en face d’un chaman ou d’un médium
qui vous donne des bribes de phrases qu’il vous faut interpréter. Ça a
toujours du sens, même si on met du temps à le trouver. L’ensemble
de l’expérience était effectivement positif. Ce dont nous avons pu rendre compte par une exposition, dans la maison de retraite même, où
les résidents pouvaient avoir accès aux pièces que nous avons réalisées. C’est difficile de savoir réellement comment les résidents
atteints de démence ont perçu nos pièces mais c’était intéressant de
voir concrètement et réellement qu’une exposition de ce type pouvait
créer des croisements au niveau des publics. Dans ce cas, c’était aussi
l’occasion d’ouvrir ce lieu qui ne nous renvoie rien d’accueillant à
un public qui n’y serait jamais venu autrement. Puis, bien que nous
n’ayons pas réalisé toutes nos pièces en commun avec Sophie, l’expérience a créé un fil directeur dans l’exposition, qui je pense,
laissait transparaître notre soutien mutuel.
MG : Vous avez aussi recours à la digression à propos du terme
“Personnalité” ou de la “personne alitée”...
AD : Les confusions et les non-sens sont nourrissants pour l’imaginaire. Cela devient un jeu qui décale la réalité de ce que l’on voit,
à ce que l’on comprend. C’est un peu comme se mettre dans la
peau d’un résident atteint de démence. Tout a du sens. Le
contexte est juste un peu confus. Je me rappelle une dame qui
tous les matins me parlait du soleil éblouissant. Effectivement, les
lumières de son couloir étaient très vives. La remarque était juste,
mais le contexte décalé. Dans le cas des personnalités/personnes
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Saison Vidéo 2011
alitées ; j’ai trouvé que cela créait un rapprochement qui avait du
sens. Une personnalité et la personne alitée reçoivent toutes deux
une attention particulière. C’était également une façon de souligner mon attachement aux résidents. Ce sont de vraies personnalités, avec des histoires et des comportements qui vous surprennent quotidiennement. Nous avons ainsi appris une nuit, grâce aux
insomnies de notre voisine de palier, comment se faisait le champagne de contrebande dans les sous-sols de “Notre Maison”.
MG : Il y a donc ce parti pris de se mettre à la place de, jusqu’à
dormir dans la maison de retraite, c’est-à-dire partager l’un des
moments les plus angoissants - ce qui semble particulièrement
téméraire - au lieu d’être de passage. Est-ce la raison pour laquelle
vous déclarez en voix off : “J’ai quand même développé un rapport
étrange au corps ici.” ? Formule percutante.
AD : La différence entre une résidence où l’on rentre chez soi le
soir, et une où l’on est en immersion totale, c’est que la première
permet de se changer les idées alors que la seconde ne permet
aucune échappatoire. Je pense que si nous avions été de passage,
il y aurait eu moins de tensions alors que c’est précisément, à mon
avis, le moment où les choses deviennent intéressantes. Nous
avons tenu un blog quotidiennement lors de notre séjour qui rend
bien compte de cela. L’énervement, la fatigue, l’enfermement
déclenchent un état proche de la folie qui permet de comprendre
autant physiquement que mentalement ce qui traverse les résidents. Le corps pose effectivement beaucoup question dans une
maison de retraite. À force de garder les gens en vie par tous les
moyens médicaux possibles cela engendre inévitablement un environnement où la vision du corps qui dégénère est très présente. Au
départ cela m’a atteint inconsciemment. Puis je me suis rendue
compte que j’achetais non plus de la crème pour le visage mais de
la crème anti-ride. La moindre remarque (même pour plaisanter)
qui pouvait faire référence à mon corps m’atteignait.
L’environnement de malades me rendait aussi un peu hypocondriaque. Une maison de retraite médicalisée vous renvoie toujours à
quelque chose du malade, même lorsque tout est fait esthétiquement
pour aller à l’encontre. C’est psychologique, nous ne pouvons nous
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cacher le fait que l’on s’y trouve parce qu’on ne peut plus se
débrouiller seul et que c’est la dernière étape avant la mort. Mais
cette affection sur mon corps m’a surtout permis de questionner
les normalités et anormalités dont notre société s’est accommodée par rapport au corps vieillissant. Une “bimbo mature” (argot
pour parler d’une femme d’un certain âge ayant subit pas mal
d’interventions chirurgicales) est parfois considérée plus acceptable qu’une personne ridée dont le corps raconte la vie. Je me
demande par conséquent, où le rapport au corps est le plus
étrange. Si c’est dans une maison de retraite ou sous le bistouri de
la chirurgie esthétique. Lorsque j’évoque le corps dans la vidéo
c’est pour amener par diverses expériences indirectement à cette
réflexion.
Saison Vidéo 2011
Interview
A Strange Relation to the Body
Mo Gourmelon: People remember A Feeling of Today, 2007, (screened
in the Les Climats programme, Saison Vidéo, 2008) which was
based on your personal experiences, and, using your drawings and
your voice, transcribed a sort of cartography of amorous liaisons in
the age of the Internet. The procedure is identical for Bienvenue
sur le folie express; we hear your voice, while drawings, in a very
removed and witty way, describe your experience of an artist’s
residency in an old people’s home in Nancy called “Notre Maison”.
What were the circumstances of that residency and the reasons
which prompted you to accept it? If amorous experiences are fairly
common and shared, wanting to deal with old age and, even more
so, its decrepitness is on the face of it less engaging…
Alexandra David: It was a residency which actually took place in
slightly special circumstances. The Director of the old people’s
home, Mr. L’Huillier, had already been thinking for a while about
getting artists involved in his home. So he contacted us—Sophie
Usunier and myself—with a very precise request. He wanted to
have an outsider’s eye on “Notre Maison”, a way of seeing it that
would be independent of the medical profession’s, and of the way
families and people involved with the residents see it. This is a rare
approach coming from the director of an old people’s home. We
found the proposal stimulating. I also saw it as an opportunity to
work with Sophie (whose work and personality I like a lot), and as
a possibility of having a powerful experience which could not fail
but nurture my work. It was exciting to find myself completely
immersed in an environment that contains everything we spend our
time fleeing from, and taking the risk of not getting out of there
unscathed.
MG: The director had an unusual attitude, in fact. The status of the
invited artist is often not very clear and he or she is asked—more
or less implicitly—to introduce participatory approaches which aren’t
always very successful.
AD: In our case, the director was very clear about this. Above all he
didn’t want us to muddle our presence and our work with the programme. Our mere presence upset the daily round of the old people’s
home and raised questions. I think that’s the goal he was aiming at. He
didn’t give any reason for our presence, just the fact that we were
artists and were going to live in “Notre Maison” for a month and a half
as residents. When he was asked what we were going to get up to as
artists, he answered in an evasive way that he didn’t know, nor did he
know if we were going to produce anything, saying that today’s artists
didn’t always produce forms. This state of doubt was surprising but at
the same time it was reassuring. As if the fact of not knowing what was
going to happen wasn’t anything serious. In any event, as far as I’m
concerned, a request for a participatory approach would have been
risky. I would have been tempted to get around that restriction to produce something challenging that idea.
MG: How did you deal with the context? Did you work simultaneously
with Sophie Usunier? You give off a feeling that you want to de-dramatize
things… Why this decision involving the flashlight?
AD: I dealt with the context by asking myself about my own old age.
Which was a bit distressing to start with. That’s what’s made me want
to experience what I’m going to become, as much as possible. So I shared
meals with the residents, tried to keep to their schedules and activities, and I experienced their nights. It was all a performance which I
deliberately chose to deal with without resorting to any facile pathos.
I tried to get away from the brutal images that people can have of this
type of place and of old age, images which, in my view, merely nurture the youth cult which has already pretty much infected us all. Dedramatizing things in my work is also like defusing things; its function
is to create a shift of eye and habits. I also tried to get away from the
sociological documentary, and any kind of scholarly position, which
enabled me to create a hindsight between what I know about an old
people’s home, and old age, and what I was able to experiment with
and actually see. From that moment on, dementia, for example, no
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Saison Vidéo 2011
longer becomes the expression of a degenerative pathology but a
source of creation where the discourse is not that far removed
from the language of the theatre of the absurd, and the acts are
akin to those of an artistic performance. Incidentally, I used video
as a tool for thinking, not a tool for expressing, but actually thinking and, to be more precise, not linear thinking but thinking made
up of extrapolations, a bit like when you surf from one idea to another on the Internet. There is of course a basic idea, but it gradually goes a bit astray. It’s what helps me to recount my experience in the old people’s home by talking as much about what happens in it as about what I imagine. All this with an ironical remove
from the place, from the people, and from myself. The flashlight
has a bit the same function as the story in the video. I let experience decide on the form. The residents go to bed very early and
they often sleep with their door open. We made sure, Sophie
Usunier and I, that we didn’t disturb anyone by switching on the
lights in the corridors, which explains the flashlight. I also chose
nighttime because it’s one of those most difficult moments—when
the residents fall asleep they’re never sure they’re going to wake
up again. What’s more, and luckily, I was artist-in-residence with
Sophie; I could never have slept on my own at night in the bedroom
while I was hearing the repeated distressed cries of a lady on the
third floor.
MG: You say this about dementia: “There’s a lot of talk about
dementia here. Dementia, Dementia, Demon bring your sister
here! But there shouldn’t be so much talk about it. It’s the sister
all the same of the person whose name is not uttered. That’s me
in dementia. I think I’m quite sexy.” In the end you came out of it
all right!
AD: Yes! Even if I was totally immersed as a resident, the fact
remains that it’s temporary, and that I’m not yet old and dependent. Then there’s always an artist’s posture, where the aim is to
manage to put a certain distance in such a way as to offer a critical eye. This is what I wanted to do with dementia. It’s a word
that’s treated the way the church dealt with demons. The sounds
of the two words are quite close, by the way. Even if in current
parlance we prefer to talk of Alzheimer’s rather than dementia. I
100
laugh a bit at this taboo word in an old people’s home. Nearly everyone
has a certain form of dementia, but you can’t use this word to talk
about it. In the environment of the old people’s home, dementia is the
pathological condition that stimulated and disconcerted me the most.
It’s hard to know when the words and actions of the person opposite
you are linked with dementia; I myself often got it wrong. Without
reckoning on the fact that, out of context, it might have been art or
performance. Then if you consider reality to be a shared consensus
about which we’re all unwittingly in agreement as human beings, to
make communications easier, then the reality of a person suffering
from dementia is, in the end, just a viewpoint which is foreign to us.
Listening to them is a bit like finding yourself with a shaman or a
medium who gives you snippets of sentences which you have to interpret. It always makes sense, even if you take time to find it. In any
event, our experience brought us a great deal and enabled us to put
on a show in the actual old people’s home itself, where the residents
could have access to the works we produced. It’s difficult to really
know how residents suffering from dementia saw our pieces, but it was
interesting to see in a concrete way how an exhibition could really
create interactions at the level of the different kinds of public. In this
instance, it was also an opportunity to open up that place, which has
nothing welcoming about it, to a public that would otherwise never
have set foot in it. Then, although not all the pieces were made in
common with Sophie, the experience created a guiding thread in the
show which I think gave glimpses of our mutual support.
MG: You also made use of digression with regard to the term:
Personality, and the bedridden person.
AD: Confusion and nonsense fuel the imagination. This becomes a
game which shifts the reality of what we see, through what we understand. It’s a bit like putting yourself in the skin of a resident suffering
from dementia. Everything means something, the context is just a bit
muddled. I remember a lady who, every morning, talked to me about
the dazzling sun. In fact the lights in her corridor were very bright. Her
observation was quite right, the context was just a bit off. On the case
of personalities/bedridden people, I found that this created a connection that made sense. A personality and a bedridden person both get
special attention. This was also a way of emphasizing my attachment
Saison Vidéo 2011
to the residents. They are real personalities with histories and patterns
of behavior which take you by surprise day in day out. So one night,
because of the insomnia of our neighbour, we learnt how bootleg
champagne was made in the basement of “Notre Maison”.
to our body is at its strangest—if it’s not in an old people’s home
or under the scalpel of plastic surgery. When I describe my body
in the video it’s to lead indirectly to this line of thinking by way of
different experiences.
MG: So there’s a decision made to put yourself in the place of [a resident], to the point of sleeping in the old people’s home, in other words
to share one of the most distressing moments—which seems particularly foolhardy—instead of just passing through. Is this why you say, as
a voice over: I did all the same develop a strange relation to the body
here? A striking thought.
AD: The difference between a residency, where you go home every
night, and one where you’re totally immersed is that the former
enables you to rethink things, whereas the latter doesn’t offer any
outlet. I think that if we’d just been passing through, there would have
been less tension, whereas, in my opinion, that is precisely the
moment when things become interesting. We kept a daily blog during
our stay which describes all that. The irritation, the tiredness, and the
confinement, they all trigger a state close to madness which helps you
to understand, physically as much as mentally, what goes through the
residents’ minds. The body actually raises a lot of questions in an old
people’s home. By virtue of keeping people alive by every medical
means possible, this inevitably gives rise to an environment where
visions of bodies degenerating are very present. To begin with this
unwittingly affected me. Then I realized that I was no longer buying
face cream but anti-wrinkle cream. The slightest observation (even in
jest) that might refer to my body got to me. The environment of sick
people also made me a bit hypochondriac. A old people’s home with
medical surveillance invariably refers you to something sick, even
when everything is done, aesthetically speaking, to work against that.
It’s psychological, we can’t hide from the fact that you are there
because you can no longer do things for yourself, and this is the last
stage before death. But this attachment to my body helped me above
all to question the normalities and abnormalities which our society
goes along with in relation to ageing bodies. A mature “bimbo” (slang
for a woman of a certain age who has had more than a few operations)
is sometimes considered more acceptable than a wrinkled person
whose body recounts their life. As a result, I wonder where our relation
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Saison Vidéo 2011
J U I L L E T 2 0 1 1 . W W W. S A I S O N V I D E O . C O M
THE INTERNAL URAL
Ce programme résulte d’une collaboration entre la Saison Vidéo et le National Center for Contemporary Arts Ekaterinburg
Branch. Il poursuit les échanges de programmations menés entre le NCCA à Ekaterinbourg et l’Espace Croisé dans le cadre de
l’année France-Russie en 2010.
À partir d’une exposition intitulée The Internal Ural et organisée en 2009 par Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov et Svetlana
Usoltseva ; la Saison Vidéo a choisi des vidéos à présenter sur son site. L’Oural partage avec le Nord-Pas de Calais un passé
industriel restructuré.
“The Internal Ural n’est ni un plagiat de Pelevin, ni un hommage à Beuys. Il s’agit de l’alchimie même qui se produit à cette
frontière géographique si attrayante entre l’Europe et l’Asie, de la métaphore trompeuse d’une région au décor existentiel
extrêmement riche… Les gens qui vivent dans l’Oural ne font pas que grandir dans ces montagnes, ces forêts et ces champs
de neige infinis, ils portent aussi en eux le gène d’une grande mythologie de l’Oural.” Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov.
This programme is the outcome of a joint venture involving Saison Vidéo and the National Center for Contemporary
Arts Ekaterinburg Branch. It carries on the programme exchanges undertaken between the NCCA in Ekaterinburg and
the Espace Croisé as part of the France-Russia Year in 2010.
Based on an exhibition called The Internal Ural, organized in 2009 by Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov and
Svetlana Usoltseva, Saison Vidéo has chosen various videos to show on its website. The Urals share a restructured
industrial past with the Nord-Pas de Calais Region.
“The Internal Ural is not a plagiary from Pelevin, neither a homage to Beuys. It is the very alchemy which occurs on
such geographically attractive frontier of Europe and Asia, a deceptive metaphor for the region extremely rich in
existential background… People living in the Urals not only grow into these mountains, forests and fields of endless
snow, but also carry a gene of a great Ural mythology.” Alisa Prudnikova, Vladimir Seleznyov.
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Saison Vidéo 2011
Oleg Blyablyas
887788, 2001, 3 mn 55
Une grande fosse près de la mine Magnetitovaya de la ville de Nizhny Tagil. “C’était une grande montagne qui
devint une profonde crevasse” - c’est ainsi que les gens décrivent cet endroit, où la ville prit ses racines. La nouvelle
d’un minerai de meilleure qualité qu’en Suède se propagea jusqu’à Saint Petersbourg. Une pure veine ombilicale
de minerai de fer dans le ventre de la montagne attira les usines Demidov. La mine affecta les destinées. Les
nobles patrons d’usines, les maîtres fraichement arrivés de la ville de Tula, les Vieux Croyants au pouvoir, les
serfs, les bagnards contraints à l’usine – tous nourrissaient leurs vies à travers la veine ombilicale de minerai.
L’énergie de milliers d’hommes creusa davantage la fosse. La veine ombilicale fut extraite. L’un de ses fragments
est conservé dans un musée local depuis déjà 200 ans. La fosse, telle un ventre desséché, ses enfants se mirent
à la remplir de boue, fétide et corrompue. Ils n’ont pas besoin de frères et sœurs. Un yacht sous une voile
blanche dans une crevasse sale et négligée, comme une ultime tentative de tomber enceinte… OB
A big pit next to the Magnetitovaya mine in the town of
Nizhny Tagil. “It was a high mountain that became a deep
pit” – people say about the place, from which the city started growing. The news about an ore of a higher quality than
in Sweden reached St. Petersburg. Pure umbilical core of
magnetic iron ore in the mountain womb brought up Demidov
plants. The pit affected fates. Noble factory owners, newly
arrived masters from the city of Tula, governing Old
Believers, serfs, runaway state convicts bind to the plant – all
of them were nourishing lives through ore umbilical core.
Energy of thousands of people deepened the pit. The umbilical
core is withdrawn. Only a piece taken out of it is staying in a
local museum for 200 years already. The pit, dried-up womb,
its children started to fill with slush, rotten and viscous.
They don’t need brothers and sisters. Yacht under white sail
in dirty, neglected pit as illegal relationship, is the last
attempt to get pregnant... OB
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Saison Vidéo 2011
Den Marino
The Clouds, 2008, 6 mn 11
Quand j’étais enfant, je n’étais jamais satisfait lorsque mes parents m’expliquaient que
les nuages étaient formés de souffles de la
Terre. Ces merveilleux géants, châteaux,
îles flottantes et lapins en peluche pouvaient donc sortir d’une flaque asséchée ! En
rêve, je m’imaginais d’énormes machines
qui produisaient du coton céleste en tous
genres. Les années sont passées et, lors d’un
de mes voyages au-dessus de l’Oural, j’ai
trouvé et reconnu cet endroit étrange et
sacré, d’où viennent les nuages. DM
In my childhood I was never satisfied by
my parents’ explanation, that clouds
are formed by the Earth’s exhalations.
These wonderful giants, castles, floating islands, plush bunnies could appear
just from a dry puddle! In my fantasies
I saw a place, where huge machines
were producing sky cotton of all kinds.
Time has passed and during one of my
journeys over the Urals I finally found
and recognized this strange and sacred
place, where clouds come out from. DM
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Saison Vidéo 2011
Zer Gut (Vladimir Seleznyov, Ivan Snigirev
Evgeny Goltsov, Stanislav Cherva).
Visualization of domestication, or casus of modern ornithology,
2002-2003, 3 mn 29
Des artistes du groupe Zer Gut ont matérialisé avec des graines de tournesol leurs photographies d’identité sur la neige. La vidéo
montre la disparition progressive des images,
le processus symbolique de la mort. Les portraits disparaissent au fur et à mesure que les
oiseaux picorent les graines. ZG
Artists from the group Zer Gut inlaid with
sunflower seeds on the snow their passport photos. Video shows gradual disappearance of the images, symbolic process
of dying. The portraits are vanishing as
birds are pecking up the seeds. ZG
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Saison Vidéo 2011
Alexander Shaburov
The Victim of Titanic, 1999, 5 mn 17
Cette performance vidéo fut filmée avant que l’artiste ne déménage à Moscou et ne devienne célèbre en tant que membre du
groupe “Blue Noses”. La vidéo fait partie de la série “Direct
expression of feelings” (Expression directe des sentiments), basée
sur le principe selon lequel un visage humain est le moyen de communication le plus efficace et impressionnant – un code universel.
A travers son propre visage, l’artiste illustre la fonction communicative de l’art – celle de traduire des états émotionnels. Il s’agit
en même temps d’une parodie ironique des performances d’Oleg
Mavromati, qui affirma qu’à une époque de grandes éditions et de
citations, un artiste ne peut être authentique que lorsqu’il éprouve
de la douleur. Ici, Shaburov se met dans des situations où il lui est
impossible de simuler – il ressent vraiment le froid, l’humidité,
l’inconfort, etc., ce qui provoque sur son visage l’apparition de grimaces drôles et touchantes. Alisa Prudnikova
This video performance was created before the artist moved
to Moscow and became famous as a member of the group
“Blue Noses”. The video is a part of the series “Direct expression of feelings” based on the fact that a human face is the
most effective and impressive mean of communication, a
universal code. By his own face the artist illustrates communicative function of art – to translate emotional states. At the
same time this is an ironic parody on performances by Oleg
Mavromati, who asserted that in times of large editions and
quotations the artist can be genuine only when feeling pain.
Here Shaburov puts himself in such situations when there is
no opportunity to simulate – he really feels cold, dampness,
discomfort, etc., which causes funny and touching grimaces
appear on his face. Alisa Prudnikova
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Saison Vidéo 2011
Viktor Davydov
Dunya the Fine-Spinner, 1997, 2 mn 38
Les particularités de l’amour national qui arrivent de temps en
temps. Les traditions familiales des natifs de l’Oural : une mariée
avec un coquard, nageant dans un trou dans la glace, ainsi que
d’autres détails fascinants sur les coutumes des gens “des régions
austères de l’Oural”. VD
The specificity of the national love that happens from time
to time. The Ural natives’ traditions of family life: a bride
with a shiner, swimming in an ice hole, and other fascinating
details of customs of “severe Ural region” people. VD
Elena Klimova
The sense of the Site, 2009, 5 mn 29
En se retrouvant dans un lieu, nous tentons tous de faire appel à
nos souvenirs et d’apporter un sens nouveau à cet espace.
Inconsciemment, nous voulons nous approprier ce lieu ou y laisser
une trace de nous-mêmes. Nous sommes à la recherche d’un tel
endroit et nous espérons qu’il s’agit là de l’espace de l’existence
inévitable. EK
Finding ourselves in some place, we are trying to recall our
memory and bring a new meaning to this space.
Unconsciously, we wish to appropriate the place or to leave
a part of ourselves in it. We are looking for such a place and
hoping that it is the very space of inevitable existence. EK
107
Saison Vidéo 2011
Les artistes
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Catherine Dalfin, vit à Paris
lives in Paris
p. 16
Adrienne Alcover, née en 1972, vit à Paris
born in 1972, lives in Paris
p. 10
Alexandra David, née en 1974, vit à Grenoble
Born in 1974, lives in Grenoble
p. 94
Zoé Baraton, née en 1987, vit à Poitiers
Born in 1987, lives in Poitiers
p. 66
Viktor Davydov, né en 1953, vit à Ekaterinbourg
Born in 1953, lives in Ekaterinburg
p. 107
Neil Beloufa, né en 1985, vit à Paris
Born in 1985, lives in Paris
p. 90
Mathias Delfau, né en 1968, vit à Colombes
Born in 1968, lives in Colombes
p. 54, 81
Marion Berry, née en 1987, vit à Dijon
Born in 1987, lives in Dijon
p. 82
Arnaud Dezoteux, né en 1987, vit à Paris
Born in 1987, lives in Paris
p. 56
Firat Bingöl, né en 1981, vit à Istanbul
Born in 1981, lives in Istanbul
p. 43
Bertrand Dezoteux, né en 1982, vit à Paris
Born in 1982, lives in Paris
p. 70
Oleg Blyablyas, né en 1967, vit à Kaliningrad
Born in 1967, lives in Kaliningrad
p. 103
Sarah Dobai, née en 1965, vit à Londres
Born in 1965, lives in London.
p. 89
Julia Boix-Vives, née en 1970, vit à Eindhoven
Born in 1970, lives in Eindhoven
p. 13, 72
Sarah Doyle, née en 1978, vit à Londres
Born in 1978, lives in London
p. 79
Marthe Bolda, née en 1970, vit à Lille et Bamako
Born in 1970, lives in Lille and Bamako
p. 85, 87
Sirine Fattouth, née en 1980, vit à Paris
Born in 1980, lives in Paris
p. 39
Mohammed Bourouissa, né en 1978, vit à Paris
Born in 1978, lives in Paris
p. 19
Andreas Fohr, né en 1971, vit à Paris
Born in 1971, lives in Paris
p. 52
Neil Bryant, né en 1968, vit à Chichester
Born in 1968, lives in Chichester
p. 11
Maria Frycz, née en 1981, vit à Berlins
Born in 1981, lives in Berlin
p. 74
Erik Bullot, né en 1963, vit à Paris
Born in 1963, lives in Paris
p. 32
Laura Gannon, née en 1972, vit à Londres
Born in 1972, lives in London
p. 71
Jemima Burrill, née en 1970, vit à Londres
Born in 1970, lives in London
p. 80
Patrice Goasduff, né en 1972, vit à Rennes
Born in 1972, lives in Rennes
p. 06
Gérard Cairaschi, né en 1956, vit à Paris
Born in 1956, lives in Paris
p. 75
Véronique Hubert, née en 1970, vit à Vitry sur Seine
Born in 1970, lives in Vitry sur Seine
p. 12, 73
Nicolas Carrier, né en 1981, vit à Paris
Born in 1981, lives in Paris
p. 46
Laura Huertas Millan, née en 1983, vit à Lille et Bogota
Born in 1983, lives in Lille and Bogota
p. 44
Sophie Combes, née en 1974, vit à Malissard
Born in 1974, lives in Malissard
p. 68
Charlie Jeffery, né en 1975, vit à Paris
Born in 1975, lives in Paris
p. 84
Tom Dale, né en 1974, vit à Londres
Born in 1974, lives in London
p. 83
Tali Keren, né en 1982, vit à Tel-Aviv, Israel
Born in 1982, lives Tel-Aviv, Israel
p. 78, 93
Saison Vidéo 2011
Elena Klimova, née en 1986, vit à Ekaterinbourg
Born in 1986, lives in Ekaterinburg
p. 107
Bärbel Pfänder, née en 1979, vit à La Bazoque, France
Born in 1979, lives in La Bazoque, France
p. 40
Thomas Léon, né en 1981, vit à Paris
Born in 1981, lives in Paris
p. 91
Mélanie Poinsignon née en 1976, vit à Paris
Born in 1976, lives in Paris
p. 42
Guillaume Linard-Osorio, né en 1978, vit à Paris
Born in 1978, lives in Paris
p. 67
Mark Raidpere, né en 1975, vit à Tallinn, Estonie
Born in 1975, lives in Tallinn, Estonia
p. 21
Marija Linciuté, née en 1985, vit à Vilnius et Grenoble
Born in 1985, lives in Vilnius and Grenoble
p. 15
Annelise Ragno, née en 1982, vit à Dijon
Born in 1982, lives in Dijon
p. 76
Fiona Lindron, née en 1976, vit à Dijon
Born in 1976, lives in Dijon
p. 73
Fabien Rigobert, né en 1968, vit à Roubaix
Born in 1968, lives in Roubaix
p. 11
Beat Lippert, né en 1977, vit à Paris et Genève
Born in 1977, lives in Paris and Genova
p. 69, 81
Philippe Rouy, né en 1971, vit à Paris
Born in 1971, lives in Paris
p. 38
Jacques Lœuille, né en 1983, vit à Bruxelles
Born in 1983, lives in Brussels
p. 24
Erica Scourti, née en 1980, vit à Londres
Born in 1980, lives in London
p. 46
Marko Mäetamm, né en 1965, vit à Tallinn, Estonie
Born in 1965, lives in Tallinn, Estonia
p. 47
Masha Sha, née 1982, vit à St-Petersbourg
Born in 1982, lives in Saint-Petersburg
p. 74
Laurent Mareschal, né en 1975, vit à Paris
Born in 1975, lives in Paris
p. 45
Alexander Shaburov, né en 1965, vit à Moscou
Born in 1965, lives in Moscow
p. 106
Den Marino, né en 1978, vit à Ekaterinbourg
Born in 1978, lives in Ekaterinburg
p. 104
Miranda Sharp, née en 1972, vit à Hastings, GB
Born in 1972, lives in Hastings, UK
p. 48
Matthieu Martin, né en 1986 vit à Bayeux et Toronto
Born in 1986, lives in Bayeux and Toronto
p. 80
James Stokes, né en 1979, vit à Bristol
Born in 1979, lives in Bristol
p. 12
Nora Martirosyan, née en 1973, vit à Montpellier
Born in 1973, lives in Montpellier
p. 33
Marie Voignier, née en 1974, vit à Paris
Born in 1974, lives in Paris
p. 02, 22, 40
Armand Morin, né en 1984, vit à Lille
Born in 1984, lives in Lille
p. 69
Rachel Wilberforce, née en 1975, vit à Londres et Ipswich
Born in 1975, lives in London and Ipswich
p. 68
Michelle Naismith, née en 1967, vit à Bruxelles
Born in 1967, lives in Brussels
p. 88
Virginie Yassef, née 1970, vit à Paris
Born in 1970, lives in Paris
p. 86
Sun Noh, née 1979, vit à Grenoble
Born in 1979, lives in Grenoble
p. 84
ZER GUT
p. 105
Alex Pearl, né en 1968 vit Ipswich, GB
Born in 1968, lives in Ipswich, UK
p. 75, 93
Miranda Pennell, née en 1963, vit à Londres
Born in 1963, lives in London
p. 18
Stanislav Cherva, né en 1973, vit à Ekaterinbourg
Born in 1973, lives in Ekaterinburg
Evgeny Goltsov, née en 1980, vit à Moscou
Born in 1980, lives in Moscow
Vladimir Seleznyov, né en 1973, vit à Ekaterinbourg
Born in 1973, lives in Ekaterinburg
Ivan Snigirev, né en 1978, vit à Ekaterinbourg
Born in 1978, lives in Ekaterinburg
109
Saison Vidéo 2011
110
21 janvier – 26 mars 2011, Espace Croisé, Roubaix, MARIE VOIGNIER
p. 02
Jeudi 3 février 2011 à 19 h 30, CAUE, Lille, PATRICE GOASDUFF
p. 06
Février 2011, www.saisonvideo.com, LE DÉCOLLEMENT DU RÉEL
p. 10
Jeudi 10 février 2011 à 18 h 30, Musée des Beaux-Arts, Valenciennes, CATHERINE DALFIN / MARIJA LINCIUTÉ
p. 14
Samedi 12 février 2011 à 16 h 30, Musée des Beaux-Arts, Valenciennes, FAIRE FRONT
p. 18
Mardi 15 février 2011 à 14 h 30, École Supérieure d’Art, Cambrai, LE FARWEST C’EST ICI
p. 22
Jeudi 17 février 2011 à 10 h, ESAAT, Roubaix, TRAVERSÉES : NORA MARTIROSYAN / ERIK BULLOT
p. 32
Vendredi 18 février 2011 à 10 h, Lycée Jean Rostand, Roubaix, L’IMAGE IMPOSSIBLE
p. 38
Mars 2011, www.saisonvideo.com, CAN YOU HEAR ME ?
p. 42
Mardi 8 mars 2011 à 18 h 30, artconnexion, Lille, MIRANDA SHARP
p. 48
Mercredi 16 mars 2011 à 20 h 30, Centre d’arts plastiques et visuels, Lille, ANDREAS FOHR
p. 52
Jeudi 17 mars 2011 à 14 h, ERSEP, Tourcoing, MATHIAS DELFAU
p. 54
Mercredi 23 mars 2011 à 14 h, UFR arts plastiques, Tourcoing, BERTRAND DEZOTEUX
p. 56
Avril 2011, www.saisonvideo.com, ESPACES FICTIONS
p. 66
6 avril 2011 à 14 h, IUT B Infocommunication, Tourcoing, FRÉMISSEMENTS
p. 72
Jeudi 14 avril 2011 à 18 h, Musée des Beaux-Arts, Calais, rencontre avec ANNELISE RAGNO
p. 76
Mai 2011, www.saisonvideo.com, À VOS MARQUES
p. 78
Juin 2011, www.saisonvideo.com, DÉRIVES
p. 82
14 juin – 9 juillet 2011, Espace Croisé, Roubaix, IDEAL #13
p. 88
Juillet 2011, www.saisonvideo.com, INTERNAL URAL
p. 102
Saison Vidéo 2011
La Saison Vidéo remercie les artistes sans qui ces programmes vidéos n’auraient pas lieu :
La Saison Video thanks the artists without whom these video programmes could not have been organised:
Adrienne Alcover, Zoé Baraton (+ Sümbül Kecelioglu, Maud Lemaitre), Neil Beiloufa, Marion Berry, Firat Bingöl, Oleg Blyablyas, Julia
Boix-Vives, Marthe Bolda, Mohammed Bourouissa, Neil Bryant, Erik Bullot, Jemima Burrill, Gérard Cairaschi, Nicolas Carrier, Sophie
Combes, Tom Dale, Catherine Dalfin, Alexandra David, Viktor Davydov, Mathias Delfau, Arnaud Dezoteux, Bertrand Dezoteux, Sarah
Dobai, Sarah Doyle, Sirine Fattouth, Andreas Fohr, Maria Frycz, Laura Gannon, Patrice Goasduff, Véronique Hubert, Laura Huertas
Millan, Charlie Jeffery, Tali Keren, Elena Klimova, Thomas Léon, Guillaume Linard-Osorio, Marija Linciuté, Fiona Lindron, Beat
Lippert, Jacques Lœuille, Marko Mäetamm, Laurent Mareschal, Den Marino, Matthieu Martin, Nora Martirosyan, Armand Morin,
Michelle Naismith, Sun Noh, Alex Pearl, Miranda Pennell, Bärbel Pfänder, Mélanie Poinsignon, Mark Raidpere, Annelise Ragno, Fabien
Rigobert, Philippe Rouy, Erica Scourti, Masha Sha, Alexander Shaburov, Miranda Sharp, James Stokes, Marie Voignier, Rachel
Wilberforce, Virgine Yassef, Zer Gut (Vladimir Seleznyov, Ivan Snigirev, Evgeny Goltsov, Stanislav Cherva)
Ainsi que les musées, institutions, lieux d’expositions, associations, écoles d’art, lycées, établissements d’enseignement supérieur qui en
ont rendu possible l’élaboration et la lisibilité :
It also thanks exhibition venues, the museums, associations, art schools, secondary schools and higher education centres that helped
implement this programme and make it legible:
Philippe Tavernier, Béatrice Auxent, Véronique Beaussart, Yves Brochard, Nathalie Cogez-Poisson, Amanda Crabtree
Emmanuelle Delapierre, Andreas Fohr, Barbara Forest, France Latournerie, Véronique Perus, Françoise Pierard, Marie Joseph Pilette,
Benoît Poncelet
et tous ceux qui par leurs conseils, enseignants, artistes, critiques d’art nous ont aiguillés dans nos choix et spécialement :
and it thanks all those teachers, artists and art critics who, by their advice, have guided our choices and specially:
Joël Bartoloméo, Anthony Coursier, Michael Cousin (Outcasting), Alexandra David, Ben Eastop, Jacques Lœuille, Antoinette
Ohannessian, Georges Rey, Emmanuel Saulnier, Natalia Trebik, Virginie Yassef, David Wright, Alisa Prudnikova, Vladimir
Seleznyov et Svetlana Usoltseva
Mark Raidpere est représenté par la galerie Michel Rein, Paris
Virginie Yassef est représentée par la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois, Paris
Miranda Pennell est distribuée par Lux, Londres
Philippe Rouy est distribué par Heure Exquise !, Mons en Baroeul
111
Saison Vidéo 2011
La Saison Vidéo a été créée en 1988
Ce numéro est le trente cinquième
SAISON VIDÉO
21 AVENUE LE CORBUSIER
F-59042 Lille cedex
tél : +33 3 61 50 68 23
email: [email protected] - www.saisonvideo.com
direction artistique : Mo Gourmelon
coordination : Sophie Cardonne
relecture : Marine Le Carrérès
traductions : Simon Pleasance et Fronza Woods, Lucy Pons
Crédits photographiques : les artistes et la Saison Vidéo 2010.
Le Fresnoy pour Neil Beloufa et Mohammed Bourouissa
copyright : SAISON VIDÉO
Les textes ou parties et photographies ne peuvent être reproduits sans accord préalable
La SAISON VIDÉO est soutenue par le Ministère de la Culture - DRAC Nord-Pas de Calais
le Conseil Régional Nord-Pas de Calais, la Ville de Lille, le Conseil Général du Nord
L’Union Européenne à travers le projet Face2Face du programme de Coopération
Transfrontalière Interreg IVA, 2 Mers Seas Zeeën, Investir dans votre futur
Conception graphique : nocrea 2011
Impression : SNEL Grafics sa, Liège, Belgique
Directeur de publication : Eric Deneuville
Dépot légal 1er trimestre 2011
112
photographie extraite de I love Basildon, 2009, Miranda Sharp, p. 48
couverture : photographies extraites de Zaldiaren Orena,2010, Bertrand Dezoteux, p. 56

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