évaluation de la qualité relative de deux habitats pour l`ours
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évaluation de la qualité relative de deux habitats pour l`ours
Direction du développement de la faune Direction de l’aménagement de la faune de l’Outaouais ÉVALUATION DE LA QUALITÉ RELATIVE DE DEUX HABITATS POUR L’OURS NOIR EN OUTAOUAIS À PARTIR DE CARACTÉRISTIQUES LIÉES À L’ALIMENTATION ET À L’HIBERNATION par Hélène Jolicoeur François Goudreault et Michel Crête Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs Octobre 2004 Référence à citer : JOLICOEUR, H, F. GOUDREAULT et M. CRÊTE. 2004. Évaluation de la qualité relative de deux habitats pour l’ours noir en Outaouais à partir de caractéristiques liées à l’alimentation et à l’hibernation. Ministère des Ressources naturelles, de la Faune et des Parcs, Direction du développement de la faune. Québec 79 pages. Dépôt légal – Bibliothèque nationale du Québec, 2004 ISBN : 2-550-42991-5 iii RÉSUMÉ De 1992 à 1995, nous avons utilisé les données de suivi télémétrique de 48 femelles adultes marquées en Outaouais avec des colliers émetteurs pour évaluer la qualité relative de deux habitats pour l’ours noir, un situé entièrement dans la forêt feuillue (secteur Pontiac = 560 km²) et l’autre, dans une zone de transition entre la forêt feuillue et la forêt mixte (secteur La Vérendrye = 707 km²). Les paramètres utilisés pour comparer ces deux territoires étaient, soit liés à l’alimentation (superficie et degré de chevauchement des domaines vitaux, date d’entrée en tanière, poids des oursons nouveau-nés et âgés d’un an, poids des femelles au début de l’hiver) ou associés à l’hibernation (variation hivernale du poids des femelles, température rectale, choix des tanières). Les résultats de cette comparaison tendent à démontrer que les deux secteurs sont de très bons habitats pour l’ours noir, mais que le secteur Pontiac procure aux ourses une nourriture plus riche, probablement attribuable à la présence accrue de tiges de chênes et de hêtres qui fournissent des fruits durs hautement énergétiques. En effet, à âge égal, le poids moyen des femelles adultes au début de l’hiver a été supérieur de 13 % à Pontiac ( x = 75,0 kg ± 2,8) à celui des femelles de La Vérendrye ( x = 65,8 kg ± 2,9; P = 0,030). De même, lors des visites de tanières (du 8 février au 4 mars), le poids moyen des oursons d’un an a aussi été plus élevé à Pontiac ( x = 18,7 kg ± 0,08) qu’à La Vérendrye ( x = 15,3 kg ± 0,73; P = 0,0031). Aussi, la majorité des femelles de Pontiac sont entrées dans leurs tanières plus tardivement (du 1er au 15 novembre) que celles de La Vérendrye (du 15 au 31 octobre; P = 0,0159). Une activité plus tardive à l’automne est habituellement associée à la disponibilité de faînes et de glands. Les autres paramètres vérifiés ont fait peu ou pas du tout ressortir de différences entre les deux territoires. Ainsi, la superficie des domaines vitaux a été la même dans les deux secteurs d’étude et peut être considérée comme relativement élevée. Le domaine vital moyen des femelles adultes des deux secteurs a été estimé à 49 ± 8,8 km² (P = 0,9288) avec la méthode des noyaux fixes et iv à 45 ± 6,1 km² avec celle du polygone convexe minimum (P = 0,7345). Chaque domaine vital était en moyenne chevauché par celui de 3 à 4 autres femelles et le pourcentage de chevauchement moyen entre les domaines vitaux de deux femelles voisines a été de 15,4 % ± 1,4 (n = 106 paires; P = 0,1982). Une tanière typique possédait une ouverture de 51 x 40 cm donnant sur un tunnel de 78 cm qui lui-même débouchait sur une chambre de forme sphérique de 75 x 78 x 77 cm. Le volume moyen de la chambre a été de 0,45 m³ et a varié en fonction du poids de l’animal (P = 0,0230) et l’état reproductif des femelles (P = 0,000). Le choix des tanières a été différent aussi entre les deux territoires (P = 0,001). Les femelles de Pontiac se sont abritées plus fréquemment sous des troncs d’arbres renversés ou encore dans des tanières creusées directement dans le sol, alors que les femelles de La Vérendrye ont creusé plus souvent leurs repaires sous le système racinaire des arbres. Tous ces types de tanières sont cependant considérés comme de très bons abris. Leurs propriétés isolantes sont de plus rehaussées par la couche de neige de 0,5 m qui recouvrait en moyenne le sol de Pontiac et de La Vérendrye. Le taux de réutilisation des tanières a été très faible (2,8 %) démontrant par là que cette ressource n’est pas limitante dans les deux territoires étudiés. Conséquence de cette qualité et de cette disponibilité d’abris hivernaux, la perte de poids des femelles au cours de l’hiver a été normale et la même entre les deux secteurs d’étude, soit 25 % ou un taux d’amaigrissement de 0,14-0,16 kg/jour. Chez les femelles des deux secteurs d’étude, le taux d’amaigrissement a varié significativement en fonction de la présence ou non d’oursons (P = 0,000) et du nombre d’oursons élevés par ces femelles (P = 0,0005). Les femelles non suitées ont perdu en moyenne 0,11 kg/jour, alors que les femelles qui avaient 1-2 oursons ou 3-4 oursons maigrissaient à un rythme respectif de 0,16 kg/jour et de 0,19 kg/jour. La température corporelle a été normale (36,5 ºC ± 0,87) pour des ours immobilisés et manipulés en hiver, et identique d’un territoire à l’autre (P = 1,000). Ceci confirme les qualités isolantes des tanières aménagées par les femelles, autant sur le plan thermique qu’acoustique. v Malgré la supériorité du secteur d’étude de Pontiac sur celui de La Vérendrye à bien des égards, l’habitat de Pontiac n’est pas le meilleur qui ait été documenté au Québec. Le Parc national de la Mauricie, situé également en forêt feuillue mais près des zones agricoles permet aux ourses qui y habitent d’acquérir un poids plus élevé au début de l’hiver et d’exprimer, par conséquent, une plus grande productivité. Comme la forêt feuillue est proche des habitations et facilement accessible, il est possible que l’apport de nourriture d’origine anthropique (ex : déchets alimentaires, appâts de chasseurs et de piégeurs) augmente artificiellement la productivité des populations d’ours dans le futur et intensifie le problème des ours importuns. vii TABLE DES MATIÈRES Page RÉSUMÉ ............................................................................................................. iii TABLE DES MATIÈRES ..................................................................................... vii LISTE DES TABLEAUX ....................................................................................... ix LISTE DES FIGURES........................................................................................... x LISTE DES ANNEXES ........................................................................................ xi 1. INTRODUCTION .............................................................................................1 2. OBJECTIF .......................................................................................................3 3. DESCRIPTION DES AIRES D’ÉTUDE............................................................4 4. MÉTHODE.......................................................................................................9 4.1 Capture, marquage des ours en été et suivi télémétrique......................9 4.2 Détermination de l’âge ...........................................................................9 4.3 Domaines vitaux...................................................................................10 4.4 Date d’entrée en tanière.......................................................................11 4.5 Localisation et visites des tanières.......................................................11 5. RÉSULTATS .................................................................................................14 5.1 Suivi télémétrique.................................................................................14 5.2 Visites des tanières ..............................................................................14 5.3 Paramètres liés à l’alimentation ...........................................................17 5.3.1 Superficie et chevauchement des domaines vitaux...................17 5.3.2 Dates d’entrée dans les tanières ...............................................18 5.3.3 Poids des oursons et des un-an en hiver ..................................18 5.3.4 Poids des femelles au début de l’hiver ......................................23 5.4 Paramètres liés à la conservation de l’énergie en hiver .......................23 5.4.1 Variation hivernale du poids des ourses....................................23 5.4.2 Température rectale et dérangement potentiel des ours ...........28 5.4.3 Choix des tanières.....................................................................28 6. DISCUSSION ................................................................................................36 6.1 Paramètres liés à l’alimentation ...........................................................36 6.1.1 Superficie des domaines vitaux .................................................36 6.1.2 Chevauchement des domaines vitaux.......................................37 6.1.3 Date d’entrée en tanière ............................................................38 6.1.4 Poids des oursons et des un-an en hiver ..................................40 6.1.5 Poids des femelles au début de l’hiver ......................................40 6.2 Paramètres liés à la conservation de l’énergie.....................................41 6.2.1 Variation de poids en hiver ........................................................41 viii 6.2.2 Choix des tanières.....................................................................43 6.2.3 Température corporelle .............................................................48 7. CONCLUSION...............................................................................................50 REMERCIEMENTS ............................................................................................53 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...............................................................55 ix LISTE DES TABLEAUX Page Tableau 1 : Résultats de l’analyse de variance concernant la taille des domaines vitaux des ourses selon leur statut reproductif (suitées ou non suitées), leur âge (≤ 6 ans ou ≥ 7ans) et le site d’étude (La Vérendrye ou Pontiac)............................................... 19 Tableau 2 : Pourcentage des ourses localisées au site de leurs tanières selon la période de l’année et de l’aire d’étude entre 1992 et 1994. ............................................................................................ 22 Tableau 3 : Poids moyen (kg ± ES) des oursons nouveau-nés et âgés d’un an en fonction des deux aires d’étude.......................................... 24 Tableau 4 : Poids moyen en kg (± ES) des ourses adultes (≥ 4 ans) de La Vérendrye et de Pontiac au début de l’hiver et lors de la période des visites de tanières et estimation de la perte totale de poids au cours de l’hiver.......................................................... 25 Tableau 5 : Perte de poids en kg (± ES) chez les ourses adultes (≥ 4 ans) des deux aires d’étude réunies entre le début de l’hiver et la période des visites de tanières en fonction de la taille de la portée et estimation de la perte totale de poids au cours de l’hiver............................................................................................ 26 Tableau 6 : Fréquence d’utilisation (%) des différents types de tanière en fonction de l’aire d’étude. 1992 à 1995. ....................................... 29 Tableau 7 : Fréquence (%) des différents éléments qui composent la couche qui recouvre le sol des tanières et sur laquelle reposent les ourses de La Vérendrye et de Pontiac au cours de l’hiver....................................................................................... 31 Tableau 8: Orientation de l’ouverture des tanières de La Vérendrye et de Pontiac. ........................................................................................ 33 Tableau 9 : Répartition (%) en fonction de l’inclinaison générale de la pente où se situaient les tanières d’ours à la Vérendrye et à Pontiac. ........................................................................................ 34 Tableau 10 : Importance (%) selon les aires d’étude des principaux types de peuplements forestiers utilisés par les ours pour l’aménagement de leurs tanières. 1992-1995. ............................. 35 x LISTE DES FIGURES Page Figure 1 : Limites des deux aires d’étude et localisation de la station météorologique de Lytton............................................................... 5 Figure 2 : Données de température prises à la station de Lytton entre 1990 et 1994. ................................................................................. 6 Figure 3 : Précipitations en neige et épaisseur de neige au sol telles que prises à la station de Lytton entre 1990 et 1994............................. 6 Figure 4 : Répartition des points de localisation télémétrique des femelles de La Vérendrye et de Pontiac. ..................................................... 15 Figure 5 : Répartition selon la date des visites de tanières d’ours à La Vérendrye et à Pontiac.................................................................. 16 Figure 6 : Fréquence des portées chez les femelles de La Vérendrye et de Pontiac. ................................................................................... 16 Figure 7 : Distribution spatiale des domaines vitaux des femelles à La Vérendrye et localisation de leurs tanières au cours des hivers 1993 à 1995. Méthode du polygone convexe minimum. .............. 20 Figure 8 : Distribution spatiale des domaines vitaux des femelles à Pontiac et localisation de leurs tanières au cours des hivers 1993 à 1995. Méthode du polygone convexe minimum. .............. 21 Figure 9 : Une ourse et son jeune d’un an endormis et prêts pour la prise de mesures. ................................................................................. 27 Figure 10 : Entrée typique d’une tanière avec sa forme ovoïde. .................... 30 xi LISTE DES ANNEXES Page Annexe 1 : Femelles qui ont été suivies de 1992 à 1995 à La Vérendrye et à Pontiac. ................................................................................. 69 Annexe 2 : Durée du suivi télémétrique des ours marqués à La Vérendrye et à Pontiac de 1992-1995. .......................................................... 73 Annexe 3 : Superficie (km²) des domaines vitaux d’ours noirs en Amérique du Nord. ....................................................................... 79 1 1. INTRODUCTION Les ours sont des créatures aux nécessités écologiques extrêmement souples. Cette flexibilité, acquise au fil de milliers d’années d’adaptation et qui les a fait passer d’une alimentation carnivore à omnivore, leur permet de vivre efficacement dans un environnement qui présente des opportunités alimentaires temporaires, dispersées et non prévisibles (Vander Heyden et Meslow 1999). Outre cette souplesse, les ours ont également développé plusieurs traits de caractère et stratégies gagnantes. Leur curiosité alimentaire constamment renouvelée, leur capacité d’apprentissage et de mémorisation, leur conversion efficace des sucres en réserves de graisse (Felicetti et al. 2003) et leur grande tolérance envers les autres ours sont quelques-unes des particularités ursines facilitant l’optimisation de la prise alimentaire et l’évitement des affrontements territoriaux coûteux en temps et énergie. Mais c’est l’hibernation qui constitue la réponse la plus raffinée déployée par les ours pour surmonter l’absence saisonnière de nourriture et les températures extrêmes. Cette adaptation permet aux ours de rester en état de dormance pendant des périodes allant de deux à sept mois sans manger, boire, déféquer ou uriner (Hellgren et al. 1990). Grâce au catabolisme des graisses sous-cutanées et, en moindres proportions, des protéines, les ours en hibernation maintiennent leur métabolisme à 70 % , leur température corporelle près de la normale (Folk 1967, Nelson et al. 1983, Hellgren et al. 1990, Tinker et al. 1998, Harlow et al. 2002) et, comble de raffinement, peuvent même exercer une des fonctions vitales les plus exigeantes, soit la mise bas et la lactation (Farley et Robbins 1995, Wright et al. 1999). La constitution d’importantes réserves adipeuses et le choix de bons sites de tanières sont des enjeux capitaux pour les ours. Les ressources alimentaires présentes dans l’habitat des ours doivent leur fournir entre 5 000 et 8 000 kcal/jour, de mai à septembre et entre 8 000 à 20 000 kcal/jour, du début de l’automne jusqu’à l’entrée en hibernation (Nelson et al. 1983). Compte tenu 2 du caractère opportuniste de l’ours et de la variabilité saisonnière et annuelle de la nourriture qu’il recherche, l’évaluation de la qualité d’un habitat de l’ours par le biais d’inventaire terrestre de la biomasse de nourriture disponible (fruits, feuilles racines, bulbes, etc.) et des sites potentiels de tanières, constitue une tâche colossale à laquelle bien peu de chercheurs se sont attardés jusqu’à maintenant (Noyce et Coy 1990, Powell et Seaman 1990, Costello et Sage 1994). Le développement d’outils théoriques et prévisionnels, comme les indices de qualité de l’habitat, a aussi été un moyen pour quantifier plus aisément le potentiel des habitats pour l’ours (Rogers et Allen 1987, McLaughlin et al. 1986, Kansas et Raine 1990, Fréchette 1992, Samson 1996, Hébert et al. 2001). Une autre approche, et c’est celle que nous tentons d’explorer dans ce rapport, permettrait d’évaluer la qualité relative de plusieurs habitats occupés par les ours marqués par le biais de paramètres liés à la prise alimentaire et à l’économie de l’énergie. Cette possibilité nous a été offerte dans le cadre du projet « Dynamique de population et optimisation de la récolte d’ours noirs en Outaouais », mené de 1992 à 1995 dans deux aires d’étude situées en Outaouais (Goudreault et al. 1992; Goudreault et al. (en préparation). Lors de ce projet, nous avons eu l’opportunité de munir des ours, principalement des femelles, de colliers émetteurs, de suivre leurs déplacements annuels et de les visiter dans leurs tanières pour connaître leur statut reproductif. 3 2. OBJECTIF L’objectif de ce rapport est d’estimer la qualité relative de deux habitats fréquentés par les ourses adultes marquées avec des colliers émetteurs à partir des paramètres suivants : Paramètres liés à la prise alimentaire : • la superficie moyenne des domaines vitaux annuels; • le degré de chevauchement des domaines vitaux; • la date d’entrée dans les tanières; • la masse corporelle des femelles en début d’hiver; • le poids des oursons d’un an en début d’hiver. Paramètres liés à l’économie d’énergie en hiver : • perte de poids entre la date d’entrée en tanière et la date de visite des tanières; • choix du type et de l’emplacement des tanières; • température rectale. 4 3. DESCRIPTION DES AIRES D’ÉTUDE La superficie des domaines vitaux et le comportement hivernal des ours en Outaouais ont été déterminés dans deux aires d’étude distinctes. L’une de ces aires d’étude était localisée dans la portion sud-est de la réserve de La Vérendrye (46º 47’/ 76º 16’) et l’autre était située dans le sud de la zec Pontiac (46º 23’/ 76º 26’; figure 1). Ces deux secteurs, que nous désignerons dans ce rapport par les simples termes de La Vérendrye et de Pontiac, avaient des superficies de 707 km2, dans le cas du premier, et de 560 km2 pour le deuxième. Ces superficies de références ont été obtenues par la superposition des domaines vitaux des ours, tels qu’établis à partir des localisations télémétriques. Les deux secteurs d’étude font partie de la zone climatique subpolaire douce (Gerardin et McKenney 2001). À la station météorologique de Lytton, située entre les deux aires d’étude (46º 30’/ 76º 02’; altitude 213 m; figure 1), la compilation des rapports de 1990 à 19941, a permis d’établir que la température moyenne se tient proche et en deçà de -10 ºC en décembre, janvier et février, qu’elle s’élevait graduellement à -5,6 ºC en mars pour atteindre finalement 3,8 ºC en avril (figure 2). Les précipitations totales de neige sont de l’ordre de 220 cm par hiver. Les précipitations maximales sont atteintes en janvier (70 cm) et février (60 cm; figure 3). L’épaisseur de neige au sol atteint un sommet en février (49 cm) et en mars (46 cm; figure 3). Dans les deux aires d’étude, la saison de croissance est considérée comme longue, c’est-à-dire d’une durée moyenne de 180 jours (min = 167 jours; max = 197 jours; Gerardin et McKenney 2001). Comme la zonation des températures est avant tout dépendante de la latitude, il est normal de trouver de petites différences entre les deux aires d’étude. Le territoire de Pontiac étant plus au sud, la saison de croissance 1 Aucune donnée pour l’hiver 1995 5 Figure 1 : Limites des deux aires d’étude et localisation de la station météorologique de Lytton. 6 15 Température maximale Température minimale Température moyenne 10 Degré Celsius 5 0 -5 -10 -15 -20 -25 Décembre Janvier Février Mars Avril Mois Figure 2 : Données de température prises à la station de Lytton entre 1990 et 1994. 80 Épaisseur de neige au sol 70 Précipitations en neige Centimètres 60 50 40 30 20 10 0 Décembre Janvier Février Mars Avril Mois Figure 3 : Précipitations en neige et épaisseur de neige au sol telles que prises à la station de Lytton entre 1990 et 1994. 7 est, par conséquent, plus longue et uniforme dans toute l’aire d’étude (184-193 jours). À La Vérendrye, la saison de croissance passe graduellement d’un intervalle de 184-193 jours à 174-183 jours en gagnant vers le nord de l’aire d’étude. Cette diminution progressive de la saison de croissance se traduit, de façon notable, au niveau de la composition des forêts. En effet, bien que les deux secteurs d’étude soient recouverts d’une bonne proportion d’essences feuillues (La Vérendrye = 49 %; Pontiac = 44 %), l’identité et l’importance des différentes essences diffèrent d’un endroit à l’autre. Le secteur de Pontiac, entièrement situé dans la zone de la forêt feuillue, est recouvert de forêts classées parmi les sousdomaines de l’érablière à bouleau jaune et hêtre et de l’érablière à bouleau jaune et tilleul. Les érablières, qui y sont dominantes, voisinent les hêtraies et, sur des sites xériques, des chênaies et des pinèdes (Thibault et Hotte 1987). Le secteur de La Vérendrye se retrouve, de son côté, dans une zone de transition entre la forêt feuillue et la forêt mixte. Au sud de l’aire d’étude, dans la portion dominée par les feuillus, on retrouve, comme à Pontiac, des forêts typiques du sousdomaine de l’érablière à bouleau jaune et hêtre et plus au nord, dans la partie de l’aire d’étude constituée en forêt mixte, des forêts appartenant au sous-domaine de la bétulaie jaune à sapin (Thibault et Hotte 1987). Ces forêts sont constituées d’une association de sapins baumiers (Abies balsamea), d’épinettes noires (Picea mariana) et de bouleaux à papier (Betula papyrifera) parsemées d’épinettes blanches (Picea glauca) et de trembles (Populus tremuloides). Au haut des pentes, on trouve des bosquets ou des sujets isolés d’érable à sucre et de bouleau jaune (Betula alleghaniensis). Les coupes forestières effectuées entre 1982 et 1991 ont perturbé les peuplements forestiers sur 13 % de la superficie de La Vérendrye et sur 8 % de celle de Pontiac. Conséquence de cette activité forestière, l’accessibilité par voie terrestre s’est avérée élevée dans les deux territoires. La densité de route 8 forestière a été de 0,52 km de route/km2 à La Vérendrye et de 0,41 km de route/km2 à Pontiac. Les ours des deux aires d’étude sont soumis à la chasse et au piégeage, mais c’est surtout la chasse qui constitue l’activité de prélèvement la plus populaire. Lors de l’étude, la densité d’ours de La Vérendrye a été évaluée à 0,17-0,18 ours/km2, alors que celle de Pontiac s’élevait entre 0,11-0,12 ours/km2 (Goudreault et al. (en préparation)). 9 4. MÉTHODE 4.1 Capture, marquage des ours en été et suivi télémétrique Un total de 48 femelles adultes (La Vérendrye = 26; Pontiac = 22; annexe 1), marquées dans le cadre du projet « Dynamique de population et optimisation de la récolte d’ours noir en Outaouais » (Goudreault et al. (en préparation)), ont servi en nombre variable pour documenter les différents volets de cette étude. Ces femelles, qui faisaient partie d’un groupe de 82 ours marqués avec des colliers émetteurs, ont été capturées au cours de l’été et de l’automne 1992 ainsi qu’à l’été 1993 à l’aide de lacets à patte de fabrication domestique (Jolicoeur et Lemieux 1992). Une fois capturés au piège, les ours étaient immobilisés avec un mélange à part égale de kétamine et de xylazine (Jolicoeur et al. 1994), puis mesurés. Les ours marqués avec des émetteurs radios ont été repérés à l’aide d’un Cessna 185 à une fréquence d’un repérage par semaine au début de l’étude (17 repérages en 1992, de juillet à novembre) et, par la suite, d’un repérage à toutes les trois semaines (9 repérages en 1993, de mai à novembre, et 7 repérages en 1994, d’août à novembre; annexe 2). Cette diminution de la fréquence des repérages a été attribuable à des restrictions budgétaires survenues en cours d’étude. 4.2 Détermination de l’âge Lors de la capture, une prémolaire était extraite pour connaître l’âge de l’animal. La technique utilisée pour déterminer l’âge des ours a été, dans un premier temps, celle du brûlage-rôtissage (Ouellet et Sarrazin 1978; Biotech Inc. Charlesbourg, Québec) puis a été substituée, par la suite, par la technique des coupes histologiques (Matson’s Laboratory, Missoula, Montana). La date anniversaire des ours a été établie dans cette étude au 1er février de chaque année. 10 4.3 Domaines vitaux Les spécimens retenus pour le calcul de la superficie des domaines vitaux et pour déterminer la date d’entrée en tanière devaient comporter un nombre minimal de 11 repérages télémétriques étalés sur une période variant de 14 à 16 mois. Le premier repérage correspondait à la capture de l’animal en juillet ou en septembre et le dernier, en automne, lorsque les ourses étaient à proximité ou à l’intérieur de leurs tanières. Parmi l’ensemble des femelles suivies, 31 d’entre elles ont répondu à ces critères, 23 en 1992-1993, et huit en 19931994 (annexe 1). Les aires vitales des ourses dans les deux secteurs de l’aire d’étude (La Vérendrye et Pontiac) ont été estimées à l’aide de la méthode des noyaux fixes (KERNELHR; Seaman et al. 1998) et de la méthode du polygone convexe minimum (Mohr 1947). Le logiciel KERNELHR utilise des méthodes de lissage avec un noyau non paramétrique pour estimer des fonctions de densités. Les aires vitales sont calculées en fonction de deux variantes : les noyaux fixes ou adaptables. Nous avons choisi les noyaux fixes calculés à partir d’une probabilité de contour de 95 % de la fonction de densité parce que les résultats obtenus à partir de simulations rapportent des contours d’aires vitales moins biaisés (Worton 1995). Le calcul de la superficie des aires vitales et de leur degré de chevauchement a été effectué à l’aide du logiciel ArcView (ESRI 1999). Le degré de chevauchement entre le domaine vital (DV) de deux femelles a été calculé à l’aide de la formule de Poole (1995 in Samson et Huot 2001) : % Chevauchement = 2 x aire commune entre le DV de A et de B (km²) x 100 DV de A (km²) + DV de B (km²) 11 L’âge, le statut reproductif des ourses et le site d’étude sont les plus susceptibles d’influencer l’amplitude des déplacements et, conséquemment, la taille de l’aire vitale. L’analyse de variance à trois facteurs (âge, statut reproductif et site), ayant chacun deux modalités, (≤ 6 ans et ≥ 7 ans; suitées et non suitées; La Vérendrye et Pontiac) a été effectuée à l’aide de la procédure GLM du progiciel SAS (SAS Institute Inc. 1990). L’âge des spécimens retenus est celui qui a été déterminé au moment de la capture. Une femelle était classée « non suitée » si elle était sans ourson (< 1 an) durant toute la période de suivi, et « suitée » si, à un moment ou l’autre de la période de suivi, elle était accompagnée d’au moins un ourson. La normalité des variances a été vérifiée à l’aide du test de Shapiro-Wilk. Quand un facteur ou les interactions de premier ou de second degré n’étaient pas significatifs (P > 0,05), ils étaient éliminés du modèle. 4.4 Date d’entrée en tanière La date d’entrée en tanière considérée dans cette étude a été la date mitoyenne entre la dernière localisation où l’animal était actif et la première localisation en tanière (Schooley et al. 1994). Trois groupes de femelles ont été considérés au niveau des analyses : les ourses gravides, non gravides et non gravides mais suitées. L’état reproductif actuel des femelles a été établi lors des visites de tanières. Les périodes retenues ont été les suivantes : du 1er au 15 octobre, du 16 au 31 octobre, du 1er au 15 novembre et après le 15 novembre. 4.5 Localisation et visites des tanières Les tanières ont été localisées grâce au signal radio émis par les ours et, au sol, par l’observation de détails particuliers (neige cristallisée, glaçons de couleur jaunâtre sur une branche ou une souche, branches fraîchement cassées, traces de griffes sur l’écorce des arbres, cris plaintifs émis par les oursons, etc.). Les visites de tanières se sont faites après la mise bas des oursons en suivant le protocole décrit dans Lemieux et Jolicoeur (1997). Les ourses ont été immobilisés avec du tilétamine-zolazépam (Télazol ®). Le dosage utilisé pour 12 endormir les ours a été de 5 mg/kg de poids vif. Une fois endormies et tirées hors de leurs tanières, les femelles, ainsi que leur progéniture (nouveau-nés et un-an), étaient pesées et mesurées. Pour les femelles adultes et les un-an, les mesures morphométriques prises de façon routinière étaient les suivantes : le poids à 500 gr près, la longueur totale, le tour du cou, le tour de poitrine, différentes mesures de pattes ainsi que la température rectale. Seul le poids était pris chez les nouveau-nés. Ces derniers étaient glissés dans un sac à soulier puis pesés à l’aide d’une balance à ressort de marque « Pesola » précise à 10 gr près. Avant de remettre les ourses et leur progéniture en place, différents croquis et mesures de tanières étaient pris, soit la largeur et la hauteur de l’ouverture, la profondeur du tunnel, le volume de la chambre principale et la composition de la litière. L’orientation de l’entrée a été déterminée à l’aide d’une boussole. La pente et le type de peuplement où se trouvait le repaire de l’ourse ont été évalués de façon subjective. Le poids des femelles à la mi-décembre (Y) a été estimé à partir de l’équation de Samson et Huot (1994) : Y = 9,41 + (2,16 X mp) + (0,96 X mf) ou mp = masse totale de la portée et mf = poids de la femelle lors de la visite de tanières Le taux quotidien de perte de poids a été obtenu en divisant la perte moyenne de poids entre la mi-décembre et le moment des visites de tanières par le nombre de jours séparant ces deux moments. Pour nos calculs, nous avons utilisé une 13 période de 68 jours, soit du 15 décembre au 20 février, date médiane des visites de tanières. Pour l’estimation de la perte de poids hivernal, nous avons utilisé une période de 120 jours (15 décembre au 15 avril). Les analyses statistiques relatives aux tanières (moyenne, tableau de contingence, analyse de variance, khi-carré, etc.) ont toutes été réalisées à l’aide du logiciel SAS (SAS Institute Inc. 1990). Le seuil de probabilité a été fixé à α = 0,05. 14 5. RÉSULTATS 5.1 Suivi télémétrique Il y a eu 17 repérages en 1992 (de juillet à novembre), neuf repérages en 1993 et sept repérages en 1994 (août à novembre; annexe 2). Lors de ces survols aériens, nous avons relevé, pour les femelles seulement, un total de 683 points de localisation télémétrique de femelles : 396 points à La Vérendrye et 286 points à Pontiac (figure 4). Nous avons éliminé 16 points que nous avons jugés excentrés et qui étaient situés entre les deux aires d’étude. Quinze de ces localisations atypiques étaient associées à des femelles de La Vérendrye et une seule localisation était attribuée à une femelle de Pontiac. Les ourses de La Vérendrye ont été repérées en moyenne à 23 reprises (minimum = 16; maximum = 27), tandis que celles de Pontiac l’ont été en moyenne 16 fois (minimum = 13; maximum = 21). 5.2 Visites des tanières Au cours des trois années de l’étude, nous avons visité 84 tanières (annexe 1). Deux de ces tanières ont été utilisées par les mêmes femelles au cours de deux années consécutives (taux de réutilisation de 2,4 %). Ces visites se sont étalées sur une période de 24 jours, soit du 8 février au 4 mars, le 20 février étant la date médiane. La majorité des visites ont été effectuées au cours de la semaine du 15 au 21 février (figure 5). Les visites ont été réalisées plus tôt en saison à La Vérendrye qu’à Pontiac. En effet, 61 % d’entre elles ont été faites à La Vérendrye alors qu’après cette date, la majorité des visites ont été effectuées à Pontiac (68 %). Au moment de la visite des tanières, toutes les femelles avaient déjà eu, selon nous, leurs petits. En effet, aucune femelle non accompagnée par des jeunes un hiver n’a été retrouvée avec des jeunes d’un an l’année suivante. Les femelles de La Vérendrye étaient, par rapport à celles de Pontiac, plus souvent seules dans leurs tanières (figure 6). Lorsque les femelles 15 Figure 4 : Répartition des points de localisation télémétrique des femelles de La Vérendrye et de Pontiac. 16 35 30 Nombre de visites 25 20 15 10 5 0 1-7 fév. 8-14 fév. 15-21 fév. 22-28 fév. 29 fév.-6 mars Semaine Figure 5 : Répartition selon la date des visites de tanières d’ours à La Vérendrye et à Pontiac. 16 La Vérendrye Pontiac 14 Nombre de femelles 12 10 8 6 4 2 0 0 1 2 3 4 Taille de la portée Figure 6 : Fréquence des portées chez les femelles de La Vérendrye et de Pontiac. 17 étaient accompagnées d’oursons, ceux-ci étaient plus fréquemment au nombre de deux, alors qu’à Pontiac, on retrouvait plus fréquemment trois oursons dans les tanières (figure 6). La taille moyenne des portées a été de 2,25 ± 0,14 oursons à La Vérendrye et de 2,30 ± 0,21 oursons à Pontiac. Ces deux moyennes ne diffèrent pas d’un territoire à l’autre (P = 0,6378). Le rapport des sexes des oursons nouveau-nés a été de 26M : 18F à La Vérendrye et de 24M : 18F à Pontiac (P = 0,8548), alors que celui des un-an a été de 12M : 7F à La Vérendrye et de 16M : 9F à Pontiac (P = 0,9541). L’âge moyen des femelles visitées a été semblable entre les deux territoires (P = 0, 2100). En effet, il a été de 8,5 ans ± 0,6 (n = 33) à la Vérendrye et de 7,5 ans ± 0,6 (n = 23) à Pontiac. Cinq femelles (deux à La Vérendrye et trois à Pontiac) sont sorties subitement de leurs tanières à notre approche ou après l’injection de l’immobilisant. Ces femelles ont pu être replacées dans leurs tanières après leur immobilisation. Une femelle à la Vérendrye est morte peu après avoir été injectée avec le produit immobilisant et les restes de trois autres femelles (une à La Vérendrye et deux à Pontiac) ont été trouvées, au printemps suivant, à proximité de l’ouverture de leurs tanières. Les ossements de l’une d’entre elles ont même été trouvés dans une autre tanière que celle visitée à l’hiver précédent. Cet incident suggère que la femelle avait élu domicile dans une autre tanière après notre passage. 5.3 Paramètres liés à l’alimentation 5.3.1 Superficie et chevauchement des domaines vitaux L’aire vitale moyenne des 31 ourses suivies durant la période d’étude, a été selon la méthode des noyaux fixes de 49 km2 ± 8,8 (min = 6 km²; max = 137 km²). Avec la méthode du polygone convexe minimum, la taille du domaine vital a été de 45 km² ± 6,1 (min = 6 km²; max = 124 km²). Il n’y a pas de différence significative entre les deux aires d’étude au niveau de l’aire vitale moyenne et ce, ni avec la méthode des noyaux fixes (La Vérendrye = 50 km²; 18 Pontiac= 49 km²; P = 0,9288) ni avec celle du polygone convexe minimum (La Vérendrye = 47 km²; Pontiac = 43 km²; P = 0,7345). La taille du domaine vital n’a pas varié non plus en fonction de l’âge (P =0,24) ni du statut reproductif des femelles (P = 0,72; tableau 1). Le degré de chevauchement moyen entre le domaine vital d’une femelle et celui de ses voisines, évalué avec la méthode des noyaux fixes, a été de 15,4 % ± 1,4 et ne diffère pas entre les deux aires d’étude (La Vérendrye = 13,7 %; Pontiac = 17,4 %; P = 0,1982; n = 106 paires). Avec le polygone convexe minimum, le degré de chevauchement a été de 17,7 % ± 1,7 (LaVérendrye) = 14,8 %; Pontiac = 21,3 % ; P = 0,0675; n = 91 paires). Le domaine vital d’une femelle est chevauché en moyenne par 3-4 domaines vitaux (min = 1; max = 9) d’autres femelles, ce qui laisse très peu d’espace exclusif pour chacune des femelles à l’intérieur de leur propre aire vitale (figures 7 et 8). 5.3.2 Dates d’entrée dans les tanières La plupart des observations retenues pour l’analyse de fréquence proviennent de l’automne 1992 (76 %). D’après nos résultats, les ourses de Pontiac ont eu tendance à hiberner plus tard que celles de La Vérendrye (P = 0,0159). En effet, 85 % des ourses de La Vérendrye étaient déjà dans leurs tanières au 15 novembre comparativement à 67 % des ourses à Pontiac (tableau 2). Le statut reproductif n’a pas eu d’influence sur la date choisie pour hiberner. 5.3.3 Poids des oursons et des un-an en hiver Les oursons de La Vérendrye pesaient en moyenne 0,97 kg ± 0,04, alors que ceux de Pontiac avaient un poids moyen de 1,1 kg ± 0,07 (tableau 3). Le plus petit ourson pesé avait un poids de 0,4 kg (visite effectuée le 9 février à La Vérendrye) et le plus lourd atteignait 2,2 kg (visite effectuée le 25 février à 19 Tableau 1 : Résultats de l’analyse de variance concernant la taille des domaines vitaux des ourses selon leur statut reproductif (suitées ou non suitées), leur âge (≤ 6 ans ou ≥ 7ans) et le site d’étude (La Vérendrye ou Pontiac). Degré de liberté Somme des carrés Valeur de F Valeur de P Statut 1 0,628 0,13 0,72 Âge 1 6,780 1,45 0,24 Site 1 0,156 0,03 0,86 Statut/Âge 1 1,387 0,30 0,59 Statut/Site 1 2,281 0,49 0,49 Âge/Site 1 4,489 1,03 0,32 Statut/Âge/Site 1 0,239 0,05 0,82 Facteurs 20 Figure 7 : Distribution spatiale des domaines vitaux des femelles à La Vérendrye et localisation de leurs tanières au cours des hivers 1993 à 1995. Méthode du polygone convexe minimum. 21 Figure 8 : Distribution spatiale des domaines vitaux des femelles à Pontiac et localisation de leurs tanières au cours des hivers 1993 à 1995. Méthode du polygone convexe minimum. 22 Tableau 2 : Pourcentage des ourses localisées au site de leurs tanières selon la période de l’année et de l’aire d’étude entre 1992 et 1994. Total (n) Aires d’étude Période La Vérendrye Pontiac 1er -15 octobre 3,8 (n = 1) 0,0 (n = 0) 2,4 (n = 1) 16-31 octobre 50,0 (n = 13) 6,7 (n = 1) 34,1 (n = 14) 1er -15 novembre 30,8 (n = 8) 60,0 (n = 9) 41,5 (n = 17) 16 novembre + 15,4 (n = 4) 33,3 (n = 5) 21,9 (n = 9) 23 Pontiac). La différence de poids entre les deux territoires chez les oursons nouveau-nés n’est pas significative (P = 0,2669) alors qu’elle l’est chez les oursons d’un-an (P = 0,0031). Un an après leur naissance, les oursons de La Vérendrye montraient un écart de poids de 3,5 kg (La Vérendrye = 15,2 kg; Pontiac = 18,7 kg; tableau 3). 5.3.4 Poids des femelles au début de l’hiver En hiver, le poids moyen des femelles de La Vérendrye ( x = 65,8 ± 2,9) a été inférieur à celui des femelles de Pontiac ( x = 75,0 ± 2,8) et ce, autant au début de l’hiver (9,2 kg; P = 0,030) qu’après trois mois d’hibernation, soit au moment des visites de tanières (8,0 kg; P = 0,038; tableau 4). La différence entre les deux territoires est en moyenne de 8,5 kg ou 13 % du poids moyen des femelles en début d’hiver et au moment de la visite des tanières. 5.4 Paramètres liés à la conservation de l’énergie en hiver 5.4.1 Variation hivernale du poids des ourses La perte de poids entre le début de l’hiver et la période de visite des tanières varie de 9,8 kg (14,9 %) à La Vérendrye, à 11 kg (14,7 %) à Pontiac (tableau 4) ce qui représente un taux quotidien d’amaigrissement de 0,14 kg/jour à La Vérendrye et de 0,16 kg/jour à Pontiac. Cette différence de poids dans le temps est significative autant dans le premier territoire (P = 0,000) que dans le second (P = 0,000). Appliquée à la durée de l’hiver (120 jours), la perte de poids représenterait respectivement 25,5 % et 25,6 % du poids des femelles au moment de leur entrée en tanière (tableau 4). La perte de poids varie également en fonction du nombre d’oursons dans la portée (tableau 5). Entre le début de l’hiver et le moment de la visite des tanières, les femelles sans ourson ont perdu en moyenne 7,5 ± 0,14 kg (n = 19), 24 Tableau 3 : Poids moyen (kg ± ES) des oursons nouveau-nés et âgés d’un an en fonction des deux aires d’étude. Aires d’étude Oursons Un-an La Vérendrye 0,97 ± 0,04 (n = 44) 15,3 ± 0,73 (n = 19) Pontiac 1,06 ± 0,07 (n = 42) 18,7 ± 0,08 (n = 25) Total 1,02 ± 0,04 (n = 86) 17,2 ± 0,6 (n = 44) Tableau 4 : Poids moyen en kg (± ES) des ourses adultes (≥ 4 ans) de La Vérendrye et de Pontiac au début de l’hiver et lors de la période des visites de tanières et estimation de la perte totale de poids au cours de l’hiver. Aire d’étude Perte de poids Poids moyen Visite des tanières H2 H1 - H2 Taux quotidien Hiver kg Kg/jour % La Vérendrye (n = 33) 65,8 ± 2,9 56,0 ± 2,7 9,8 ± 0,42 0,14 25,5 Pontiac (n = 23) 75,0 ± 2,8 64,0 ± 2,6 11,0 ± 0,58 0,16 25,6 25 Début de l’hiver H1 Tableau 5 : Perte de poids en kg (± ES) chez les ourses adultes (≥ 4 ans) des deux aires d’étude réunies entre le début de l’hiver et la période des visites de tanières en fonction de la taille de la portée et estimation de la perte totale de poids au cours de l’hiver. Perte de poids Période Taille de la portée Début de l’hiver Visite des tanières H1 H2 H1 - H2 Taux quotidien Hiver kg Kg/jour % 55,6 ± 3,1 48,1 ± 3,2 7,5 ± 0,14 0,11 23,7 1-2 (n = 22) 75,0 ± 2,5 64,1 ± 2,6 10,9 ± 0,34 0,16 25,6 ≥3 (n = 15) 79,4 ± 3,0 66,3 ± 2,9 13,1 ± 0,46 0,19 28,7 26 0 (n = 19) 27 soit 13,5 % de leur poids, alors que les femelles suitées perdaient 10,9 ± 0,34 kg (n = 22; 14,5 % de leur poids) lorsqu’elles avaient entre un ou deux jeunes, et 13,1 ± 0,47 kg (n = 15; 16,5 % de leur poids) lorsqu’elles avaient plus de trois oursons (tableau 5). Considérant les deux territoires réunis, la perte de poids est significativement différente entre les femelles suitées et non suitées (P = 0,000) et entre les femelles qui ont un à deux petits et celles qui en ont trois et plus (P = 0,0005). Ces pertes de poids en fonction de la taille de la portée sont constantes d’un territoire à l’autre, autant du côté des femelles non suitées (La Vérendrye = 7,5 kg et Pontiac = 7,4 kg; P = 0,7648) que de celui des femelles accompagnées de un à deux oursons (La Vérendrye = 10,7 kg et Pontiac = 11,2 kg; P = 0,5447) et de trois oursons (La Vérendrye = 13,4 kg et Pontiac = 12,9 kg; P = 0,5706). Figure 9 : Une ourse et son jeune d’un an endormis et prêts pour la prise de mesures. et plus 28 La perte de poids quotidienne représente un taux de 0,11 kg/jour chez les femelles non suitées, de 0,16 kg/jour pour les femelles qui ont entre un et deux oursons et, finalement, de 0,19 kg/jour chez les femelles qui ont plus de trois oursons (tableau 5). Extrapolée pour la durée de l’hiver, la perte de poids totale serait, par rapport au poids du début de l’hiver, de 23,7 % chez les femelles non suitées, de 25,6 % chez les femelles accompagnées de un à deux oursons et de 28,7 % chez les femelles qui ont donné naissance à trois et quatre oursons (tableau 5). 5.4.2 Température rectale et dérangement potentiel des ours La température rectale des ourses mesurée après leur immobilisation a été de 36,5 ºC ± 0,87 (n = 74). Les températures minimale et maximale ont été respectivement de 33,0 ºC et de 39,8 ºC. Trois femelles seulement ont eu des températures rectales supérieures à 39,0 ºC. La température corporelle des ourses visitées à La Vérendrye et à Pontiac a été exactement la même (P = 1,000). 5.4.3 Choix des tanières Les tanières les plus fréquemment rencontrées dans cette étude ont été des tanières creusées, soit sous le système racinaire d’un arbre ou directement dans le sol (59,1 % ; n = 49). Viennent ensuite les tanières aménagées sous des amas ligneux comme des troncs d’arbre renversés ou des amas de matière végétale (31,3 % ; n = 26) et finalement, les tanières qui prennent avantage d’une cavité naturelle comme un tronc d’arbre creux et une cabane de castor (9,6 % ; n = 8; tableau 6). Les types de tanières sélectionnées par les ourses n’ont pas été les mêmes à La Vérendrye qu’à Pontiac (P = 0,0009, dl = 4, n = 83). En effet, les tanières creusées dans le système racinaire ont été plus fréquentes à La Vérendrye alors qu’à Pontiac, ce sont les tanières aménagées sous un tronc d’arbre renversé ou creusées directement dans le sol qui ont été le Tableau 6 : Fréquence d’utilisation (%) des différents types de tanière en fonction de l’aire d’étude. 1992 à 1995. Type Aires d’étude Description de la tanière La Vérendrye Creusée Cavité Pontiac Creusée sous le système racinaire d’un arbre vivant, mort ou d’une souche 60,0 (n = 27) 21,0 (n = 8) 42,2 (n = 35) Creusée directement dans le sol ou dans un remblai sans abri au-dessus de l’ouverture 11,1 (n = 5) 23,7 (n = 9) 16,9 (n = 14) Aménagée sous un tronc d’arbre renversé 15,6 (n = 7) 34,2 (n = 13) 24,1 (n = 20) Aménagée sous un amas de déchets de coupes forestières 2,2 (n = 1) 13,2 (n = 5) 7,2 (n = 6) Aménagée à l’intérieur d’un arbre creux debout ou couché 11,1 (n = 5) 5,3 (n = 2) 8,4 (n = 7) - 2,6 (n = 1) 1,2 (n = 1) Aménagée dans un ancien terrier de castor 29 Amas Total 30 plus fréquemment rencontrées (tableau 6). Le type de tanière utilisée a également varié entre les années (P = 0,001, dl = 8, n = 83). Finalement, le choix d’un type de tanière ne se fait pas en fonction du poids de l’animal (P = 0,465), ni de son âge (P = 0,304), ni de son statut reproductif (P = 0,178). Une tanière typique possède une ouverture moyenne plus large que haute de 51 cm par 40 cm (figure 10) donnant sur un tunnel d’une longueur moyenne de 78 cm. Ce tunnel donne accès à une chambre ayant une forme quasi sphérique de 75 cm de hauteur, par 78 cm de largeur et par 77 cm de profondeur et occupant un volume moyen de 0,45 m3. Sur le sol de la tanière, les ourses accumulent une couche de matière végétale d’environ 8 cm d’épaisseur. Cette litière est composée de 2 à 3 éléments différents, principalement des brindilles de toutes sortes (35,8 %) et des feuilles (32,1 %; tableau 7). Figure 10 : Entrée typique d’une tanière avec sa forme ovoïde. 31 Tableau 7 : Fréquence (%) des différents éléments qui composent la couche qui recouvre le sol des tanières et sur laquelle reposent les ourses de La Vérendrye et de Pontiac au cours de l’hiver. Aires d’étude Éléments composant la litière Total La Vérendrye Pontiac Brindilles + racines 36,7 (n = 36) 34,8 (n = 32) 35,8 (n = 68) Feuilles 32,7 (n = 32) 31,5 (n = 29) 32,1 (n = 61) Écorces1 + copeaux 13,3 (n = 13) 7,6 (n = 7) 10,5 (n = 20) Fougères 9,2 (n = 9) 7,6 (n = 7) 8,4 (n = 16) Branches de sapin 3,1 (n = 3) 6,5 (n = 6) 4,7 (n = 9) Lycopodes + mousse 2,0 (n = 2) 7,6 (n = 7) 4,7 (n = 9) Herbacées 3,1 (n = 3) 3,4 (n = 3) 3,2 (n = 6) Humus durci 0,0 (n = 0) 1,1 (n = 1) 0,5 (n = 1) 1 Principalement de bouleau (Betula sp.), de Thuya (Thuya occidentalis) et de pin (Pinus sp.). 32 Le volume de la chambre varie en fonction du poids de l’animal (P = 0,023) et de l’état reproductif des femelles (P = 0,000). Les tanières des individus pesant 55 kg et moins ont des chambres de 0,31 m3 (n = 28), alors qu’à partir de 56 kg, le volume moyen est de 0,57 m3 (n = 51). Les femelles non gravides, souvent plus petites, occupent des tanières qui ont en moyenne 0,23 m3 (n = 20). Les femelles gravides vivent, quant à elles, à l’intérieur d’une chambre de 0,51 m3 (n = 35), alors que les non gravides mais suitées s’aménagent des tanières encore plus vastes de l’ordre de 0,64 m3 (n = 24). Finalement, le volume de la chambre ne diffère pas en fonction du lieu (La Vérendrye = 0,44 m³; Pontiac = 0,50 m³; P = 0,4818), du nombre d’oursons dans la portée et cela ni chez les femelles gravides (P = 0,2088), ni chez les femelles non gravides mais suitées (P = 0,8999). L’ouverture des tanières que nous avons visitées était généralement orientée vers l’est (35,8 %) et vers le sud (29,6 %; tableau 8). La pente sur laquelle se trouvaient les tanières était de faible (48,1 %) à nulle (37,0 %; tableau 9) et les peuplements dans lesquels elles se situaient étaient de composition mixte (42,2 %) ou feuillue (32,5 %; tableau 10). Aucune différence significative n’a été trouvée entre les deux aires d’étude en ce qui concerne l’orientation de l’ouverture (χ2 = 5,97; dl = 3; P = 0,111; n = 83), la pente (χ2 = 5,66; dl = 3; P = 0,138; n = 83) ou encore, le type de peuplement (χ2 = 1,75; dl = 3; P = 0,628; n = 83). 33 Tableau 8: Orientation de l’ouverture des tanières de La Vérendrye et de Pontiac. Total Aires d’étude Orientation La Vérendrye Pontiac Est 45,5 (n = 20) 24,3 (n = 9) 35,8 (n = 29) Sud 22,7 (n = 10) 37,8 (n = 14) 29,6 (n = 24) Ouest 15,9 (n = 7) 24,3 (n = 9) 19,8 (n = 16) Nord 15,9 (n = 7) 13,5 (n = 5) 14,8 (n = 12) 34 Tableau 9 : Répartition (%) en fonction de l’inclinaison générale de la pente où se situaient les tanières d’ours à la Vérendrye et à Pontiac. Total Aires d’étude Pente La Vérendrye Pontiac Nulle 44,2 (n = 19) 28,9 (n = 11) 37,0 (n = 30) Faible 41,9 (n = 18) 55,3 (n = 21) 48,1 (n = 39) Moyenne 7,0 (n = 3) 15,8 (n = 6) 11,1 (n = 9) Forte 7,0 (n = 3) 0,0 (n = 0) 3,7 (n = 3) 35 Tableau 10 : Importance (%) selon les aires d’étude des principaux types de peuplements forestiers utilisés par les ours pour l’aménagement de leurs tanières. 1992-1995. Total Aires d’étude Peuplements La Vérendrye Pontiac Feuillus 28,9 (n = 13) 36,8 (n = 14) 32,5 (n = 27) Mixtes 44,4 (n = 20) 39,5 (n = 15) 42,2 (n = 35) Résineux 20,0 (n = 9) 15,8 (n = 6) 18,1 (n = 15) Bûchers 6,7 (n = 3) 7,9 (n = 3) 7,2 (n = 6) 36 6. DISCUSSION 6.1 Paramètres liés à l’alimentation 6.1.1 Superficie des domaines vitaux Chez plusieurs espèces animales, des liens ont été établis entre l’abondance des ressources alimentaires et la grandeur du domaine vital ou du territoire. En général, plus la nourriture est abondante et plus le domaine vital est de petite taille (Ebersole 1980, Hixon 1980, Schoener 1983). Chez l’ours, cette relation entre la disponibilité de la nourriture et la grandeur du domaine vital n’a pas été directement démontrée, mais on suppose qu’elle existe puisque plusieurs chercheurs ont noté des variations importantes dans la superficie du domaine vital les années où la nourriture d’été ou d’automne était rare (Garshelis et Pelton 1981, Rogers 1977, 1987, Pelchat et Ruff 1986, Powell et al. 1996, Hammond 2002). Dans notre étude, les ourses de La Vérendrye et de Pontiac ont parcouru annuellement une même superficie (49 km²) et ce, peu importe leur âge ou leur statut reproductif. Même en considérant 100 % des points de localisation, les superficies utilisées restent les mêmes entre les deux territoires. Ceci suggère donc, qu’à la base, les deux territoires offrent, par km², suffisamment de ressources alimentaires pour assurer la survie des ourses et leur permettre de se reproduire. La superficie des domaines vitaux annuels des ours est extrêmement variable d’un endroit à l’autre et d’un sexe à l’autre. Les auteurs de différentes études semblent s’entendre sur le fait que la taille du domaine vital des mâles est plus grande que celle des femelles. De fait, les femelles peuvent vivre dans des espaces variant entre 2 et 172 km², alors que les mâles parcourent annuellement des superficies allant de 5 à 351 km² (annexe 3). Par rapport aux autres études effectuées en Amérique du Nord, la superficie moyenne des domaines vitaux, que nous avons mesurés, est élevée mais pourrait être légèrement surestimée. En effet, la méthode des noyaux fixes que nous avons employée est, selon Naef- 37 Daenzer (1993), Worton (1995), Seaman et Powell (1996) plus précise que la méthode des moyennes harmoniques ou des polygones convexes minimum, généralement utilisée par les autres chercheurs, mais a tendance à surestimer la taille des aires vitales lorsque les échantillons sont < 30 (Seaman et al. 1998). Bien que les estimateurs de noyaux soient non paramétriques, leur exactitude dépend quand même de la distribution des données et, par conséquent, de la taille des échantillons. Puisque le nombre moyen des repérages télémétriques était dans notre étude assez faible, particulièrement à Pontiac, la taille moyenne du domaine vital des ourses a donc pu être influencée à la hausse et c’est dans le secteur Pontiac que la surestimation aurait été la plus importante. 6.1.2 Chevauchement des domaines vitaux Le degré de chevauchement moyen entre deux domaines vitaux contigus a également été associé à la qualité de l’habitat et à l’abondance de la nourriture naturelle (Garshelis et Pelton 1981, Pelchat et Ruff 1986, Rogers 1987, Kasbohm et al. 1998, Leblanc 2000), mais l’étroitesse de ce lien est loin d’avoir été démontré hors de tout doute. D’autres facteurs, telles la présence très localisée de sources de nourriture hautement énergétiques (faînes, dépotoirs, coupes récentes, appâts (Pacas et Paquet 1994)) ou encore, l’instabilité sociale créée à la suite de prélèvement par la chasse et le piégeage (Klenner 1987), peuvent favoriser l’outre passement des frontières des domaines vitaux. Même s’ils partagent des portions de leurs domaines vitaux, les ours s’évitent habituellement dans le temps, minimisant ainsi les combats et interactions négatives coûteuses en énergie (Lindzey et Meslow 1977, Garshelis et Pelton 1981). Quelques auteurs seulement, dont Rogers (1987), Jonkel et Cowan (1971), Fuller et Keith (1980), Young et Ruff (1982), ont rapporté chez des ourses des domaines vitaux exclusifs, ce qui les a amenés à parler de territorialité chez ces dernières, mais dans la plupart des études nord-américaines, les chercheurs ont 38 observé du chevauchement entre les domaines vitaux. Le degré de recoupement entre ces derniers peut aller de 34 à 89 % chez les femelles adultes et de 30 à 100 % chez les mâles (Sauer et al. 1969, Amstrup et Beecham 1976, Lindzey et Meslow 1977, Reynolds et Beecham 1980, Garshelis et Pelton 1981, Kolenosky et Strathern 1987, Klenner 1987, Powell 1987, Pacas et Paquet 1994, Hirsch et al. 1999, Hammond 2002). Au Québec, l’importance du chevauchement des domaines vitaux, entre paires de femelles, a été plutôt faible, de l’ordre de 14-24 % (Samson et Huot 2001, Leblanc 2000, présente étude). La diversité des ressources alimentaires sur le territoire et une répartition relativement hétérogène de celles-ci à l’intérieur de chaque domaine vital pourraient expliquer ce faible empiètement territorial. 6.1.3 Date d’entrée en tanière L’entrée en tanière est principalement stimulée par la diminution des ressources alimentaires, la condition physique des ours et, de façon moindre, par la baisse des températures automnales combinée à l’intensité des précipitations en pluie ou l’arrivée des premières chutes de neige (Lindzey et Meslow 1976, Johnson et Pelton 1980, Beecham et al. 1983, Schwartz et al. 1987, Kolenosky et Strathern 1987, Schooley et al. 1994, Linnell et al. 2000). D’une année à l’autre, ces facteurs interagissent selon un ordre d’importance variable. Plus on va vers le nord et plus l’entrée en tanière se fait tôt (Linnell et al. 2000). En Alaska, les ours entrent en hibernation de la fin septembre à la mi-octobre (Schwartz et al. 1987, Smith et al. 1994). Sous nos latitudes, cela se fait, selon les années en octobre et en novembre (Tietje et Ruff 1980, Hugie 1982, Beecham et al. 1983, O’Pezio et al. 1983, Kolenosky et Strathern 1987, Samson et Huot 1994, Leblanc 2000, présente étude), alors qu’au centre et au sud des États-Unis, les ours entrent en tanière en décembre ou en janvier (Johnson et Pelton 1980, Wooding et Hardisky 1992, Weaver et Pelton 1994). 39 La chronologie d’entrée en tanière varie également en fonction du sexe ou de l’état reproductif des femelles. Normalement, les femelles gestantes s’engagent dans leur dormance hivernale avant les femelles non-gestantes et les mâles (Johnson et Pelton 1980, Tietje et Ruff 1980, Hugie 1982, O’Pezio et al. 1983, Schwartz et al. 1987, Schooley et al. 1994; Kasbohm et al. 1996, Oli et al. 1997). Là où il y a du hêtre, le moment où les ours entrent en hibernation semble être en relation avec la disponibilité de leurs fruits (Hugie 1982, Schooley et al. 1994). Ce phénomène s’est également vérifié au Parc national de la Mauricie. À cet endroit, les femelles sont restées actives après le 31 octobre les années où les faînes étaient abondantes et sont entrées en tanière avant cette date quand celles-ci étaient rares (Samson et Huot 1994, Larivière et al. 1994). Au Maine et au Parc national de la Mauricie, les années de fortes productions de faîne étaient, dans les années 1990, synchronisées avec les années paires (McLaughlin 1998, Samson et Huot 1994, 1998). En dehors de l’aire de distribution du hêtre, l’abondance d’autres sources de nourriture peut conditionner la chronologie de dormance hivernale des ours, mais avec peut-être moins de régularité (Beecham et al. 1983, Schooley et al. 1994, Leblanc 2000). Par exemple, à Forillon, les ours sont entrés en tanière au cours des deux dernières semaines d’octobre en 1997, année de faibles ressources alimentaires, et étaient encore actifs le 6 novembre 1998, année où la production de nourriture était excellente (Leblanc 2000). Au niveau de nos deux aires d’étude, nous pensons que les faînes de hêtre étaient une ressource alimentaire très recherchée par les femelles de Pontiac et par certaines femelles de La Vérendrye. Pour compenser la rareté de cette ressource à l’intérieur de La Vérendrye, des femelles de cet endroit, qui avaient leurs domaines vitaux dans la portion sud de cette aire d’étude, se sont déplacées sur de grandes distances pour aller se nourrir dans des érablières à hêtre situées entre les deux aires d’étude. Ces peuplements étaient très fréquentés si on en juge par le nombre de marques de griffes sur l’écorce des 40 hêtres et l’abondance de crottins détectés au sol. Quant aux femelles de Pontiac, leur dépendance à l’égard des faînes de hêtre était plus grande et s’est traduite par une synchronisation de leur activité en fonction de l’abondance de ces fruits. Ceci explique pourquoi les ourses de Pontiac sont entrées en tanière plus tard que les femelles de La Vérendrye et, en particulier, à l’automne 1992, année de bonne production de faînes (Samson et Huot 1994). L’importance des faînes pour les ours est telle que McLaughlin (1998) croit que la diminution des tiges de hêtres, à la suite de maladie et de coupes excessives ou inappropriées, pourrait affecter la productivité des femelles de l’état du Maine. 6.1.4 Poids des oursons et des un-an en hiver Le poids des nouveau-nés ne diffère pas d’une aire d’étude à l’autre mais la date de visite des tanières pourrait en être la cause. En effet, à poids égal, les oursons de Pontiac sont probablement plus jeunes que ceux de La Vérendrye étant donné que 68 % des visites de tanières à Pontiac se sont faites après la date médiane des visites. La différence entre les deux territoires apparaît cependant plus clairement au niveau des oursons âgés de 12 mois. Le fait que le poids moyen des oursons d’un-an de Pontiac soit significativement plus grand que ceux de La Vérendrye peut être une indication que l’habitat de la zec est de meilleure qualité, sur le plan énergétique, que celui de la réserve, puisque les oursons de cet âge s’alimentent de façon solide depuis plusieurs mois déjà. La différence entre les deux territoires n’est pas attribuable à un plus grand nombre de mâles dans l’échantillon d’oursons d’un-an ni au niveau de la taille moyenne des oursons, puisque ces deux paramètres ne diffèrent pas d’un lieu à l’autre. 6.1.5 Poids des femelles au début de l’hiver Il est généralement reconnu que les femelles gestantes ont, au début de l’hiver, une masse corporelle beaucoup plus importante que les femelles non-gestantes (Delgiudice et al. 1991, Harlow et al. 2002) et que cette différence est attribuable à une accumulation de réserves adipeuses sous-cutanées (Harlow et al. 2002). 41 Selon les endroits, cet écart de poids entre les femelles reproductrices et non reproductrices peut atteindre 30-40 kg (Samson et Huot 1994, Harlow et al. 2002). En Outaouais, les femelles qui avaient des oursons pesaient effectivement de 19 à 24 kg de plus que celles qui n’en n’avaient pas. Ce dépôt pré-hivernal de graisse chez les femelles de nos deux aires d’étude ne représente cependant que 50 % de celle acquise par les femelles du Parc national de la Mauricie. Comme l’âge moyen des femelles étudiées en Outaouais était beaucoup plus élevé (La Vérendrye = 8,5 ans ± 0,6; Pontiac = 7,5 ans ± 0,6) que celui des femelles suivies en Mauricie (Samson et Huot 1994; x = 5,7 ans ± 0,3), nous en déduisons que l’écart de poids entre les femelles provenant de l’Outaouais et de la Mauricie est bien réel et non pas le produit d’un quelconque artifice d’échantillonnage. Ces résultats suggèrent que l’accumulation pré-hivernale de graisse chez les ourses en Outaouais peut être considérée comme faible, surtout dans le secteur La Vérendrye, et qu’il existe finalement dans le sud du Québec des habitats à ours plus riches que ceux que nous avons documentés dans cette étude. 6.2 Paramètres liés à la conservation de l’énergie 6.2.1 Variation de poids en hiver Pour maintenir leur métabolisme de base actif et se reproduire, les ours utilisent les graisses comme carburant. Ces réserves adipeuses fournissent 92 % de l’énergie dépensée par les femelles reproductrices durant l’hiver. Le reste de l’énergie est procuré par la dégradation des protéines à la fin de l’hiver (Harlow et al. 2002). Les réserves de graisse et, par conséquent, la masse corporelle des ours, diminuent donc au cours de l’hiver. L’amaigrissement hivernal, observé en début d’hiver et extrapolé à toute la durée de l’hiver, est dans notre étude semblable entre les deux aires d’étude (26 % ) et se compare assez bien avec celui noté ailleurs dans d’autres études. En effet, la perte de poids hivernale normale se situe autour de 24 % (Maxwell et al. 1988, Tinker et al. 1998). Elle peut augmenter considérablement si la tanière est mal isolée (Maxwell et al. 42 1988), si l’animal est dérangé fréquemment ou doit changer de tanière (Tietje et Ruff 1980, Hellgren et al. 1990) ou encore, en fonction du statut reproductif de l’ours. La perte peut alors varier de 8 à 20 % chez les ours qui ne se reproduisent pas (femelles nullipares et mâles) et de 25 à 40 % chez les femelles qui se reproduisent (Tietge et Ruff 1980, Watts et al. 1981, Kingsley et al. 1983, Watts 1990, Farley et Robbins 1995, Samson et Huot 1995). La perte de poids calculée chez les femelles qui ne se reproduisent pas et les mâles traduit la demande énergétique de base pour maintenir un ours en hibernation (Harlow et al. 2002). Exprimée sous forme de taux quotidien d’amaigrissement, la perte de poids chez des ours non en reproduction, gardés en captivité ou observés en nature, se situe autour de 0,07-0,12 kg/jour (Craighead et al. 1976, Tietje et Ruff 1980, Farley et Robbins 1995, Samson et Huot 1995, Harlow et al. 2002, présente étude) mais peut s’élever jusqu’à des valeurs aussi élevées que 0,18-0,26 kg/jour chez des animaux gardés en captivité et dérangés fréquemment pour des prises de mesures (Hellgren et al. 1990, Watts 1990). Ce sont les femelles en reproduction qui ont les exigences énergétiques les plus élevées. Plus elles ont d’oursons et plus leur taux d’amaigrissement est rapide. Selon Farley et Robbins (1995), chaque kilogramme perdu par la mère se traduit par un gain de poids de 0,7 kg pour l’ourson. Le taux d’amaigrissement calculé pour les femelles qui ont eu, dans notre étude, entre un et deux petits (0,16 kg/jour) a été inférieur à celui au taux de 0,19 kg/jour mesuré au Parc national de la Mauricie (Samson et Huot 1995) et au taux de 0,20 kg/jour calculé dans les Rocheuses par Harlow et al. (2002). Le taux que nous avons obtenu pour les femelles qui ont eu des portées de trois à quatre oursons (0,19 kg/jour) est également plus bas que le taux de 0,24 kg/jour constaté par Samson et Huot (1995) chez les femelles du Parc national de la Mauricie. La différence entre les taux mesurés en Outaouais et en Mauricie réside, d’après nous, dans la taille moyenne des portées qui a été plus élevée en Mauricie ( x = 2,6 oursons/portée; 43 Samson et Huot 1994) que dans nos deux aires d’étude réunies ( x = 2,3 oursons/portée; (Goudreault et al. (en préparation)). 6.2.2 Choix des tanières Type de tanières En Amérique du Nord, les chercheurs ont décrit environ huit types de tanières regroupées en cinq catégories. Il y a les cavités naturelles (cavernes, troncs d’arbre creux, cabanes de castors), les excavations (sous un arbre, dans un remblai), les amas de matière végétale (troncs d’arbres renversés, débris de coupes forestières) et les nids, c’est-à-dire une couche posée sur le sol (Tietge et Ruff 1980; Johnson et Pelton 1981, Hugie 1982, Beecham et al. 1983; Le Count 1983; Kolenosky et Strathern 1987, Schwartz et al. 1987, McDonald et Fuller 1998; Hayes et Pelton 1994; Samson et Huot 1994; Smith et al. 1994; Kasbohm et al. 1996). La fréquence de ces types de tanières et leur emplacement est fonction davantage de la disponibilité des sites ou matériaux (Hayes et Pelton 1994) ou de la sévérité de l’hiver (Wooding et Hardisky 1992) que le produit d’une sélection particulière (Beecham et al. 1983, Klenner et Kroeker 1990, Hayes et Pelton 1994; Samson et Huot 1994; Leblanc 2000). De façon générale, les tanières excavées et les cavernes sont les types de tanières les plus utilisées dans les régions nordiques (Tietje et Ruff 1980, Hugie 1982, Beecham et al. 1983, Schwartz et al. 1987, Klenner et Kroeker 1990, Smith et al. 1994), alors que les troncs creux et les nids sont les plus communément rencontrés au sud (MacLentz et Marchinton 1983, Wooding et Hardisky 1992, Weaver et Pelton 1994, Kasbohm et al. 1996, Linnell et al. 2000). Les tanières sont très différentes sur le plan physique mais elles sont semblables sur le plan fonctionnel (Hayes et Pelton 1994). Leur rôle est avant tout d’offrir une protection thermique pour réduire la perdition de chaleur et conserver l’énergie de l’ours pour assurer sa survie durant l’hiver. Elles servent aussi à 44 protéger ses occupants des inondations printanières, des prédateurs comme le loup et les ours mâles (Rogers 1977, Tietje et Ruff 1980, Smith et Follman 1993, Davis et Harestad 1996) ainsi que du dérangement causé par les humains (Erickson et al. 1964, Linnell et al. 2000). D’après McDonald et Fuller (1998), les tanières ne sont pas toutes égales sur le plan de l’isolation thermique. Les tanières creusées ou celles se retrouvant dans des cavités (arbres creux, cavernes, cabanes de castor) possèdent les meilleures qualités isolantes, tandis que le degré d’isolation des tanières aménagées sous des amas de matière végétale ou encore les nids posés directement au sol, offrent des caractéristiques moyennes sur le plan de la protection thermique. Par contre, le degré d’isolation de ces dernières peut être rehaussé grandement pour devenir excellent selon l’épaisseur de neige au sol ou la densité des buissons qui les entourent (Hayes et Pelton 1994). De façon générale, les tanières construites par des femelles, surtout celles qui sont gestantes, sont plus élaborées (ex : tanières creusées, troncs d’arbre) et offrent une meilleure protection que celles construites par les mâles (Erickson et al. 1964, Lindzey et Meslow 1976, Johnson et Pelton 1981, Hugie 1982, MacLentz et Marchinton 1983, Alt et Gruttadauria 1984). Ceux-ci utilisent plutôt les amas de branches, les troncs d’arbre renversés et au sud, les nids. Plusieurs chercheurs ont suggéré la possibilité d’un lien entre la qualité thermique d’un type de tanière et le taux de survie des oursons (Jonhson et al. 1978, Alt 1984, Hayes et Pelton 1994, Linnell et al. 2000). Malgré les efforts en ce sens, McDonald et Fuller (1998) n’ont pu établir une relation entre le type de tanières sélectionnées et le succès de reproduction des femelles ainsi que le taux de survie des jeunes. Dans notre étude, presque tous les types de tanières ont été rencontrés, sauf les cavernes et les nids. Les tanières occupées par les femelles de La Vérendrye et de Pontiac sont d’excellente qualité et devraient offrir une protection thermique maximale ainsi qu’un fort sentiment de sécurité (Hayes et Pelton 1994). Même si la proportion de tanières creusées dans le sol et aménagées dans des cavités est inférieure à Pontiac (54 %) par rapport à La Vérendrye (82 % ), nous 45 pensons que cela n’a pas dû affecter de façon significative le bilan énergétique des femelles de Pontiac, étant donné qu’un épais manteau de neige (0,5 m) recouvre normalement le sol de ces deux territoires et assure ainsi une excellente protection thermique. Taux de réutilisation Le taux de réutilisation d’une même tanière varie de 5 à 58 % pour les tanières creusées (Lindzey et Meslow 1976; Tietge et Ruff 1980; Beecham et al. 1983; Alt et Gruttadauria 1984, Le Count 1983; Schwartz et al. 1987; Kasbohm et al. 1996; Smith et al. 1994, Oli et al. 1997, présente étude) et de 70 à 100 % pour les cavités naturelles (Schwartz et al 1987). Le taux de réutilisation dépend finalement de la solidité de la construction (Beecham et al. 1983). Les tanières excavées s’effondrent très souvent au printemps lors de la fonte des neiges (Lentfer et al. 1972) et les amas se décomposent ou se tassent avec le temps. La réutilisation des tanières se fait donc dans les quelques années suivant sa construction (Alt et Gruttadauria 1984). Selon le cas, les tanières peuvent être réutilisées de une à trois fois, soit par le même ours (41 %), des ours différents (33 %) ou encore, par la progéniture femelle de certaines ourses (11 %; Alt et Gruttadauria 1984). Ce sont les tanières de femelles qui sont le plus souvent convoitées (95 %), surtout par des descendants de même sexe (Alt et Gruttadauria 1984). Le changement fréquent de tanières constituerait une stratégie pour diminuer les risques de prédation et de transmission des maladies (Alt et Gruttadauria 1984). Le taux de réutilisation que nous avons observé (2,4 %; n = 2/83) est donc très faible et démontre que l’habitat des deux aires d’étude offrait un choix de bons sites de tanières et que cela ne constituait pas un facteur limitatif. 46 Dimension des tanières Sur le plan de la protection thermique, une tanière doit être juste assez grande pour permettre à son occupant ou ses occupants de lever la tête et de se retourner sur lui-même. Un espace d’air de 25 cm au-dessus du corps recroquevillé de l’ours est considéré comme suffisant pour équilibrer le budget énergétique (Maxwell et al. 1988). La grandeur de la chambre d’une tanière est fonction du poids des ours (Tietje et Ruff 1980). Comme les femelles sont généralement plus petites que les mâles (Lessard et al. 2002), il est normal que les tanières de femelles soient de dimensions réduites par rapport à celles des mâles. Au Maine, Hugie (1982) a trouvé que le volume moyen des tanières des mâles adultes était, dans ses deux aires d’étude (Spectacle Pond et Stacyville), de 0,78 m³ et de 0,90 m³. En Idaho, la dimension moyenne des tanières de mâles était de 0,84 m³ (Beecham et al. 1983) alors qu’en Alberta, il était de 1,17 m³ (Tietje et Ruff 1980). Pour les ourses adultes du Maine, la taille moyenne de la chambre était, dans les deux aires d’étude ci-haut mentionnées, de 0,36 m³ et de 0,53 m³ et en Alberta, elle était de 0,80 m³ (Tietje et Ruff 1980). Les tanières les plus petites sont celles des femelles solitaires, puis viennent celles des femelles avec oursons puis finalement celles des mâles. Les dimensions des tanières varient également en fonction de l’état reproductif des femelles. Le volume moyen d’une tanière de femelle solitaire, accompagnée d’oursons de l’année ou d’oursons d’un an a été respectivement de 0,63 m³, 0,88 m³ et 0,68 m³ dans le centre est des États-Unis. En Outaouais, ces valeurs sont de 0,26 m³, 0,53 m³ et 0,63 m³. Les tanières visitées en Outaouais sont plus petites que celles mesurées au centre est des États-Unis (Virginie/Caroline du Nord; Hellgren et Vaughn 1989) et en Alaska (Smith et al. 1994) probablement en raison de la différence de poids qui existe entre les ours du Québec et de ces différents lieux (Kennedy et al. 47 2002, Lessard et al. 2002). Même si la masse corporelle des ourses de La Vérendrye était inférieure à celle des femelles de Pontiac, cela ne s’est pas traduit au niveau de la dimension de leurs tanières. L’accumulation d’une couche épaisse de matière végétale et recouvrant 80 % du sol de la tanière augmente la valeur thermique de la tanière puisqu’elle isole la partie du corps de l’ours en contact avec le sol. À l’automne, cette couche est plus épaisse, en moyenne 14 cm, puis elle se tasse par la suite (Tietje et Ruff 1980). La présence de cette litière semble être plus courante chez les femelles que chez les mâles (Hugie 1982). La présence de cette litière a également été notée par plusieurs chercheurs (Tietje et Ruff 1980, Beecham et al. 1983, Schwartz et al. 1987, Klenner et Kroeker 1990, Hayes et Pelton 1994, Hellgren et Vaughan 1989, Smith et al. 1994). Exposition, pente et type de peuplements L’emplacement d’une tanière et l’orientation de son entrée par rapport au couvert dominant et à la pente varient beaucoup d’une région à une autre et semblent à ce point complexes à ceux qui les ont étudiés (Tietje et Ruff 1980, Beecham et al. 1983, Goodrich et Berger 1994, Hayes et Pelton 1994, Smith et al. 1994, Schwartz et al. 1987) que toute généralisation en ce sens nous paraît extrêmement risquée. Il semble toutefois que toutes les combinaisons d’éléments du milieu qui pourraient favoriser l’accumulation en hiver de la neige, la persistance de celle-ci au printemps (exposition nord ou est, peuplement de conifères), la stabilité de la neige (arbustes denses), l’égouttement des eaux (pente légère à forte) lors des dégels hivernaux et printaniers ainsi que la tranquillité des ours (éloignement des routes et des vallées) seraient recherchés par les ours. Les données que nous avons recueillies en Outaouais ne révèlent guère d’indices qui iraient en ce sens, sauf peut-être une plus grande fréquence d’exposition nord (37 % ), une pente faible (46 %) et l’utilisation un peu plus fréquente de peuplements mixtes plutôt que feuillus en combinant les deux aires 48 d’étude. La précision de nos méthodes de collecte de données, basés sur une évaluation subjective, et l’absence de comparaison avec la disponibilité de ces éléments est peut-être, dans ce cas-ci, à mettre en cause. 6.2.3 Température corporelle La température rectale normale d’un ours actif en été varie entre 37-38 ºC mais s’abaisse légèrement en hiver pour se maintenir entre 31-35 ºC (Hock 1957, Folk 1967, Hellgren et al. 1990, Hellgren 1998). Deux facteurs peuvent faire fluctuer la température corporelle d’un ours au cours de son repos hivernal : la température à l’intérieur de la tanière et le dérangement à la suite d’un stimulus extérieur (Craighead et al. 1971). Normalement, de décembre à février, la température à l’intérieur de la tanière diminue progressivement lors de la période des grands froids puis remonte à partir de mars. Plus la tanière est profonde ou isolée par la neige et plus les écarts de température sont atténués. Lorsque la température de l’ours approche 32 ºC, un mécanisme physiologique se met en marche pour réchauffer l’animal de quelques degrés. Le réchauffement du corps peut aussi survenir à la suite d’un stimulus externe. Dans ces cas-là, les modifications physiologiques provoqués par le dérangement suivent probablement la chronologie suivante : éveil, légère élévation de la température corporelle ou des battements cardiaques, mouvements à l’intérieur de la tanière, élévation de la température corporelle à son niveau normal accompagnée d’une augmentation de 60-80 % du métabolisme (Linnell et al. 2000). Des changements significatifs au niveau de la température corporelle, par exemple 2ºC en deux heures, peuvent même amener l’ours à abandonner sa tanière. Dans les études effectuées ailleurs, les températures rectales enregistrées au cours des visites de tanières en février ont varié de 35,3 ± 0,6 (Craighead et al. 1971) sur des ours non drogués à des température 36,1 ± 1,9 ºC (Beecham et al. 1983) et de 36,8 ± 0,1 ºC (Hellgren et al. 1990) sur des ours immobilisés et tirés hors de leurs tanières. La température rectale moyenne que nous avons 49 mesurée lors de notre étude (36,5 ºC) s’harmonise assez bien avec les résultats de ces chercheurs et nous rassure quant au degré de dérangement que notre intrusion à l’intérieur des tanières aurait pu provoquer. En effet, selon Linnell et al. (2000), la principale cause d’abandon de tanières en hiver est le dérangement causé par les chercheurs lors des visites de tanières, surtout lorsque celles-ci sont faites tôt en saison et dans les régions situées au sud de l’Amérique du Nord où les coûts énergétiques liés à un changement de tanière sont moins élevés (Linnell et al. 2000). Des cas d’abandon de tanières lors de projet de recherche ont été signalés par Samson et Huot (1995) au Québec, par Kolenosky et Strathern (1987) en Ontario, par Tietje et Ruff (1980) en Alberta et par Goodrich et Berger (1994) au Nevada et en Californie. Le coût énergétique associé au dérangement et à l’abandon de la tanière peut se traduire par une perte de poids supplémentaire de 9 % (Tietje et Ruff 1980). Lors de notre étude, quelques femelles seulement ont eu des températures plus élevées que la température normale d’un ours actif en été (39º). Dans ces derniers cas, on pourrait penser que ces femelles ont été réellement perturbées par le bruit causé par l’approche de l’équipe de terrain et les travaux de dégagement de l’entrée des tanières. De plus, nous avons eu connaissance d’au moins un cas d’abandon de tanière après notre passage. Comme les visites de tanières ont été faites, dans notre étude, relativement tard en saison et qu’une bonne proportion de ces tanières étaient occupées par des femelles accompagnées de petits, moins promptes que d’autres à quitter leurs tanières à la suite d’un dérangement (Linnell et al. 2000), nous croyons que le dérangement provoqué par nos visites a été minimal. Finalement, le fait que la température rectale ait été égale entre les deux aires d’étude suggère donc que les types de tanières utilisées par les femelles de La Vérendrye et de Pontiac avaient des propriétés isolantes adéquates et qu’elles offraient un bon sentiment de sécurité aux femelles qui y étaient réfugiées. 50 7. CONCLUSION Les indices que nous avons examinés nous ont permis de dégager une évaluation qualitative de l’habitat des deux territoires étudiés. C’est surtout la différence de poids observée, au début de l’hiver, chez les femelles de La Vérendrye et de Pontiac et chez les oursons d’un-an, qui ont été les facteurs déterminants au niveau de notre évaluation. À partir de ces indices, on peut avancer que la qualité générale de l’habitat de Pontiac était, pour les ours, supérieure à celle de La Vérendrye. Ceci n’est pas étonnant quand on sait que l’aire d’étude de Pontiac était localisée entièrement dans la zone de forêt feuillue, alors que La Vérendrye était dans une zone de transition entre la forêt feuillue et mixte. La forêt feuillue constitue l’ensemble végétal le plus productif du Québec autant du point de vue de la diversité des espèces végétales présentes (Grondin 1996) que de son dynamisme forestier (MRNFP 2003). La présence en plus grand nombre d’essences arborescentes tels les hêtres et les chênes, qui fournissent des fruits hautement digestibles et très énergétiques pour les ours, n’est pas étrangère à cette supériorité de Pontiac sur La Vérendrye. Dans les secteurs non exploités par la chasse et le piégeage, la forêt de feuillus soutient d’ailleurs de plus grandes densités d’ours que la forêt mixte (Jolicoeur 2004). Dans l’extrême sud du Québec, là où les terres sont les plus riches et le climat le plus doux, l’agriculture et l’élevage offrent également d’autres ressources alimentaires hautement prisées. En effet, il est connu que les ours qui ont accès à des parcelles cultivées, particulièrement en maïs, sont plus productifs et ont une plus grande masse corporelle que les populations d’ours qui ont accès seulement à de la nourriture sauvage (McLaughlin 1998, Elowe 1987). Les ours du Parc national de la Mauricie, qui bénéficient à la fois de la proximité des champs et d’une présence importance d’érablières à hêtre, ont un poids nettement supérieur à ceux de l’Outaouais. Le fait que les ourses de Pontiac aient eu la possibilité d’accumuler avant l’hiver de plus grandes réserves adipeuses ne fait pas pour autant de La Vérendrye une 51 zone marginale pour l’ours noir. En effet, la forêt mixte qui commence à remplacer la forêt feuillue à la hauteur de La Vérendrye représente aussi, d’après Costello et Sage (1994), un très bon habitat pour l’ours noir. Les deux types de forêts (feuillue et mixte) fournissent toutes les deux une grande variété d’aliments recherchés par les ours mais la forêt mixte en produit toujours moins et cela, peu importe son stade de perturbation. C’est au printemps et à l’automne que la forêt de feuillus offre la plus grande biomasse de nourriture pour les ours, alors que la forêt mixte est plus généreuse en fruits de toutes sortes durant l’été (Costello et Sage 1994). De par la nature de leurs sols et des perturbations qui y ont eu lieu, les deux territoires étudiés offrent un très grand choix d’abris de qualité pour passer l’hiver. Même si les femelles de La Vérendrye et de Pontiac ont utilisé différents types de tanières, celles-ci sont parmi les meilleures décrites dans la littérature scientifique. L’isolation thermique et acoustique des tanières de La Vérendrye et de Pontiac a été suffisante pour minimiser la perte de poids au cours de l’hiver et limiter le stress dû au dérangement. Le faible taux de réutilisation des tanières suggère que ces sites sont largement disponibles et ne constituent pas un facteur limitant pour les ours. C’est au niveau de la productivité des populations que se manifestent surtout les bienfaits procurés par une meilleure qualité d’habitat. En effet, l’état des réserves de graisse, au début de l’hiver, conditionne la productivité des femelles chez l’ours (Rogers 1987). Les ourses du Parc national de la Mauricie, qui étaient nettement plus grasses au début de l’hiver que les femelles de l’Outaouais, avaient également davantage d’oursons par portée (2,6 oursons; Samson et Huot 1994) que ces dernières (2,3 oursons; Goudreault et al. (en préparation)). La différence de 8,5 kg au niveau du poids moyen des femelles de Pontiac et de La Vérendrye est probablement à l’origine des différences notables et constantes mais non significatives dans les paramètres de reproduction observés entre ces deux territoires, tels l’âge à la première mise bas, le taux de reproduction en 52 fonction de l’âge, la fréquence des portées de deux et de trois oursons, le nombre moyen d’oursons/portée chez les femelles de huit ans et plus, l’intervalle entre deux mises bas et le synchronisme des naissances (Goudreault et al. (en préparation)). Ces différences auraient été probablement plus marquées et significatives si l’aire d’étude de La Vérendrye avait été localisée au cœur même de la zone de la forêt mixte au lieu d’être dans une zone de transition. Si la productivité des ourses au moment de l’étude semblait plus forte en forêt feuillue qu’en forêt mixte, il est facile d’imaginer que cette tendance ne puisse que s’accentuer dans le futur. En effet, la forêt feuillue est plus accessible que la forêt mixte et c’est dans cette partie du Québec, proche des habitations, que se sont développées toutes sortes d’activités de plein air, tels la villégiature, le camping, la chasse et la pêche. Cette présence humaine améliore encore plus la qualité de l’habitat de l’ours noir par le biais d’apport indirect de nourriture (appâts des chasseurs et des piégeurs, déchets domestiques de toutes sortes, mangeoires d’oiseaux, dépotoirs, etc.). Ce phénomène mériterait d’être davantage documenté dans l’avenir, puisque des études récentes ont récemment démontré l’impact direct de ces sources de nourriture sur la productivité et le comportement des ours et sur la genèse des problèmes d’ours importuns (Beckmann et Berger 2003ab). 53 REMERCIEMENTS Pour sa réalisation, ce projet a nécessité la contribution d’un grand nombre de personnes qui se sont distinguées, les unes autant que les autres, par leur professionnalisme et par leur intérêt envers les différentes étapes de son déroulement : capture des ours, repérages télémétriques, visites de tanières, collecte des fèces, analyse des tractus génitaux, traitements statistiques, etc. Nous remercions, en premier, M. Rolland Lemieux, qui a été le chef des opérations de terrain et qui a eu la lourde responsabilité de capturer les ours en été et d’effectuer les visites aux tanières en hiver. M. Lemieux a été assisté dans ces opérations par un personnel technique dévoué et compétent provenant à la fois de la Direction de la recherche sur la faune, de la Direction de l’aménagement de la faune de l’Outaouais ou encore engagé à contrat. Nous remercions donc très sincèrement nos collègues de travail pour leur participation dans ce projet. Dans l’ordre d’affiliation, nous nommons MM. Bruno Picard, Sylvain St-Onge et Gaétan Couture de la DFH, MM. Bruno Beaudoin, Marc Macquart, Richard Parizeau, René St-Jacques, Michel Lalancette, Benoît Langevin et Christian Pilon de la DRO ainsi que Mme Josiane Vachon et M. François Renaud, qui ont été engagés à contrat pour effectuer les repérages télémétriques. Durant tout le cours du projet, nous avons également accueilli de nombreux(ses) stagiaires de différentes provenances qui ont assisté notre personnel technique dans leur travail de terrain. Nous soulignons ainsi la contribution des stagiaires suivants : MM. Philippe Gruslin, Jean-Christophe Tourneur, Luc Bélanger, Tirdad Shirvani, Martin Dupont, Jocelyn Caron, Ghislain Ladouceur et de Mme Frédérique Bélanger. Dans l’énumération de ceux qui nous ont aidés et qui nous ont apporté un soutien significatif, nous ne pourrions oublier les pilotes d’avion ou d’hélicoptère, avec lesquels nous avons tissé, au fil des ans, des liens d’amitié. Nous remercions donc MM. Normand Ouellette, Michel Proulx et Éric Gauthier de la compagnie Air Mont-Laurier, M. Réal Mélançon, d’Air Mélançon, M. André Lépine des Services aériens Lac-des-Îles, M. JeanGuy Bérubé d’Hélimax et M. David Powell de Forestville Hélicoptère. Dans la même veine, nous soulignons la collaboration empressée du personnel de firme 54 Biotech inc. et Matson’s Laboratory. Nous avons été chanceux de pouvoir compter sur l’expertise du Dr Robert Patenaude, du Jardin Zoologique de Québec, qui n’a jamais ménagé ses judicieux conseils en matière d’immobilisation d’ours et de prélèvement de pièces anatomiques et sur la grande expérience de chercheur de M. Michel Crête, qui nous a conseillé dès le début sur la conception du protocole expérimental et l’interprétation des données. Merci à Mmes Louiselle Beaulieu et Jacinthe Bouchard pour la révision et la mise en forme de ce rapport et à MM. Jean-René Moreau, dessinateur à la Direction de l’aménagement de la faune de l’Outaouais, et Aïssa Sebanne, géomaticien à la Direction de la recherche sur la faune pour leur expertise en géomatique. 55 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ALT, G. L. 1980. Home range and movements of Pennsylvania black bears. Pennsylvania Game News 51: 10-16. ALT, G. L. 1984. Black bear cub mortality due to flooding in natal dens. J. Wildl. Manage. 48:1 432-1 434. ALT, G. L. et J. M. 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Manage. 46 : 845-860. 67 ANNEXE 1 69 Annexe 1 : Femelles qui ont été suivies de 1992 à 1995 à La Vérendrye et à Pontiac. Lieu La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye La Vérendrye 238 239 240 242 243 244 246 247 248 249 250 251 252 256 257 265 266 267 268 270 271 272 274 276 278 332 Domaines vitaux Visite de tanières No femelle 1993 1994 1995 √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ - √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ - √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ 70 Annexe 1 : Femelles qui ont été suivies de 1992 à 1995 à La Vérendrye et à Pontiac (suite). Lieu Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Pontiac Visite de tanières No femelle 283 284 285 286 288 289 292 293 294 306 308 309 310 311 312 315 316 318 320 321 323 336 1993 1994 √ √ √ √ √ √ √ √ - √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ - Domaines vitaux 1995 √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ √ - 71 ANNEXE 2 Annexe 2 : Durée du suivi télémétrique des ours marqués à La Vérendrye et à Pontiac de 1992-1995. TÉLÉMÉTRIE Repérage télémétrique Localisation Date de la capture Observation continue Visite de la tanière Absence de recherche Perte d'émetteur 73 MORTALITÉ Mort : accident routier Mort : Chasse Autre SEXE ET MATURITÉ FAD FSA MAD MSA Femelle adulte Femelle sous-adulte Mâle adulte Mâle sous-adulte RÉSERVE FAUNIQUE DE LA VÉRENDRYE SPÉCIMEN S/M JUL FSA 114 MSA 116 238 239 MSA FA FA 240 FA 242 243 FA FA 244 FA 245 MA 246 247 248 249 250 FA FA FA FA FA 251 FA 252 254 255 256 257 260 264 265 266 267 268 269 270 271 272 273 274 275 276 277 278 279 280 FA MA MA FA FA MA FSA FA FA FA FA MSA FA FA FA FA FA MSA FA MA FA MA MSA 1992 SEP OCT NOV DEC-AVL MAI JUN JUL 1993 AUT SEPT OCT NOV DEC-AVL MAI JUN JUL 1994 AUT SEP OCT NOV DEC-AVL 74 113 AUT ZEC PONTIAC SPÉCIMEN S/M SEP MSA FSA FA FA FA MA FA FA MA MA FA FA FA MA MA MA MSA FA MAD FAD FAD FSA FAD FAD MSA MAD FAD FAD FAD FAD FAD FAD FSA FSA FSA NOV DEC-AVL MAI JUN JUL 1993 AUT SEP OCT NOV DEC-AVL MAI JUN JUL 1994 AUT SEP OCT NOV DEC-AVL 75 122 283 284 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 297 299 300 301 306 307 308 309 310 311 312 313 314 315 316 317 318 320 321 323 325 341 1992 OCT 77 ANNEXE 3 79 Annexe 3 : Superficie (km²) des domaines vitaux d’ours noirs en Amérique du Nord. Endroit Washington Washington Montana Washington GSMNP1 Louisiane Minnesota Québec (Forillon) Ontario GSMNP1 Caroline du Nord Idaho Alberta Québec (La Vérendrye) Virginie Floride Michigan Pennsylvanie Floride Oregon Idaho Vermont Virginie Michigan Pennsylvanie Québec (Gaspésie) Québec (Mauricie 1992) Québec (Outaouais) Floride Georgie Floride Alberta Québec (Mauricie 1991) Floride Femelle Mâle Source 2 5 5 7 7 9 10 10-12 14 15 17 18 20 20 21 25 26 28 31 30-32 34 36 38 32-41 41 47 47 49 65 80 88 94 98 172 5 60 31 21 21 39 129 41 61 105 119 79 135 52 164 105 - Lindzey et Meslow 1977 Poelker et Hartwell 1973 Jonkel et Cowan 1971 Fersterer et al. 2001 Beeman 19752 Anderson 19972 Rogers 1977 Leblanc 2000 Schenk et al. 1998 Garshelis 19782 Wharburton 19842 Reynolds et Beecham 1980 Young et Ruff 1982 Lachapelle 1981 Hellgren et Vaughan 19872 Wooding et Hardisky 19882 Erickson et al. 1964 Alt 1980 Maehr et al. 2003 Vander Heyden et Meslow 1999 Amstrup et Beecham 1976 Hammond 2002 Kasbohm et al. 1998 Hirsch et al. 1999 Alt et al. 1980 Boileau 1993 Samson et Huot 1994 Présente étude Seibert 19932 Scheik 19992 Stratman 19982 Nagy et Russel 1978 Samson et Huot 1994 Maehr 19972 158 38-76 173 209 223 351 139 284 1 Great Smoky Mountains National Park, Tennessee et Caroline du Nord. 2 in Maehr et al. 2003.