CARCINOME NEUROENDOCRINE DE LA PROSTATE (A PROPOS

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CARCINOME NEUROENDOCRINE DE LA PROSTATE (A PROPOS
J Maroc Urol 2007 ; 6 : 29-32
CAS
CLINIQUE
CARCINOME NEUROENDOCRINE DE LA PROSTATE
(A PROPOS D’UN CAS ET REVUE DE LA LITTERATURE)
M. DRISSI, I. LAJI, T. KARMOUNI, K. TAZI, K. EL KHADER, A. KOUTANI, A. IBN ATTYA, M. HACHIMI
Service d’Urologie « B », CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc
RESUME
ABSTRACT
Nous rapportons l’observation d’un cancer neuroendocrine
prostatique observé chez un patient de 71 ans présentant
initialement une masse sous-ombilicale associée à des troubles
mictionnels. Le toucher rectal avait objectivé une grosse
masse bombant en endorectal. Le PSA était à 17 ng/ml. Les
prélèvements biopsiques ont mis en évidence un
adénocarcinome prostatique avec un score de Gleason à 9.
Le diagnostic était basé sur l’analyse immuno-histochimique
des fragments biopsiques suite à l’hormonorésistance de ce
cancer. Une chimiothérapie a pu être commencée mais le
patient est décédé au décours d’une altération rapide de
l’état général.
A la lumière de cette observation et à travers une revue de
la littérature, les aspects épidémiologiques,
anatomopathologiques, cliniques, thérapeutiques et évolutifs
du carcinome neuroendocrine de la prostate seront analysés.
NEUROENDOCRINE PROSTATE CARCINOMA (A CASE
REPORT AND REVIEW OF LITERATURE)
We report the case of a 71-years old patient presenting with
infra-umbilical mass associated with lower urinary tracts
symptoms. Rectal examination revealed a mass. PSA was 17
ng/ml and prostatic biopsies showed prostatic cancer. Gleason
score was 9. The diagnosis was based on the immunohisology analysis of the samples after being hormone-resistant
cancer. We started the chemotherapy but the patient died
during the cycles of the treatment.
Through this case and the data of the literature, we studied
epidemiologic, histopathologic, diagnostic, therapeutic and
the follow up of the neuroendocrine prostate carcinoma.
Key words : prostate ; neuroendocrine carcinoma ; treatment.
Mots clés : calcul ; prostate ; carcinome neuroendocrine ;
traitement.
Correspondance : Dr. M. DRISSI, Imm 22 bis, appt 5, rue
oukaimeden, Agdal, Rabat, Maroc. e-mail : [email protected]
INTRODUCTION
OBSERVATION
Le carcinome neuroendocrine de la prostate est une
entité rare, qui regagne de l’intérêt actuellement dans
la pathologie prostatique. Son origine est discutée [1].
Son diagnostic est histologique. Sa fréquence est sousestimée puisque son dépistage n’est pas fait de manière
systématique. Une différentiation neuro-endocrine est
présente dans presque la moitié des adénocarcinomes
classiques de la prostate lorsqu’on la recherche par
immuno-histochimie avec plusieurs marqueurs
neuroendocrines [2]. C’est une tumeur rapidement
évolutive dont le pronostic demeure sombre.
Monsieur O.B… âgé de 71 ans, sans antécédents
pathologiques particuliers, présentait un an auparavant
des troubles mictionnels associés à des troubles du
transit à type de constipation et à une altération de
l’état général. L’examen clinique retrouvait une masse
sous-ombilicale à limites difficilement appréciables,
homogène et rénitente avec au toucher rectal une
masse bombant en endorectal, de consistance dure.
Les aires ganglionnaires étaient libres. Le bilan
biologique avait montré un PSA à 17 ng /ml, une
créatininémie à 13 mg/l et les urines étaient stériles.
Une échographie rénale et vésico-prostatique fut réalisée
objectivant une urétérohydronéphrose bilatérale
modérée avec la présence d’une masse tissulaire
hétérogène de la fosse iliaque gauche se continuant
avec une prostate hétérogène. La tomodensitométrie
pelvienne montrait qu’il s’agissait d’un processus
Nous rapportons l’observation d’un cancer
neuroendocrine à travers laquelle, ainsi que des données
de la littérature, nous discuterons les aspects
épidémiologiques, anatomopathologiques, cliniques,
thérapeutiques et évolutifs de cette pathologie.
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Carcinome neuroendocrine de la prostate
M. DRISSI et coll.
DISCUSSION
tissulaire intraprostatique étendu, refoulant la vessie
en avant et le rectum en arrière (fig. 1). La radiographie
pulmonaire était sans anomalie. Six ponctions
biopsiques prostatiques ont été faites. L’étude
histologique avait mis en évidence un adénocarcinome
prostatique peu différencié avec un score de Gleason
à 9. Une castration chirurgicale associée à une résection
transurétrale de la prostate furent réalisées. Le bilan de
contrôle à un mois avait objectivé une créatininémie
à 17 mg/l et un PSA à 150 ng/ml. Une origine
neuroendocrine fut alors évoquée, d’où la relecture
des lames avec une étude immuno-histochimique
confirmant ainsi le diagnostic d’un carcinome
neuroendocrine. Le patient avait bénéficié d’une montée
de sonde urétérale double J puis fut confié pour une
chimiothérapie. Un bilan de contrôle fait à un mois
avait objectivé un PSA à 30 ng/ml et une créatinine
sanguine à 12 mg/l, mais 20 jours plus tard, le patient
est décédé dans un tableau de cachexie cancéreuse.
De nombreux types morphologiques de carcinomes
prostatiques ont été rapportés, représentant moins de
10% des adénocarcinomes [3]. Ces différents types
doivent être reconnus afin de pouvoir les identifier et
les distinguer des lésions bénignes.
Les tumeurs neuroendocrines de la prostate ont été
décrites par Feyrter en 1944, elles appartiennent au
système endocrinien diffus (SED), et représentent une
minorité de cellules épithéliales présentes aussi bien
dans le tissu normal, hyperplasique, mais avec un
pourcentage plus élevé dans le tissu dysplasique et
carcinomateux [4, 5]. La plupart des cellules
neuroendocrines contiennent de la sérotonine, la
chromogranine et moins fréquemment de la calcitonine,
de la somatostatine ou de l’HCG. Dans la majorité des
cas, il n’y a pas de traduction clinique des sécrétions
hormonales [3, 4].
Outre les cancers neuroendocrines à petites cellules,
dont le diagnostic anatomo-pathologique est plus aisé,
un problème se pose pour les adénocarcinomes avec
différentiation neuro-endocrine [6]. En effet, la présence
de cellules neuroendocrines a été décrite dans près de
100% des adénocarcinomes prostatiques [7]. A l’heure
actuelle, il n’y a pas de consensus sur le pourcentage
de cellules neuroendocrines à partir duquel un
adénocarcinome prostatique est considéré comme
neuroendocrine tant sur le plan diagnostique,
pronostique que thérapeutique.
Cliniquement, on ne retrouve aucune particularité.
L’élévation du PSA est d’autant plus faible que la
proportion de la tumeur neuroendocrine est importante.
La preuve diagnostique revient à l’immuno-histochimie.
Elle montre une positivité de la prolifération tumorale
avec les marqueurs neuroendocrines : chromogranine
A et/ou B, NSE (Neuron-Specific Enolase),
synaptophysine, Leu 7.
1.a
La chromogranine A reflète l’importance des foyers
neuroendocrines au sein du tissu tumoral et
métastatique. Elle permet de suivre l’évolution après
traitement. En contraste, l’utilité de la NSE chez les
patients à un stade avancé est incertaine et l’incidence
de son évolution est moindre par rapport à la
chromogranine A [7, 8].
Actuellement, le dosage sérique de la chromogranine
A est possible. Dans la littérature, de nombreux articles
soulignent l’intérêt du dosage plasmatique de la
chromogranine A et du NSE dans le dépistage et le
suivi des cancers neuroendocrines avec une supériorité
de la chromogranine A par rapport au NSE [9, 10, 11,
12]. Au cours du suivi des adénocarcinomes
prostatiques, plusieurs auteurs [9, 11, 13] ont montré
qu’une élévation de ces deux marqueurs représentait
un facteur de mauvais pronostic, indépendant du PSA.
Ceci reste néanmoins très discuté [1]. Ils ne doivent
pas être réalisés à titre systématique devant tout cancer
de la prostate, en raison de leur coût élevé et du faible
1.b
Fig. 1. TDM : processus prostatique énorme refoulant
la vessie en avant et le rectum en arrière.
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Cependant, le recul et le nombre des cas restent
insuffisants pour prédire de l’efficacité des traitements
actuellement proposés.
pourcentage représenté par les cancers neuroendocrines.
Néanmoins, lorsque plusieurs éléments orientent vers
une forme neuroendocrine (tableau I), le dosage de
ces deux marqueurs représente un argument
supplémentaire avant une étude immuno-histochimique.
L’espoir réside dans la connaissance de la biologie qui
permettra certainement de répondre à de nombreuses
questions.
Ces marqueurs ont surélevé les difficultés de guetter
les métastases distantes surtout dans les formes à PSA
bas et à cet égard, le SRS (total body somatostatinreceptor scintigraphy) a prouvé une plus forte prédiction
que la scintigraphie conventionnelle.
REMERCIEMENTS
Je remercie toutes les personnes qui m’ont aidé à faire
ce travail. Je remercie aussi mes professeurs qui ont
été très généreux par leur expérience et leurs
connaissances.
Enfin, insistons sur l’agressivité de ces tumeurs,
reconnues par leur haut pouvoir évolutif et leur
androgéno-résistance [7, 14].
Les études actuelles montrent que le statut
neuroendocrine augmente avec la durée de
l’hormonothérapie et avec la survenue de l’échappement
hormonal [1, 15]. Selon la littérature, la
polychimiothérapie à base de platinum a été proposée
pour certains patients, comme pour les cancers
pulmonaires, mais les rémissions complètes étaient de
courte durée [8].
Enfin, je tiens à féliciter le comité du journal pour sa
volonté à développer le domaine scientifique dans
notre pays et par conséquent encourager les jeunes
médecins à faire plus de recherche.
REFERENCES
De nouvelles thérapeutiques à savoir les analogues de
la somatostatine et les antagonistes de la bombésine,
inhibant par compétition les neuropeptides nécessaires
à la croissance neuroendocrine, ont été récemment
proposées [7].
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CONCLUSION
3. Soulié M, Barre C, Beuzeboc P, Chautard D, Comud F,
Eschwege P, Fontaine E, Molinie V, Moreau JL, Peneau
M, Ravery V, Rebillard X, Richaud P, Ruffion A, Salomon
L, Staerman F, Villers A, Comité de Cancérologie de
l’Association Française d’Urologie. Les cancers
prostatiques. Prog Urol 2004 ; 14 (4 Suppl 1) : 913-956.
Le carcinome neuroendocrine est une tumeur à haut
risque de progression et de métastases. Il est androgénoindépendant définissant ainsi une des formes graves
du cancer prostatique. Des éléments cliniques et
paracliniques orientent le diagnostic qui sera confirmé
par l’analyse immuno-histochimique. Ceci permettra
une prise en charge précoce basée sur la chimiothérapie.
4. Hirano D, Okado D. Neuroendocrine differentiation in
human refractory prostate cancer. Eur Urol 2004 ; 45:
586-92.
Tableau I: Critères devant faire évoquer un cancer neuroendocrine de la prostate [7].
Clinique
Paraclinique
Anatomopathologique
• Altération récente et rapide de
l’état général
• PSA faiblement élevé avec toucher
rectal anormal ± présence de
métastase
• Présence de cellules faiblement
différentiées
• Douleurs abdominales
paroxystiques
• Existence d’un syndrome
paranéoplasique biologique
• Présence de granules denses
intra-cytoplasmiques
• Apparition et évolution rapide de
signes fonctionnels urinaires
obstructifs
• (Gleason élevé)
• Existence d’un syndrome
paranéoplasique clinique
• Absence d’amélioration sous
traitement hormonal
• Dosage NSE et chromogranine A
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• Etude immuno-histochimique
Carcinome neuroendocrine de la prostate
M. DRISSI et coll.
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