"morne delmas" en haïti
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"morne delmas" en haïti
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 ÉTUDE DU GONFLEMENT D'ÉCHANTILLONS DE MARNE DE LA FORMATION GÉOLOGIQUE "MORNE DELMAS" EN HAÏTI STUDY OF THE SWELLING OF MARL SAMPLES OF THE “MORNE DELMAS” GEOLOGICAL FORMATION IN HAITI Kelly GUERRIER1, Dominique BOISSON1, Jean-François THIMUS2, Christian SCHROEDER3 1 URGéo-FDS-UEH, Port-au-Prince, Haïti 2 GCE-IMMC-UCL, Louvain-la-Neuve, Belgique 3 BATir-ULB, Bruxelles, Belgique RÉSUMÉ — La formation géologique « Morne Delmas » constitue le substratum d'une grande partie de la région métropolitaine de Port-au-Prince, la capitale d'Haïti. Cette formation date du Pliocène et est caractérisée par une alternance d’argiles brunâtres parfois gonflantes et de sable calcaire. Plusieurs accidents géotechniques (glissements de terrain, mouvements de sols) liés à la nature de ces sols ont été recensés ces dernières années. Ainsi, des cas de fissurations de structures ont été observés dans certains secteurs de la formation de Delmas. Une analyse de la géométrie de ces désordres fait penser que ceux-ci peuvent être le résultat de gonflement/tassement différentiel sous les bâtiments. Ce travail se propose, sur base d'échantillons prélevés sur deux sites où des endommagements ont été répertoriés, de déterminer la nature précise de ces sols. Les essais géotechniques ont montré que les sols testés contiennent de l'argile et du carbonate de calcium dans des proportions variant entre 30 et 70 % et sont de plasticité non négligeable. De la montmorillonite et de la vermiculite ont été identifiées par diffractométrie RX. Le gonflement de ces sols a été mis en évidence par un essai de retrait/gonflement réalisé à l’aide d’un microscope électronique à balayage environnemental (INERISFrance). Ce gonflement peut développer des pressions qui varient entre 10 et 100 kPa dépendant des conditions de densité et de teneur en eau. L'amplitude du gonflement libre pour les échantillons les plus gonflants atteint 12 %. Les informations précédentes permettent de classifier ces échantillons de sol d’Haïti comme à gonflement élevé, préjudiciable aux constructions légères. L’aléa retrait/gonflement devra donc être pris en compte dans la planification de projets futurs concernant la formation Morne Delmas. ABSTRACT — The “Morne Delmas” geological formation is the bedrock of the larger part of the area of Port-au-Prince (Haiti). This formation of the Pliocene (Auboin et al., 1988; Butterlin, 1960) era is characterized by an alternation of swelling plastic clays and calcareous sand. Several geotechnical accidents (landslides, differential settlement/swelling) were located in this formation during the last years. This work proposes, using mineralogical and geotechnical methods, a framework for the Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 characterization of swelling of clayey soils of the "Morne Delmas" formation based on samples taken from two sites concerned by the problems of soils movements. 1. Introduction La problématique du gonflement des sols argileux retient fréquemment l'attention des ingénieurs et chercheurs en géotechnique par le fait que les nombreux dégâts résultant de ce phénomène coûtent cher en réparation des ouvrages endommagés (Vincent et al., 2008). Actuellement, plusieurs méthodes sont utilisées pour étudier ce genre de problème. Les approches minéralogiques comme la diffractométrie aux rayons X et la microscopie électronique à balayage environnemental (MEBE) permettent de déterminer la nature des minéraux argileux et leur potentiel de gonflement. En géotechnique, l'essai œdométrique est en général utilisé comme méthode directe pour déterminer la pression et l'amplitude du gonflement (Ozer et al., 2011). D'autres méthodes permettent d'évaluer l'amplitude du gonflement à partir de paramètres géotechniques simples à déterminer (limites d'Atterberg, granulométrie, teneur en carbonate, …). Ces méthodes indirectes ont l'avantage d'être moins coûteuses et plus rapides (Erguler et Ulusay, 2003). L'objectif de cette communication est de proposer, en utilisant des méthodes minéralogiques et géotechniques, une démarche pour la caractérisation du gonflement du sol argileux de la formation de "Morne Delmas" en se basant sur des échantillons prélevés sur deux sites concernés par des problèmes de mouvements de sol. Ainsi, deux échantillons identifiés S-09 et S-10, distants de 500 m environ, ont été prélevés dans le parc industriel SONAPI et un échantillon identifié B-11 a été prélevé au Bureau des Mines et de l'Énergie sur une colline à 2 km du parc industriel. La position des deux sites sera précisée à la figure 8. Les échantillons ont été prélevés à 2 m de profondeur dans un puits creusé manuellement. Les caractéristiques physiques de ces matériaux sont résumées dans le tableau 1. Tableau 1 : Caractéristiques physiques des sols utilisés Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 Étant donné les pourcentages d'argiles et de carbonates, ces trois sols peuvent être classifiés comme des marnes (Calembert et Pel, 1972). Le diagramme de Casagrande classifie, quant à lui, S-09 et B-11 comme des argiles inorganiques moyennement plastiques et S-10 comme une argile inorganique très plastique (Costet et Sanglerat, 1969). 2. Matériels et méthodes Cette section présente de manière succincte les méthodes minéralogiques et géotechniques utilisées pour estimer le gonflement du sol de la formation "Morne Delmas". 2.1. Méthodes minéralogiques d'estimation du potentiel de gonflement La microscopie électronique à balayage (MEB) permet d'observer les particules d'argile à l'échelle microscopique. Une microanalyse par rayons X (EDX : Energy Dispersive X-ray) réalisée avec le même appareil permet de déterminer la nature chimique des échantillons de sols utilisés. Les limites de cette technique, surtout en termes de netteté des images obtenues, poussent à utiliser la MEB environnemental (MEBE) dans l'étude des matériaux non conducteurs comme le sol. Ainsi, le MEBE est conçu tel que la pression dans la colonne de l'appareil soit différente de celle qui règne dans la chambre où est placé l'échantillon à observer. Le gaz d'ionisation utilisé est la vapeur d'eau ce qui a l'avantage de pouvoir humidifier et sécher le sol par une simple variation de température et de pression dans la chambre du MEBE (Maison, 2011). Ces essais sont réalisés sur la poudre de sol sans traitement préalable. Dans le cas qui nous concerne ici, les essais au MEBE débutent à 40% d'humidité relative pour atteindre 85% à la fin de l'essai en passant par des paliers de 60% et 80%. Des photos sont régulièrement prises durant l'essai et le gonflement est estimé en évaluant la variation de superficie des grains de taille supérieure à 50 µm. La diffractométrie aux rayons X (DRX) permet de déterminer la nature des minéraux contenus dans la fraction argileuse d'un échantillon de sol et donc de savoir, après des traitements appropriés, si les argiles présentes dans ce sol sont gonflantes ou non (en mesurant la distance entre les feuillets d'argile). 2.2. Méthodes géotechniques d'estimation du potentiel de gonflement L'essai œdométrique permet de mesurer de manière directe la pression et l'amplitude du gonflement. Un essai œdométrique de gonflement libre a été réalisé permettant de déterminer l'amplitude du gonflement et d'autres essais ont été réalisés en imposant une charge à l'échantillon au départ de l'essai dans le but d'observer de quelle manière le gonflement était contrecarré par une contrainte. Les méthodes indirectes permettent, à l'aide de certains paramètres géotechniques simples comme les limites de consistance d'Atterbeg, le pourcentage d'argile, la teneur en carbonate de calcium, la limite de retrait …, d'estimer le potentiel de gonflement d'un sol argileux. Par exemple, un sol ayant un indice de plasticité (Ip) Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 élevé peut être considéré comme à potentiel de gonflement très élevé (Lundgren et al., 1962; Yenes et al., 2012, Derriche et Cheik-Lounis, 2004). 3. Résultats et discussion Les résultats permettant de caractériser le gonflement du sol de "Morne Delmas" sont présentés ci-dessous. Ils sont accompagnés de commentaires justifiant les différentes interprétations des auteurs. 3.1. Observation au MEB et spectre EDX Les spectres EDX pour les échantillons S-09 et S-10, représentés à la figure 1 montrent que ces sols contiennent des taux élevés de calcium, de carbone et d'oxygène et d'autres éléments comme le magnésium et le silicium entrant dans la composition des argiles. Le fort taux de calcium indique la présence de carbonate de calcium, ce qui est en accord avec les résultats obtenus avec l'essai de détermination de teneur en chaux. Figure 1 : Spectre EDX des échantillons S-09 et S10 Figure 2 : Image au MEB des échantillons S-09 (gauche) et S-10 (droite) Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 3.2. Diffraction aux rayons X (DRX) La figure 3 illustre le spectre DRX des échantillons S-09 et S-10. Le passage des raies de 14Å à 17Å suite au traitement à l'éthylène glycol après saturation de l'argile au magnésium est caractéristique de la présence de la montmorillonite (Barrenechea, 1994). Figure 3 : Spectre DRX des échantillons S-09 et S-10 3.3. Observation au MEBE L'observation au MEBE de l'échantillon S-09 est illustrée à la figure 4. Les particules "3" et "5" ayant subi une augmentation de surface de respectivement 19,90% et 25,92%, on peut conclure que ce sont des particules de montmorillonite, montmorillonite mise en évidence par l'essai de diffraction aux rayons X réalisé sur ce même échantillon. Les particules "1", "2", "4", et "6" ont une déformation surfacique moindre et donc un gonflement moindre. Il pourrait s'agir de particules d'argiles du type vermiculite. Nous pensons que cette importante augmentation de surface peut avoir plusieurs explications. La première est que, pendant l'"inondation" de la chambre du MEBE à l'humidité relative de 90%, il soit possible que d'autres particules soient venues s'agglomérer à la particule "5" et contribuer à l'augmentation de sa surface. La seconde est que la particule "5" soit une particule d'argile gonflante de type smectite et que les autres soient des particules d'argiles moins gonflantes. La troisième explication est que le gonflement de certaines particules puisse être anisotrope (selon la disposition des feuillets d'argile) et donc imperceptible s'il se produit dans la direction perpendiculaire au plan d'observation. Une moyenne des déformations surfaciques a été calculée pour les particules de l'échantillon précédemment observé au MEBE. Celle-ci équivaut à 13,2%, ce qui est courant dans la littérature des sols gonflants. Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 Figure 4 : Photos dans le MEBE pour des humidités relatives allant de 40% à 85% 3.4. Estimation du gonflement avec des méthodes géotechniques indirectes Les méthodes empiriques relient des paramètres géotechniques simples au potentiel de gonflement. Ces paramètres sont principalement : l'indice de plasticité, la limite de retrait, l'indice de retrait, le pourcentage d'argile ou la limite de liquidité. Ils peuvent être employés seuls ou par combinaison. Le potentiel de gonflement des échantillons de sol S-09, S-10 et B-11 est illustré à la figure 5 qui combine les limites de liquidité et de plasticité pour évaluer le gonflement des sols. Le potentiel de gonflement de l'échantillon S-10 est élevé et les échantillons S-09 et B-11 sont à potentiel de gonflement moyen. Nous pensons que dans ce cas, la forte teneur en carbonate de calcium des échantillons S-09 et B-11 contribue à diminuer le gonflement des sols, d'où leur gonflement moyen (Afès et Didier, 1999; Bell, 1989; Cabane, 2005). Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 Figure 5 : Potentiel de gonflement des sols étudiés (Bekkouche et al., 2012) 3.5. Caractérisation du gonflement par les méthodes géotechniques directes Les pressions de gonflement ont été déterminées pour les sols S-09, S-10 et B-11, ces sols ayant été préalablement séchés à l'air. Les résultats obtenus sont de 54kPa pour le S-09, 101kPa et 11kPa pour B-11. Ces résultats concordent avec ceux obtenus avec les méthodes indirectes de l'évaluation du gonflement. Les essais de détermination de l'amplitude du gonflement sont illustrés par la figure 6. Le sol a été séché à 60 degrés (température recommandée dans la détermination des limites d'Atterberg pour ne pas détruire la structure des argiles). Le gonflement libre (0 kPa de charge imposée) atteint 12% à la fin de l'essai. Lorsqu'une contrainte de 28,75 kPa est imposée à l'échantillon pendant la durée de l'essai, le gonflement final est de près de 3% ce qui peut quand même provoquer un gonflement de 6 cm sur une couche d'une épaisseur de 2m. Cette contrainte correspond à celle exercée sur le sol par la façade d'un hangar industriel du parc. Au-delà de 54 kPa, le gonflement est totalement contrecarré par la contrainte et on observe même un tassement. Figure 6 : Amplitude du gonflement du sol S-10 Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 4. Conclusion Les résultats obtenus sur base de trois échantillons ont montré que la formation Morne Delmas est très hétérogène. Les sols de cette formation géologique sont des marnes de plasticité non négligeable. Des essais minéralogiques comme la DRX et la MEBE ont permis de prouver l'existence de minéraux gonflants (montmorillonite) dans les échantillons de sols testés. La MEBE a permis d'évaluer l'amplitude de ce gonflement par une méthode originale. Un gonflement moyen de 13% a été noté. Le potentiel de gonflement a aussi été évalué par des méthodes géotechniques indirectes. Ce potentiel de gonflement va de "moyen" pour les échantillons les moins gonflants à "élevé" pour le plus gonflant. L'amplitude du gonflement libre atteint 12% et n'est que de 3% si une contrainte équivalente à celle exercée sur le sol par la façade d'un hangar industriel est imposée à l'échantillon durant l'essai. Cet ensemble de méthodes pourrait être utilisé pour caractériser de façon plus fine le sol de la formation de Delmas ainsi que son gonflement. Actuellement, les techniques faisant appel aux images radars aident à la mise en évidence et au suivi de certains phénomènes. L'une d'elles est la technique de suivi des réflecteurs permanents appelée Persistant Scatterer Interferometry (PSI). Elle consiste en l'observation dans le temps des déplacements verticaux absolus de points à forte rétrodiffusion radar. Ces techniques ont déjà été appliquées en Haïti par J. Wasowski (2013) dans l'étude des glissements de terrain et des failles sismiques (figure 7). Nous pouvons constater que les sites de la SONAPI et du BME sont situés dans les zones où les déplacements verticaux sont positifs sont enregistrés. Cela est en accord avec le fait que les sols de la formation de Delmas ont un potentiel de gonflement non négligeable. Figure 7 : Image radar de Port-au-Prince et ses environs (Wasowski, 2013) Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2014 – Beauvais 8-10 juillet 2014 5. Perspectives Il serait intéressant de pouvoir réaliser des essais géotechniques en plusieurs points de celle-ci de façon à mieux la caractériser et établir une classification plus fine de ses terrains étant donné l'hétérogénéité de la formation de Delmas. Étant donné le potentiel de gonflement des sols de cette formation, des mesures directes à l'œdomètre permettraient d'établir des équations modèles donnant l'amplitude et la pression de gonflement en fonction d'autres paramètres géotechniques simples tels que les limites d'Atterberg, le pourcentage d'argile, le pourcentage de carbonate, … L’interférométrie radar est une méthode qui pourrait être utilisée pour délimiter les zones où il est susceptible de rencontrer le problème de retrait/gonflement des sols et surveiller les sites les plus à risque. Les travaux sur la minéralogie pourront être poursuivis notamment en ce qui concerne le MEBE. Il est possible de déterminer la pression de gonflement des argiles à l'aide de cette technique afin d'avoir un bon élément de comparaison avec les pressions de gonflement données par les méthodes géotechniques. Remerciements Les auteurs remercient la Commission Universitaire pour le Développement (CUD) qui a financé ce travail, l'URGéo-FDS-UEH et le GCE-IMMC-UCL qui ont fourni le cadre de travail, le Laboratoire National du Bâtiment et des Travaux Publics (LNBTP), le Bureau des Mines et de l'Énergie (BME) et la Société Nationale des Parcs Industriels (SONAPI) qui ont soutenu une bonne partie de la phase expérimentale des recherches. Ils remercient l'INERIS qui a permis l'utilisation de son MEBE pour obtenir certains résultats. Ils remercient les collaborateurs : Nicolas Breye, Colin Godefroid, Raphaël Janssens, Sébastien Maes, Vincent Popijn et François Simon. Ils remercient les techniciens de laboratoire : Eugène Bouchonville, Francis Goffin, Stéphane Gorski et Anne Iserentant. Merci à Colette Douchamps et Delphine Magnin pour leur aide dans la réalisation des essais au MEB. Références bibliographiques Afès M., Didier G. (1999). Stabilisation des sols gonflants : cas d'une argile en provenance de Mila (Algérie). Bulletin of Engineering Geology and the Environment. 59, 75-83. Aubouin J., Bourgueil B., Andreieff P., Contri J.-P., Le Berre P., Lecomte P., Le Metour J., Millon R., Rançon J.-P., VincentP.-C., Girault F., Gonnart R., Gou Y., Lanier J., Le Leuch H., Buneton A., Negroni P. (1988). Synthèse géologique de la République d'Haïti. Rapport technique. Bureau de Recherche Géologique et Minière (BRGM) and Bureau d'Études Industrielles et de Coopération de l'Institut Français du Pétrole. Barrenechea J. M. F. (1994). 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