A la découverte de saint Benoît

"Quoi de plus doux, frères bien-aimés,
que la voix du Seigneur qui nous invite !"
Prologue de la Règle verset 19
Saint Benoît – granit du XIIIe siècle
A la découverte de saint Benoît
Les 6 et 7 avril, le groupe Partage et Prière, élargi à d'autres paroissiens, partait au
Prieuré d'Etiolles à la découverte de saint Benoît, en compagnie de frère Daniel Hubert.
Saint Benoît, moine du VIème siècle est considéré comme le Père du monachisme. "Ce
saint qui fut absolument incapable d'enseigner autrement qu'il ne vécut", inspiré par son
"désir de Dieu", ses propres combats contre la tentation (orgueil, chasteté, colère,
révolte …), par son aptitude au détachement et au pardon, écrivit une Règle qui reste un
modèle de préceptes de vie chrétienne non seulement pour les monastères bénédictins,
mais pour tout chrétien dans le monde. Encore aujourd'hui, plusieurs milliers de moines et
de moniales, de chrétiens séculiers vivent selon la spiritualité de cette Règle.
En 1964, le Pape Paul VI le proclame "Patron de l'Europe". Il reconnaissait ainsi, dans la
Règle de saint Benoît, une œuvre d'évangélisation, mais aussi de développement humain,
tant elle est emplie d'humilité, de sagesse, de charité fraternelle, de tolérance, de
mesure, de références pour le savoir-vivre ensemble, vertus universelles et intemporelles.
Une participante a témoigné après la rencontre : "le week-end m'a permis de connaître
saint Benoît et d'y voir la figure du Christ : force face à la tentation, pardon, prédication,
prière… Il m'a permis de comprendre qu'il y a beaucoup de façons d'être chrétien selon
ses dons, mais qu'il doit y avoir un équilibre entre prière et action". (Ne refuser ni
l'effort de son esprit ni celui de ses mains.)
L'itinéraire de saint Benoît est une aventure spirituelle unique, comme l'est chacun de nos
chemins. Mais il peut éclairer quelque peu le nôtre en nous invitant à ne chercher à plaire
qu'à Dieu seul, à "tourner le dos à nos volontés propres", à "ne rien préférer à l'amour du
Christ", à "ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu" (Règle chap 7, 19 – chap 4, 21
et 74), à nous réconcilier avec Dieu et nous-mêmes et à "désencombrer" notre cœur pour
aller vers l'essentiel : Jésus-Christ et les autres.
Michèle B.
Saint Benoît
vers 480 – vers 560
La seule biographie de saint Benoît est contenue dans le second livre des Dialogues du
pape saint Grégoire le Grand (590-604). Il écrit sa vie 40 ans après la mort de saint
Benoît et dispose de nombreux témoignages. Mais ce récit donne à la figure de saint
Benoît un aspect biblique, en faisant un portrait plus spirituel qu'historique (il s'appuie
particulièrement sur les miracles de saint Benoît).
Saint Benoît a rédigé une Règle de vie monastique communautaire pour ses disciples
(cénobites) dans laquelle, toujours avec "mesure", il organise la vie des moines et leur
enseigne les chemins de Dieu : mettre sa vie en accord avec la Parole de Dieu.
Il naît vers 480 peu après la fin de l'empire romain d'Occident, à Nursie dans la région
d'Ombrie, en Italie dans une famille de noblesse ancienne. La tradition fait de
Scholastique sa soeur jumelle. A l'adolescence, il partit à Rome pour des études
classiques. Mais il quitte rapidement Rome qui représente le monde et le vice.
"Avec l'esprit de seulement servir Dieu, il cherchait quelques lieux où il pourrait atteindre
son saint désir". (Dialogues de Saint Grégoire le Grand).
Premier passage : Le désir de Dieu
Il se retire à Effide (actuel Affide à 8 km de Subiaco), habité par le désir de Dieu. Il se
met en quête de l'habit monastique. Mais là il subit sa première tentation : les gens
alentour l'admirent, le louent et Benoît craint de s'élever, de s'enorgueillir de se
complaire dans une "vaine gloire". Il fuit et il s'établit dans une grotte étroite à Subiaco.
Dans sa fuite, il rencontre un moine, Romain, qui lui donne "l'habit de la sainte vie" et
l'aide autant qu'il le peut. Il y demeure 3 ans "inconnu des hommes sauf du moine Romain"
qui lui apporte à manger.
RB 4, 21
"Ne rien préférer à l'amour du Christ"
RB 72, 11 "Les moines ne préféreront absolument rien au Christ"
Prol 19-20 "Frères bien-aimés, qu'elle est douce la voix du Seigneur
qui nous invite. Voyez dans sa tendresse, le Seigneur nous
montre le chemin de la vie"
Désir de Dieu par un chemin de conversion permanente :
Prol 37
" La patience de Dieu veut t'amener à changer de vie, estce que tu ne le sais pas ?
Invitation pour nous-mêmes à désencombrer notre cœur pour libérer un espace et un temps
pour Dieu. Où en sommes-nous dans notre conversion ?
Deuxième passage : SUBIACO, solitude et tentations
Deuxième tentation : Après celle de la "vaine gloire", celle de la chair. Il est poursuivi
par l'image d'une femme connue autrefois. Décidé à quitter son désert pour la retrouver,
il voit un buisson de ronces et s'y jette. Les peines extérieures, selon les Pères
monastiques, chassent les peines intérieures. Dans sa Règle saint Benoît recommande
souvent les châtiments corporels, méthodes radicales que nous n'utilisons plus ; mais par
un travail manuel, un effort corporel, on peut vaincre la tentation ! Benoît sort libéré.
Désormais « l'homme de Dieu, semblable à une terre débroussaillée, peut se mettre
à fructifier avec fécondité pour la moisson des vertus. »
RB 2, 29
"Frappe ton fils avec le bâton.
Ainsi tu sauveras sa vie de la mort
RB 4, 59
"Ne pas céder aux mauvais désirs du corps"
RB 7, 19
"Tourne le dos à tes volontés"
RB Prol, 28 "Le Seigneur chasse loin des yeux de son cœur l'esprit du mal
qui le tente avec les mauvaises pensées qu'il donne.
Il jette à terre cet esprit et il détruit ses pensées.
Quand elles sont encore toutes petites,
il les prend et les écrase contre le Christ"
Comment résistons-nous à la tentation ? Comment nous réconcilier avec
Dieu et avec nous-mêmes ? Comment nous libérer pour devenir féconds ?
Troisième passage : tentation de colère et de révolte : le monastère Vicovaro
Des moines veulent faire de saint Benoît leur supérieur, mais il leur prédit et -sa
prédiction va rapidement se réaliser-, que sa manière ne leur conviendrait pas ; il
consentit pourtant, lassé par leurs prières". Pour les moines de Vicovaro, se remettre sans
cesse sur un chemin de droiture, de conversion est si difficile que cela débouche sur une
tentative d'empoisonnement par le vin : mais la carafe se brise quand Benoît prononce la
bénédiction.
"Pourquoi m'avoir fait cela mes frères ?
Benoît ne s'irrite pas, ne condamne pas. La tentation de la colère ne l'atteint pas. Il les
renvoie à eux-mêmes, à la miséricorde de Dieu.
Il part. Il revient "au lieu de sa chère solitude et, seul sous le regard de Celui qui voit d'en
haut, il habita avec lui-même" : il revient à son cœur !
Cette démarche est une démarche d'intériorité. Le péché tire hors de soi, la vie
spirituelle ramène à soi. Habiter avec soi-même, c'est vivre en présence de Dieu, rester
sous le regard de sa tendresse, vivre une relation d'amour avec Lui, dans le silence du
cœur.
"Le saint alla croissant en vertus et en miracles, dans le désert, attirant ainsi beaucoup de
gens pour se réunir là au service de Dieu tout-puissant".
Benoît, parce qu'il est un homme de Dieu, a acquis des charismes qu'il met au service de
ses frères. Rejoint par des compagnons, (saint Maur et saint Placide) il construit 12
monastères aux environs de Subiaco. Pourtant de nouveau, un prêtre jaloux tente de
l'empoisonner avec du pain qu'un corbeau apprivoisé refuse de manger; mais le prêtre s'en
prend aussi à ses disciples ; Benoît s'efface et se retire plus au sud dans une région plus
aride, moins chrétienne.
RB 4, 30 "Si on est injuste avec toi, souffrir cela avec patience"
RB 4, 22 "Ne pas agir sous le coup de la colère"
RB 4, 29
"Ne pas rendre le mal pour le mal
Comment mettons-nous Dieu et les autres dans notre vie ?
Quels choix faisons-nous ?
Où en sommes-nous avec les promesses de notre baptême ?
Quatrième passage : la désappropriation : le Mont Cassin
Vers 530 Benoît fonde une abbaye sur le Mont Cassin, à l'emplacement d'un ancien temple
dédié à Apollon.
La montagne est un symbole religieux : un sommet vers le ciel, à proximité de la présence
de Dieu.
Saint Benoît entre dans une nouvelle étape de sa vie : il devient un prédicateur énergique
de la foi. C'est la période de transmission : il établit à l'intention des moines une règle de
vie appelée ensuite Règle bénédictine qu'il achèvera vers 540.
Son expansion fut immense ; elle fut reprise et codifiée par saint Benoît d'Aniane (750821 ; bénédictin de Saint-Maur).
"Le saint qui fut absolument incapable d'enseigner autrement qu'il ne vécut"
La Règle de saint Benoît est un ensemble de préceptes de la vie
chrétienne ; elle décrit la vie matérielle et spirituelle des moines.
Elle est fondée sur l'équilibre entre le travail matériel et spirituel :
"ora et labora" prie et travaille.
Le moine ne refuse ni l'effort de son esprit ni celui de ses mains.
Les principes essentiels :
Modération
Silence (pour écouter la Parole qui est au cœur de la Règle)
Austérité (éloignement du monde et renoncement à toute possession)
Douceur faite de bonté, de d'amour évangélique et d'hospitalité
mais aussi Stabilité
Obéissance
Humilité
Pauvreté
Charité
Prière personnelle et communautaire (Eucharistie et 6 "petites heures" :
Laudes, Tierce, None, Vêpres, Complies, Vigiles "Sept fois par jour, j'ai
dit Ta louange RB 16, 1 )
Lectures saintes (lectio divina)
Comment organisons-nous notre vie de chrétien ? Quelle place à la prière ? Quelle
place pour le prochain ?
Cinquième passage : vivre le détachement
Benoît prédit la destruction du son monastère :"Tout ce que j'ai construit, tout ce que j'ai
préparé pour les frères est livré aux barbares, mais j'ai pu obtenir à grand peine que Dieu
me concède la vie de mes moines". Vers 580, la prophétie de saint Benoît, qui avait pleuré
sur la destruction de son monastère, se réalise. Le monastère sera incendié par les
Lombards. La dépouille de saint Benoît, retrouvée dans les ruines au VIIème siècle, fut
transférée dans la crypte de l'Abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire.
Toute la Règle rappelle que le souci des personnes est plus important que celui des biens,
mais vivre le détachement quand une partie de l'œuvre accomplie s'effondre, demande un
renoncement et un réajustement des valeurs : mettre le Christ et autrui au centre de nos
existences.
RB 5, 2
"Nous n'avons rien de plus cher que le Christ"
RB 5, 10 et 11 "L'amour presse ces moines de parvenir à
vivre avec Dieu pour toujours. C'est pourquoi
ils prennent courageusement le chemin étroit
quand il dit :"il est étroit le chemin qui conduit
à la vie".
La kénose : Où en sommes-nous sur le chemin de la kénose dont nous
parlait le père Juvénal ?
Dernier passage : entrer dans la lumière de Dieu
Vers 560, "le béni du Seigneur, Benoît le bien-aimé est monté au ciel"
Benoît a devancé l'heure des Vigiles. Il est debout à la fenêtre d'une tour, espace entre
terre et ciel. Il prie. Une lumière surpasse celle du jour "le monde entier, comme ramassé
sous un seul rayon de soleil … et l'âme du voyant se dilata".
Benoît reçoit une lumière intérieure, une lumière de révélation sans limite, infinie.
Il est temps pour Benoît de sortir de cette vie".
Il est accablé par la fièvre.
" Le mal s'aggravant de jour en jour, le sixième jour il se fit porter à l'oratoire par ses
disciples, et là, il reçut le corps et le sang du Christ pour en munir son départ. Puis
appuyant ses membres affaiblis sur les bras de ses disciples, il se mit debout, les mains
levées au ciel, et dans son dernier souffle murmurait des prières".
Avant de partir, Benoît se "munit", se fortifie pour une nouvelle route. Il meurt debout en
priant, soutenu par ses frères.
Conclusion du père Grégoire
"L'itinéraire de saint Benoît est une aventure spirituelle unique, comme est unique chacune
de nos trajectoires, chacun de nos chemins vers Dieu. Mais cet itinéraire singulier peut
venir éclairer quelque peu le nôtre.
Ainsi dans toute vie, des ruptures s'imposent à certains moments pour rompre avec ce qui
peut venir contrecarrer notre désir de Dieu. Des choix sont alors à faire, pas seulement à
des moments cruciaux de notre existence, mais dans le plus quotidien de nos vies.
Notre aventure personnelle nous incite à prendre un chemin qui nous sorte de notre
superficialité pour nous diriger vers ce lieu intime de nous-mêmes, où Dieu "réside comme
en un second ciel".
Une conversion est toujours à poursuivre. Nous sommes des êtres en gestation. Nous
avons à permettre à Dieu de nous faire peu à peu "accoucher" de nous-mêmes.
Il a ainsi la possibilité de nous ouvrir à sa vie, de changer notre regard afin de devenir ces
femmes et ces hommes debout, enracinés dans le terreau humain, le regard
intérieurement tourné vers Dieu et les bras ouverts aux autres, recevant d'eux et se
donnant à eux."
Extraits d'une prière à saint Benoît du Cardinal Roger Etchegaray
"…Notre époque est comme la tienne, aussi troublée, aussi chancelante ; mais grâce à toi
et à tous les saints, nous entrevoyons la révolte de l'Esprit capable de tout transfigurer…
Apprends-nous, Benoît, à ne plaire qu'à Dieu seul ; tu nous y fais découvrir la joie.
Ton message est une invitation à l'intériorité. Ton expérience est celle de l'homme
regagné à lui-même.
Benoît, apprends-nous le retour au cœur.
Apprends à chaque église domestique, à chaque famille, à avoir son lieu de beauté, son lieu
liturgique où l'on n'a que regard sur l'autre, où l'on est l'homme du dedans, car Dieu seul,
qui nous habite, nous suffit.
Apprends-nous un nouvel art de vivre ce personnalisme communautaire où les couples
contraires trouvent leur harmonie : autorité et liberté, personne et communauté, prière
et travail …"
Bibliographie :
"Pour une convivialité retrouvée" de Will Derkse (édition fidélité)
"La voie du chrétien dans le monde ; le chemin de saint Benoît (édition Cerf)